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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2279/2017

ATA/1283/2018 du 27.11.2018 sur JTAPI/1299/2017 ( ICC ) , REJETE

Descripteurs : IMPÔT ; DROIT FISCAL ; DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL) ; DÉDUCTION POUR FRAIS D'ENTRETIEN D'IMMEUBLE ; JARDINIER ; FARDEAU DE LA PREUVE
Normes : LPFisc.2.al2; LIPP.34.letd..par1; LIPP.38.leta; LIPP.38.letd; LPA.22
Résumé : Propriétaire d'une maison de maître employant deux jardiniers à plein temps. Dès lors que la recourante n'a pas démontré que le travail de ses jardiniers concernait exclusivement l'entretien du jardin, le refus de déduire l'intégralité de leurs salaires et de leurs cotisations sociales est confirmé.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2279/2017-ICC ATA/1283/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 novembre 2018

4ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Per Prod'Hom, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 décembre 2017


EN FAIT

1. Dans sa déclaration fiscale 2011, Madame A______ a notamment mentionné des charges et frais d’entretien d’immeuble de CHF 334'397.- pour sa propriété sise à B______ (ci-après : l’immeuble).

Elle a joint à sa déclaration une liste détaillant les frais de son immeuble, parmi lesquels le salaire de ses deux jardiniers, qui se montait respectivement à CHF 123'414.05 et à CHF 123'375.40, ainsi que la part employeur de leurs cotisations en matière d'assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS) et de prévoyance professionnelle (ci-après : LPP), s'élevant à CHF 35'267.00.

2. Dans le cadre de l’instruction de cette taxation 2011, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) l'a invitée à lui fournir les curriculums vitae des deux jardiniers, une description exhaustive de leurs tâches, leurs certificats de salaires, ainsi qu’une copie de leurs contrats de travail.

3. Par lettre du 14 janvier 2013, la contribuable a remis à l’AFC-GE les certificats de salaire et les contrats de travail de ses deux jardiniers.

Ils étaient chargés exclusivement de l’entretien du jardin, qui s’étendait sur 23'205 m2. Leurs tâches consistaient en l’entretien des pelouses (scarification, semis, arrosage, etc.), des fleurs (mauvaises herbes, arrosage, etc.), du potager, des allées de gravier, des plates-bandes (tour des façades), des clôtures avec de petits travaux de peinture, la taille des arbres, des haies et des arbres fruitiers, l’enlèvement des feuilles mortes, le rangement de la cabane de jardin (outils et machines de jardin), l’assistance pour la réparation des machines et des outils de jardin et le contrôle des grilles d’écoulement et en divers travaux d’entretien des extérieurs.

L'art. 4 des deux contrats de travail mentionnait que « l’employé est tenu d’exécuter avec soin le travail qui lui est confié et s’acquittera au mieux de l’ensemble de ses tâches telles que définies à la liste annexée au présent contrat. Il respectera scrupuleusement le règlement interne de la maison dont un exemplaire est joint au présent contrat. La liste des tâches et le règlement interne pourront être adaptés unilatéralement par [Mme A______] en fonction de ses besoins et feront, le cas échéant, l’objet d’une notification par courrier LSI à l’employé. L’employé pourra être amené à, le cas échéant, assister le reste du personnel de maison, notamment en vue d’assurer des petits travaux de réparation ou d’entretien de l’ensemble de la maison ».

4. Par courrier du 2 juillet 2013 adressé à l’AFC-GE, la contribuable a complété les frais d’entretien de son immeuble en les portant à CHF 354'153.25.- selon une liste annexée.

5. Par bordereau de taxation daté du 3 octobre 2016, l’AFC-GE a fixé l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2011 à CHF 1'323'995.55.- sur la base d’un revenu imposable de CHF 3'371'322.- au taux de CHF 3'439'190.-, et d’une fortune imposable de CHF 174'276'394.- au taux de CHF 177'107'218.-.

Selon l’avis de taxation joint à ce bordereau, elle admettait des charges et frais d’entretien d’immeuble à concurrence de CHF 83'749.-, soit CHF 66'739.- (impôt immobilier complémentaire inclus) pour l’immeuble de B______.

Les factures relatives à la fourniture de terre, graviers, remplacement et renouvellement de fleurs et de plantes, les factures relatives au remplacement des lampes et luminaires, ainsi que les salaires et charges sociales des jardiniers, n’étaient pas déductibles.

6. Le 9 novembre 2016, Mme A______ a élevé réclamation contre le bordereau de taxation précité, en concluant à ce que les frais de jardin mentionnés dans sa déclaration fiscale 2011 soient admis, soit la déduction des salaires et des cotisations sociales versés pour ses jardiniers.

7. Par décision sur réclamation du 9 mai 2017, l’AFC-GE a partiellement admis la réclamation et remis à la contribuable un bordereau rectificatif fixant l’ICC 2011 à CHF 1'240'070.35.-, calculé selon un revenu imposable de CHF 3'230'301.- au taux de CHF 3'298'162.-. La fortune imposable restait inchangée.

D’après l’expérience de la vie, les travaux effectués comprenaient à la fois des frais d’entretien et des frais d’embellissement, de sorte qu’il convenait de les répartir entre ces deux catégories. Selon une « pratique non publiée, mais bien établie », le salaire des jardiniers était forfaitairement déductible à hauteur de 50 %. L’AFC-GE se référait à une jurisprudence de 1988, concernant des déductions forfaitaires pour personnes physiques, applicable par analogie. La contribuable n’étant pas en mesure de démontrer de manière chiffrée que la totalité de leur salaire avait été consacrée à l’entretien exclusif du jardin, il convenait d’admettre le 50 % de CHF 282'056.- (correspondant aux salaires des deux jardiniers et à leurs charges sociales), soit CHF 141'028.-. Compte tenu des frais précédemment admis de CHF 66'739.-, le total des charges et frais d’entretien de l’immeuble devait s’élever à CHF 207'767.-.

8. Par acte du 23 mai 2017, la contribuable a recouru contre la décision sur réclamation précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation et à ce qu’une déduction supplémentaire de CHF 141'028.-, correspondant à l’autre moitié des salaires et des charges sociales des jardiniers, soit admise, le tout « sous suite de frais et de dépens ».

Le pourcentage de 50 % des salaires et charges sociales des jardiniers était arbitraire, car il était bien loin du pourcentage effectif des travaux d’entretien qui étaient proches de 100 %.

Avec sa notice de 2007, puis avec celle de 2011, l’AFC-GE avait admis la possibilité de déduire comme frais d’entretien d’immeuble les « frais de jardinier pour la taille des haies, l’élagage des arbres et la tonte du gazon, à l’exclusion des frais d’embellissement et d’agrément », acceptant ainsi une pratique englobant les frais de jardin de manière large. Au vu de cette évolution moins restrictive, la référence à un arrêt de 1988 pour justifier une déduction forfaitaire de 50 % des frais de jardiniers apparaissait surprenante.

La recourante n’avait fait que suivre la lettre de la circulaire genevoise, et il ne devait pas y avoir de différence objective selon que les travaux d’entretien étaient exécutés par des entreprises externes ou par des jardiniers employés par un propriétaire.

9. Dans sa réponse du 28 juillet 2017, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Comme la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) l’avait déjà relevé dans une cause concernant la recourante pour les années fiscales 2009 et 2010, tous les frais de jardin n’étaient pas déductibles, seuls ceux d’entretien l’étant. Tant pour ces années que pour l’année en cause, la recourante, à qui le fardeau de la preuve incombait, n’était pas parvenue à démontrer que ses jardiniers avaient fourni exclusivement un travail d’entretien du jardin. D’ailleurs, le contrat de travail prévoyait que ses jardiniers pouvaient être amenés à effectuer d’autres tâches que du pur jardinage, soit « assister le reste du personnel de maison, notamment en vue d’assurer des petits travaux de réparation ou d’entretien de l’ensemble de la maison ». Les tâches des jardiniers employés par la recourante comprenaient indéniablement des frais d’embellissement et d’agrément non déductibles.

10. Dans sa réplique du 10 août 2017, Mme A______ a maintenu ses conclusions.

Il fallait nuancer l’interprétation de l’intimée quant à la charge de la preuve et au degré d’exigence lié à cette preuve. Elle avait prouvé les salaires et charges sociales versés pour ses deux jardiniers. Avant de simplement refuser, dans un premier temps, le 100 % de ces frais, l’AFC-GE aurait pu requérir des preuves de sa part lors de la taxation. Il apparaissait hautement vraisemblable que les travaux réalisés dans le jardin, sans constructions nouvelles, relevaient quasi exclusivement de l’entretien. Les autres dépenses décrites dans la liste des frais tendaient à le démontrer. Vu qu’elle ne pouvait pas prouver un fait négatif, il appartenait à l’AFC-GE d’établir qu’il y avait eu d’autres types de travaux.

11. Dans sa duplique du 4 septembre 2017, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse du 28 juillet 2017.

Les frais non déductibles englobaient les travaux à plus-value, ainsi que les frais d’embellissement et d'agrément. La preuve d’un travail d'entretien de la part des jardiniers incombait à la recourante, puisqu’elle sollicitait la déduction de ses frais. Dès lors qu'elle n’avait pas démontré que les tâches de ses jardiniers consistaient exclusivement en de l’entretien, l’application de sa pratique, consistant à admettre le 50 % de leurs salaires et des charges sociales, était parfaitement conforme à la loi et à la jurisprudence.

12. Par jugement du 11 décembre 2017, le TAPI a rejeté le recours.

Mme A______ n'avait pas fourni d’éléments de preuve suffisants relatifs à l’entretien exclusif ou presque de l’immeuble par ses jardiniers, en ne remettant pas la liste de leurs tâches, indiquée comme annexée à leurs contrats de travail. L'art. 4 des contrats de travail produits stipulait en effet que cette liste des tâches pouvait être adaptée unilatéralement par l'employeur en fonction de ses besoins et que l'employé pouvait être amené, le cas échéant, à assister le reste du personnel de maison, notamment en vue d'assurer des petits travaux de réparation ou d'entretien de l'ensemble de la maison.

De plus, l'activité de jardinage exercée par ceux-ci devait très certainement comprendre des travaux visant un but d'embellissement et d'agrément, dont le coût n'était pas déductible. Dès lors, l’AFC-GE avait à raison admis un montant des salaires et des charges sociales des deux jardiniers limité à la moitié de ces frais.

13. Par acte expédié le 12 janvier 2018, la contribuable a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation, à ce que la déduction supplémentaire de CHF 141'028.-, correspondant à l’autre moitié des salaires et des charges sociales des jardiniers, soit admise, le tout « sous suite de frais et de dépens ».

Les travaux effectués par les deux jardiniers devaient être apparentés à des frais d'entretien. Lorsqu'elle avait utilisé des prestataires externes pour ces mêmes travaux de jardins, la déduction des frais avait été reconnue. Il n'y avait pas de différence objective selon laquelle des travaux de jardin seraient affectés à l'entretien de l'immeuble lorsqu'ils étaient réalisés par des entreprises, alors qu'ils deviendraient des frais « d'embellissement ou d'agrément » lorsqu'ils étaient réalisés par des jardiniers employés par un ou une propriétaire. Le statut juridique du prestataire ne modifiait pas le travail réalisé, ni son affectation.

L'estimation des frais d'entretien d'immeuble et leur appréciation s'apparentait à une taxation d'office, puisque l'AFC-GE substituait sa propre estimation à la sienne. L'AFC-GE devait tenir compte de tous les éléments de faits pertinents et obtenir un résultat aussi proche que possible de la réalité. Or, le pourcentage retenu s'en éloignait. En acceptant partiellement la réclamation et en ne retenant que 50 % des salaires et charges sociales des jardiniers, cette position ne tenait pas compte des éléments du dossier, ni de ses explications, notamment de la description des travaux des jardiniers et du fait que le jardin ne contenait pas de constructions nouvelles qui auraient pu être construites par ces derniers. Cette position était arbitraire, le pourcentage retenu étant moindre que le pourcentage effectif des travaux d'entretien, qui était proche de 100 %.

La vraisemblance liée à la nature des frais était également de nature à renverser le fardeau de la preuve. Elle ne pouvait pas être obligée de prouver des faits négatifs, à savoir qu'il n'y avait pas d'autres travaux de plus-value qui n'auraient pas été exécutés. La réalité des frais n'étant pas contestée et étant hautement vraisemblable que des jardiniers s'occupaient de la tonte régulière d'un jardin de 23'205 m2 et de l'élagage d'environ 400 mètres de haies, ainsi que l'élagage des arbres d'une petite forêt, il fallait conclure que le pourcentage des travaux d'entretien, selon l'expérience de la vie, était de nature à représenter un taux proche de 100 % des travaux totaux, sans devoir exiger plus de preuves de sa part. Il y avait un renversement de la preuve à la charge de l'intimée. Nul n'était d'ailleurs tenu à l'impossible. Comme elle ne pouvait pas prouver un fait négatif, il appartenait à l'AFC-GE de prouver qu'il y aurait eu d'autres types de travaux qui ne seraient pas déductibles. À défaut, elle devait bénéficier de la haute vraisemblance des faits sur lesquels elle se basait et qui n'avaient pas été réfutés.

La recourante produisait à nouveau la liste des tâches de ses jardiniers telle que dans sa lettre du 14 janvier 2013 et complétait sa réponse en indiquant que ceux-ci avaient tout au plus planté quelques fleurs ou plantes supplémentaires qui avaient éventuellement apporté une plus-value tout à fait marginale par rapport à la situation antérieure.

14. Le 23 janvier 2018, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

15. Dans sa réponse du 2 mars 2018, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision sur réclamation du 9 mai 2017 et du jugement du 11 décembre 2017.

Elle persistait dans les termes et conclusions de ses écritures des 28 juillet et 4 septembre 2017, relevant l’absence d’argument ou pièce nouveaux de la recourante.

16. Le 5 mars 2018, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 13 avril 2018 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

17. Aucune des parties ne s'est manifestée.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige porte sur la déduction en totalité, au titre de frais d'entretien d'immeuble, des salaires et charges sociales payés par la recourante à ses deux jardiniers, employés à demeure et à plein temps, durant l'année fiscale 2011.

3. Selon l’art. 34 let. d 1ère phr. LIPP, le contribuable qui possède des immeubles privés – tel est le cas en l'espèce – peut déduire les frais nécessaires à leur entretien.

L’art. 38 let. a et d LIPP prévoit toutefois que les frais d'entretien du contribuable et de sa famille, y compris les loyers du logement et les dépenses privées résultant de sa situation professionnelle (let. a) et les frais d'acquisition, de production ou d'amélioration d'éléments de la fortune (let. d) ne sont pas déductibles.

Ces dispositions légales cantonales trouvant leur pendant en impôt fédéral direct (ci-après : IFD) aux art. 32 al. 2 1ère phr. et 34 let. a et d de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), la doctrine et la jurisprudence concernant ces derniers valant également pour ces premières, hormis certaines spécificités cantonales mentionnées ci-après.

Ainsi, ne sont pas déductibles les frais supplémentaires résultant d’un mode de vie élevé, que le contribuable estime devoir assumer en raison de sa position professionnelle, dits aussi frais de train de vie. Par exemple, le coût du personnel de maison, de jardiniers ou d’un secrétaire privé ne peuvent pas être déduits (Nicolas MERLINO in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand - loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, 2ème éd., 2017, p. 787 n. 6 ad art.  34 LIFD).

Les frais d’amélioration d’éléments de la fortune immobilière constituent quant à eux des dépenses d'investissement ayant pour effet d'apporter une plus-value à l'immeuble. Ils se démarquent donc des frais d'entretien en ce que ces derniers sont essentiellement encourus pour « des travaux destinés à compenser l'usure normale de la chose due à son usage et à l'écoulement du temps, et à maintenir l'état d'entretien original du bien », de façon à conserver la source du revenu que représente le bien immobilier pour le contribuable (Nicolas MERLINO, op. cit., p. 687 n. 64 ad art. 32 LIFD).

Certains cantons, comme Genève, prennent en compte un supplément pour le jardin dans le calcul de la valeur locative de l’immeuble, de sorte qu’ils doivent alors accepter la déduction des frais d’entretien y relatifs (Nicolas MERLINO, op. cit., p. 679 n. 38 ad art. 32 LIFD).

La délimitation entre frais d’entretien et investissements est délicate en ce qui concerne le jardin. Ainsi, les dépenses régulières pour l’entretien et le remplacement de plantes, pour des améliorations de la clôture, la réparation de chemins et de murets dans le jardin sont des frais d’entretien ; il en est de même des frais pour les travaux réguliers de déblayage, de nettoyage, de tonte du gazon, de plantation de fleurs à couper, de fruits et de légumes. En revanche, la première plantation d’arbres, de buissons et de plantes ne représente pas des frais d’entretien (ATA/809/2015 du 11 août 2015 consid. 6c ; ATA/102/2006 du 7 mars 2006 et les références citées ; Nicolas MERLINO, op. cit., p. 693 n. 82 ad art. 32 LIFD ).

4. Ces principes ont été précisés par l’AFC-GE dans une information du 30 janvier 2007 (AFC-GE, Information no 2/2007, Déductibilité des charges et frais d'entretien des immeubles, 30 janvier 2007), remplacée, dès l’année fiscale 2010, par une nouvelle information (AFC-GE, Information no 1/2011, Déductibilité des frais d'entretien des immeubles privés, 1er février 2011, n. 5) traitant de la déductibilité des frais d'entretien des immeubles privés sur le plan de l'ICC et de l'IFD, ainsi que dans une notice du 1er février 2007 (AFC-GE, Notice no 1/2007, Déductibilité des charges et frais d'entretien des immeubles, 1er février 2007), également remplacée par une nouvelle notice (AFC-GE, Notice no 1/2011, Déductibilité des frais d'entretien des immeubles privés, 1er février 2011) qui a pour objet de détailler de manière non exhaustive la qualification de certaines dépenses et leurs incidences en relation avec leur déductibilité fiscale.

Cette notice prévoit notamment que les frais de jardinier pour la taille des haies, l'élagage des arbres et la tonte du gazon, à l'exclusion des frais d'embellissement et d'agrément (ch. 8.1.1.1), les dépenses engagées pour la réparation et le remplacement du taille-haies et de la tondeuse du propriétaire s'occupant de son jardin (8.1.1.2) et, pour l’abattage, le remplacement d'arbres, si obligatoire, (8.1.1.3) constituent des frais immobiliers déductibles. Il en va de même de la réparation ou du remplacement des clôtures en dur, des murs de soutènement et de jardin (8.1.2.2), des clôtures naturelles (thuyas, etc. ; 8.1.2.3), des accès, des chemins et des places (8.1.3.2), ainsi que les frais de déneigement (8.1.3.3).

En revanche, ne sont pas déductibles les dépenses concernant la première plantation d’arbres, de haies (8.1.1.4), les frais d’embellissement et d’agrément (fleurs, jardin potager, engrais, sécateurs, etc.) (8.1.1.5), le mobilier de jardin (8.1.1.6), ainsi que toute nouvelle construction/agrandissement (8.1.2.1), le premier goudronnage, pavage ou pose de dalles en ciment, etc. (8.1.3.1). Ce sont le cas également des frais concernant l’amélioration du sol tels le drainage, l’étayage, la mise en place de terre végétale, etc. (8.1.4.1). Il s’agit en effet de dépenses courantes liées économiquement et juridiquement à la possession d’un immeuble, mais qui sont qualifiées fiscalement d’utilisation du revenu (au sens de l’art. 38 let. d LIPP).

5. Si les directives, circulaires ou instructions émises par l'administration ne peuvent contenir de règles de droit, elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou quant à la mise en pratique de celle-ci. Sans être lié par elles, le juge peut néanmoins les prendre en considération en vue d'assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré. Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATF 129 V 205 consid. 3.2 ; 127 V 61 consid. 3a ; 126 V 68 consid. 4b ; 427 consid. 5a ; 121 II 478 consid. 2b et les références). Émise par l'autorité chargée de l'application concrète d’une loi, l'ordonnance administrative est un mode de gestion : elle rend explicite une ligne de conduite, permet d'unifier et de rationaliser la pratique, assure ce faisant aussi l'égalité de traitement et la prévisibilité administrative et facilite le contrôle juridictionnel, puisqu'elle dote le juge de l'instrument nécessaire pour vérifier que l'administration agit selon des critères rationnels, cohérents et continus, et non pas selon une politique du cas par cas (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/ Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, pp. 426-427).

6. La procédure administrative est régie essentiellement par la maxime inquisitoire, selon laquelle l'autorité définit les faits pertinents et les preuves nécessaires, qu'elle ordonne et apprécie d'office. Cette maxime doit cependant être relativisée par son corollaire, à savoir le devoir des parties de collaborer à l'établissement des faits (ATF 128 II 139 consid. 2b ; 120 V 357 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_205/2012 du 6 novembre 2012 consid. 2.1). Conformément au principe général de procédure consacré à l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), il incombe en effet à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'il est le mieux à même de connaître, notamment parce qu'ils ont trait spécifiquement à sa situation personnelle (ATF 125 IV 161 consid. 4 ; 120 Ia 179 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_205/2012 du 6 novembre 2012 consid. 2.1 ; 1B_152/2008 du 30 juin 2008 consid. 3.2). Le Tribunal fédéral a même qualifié cette obligation de « devoir de collaboration spécialement élevé » lorsqu'il s'agit d'éléments ayant trait à la situation personnelle de l'intéressé, puisqu'il s'agit de faits qu'il connaît mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 1C_58/2012 du 10 juillet 2012 consid. 3.2 et la référence citée ; 2C_703/2008 du 8 janvier 2009 consid. 5.2 ; 2C_80/2007 du 25 juillet 2007 consid. 4 et les références citées).

Le droit genevois de procédure administrative prévoit par ailleurs que les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits dans les procédures qu'elles introduisent elles-mêmes, dans celles où elles y prennent des conclusions indépendantes ainsi que dans les autres cas prévus par la loi (art. 22 LPA applicable par renvoi de l'art. 2 al. 2 LPFisc).

7. En matière fiscale plus spécifiquement, il appartient à l’autorité fiscale de démontrer l’existence d’éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S’agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; 2C_319/2014 du 9 septembre 2014 consid. 2.2 ; ATA/1197/2018 du 6 novembre 2018 consid. 3a ; ATA/809/2015 précité consid. 6d). Ces règles s’appliquent également à la procédure devant les autorités de recours en matière fiscale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_986/2013 du 15 septembre 2014 consid. 5.1.4 ; 2C_47/2009 du 26 mai 2009 consid. 5.4).

8. Conformément à la jurisprudence, dès lors que l'AFC-GE a écarté un montant lors de la taxation, puis lors de la réclamation, il appartient au recourant d'apporter spontanément les justificatifs y relatifs (arrêt du Tribunal fédéral 2C_132/2010 du 17 août 2010 consid. 3.5.3 ; ATA/1160/2018 du 30 octobre 2018 consid. 11 ; ATA/702/2011 du 15 novembre 2011). Ainsi, par exemple, lorsque l'administration a écarté des frais prétendument professionnels, il appartient au contribuable de faire le nécessaire pour rassembler tous les justificatifs propres à étayer ses allégations et démontrer l’existence de frais en relation avec son activité professionnelle (ATA/702/2011 précité consid. 5).

9. En l’espèce, la recourante demande la déduction du salaire et de la part employeur des charges sociales y afférentes versés à deux jardiniers employés à plein temps en 2011. Elle affirme que ces frais seraient déductibles, puisqu'il ne doit pas y avoir de différence objective selon que les travaux d’entretien sont exécutés par des entreprises externes ou par des jardiniers employés par un propriétaire.

Il sied de relever que la recourante n’a pas fourni à la chambre de céans la liste des tâches de ses jardiniers, indiquée comme annexée à leurs contrats de travail, tel que l'avait déjà soulevé le TAPI dans les causes nos A/2279/2017 et A/185/2018.

L’art. 4 des deux contrats de travail stipulait que cette liste des tâches pouvait être adaptée unilatéralement par la recourante en fonction de ses besoins et que l’employé pouvait être amené, le cas échéant, à assister le reste du personnel de maison, notamment en vue d’assurer des petits travaux de réparation ou d’entretien de l’ensemble de la maison.

Comme l'ont relevé les premiers juges, on ne peut dès lors s’empêcher de penser que, si cette liste avait mentionné des tâches relatives à l’entretien exclusif ou presque de l’immeuble, la recourante n’aurait pas manqué de la produire spontanément. Il est en effet fort probable que ces deux employés pouvaient être occupés à des tâches autres que celles du jardin, comme le laissait entendre l’art. 4 du contrat.

À cela s’ajoute également qu'il ressort des éléments du dossier que l’activité de jardinage exercée par les deux jardiniers comprenait aussi des travaux visant un but d’embellissement et d’agrément (fleurs, jardin potager, arbres fruitiers, plates-bandes, engrais, sécateurs, etc.), mentionné au chiffre 8.1.1.5 de la notice n.  1/2011, dont le coût n’est pas déductible.

Ce faisant, la contribuable perd de vue que toutes les dépenses effectuées en lien avec des travaux de jardinage ne sont pas déductibles, seules les dépenses d’entretien l’étant. Or, si elle allègue qu’il s’agirait de frais d’entretien d’immeuble, elle ne démontre pas que ses jardiniers auraient fourni exclusivement un travail d’entretien du jardin, alors que le fardeau de la preuve lui incombe s’agissant d’une déduction.

Dans ces circonstances, l’AFC-GE et le TAPI ont à bon droit refusé la déduction de l'entier des salaires et des cotisations sociales des jardiniers dans le cadre de l’ICC 2011. En conséquence, mal fondé, le recours sera rejeté.

10. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 janvier 2018 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 décembre 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Per Prod'Hom, avocat de la recourante, à l'administration fiscale cantonale, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mme Junod, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :