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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2543/2004

ACOM/18/2006 du 03.03.2006 ( CRIP ) , REJETE

Recours TF déposé le 24.05.2006, rendu le 06.09.2006, REJETE, 2P.141/2006
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2543/2004-CRIP ACOM/18/2006

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DU PERSONNEL

ENSEIGNANT DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE

du 3 mars 2006

 

dans la cause

 

Monsieur X_________
représenté par Me Jacques Barillon, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT
représenté par Me Pierre Louis Manfrini, avocat

 


1. Domicilié dans le canton de Genève, Monsieur X_________ (M. X_________ ou le recourant) a exercé les fonctions de maître d’enseignement et de recherches (MER) au sein du département de biochimie médicale, qui fait partie de la faculté de médecine.

2. En l’an 2000, M. X_________ a publié dans une revue scientifique intitulée « E_______ » volume _____ pages ____ un article cosigné par Madame D_______ et Monsieur N______. Cet article portait notamment sur un gène intitulé « ompL ».

3. Le 21 mai 2002, M. Costa Georgopoulos, professeur, a été informé par Monsieur S_______, chercheur qui travaillait alors sous la responsabilité du recourant, que les résultats publiés dans l’article précité n’étaient pas reproductibles. Le 24 mai, MM. Georgopoulos et S_______ ont eu une discussion détaillée à ce sujet.

4. Entre le 27 et le 29 mai 2002, MM. Georgopoulos, X_________ et Mme D_______ ont eu des entretiens portant tant sur la thèse de doctorat que devait soutenir cette dernière que sur les problèmes que posait l’article publié dans le journal E_______.

5. Le 31 mai 2002, M. Georgopoulos et M. X_________ se sont à nouveau entretenus. A l’issue de cette discussion, le Dr X_________ a accepté de fournir des données concernant le gène ompL le jour-même à 17h00. Selon une note manuscrite de Mme Gordana Cajo, assistante du professeur Georgopoulos, M. X_________ aurait refusé de remettre au professeur Georgopoulos les données demandées, hors la présence de deux tierces personnes dont Monsieur Robin Offord, également professeur.

6. M. Georgopoulos s’est alors rendu au laboratoire, où travaillait M. X_________ et il s’est emparé de pièces.

7. Le 3 juin 2002, MM. Robin Offord et Patrick Linder ont remis à M. X_________ un document contenant les questions que M. Georgopoulos se posait à propos de l’article publié dans le journal E_______ 2000. Selon une note manuscrite de bas de page, signée de M. X_________, ce dernier s’engageait à fournir les renseignements souhaités le jour même à 18h00.

8. A l’issue de ce délai, M. X_________ a remis à M. Offord une note répondant aux questions de M. Georgopoulos ainsi qu’un cahier de laboratoire lui appartenant.

9. Le 4 juin 2002, M. Offord a accusé réception des renseignements fournis par M. X_________. Il les a transmis à M. Georgopoulos en l’invitant à se déterminer par écrit, procédure à l’issue de laquelle ce dernier devait décider s’il maintenait l’accusation de falsification ou non. Dans la première hypothèse, l’affaire serait transmise au Rectorat.

10. Le 4 juin 2002, M. Offord a établi une attestation selon laquelle M. X_________ avait également déposé des photographies dont une semblait un original, qui devait être mis en rapport avec le cahier de l’intéressé. De surcroît, le numéro au dos de ces photographies paraissait avoir été effacé.

11. Le 2 juillet 2002, MM. Offord et X_________ ont établi un second protocole selon lequel des expériences devaient être répétées pour régler la dispute entre MM. X_________ et S_______. A teneur des déclarations ultérieures d’un témoin, Madame K______, M. S_______ n’avait pas terminé ses expériences avant de quitter Genève pour l’Inde.

12. Le 4 juillet 2002, MM. Offord et Linder se sont adressés par écrit au M. Georgopoulos. Il appartenait à M. Georgopoulos de se prononcer sur l’adéquation du matériel fourni par M. X_________ sur la base de la liste établie le 3 juin 2002 et indiquer s’il retirait ou non ses accusations contre l’intéressé.

13. Le 11 juillet 2002, M. Georgopoulos a posé un certain nombre de questions supplémentaires, qui ont été transmises le 15 du même mois à M. X_________.

14. Le 16 juillet 2002, M. X_________ a répondu aux questions de M. Georgopoulos.

15. Selon le document remis par M. X_________ le 16 juillet 2002, il avait retrouvé trois photographies d’une boîte de petri prises à la fin du mois de juin 1999, soit les 27 et 29 du mois.

16. Aux environs du 20 juillet 2002, M. X_________ a encore remis à M. Linder trois pages sur papier quadrillé comportant notamment des photographies de boîte de petri datées du 18 juillet 2002.

17. Le 7 octobre 2002, MM. Offord et Linder ont rédigé un rapport sur les accusations portées à l’encontre de M. X_________. S’agissant de la controverse entre MM. X_________ et S_______, il était impossible de la résoudre car si, à propos de trois expériences, les deux intéressés n’étaient pas arrivés aux mêmes conclusions, M. S_______ était maintenant retourné en Inde et il était dès lors impossible de porter un jugement sur les résultats obtenus. Toutefois, les notes de laboratoire qu’il avait laissées, présentaient moins d’incohérence que celles de M. X_________. Le projet correctif établi par M. X_________ semblait inadéquat, erroné quant à certains détails et ne respectait pas les règles élémentaires de l’enregistrement, de l’interprétation et la publication des résultats de la recherche scientifique.

18. MM. Linder et Offord n’avaient plus confiance dans la qualité du travail de M. X_________. Il était impossible d’envisager de lui confier la gestion de travaux de tiers, selon les traditions de la profession, et il était impossible également de considérer que la confiance pourrait être rétablie s’agissant de son activité de chercheur indépendant. L’intéressé ne comprenait pas la gravité des défauts qui affectaient la publication contestée et les ennuis de santé qu’il avait connus n’expliquaient pas les lacunes dans la tenue des registres des laboratoires.

19. En application des directives de l’Académie suisse des sciences médicales, une commission « d’instance d’établissement des faits » a été constituée ; elle comportait trois professeurs, MM. Philippe, Izui et Lew.

20. Le 20 février 2003, cette commission a établi un rapport intermédiaire. Elle avait entendu M. X_________ ainsi que MM. Linder, Offord, Georgopoulos et Bellin. Elle avait en outre eu à sa disposition différents documents, dont un courrier électronique de M. Pierre Margot, directeur de l’école des sciences criminelles et de l’institut de police scientifique de l’Université de Lausanne, au sujet des photographies des plaques de petri A teneur de ce rapport, les images notées « 1999 » et « 2002 » étaient différentes, mais constituaient des photographies de la même culture. Il était totalement invraisemblable que les inoculas à l’intérieur des boîtes de petri soient absolument identiques, même si l’inocula se faisait de manière mécanique. Si elle était manuelle, cette superposition était encore plus invraisemblable. La superposition des deux photographies, l’une datée à l’encre à la main du 27 juin 1999 et l’autre datée automatiquement du 18 juillet 2002 était claire. Malgré une inoculation manuelle, l’espacement et la taille des colonies bactériennes étaient exactement superposables. L’analyse de M. Margot confirmait cette impression. Il lui paraissait évident qu’il s’agissait de deux images de la même culture, même si la qualité et la production des images n’étaient pas excellentes. De surcroît, M. X_________ avait changé d’explications quant aux boîtes de petri Il avait initialement prétendu qu’il s’agissait de deux expériences suffisantes, l’une effectuée en 1999 et l’autre répétée en 2002 avant de prétendre, le 13 février 2003, qu’il s’agissait de la même plaque de petri, qu’il avait photographiée en 1999 puis gardée pendant trois ans et rephotographiée en 2002. La commission est arrivée à la conviction qu’il y avait eu manipulation et qu’il s’agissait de deux photographies faites de la même plaque à la même période au mois de juillet 2002.

Quant à l’appellation de la souche ompL, elle avait été décidée, selon M. X_________, le 27 janvier 2000, lors d’une réunion de département. Cette explication est corroborée par des documents scientifiques, notamment ceux de la doctorante que s’occupait M. X_________ ainsi que par des documents de ce dernier. Or, le nom de « ompL » écrit de la main de M. X_________ apparaît sur les documents datés du 24 avril et du 17 octobre 1999, de même que pour les expériences datées des 27 et 29 juin de la même année. L’utilisation du terme « ompL » sur le document précité fait donc douter de leur authenticité.

21. La commission a remis son rapport final le 10 juin 2003. La commission avait non seulement pris en compte l’accusation de fraude scientifique sur les données publiées dans le journal E_______ en l’an 2000 mais encore les reproches faits à l’intéressé de ne pas avoir remis des souches demandées ou d’avoir remis des souches inappropriées, allégations soutenues tant par les personnes travaillant à l’Université de Genève que par des personnes extérieures. S’agissant des boîtes de petri, la commission a repris les explications contenues dans son rapport intermédiaire, à savoir que M. X_________ avait tout d’abord soutenu qu’il s’agissait de deux expériences différentes, l’une de 1999 et l’autre 2000 avant de prétendre, le 13 février 2003, qu’il s’agissait de la même plaque de petri, photographiée en 1999 puis en 2002. Or, le gène à la base de l’étude, dénommé « ompL » depuis le mois de janvier 2002 était dénommé auparavant « coxA ». Alors que sur des photos de boîtes de petri, datées des mois d’avril, juin et septembre 1999, le nom « ompL » apparaissait déjà, ce qui faisait fortement douter de leur authenticité.

22. Le 22 juillet 2003, la commission formée des doyens Mme Annick de Ribaupierre, M. Jacques Weber et M. Charles Genecand a rendu un rapport au rectorat.

L’analyse opérée par la commission « d’instance d’établissement des faits » conduisait à conclure à la fraude scientifique. Sur les points cruciaux, comme l’analyse des photos des plaques de petri et l’appellation scientifique d’une souche bactérienne, les explications de M. X_________ n’avaient pas convaincu les trois doyens. Il existait de surcroît de nombreux témoignages selon lesquels M. X_________ n’envoyait pas de souche ou en envoyait de mauvaises, lorsque cela lui était demandé. L’intéressé donnait l’impression d’une très grande confusion et d’un très grand désordre méthodologique, incompatible avec un travail scientifique sérieux.

Les trois doyens ont suggéré que l’Université mette fin aux relations de travail avec M. X_________.

Les trois doyens se sont également appuyés sur le rapport fourni par M. Epstein, expert, qui reprend les différentes explications données par M. X_________ quant aux photographies et leurs contradictions lorsqu’elles sont mises en rapport avec la question du nom donné au gène « ompL ». Les cahiers de M. X_________ ne pouvaient être considérés comme dignes d’une recherche scientifique. De surcroît, à au moins six occasions, M. X_________ n’avait pas remis à des collègues des souches demandées ou leur en avait remises qui ne présentaient pas les caractéristiques affichées. Selon l’expert, même si M. X_________ était considéré comme ayant fait d’importantes contributions à la génétique des bactéries dans le passé, les faits récents éveillaient des doutes quant à son honnêteté dans ses rapports avec ses collègues et dans sa probité quant aux recherches.

23. Le 23 septembre 2003, le recteur de l’Université a organisé une audition de M. X_________ en présence des membres de la commission des trois doyens, de celui de la faculté de médecine, des membres de la commission « d’instance de l’établissement des faits », des deux co-directeurs du département de biochimie, de Mme K______ ainsi que d’une juriste rattachée au rectorat et de l’adjointe aux affaires académiques. M. X_________ était assisté de son conseil. Après une intervention orale de l’avocat de M. X_________, ce dernier a procédé à une présentation de son point de vue. La séance a alors été levée.

24. Les 28 et 29 novembre 2003, tant les deux co-directeurs du département de biochimie médicale que les trois membres de la commission « d’instance de l’établissement des faits » et l’expert commis, ont considéré qu’il n’y avait aucun élément nouveau dans la présentation de M. X_________ qui leur permettrait de retirer ou de modifier les conclusions qu’ils avaient prises quant à l’accusation de fraude scientifique.

25. Le 6 novembre 2003, le recteur de l’Université a requis le conseiller d’Etat chargé du département de l’instruction publique d’ouvrir une enquête administrative à l’encontre de M. X_________.

26. Le 15 mars 2004, le Conseil d’Etat a décidé l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de M. X_________, confiée à M. Dominique Föllmi, ancien conseiller d’Etat, conformément à l’article 130A alinéa 1er de la loi sur l'instruction publique du 6 novembre 1940 (LIP - C 1 10). Cette décision comportait une liste de sept questions auxquelles l’enquêteur devait répondre. Ce dernier était invité en outre à s’adjoindre un scientifique spécialiste des questions ou des pièces de cet ordre. Enfin, la décision du Conseil d’Etat comportait une suspension de fonction, mais pas de suspension de traitement.

27. Le 21 octobre 2004, l’enquêteur a déposé son rapport. Il avait pris connaissance du dossier et procédé à 18 audiences d’enquêtes entre le 26 avril 2004 et le 7 septembre de la même année. Il avait en outre visité le laboratoire de M. X_________. S’agissant de la procédure, l’enquêteur a relevé qu’il n’avait pas été donné la faculté à M. X_________ de se prononcer sur la composition de la « commission d’établissement des faits », mais qu’aucun des trois membres de cette commission ne connaissait M. X_________, ce qui était aussi le cas de l’intéressé. Cette commission avait fait examiner les photos prises en 1999 et 2002, selon M. X_________, par M. Margot. Enfin, M. X_________ avait été entendu par le rectorat en présence des différentes commissions concernées.

28. L’enquêteur a repris la phase d’instruction par la commission des doyens : Cette commission avait remis le 22 juillet 2003, son rapport final à l’intention du rectorat, après audition, le 16 avril 2003, de l’intéressé. Le 25 août 2003, ce dernier avait pu à nouveau se déterminer et le 23 septembre de la même année, le recteur avait mis sur pied une audition de M. X_________. Après nouvelle prise de position des membres de la « commission d’établissement des faits » et de celle des doyens, le recteur avait demandé l’ouverture d’une enquête administrative au sens de l’article 130 de la loi sur l'instruction publique du 6 novembre 1940 (LIP - C 1 10). Une décision en ce sens avait été prise le 15 mars 2004 par le Conseil d’Etat.

29. Outre M. X_________, MM. Offord, Linder, Georgopoulos, Ebstein, Suter, Margot, Philippe, Izui, Genecand, Weber ainsi que Mmes K______, Ribaupierre et D_______ ont été entendus.

Lors de sa première audition le 4 mai 2004, M. Offord a déclaré avoir rédigé d’un commun accord avec M. Georgopoulos et M. X_________ un protocole, daté du 3 juin 2002, en vue de résoudre un conflit entre ces deux personnes. M. X_________ avait accepté de coopérer et de fournir les pièces nécessaires le même jour avant 18h00. M. X_________ a fourni ces pièces avant l’heure ; il en manquait un nombre modeste et il avait expliqué les motifs de son retard. Pour ce qui est du différend entre MM. S_______, post-doctorant, et M. X_________, il avait été décidé de demander aux deux personnes de répéter les expériences afin de comparer les résultats et de démontrer ainsi qui avait raison et qui avait tort.

Un protocole avait été signé le 2 juillet 2002 définissant les règles devant permettre de renouveler les expériences et la méthodologie selon laquelle l’expérience devait être refaite. Aux environs du 20 juillet 2002, M. X_________ avait remis une feuille à M. Linder, qui lui avait réclamé des données originales. M. X_________ avait alors remis ces données le lendemain à M. Linder selon les déclarations de ce dernier à M. Offord. Par la suite, M. X_________ s’était engagé à fournir les données qui ont été réclamées au plus tard le 16 juillet 2002 à 17h00. Il avait fourni un document dans les délais ainsi que trois photos qu’il disait avoir retrouvées dans ses dossiers après de minutieuses recherches. Ces trois photos portaient une annotation manuscrite, les numérotations automatiques ayant été découpées. Au mois de juillet 2002, M. X_________ n’avait pas d’explication quant à la datation manuscrite.

Sur question de l’enquêteur, M. Offord a répondu que M. X_________ ne lui avait pas dit en juillet 2002 que les photos avaient été prises en 2002, mais que les boîtes de petri dataient de 1999. Selon M. Offord, M. X_________ avait inscrit les dates de juin 1999 et n’avait jamais indiqué à l’intéressé que les photos auraient été prises en 2002. Lors de sa première audition par-devant la commission « d’instance d’établissement des faits », M. X_________ avait affirmé que la similarité entre les photos de 1999 et celles du 18 juillet 2002 était due à sa maîtrise de la technique, qui lui permettait de « mettre les cultures de manière régulière ». Ultérieurement, M. Offord avait été informé de la précision apportée par M. X_________, selon laquelle il n’avait photographié qu’un seul objet, en 1999 qu’il l’avait conservé et rephotographié en juillet 2002.

Le 18 mai 2004, M. Offord a été entendu une seconde fois : le 3 juin 2002, il s’agissait de définir les termes du désaccord entre MM. Georgopoulos et X_________ et une fois un accord intervenu sur les documents à fournir et sur la matière nécessaire d’établir les pièces demandées, ce que M. X_________ avait accepté. Dans le délai imparti, M. X_________ avait remis, avec des documents, un cahier de « recherches ». Ce cahier contenait les documents dont M. X_________ souhaitait qu’ils soient pris en considération. Le cahier de « recherches » ne présentait aucun signe d’usure, ce qui avait frappé M. Offord. Par la suite, M. Georgopoulos avait donné sa propre interprétation des résultats fournis par M. X_________ et il avait été imparti un délai supplémentaire à l’intéressé pour répondre. M. X_________ l’avait fait dans les délais. M. Offord a encore expliqué que le litige entre MM. Georgopoulos et X_________ ne pouvait être résolu qu’avec l’étude des pièces existantes avant la publication contestée. Quant au différend entre MM. S_______ et X_________, il ne pouvait être résolu que par une reprise de l’expérience autrement dit par la création de nouvelles pièces. Il avait été décidé entre les personnes présentes, soit MM. Offord, Linder, S_______ et X_________ que l’expérience serait refaite. MM. S_______ et X_________ avaient convenu qu’ils pouvaient refaire l’expérience au mois de juillet 2002. M. Offord n’avait pas vu le cahier de recherches de M. S_______ mais uniquement son rapport. Il avait également eu connaissance des résultats de l’expérience de M. X_________ par M. Linder. Selon M. Offord, M. Linder avait trouvé « un peu plus d’inconsistance » dans le rapport de M. X_________ par rapport à celui de M. S_______. Interrogé par l’avocat du Conseil d’Etat, M. Offord a confirmé qu’il n’avait plus confiance en la qualité scientifique du travail de M. X_________, car la manière dont celui-ci enregistrait les résultats de ses recherches ne correspondait pas aux normes. Il était normal que les données soient consignées dans un cahier dont les pages devaient être numérotées et datées. Ces informations devaient être suffisamment complètes pour que n’importe quel chercheur dans le domaine puisse reconstruire l’argument et vérifier si les conclusions exposées étaient valables ou pas. Il avait maintenu ses conclusions après la présentation de M. X_________ devant les membres du rectorat le 23 septembre 2003.

30. M. Linder a également été entendu à deux reprises, soit les 6 et 25 mai 2004. Au moment des faits litigieux, il était co-directeur du département de biochimie médicale avec M. Offord. Il avait été informé de doutes ayant trait à la publication de M. X_________ dans le journal E_______, tant par M. Georgopoulos que par M. S_______. Lorsque le 3 juin 2002, M. X_________ avait remis un cahier de recherches à M. Offord, M. Linder avait été surpris par le contenu de celui-ci. Il contenait des documents agrafés, des résultats au milieu du cahier, dont il était difficile de retrouver le chemin. S’agissant du renouvellement des expériences selon le protocole établi et signé par MM. X_________ et S_______, M. Linder avait reçu la première page fournie par M. X_________, puis il lui avait demandé de lui fournir des renseignements supplémentaires. M. X_________ lui avait remis ce complément deux jours plus tard accompagné de photos. M. Linder avait accusé réception personnellement de manière manuscrite des trois pages remises par M. X_________, soit une feuille comportant des calculs, une photo collée datée du 18 juillet 2002 ainsi que deux autres photos également datées du 18 juillet 2002 (n°s 052922, 052920 et 052921). Il s’agissait bien de la réponse à la demande faite de renouveler l’expérience. M. X_________ avait indiqué dans ses conclusions avoir pu vérifier que l’activité des bactéries était proche des résultats publiés. Quant à M. S_______, il n’était pas arrivé à reproduire les résultats obtenus par M. X_________. Lorsqu’il avait reçu les documents de M. X_________, M. Linder était convaincu qu’il s’agissait du renouvellement total de l’expérience avec une nouvelle boîte de petri. Sur question de l’enquêteur, M. Linder a précisé qu’on ne photographiait pas des boîtes de petri en découpant la réalisation automatique et en inscrivant une annotation manuscrite. Sur nouvelle question de l’enquêteur, M. Linder a précisé qu’en dix ans, il n’avait jamais constaté que des appareils de photographie émettent des dates erronées.

Lorsqu’il avait été entendu le 27 janvier 2003, accompagné de son assistante Mme K______, par la commission «d’instance d’établissement des faits », M. X_________ avait affirmé avoir photographié deux boîtes de petri différentes. Il avait exposé qu’il inoculait toujours les boîtes de petri de la même façon. Lors de l’audition du 25 mai 2004, M. Linder a confirmé que MM. S_______ et X_________ devaient refaire des expériences selon un protocole qu’ils avaient signé tous les deux. M. S_______ avait remis des résultats qui n’étaient pas une répétition totale de l’expérience. Par ailleurs, M. X_________ voyait la suppression d’un certain pourcentage de mobilité alors que M. S_______ ne voyait aucune suppression de mobilité. Ultérieurement, M. X_________ avait remis une photographie datée du 18 juillet 2002 comme preuve de ses expériences. M. Linder a confirmé enfin avoir reçu « la page du rapport » et sur sa demande, quelques jours plus tard, de la part de M. X_________ personnellement les calculs et les photos qu’il avait visés par ses initiales.

31. M. Georgopoulos, professeur ordinaire au département de biochimie médicale, a été entendu à deux reprises par l’enquêteur, soit les 10 mai et 2 juin 2004.

Lors de sa première audition, M. Georgopoulos a indiqué qu’il était le supérieur hiérarchique de M. X_________, venu à l’Université de Genève comme maître-assistant, puis promu MER en 1994. Le témoin a exposé qu’il était également responsable du contenu scientifique de la thèse de Mme D_______, doctorante dans le laboratoire de M. X_________. Au mois de mars ou d’avril 2002, la thèse de Mme D_______ avait été acceptée par le jury et elle incluait alors un article sur la mutation ompL. M. S_______, post-doctorant dans le laboratoire de M X_________, avait informé M. Georgopoulos que les conclusions concernant les mutations ompL n’étaient pas reproductibles et que tant M. X_________ que Mme D_______ refusaient d’aborder le sujet avec lui. Le lundi 27 mai 2002, M. Georgopoulos a demandé à Mme D_______ de répéter devant lui sa soutenance de thèse, ce que l’intéressée fit sans mentionner parfois ompL. Sur question de M. Georgopoulos, Mme D_______ a répondu qu’elle n’était pas au courant de problèmes concernant cette mutation. En revanche, après la répétition de la soutenance, M. X_________ a indiqué à M. Georgopoulos que les résultats étaient reproductibles à 70 % environ. Le lendemain, 28 mai, M. Georgopoulos a convoqué dans son bureau M. X_________. Les explications de ce dernier ont été floues et peu convaincantes. M. Georgopoulos a demandé à M. X_________ de lui fournir au moins une preuve concernant la mobilité. Le 29 juin, en présence de tiers, M. X_________ a remis les résultats à M. Georgopoulos tout en précisant qu’il avait fait les expériences lui-même. M. Georgopoulos a alors constaté avec étonnement que ses résultats étaient en totale contradiction avec ceux publiés dans le journal E_______ 2000. M Georgopoulos a alors demandé à M. X_________ et à Mme D_______ de retirer de la thèse le chapitre concernant ompL. Il a ensuite donné un délai à M. X_________ à 17h00 le même jour pour produire les données ayant conduit aux résultats publiés dans le journal E_______ 2000. A l’heure dite, M. X_________ n’était pas présent. M. Georgopoulos a alors attendu M. X_________ jusqu’à 19h00, sans succès. Le 30 mai, jour de la soutenance, il a été annoncé aux membres du jury par MM. Georgopoulos et X_________ que le chapitre concernant ompL était retiré de la thèse. Le 31 mai, M. Georgopoulos a eu une nouvelle discussion avec M. X_________. Ce dernier a signé un papier par lequel il s’engageait à venir à 17h00 avec des données concernant ompL. A l’heure dite, M. X_________ s’est présenté à M. Georgopoulos mais a refusé de lui remettre quelque résultat que ce soit, soutenant qu’il voulait d’abord s’entretenir, soit avec le doyen de la faculté de médecine, soit avec M. Offord, alors en déplacement aux Etats-Unis d’Amérique. Devant cette situation, M. Georgopoulos a demandé à l’une de ses assistantes d’être présente lors de la discussion et de protocoler ce qu’il lui dicterait en présence de M. X_________. M. Georgopoulos a alors décidé de récupérer les documents disponibles dans le laboratoire de M. X_________. Il les a placés sous la surveillance de son assistante, la priant de les garder sous clefs pendant le week-end puis de les remettre à une personne responsable. En 2003, M. Georgopoulos et une équipe de chercheurs ont publié les résultats dans le journal E_______ contredisant ceux de M. X_________ publiés en 2000. Les données soutenant la publication de M. X_________ n’apparaissant ni dans la cahier de recherche qui avait été produit ni dans les notes et données fournies au département par M. X_________ le 23 juillet 2002. La plupart des tests ne figuraient pas non plus dans le dossier de Mme D_______.

Le 2 juin 2004, M. Georgopoulos a été entendu à une seconde reprise par l’enquêteur. Il lui a remis un texte résumant la chronologie des faits entre le 21 et le 31 mai 2002, de même que le document signé le 31 mai 2002 signé par M. X_________ de son prénom "S_____" et selon lequel il s’engageait à revenir à 17h00 ce jour-là avec les données nécessaires. A l’occasion de cette seconde audition, M. Georgopoulos a précisé qu’il avait été informé, le 21 mai 2002, par M. S_______ des problèmes rencontrés par ce dernier pour reproduire les expériences de M. X_________ et qu’il avait discuté de manière détaillée l’article de ce dernier avec M. S_______ en date du 24 mai. Sur question de M. X_________, il a exposé qu’il avait revu la thèse de Mme D_______ à deux reprises au mois de février 2002, corrigeant des erreurs de logique ainsi que des erreurs de langue.

M. Georgopoulos a encore expliqué que M. Linder lui avait montré les documents remis à ce dernier par M. X_________ au mois de juillet 2004. Il avait constaté ultérieurement que les photos remises par M. X_________ les 16 et 18 juillet 2002 à M. Linder représentaient la même boîte de petri, photographiée tantôt à l’endroit et tantôt à l’envers. Il avait alors signalé ce fait à M. Offord.

32. S’agissant de la première question, l’expert a considéré comme établi que M. X_________ avait remis, le 3 juin 2002, un cahier de notes qui existait déjà et qu’il ne l’avait complété que par deux feuilles volantes, non datées, ainsi que par un graphique supplémentaire et 5 pages de calculs informatiques, datées du 16 mai 2000. Il avait comparé le cahier de notes de M. X_________ avec deux de Mme D_______, et avait constaté que ces derniers étaient de « qualité formelle ». Enfin, lors de la visite du laboratoire, M. X_________ avait beaucoup de peine à trouver des documents que lui demandait M. Margot.

S’agissant de la seconde question, ayant trait à la demande de MM. Linder et Offord faite à M. X_________ de répéter les expériences qu’il avait effectuées en 1999, l’enquêteur retient que les premiers cités ont effectivement demandé à M. X_________ de refaire certaines expériences liées aux résultats publiés dans le journal E_______ 2000 et que M. S_______ et M. X_________ sont parvenus à des résultats, consignés en deux documents séparés.

La troisième question du Conseil d’Etat, ayant trait aux photos de plaques de petri, produites les 16 et 23 juillet 2002 par M. X_________, a appelé la réponse suivante de l’enquêteur : le 16 juillet 2002, M. X_________ avait remis trois nouvelles photos, dont il disait qu’elles avaient été prises en 1999 soit deux le 27 juin et une dernière le 29, la datation automatique étant toutefois remplacée par une manuscrite. Ultérieurement, trois autres photos avaient été faites par Mme K______ pour M. X_________ le 18 juillet 2002. Il ressort du rapport écrit par M. Margot qu’il s’agissait certes d’images différentes, mais de la même préparation. Le 13 février 2003, M. X_________ avait fourni une nouvelle explication à propos de ces photos exposant que la même plaque de petri avait été photographiée à deux reprises, une première fois en 1999, puis rephotographiée le 18 juillet 2002. Sur question de l’enquêteur, M. Philippe avait exposé que le 13 février 2003, M. X_________ était seul dans son bureau lorsqu’il lui a été donné connaissance du rapport de M. Margot et qu’il avait alors changé sa version des faits. Lors d’une expertise complémentaire du 30 juin 2004, M. Margot avait confirmé que les photos reçues de M. Philippe concordaient avec les originaux qui lui étaient soumis et étaient des illustrations de la même plaque de petri. Il était hautement vraisemblable que la date du 18 juillet 2002 était exacte et correspondait à la date de prise de vue réelle de toutes les images. De surcroît, lors de la visite du laboratoire le 12 juillet 2004, M. X_________ avait répondu à l’enquêteur qu’il ne pouvait plus lui montrer la boîte de petri ayant servi à faire des photos, car elle avait été jetée à la poubelle. En conclusion, il fallait admettre que M. X_________ n’avait pas refait d’expérience durant l’été 2002, comme cela lui avait été demandé, car il avait démontré qu’il avait rephotographié la même boîte de petri S’agissant des quatrième et cinquième questions du Conseil d’Etat, l’enquêteur a considéré qu’il était établi qu’une plaque de petri, datant de 1999, selon les affirmations de M. X_________, avait été photographiée à deux reprises au mois de juillet 2002, une première fois à l’endroit et une seconde fois à l’envers. La première photo avait été datée manuellement du 27 juin 1999 et la seconde automatiquement du 18 juillet 2002.

S’agissant de la sixième question du Conseil d’Etat, l’enquêteur a admis que M. X_________ n’avait pas répété l’expérience en 2002 comme cela lui avait été demandé, mais qu’il avait fourni des photographies de la même boîte de petri, mais datant de 1999 s’agissant de celle prise à l’endroit et 2002 pour celle où la boîte est placée à l’envers.

En réponse à la dernière question du Conseil d’Etat, l’enquêteur a considéré qu’il n’était pas vraisemblable que la même boîte de petri ait été photographiée à trois ans de distance. Toutes les prises de vue dataient de 2002.

33. En conclusion, l’enquêteur a considéré qu’au fur et à mesure des 17 audiences qu’il avait tenues, il avait acquis la conviction que le comportement de M. X_________ n’était pas compatible avec la rigueur scientifique requise d’un collaborateur de l’Université, chargé de diriger des recherches et de former de jeunes chercheurs. Il était en outre constitutif de falsification de documents et de fraude scientifique.

34. Le 10 novembre 2004, le Conseil d’Etat a prononcé, pour les motifs précités, la révocation immédiate de M. X_________ en application de l’article 130 alinéa 1er lettre d chiffre 7 LIP, mettant immédiatement fin au mandat de maître d’enseignement et de recherche de l’intéressé et a déclaré la décision exécutoire nonobstant recours. M. X_________ avait cherché à tromper ses interlocuteurs au sein de la faculté, puis les trois doyens, le rectorat et le département de l’instruction public, de même que l’enquêteur administratif.

35. Le 14 décembre 2004, M. X_________ a recouru contre la mesure prise par le Conseil d’Etat, concluant à son annulation et à ce que la commission dise qu’il n’était pas coupable de fraude scientifique, ni de faute professionnelle grave. A titre subsidiaire, M. X_________ demande le renvoi du dossier au Conseil d’Etat pour nouvelle enquête. S’agissant notamment de la controverse quant aux boîtes de petri, M. X_________ critique les conclusions de l’enquêteur. Lorsqu’il avait fourni, le 13 février 2003, de nouvelles explications à M. Philippe, à savoir que la même boîte avait été photographiée à deux reprises une fois en 1999 et une autre fois le 18 juillet 2002, il n’était pas encore au courant des conclusions auxquelles M. Margot était parvenu. De surcroît, l’enquêteur n’avait accordé aucune foi aux déclarations de Mmes K______ et D_______ alors que ces deux personnes étaient les mieux à même de donner des explications sur les recherches entreprises par M. X_________.

36. Le 22 décembre 2004, le Conseil d’Etat s’est déterminé sur la requête de restitution de l’effet suspensif présentée par M. X_________ et a conclu à son rejet.

Le 23 décembre 2004, le Président de la commission de recours du personnel enseignant de l’instruction (ci-après : la CRIP), a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif.

37. Le 12 janvier 2005, M. X_________ a produit une traduction libre des pièces qu’il avait déposées.

38. Le 21 janvier 2005, le Conseil d’Etat a répondu au recours.

M. X_________ ne pouvait se plaindre de la composition de la commission « d’instance de l’établissement des faits » dès lors qu’elle avait été portée à sa connaissance et qu’il ne l’avait pas contestée. Il en allait de même de celle des trois doyens devant lesquels l’intéressé s’est exprimé en anglais. Contrairement à ce que soutenait l’intéressé, il ne lui avait jamais été reproché d’avoir publié des résultats faux en l’an 2000. En revanche, son comportement face aux questions et aux interrogations de ses collègues dès la fin du mois de mai 2002, était constitutif d’une faute grave. Il avait falsifié ses propres dossiers pour masquer les faiblesses de son travail. Il était avéré par les témoignages concordants de MM. Linder, Offord, Philippe et Izui, que la photo datée automatiquement du 18 juillet 2002 avait été remise par M. X_________ à M. Linder comme preuve du renouvellement des expériences alors qu’il avait été avéré ultérieurement que M. X_________ avait demandé à Mme K______ de photographier à l’envers une ancienne plaque de petri

39. Comme il l’y avait été autorisé, le recourant a déposé, le 15 avril 2005, une réplique. M. Georgopoulos ne s’était pas préoccupé du caractère non reproductible des résultats publiés par M. X_________ dans le journal E_______ en 2000, avant le 29 juin 2002. Ses visites antérieures consistaient à reprocher au recourant de ne pas avoir envoyé des souches à d’autres scientifiques. Lorsque, le 29 mai 2002, M. Georgopoulos a demandé à Mme D_______ de retirer l’article litigieux de sa thèse, cette dernière avait déjà pris la même décision, d’entente avec M. X_________. De surcroît, lorsqu’il avait examiné la thèse de Mme D_______ en février 2002, M. Georgopoulos n’y avait rien découvert d’anormal. Or, M. X_________ avait découvert, dès le début de l’année 2002, des difficultés pour reproduire les résultats publiés en 2000. S’agissant de la controverse avec M. S_______, M. X_________ avait pu démontrer que le premier nommé avait tort sur la question de la présence ou de l’absence de l’antibiotique « Kanamycine » dans la souche SR4444. M. S_______ n’avait pas remis des résultats en tous points conformes à ce qui avait été prévu dans le protocole passé entre les deux chercheurs. Quant à M. X_________, il n’avait transmis que le résultat de l’expérience refaite, sans feuille de calculs, ni photos. M. X_________ n’avait jamais soutenu que la photo datée du 18 juillet 2002 concernait les expériences refaites au cours du même mois. Enfin, il était impossible de juger la qualité du travail de M. X_________ à partir du cahier de notes qu’il avait composé en deux heures le 30 juin 2002.

40. Dans sa duplique, le Conseil d’Etat a admis que M. Georgopoulos n’avait pas réalisé les problèmes liés aux résultats publiés en 2000, lorsqu’il avait fait une première lecture du manuscrit de la thèse de Mme D_______ en février 2002. Ces difficultés n’avaient été portées à son attention que par M. S_______ ultérieurement. En revanche, la suppression de cet article dans la thèse de Mme D_______ n’était pas le fait de M. X_________. Les expériences réalisées parallèlement avec M. S_______ avaient bien pour objet de répéter celles dont les résultats avaient été publiés en l’an 2000. Lorsqu’il avait reçu les résultats, M. Linder était persuadé que le recourant avait recommencé totalement l’expérience avec une nouvelle boîte de petri. Enfin, M. X_________ ne pouvait soutenir que la lettre écrite en langue française le 30 juin 2003 à M. Genecand n’était pas authentique, dès lors qu’il l’avait signée. Il y avouait avoir rephotographié en 2002 la même boîte datant de 1999.

41. Il sied encore de mentionner que le recourant et le Conseil d’Etat ont désigné respectivement comme membres de la CRIP, M. Denis Duboule, professeur à la faculté des sciences de l’Université et M. Panteleimon Giannakopoulos, professeur à la faculté de médecine.

42. Le 13 septembre 2005, les parties ont été entendues par la commission.

a. M. X_________ a exposé tout d’abord qu’il avait obtenu une licence universitaire au Cashemire en 1974 puis un « master » à l’Université de Penjab en 1987. Il avait obtenu son doctorat en 1987 avec la meilleure mention. Dans l’intervalle, il avait travaillé comme chercheur indépendant. En 1988, il avait démissionné de son poste de chercheur associé et avait rejoint l’Université de l’Etat d’Utah à Salt Lake City pour des études post-doctorales. En 1991, il lui a été proposé de venir à l’Université de Genève où il est arrivé en 1992 comme maître assistant suppléant, et était devenu maître d’enseignement et de recherches en 1994. Dès 1994, il avait adressé une demande au fonds national pour une recherche indépendante. Il avait eu un laboratoire indépendant dès son arrivée même s’il était venu à Genève à la demande du M. Georgopoulos, qui l’avait rencontré en 1988. Dès 1992, il avait suivi des doctorants qui travaillaient sur ses propres projets. Les étudiants que lui envoyait M. Georgopoulos restaient les doctorants de ce dernier et lorsqu’il s’agissait des siens, il cherchait un professeur qui soit formellement le directeur de thèse. Interrogé sur ses activités actuelles, le recourant a exposé qu’il continuait à revoir des articles et à faire des recherches tant aux Etats-Unis qu’au Japon et en Allemagne. Il avait été nommé comme « Professeur national » en Inde et serait payé dans ce pays s’il s’y rendait. Il voulait toutefois que son poste à Genève lui soit restitué et il ne touchait des allocations de chômage que depuis 4 mois.

Mme D_______ était une doctorante de M. Georgopoulos. Mme K______ était venue à Genève comme post-doctorante pour travailler avec le même professeur en 1999. En 2001, elle avait informé M. Georgopoulos qu’elle souhaitait rejoindre le laboratoire de M. X_________ pour y travailler. Quant à M. S_______, il avait commencé à travailler au mois d’août 2000 avec M. X_________. Il avait fait son doctorat en Inde et il était à Genève comme post-doctorant. M. X_________ avait toujours discuté avec M. S_______ lorsque celui-ci lui posait des questions. Il lui avait confié cinq projets, mais M. S_______ n’avançait pas, car il avait des difficultés personnelles. En outre, M. S_______ avait demandé à M. X_________ de pouvoir quitter Genève en raison de ses propres problèmes au mois de novembre 2001, puis le 6 février 2002. M. X_________ avait alors conseillé à M. S_______ de rester jusqu’à l’issue de ce contrat qui se terminait le 30 juin 2002. Il a exposé n’avoir pas congédié M. S_______, même si ce dernier ne montrait pas ses résultats, car il n’aimait pas licencier les gens. M. S_______ était payé sur des fonds provenant du fond national de la recherche scientifique, de même d’ailleurs que Mmes K______ et D_______. De surcroît, M. X_________ avait encore payé des voyages à M. S_______ sur ses propres deniers.

Au mois de février 2002, M. X_________ avait refait des expériences, dans le cadre d’une collaboration avec un professeur allemand. Il avait repris une souche dénommée SR4444 et avait reconstruit une nouvelle souche dérivée dénommée SR6207. Il avait alors constaté certaines divergences par rapport au résultat obtenu avec la souche SR4444. M. S_______ avait eu connaissance de ses résultats écrits et soudainement, le 26 avril 2002, lui avait dit qu’il faisait de la reconstruction et qu’il était arrivé à une différence par rapport à la souche SR4444. Il n’avait toutefois jamais montré sa souche à M. X_________ et ne l’avait pas conservée non plus. Il soutenait que sa reconstruction n’avait aucune mobilité alors que M. X_________ arrivait à un résultat de 30%. Les souches, objets de ses nouvelles expériences, portaient les Nos 6207 et 6208 et la trace des prises de vue devait se trouver dans le livre de bord de l’appareil de photos du département de biochimie médicale, dans les jours suivants le 26 avril 2002.

M. X_________ a confirmé que son groupe de recherche utilisait 200 à 300 boîtes de petri par jour et qu’elles étaient conservées deux à trois semaines avant d’être envoyées à la destruction à l’autoclave. Il lui arrivait toutefois d’en conserver certaines plus longtemps pour des motifs de comparaison ou pour les montrer à des tiers. Il avait conservé la boîte de 1999 au motif que celle-ci montrait un très bon exemple de suppression. Il y avait peu d’exemples aussi bon que celui-ci dans la littérature. Il a exposé l’avoir détruite le 18 juillet 2002, car M. S_______ ne lui avait pas rendu les clefs du laboratoire et M. X_________ craignait que M. S_______ fasse du tort à ses recherches, en accédant aux boîtes. Après que Mme K______ avait pris des photos de la boîte, il avait décidé de la détruire. Il ne voulait pas que quelqu’un lui vole la boîte contenant la souche SR4444, même si la controverse avait déjà commencé. Il ne l’avait pas non plus envoyée à un tiers car il était « sous pression ». De surcroît, il pouvait obtenir à nouveau à tout moment le même résultat avec la souche SR4444 qui se trouvait au congélateur du 9ème étage du CMU, dans l’ancien département de biochimie. Quant aux boîtes de petri ayant servi aux expériences sur les souches SR6207 et 6208, elles ont été détruites au mois de juillet ou durant celui d’août 2002. Quant aux souches, elles devaient toujours se trouver dans le congélateur. Les boîtes ne constituaient pas une preuve, car les preuves étaient les souches : La souche SR4444, qui existait depuis 1999 et les souches SR6207 et SR6208, qui existaient depuis 2002, constituaient des preuves. M. X_________ a demandé que des expériences soient refaites, qui montreraient une suppression de 100% avec la souche SR4444 et de 30% avec les autres. M. X_________ a soutenu avoir toujours donné une seule explication à propos des boîtes de petri. La boîte de 1999 avait été photographiée une première fois à cette époque et les photos avaient été remises le 16 juillet 2002 à M. Linder. Ensuite, la même boîte avait été rephotographiée le 18 juillet 2002 et ces photos remises au M. Offord le 23 juillet 2002. Les photos avaient été prises par Mme K______, en qui M. X_________ avait entièrement confiance. De surcroît, les photos devaient être prises dans un lieu accessible à toute le monde et M. X_________ savait que Mme K______ n’y serait pas agressée physiquement alors que cela avait été le cas.

43. La commission a fait observer à M. X_________ que la souche SR4444 était accessible à tous les scientifiques puisqu’elle avait été publiée. Il n’y avait donc pas lieu de craindre que M. S_______ s’en empare.

M. X_________ a répondu qu’il craignait que M. S_______ ne s’en empare et la détruise.

Sur nouvelle question de la commission, M. X_________ a soutenu avoir refait les expériences avec la souche SR4444 et avoir montré les résultats à MM. Offord et Linder. Il avait refait les expériences à de nombreuses reprises entre le 26 avril 2002 et jusqu’à la fermeture de son laboratoire.

La commission a alors demandé à M. X_________ pourquoi il n’avait pas fait de nouvelles photographies à partir des expériences ainsi refaites durant cette période, alors que la souche était en sécurité depuis la mi-juin 2002. M. X_________ a répondu que le débat portait sur la reproductibilité de l’expérience à partir des souches reconstruites et non à partir de la souche SR4444 à propos de laquelle personne ne contestait les résultats. Il a précisé que si personne ne contestait les résultats, personne ne les admettait non plus et que son laboratoire avait été vandalisé pour ce motif.

Sur question du Conseil d’Etat, qui fait observer à M. X_________ que M. Georgopoulos avait déclaré être incapable de reproduire les résultats de l’intéressé, M. X_________ a exposé que la controverse était uniquement personnelle mais que de nouvelles expériences avec la souche SR4444 donneraient les mêmes résultats que ceux qu’il avait lui-même obtenus.

Sur question de la commission, qui lui a demandé pourquoi il n’avait pas refait de manière claire l’expérience en 2002, lors de la controverse, M. X_________ répond qu’il avait donné des résultats écrits pour démontrer que l’expérience était reproductible. MM. Georgopoulos et Linder en avaient été informés par écrit et M. Offord avait été informé le 1er juin 2002. Il n’avait pas donné de photos de ses nouvelles expériences, car personne ne le lui avait demandé.

44. Le 3 novembre 2005, MM. Offord et Linder ont été entendus comme témoins.

45. M. Offord a confirmé les déclarations qu’il avait faites à l’enquêteur administratif. Il a précisé qu’il n’avait pas pu rafraîchir ses souvenirs, qui commençaient à s’estomper du fait de l’écoulement du temps, car il avait été la victime d’un vol sur le lieu de travail et le dossier relatif à l’affaire litigieuse avait été dérobé de même que son agenda électronique et son ordinateur portable. Il avait effectivement tenté de résoudre deux controverses, l’une entre M. X_________ et M. Georgopoulos et l’autre entre le même M. X_________ et M. S_______. Dans la première controverse, M. Georgopoulos souhaitait obtenir de M. X_________ qu’il lui remette les données originales qu’il détenait. Les deux parties avaient participé à la rédaction du protocole qui aurait dû permettre de résoudre le différend. Dans le second cas, M. S_______ avait exposé à M. Offord qu’il était dans l’incapacité de reproduire certains résultats obtenus par M. X_________. Il y avait donc lieu de répéter certaines expériences et de comparer les résultats. Les deux parties étaient parvenues à des conclusions indicatives, mais non définitives, du fait notamment du départ de M. S_______ pour l’Inde. Lors de la préparation du matériel, au début de l’automne 2002, destiné à la commission de l’établissement des faits, alors qu’il venait d’être remarqué dans l’entourage de M. Georgopoulos que deux photographies remises à M. X_________ et qui étaient sensées avoir été prises à des dates différentes représentaient la même boîte de petri. A cette époque, M. X_________ contestait que les deux photographies litigieuses, l’une datée de manière manuscrite et l’autre de manière automatique, portaient sur le même objet. Il soutenait qu’il s’agissait de deux boîtes différentes et que la similitude provenait de son habileté à déposer des colonies toujours aux mêmes endroits. C’est à l’issue d’une audition de la commission de l’établissement des faits que les parties ont été informées que la commission comptait saisir M. Margot, professeur au sein de l’institut de police scientifique de l’Université de Lausanne. M. Offord a encore précisé que les cinq feuillets composant la pièce S4 constituaient bien le document qui avait été remis par M. X_________ à M. Offord comme preuve qu’il avait refait les expériences dans le cadre de la controverse avec M. S_______.

46. M. Linder a exposé que, dans un cadre qui était alors amical, M. Offord et lui-même avaient souhaité comprendre les différences dans les résultats obtenus par M. S_______ et ceux de M. X_________. Une réunion a rassemblé ces quatre personnes dans le but d’établir un protocole pour que les expériences soient refaites. La première feuille de la pièce S2 a été rédigée par ces quatre personnes. Le témoin avait reçu de M. X_________ les résultats sur une page établie avec un traitement de texte et signée de lui. Le témoin a confirmé qu’il s’agissait bien du premier feuillet de la pièce S4, qu’il avait reçu signé. Il a alors demandé à voir les pièces documentant ces résultats, comme les photos des boîtes. M. X_________ a remis à M. Linder les feuilles comportant notamment le test de mobilité. M. Linder a confirmé à la commission qu’il avait reçu ces documents après les avoir demandés, qu’il avait indiqué cela sur une feuille qui était contenue dans la cote S4 et qu’il s’agissait bien des trois feuillets quadrillés comportant une publicité au pied. Sur ce point précis, il n’avait rien à ajouter ou à modifier aux déclarations qu’il avait faites à l’enquêteur administratif.

La question de l’identité de la boîte n’avait été soulevée que bien plus tard, au mois de janvier 2003, par M. Georgopoulos, qui en avait alors informé M. Offord. Ce dernier avait alors transmis l’information à M. Saurat, qui était chargé des questions concernant les disputes scientifiques. M. Linder n’avait transmis cette information à personne, notamment pas à M. X_________ et, à sa connaissance, ni M. Offord, ni M. Georgopoulos ne l’avaient fait. M. Linder n’était plus intervenu dans le dossier lorsqu’était apparu le problème des photos. Il avait assisté à la séance de la commission d’établissement des faits du 27 janvier 2003 au cours de laquelle l’un des membres avait soulevé la question de l’identité de la boîte de pétri. M. X_________ lui avait alors répondu qu’il inoculait toujours de la même manière les boîtes, ce qui faisait que les photos étaient semblables, même s’il s’agissait de deux boîtes.

Quant à la requête à M. Margot, elle était le fait de M. Philippe, président de la commission, M. Linder n’avait pas participé à cette décision.

Le témoin a alors réitéré ses précédentes déclarations. Les photos qui lui avaient été remises au mois de juillet 2002, ne pouvaient être que celles prises à l’issue d’une nouvelle expérience. S’il avait eu le moindre doute à ce sujet, il aurait demandé à nouveau les photos de la nouvelle expérience, ou une explication.

Sur question du Conseil d’Etat, le témoin a précisé que la photo no 052922, contenue dans la cote numérotée S4, devait illustrer le contenu de la première page, rédigée au traitement de texte, concernant la mobilité des bactéries. Cette question de la mobilité des bactéries constituait une part importante de la publication dans le journal E_______ 2000.

M. Linder a également confirmé que le cahier de laboratoire appartenant à M. X_________ et qui lui avait été soumis dans le cadre de la résolution du litige avec M. Georgopoulos, n’avait pas le niveau requis ; il était impossible d’y suivre le déroulement d’une expérience.

Interrogé par le recourant sur les différences de concentrations indiquées dans les pièces S2 et S4, le témoin a répondu qu’à l’époque, il n’accusait pas M. X_________, car il n’avait pas de raison de le faire. Les photographies confirmaient la tendance de la publication, alors que les résultats de M. S_______ disaient le contraire. M. Offord ainsi que le témoin avaient considéré qu’il ne leur était pas possible d’aller plus loin. Ils constataient qu’il n’y avait pas de contradiction entre le texte écrit, remis par M. X_________ et contenu dans la cote S4 et la troisième photo collée sur papier quadrillé dans la même cote. Le témoin avait toutefois déjà été frappé au mois de juillet 2002 par le fait qu’on ne pouvait pas comprendre les calculs contenus dans cette cote. Il était impossible de chiffrer la différence quant à la croissance des bactéries. Globalement, à la réception des résultats au cours de l’été 2002, il n’avait pas eu le sentiment qu’il mettait en doute les résultats publiés dans le journal E_______ 2000.

Pour le surplus, le témoin a indiqué qu’il persistait dans les déclarations qu’il avait faites à l’enquêteur administratif.

47. Le 2 décembre 2005, M. Georgopoulos a été entendu en qualité de témoin.

48. M. Georgopoulos a indiqué à la commission qu’il ne souhaitait pas revenir sur le contenu de ses propres déclarations à l’enquêteur administratif lors des auditions des 10 mai et 2 juin 2004. Il se référait à la chronologie des événements qu’il avait établie et remise à l’enquêteur lors de la seconde audience.

Le 27 mai 2002, Mme D_______, doctorante, avait répété sa soutenance de thèse devant le témoin. Elle n’y avait pas inclus les travaux concernant ompL. Sur question du témoin, elle lui avait répondu qu’elle n’avait pas de connaissance de problème concernant la bactérie. En revanche, M. X_________ avait expliqué que les résultats concernant la suppression n’étaient pas reproductibles à 100% mais à 70% seulement. M. Georgopoulos avait alors relu l’article paru dans le journal E_______ 2000 et s’était rendu compte qu’il posait plusieurs problèmes. Le 28 mai 2002, il avait eu une discussion approfondie avec M. X_________ et lui avait demandé de lui apporter pour le lendemain des données démontrant que ses résultats concernant la mobilité étaient à 100% corrects au moment de la publication. Ces deux personnes s’étaient revues le 29 mai 2002 et le document présenté par M. X_________ à la discussion démontrait que le double mutant n’était pas mobile. Le document remis à cette occasion, comporte des photos nos 039465 et 039466. La première no 039465 démontrait clairement, selon le témoin, que le double mutant n’était pas mobile. M. X_________ avait alors affirmé qu’il avait fait les expériences lui-même et qu’il en assumait la responsabilité alors que le témoin savait de son côté, que cette expérience avait été faite par M.  G______, un de ses propres post-doctorant. Le 29 mai toujours, M. X_________ devait revenir à 17h00 avec ses propres résultats sur ompL mais le témoin l’avait entendu en vain jusqu’à 19h00. Le 31 mai, M. X_________ était revenu dans le bureau du témoin et ce dernier lui avait demandé de lui montrer tous les documents comportant les données qui prouvaient l’exactitude de l’article publié dans le journal E_______ 2000. M. X_________ avait alors accepté de revenir à 17h00 et il avait signé un document en ce sens de son prénom "S_____". A l’heure convenue, M. X_________ est effectivement venu, mais a refusé de remettre au témoin les documents. Devant le refus persistant de l’intéressé, M. Georgopoulos avait demandé à Mme Cajo de prendre des notes, déposées à la procédure, sur ce qui se passait. Il avait ensuite demandé à cette personne de mettre sous clef les dossiers dont il avait pu s’emparer. Dès ce moment, le témoin n’avait plus accès aux dossiers de M. X_________ qui avaient été remis directement par Mme Cajo à M. Offord le lundi suivant.

M. X_________ avait été considéré auparavant comme un fort chercheur et le département l’avait soutenu à l’occasion du renouvellement de son poste de MER, alors même qu’il devait améliorer sa maîtrise du français.

Le témoin avait certes reçu déjà des plaintes quant à des envois de souches par M. X_________ mais ce dernier avait toujours fourni des explications plausibles. Au mois de février 2002, une collègue de l’Université d’Edimbourg avait informé le témoin que l’un de ses étudiants n’arrivait pas à reproduire les résultats publiés par M. X_________ en 1999.

49. Le 20 janvier 2006, les parties ont déposé leurs écritures après enquêtes  :

a. M. X_________ persistait dans son recours du 14 décembre 2004 et ses observations du 15 avril 2005. Il avait été la victime d’un conflit personnel, l’opposant à M. Georgopoulos. Par la suite, ce dernier avait obtenu le soutien de certains de ses collègues. Toutefois, la plupart des accusations dirigées contre M. X_________ avaient dû être abandonnées. Le reproche selon lequel il n’avait pas envoyé de souches à des tiers avait été contredit par l’audition de Mme K______. Malgré l’avis de M. Georgopoulos, selon lequel les conclusions publiées dans le journal E_______ 2000 étaient dépourvues de fondement, le recourant maintenait que, sur la base des mêmes souches, elles étaient confirmées ; il avait d’ailleurs déposé un tirage des photographies qu’il avait réalisées à cet égard. Dans le cadre de la controverse qui l’opposait à M. S_______, M. X_________ avait effectué les expériences. Il avait informé M. Philippe que les deux séries de clichés prises au mois de juin 1999 et durant celui de juillet 2002, représentaient le même objet, soit une boîte de pétri datant de 1999, alors qu’il n’était pas au courant des conclusions de M. Margot. La commission des trois doyens lui avait reproché d’être désordonné, mais une telle critique n’avait rien à voir avec ses capacités de scientifique. On ne pouvait soutenir qu’il était incapable de diriger des étudiants, car la dernière doctorante dont il avait eu à s’occuper avait obtenu la note maximale lors de sa soutenance et d’autres personnes passées par son laboratoire étaient devenues professeurs dans des universités prestigieuses.

Ainsi donc, la seule accusation maintenue par le Conseil d’Etat était celle de falsification des photos remises à MM. Offord et Linder pour leur faire croire qu’il avait refait en juillet 2002 les expériences menées en 1999.

Contrairement à ce que soutenait le Conseil d’Etat, le protocole S2 avait pour objet la répétition de trois expériences à partir de nouvelles souches. Il ne s’agissait donc pas de refaire les expériences déjà effectuées par le recourant, dont les résultats avaient été publiés dans le journal E_______ 2000. S’agissant de la pièce S4, le recourant n’avait donné qu’une seule page à M. Linder. Les autres pages avaient été ajoutées par un tiers, extérieur au laboratoire, comme le démontrait les analyses d’écritures déposées par le recourant. Les explications de M. Linder à ce sujet étaient incohérentes. La pièce S3, le rapport de M. S_______ avait été également complété par des tiers. S’agissant de la pièce G12, elle comportait des photos dont M. X_________ avait inscrit manuellement la date, ce qui ne constituait nullement une supercherie. Enfin, il avait affirmé à de nombreuses reprises qu’il était possible de garder une boîte de pétri pendant plusieurs années.

Le recourant a encore critiqué la procédure suivie par la commission d’établissement des faits.

Sur le fond, le recourant contestait avoir produit des photographies représentant la même boîte de pétri, à une reprise, pour démontrer une bonne suppression et à une autre pour démontrer le résultat de ses nouvelles expériences. Les photos figurants dans la pièce S4 étaient à l’origine dans un dossier suspendu, sur la pièce G14, d’où quelqu’un les avait sorties pour créer la pièce S4, dont le recourant contestait l’authenticité.

L’expérience ayant conduit à la publication du journal E_______ 2000, était parfaitement reproductible, même si personne ne s’était donnée la peine de le faire à partir des souches contenues dans un congélateur.

Si l’on considérait l’ensemble de la carrière du recourant, celui-ci n’avait jamais démérité. Il persiste dans ses conclusions en annulation de la décision entreprise et, subsidiairement, en renvoi du dossier au Conseil d’Etat pour nouvelle enquête.

b. Le Conseil d’Etat s’est également exprimé par écrit. La révocation disciplinaire du recourant avait fait suite à plusieurs enquêtes de la commission d’établissement des faits, d’une commission composée de trois doyens, puis d’une enquête administrative ordonnée par le Conseil d’Etat.

La sanction disciplinaire prise à l’encontre de M. X_________ n’était nullement motivée par la publication, en l’an 2000, d’un article dont les résultats avaient été remis en cause par des pairs. Il était reproché au recourant d’avoir falsifié des photos pour faire croire qu’il avait mené certaines expériences en 1999 et qu’il les avait répétées en juillet 2002. C’est dans ce but qu’il avait intentionnellement effacé la date automatique apparaissant sur des photographies contenues dans la pièce G12 et qu’il l’avait remise pour la remplacer par une autre, manuscrite, de 1999. De surcroît, le recourant avait remis à M. Linder une photographie datée automatiquement du 18 juillet 2002 pour prouver qu’il avait refait l’expérience scientifique, comme cela lui avait été demandé. Or, il était maintenant établi qu’il n’avait fait que demander à son assistante de photographier à l’envers la même boîte dont il prétendait au cours de cette procédure qu’elle correspondait à des expériences réalisées en 1999.

50. S’agissant de la controverse qui avait opposé le recourant à M. Georgopoulos, le Conseil d’Etat a rappelé que les conclusions présentées par M. X_________ reposaient sur des expériences réalisées à partir d’une souche appelée « SR 4444 ». Lors de la préparation d’une soutenance de thèse, M. Georgopoulos avait demandé des renseignements scientifiques complémentaires à M. X_________. Simultanément, un autre chercheur, M. S_______, avait fait savoir qu’il ne parvenait pas à reproduire les résultats obtenus par M. X_________. Pour résoudre cette querelle, M. Offord avait alors demandé des renseignements complémentaires à M. X_________, de manière à justifier les résultats qu’il avait publiés relatifs à la mobilité de la souche litigieuse et il avait été convenu que des expériences devaient être répétées pour clore la controverse avec M. S_______.

Les deux pièces figurants sur la cote G4 et G11, qui dataient des 3 juin et 15 juillet 2002 confirmaient l’engagement pris par M. X_________ de fournir à M. Offord les informations nécessaires pour lever les doutes concernant les résultats publiés dans le journal E_______ 2000.

La pièce S2, du 2 juillet 2002, constituait l’engagement de MM. X_________ et S_______ de refaire les expériences, le second nommé soutenant que les résultats de M. X_________ sur la mobilité des souches n’étaient pas reproductibles.

Lors de son audition, M. Offord avait identifié la pièce G12 comme les documents déposés par M. X_________ pour résoudre la controverse avec M. Georgopoulos. Le témoin avait également confirmé que la pièce S4 était bien celle qui lui avait été remise par M. X_________ pour prouver qu’il avait refait les expériences dans le cadre de la controverse avec M. S_______. Le témoin Linder avait également confirmé qu’il avait reçu ces documents lors de son audition le même jour. Il avait aussi exposé que les photos ne pouvaient être que celles prises à l’issue d’une nouvelle expérience.

Selon le Conseil d’Etat, il était également prouvé que M. X_________ avait tenté de tromper ses supérieurs en déposant le 16 juillet 2002 sous la cote G12 et aux environs du 23 juillet de la même année, sous la cote S4, deux photos de la même préparation, la datation automatique de la seconde ayant été découpée et remplacée par une annotation manuelle. A ce sujet, le témoin Offord avait déclaré que M. X_________ avait tenté de présenter une seule donnée comme étant deux données différentes. M. X_________ avait également tenté de tromper MM. Philippe et Izui, membres de la commission à l’établissement des faits, ce qu’avait confirmé M. Linder, présent lors de l’audition des prénommés par l’enquêteur, lorsqu’il a lui-même été entendu par la commission de recours.

Dans une lettre datée du 30 juin 2003, écrite en français et signée de M. X_________, celui-ci avait reconnu avoir effacé la datation automatique de la seconde photo de la même boîte datant de 1999 pour la remplacer par une datation manuscrite. M. X_________ avait donc menti à la commission lorsqu’il avait déclaré, en comparution personnelle le 13 décembre 2005, que les photos remises le 16 juillet 2002 et constituant la pièce G12 avaient été prises en 1999.

M. X_________ avait commis une seconde fraude lorsqu’il avait remis la pièce S4 à M. Linder et notamment la photo 052922, comme preuve de la répétition des expériences contestées. En effet, si la prise de vue automatique est datée du 18 juillet 2002, elle porte sur une ancienne boîte de pétri, datant de 1999 et photographiée à l’envers par une ancienne collaboratrice du recourant. Or, le 13 septembre 2005, M. X_________ a expliqué avoir détruit cette boîte de pétri alors même qu’elle constituait la seule preuve de la réalité des expériences menées dans la publication contestée. De surcroît, le recourant s’enfonçait dans la contradiction puisqu’il avait exposé à l’enquêteur, le 7 septembre 2004, qu’il était au contraire essentiel pour lui de conserver cette plaque de pétri.

S’agissant de la pièce S4, le témoin Linder avait exposé à deux reprises à l’enquêteur puis avait confirmé à la commission qu’il avait reçu tout d’abord le premier feuillet de cette pièce puis les suivants, sur le même papier quadrillé comportant une publicité au pied. En audience par-devant l’enquêteur, M. X_________ avait admis que ces feuilles carrelées utilisées tout d’abord pour écrire les résultats et ensuite pour coller les photos, sortaient d’un cahier que les parties avaient vu dans son propre laboratoire. Enfin, le recourant ne pouvait soutenir qu’il était impossible que des photos prises le 19 juillet 2002 accompagnent la feuille qu’il avait remise le 18, car il est établi que les feuillets composant la pièce S4 avaient été remis en deux temps, la première page le 18 juillet 2002 et les suivantes quelques jours plus tard. M. X_________ avait admis qu’il était l’auteur de la première page S4, qu’il avait signée. La question de savoir si le prénom de S_____ a été écrit sur les trois autres feuillets par lui-même ou par un tiers est dénuée de pertinence.

51. Le 24 janvier 2006, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

1. Instituée par l’article 131 LIP, la commission de céans est composée de cinq membres, dont trois juges du Tribunal administratif, ainsi qu’un membre désigné par le Conseil d’Etat et un autre choisi par le recourant. Elle a notamment pour compétence de revoir, sur recours, les mesures à caractère disciplinaire que constituent la suspension d’augmentation de traitement pendant une durée déterminée, la réduction à l’intérieur de la classe de fonction, le transfert dans un autre emploi, le licenciement disciplinaire et la révocation (art. 130 al. 1er lettres c et d ch. 3 à 7 LIP).

2. Elle fait application de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) pour instruire les recours qui lui sont soumis.

3. En vertu de l’article 63 alinéa 1er lettre a LPA, le recours est recevable pour autant qu’il a été déposé dans les 30 jours suivant la notification du prononcé litigieux.

En l’espèce, M. X_________ a déposé auprès d’une succursale de l’entreprise La Poste, en date du 14 décembre 2004 un recours contre la décision du Conseil d’Etat du 10 novembre 2004, qu’il avait reçue le 15 du même mois. Le recours est ainsi recevable.

4. Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle (arrêt du Tribunal Fédéral 2P.256/2001 du 24 janvier 2002 consid. 2a et les arrêts cités ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004). Sa portée est déterminée en premier lieu par le droit cantonal (art. 41ss LPA) et le droit administratif spécial (arrêt du Tribunal Fédéral 1P.742/1999 du 15 février 2000 consid. 3a ; ATF 124 I 49 consid. 3a p. 51 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral du 12 novembre 1998 publié in RDAF 1999 II 97 consid. 5a p. 103). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Cst. qui s’appliquent (arrêts du Tribunal fédéral 2P.256/2001 du 24 janvier 2002 consid. 2b ; 1P.545/2000 du 14 décembre 2000 consid. 2a et les arrêts cités ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 198).

Tel qu’il est garanti par l’article 29 alinéa 2 Cst., le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (Arrêt du Tribunal Fédéral 2P.77/2003 du 9 juillet 2003 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004 et les arrêts cités). La jurisprudence en matière de droits constitutionnels du Tribunal fédéral a également déduit du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée. L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives.

Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, les cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (Arrêts du Tribunal fédéral 1P.729/2003 du 25 mars 2004 consid. 2 ; 1P.531/2002 du 27 mars 2003 consid. 2.1 et les arrêts cités; ATA/560/2000 du 14 septembre 2000).

Une décision entreprise pour violation du droit d’être entendu n’est pas nulle, mais annulable (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.207/2001 du 12 novembre 2001 consid. 5a et les arrêts cités). Toutefois, la violation du droit d’être entendu est réparable devant l’instance de recours si celle-ci jouit du même pouvoir d’examen des questions litigieuses que l’autorité intimée et si l’examen de ces questions ne relève pas de l’opportunité, car l’autorité de recours ne peut alors substituer son pouvoir d’examen à celui de l’autorité de première instance (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.30/2003 du 2 juin 2003 consid. 2.4 et les arrêts cités; ATA/73/2005 du 15 février 2005; ATA/703/2002 du 19 novembre 2002 ; ATA/609/2001 du 2 octobre 2001 ;  P. MOOR, Droit administratif : les actes administratifs et leur contrôle, vol. II, Berne 1991, ch. 2.2.7.4 p. 190). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ACE A. Porta & Cie du 18 décembre 1991 consid. 4 et 6a in : SJ 1992 p. 528).

En l’espèce, le recourant a pu s’exprimer par écrit à deux reprises avant les enquêtes ordonnées par la commission de céans, puis à nouveau après les enquêtes. Il a en outre pu s’exprimer oralement devant celle-ci avec l’assistance d’un interprète à deux reprises également et a participé à l’audition des trois témoins que cette autorité avait décidé de convoquer. La commission a pris en outre connaissance de l’intégralité du dossier, qui est resté à disposition des parties durant la procédure en application de l’article 44 alinéa 1er LPA, et notamment des procès-verbaux des auditions auxquelles avait procédé l’enquêteur nommé par le Conseil d’Etat, de sorte que le droit d’être entendu de l’intéressé a été pleinement respecté.

5. Le recourant reproche à la commission d’instance d’établissement des faits de ne pas avoir respecté les recommandations de l’Académie suisse des sciences médicales en matière de récusation des membres d’une telle commission.

Supposé fondé, ce grief est sans conséquence sur la procédure étatique au sens strict. Le recourant a fait en effet l’objet d’une décision prise par le Conseil d’Etat, puis, ce dernier prononcé a été soumis à la commission de céans, qui statue avec plein pouvoir d’examen, sous réserve de l’opportunité, dont elle n’a pas à connaître en application de l’article 61 alinéa 2 LPA. Les griefs que le recourant aurait pu le cas échéant former à l’égard de la commission précitée sont sans portée pour la suite de la procédure devant les juridictions administratives stricto sensu.

6. À teneur de l’article 61 alinéa 2 LPA, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi.

La commission siégeant dans une composition comportant la présence de deux enseignants universitaires, soit en l’occurrence un professeur de la Faculté des sciences et un autre de la Faculté de médecine, elle n’a pas de motif supplémentaire de restreindre son propre pouvoir d’examen (ACOM/60/2004 du 7 juillet 2004, ACOM/25/2004 du 26 février 2004; sur cette question : François Paychère, Pouvoir d’examen et pouvoir de décision au Tribunal administratif, RDAF 2000 I 536, p. 542 – 543).

7. Selon l’article 130 alinéa 1er lettre d chiffre 7 LIP, le Conseil d’Etat prononce la révocation, lorsque les infractions sont particulièrement graves et incompatibles avec la mission d’enseignant ou d’enseignante.

8. Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s'interprète en premier lieu d'après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d'autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique  ; ATF 129 V 258 consid. 5.1 p. 263/264 et les références citées). Le Tribunal fédéral utilise les diverses méthodes d'interprétation de manière pragmatique, sans établir entre elles un ordre de priorité hiérarchique (ATF 125 II 206 consid. 4a p. 208/209). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 119 Ia 241 consid. 7a p. 248 et les arrêts cités).

Dans un arrêt récent (1P.615/2005 du 23 décembre 2005) le Tribunal fédéral a ajouté qu’il ne privilégiait aucune méthode d’interprétation, mais s’inspirait d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme. Il convient de retenir toutefois que le respect du sens littéral d’un texte clair sert la sécurité du droit et procède du respect dû au citoyen qui doit pouvoir compter sur le fait que l’autorité administrative donnera aux mots le sens qu’un interlocuteur moyen leur prête habituellement, voire qu’elle donnera le même sens au même mot lorsqu’il apparaît dans deux textes liés l’un à l’autre (ATA/53/2006 du 31 janvier 2006).

9. La notion de révocation telle qu’elle apparaît dans l’article 130 LIP, correspond à la plus grave des sanctions que peut prendre le Conseil d’Etat à l’égard d’un membre du personnel enseignant qui enfreint ses devoirs de service. Le manquement doit ainsi être d’une gravité telle qu’aucune des six autres sanctions prévues par cette disposition ne suffirait à le sanctionner dans une mesure qui satisfasse le principe de la proportionnalité. Ainsi que l’exprime la norme, l’importance du manquement doit être appréciée en relation avec la mission confiée à la personne mise en cause. S’agissant comme en l’espèce, d’une procédure menée à l’égard d’un membre de l’enseignement supérieur, il faut que le comportement incriminé contrevienne au but fixé à l’ordre d’enseignement considéré.

a. Selon l’article 1A lettres a, b et d de la loi sur l’Université du 26 mai 1973 (LU – C 1 30), l’Université a pour mission notamment d’initier les étudiants à la recherche, de contribuer à la recherche scientifique, au renouvellement et au développement des connaissances scientifiques et de faire prendre conscience de la responsabilité que les chercheurs, les enseignants et les étudiants assument envers la société.

b. Quant au MER, il est chargé sous la responsabilité d’un professeur ordinaire ou d’école, de l’enseignement, des recherches et/ou d’un ensemble d’appareils qui lui sont confiés (art. 55 al. 1er LU).

Le MER est ainsi personnellement chargé notamment de recherches qu’il doit mener dans le respect de la mission confiée à l’Université. Son comportement dans le cadre de l’initiation à la recherche des étudiants ou de la recherche scientifique proprement dite doit satisfaire à des principes éthiques rigoureux, qui comportent notamment une honnêteté absolue dans l’exposé du résultat de recherche. Comme cela ressort de l’article 3 LU, cette attitude d’objectivité doit être absolue, de manière à permettre la discussion des opinions scientifiques. Le fait de tronquer voire de falsifier des résultats d’expérience est gravement contraire à l’éthique scientifique, alors que la simple erreur ne l’est pas.

c. Le texte même de l’article 130 alinéa 1er lettre d chiffre 7 LIP, parle « d’infraction ». On ne saurait toutefois inférer de ce libellé que seul pourrait être révoqué l’enseignant qui aurait commis plusieurs infractions au principe qui gouverne l’activité scientifique. Si le manquement constaté est d’une gravité telle que la personne concernée ne peut plus être considérée comme digne de confiance dans son activité d’enseignement et/ou de recherches, elle peut être révoquée, même si le fait qui lui est reproché est unique, pour autant qu’il soit suffisamment grave.

Il revient ainsi à la commission de céans d’établir si les faits reprochés au recourant sont contraires aux missions que l’article 1A LU assigne à l’Université et si son comportement viole les principes éthiques qui lient les membres de la communauté scientifique, exprimés notamment dans l’article 3 LU. Elle doit également apprécier si les faits reprochés à l’intéressé, pour autant qu’ils soient avérés, sont d’une gravité telle que seule la sanction la plus grave que connaisse le droit cantonal est proportionnée à la faute.

L’enseignant qui a fait l’objet d’une révocation disciplinaire au sens de l’article 130 alinéa 1er lettre d chiffre 7 LIP, doit être réintégré si la révocation est annulée (cf. notamment ACOM/32/2005 du 27 avril 2005). S’agissant du cas particulier des MER nommés pour une période de 3 ans maximum au sens de l’article 55 alinéa 2 LU, la notion de réintégration ne s’étend que jusqu’à l’issue de la période administrative en cours lors de la révocation. En revanche, le MER révoqué par le Conseil d’Etat puis réintégré par la CRIP, ne peut prétendre que sa nomination a été renouvelée automatiquement et qu’il serait donc resté collaborateur de l’enseignement et de la recherche au-delà de la période administrative pour laquelle il avait été nommé avant d’être révoqué.

10. A teneur de l’article 55 alinéa 1er LU, le MER accomplit ses tâches d’enseignement et de recherches sous la responsabilité d’un professeur.

En l’espèce, il est établi que les controverses liées aux travaux scientifiques du recourant ont éclaté lorsqu’il s’agissait de préparer la soutenance de thèse d’une doctorante qui avait travaillé dans le laboratoire de ce dernier. La commission ne méconnaît pas cette circonstance, à savoir que cette doctorante travaillait pour le recourant, le suivi de sa thèse dépendait formellement d’un professeur. Il y a lieu dès lors de déterminer si ce travail de doctorat a bénéficié d’un suivi suffisant de la part du professeur responsable et si un éventuel manquement a eu une influence causale sur l’attitude du recourant. Il est anormal que le professeur responsable du suivi d’un travail de doctorat ne se penche sérieusement que quelques jours avant la soutenance sur une publication faisant partie de la thèse. Il ne suffit pas de faire, comme l’a déclaré le témoin lors de son audition « entière confiance » au MER qui accompagne un doctorant dans sa démarche scientifique, car les tâches d’enseignement d’un MER doivent être exécutées sous la responsabilité d’un professeur, comme celles de recherches. Il convient que le professeur responsable le soit réellement et s’enquiert régulièrement des progrès du candidat au doctorat et suive de manière approfondie ceux-ci, faute de quoi il ne satisfait pas aux exigences pédagogiques qui lui incombent. La doctorante concernée n’a donc pas bénéficié de l’encadrement pédagogique requis. Ces manquements ne sont toutefois pas dans une relation causale avec des errements du recourant. Ils ne viennent donc pas atténuer la faute de celui-ci.

11. La commission n’a pas pour but de trancher une éventuelle controverse scientifique entre le recourant et d’autres spécialistes de la même discipline. En particulier, il ne lui incombe pas de déterminer si les résultats publiés dans le journal E_______ 2000 pouvaient être vérifiés ou falsifiés. Au regard des exigences contenues dans la LU, il revient uniquement à la commission de céans de déterminer si, en révoquant le recourant, le Conseil d’Etat a violé la loi, c’est-à-dire, si, en d’autres termes, il a considéré à tort que l’intéressé avait eu l’intention de tromper ses interlocuteurs au sein de la faculté, puis les trois doyens, le rectorat et le département de l’instruction publique.

12. Dans cette perspective, deux épisodes sont déterminants. Il s’agit tout d’abord des réactions du recourant lorsque M. Georgopoulos lui a demandé de lui fournir des informations permettant d’asseoir les conclusions publiées dans le journal E_______ 2000. Le second épisode a trait à la manière dont le recourant a participé à la controverse scientifique avec M. S_______, controverse qui impliquait que des expériences soient refaites.

a. S’agissant du premier point, la commission est parvenue à la conclusion que le recourant a menti lorsqu’il a soutenu que les photographies d’une boîte de petri datées des 27 et 29 juin 1999 (pièce G12  ; page numérotée 919 par la commission) étaient différentes de la photographie no 052922 (pièce S4  ; page numérotée 991 par la commission). La question de savoir si la boîte de petri litigieuse date de 1999, qu’elle a été conservée pendant trois ans puis rephotographiée au mois de juillet 2002 ou si cette boîte date de juillet 2002 seulement, puis a été datée faussement du mois de juin 1999 est sans importance. Le seul point déterminant pour la commission est la conduite du recourant qui a tenté d’induire en erreur d’autres scientifiques en présentant comme deux séries indépendantes de données qui n’en constituent en fait qu’une seule. Cette tromperie est d’une extrême gravité  ; elle ruine en effet l’ensemble du système sur lequel repose la recherche scientifique, à savoir que toute personne conduisant des expériences doit rendre objectivement compte des résultats qu’elle a obtenus, de manière à ce que les autres membres de la même communauté scientifique puissent poursuivre la recherche à partir desdits résultats, sans avoir préalablement à les mettre en doute. De surcroît, si l’attitude du recourant dans le règlement de sa controverse avec M. Georgopoulos est inacceptable en tant qu’elle constitue un mensonge vis-à-vis de ses pairs, elle l’est également en tant qu’elle provient d’une personne chargée d’enseigner. Selon les buts assignés à l’Université par le droit cantonal, cet établissement doit non seulement contribuer à la recherche scientifique mais également à la prise de conscience de la responsabilité que l’ensemble des membres de la communauté scientifique assume vis-à-vis de la société. La fraude dans la présentation de résultats constitue à cet égard une attitude déplorable, propre à ruiner la réputation de l’établissement de l’enseignement supérieur concerné et l’éducation que doivent recevoir les étudiants parmi lesquels se trouvent nécessairement de futurs chercheurs.

Le simple fait pour le recourant d’avoir déposé trois photographies datées des 27 et 29 juin 1999, en ayant pris les dispositions nécessaires pour rendre impossible l’identification précise de la date de prise de vue et/ou celle de l’expérience ainsi photographiée constitue déjà un manquement grave aux règles du droit disciplinaire et justifie à lui seul le prononcé d’une sanction.

b. S’agissant de résoudre la controverse avec M. S_______, selon le protocole S2 (pièce numérotée 971 par la commission), la commission est parvenue à la conviction que M. X_________ a bien remis à M. Linder les différentes pages constituant la pièce S4 (numérotée 987 et ss par la commission). En particulier, la commission a écarté la théorie du recourant selon laquelle celui-ci n’aurait pas remis le feuillet numéroté 991 à M. Linder.

La commission observe tout d’abord que ce feuillet est constitué du même papier que les autres, que le recourant admet avoir remis au témoin. Deuxièmement, la feuille numérotée 991 supporte précisément la photographie no 052922, dont il a été établi par l’expert Monsieur Margot qu’elle représente la même boîte de petri, déposée dans le cadre de la controverse avec M. Georgopoulos. Qui plus est, lors de son audition du 13 septembre 2005 par la commission de céans, le recourant a exposé avoir conservé la boîte de pétri contenant, selon ses dires, une expérience réalisée en 1999, jusqu’au 18 juillet 2002, date à laquelle il l’aurait détruite. Interrogé sur la question de savoir pourquoi il avait procédé à cette destruction, le recourant a répondu qu’il craignait que M. S_______ s’empare de la boîte contenant la souche SR 4444. Or, une telle explication est sans pertinence, dès lors que la souche qui aurait servi à la réalisation de la boîte de petri en 1999 était publiée donc accessible à tous les scientifiques. Il en va de même d’autres souches produites ultérieurement, que le recourant soutient également avoir photographiées pour réaliser des comparaisons avec la précédente, les boîtes de petri les contenant ayant été également détruites par l’intéressé.

La commission est parvenue à la conviction que si le recourant n’avait pas menti quant aux boîtes de petri présentées pour résoudre la controverse scientifique avec M. Georgopoulos, il ne les aurait pas détruites alors qu’elles constituaient la seule preuve qu’il avait bien effectué deux séries indépendantes d’expériences. La commission considère ainsi que le recourant a également menti à l’occasion de sa participation à la résolution de sa controverse scientifique avec M. S_______, qui devait être résolue sous le contrôle de MM. Offord et Linder. Son attitude dans cette seconde controverse constitue à elle seule également un motif suffisant pour une sanction disciplinaire.

13. A teneur de l’article 130 alinéa 1er lettre d ch. 7 LIP, les membres du corps enseignant qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement, soit par négligence, peuvent faire l’objet d’une révocation lorsque les infractions sont particulièrement graves et incompatibles avec leur mission d’enseignant. Cette sanction est la plus sévère de toutes celles applicables.

a. L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité  ; le choix de la mesure et la quotité de la sanction doivent être appropriés au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer le respect des buts d’intérêt public recherchés. L’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs à savoir des conséquences que la faute a entraînées et de facteurs subjectifs, telle la gravité de celle-ci, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (ATA/396/2005 du 31 mai 2005  ; ATA/648/2004 du 24 août 2004 et les arrêts cités).

b. Le droit disciplinaire constitue un ensemble de sanctions dont dispose l’autorité à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes qui sont soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il en va notamment ainsi des membres de la fonction publique et des personnes soumises à des rapports de puissance publics particuliers (ATA/396/2005 précité). Ces sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence d’une faute (ATA S. du 18 janvier 1989). La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire, la négligence, même inconsciente, étant mise sur le même pied que l’intention (ATA/689/2003 du 23 septembre 2003). Enfin, l’autorité administrative dispose d’un large pouvoir d’appréciation  ; le pouvoir d’examen d’une juridiction se limite à en contrôler l’excès ou l’abus (art. 61 al. 2 LPA  ; ATA/396/2005 précité  ; ATA/395/2004 du 18 mai 2004 et ATA/102/2002 du 19 février 2002).

En l’espèce, l’intention du recourant ne fait pas de doute. Il a menti quant aux boîtes de pétri qu’il avait photographiées, aggravant son cas en prenant les dispositions nécessaires pour empêcher l’identification précise de la date de la prise de vue. Il a également rendu impossible toute résolution du litige en détruisant les boîtes de pétri dont il soutenait précisément qu’elles constituaient la preuve qu’il avait bien procédé à deux séries indépendantes d’expérience. Il a encore menti s’agissant de résoudre une controverse scientifique avec un chercheur invité qui ne parvenait pas à reproduire les expériences qu’il avait faites. Ainsi, dans deux circonstances indépendantes, il a agi de manière incorrecte tant à l’égard de l’établissement scientifique qui l’employait que de la communauté des chercheurs. Son attitude n’est pas non plus acceptable au regard de ses obligations d’enseignant. Seule donc la sanction la plus grave prévue par le droit cantonal applicable, à savoir la révocation est proportionnée aux fautes du recourant. La décision du Conseil d’Etat devra dès lors être confirmée.

14. Mal fondé, le recours sera rejeté. Son auteur, qui succombe, sera condamné aux frais de la cause arrêtés en l’espèce à CHF 3'000.- (art. 87 LPA). Il devra s’acquitter également des frais d’interprète à hauteur de CHF 1'785.-. Vu l’issue du litige, il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure  ;

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DU PERSONNEL ENSEIGNANT DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 décembre 2004 par Monsieur X_________ contre la décision du Conseil d'Etat du 10 novembre 2004 ;

au fond :

le rejette  ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 3'000.-  ;

dit que les frais d’interprète s’élèvent à hauteur de CHF 1'785.- et seront mis à la charge du recourant  ;

communique la présente décision à Me Jacques Barillon, avocat du recourant ainsi qu'à Me Pierre-Louis Manfrini, avocat du Conseil d'Etat.

Siégeants : M. Paychère, président, Mme Hurni, MM. Thélin, Duboule et Giannakopoulos, membres

Au nom de la commission de recours du personnel enseignant de l’instruction publique :

la greffière :

 

 

 

S. Bedogné

 

le président :

 

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :