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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2025/2016

ATA/70/2018 du 23.01.2018 sur JTAPI/413/2017 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS ; CONDITION DE RECEVABILITÉ ; INTÉRÊT ACTUEL ; CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; PERTURBATEUR ; REMISE EN L'ÉTAT
Normes : LCI.121.al1; LCI.129; LCI.130; LCI.131
Résumé : Contestation d'un ordre de remise en conformité. Examen de l'intérêt actuel au recours, les travaux de mise en conformité des locaux ordonnés ayant été exécutés par le bailleur, aux dires de la recourante. Question laissée indécise de savoir si la décision a été entièrement exécutée, la question de la responsabilité des défaillances constatées pourrait être posée en tout temps, dans des circonstances semblables. En tant que locataire et exploitante des restaurants concernés par l'ordre de remise en conformité, la recourante a la qualité de perturbatrice par situation et par comportement. Le département n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en dirigeant l'ordre de mise en conformité contre la recourante plutôt qu'à l'encontre des propriétaires, compte tenu des circonstances.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2025/2016-LCI ATA/70/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 janvier 2018

3ème section

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Alexandre Böhler, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 avril 2017 (JTAPI/413/2017)


EN FAIT

1) A______ (ci-après : A______), inscrite depuis le 31 mai 2001 au registre du commerce, a pour but l'exploitation, la direction et la gestion d'un établissement dans le domaine de la restauration. Elle est locataire de l'intégralité de deux immeubles sis 1______ et 2______ et y exploite deux établissements dans leurs arcades, sous-louant les appartements situés dans les étages à des tiers.

Les immeubles sont la propriété respectivement de Messieurs B______ et C______. Ce dernier est directeur, avec signature individuelle, de A______ ; son épouse, Madame D______, en est l'administratrice avec signature individuelle.

2) Le 15 février 2016, le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : le département), soit pour lui, la police du feu, a invité A______ à se déterminer sur des anomalies constatées sur le plan de la sécurité incendie et du non-respect d'une autorisation définitive de construire (DD 2______) délivrée le 27 mars 2003 à la société pour l'utilisation d'une annexe en sous-sol comme salon d'attente pour les clients du restaurant.

Lors de l'inspection effectuée le 21 janvier 2016 par deux inspecteurs de la police du feu, il avait été constaté :

- l'absence de cloisonnement coupe-feu entre la voie d'évacuation de l'immeuble et l'établissement (murs/portes), tel que dessiné sur les plans de l'autorisation de construire DD 3______ ;

- l'absence d'entretien du cloisonnement coupe-feu des locaux situés au sous-sol (portes coupe-feu) ;

- la non-conformité des systèmes d'ouverture des issues de secours ;

- l'absence de cylindre SIG sur les portes d'accès au bâtiment, locaux communs et locaux techniques, à des fins d'intervention ;

- les conduits d'extraction des cuisines n'étaient pas placés dans des gaines techniques conformes, suivant la description ;

- le conduit traversant plusieurs compartiments coupe-feu n'était pas de résistance EI60 ou placé dans une gaine technique de résistance EI60.

3) Le 14 mars 2016, A______ a indiqué à la police du feu ne pas être concernée par les travaux à effectuer, n'étant pas propriétaire des immeubles.

L'architecte mandaté par le propriétaire allait déposer une demande d'autorisation d'ici le 30 avril 2016 visant à la mise en conformité demandée.

4) Le 2 mai 2016, un inspecteur de la police du feu a constaté qu'aucune des mesures visant à la mise en conformité des locaux n'avait été exécutée.

5) Le 13 mai 2016, le département a ordonné à A______ la mise en conformité des locaux sur les points déjà relevés dans son courrier du 15 février 2016 dans un délai de soixante jours et lui a infligé une amende administrative de CHF 5'000.-.

Aucune explication n'avait été fournie sur les défaillances relevées. La décision était exécutoire nonobstant recours. Faute d'exécution, les faits seraient dénoncés à la police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) en vue du retrait de l'autorisation d'exploiter le restaurant.

6) Le 30 mai 2016, M. E______ en qualité de requérant et de propriétaire a déposé une demande d'autorisation de construire (APA 4______) relative à la modification de la voie d'évacuation des immeubles, sis 1______ et 2______.

Dans ce cadre, l'architecte mandaté par M. C______ a exposé au département, qu'en raison d'un conflit opposant depuis dix ans les deux frères propriétaires au sujet de la propriété du 1______, il n'était pas possible de faire contresigner la demande d'autorisation par M. B______.

7) Le 17 juin 2016, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre la décision du département du 13 mai 2016, concluant à l'annulation de celle-ci.

N'étant que locataire des immeubles concernés, elle ne pouvait être tenue de remettre en conformité des installations qui ne lui appartenaient pas, ni être amendée.

Les travaux suivants avaient été exécutés par M. C______ en sa qualité de bailleur : la pose d'une porte coupe-feu des locaux du sous-sol, la pose des cylindres « SI » sur les portes d'accès au bâtiment, locaux communs et locaux techniques, la pose par Services Plus Energies SA, le 31 mai 2016, d'une gaine technique d'isolation de résistance EI60 autour du conduit de ventilation passant dans la cage d'escalier et la mise aux normes de la ventilation de la cuisine, et la vérification du bon fonctionnement des clapets coupe-feu des hottes de cuisines.

8) Le 22 août 2016, le département s'est déterminé, concluant au rejet du recours.

A______ avait réalisé les sanitaires tels qu'autorisés par la DD 3______, mais n'avait pas respecté les conditions posées par la police du feu contenues dans l'autorisation. Il incombait à A______ en sa qualité d'exploitante des bâtiments de faire preuve de diligence dans l'exercice de ses activités et de vérifier l'état des installations et des locaux, afin de s'assurer que ceux-ci soient conformes aux normes de sécurité incendie ; à charge, cas échéant, à la locataire d'interpeller le propriétaire.

9) Le 2 septembre 2016, le département a imparti un ultime délai de trente jours à A______ pour exécuter l'ordre de mise en conformité du 13 mai 2016, tous les points relevés n'ayant pas été mis en oeuvre, faute de quoi, une dénonciation auprès du PCTN serait faite.

Le même jour, il a classé la requête en autorisation de construire APA 4______, la signature du propriétaire de l'immeuble no 1______ n'ayant pas été fournie.

10) Le 7 septembre 2016, A______ a informé le département que les travaux de mise en conformité seraient réalisés par M. C______ en sa qualité de bailleur, dans le délai imparti.

11) Le 30 septembre 2016, A______ a complété le recours déposé au TAPI, maintenant ses conclusions. Les travaux ordonnés avaient été réalisés dans le délai prolongé imparti par le département. Cet aspect du recours était désormais sans objet.

12) Le 4 novembre 2016, le département a maintenu sa position et pris acte de la réalisation des travaux demandés.

13) Le TAPI a sollicité du département la production des dossiers d'autorisations APA 4______ et DD 3______ainsi que la production des factures relatives aux travaux réalisés sans autorisation, de la part de A______.

14) Le 31 janvier 2017, A______ a répondu au TAPI que, sous réserve de la porte entre le rez-de-chaussée et le premier étage de l'escalier commun dans l'immeuble 1______, elle ignorait quels étaient les travaux réalisés sans autorisation. Elle ne possédait aucune facture, les documents appartenant à son bailleur.

15) Le 1er mars 2017, le département a informé le TAPI que, suite à un contrôle des lieux effectué le 27 octobre 2016, il avait pu constater que l'ensemble des travaux n'avait pas été effectué. Les cylindres « SI » n'avaient pas été posés sur la porte de la chaufferie et sur la porte d'accès au rez-de-chaussée. Aucune mesure de protection n'avait été mise en place concernant la conduite de ventilation d'une des arcades qui transitait par la cage d'escalier. Ni porte ni parois vitrées n'avaient été posées dans les voies de fuite du rez-de-chaussée. La remise en conformité n'avait pas été entièrement effectuée.

16) Le 10 mars 2017, A______ a contesté les observations du département quant au contrôle du 27 octobre 2016. Les inspecteurs s'étaient déclarés satisfaits des travaux effectués, de manière générale, et souhaitaient uniquement que des attestations portant sur certains matériaux leur soient remises, selon une liste qui devait figurer dans le rapport qu'ils prévoyaient de communiquer. Elle a exposé la raison de l'absence de cylindres « SI » sur deux des portes : l'une n'était jamais verrouillée et l'autre, qui ne comportait pas de cylindre, ne pouvait l'être. Elle a également contesté que les travaux de mise en conformité n'aient pas été effectués. Concernant la conduite de ventilation de l'arcade, une gaine technique d'isolation de résistance EI60 avait été posée, selon attestation d'utilisation de l'association des établissements cantonaux d'assurance incendie (ci-après : AEAI) no 5______ produite. S'agissant des voies de fuite du rez-de-chaussée, les vitrines avaient été enlevées comme demandé et remplacées par des matériaux conformes, ce que les inspecteurs avaient pu constater.

Elle sollicitait un transport sur place afin de permettre de constater les travaux effectués. Elle n'avait d'ailleurs pas reçu de rapport du département, après la visite de contrôle du 27 octobre 2016.

17) Le 25 avril 2017, le TAPI a admis partiellement le recours et annulé l'amende infligée à A______.

Le département n'était pas en droit d'amender directement la société alors que la personne responsable des agissements reprochés était déterminable, à savoir M. C_______, administrateur de la société qui était responsable de la situation illégale constatée, ce qu'aucune partie à la procédure n'avait contesté.

En sa qualité d'exploitante des restaurants, il incombait tant à A______ qu'à M. C______, bailleur principal et propriétaire, de prendre toutes les mesures pour que les installations et les locaux occupés soient conformes aux prescriptions légales en matière de sécurité incendie. Le département était tout à fait légitimé à demander à A______ de procéder à la mise en conformité des installations.

18) Par envoi du 26 mai 2017, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI en concluant à son annulation en tant qu'il n'admettait que partiellement le recours contre la décision du département du 13 mai 2016 et à sa confirmation en tant qu'il annulait l'amende prononcée à son encontre. Il concluait à l'annulation de la décision du département du 13 mai 2016 en tant qu'elle lui ordonnait une mise en conformité.

Le TAPI avait retenu à tort qu'en sa qualité d'exploitante des restaurants il lui incombait de prendre toutes les mesures pour que les installations et les locaux qu'elle occupait soient conformes aux prescriptions légales en matière de sécurité incendie. N'étant que locataire des immeubles visés par la décision, elle ne pouvait raisonnablement être tenue de mettre en conformité des installations qui ne lui appartenaient pas. Une partie des travaux requis relevait de la structure du bâtiment et le département avait, dans un premier temps, exigé le dépôt d'une demande d'autorisation de construire qui devait en principe être approuvée par le propriétaire. Le département avait donc abusé de son pouvoir d'appréciation en lui ordonnant la mise en conformité des installations qui ne lui appartenaient pas. L'ordre de mise en conformité devait être adressé au propriétaire responsable qui bénéficiait finalement des travaux. Un dossier photographique illustrait les différents travaux réalisés en septembre 2016 notamment. Un témoin, propriétaire du magasin de tabac situé dans une arcade du 2______, pouvait attester que les locaux étaient demeurés inchangés depuis la signature du bail en 2001, à la constitution de A______, notamment la ventilation qui datait de 1998.

19) Le 1er juin 2017, le TAPI a transmis son dossier, renonçant à formuler des observations.

20) Le 28 juin 2017, le département a répondu au recours, concluant à son irrecevabilité et subsidiairement à son rejet.

La recourante avait déclaré en mars 2017 que les travaux prévus par la décision contestée avaient été effectués. Si cela était bien le cas, la recourante ne retirerait aucun intérêt pratique ou juridique de l'admission de son recours. Partant, celui-ci était irrecevable, faute d'intérêt digne de protection.

Sur le fond, le département maintenait sa position, il était fondé à adresser l'ordre de mise en conformité à la recourante plutôt qu'au propriétaire de l'immeuble.

21) Le 28 juillet 2017, A______ a répliqué, persistant dans les conclusions prises.

Les travaux litigieux avaient été entièrement réalisés par le bailleur, M.  C______. La question n'avait pas été tranchée par le TAPI, bien qu'elle ait plaidé le 30 septembre 2016 déjà que le recours était devenu sans objet en raison des travaux effectués. Elle s'exposait donc au risque d'être amendée à l'avenir si le département constatait à nouveau que tous les travaux requis n'avaient pas été entrepris. L'admission du recours lui éviterait un nouveau préjudice.

Sur le fond, le choix d'agir envers l'exploitant plutôt que le propriétaire, voire les deux en même temps, relevait du pouvoir d'appréciation de l'autorité. Le jugement entrepris constatait trop sommairement que le département était légitimé à lui demander de procéder à la mise en conformité.

22) Le 10 janvier 2018, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile, devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante estime que c'est à tort que la décision de mise en conformité lui a été adressée et même si les travaux exigés par la décision ont été exécutés, elle estime conserver un intérêt à ce que la question soit tranchée par la chambre administrative.

3) a. Selon l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir non seulement les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a), mais aussi toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b).

b. La jurisprudence a précisé que les lettres a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/359/2017 précité ; ATA/1059/2015 du 6 octobre 2015 et les nombreux arrêts cités).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée
(ATF 138 II 42 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_406/2016 du 26 mai 2016 consid. 3.2 ; ATA/610/2017 du 30 mai 2017 ; Jacques DUBEY/ Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 734 n. 2084 ; Pierre MOOR/ Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 748 n. 5.7.2.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 449 n. 1367).

L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1) ; si l'intérêt s'éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle
(ATF 125 V 373 consid. 1) ou déclaré irrecevable si l'intérêt actuel faisait déjà défaut au moment du dépôt du recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1 et la jurisprudence citée)

La condition de l'intérêt actuel fait défaut lorsque, par exemple, la décision ou la loi est révoquée ou annulée en cours d'instance (ATF 111 Ib 182 consid. 2 p. 185 ; ATA/124/2005 du 8 mars 2005), la décision attaquée a été exécutée et a sorti tous ses effets (ATF 125 I 394 consid. 4 ; ATA/610/2017 du 20 mai 2017 ; ATA/193/2013 du 26 mars 2013). Il en va de même en cas de recours contre la décision de remise en état lorsque l'objet de la contestation porte sur un bâtiment dont le recourant n'est plus propriétaire et que le nouveau propriétaire, qui n'a pas recouru contre l'arrêt attaqué, a indiqué s'y soumettre (arrêt du Tribunal fédéral 1C_495/2014 du 23 février 2015 consid. 1.3). De cette manière, les tribunaux sont assurés de trancher uniquement des questions concrètes et non de prendre des décisions à caractère théorique, ce qui répond à un souci d'économie de procédure (ATF 136 I 274 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_495/2014 du 23 février 2015 consid. 1.2).

Il est toutefois exceptionnellement renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l'autorité de recours (ATF 140 IV 74 consid. 1.3 ; 139 I 206 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1157/2014 du 3 septembre 2015 consid. 5.2 ; ATA/1135/2017 du 2 août 2017 ; ATA/288/2017 du 14 mars 2017 ; François BELLANGER, La qualité pour recourir, in François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Le contentieux administratif, 2013, p. 121).

4) En l'espèce, bien que la recourante affirme que le bailleur ait finalement réalisé tous les travaux requis, le département a déclaré, en date du 1er mars 2017 que, fondé sur le contrôle des lieux du 27 octobre 2016, il avait pu constater que l'ensemble des travaux ordonnés n'avait pas été effectué. Ces observations ont entièrement été contestées par la recourante. En réponse, le département s'est contenté d'indiquer que, si les travaux avaient bien été effectués, aucun intérêt au recours ne subsistait.

Au vu de ce qui précède, la question de savoir si la décision a été entièrement exécutée souffrira de rester indécise puisqu'au vu des circonstances du cas d'espèce, la question de la responsabilité des défaillances constatées pourrait être posée en tout temps, dans des circonstances semblables, notamment par une décision exécutoire nonobstant recours assortie d'une menace de dénonciation au PCTN en vue d'un retrait de l'autorisation d'exploiter les restaurants, telle que celle litigieuse.

Il faut donc conclure qu'il subsiste un intérêt actuel à trancher la question de savoir si c'est à bon droit que l'ordre de mise en conformité a été adressé à la recourante plutôt qu'aux propriétaires des immeubles. Le recours est dès lors recevable.

5) La recourante demande qu'il soit procédé à l'audition d'un témoin pouvant attester que la ventilation de l'immeuble sis 2______ n'a pas été modifiée depuis les années 1980.

Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d'être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2 et les références citées). Ce droit n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 134 I 140 consid. 5.3).

En l'occurrence, la chambre de céans dispose d'un dossier complet et les faits sur lesquels porterait la mesure d'instruction sollicitée par la recourante ne pourraient pas avoir d'incidence sur l'issue du litige, comme cela ressortira des considérants ci-après.

6) Une construction, une installation et d'une manière générale, toute chose doit remplir en tout temps les conditions de sécurité et de salubrité exigées par la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988
(LCI - L 5 05), son règlement d'application ou les autorisations délivrées en application de ces dispositions légales et réglementaires (art. 121 al. 1 LCI). Les exigences imposées pour les constructions et les installations en matière de prévention des incendies sont notamment régies par la norme de protection incendie et les directives de l'AEAI (ci-après : norme AEAI), applicable à titre de droit intercantonal et cantonal (art. 121 al. 2 LCI notamment ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_340/2015 ; 1C_303/2010 du 28 septembre 2010).

À teneur de la norme AEAI, les propriétaires et les exploitants de bâtiments et d'autres ouvrages veillent à garantir la sécurité des personnes et des biens (art. 19 norme AEAI - devoir de diligence). Les mêmes doivent entretenir les équipements de protection et de défense incendie ainsi que les installations techniques, conformément aux prescriptions et garantir leur fonctionnement en tout temps (art. 20 norme AEAI - devoir d'entretien).

7) a. Lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou règlementaires, le département peut notamment ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et
130 LCI).

b. Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

c. De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions, dont quatre ne sont pas litigieuses ici, et celle qui veut que l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur (ATF 114 Ib 44 consid. 2a = JdT 1990 I 482 ; ATF 107 Ia 19 consid. 2a = JdT 1983 I 290 ; ATA/1333/2015 du 15 décembre 2015).

d. Selon la jurisprudence, le perturbateur est celui qui a occasionné un dommage ou un danger par lui-même ou par le comportement d'un tiers relevant de sa responsabilité (perturbateur par comportement), mais aussi celui qui exerce sur l'objet qui a provoqué une telle situation un pouvoir de fait ou de droit (perturbateur par situation ; ATF 139 II 185 consid. 14.3.2 ; 136 I 1 consid. 4.4.3 p. 11 ; 122 II 65 consid. 6a ; ATA/1333/2015 précité ; ATA/83/2014 du 12 février 2014).

Le perturbateur par situation correspond avant tout au propriétaire, mais il peut également s'agir du locataire, le critère déterminant étant le pouvoir de disposition, qui permet à celui qui le détient de maintenir la chose dans un état conforme à la réglementation en vigueur (ATF 114 Ib 44 consid. 2c/aa = JdT 1990 I 482 ; ATA/1333/2015 précité)

Selon la jurisprudence, la responsabilité en raison du comportement et celle qui découle de la situation peuvent coexister et l'obligation d'éliminer la perturbation peut être imposée alternativement ou cumulativement à tout perturbateur, aussi bien de comportement que de situation. L'autorité compétente doit jouir d'une certaine marge d'appréciation dans le choix de la personne à laquelle incombera l'obligation d'éliminer la perturbation (ATF 107 Ia 19 consid. 2b = JdT 1983 I 290). Dans l'examen du choix du perturbateur, le Tribunal fédéral a relevé que si la perturbation ou le danger devaient être éliminés aussi rapidement que possible afin d'éviter de trop grands dommages - cas de pollution des eaux, de danger d'effondrement d'une maison -, le choix se porterait sur le perturbateur le plus proche du foyer du danger et techniquement apte à éliminer personnellement le danger. Si en revanche le rétablissement de l'état primitif n'était pas spécialement urgent et que de toute façon l'état contraire au droit avait déjà duré un temps relativement long - par exemple une décharge non autorisée et qui ne met pas en danger l'eau souterraine -, on pouvait adopter pour l'élimination une autre réglementation, si possible plus affinée, qui ne se déterminerait pas - ou pas exclusivement - en fonction de la nécessité d'une action rapide et efficace. Par ailleurs, les perturbateurs par comportement devaient si possible entrer en considération avant les perturbateurs par situation (ATF 107 Ia 19 consid. 2b = JdT 1983 I 290 et les références citées ; ATA/1333/2015 précité).

8) La société, unique destinataire de la décision, est locataire de l'intégralité des immeubles. Elle sous-loue les appartements situés dans les étages et exploite les deux établissements de restauration sis dans les arcades du rez-de-chaussée et au sous-sol. En sa qualité de locataire, elle s'est vu céder l'usage des locaux par le bailleur (art. 253 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 - Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220).

S'agissant d'un ordre de mise en conformité concernant la sécurité incendie liée notamment à des conduits d'extraction des cuisines des établissements de restauration ainsi qu'à l'absence de cloisonnement coupe-feu entre des locaux situés au sous-sol et les voies d'évacuation de l'immeuble et d'un des établissements, tels que dessinés sur les plans d'une autorisation de construire que la recourante a elle-même requise, sa qualité de perturbatrice par situation et par comportement est indéniable, au vu des définitions données ci-dessus.

En tant que locataire et exploitante, la recourante était la personne la plus à même de procéder à la remise en conformité et cela, même si les propriétaires, répondent également à la définition de perturbateurs par situation. Compte tenu notamment du litige opposant les deux propriétaires au sujet de la propriété même de l'un des immeubles, dont le département était dûment informé, il faut considérer que l'autorité intimée, se fondant sur l'intérêt public à l'application des mesures en matière de sécurité incendie, n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en dirigeant l'ordre de mise en conformité contre la recourante plutôt qu'à l'encontre des propriétaires.

Le grief de la recourante sera par conséquent écarté.

9) Au vu de ce qui précède, la décision de mise en conformité du département s'avérant conforme au droit, le recours contre le jugement du TAPI confirmant cette décision sera rejeté.

10) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 mai 2017 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 avril 2017 ;

au fond :

le rejette;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alexandre Böhler, avocat de la recourante, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

A. Piguet Maystre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 


 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :