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Décisions | Chambre civile

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C/7286/2021

ACJC/763/2025 du 10.06.2025 sur JTPI/7581/2024 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7286/2021 ACJC/763/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 10 JUIN 2025

 

Entre

A______, sise ______ [BS], appelante d'un jugement rendu par la 2ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 juin 2024, représentée par Me Daniel TUNIK, avocat, Lenz & Staehelin, route de Chêne 30, case postale 615, 1211 Genève 6,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [VS], intimé, représenté par Me Mohamed MARDAM BEY, avocat, rue De-Beaumont 3, case postale 24, 1211 Genève 12.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/7581/2024 du 17 juin 2024, reçu par les parties le 19 du même mois, le Tribunal de première instance a, préalablement, ordonné la substitution de parties entre C______ et A______, selon publication parue dans la FOSC du ______ 2024 (chiffre 1 du dispositif) et, cela fait, a condamné A______ à verser à B______ les sommes de 1'206'645 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 3 décembre 2014 (ch. 2), 370'117.10 EUR avec intérêts à 5% l'an dès le 3 décembre 2014 (ch. 3), et 173'120.80 USD avec intérêts à 5% l'an dès le 3 décembre 2014 (ch. 4), arrêté les frais judiciaires à 42'000 fr., compensés avec l'avance de frais versée par B______ en 41'500 fr. et celle versée par A______ en 500 fr., les a mis à la charge de la dernière nommée et l'a condamnée en conséquence à verser la somme de 41'500 fr. à sa partie adverse à titre de frais judiciaires (ch. 5), ainsi que 48'960 fr. TTC à titre de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B. a. Par acte déposé au guichet universel du Pouvoir judiciaire le 20 août 2024, A______ appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut principalement au déboutement de B______ des fins de sa demande, avec suite de frais et dépens de première et deuxième instances.

b. B______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais et dépens d'appel.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Par avis du 5 mars 2025, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. D______, né en 1951, est un citoyen français domicilié à E______ [France]. Ingénieur en télécommunications de formation, il a effectué toute sa carrière au sein de F______, devenue G______ dans l'intervalle. En 2000, il a hérité de l'épargne de ses parents, qui était alors déposée auprès de C______.

b. La banque C______ (ci-après: "C______" ou la Banque) a été radiée du registre du commerce zurichois le ______ 2024, à la suite de sa reprise par A______, sise à Bâle et Zurich, dans le cadre d'une fusion par absorption.

C______ possédait plusieurs succursales à Genève, dont l'une sise 1______ no. ______ et l'autre sise 2______ nos. ______.

c. H______ a été employée par C______ de 1995 à l'été 2004. Elle a ensuite fondé sa propre société de gestion de fortune, I______ Sàrl, dont elle était l'associée gérante.

Depuis le début des années 1990, H______ a géré les avoirs bancaires des parents de D______, d'abord auprès de la J______, établissement bancaire racheté ensuite par C______. Selon les déclarations de D______ devant le Tribunal, c'est lui qui était en contact avec H______ à l'époque, au vu de la santé "chancelante" de ses parents. Durant la période où cette dernière travaillait encore au sein de C______, il la rencontrait tous les deux ans en moyenne, dans les locaux de la Banque.

d. B______, qui est un cousin par alliance de D______, est le cessionnaire de tous droits de D______ à l'encontre de C______ et/ou de H______, aux termes d'une "Convention de cession de créance" signée le 27 juillet 2018, ainsi que de son "Avenant" du 27 août 2021.

Le contexte de fait ayant donné lieu à cette cession de créances est le suivant:

e. Le 8 juillet 2002, D______ a ouvert un compte auprès du C______ (n° 3______; n° contrat 4______, sous la dénomination "K______ 3______" [ci-après: "le compte K______"]).

L'article 4 du contrat du 8 juillet 2002 prévoyait une clause de correspondance en "Banque restante": la correspondance à l'attention de D______ serait retenue par la Banque et envoyée sur demande. Sous rubrique "à l'adresse suivante" figurait la mention: "aucune adresse".

Cette disposition précisait que " […] la correspondance retenue selon les instructions du déposant est considérée comme reçue au moment où elle est déposée dans l'archive électronique ou physique, nonobstant l'expédition retardée ou la remise effective. Le déposant assume la responsabilité de toutes les conséquences et tout dommage pouvant résulter du fait que la correspondance est envoyée ou retenue, sous réserve de conventions spéciales. La Banque décline toute obligation de procéder sans mandat exprès à des actes de gestion. La Banque détruira la correspondance dont le client n'aura pas pris possession après un délai de 3 ans à compter de la date qu'elle porte. Il sera perçu un droit de garde pour la correspondance retenue. La Banque n'est pas autorisée à remettre la correspondance retenue à un mandataire".

Selon l'article 6 du contrat, C______ s'est notamment engagée à "vérifier attentivement les signatures du déposant et de ses fondés de pouvoir, sans être toutefois tenue de procéder à un contrôle d'identité plus approfondi".

Il était par ailleurs spécifié que "[l]a responsabilité pour les conséquences des falsifications non découvertes incomb[ait] au déposant dans la mesure où la Banque a[vait] agi avec l'attention voulue".

La signature manuscrite de D______ figurait en dernière page du contrat du 8 juillet 2002 pour valoir spécimen de signature dans ses rapports avec la Banque.

e.a H______ a signé le contrat d'ouverture du compte K______ du 8 juillet 2002 en tant que "Relationship Manager" ("RM").

e.b Par sa signature du contrat du 8 juillet 2002, D______ a notamment attesté avoir reçu et accepté le contenu des conditions générales de C______.

e.c L'article 1 des conditions générales de C______ prévoyait que "[l]a Banque s'engage à vérifier avec diligence la légitimation des clients et de leurs fondés de pouvoir. Le client supporte le dommage résultant des défauts de légitimation ou des conséquences de falsifications non reconnaissables pour autant que la Banque ait agi avec toute la diligence usuelle en affaires".

L'article 7 stipulait quant à lui que "[l]es réclamations du client relatives à l'exécution d'ordres ainsi qu'à d'autres communications doivent être immédiatement faites à réception de l'avis correspondant, mais au plus tard dans le délai fixé par la Banque. (…) Le client supporte tout dommage d'une réclamation tardive. Les contestations concernant les relevés de comptes ou de dépôts doivent être présentées dans le délai d'un mois. Ce délai écoulé, les relevés sont considérés comme approuvés".

Toutes les relations du client avec la Banque étaient soumises au droit suisse, avec un for exclusif pour toute procédure à Zürich ou au lieu de la succursale suisse avec laquelle la relation contractuelle existait (art. 14 des conditions générales).

e.d Le délai d'un mois pour contester les relevés de compte était également rappelé sur les relevés du compte K______ établis par C______.

f. Durant l'été 2004, lors d'un rendez-vous avec D______ au sein des locaux genevois de C______, H______ a informé le client qu'elle allait quitter la Banque et lui a proposé de la suivre.

Satisfait de la façon dont H______ avait géré les avoirs bancaires de ses parents, puis les siens, D______, qui la connaissait par ailleurs depuis une dizaine d'années, a décidé de lui confier la gestion de sa fortune.

g. Ainsi, le 28 septembre 2004, D______ a signé une "Procuration limitée pour gérants de fortune externes" au profit de I______ Sàrl sur un formulaire ad hoc de C______. La procuration a également été signée par H______ pour I______ Sàrl et par L______ pour C______.

g.a Cette procuration autorisait notamment l'achat et la vente de titres, les transactions sur les produits dérivés, les placements alternatifs, et donnait la possibilité de contracter les crédits nécessaires à la gestion des valeurs patrimoniales du mandant.

En revanche, la procuration interdisait formellement les retraits par le mandataire externe, dans les termes suivants: " […] le mandataire n'est pas autorisé à retirer tout ou partie des valeurs en dépôt et avoirs en compte ou sur carnet, etc. (…)".

Il était clair pour les employés de C______ que les retraits en espèces ou les ordres de virement en faveur des External Asset Manager étaient strictement interdits par la procuration (cf. déclarations des témoins M______, L______, N______, O______ et P______; cf. également interrogatoire de Q______, représentant la Banque).

g.b La procuration prévoyait également que "[l]a signature ainsi que tout acte ou déclaration du mandataire, ou mesure prise par celui-ci dans le cadre du présent pouvoir, obligent le mandant. La Banque a rempli ses obligations dès lors qu'elle a exécuté un ordre qui a été donné par un mandataire et qui entre dans le cadre du pouvoir accordé par la présente procuration. En raison de ce pouvoir conféré au mandataire, la Banque est déliée de tout devoir de conseil, d'information et de mise en garde en rapport avec la gestion des valeurs patrimoniales par le mandataire ou avec chaque acte d'administration de la fortune en particulier ou l'omission d'un tel acte. Elle n'assume aucune responsabilité pour les décisions que le mandataire prend en matière de placements (…)."

g.c En cas de litige, la procuration du 28 septembre 2004 prévoyait l'application du droit suisse ainsi qu'un for exclusif pour toute procédure à Zurich ou au lieu de la succursale suisse de la Banque avec laquelle la relation existait.

h. Par contrat intitulé "Mandat de gestion" signé le 28 septembre 2004 également, D______ a formellement confié à I______ Sàrl le mandat de gérer et d'administrer son patrimoine auprès de C______, soit notamment le compte K______.

h.a Selon ce mandat, "la politique de placement a pour objectif la conservation du patrimoine et sa croissance à long terme grâce à une diversification des investissements (principalement placements monétaires, obligations, actions, placements alternatifs) et une répartition du risque. La gestion sera flexible et adaptée à l'évolution des marchés financiers. Le mandataire donnera dans la mesure du possible et dans les délais appropriés un résumé de situation au mandant, oralement ou par écrit. Ces rapports reposent sur les relevés de la Banque".

h.b Il était par ailleurs prévu que "[à] l'exception des honoraires décrits ci-dessus, le mandataire n'a pas le droit d'effectuer de prélèvements sur le compte du mandant, sinon en fonction d'une autorisation expresse de ce dernier".

h.c Se référant aux déclarations de L______ devant la police en 2015 (cf. ci-dessous let. gg et suivant), la Banque a fait valoir qu'elle n'avait pas connaissance des termes du mandat liant D______ et I______ Sàrl, puisqu'elle n'en recevait pas de copie.

Pour sa part, D______, entendu en tant que témoin par le Tribunal, a affirmé que ce contrat de mandat avait été signé au sein des locaux de C______.

h.d A teneur d'un courrier daté du 15 juin 2006, D______ aurait écrit à la Banque qu'il était "au courant du fait qu'un grand nombre de transactions a[vait] été effectué (sic) sur [son] compte depuis janvier 2005. [Il était] conscient que la banque dépositaire, C______, Genève, n'a[vait] pas connaissance de [son] profil d'investissement, ni du contenu du mandat de gestion convenu avec I______ Sàrl."

Devant le Tribunal, D______ a contesté être l'auteur et le signataire de ce courrier.

La Banque a affirmé qu'à l'exception de ce courrier, D______ n'avait jamais cherché à la contacter depuis l'ouverture de son compte en 2002.

i. Auparavant, par courrier daté du 28 septembre 2004, I______ Sàrl et D______ ont demandé à C______ de transmettre tous les documents d'ouverture du compte K______, ainsi que tout futur courrier relatif audit compte, soit "tous les avis débit-crédit et autres", à I______ Sàrl.

j. Le 28 septembre 2004 encore, C______ d'une part et I______ Sàrl d'autre part, en qualité de gérant de fortune externe, ont signé un contrat fixant les modalités de leur collaboration, sur un formulaire intitulé "Contrat entre le C______ et le gérant de fortune externe".

Le contrat prévoyait l'affiliation de I______ Sàrl à l'organisme d'autorégulation de R______

Par ailleurs, l'article 4.5 du contrat stipulait notamment qu'en sa qualité d'intermédiaire privilégié entre ses clients et la Banque, I______ Sàrl ferait en sorte que la Banque soit toujours en possession d'une adresse de contact direct avec son client lui permettant de l'atteindre en cas de nécessité.

La Banque a allégué qu'avant de signer le contrat précité avec I______ Sàrl, elle s'est assurée que la collaboration serait adéquate. En effet, il résultait d'un courriel versé au dossier que ce n'était qu'après "une analyse approfondie du cas" que la personne responsable au sein de la Banque avait donné son accord pour une collaboration EAM avec H______.

k. C______ appliquait plusieurs Directives à usage interne, en particulier:

-  la Directive interne 5______ de C______ du 31 octobre 2008 portant sur la collaboration avec les "External Asset Manager";

-  la Directive interne 6______ de C______ du 1er janvier 2008 portant sur les paiements aux clients au guichet Cash Service ;

-  la Directive interne 7______ de C______ du 16 octobre 2006 relative à la lutte contre le blanchiment d'argent ;

-  la Directive interne 8______ de C______ du 1er janvier 2007 portant sur les traitements des ordres de clients et des dispositions internes.

Comme leur nom l'indique, ces Directives n'étaient remises ni aux tiers-gérants, ni aux clients (cf. déclarations du témoin L______). D______ n'avait ainsi aucune connaissance de l'existence des directives internes de C______ et de leur application par la Banque.

Le contenu de certains éléments de ces directives sera détaillé ci-après:

·      Directive interne 5______ de C______ du 31 octobre 2008 portant sur la collaboration avec les "External Asset Manager" (EAM):

A teneur de l'article 14.1 de cette directive, "les clients du C______ qui confèrent un mandat de gestion de fortune à un EAM doivent signer une procuration limitée pour gérant de fortune externe (…) qui est le seul document déterminant la portée du pouvoir de représenter de l'EAM à l'égard de la Banque. (…) De plus, le recours à une procuration normale (illimitée) recèle un risque d'abus important. Les règles déontologiques des gérants de fortune externes prévoient l'utilisation d'une procuration limitée aux actes d'administration".

Selon l'article 8.4, intitulé "infractions de l'EAM", "si la Banque apprend ou remarque d'elle-même que l'EAM viole des prescriptions légales et/ou réglementaires (notamment un comportement abusif d'un EAM vis-à-vis d'un client comme le "churning"), la collaboration avec cet EAM doit être examinée. La décision sera consignée par écrit, ainsi que les mesures prises par la Banque ou l'EAM afin d'éviter toute infraction à l'avenir. Selon le type d'incident, on déterminera si les clients doivent être informés. Le cas échéant, il faut passer en revue la relation avec l'EAM dans le cadre d'un processus RRRP (9______) et/ou y mettre fin".

L'article 12.2 portant sur les relations avec la clientèle, prévoit par ailleurs qu'"un client dont la fortune est gérée par un EAM doit être traité comme tout autre client en ce qui concerne le devoir de diligence et le blanchiment d'argent. L'identification du client, celle de l'ayant droit économique, la vérification d'éventuelles transactions inhabituelles ainsi que la documentation de telles vérifications doivent être effectuées selon les prescriptions et les réglementations en vigueur (notamment les instructions 10_____, 11_____ et 12_____). Le principe "Know your client" ne doit faire l'objet d'aucun compromis même si le client est suivi par un EAM. La relation triangulaire "Client-EAM-Banque" ne doit en aucun cas aller à l'encontre des prescriptions relatives au devoir de diligence et au blanchiment d'argent. Ainsi, il ne suffit pas que seul l'EAM connaisse l'ayant droit économique d'une relation ou l'arrière-plan économique d'une transaction inhabituelle ou qu'il soit le seul à disposer de la documentation correspondante. Les informations relatives au client et les documents appropriés doivent toujours être intégralement disponibles auprès de la Banque (art. 19 OBA-CFB)".

D'après l'article 16, "lorsqu'il est mis fin à la collaboration avec un EAM, il convient de respecter le délai de résiliation indiqué dans le contrat EAM. Il est toutefois possible de cesser la collaboration en tout temps pour de justes motifs, par exemple si l'EAM a violé des prescriptions légales ou réglementaires ou en cas d'activités portant préjudice aux clients. Il faut alors procéder de la façon suivante:

a)   Il faut d'abord annoncer par écrit (en recommandé) à l'EAM la dénonciation de la collaboration et lui demander de faire le nécessaire pour que ses clients révoquent leur procuration EAM; une convention de reprise des clients de l'EAM est également possible. Un délai approprié doit lui être donné.

b)   Si à l'échéance du délai fixé, la Banque entretient toujours des relations avec des clients qui ont donné une procuration à l'EAM, il faut s'adresser directement à eux, leur demander de révoquer leur procuration EAM et les informer que la Banque a cessé toute relation avec l'EAM et qu'elle n'accepte donc plus d'ordres émanant de ce dernier. Un délai approprié doit leur être donné pour révoquer leur procuration EAM. Si le client refuse et que l'EAM continue à passer des ordres sur la base de la procuration EAM, il convient de mettre fin à la relation avec le client".

·      Directive interne 6______ de C______ du 1er janvier 2008 portant sur les paiements aux clients au guichet Cash Service

Cette directive s'appliquait à "tous les retraits de valeurs en CHF, monnaies étrangères et métaux précieux" (art. 2).

Aux termes de l'article 3.1, "si le montant de la transaction est ≥ CHF 100'000.-/ ≥ CHF 200'000.- ou contre-valeur, il faut en outre se référer à l'Instruction 12_____ ("Blanchiment d'argent"), qui exige une vérification de l'arrière-plan économique et du motif de la transaction ainsi que l'établissement d'un "rapport sur l'arrière-plan économique".

L'article 3.3 prévoyait que tout paiement en espèces devait être quittancé par le client, à l'exception des retraits à l'aide du numéro d'identification personnel (NIP), ainsi que des retraits en espèces effectuées par le conseiller clientèle/RM (…) étant précisé que ces transactions devaient toujours être opérées au moyen d'un formulaire spécifique (n° 13_____).

L'article 4.1.2 stipulait que "les paiements en espèces sont opérés uniquement contre remise d'une quittance de retrait (formulaire 13_____) préparée par le conseiller clientèle/RM et signée conformément au régime des compétences prévu au point 6. Le conseiller Cash Service vérifie la/les signature(s) figurant sur cette quittance dans SignPlus (signatures internes). L'original de la quittance de retrait reste auprès du Cash Service et sera joint à la pièce de caisse (…)".

Selon l'article 4.5, intitulé "Paiements en espèces aux "External Asset Manager" (EAM)", "les paiements en espèces à un EAM ne sont pas couverts par la procuration EAM. A titre exceptionnel, des paiements en espèces à un EAM sont possibles uniquement si ce dernier retire l'argent pour rendre service au client et qu'il lui remet ensuite la somme en question. L'EAM Desk tient compte des risques inhérents aux paiements en espèces effectués exceptionnellement à des EAM en procédant à des contrôles de gestion appropriés."

Les paiements en espèces à un EAM sont traités comme dans le processus applicable aux paiements en espèces au conseiller clientèle/RM (voir point 4.1.2), toutefois sans utilisation du formulaire 13_____. Ils doivent être annoncés au Cash Service exclusivement au moyen d'un e-mail standardisé à partir de la boîte aux lettres «GG EAM Desk Cash Withdrawal (SEM)». Le Cash Service saisit le PID du conseiller clientèle/RM dans Guichet 90, dans le champ prévu à cet effet. L'accusé de réception doit être remis à l'EAM pour signature par le client et renvoi au conseiller clientèle/RM.

Le Cash Service effectue un paiement en espèces à un EAM exclusivement conformément à l'e-mail provenant de la boîte aux lettres "GG EAM Desk Cash Withdrawal (SEM)" et uniquement à l'EAM annoncé dans l'e-mail. "Il joint une copie de l'e-mail reçu à la pièce de caisse. Les paiements à un EAM qui impliquent le recours à un compte de passage guichet ne sont pas autorisés."

L'article 4.10 précisait notamment que le client devait signer un accusé de réception lorsque l'argent lui était remis. Par la suite, et en ce qui concernait les clients sous numéro, le conseiller clientèle/RM transmettait la pièce justificative, dans un délai maximum de 15 jours ouvrables, au service de la succursale responsable des dossiers sous numéro pour vérification de la signature. Le justificatif était ensuite transmis au service de contrôle des quittances de retrait espèces provisoires par le service responsable des dossiers sous numéro.

Le service de contrôle était chargé de surveiller les suspens et d'archiver de manière professionnelle les accusés de réception. Lorsque le délai de remise était dépassé, que la signature du client n'était pas valable ou qu'une autre irrégularité était relevée, ce service chargeait le conseiller clientèle/RM de régler le cas (art. 4.11 de la Directive 6______).

L'article 6 ("Compétences") prévoyait que, lorsque le conseiller clientèle/RM signait la quittance de retrait (nom et sigle nécessaire), il convenait de se référer au régime des compétences suivant:

Montant en CHF ou contre valeur

Personne autorisée à signer

Deuxième signature

Private/Corporate Private Banking
Clients Switzerland

≤ 20'000.-

Conseiller clientèle/RM*

Facultative

Facultative

> 20'000.- et
≤ 1 million

Conseiller clientèle/RM*

Conseiller clientèle/RM*

RM*

> 1 million et
≤ 10 millions

Conseiller clientèle/RM*

Responsable de secteur de marché (…)

(…)

> 10 millions

Conseiller clientèle/RM*

(…)**

(…)**

* Le conseiller clientèle/RM doit disposer d'une autorisation de signer dans SignPlus (signatures internes).
** Le chargé de fonction mentionné peut déléguer à un suppléant désigné à l'avance par écrit.
Le deuxième visa peut aussi consister en email du chargé de fonction correspondant.

Les signatures doivent également être vérifiées dans SignPlus. Le conseiller clientèle/RM ne doit pas nécessairement disposer d'une autorisation de signer.

S'agissant des paiements en espèces effectuées directement aux gérants externes, l'article 4.4 de la Directive 6______ de C______ (version 2012) prévoyait que "(…) le RM est responsable de l'obtention, par les soins de l'EAM, des signatures valables des personnes autorisées à signer et de la transmission de l'accusé de réception au service de contrôle des quittances de retrait provisoires dans les 15 jours ouvrables".

Selon l'article 4.5 de ladite directive, "les paiements en espèces à un EAM par l'intermédiaire d'un RM sont traités selon le chiffre 4.1.2 ou 4.1.3.

L'identification et la légitimation de l'EAM/la personne recevant l'argent relèvent de la responsabilité du RM.

L'ARM ou le RM2 est responsable du prélèvement des espèces au Cash Service ainsi que la remise de l'argent à l'EAM contre réception de la signature de ce dernier sur l'accusé de réception (copie bleue). L'accusé de réception (copie rose) doit être remis à l'EAM pour signature par le client et renvoi au RM. A ce stade, l'accusé de réception portant la signature de l'EAM reste chez le RM.

Le RM est responsable de l'obtention, par les soins de l'EAM, des signatures valables des personnes autorisées à signer et de la transmission des deux accusés de réception signés au service de contrôle des quittances de retrait provisoires dans les 15 jours ouvrables".

Il résulte des témoignages recueillis que l'interprétation du caractère "exceptionnel" des paiements en espèces consentis à un EAM figurant à l'article 4.5 de la Directive interne 6______ était laissée à la libre appréciation du Relationship Manager, dans la mesure où il n'existait aucune directive ou instruction de la banque en la matière (cf. déclarations des témoins M______, S______ et P______).

Selon le témoin M______, les "contrôles de gestion" mentionnés à l'article 4.5 de la Directive 6______ correspondaient par ailleurs à des contrôles sporadiques, effectués par le biais d'échantillonnages.

·      Directive interne 7______ de C______ du 16 octobre 2006 relative à la lutte contre le blanchiment d'argent

La règlementation anti-blanchiment de C______ était applicable tant pour les clients de la Banque que pour les gérants de fortune externe (EAM) et les employés du C______ (cf. déclarations des témoins M______ et L______).

Selon l'article 4.3 de la Directive 7______, "les collaborateurs du C______ doivent comprendre les transactions des clients afin de prévenir et de détecter les activités inhabituelles ou suspectes. Les Relationship Manager (…) ainsi que leurs supérieurs respectifs ont l'obligation de surveiller les transactions de leurs clients de manière appropriée pour s'assurer qu'elles concordent avec chaque objectif défini par le client et que les transactions ont un but économique ou commercial légitime."

De plus, le C______ met en place une surveillance automatique ou tout autre outil approprié pour contrôler les transactions des clients. Le Local Compliance, d'entente avec le Regional AML Compliance, est responsable de l'instauration de paramètres adéquats pour les systèmes et outils de surveillance anti-blanchiment appropriés. "Les transactions ou activités de clients qui ont été identifiées comme étant inhabituelles ou suspectes, que ce soit par un collaborateur, un des programmes de surveillance de la Banque ou tout autre moyen, doivent faire l'objet d'un examen, dans le but de déterminer s'il est nécessaire d'adresser une communication aux autorités compétentes chargées de l'application de la loi ou de la surveillance et/ou de prendre d'autres mesures appropriées".

L'article 4.7.3 énonçait notamment, comme critère de risque de blanchiment d'argent, une "accumulation de transactions/volumes d'affaires inhabituels (p. ex. volume cash élevé (…)".

·      Directive interne 8______ de C______ du 1er janvier 2007 portant sur les traitements des ordres de clients et des dispositions internes

Selon l'article 1 de la Directive 8______, les ordres de clients ne peuvent être exécutés que dans la mesure où les prescriptions de la Directive sont respectées.

L'article 4.1.1 prévoyait que "dès réception de l'ordre, le destinataire doit procéder au contrôle de la légitimation du donneur d'ordre. Les processus de traitements standardisés des transactions de masse peuvent toutefois faire l'objet de clauses dérogatoires dans l'optique d'une gestion optimale des coûts et des risques, celles-ci devant impérativement être documentées en conséquence dans la description des processus concernée.

Au cours de la vérification de légitimation, le destinataire vérifie également le droit de disposition du donneur d'ordre ainsi que la plausibilité et l'authenticité de l'ordre, sur la base des formalités ou documents de légitimation disponibles. Cette vérification doit être documentée.

S'il y a des doutes sur la légitimité du donneur d'ordre, il faut prendre contact avec lui. Les ordres non conformes à nos prescriptions de compliance ne doivent pas être exécutés; le donneur d'ordre doit en être informé immédiatement et l'ordre refusé éventuellement avec justification écrite. Lors de la vérification de l'ordre, il faut observer en particulier les Instructions concernant l'identification du client (voir Instruction 11_____), l'identification de l'ayant droit économique (voir Instruction 10_____) et le blanchiment de capitaux (voir Instruction 12_____)".

Lorsqu'un ordre se situait entre 200'000 fr. et 1'000'000 fr., une deuxième signature était requise (art. 5.2.2 de la Directive interne 8______).

l. Entre septembre 2004 et février 2008, H______ a rendu visite à D______ chaque année à E______ et lui a transmis des relevés de compte ainsi que des explications au sujet de la gestion de celui-ci; ils évoquaient ensemble la stratégie à venir (cf. déclarations du témoin D______).

m. Au 20 avril 2007, la fortune détenue par D______ sur le compte K______ s'élevait à un montant total de 1'841'506 EUR.

Elle était composée de 193'414 EUR de liquidités, 32'607 EUR d'obligations et 1'615'485 EUR d'actions, soit une proportion de 10.50% de liquidités, 1.77% d'obligations et 87.73% d'actions et placements similaires, investis en trois devises principales (EUR, CHF et USD).

n. En février 2008, H______ s'est rendue à E______ et a remis à D______ un dernier relevé de placements daté du 26 février 2008 concernant son compte K______.

o. Après cette dernière rencontre, H______ n'est plus allée trouver D______ à E______ et ne lui a plus transmis de relevés de compte (cf. déclarations du témoin D______; fait admis).

Entre 2008 et 2010, la gestionnaire a uniquement adressé des cartes de vœux annuelles à D______, sans lui fournir d'informations ou de relevés bancaires (cf. déclarations du témoin D______).

D______ a expliqué que, dans un premier temps, il ne s'était pas inquiété de cette absence de nouvelles. Il a affirmé qu'il était lui-même très occupé professionnellement et n'avait alors aucune raison de douter de l'intégrité de H______, ni du respect par cette dernière et par C______ des termes de la procuration du 28 septembre 2004. Il ne s'était donc pas soucié de son compte K______, puisqu'aux dernières nouvelles, celui-ci présentait un solde positif d'un montant supérieur à 1'840'000 EUR.

p. Hormis des opérations d'achat et de vente, aucun prélèvement n'a été effectué jusqu'au 22 août 2008 sur le compte K______.

q. Entre 2008 et 2010, L______, qui travaillait au sein du "Desk EAM" du C______, était la Relationship Manager du compte K______.

Entendue comme témoin, L______ a expliqué qu'en sa qualité de RM et sous le contrôle de S______, elle devait s'assurer, pour la dizaine d'EAM dont elle avait la charge, que les processus prévus dans les différentes conventions signées entre les EAM et les clients de C______ soient respectés. Elle s'occupait également de l'exécution des ordres donnés par les EAM ou les clients, dans le respect des conventions susmentionnées.

r. Pendant la période du 23 août 2008 au 11 octobre 2010, H______ a illicitement procédé à une soixantaine de prélèvements en espèces sur le compte K______, principalement auprès de l'agence C______ de Genève, mais également à l'agence de T______ (VD), se faisant remettre les montants par L______.

Un virement d'un montant de 258'000 fr. au débit dudit compte a par ailleurs été effectué en juin 2009, vidant pratiquement le compte K______ de l'entier de sa substance.

r.a H______ a reconnu les faits et expliqué qu'elle avait dans un premier temps réalisé le portefeuille de D______ afin de créer des liquidités, avant de pouvoir ensuite les retirer auprès de C______, pour son propre compte.

Ces malversations ont été rendues possible par le biais du système de retrait d'espèces au moyen de quittances provisoires et définitives, prévu dans la Directive 6______ du 1er janvier 2008 de C______ : il n'était en effet pas nécessaire que H______ présente des instructions écrites préalables du client à C______ afin de pouvoir retirer des fonds.

Interrogé par le Tribunal, Q______, représentant la Banque, a exposé que le procédé était le suivant : lorsqu'une demande de remise de fonds en espèces était faite par un tiers-gérant, il appartenait simplement à la Banque de vérifier soit si le client avait donné des instructions préalables à de tels retraits en espèces, soit si la remise des fonds avait bien été effectuée en mains du client, vérification qui se faisait par le biais de quittances provisoires, lesquelles devaient être signées et restituées à la Banque.

r.b A titre d'exemple, H______ s'est adressée en ces termes à L______ par courrier du 25 mai 2009 : "(…) Je voulais te demander si tu pouvais me préparer pour demain matin 8h30 à l'agence de T______ EUR 10'000.- en 500 et CHF 35'000.- en 1000 en débitant le C/C EURO uniquement si c'est trop tard je m'arrangerai pour venir les chercher chez toi à Genève demain matin (…)".

Il était également possible pour H______ de formuler des demandes de retraits de fonds oralement au C______, par téléphone, principalement auprès de L______ (pièce 100 dem.; cf. interrogatoire de Q______).

Selon les explications fournies par L______ et celles du témoin O______, la première nommée remplissait ensuite un formulaire, soit une quittance de retrait ou "pièce de caisse", qu'elle présentait au guichet de la Banque pour pouvoir retirer elle-même des espèces.

Elle revenait ensuite vers H______, lui faisait signer une quittance provisoire (de couleur rose) et lui remettait les espèces, ainsi qu'une quittance définitive à faire signer au client final. Le débit sur le compte du client était alors immédiatement effectué, mais marqué "en suspens" à l'interne au C______ (cf. déclarations des témoins L______, M______ et S______ et du représentant de la Banque).

Il pouvait arriver que le compte du client fût débité avant que sa signature sur la quittance définitive ne soit formellement contrôlée, tel qu'en atteste par exemple un débit effectué en date du 6 novembre 2009, suivi d'un visa pour le contrôle signature du client final daté du 18 novembre 2009 seulement (pièce 61 dem.; déclarations du témoin O______).

Les quittances provisoires étaient couplées d'une copie bleue d'une teneur identique, à charge pour le "client final" de signer la quittance définitive (cf. déclarations des témoins L______, O______, M______, et S______).

La quittance définitive - signée par le client - était ensuite envoyée au service de contrôle des signatures de C______ à Zurich. Après avoir contrôlé la quittance définitive, le service compétent clôturait le dossier et archivait la quittance (cf. pièce 61 dem.; cf. également déclarations des témoins O______, M______ et S______ et du représentant de la Banque).

Q______ a expliqué que le débit sur le compte "K______" qui était encore marqué "en suspens" devenait ainsi définitif.

H______ a reconnu avoir contrefait la signature de D______ sur les quittances de prélèvement définitives (cf. pièces 61, 106 et 118 dem.).

Les quittances de retraits n'ont pas toujours été contresignées par l'employé de C______ en charge de l'opération.

r.c Il n'est pas contesté que H______ a finement imité la signature de son client.

Le Tribunal correctionnel a notamment retenu à cet égard que la signature de D______ était "très simple", de sorte que la Banque n'avait pas la possibilité de se rendre compte de la supercherie.

r.d L'ensemble des transactions précitées a fait l'objet de relevés bancaires qui ont été transmis à I______ Sàrl.

s. De manière générale, des contrôles de conduite sporadiques, par échantillonnages, étaient effectués concernant les retraits en espèces effectués par les EAM. Il s'agissait alors de vérifier, au niveau formel, l'existence des quittances signées par le client, ainsi que des procurations ad hoc. Les flux de fonds étaient également contrôlés de façon sporadique, selon le montant des sorties de fonds (cf. déclarations du témoin M______).

C______ n'a en revanche jamais mis en doute la régularité des requêtes de H______, ni interrogé celle-ci sur les multiples retraits d'espèces effectués depuis le compte de D______. Il n'y a ainsi eu aucune demande de clarification, aucune vérification ou objection de la part de L______ ou d'une autre personne de la Banque s'agissant des nombreux retraits en "cash" effectués par H______.

t. H______ a notamment utilisé l'épargne privée de D______ pour s'acheter un appartement sis rue 14_____ no. ______, [code postal] U______ (VD).

Pour ce faire, la gestionnaire a adressé à L______, le 9 juin 2009, un ordre de virement d'un montant de 258'000 fr. au nom de D______, dont elle a falsifié la signature.

L'ordre de paiement du 9 juin 2009 portait la référence "[rue] 14_____ nos. ______" et indiquait que la somme de 258'000 fr. devait être virée auprès de la banque A______ à V______ (VD) en faveur de Me W______, notaire à T______.

Lors de sa réception, un collaborateur de C______ a apposé les mentions manuscrites suivantes sur cet ordre: "participation pour un achat immobilier" et "avoir client: client va apporter des fonds supp. prochainement".

u. Par pli recommandé du 20 mars 2012, C______ a exigé de I______ Sàrl qu'elle invite ses clients à se présenter à sa succursale genevoise pour une réunion.

Quelques jours plus tard, H______ a confirmé à la Banque qu'elle avait reçu le courrier susmentionné et qu'elle allait en informer ses clients. La gestionnaire de fortune n'a toutefois pas informé D______ de l'invitation de C______.

v. Par courrier recommandé du 24 mai 2012, C______ a résilié le contrat la liant à I______ Sàrl pour justes motifs, avec effet au 31 mai 2012. La Banque a procédé dans le même délai à la révocation des pouvoirs confiés par ses titulaires de comptes à I______ Sàrl.

Par pli du 23 août 2012, C______ a informé I______ Sàrl de ce que la relation n°3______, soit le compte K______ de D______, n'était pas concernée par la résiliation de contrat susmentionnée.

La résiliation avait toutefois pour conséquence que C______ ne reconnaissait plus, à compter du 31 mai 2012, la procuration limitée susmentionnée en faveur de I______ Sàrl, et que la Banque ne suivrait par conséquent plus ses instructions en tant que gérante de fortune.

D______ n'a pas été informé de la résiliation du contrat entre C______ et I______ Sàrl et de l'annulation de sa procuration limitée en faveur de cette dernière.

Entendu comme témoin, N______, signataire du courrier de résiliation susvisé, a déclaré ne pas se souvenir de celui-ci et ne pas se rappeler des raisons qui ont conduit la Banque à résilier la procuration de l'EAM.

w. Le 2 avril 2012, H______ a été exclue de R______.

Dénoncée le 2 avril 2012 par R______ auprès des autorités pénales, H______ a été reconnue coupable de gestion déloyale et faux dans les titres par ordonnance pénale du Ministère public de l'arrondissement de X______ (VD) du 28 octobre 2013 (Dossier 15_____), en raison d'infractions commises à l'encontre de l'une de ses clientes, Y______.

D'autres clients de C______ se sont également plaints de retraits effectués par cette gestionnaire sans autorisation (cf. déclarations du témoin P______).

x. Par décision de son assemblée des associés du 15 février 2013, I______ Sàrl a prononcé sa dissolution et son entrée en liquidation.

H______ n'a pas informé D______ de la cessation d'activité de I______ Sàrl.

y. Entendu par le Tribunal, D______ a exposé qu'après avoir pris sa retraite en 2013, il avait disposé de plus de temps pour s'occuper de ses affaires financières. Il avait alors tenté à plusieurs reprises de contacter H______ par téléphone, en vain. Il avait ensuite tenté de joindre, sans succès, L______, dont il possédait la ligne directe au sein de C______. D______ a précisé qu'au vu de l'évolution du droit fiscal français à l'époque, sa question était prioritairement de savoir quelles démarches étaient conseillées pour régulariser son compte.

Il a finalement été mis en contact avec un autre employé de la Banque, Z______, qui lui a indiqué qu'il y avait un problème sur son compte, dont le solde avait été réduit à environ 10'000 EUR. Z______ lui a demandé de venir dès que possible à Genève (fait admis).

z. Le 8 octobre 2014, lors d'une rencontre entre Z______ et D______ dans les locaux de C______, le précité a découvert que sa fortune globale sur le compte K______ avait diminué de la manière suivante entre avril 2007 et octobre 2014 :

-       20 avril 2007: 1'841'506 EUR

-       31 décembre 2008: 1'109'643 EUR

-       31 décembre 2009: 366'678 EUR

-       31 décembre 2010: 16'195 EUR

-       31 janvier 2011: 20'497 EUR

-       31 janvier 2012: 18'352 EUR

-       7 octobre 2014: 10'250 EUR

Z______ a en particulier remis à D______ une copie de l'ordre de virement du 9 juin 2009 portant sur la somme de 258'000 fr. et a conseillé à ce dernier de mandater un avocat pour se défendre (pièce 106 dem.; cf. également déclarations du témoin Z______).

C'est à cette occasion que D______ a appris que C______ avait résilié sa relation avec I______ Sàrl.

Entendu par le Tribunal, D______ a affirmé que Z______ avait regardé dans son dossier pour voir s'il y avait du courrier "banque restante" mais avait été étonné de ne pas en trouver.

aa. Par pli du 18 novembre 2014, D______, agissant par un avocat, s'est adressé à C______ afin de "confirmer" que H______ ne bénéficiait d'aucun pouvoir de disposition direct (retraits, virements, etc.) sur ses avoirs en dépôt dans les livres de la Banque.

Il a déclaré "faire opposition et contester" l'ensemble des retraits et autres prélèvements effectués par le débit de son compte en 2008, 2009 et 2010.

D______ a relevé que les opérations précitées avaient été indûment effectuées à son insu par un tiers avec, semblait-il, la complicité interne d'un membre de C______. Il demeurait par ailleurs en attente de recevoir certaines pièces de la part de la Banque.

bb. Par courrier du 2 décembre 2014, D______ a demandé à C______ de lui restituer l'ensemble des sommes indûment débitées de son compte, évaluant son préjudice à 1'273'018 fr. 22, 442'925.40 EUR et 418'708.19 USD.

D______ a par ailleurs annoncé qu'il solliciterait dans les prochains jours le virement du solde de son compte K______ ainsi que la clôture de la relation bancaire y afférente, ce qu'il a fait par pli du 9 décembre 2014.

cc. Par courriers des 16 décembre 2014 et 13 janvier 2015, D______ a sollicité de C______ qu'elle lui remette certains justificatifs d'opérations enregistrées au débit de son compte en diverses monnaies, et réclamé de sa part une détermination circonstanciée sur la chronologie des événements, la nature des justificatifs produits par l'auteur des retraits ainsi que sur sa responsabilité en lien avec le préjudice qu'il avait subi.

dd. Dans sa réponse du 28 janvier 2013, C______ a informé D______ qu'un travail de recherche de documents était encore en cours, raison pour laquelle ceux-ci lui étaient remis au fur et à mesure de leur réception.

La Banque a par ailleurs relevé que les pièces de caisse avaient été signées par D______, qui avait ainsi autorisé les différents débits.

C______ rappelait en outre que ce dernier avait reçu les relevés de ses comptes conformément aux instructions qu'il avait données et n'avait jamais contesté lesdits relevés.

ee. Par courrier du 24 février 2015, D______ a contesté avoir signé un ordre de débit ou une quelconque quittance concernant les retraits et autres prélèvements réalisés sur son compte, indiquant que sa signature avait été falsifiée par un tiers.

Il n'avait en outre reçu aucune correspondance, puisque son courrier était retenu au siège de la Banque conformément à la clause de "banque restante" convenue entre les parties.

ff. Le 12 mars 2015, D______ s'est plaint envers la Banque de ce qu'il patientait depuis près de six mois pour obtenir un double des quittances de retrait de caisse qu'il aurait prétendument signées.

gg. Entre-temps, le 26 décembre 2014, D______ a déposé plainte pénale à l'encontre de H______ pour abus de confiance, escroquerie et faux dans les titres, ce qui a conduit à l'ouverture d'une procédure P/16_____/2014 par le Ministère public genevois.

gg.a Par ordonnances de séquestre des 5 janvier et 15 octobre 2015, le Ministère public a ordonné à C______ de lui transmettre la documentation concernant le compte K______ et tous les ordres écrits en original du titulaire du compte pour les retraits en espèces ayant été effectués sur ledit compte entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2014, ainsi que toutes les quittances en original signées par le client pour les retraits en espèces à cette même période, ainsi que l'ordre du client en original autorisant le transfert du 10 juin 2009 d'un montant de 258'000 fr. en faveur de A______ avec la référence "[rue] 14_____ nos. ______".

Les 28 juin 2016 et 1er mai 2017, le Ministère public a encore exigé que C______ lui transmette ses Directives en matière de "retraits caisse", celles relatives à la vérification des signatures sur les ordres de transferts des clients de la Banque, ainsi qu'une copie des ordres du client relatifs aux retraits et transfert intervenus sur le compte K______ entre le 1er janvier 2008 et le 21 décembre 2014.

gg.b Sur délégation du Ministère public, la Brigade financière a conduit une enquête préliminaire dans le cadre de laquelle elle a procédé à une analyse financière des transactions opérées sur le compte K______.

gg.c Interrogée par la Police judiciaire, ainsi que par le Ministère public, H______ a admis avoir frauduleusement vidé le compte de D______.

Entendue par le Ministère public le 11 novembre 2015, H______ a notamment expliqué qu'elle avait procédé de la façon suivante pour effectuer des retraits en espèces:

"J'écrivais une instruction demandant un retrait en cash au C______ en imitant la signature de Monsieur D______. Le C______ avait mis en place un modèle de lettre pour les retraits. Je devais communiquer cette lettre avant la remise de l'argent.

Sur question, j'ai toujours fait des instructions en imitant la signature de Monsieur D______ pour les retraits. Le C______ me faisait signer une photocopie d'une quittance comme quoi j'avais reçu l'argent. Je tiens à dire que j'ai appris, lorsque j'ai commencé mon activité pour I______ Sàrl, par C______ que pour apporter des fonds à des clients, il fallait une instruction écrite. Avant mon activité pour I______ Sàrl, de 1993 à 2004, j'étais gérante au C______. Lors de cette activité il m'est arrivé de prendre des fonds destinés à des clients. Je pouvais faire des prélèvements en caisse et remettre les fonds prélevés aux clients. A la remise des fonds, je faisais signer la quittance au client concerné. Je ne connaissais pas, au moment où j'étais gérante au C______, la pratique relative aux retraits de caisse [par les] tiers-gérants.

Il n'y avait pas besoin d'une quittance signée par le client dès le moment où il y avait une lettre d'instruction signée par le client" […].

"[J]e sais que quand ils me remettaient des fonds, je devais signer une quittance et je devais retourner la quittance signée du client".

Lors de son deuxième interrogatoire par le Ministère public en date du 6 juin 2017, H______ a précisé que le processus de mise à disposition des fonds aux clients avait évolué entre le moment de la création de I______ Sàrl et la cessation d'activité de cette dernière:

"En effet, au début, il suffisait d'indiquer à la Banque que le client avait besoin d'argent pour que la somme me soit remise avec une quittance qui devait être signée par le client et ramenée à la Banque pour régularisation de la situation. A la fin, il était nécessaire en sus et à titre préalable, que le client donne des instructions écrites par lesquelles il indiquait souhaiter la mise à disposition. Ensuite, il y avait donc la remise des fonds au gérant externe avec une quittance qui devait être avalisée par le client et retournée à la Banque".

Lors d'un interrogatoire subséquent en date du 17 octobre 2019, H______ a déclaré ce qui suit:

"Dans un premier temps, aux environs de 2004, il suffisait que le client me fasse part de son souhait de retirer de l'argent par oral. Je me rendais dans les locaux du C______, je retirais la somme en liquide désirée et signais un reçu, puis apportais une quittance au client qu'il devait signer afin que je la retourne à la Banque.

A une date indéterminée dont je n'ai plus le souvenir, les procédures de retrait ont changé auprès du C______. Il était nécessaire de produire une instruction écrite de la part du client. La Banque, a réception de ladite instruction, me remettait l'argent avec une quittance à signer par le client. J'avais dix jours pour retourner cette quittance signée à la Banque.

C'est à partir de ce moment qu'il m'est arrivé de rédiger de fausses instructions des clients".

H______ a également reconnu avoir falsifié l'ordre de paiement du 9 juin 2009 relatif au versement de 258'000 fr. en faveur de Me W______, notaire à V______.

gg.d A la question de savoir si, de manière générale, les tiers gérants de C______ avaient le droit de retirer des espèces sur les comptes, L______ a, pour sa part, expliqué que "les procurations limitées n'en donn[ai]ent pas le droit. Dans mon activité, je n'ai pas souvenir d'un seul tiers gérant qui aurait eu une procuration totale lui permettant cela".

gg.e Dans son rapport du 3 septembre 2015, la Brigade financière a résumé la procédure de retrait d'espèces par le tiers-gérant en ces termes:

"[…] Mme L______ a expliqué que les tiers-gérants ne devaient pas forcément disposer d'un document signé pour effectuer des retraits sur le compte de leur client. Par contre, une fois l'argent remis au client, ils devaient faire signer une quittance au client et la rapporter à la Banque, sans quoi ils ne pouvaient pas ordonner un nouveau débit".

La Brigade financière a constaté que 61 transactions frauduleuses avaient été effectuées sur le compte K______ de D______, dont 60 correspondaient à des retraits en espèces.

gg.f Le 12 juin 2019, le Ministère public a rendu son acte d'accusation, au terme duquel il a notamment retenu que H______ avait agi dans le but de se procurer un enrichissement illégitime du montant détourné au débit du compte de D______, soit 1'391'500 fr., 177'888.75 EUR et 12'000 USD, causant à ce dernier un dommage (hors frais) des montants correspondants.

gg.g Par jugement du 27 novembre 2019, le Tribunal correctionnel a notamment reconnu H______ coupable de faux dans les titres et d'escroquerie par métier à l'égard de D______ et d'autres clients lésés et l'a condamnée à payer à D______ les sommes de 1'649'500 fr., 177'888.75 EUR et 12'000 USD, avec intérêts à 5% dès le 1er août 2009, à titre de réparation du dommage matériel.

Le Tribunal correctionnel a par ailleurs condamné H______ à verser à D______ la somme de 31'495 fr. 80 à titre d'indemnité pour ses dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.

Il ressort en particulier du jugement du Tribunal correctionnel que H______ a, pour son propre compte, procédé aux retraits/virements suivants sur le comptes K______:

-       Sous-compte en Euros: 338'000 fr. et 136'388.75 EUR, soit la somme totale de 370'117.10 EUR;

-       Sous-compte en CHF: 1'196'500 fr. et 6'500 EUR, soit la somme totale de 1'206'645 fr.;

-       Sous-compte en USD: 12'000 USD, 115'000 fr. et 35'000 EUR, soit la somme totale de 173'120.80 USD.

A noter que le Tribunal correctionnel a mis en évidence des retraits frauduleux exécutés par H______ à l'encontre d'autres clients de I______ HOLDING, soit les époux AA_____ et AB_____, les époux AC_____ et AD_____ ainsi que AE_____.

gg.h La Chambre pénale d'appel et de révision a, dans son arrêt AARP/360/2020 du 21 octobre 2020, confirmé le jugement du Tribunal correctionnel en ce qui concerne les infractions commises à l'encontre de D______.

hh. Malgré des mises en demeure du conseil de D______, H______ n'a pas payé un seul centime à ce dernier, ni de sa poche, ni par l'intermédiaire de sa société I______ Sàrl.

ii. Par courrier du 28 janvier 2020, le conseil de H______ a informé l'avocat de D______ que "[…] comme elle l'a indiqué au Tribunal, la situation financière de Mme H______ est gravement obérée. Cette dernière est partant insolvable et dans l'incapacité de procéder au remboursement d'un quelconque montant. Il va de soi que si la situation financière de Mme H______ devait s'améliorer et le lui permettre, elle entreprendrait aussitôt de rembourser les montants dus".

jj. B______, cessionnaire des créances de D______, a déposé une réquisition de poursuite auprès de l'Office des poursuites de Zurich à l'encontre de C______ pour les montants suivants :

-  1'331'859 fr. 50 avec intérêts à 5% l'an à compter du 1er août 2009;

-  437'873 fr. 95 avec intérêts à 5% l'an à compter du 1er août 2009 (contrevaleur de 386'030.31 EUR au cours de 1.1343);

-  172'428 fr. 35 avec intérêts à 5% l'an à compter du 1er août 2009 (contrevaleur de 173'120.85 USD au cours de 0.996).

Le 23 août 2018, C______ a formé opposition totale au commandement de payer, poursuite n° 17_____, qui lui a été notifié le même jour.

D. a. Par demande adressée au greffe du Tribunal de première instance le 20 avril 2021, non conciliée le 17 juin 2021 et introduite le 17 septembre 2021, B______ a formé une demande en paiement à l'encontre de C______, concluant à ce que la Banque soit condamnée à lui verser les montants de 1'206'645 fr., 370'117.10 EUR et 173'120.80 USD avec intérêts à 5% l'an dès le 1er août 2009, ainsi que le montant de 31'495 fr. 80 avec intérêts à 5% l'an dès le 28 novembre 2019.

Subsidiairement, B______ a conclu à ce que la Banque soit condamnée à lui verser les montants de 1'649'500 fr., 177'888.75 EUR et 12'000 USD avec intérêts à 5% l'an dès le 1er août 2009, ainsi que le montant de 31'495 fr. 80 avec intérêts à 5% l'an dès le 28 novembre 2019.

Encore plus subsidiairement, B______ a conclu à ce que le Tribunal condamne la Banque à lui verser le montant de 1'863'279 fr. 20, alternativement 1'722'522.73 EUR, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er août 2009, ainsi que le montant de 31'495 fr. 80 avec intérêts à 5% l'an dès le 28 novembre 2019.

Au terme de la procédure de première instance, B______ a encore conclu à ce que la Banque soit condamnée à lui verser une indemnité de procédure de 104'507 fr. 75.

b. Dans sa réponse du 18 février 2022, C______ a conclu à ce que B______ soit débouté des fins de sa demande.

c. Lors des audiences de débats principaux du 9 janvier 2023, 5 juin 2023, 12 juin 2023 et 9 octobre 2023, le Tribunal a procédé à l'interrogatoire des parties ainsi qu'à l'audition de témoins. Les déclarations des personnes entendues ont été en partie intégrées à l'état de fait retenu ci-dessus. Les éléments suivants résultent en outre de leur audition:

c.a En tant que représentant de C______, Q______, responsable des procédures judiciaires au sein de la Banque, a relevé que le risque de faux non détectés existait toujours dans le domaine bancaire, raison pour laquelle les conditions générales prévoyaient un transfert de ce risque au client; il était attendu que le client vérifie régulièrement, en l'occurrence de manière trimestrielle, les relevés de compte qui lui étaient remis.

Q______ a confirmé qu'à teneur du texte de la procuration limitée pour gérant de fortune externe du 28 septembre 2004, signée par D______, H______ et L______ pour le C______, le tiers-gérant, soit I______ Sàrl, n'était pas autorisée à faire des prélèvements en espèces sur le compte de D______. Cela étant, le retrait d'espèces pouvait être effectué sur instruction du client lui-même, que ce soit directement à la Banque ou encore via H______. Il a admis que la Banque avait suivi la procédure prévue aux articles 4 et suivants de sa Directive interne 6______ et ne s'était pas basée sur la procuration donnée au gestionnaire externe.

c.b D______ a contesté avoir reçu les conditions générales de C______. Il avait signé le document mentionnant lesdites conditions générales car il lui avait été demandé de le signer pour pouvoir ouvrir un compte bancaire.

Il tenait par ailleurs à relever qu'à l'exception de ses propres honoraires, le mandataire n'avait pas le droit d'effectuer des prélèvements en espèces sur son compte, sauf instructions expresses de sa part. Il s'agissait là d'un aspect fondamental pour lui. Ainsi, selon lui, H______ assurait la gestion courante du compte, tandis que C______ en assurait la garde, en ce sens que la Banque s'assurait que les termes et l'étendue de la procuration donnée à I______ Sàrl soient respectés.

c.c L______, qui était la responsable EAM du compte K______, se souvenait que l'article 4.5 de la Directive 6______ de C______ prévoyait notamment que des paiements en espèces aux EAM étaient possibles "à titre exceptionnel". Elle n'avait toutefois aucun souvenir particulier quant à la manière dont elle avait elle-même interprété cette notion de "à titre exceptionnel". Elle pouvait en revanche affirmer que toutes les opérations qu'elle avait exécutées respectaient les Directives de la Banque.

En ce qui concernait les quelque 60 retraits caisse effectués entre 2008 et 2010 sur le compte de D______, L______ a exposé qu'il ne lui appartenait pas de porter de jugement personnel sur chacun des ordres qui étaient donnés, mais simplement de suivre les Directives, soit notamment les régimes de compétences prévus à l'article 4.1.2 de la Directive 6______ de C______ et les processus concernant la vérification des signatures ou de l'état du solde du compte.

Certes, la procuration limitée pour gérants de fortune externe établie par C______ interdisait les retraits en espèces ou les ordres de virement, mais de tels retraits étaient autorisés par la Directive 6______, pour autant que le processus y relatif soit respecté.

S'agissant de la question de savoir s'il existait un système d'alerte dans les cas où un EAM faisait des prélèvements qui dépassaient la norme, L______ se rappelait que des statistiques figuraient de manière quotidienne sur son ordinateur en fin de journée et que ces dernières étaient surveillées par sa hiérarchie. Il ne lui revenait en revanche pas d'initier de tels contrôles.

Concernant enfin le virement de 258'000 fr. opéré en faveur de l'Etude de Me W______, L______ a expliqué qu'un tel paiement n'aurait pas pu être effectué sans que le processus de validation ne soit suivi. Elle a par ailleurs rappelé que la relation entre C______, l'EAM et le client était triangulaire. Ainsi, même en présence d'un contrat de gestion externe, le client était toujours habilité à donner directement des instructions ou des ordres à la Banque.

c.d H______ a, pour sa part, expliqué – certificat médical à l'appui – souffrir de problèmes de santé entravant sa mémoire. Elle a néanmoins confirmé n'avoir menti devant aucune des autorités de poursuite pénale qui l'avaient auditionnée.

H______ était par ailleurs certaine d'avoir remis à D______ tous les documents listés dans la "Check-list" figurant dans le contrat du 8 juillet 2002 conclu entre celui-ci et C______, ce qui incluait notamment les conditions générales de la Banque. Elle a toutefois précisé que D______ était de nationalité française et qu'il était conseillé aux ressortissants français de ne pas traverser la frontière avec des documents bancaires sur eux.

c.e Le témoin N______ a travaillé au sein de C______ de 2004 à 2014, notamment dans le département des gérants externes depuis 2008. Il a travaillé dans la même équipe que L______ durant quelques mois, puis il est devenu General Manager de ce compte K______ lorsque cette dernière a quitté la Banque. Ce témoin a confirmé que le document intitulé "procuration limitée pour gérants de fortune externes" permettait de mettre en place la relation tripartite avec les gestionnaires externes. Sur cette formule, comme de manière générale pour les gestionnaires externes, le pouvoir était limité à la gestion et ne permettait pas de retrait d'espèces.

Il ne se souvenait pas qu'une soixantaine de prélèvements avaient été effectués en agence sur le compte K______ entre août 2008 et octobre 2010 par H______. Dans tous les cas, il a précisé que s'il devait s'avérer que de tels prélèvements avaient été faits, il arrivait fréquemment que des mandataires externes soient au bénéfice d'une procuration unique, les autorisant à effectuer un retrait d'argent. Pour chacun des retraits, il fallait une instruction spécifique signée de la main du bénéficiaire du compte. Concrètement, le tiers gérant contactait usuellement la Banque au préalable pour prévenir qu'il avait une instruction tendant à ce que des espèces soient versées en faveur du client final. Il venait ensuite à la Banque avec la "procuration unique" originale, afin que la Banque puisse procéder au contrôle initial. Au plus tard au moment de la transaction, soit au moment de la remise des espèces, il leur fallait, en original, les instructions du client final. Les espèces étaient ensuite remises à l'employé de la Banque, qui les remettait à l'EAM, moyennant la signature d'une quittance par ce dernier. La quittance était annexée à la procuration unique. Sur demande du Tribunal, le témoin N______ a expliqué que la Banque n'avait pas à s'assurer que les espèces étaient ensuite bien remises au client final. Cela ne concernait pas la Banque, qui avait obéi aux instructions de celui-ci. Le processus qu'il venait de décrire correspondait à ce qui se passait en général. Il était toutefois également possible, "dans certaines situations de gestionnaires externes", que des espèces soient remises auxdits gestionnaires moyennant confirmation écrite postérieure par le client final. Cela correspondait à l'article 4.5 d'une directive interne de la Banque qui lui a été soumise par le Tribunal. De mémoire, ce modus operandi avait été modifié durant les dix années qu'il avait passées au sein de la Banque, à savoir qu'il avait été abandonné. Il n'avait alors plus été possible que l'EAM remette à la Banque après coup une quittance signée par le client.

Le témoin N______ a déclaré qu'il ne se souvenait plus quels étaient les "contrôles de gestion appropriés" mentionnés en relation avec les retraits d'espèces effectués exceptionnellement par les EAM. Mais il se rappelait que, par exemple, si une EAM tardait trop à leur remettre la quittance signée par le client final, à savoir plus d'une semaine, ils ne remettaient plus d'espèces à l'EAM.

c.f O______, employée de C______, a précisé que le guichet auprès duquel elle travaillait était en droit de remettre des espèces aux employés de la Banque qui travaillaient avec les gestionnaires externes, mais non pas d'en remettre directement aux gestionnaires externes. Dans ce cadre, il lui revenait uniquement de procéder au contrôle de la signature de L______ dans une application bien spécifique et de s'assurer que cette dernière dispose du droit de signature en tant que "Relationship Manager". Elle ignorait en revanche à qui L______ remettait l'argent en question par la suite.

c.g M______, qui a travaillé auprès de C______ de 2007 à 2017, notamment à V______, a confirmé que normalement, et tel que cela ressortait de la "procuration limitée pour gérants de fortune externe", les retraits en espèces effectués par des gérants de fortune externes étaient strictement interdits.

Le paiement des honoraires du gestionnaire externe au débit du compte, moyennant la présentation d'une note d'honoraire, était "la seule chose qui était plus au moins autorisée". Le paiement des honoraires n'était toutefois jamais effectué en espèces et faisait l'objet d'un transfert de compte à compte sur celui du gestionnaire, également dans les livres de C______.

Selon M______, à teneur de l'article 4.5 de la Directive 6______ "Paiements aux clients nominatifs/sous numéro au guichet Cash Service/Procédure de paiement simplifiée", C______ supportait le risque en cas de retrait en espèces par un EAM. Pour s'en prémunir, M______ faisait quasi systématiquement signer des procurations pour retrait unique à ses clients ou à leurs EAM. A défaut, il exigeait la quittance contresignée par le client dans les 24 heures.

Il se souvenait toutefois avoir été "très à cheval" par rapport aux retraits en espèces effectués par des EAM lorsqu'il était Relationship Manager au sein du bureau de C______ de V______ et parlait à cet égard d'une certaine "rigueur vaudoise", par exemple par rapport à l'exigence de remise des quittances par des clients finaux. Il avait en effet pu constater, lorsqu'il était arrivé comme jeune manager à Genève, qu'il y avait un peu plus de tolérance, en particulier vis-à-vis des délais pour la remise des quittances signées par le client final. Cela pouvait en effet parfois prendre jusqu'à 2, 3 ou 4 mois jusqu'à ce que la quittance contresignée par le client final soit remise à C______ par l'EAM. Lorsqu'il avait indiqué qu'il entendait désormais être beaucoup plus strict, un des supérieurs de L______ lui avait alors fait remarquer qu'il n'allait pas se faire des amis auprès des EAM.

Dès 2011, le EAM CORE SERVICES est devenu de plus en plus strict pour que tous les EAM respectent les différents règlements en vigueur, notamment les directives internes. Par le passé, il était possible qu'il y ait eu plus de tolérance.

M______ a par ailleurs affirmé qu'il n'aurait lui-même pas effectué, sans autre, le virement de la somme de 258'000 fr. du compte de D______ en faveur de Me W______. La signature figurant sur l'ordre de paiement avait été contrôlée par le responsable des comptes numériques, ce qui était une bonne chose. Cela étant, il n'aurait pas procédé à un tel virement sans se demander si Me W______ était bien le ou l'un des titulaire(s) du compte numérique concerné. Si ce dernier n'était pas titulaire du compte, la question se posait alors de savoir qui était cette personne et quel était l'arrangement entre ce dernier et le titulaire du compte. M______ aurait également requis un tirage de la promesse de vente ou de tout autre document écrit probant, puisqu'il s'agissait de l'acquisition d'un bien immobilier. Enfin, il existait dans les dossiers des clients des "formules KYC" ("Know Your Customer"), contenant toutes les particularités du client final. Mieux connaître le client permettait à C______ d'évaluer si les flux de fonds étaient plausibles ou non. S'agissant de l'achat d'un bien immobilier, M______ aurait consulté le KYC du client final ou l'aurait demandé à l'EAM s'il n'était pas en possession de C______, afin d'examiner si ce client avait déjà mentionné un projet d'achat immobilier en Suisse. C______ requérait par ailleurs des EAM que la formule "KYC" soit mise à jour régulièrement.

Selon M______, le fait que des retraits fréquents soient effectués aurait normalement dû alerter le Relationship Manager. Pour sa part, il ne lui était jamais arrivé d'autoriser des dizaines de retraits au guichet par un EAM sur des périodes relativement brèves. Ils devaient par ailleurs, au niveau commercial, se poser la question de savoir pourquoi des actifs sous gestion quittaient la Banque, de manière à, si besoin, améliorer quelque chose du côté de la Banque.

M______ a enfin expliqué que dans le cadre du système "banque restante", cela pouvait être ennuyeux lorsqu'il y avait un gestionnaire externe. La Banque avait donc certaines exigences, pour s'assurer du fait que le client final était régulièrement averti de ce qui se passait sur son compte. Selon son souvenir, il était demandé que le client final soit averti au minimum tous les deux ans, puis en dernier lieu toutes les années. Toujours selon son souvenir, le client était averti du fait qu'il était attendu de lui qu'il se manifeste "tous les x temps", à savoir tous les deux ans, puis toutes les années. Cela évitait aussi les comptes "dormants". Il y avait des contrôles managériaux et ils avaient une indication des comptes "banque restante" avec lesquels il n'y avait plus eu d'entretien avec le client depuis longtemps.

c.h S______, qui avait notamment été responsable du Desk des gérants de fortune externes pour toute la Suisse romande du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2012, a relevé qu'à l'époque, il était courant que des retraits en espèces soient effectués par les gestionnaires externes. C'était moins le cas actuellement, puisque les temps avaient changé et que, de manière générale, le cash était moins utilisé.

S______ avait été informé du fait que le compte K______, dont la gestion avait été confiée à I______ Sàrl, avait été pratiquement vidé. Il n'avait en revanche pas été informé, entre 2008 et 2010 notamment, ni par L______, ni par l'échelon hiérarchique situé entre elle et lui, que de très nombreux retraits en espèces avaient été effectués sur ledit compte.

A sa connaissance, il n'existait pas d'instructions concernant le nombre limite de retraits en espèces qui pouvait être effectué au guichet par les EAM et concernant le montant desdits retraits, pour autant que ceux-ci restent dans la "limite du raisonnable".

L'article 4.5 de la Directive 6______ indiquait que les paiements en espèces à un EAM pouvaient être effectués à titre exceptionnel, même s'ils n'étaient pas couverts par la procuration EAM. La Directive 6______ autorisait les Relationship Manager à offrir ce service à leurs gérants externes, moyennant le respect du protocole y relatif, en particulier le retour de la quittance rose contresignée par le client final et la clôture de l'opération.

S______ ne pouvait pas répondre à la question de savoir quels étaient les "contrôles de gestion appropriés" mentionnés à l'article 4.5 de la Directive 6______, puisqu'il n'avait en tout état pas été chargé de procéder aux contrôles des Relationship Managers soumis à sa responsabilité hiérarchique.

c.i P______, titulaire d'un brevet d'avocat, responsable du service juridique de C______ au moment de son audition par le Tribunal, avait été averti du fait que plusieurs clients se plaignaient de retraits effectués sans droit sur leur compte par la société I______ Sàrl. Il n'avait auparavant jamais entendu parler d'une problématique en lien avec ce gestionnaire externe.

A la lecture de la "procuration limitée pour gérants de fortune externes", P______ a confirmé que cette dernière mentionnait bien le fait que le gestionnaire externe n'était pas en droit de procéder à des retraits en espèces.

S'agissant de la question de savoir s'il n'était jamais possible pour un gestionnaire externe de procéder à des retraits en espèces ou si cela était quand même possible à certaines conditions, P______ a répondu que ce qui figurait dans la procuration constituait le principe général. Il y avait toutefois des exceptions, soit des cas où le client demandait lui-même que son EAM procède à des retraits en espèces. Le client pouvait faire cela de plusieurs manières: il pouvait établir une procuration spéciale en faveur de l'EAM, donner des instructions écrites préalables à la Banque ou, si cela a été prévu, donner des instructions par courriel. Il y avait également le système des "quittances provisoires". Selon ce témoin, il n'y avait pas de contradiction entre la procuration EAM qui interdit les versements en espèces au gérant externe et l'article 4.5 de la directive sur les paiements en espèces au guichet.

d. Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue d'un délai de 15 jours suivant la transmission par le greffe des dernières déterminations des parties du 23 avril 2024.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté dans le délai utile et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 142, 145 al. 1 let. b et 311 al. 1 CPC) à l'encontre d'une décision finale de première instance, qui statue sur des conclusions pécuniaires dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 ss et 308 al. 2 CPC), l’appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans les limites posées par les maximes des débats et de disposition applicables au présent contentieux (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

2. L'appelante reproche au premier juge d'avoir omis de prendre en compte certains faits qu'elle avait dûment allégués. L'état de fait ci-dessus a été complété dans la mesure utile, de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'attarder sur ce grief. L'appréciation des preuves effectuée par le Tribunal sera examinée dans les considérants qui suivent en tant que de besoin.

3. Il n'est pas contesté que pour la période concernée par les prélèvements/ordre de virement effectués par H______ entre le 23 août 2008 et le 11 octobre 2010, le client et la Banque étaient liés par une relation de simple compte/dépôt bancaire dite execution only, la gestion dudit compte ayant été confiée à une mandataire externe.

Selon la jurisprudence, en l'absence de mandat de gestion de fortune, la banque – liée à son client par un contrat execution only – ne peut effectuer une opération déterminée sur le compte de celui-ci que sur instructions ou avec l'accord de ce dernier. Par conséquent, si la banque effectue des opérations bancaires sans instructions ou sans l'accord de son client, elle répond du dommage qui en résulte pour celui-ci selon les règles de la gestion d'affaires sans mandat (art. 419 ss CO) (ATF 149 III 105 consid. 4.1).

4. 4.1 Lorsque le demandeur allègue que des versements ou virements ont été exécutés par la banque en dépit du défaut de légitimation du donneur d'ordre ou à la suite de faux non décelés, le juge doit examiner qui, du client ou de la banque, doit supporter le dommage qui en résulte en procédant en trois étapes
(ATF 146 III 121 consid. 2).

Tout d'abord (première étape), sur l'action principale du client en restitution de son avoir non amputé des prélèvements indus (cf. art. 107 al. 1 CO), le juge doit examiner si les virements ont été exécutés sur mandat ou sans mandat du client, ce qui présuppose, en cas de représentation du titulaire du compte par un tiers, de se poser la question des pouvoirs du représentant, respectivement de la ratification des virements par le titulaire (cf. infra consid. 5).

Ce n'est que si les ordres ont été exécutés sans mandat que le juge doit examiner (deuxième étape) si le dommage est un dommage de la banque ou si, en raison de la conclusion d'une clause de transfert de risque, le dommage est à la charge du client (cf. infra consid. 6).

Ce n'est enfin que lorsque le dommage est subi par la banque, conformément au système légal, que le juge peut encore devoir examiner, dans une troisième étape, si celle-ci peut opposer en compensation à l'action en restitution de son client une prétention en dommages- intérêts pour avoir fautivement contribué à causer ou à aggraver le dommage en violant ses propres obligations (art. 97 al. 1 CO;  cf. infra consid. 7-8).

5. Dans la première étape, il faut examiner si les virements ont été exécutés par la banque sur mandat ou sans mandat du client.

5.1 L'argent figurant sur le compte bancaire ouvert au nom du client est la propriété de la banque, envers laquelle le client n'a qu'une créance en restitution (ATF 146 III 121 consid. 3.1).

5.1.1 Lorsque la banque vire de l'argent depuis ce compte à un tiers sur ordre (avec mandat) du client, elle acquiert une créance en remboursement contre celui-ci (art. 402 CO). A l'action en restitution du client, la banque peut donc opposer en compensation une créance en remboursement. La prétention en remboursement présuppose que la banque ait correctement exécuté l'ordre qui lui a été donné par le client, notamment qu'elle ne se soit pas trompée, lors de son exécution, dans la personne du destinataire ou le numéro de compte indiqués par le client
(ATF 146 III 121 consid. 3.1.1 et les références citées).

5.1.2 En revanche, lorsque la banque vire de l'argent depuis ce compte à un tiers sans ordre (sans mandat) du client, elle n'acquiert pas de créance en remboursement. A l'action en restitution du client, la banque ne peut donc pas opposer en compensation une créance en remboursement; elle doit contre-passer l'écriture et l'art. 402 CO n'entre pas en considération.

En effet, dans le système légal, le défaut de légitimation ou l'existence de faux non décelés font partie des risques inhérents à l'activité bancaire, au même titre que l'insolvabilité du client. Le client dispose donc, en cas de virements exécutés par la banque sans mandat de sa part, à la suite de défauts de légitimation ou de faux non décelés, d'une action en restitution de ses avoirs (sauf clause de transfert de risque), qui est une action en exécution du contrat (Erfüllungsklage ; art. 107 al. 1 CO). Cette action, qui n'est pas subordonnée à l'existence d'une faute de la banque, ne doit pas être confondue avec l'action en responsabilité pour inexécution contractuelle intentée par le client, laquelle est subordonnée à l'existence d'une faute de la banque (art. 398 al. 2 et 97 al. 1 CO qui pose une présomption de faute). Il en découle que la banque ne peut pas opposer à l'action en restitution du client une prétention en réduction pour faute concomitante de celui-ci au sens de l'art. 44 al. 1 CO (ATF 146 III 121 consid. 3.1.2 et les références citées). La banque doit ainsi payer une seconde fois si elle a offert sa prestation à un tiers non autorisé (arrêt du Tribunal fédéral 4A_81/2018 du 29 mai 2018 consid. 3).

5.2 Savoir si les virements ont été exécutés sur mandat ou sans mandat du client (titulaire du compte) présuppose, si celui-ci est représenté, de se poser la question des pouvoirs du représentant (ATF 146 III 121 consid. 3.2).

5.2.1 Pour qu'un acte juridique fait par un représentant lie le représenté conformément à l'art. 32 al. 1 CO, deux conditions doivent être remplies: (1) le représentant doit agir au nom du représenté ("fait au nom d'une autre personne" ) et (2) le représentant doit avoir le pouvoir de représenter ("autorisé"). Il doit donc agir en vertu de l'autorisation qui lui a été donnée par le représenté, c'est-à-dire en vertu d'une procuration (interne) (ATF 146 III 121 consid. 3.2.1).

5.2.2 Lorsque le représentant a agi au nom du représenté sans avoir pour cela de pouvoirs (internes), autrement dit lorsque l'acte qu'il a passé n'était pas couvert par la procuration (dépassement ou excès de pouvoirs; Vollmachtsüberschreitung), cet acte reste en principe sans effet pour le représenté, sauf:

a) si le représenté ratifie l'acte (art. 38 CO) ou

b) si le représenté a porté (expressément ou tacitement) à la connaissance du tiers une procuration qui va au-delà des pouvoirs (internes) qu'il a effectivement conférés au représentant et que, se fiant à cette communication, le tiers a cru de bonne foi à l'existence des pouvoirs (procuration externe, expresse ou tacite; art. 33 al. 3 CO). La communication au tiers n'a ainsi pas pour conséquence de faire naître les pouvoirs, mais seulement de suppléer à leur absence en cas de bonne foi du tiers.

La communication des pouvoirs par le représenté au tiers au sens de l'art. 33 al. 3 CO peut s'exprimer par une procuration écrite fournie par le représentant au tiers. La portée de la communication doit être examinée avant tout selon le principe de la confiance (ATF 146 III 121 consid. 3.2.2 et les références citées).

5.2.3 Dans le domaine bancaire, les pouvoirs conférés par le client à un représentant sont habituellement octroyés sur une formule de procuration préimprimée rédigée par la banque et remise à celle-ci. Cette procuration bancaire contient la signature de la personne autorisée. Elle est donc soumise aux règles générales des art. 32 ss CO, soit en particulier aux règles des art. 32 al. 1 (en relation avec l'art. 33 al. 2 CO) et 33 al. 3 CO (ATF 146 III 121 consid. 3.2.4 et les références citées).

Le représentant peut notamment avoir le droit de gérer les actifs en compte, sans pouvoir effectuer des prélèvements. Parfois, le tiers gérant a également le pouvoir d'effectuer des prélèvements à concurrence du montant de ses honoraires. Ce dernier pouvoir doit être expressément concédé (Lombardini, Droit bancaire suisse, 2ème éd., 2008, n. 125, p. 359).

En cas de doute sur l’existence ou l’étendue des pouvoirs de représentation, il appartient au tiers – en l'occurrence, la banque – de se renseigner, à défaut de quoi, son manque d’attention pourra lui être reproché (Chappuis, Commentaire romand, CO I, n. 27 ad art. 33 CO). Si la mauvaise foi du tiers est établie, l’effet de la représentation ne se produit pas (ATF 120 II 197, consid. 2/b/cc,
JdT 1995 I 194).

La banque sera en particulier de mauvaise foi si elle ne cherche pas à éclaircir des circonstances extraordinaires ou douteuses (Bretton-Chevallier, Le gérant de fortune indépendant, 2002, p. 231). Une instruction qui sort de la gestion usuelle et raisonnable doit appeler la banque à se demander si l’acte en question est couvert par le pouvoir du gestionnaire (Von Planta, Journée 1996 de droit bancaire et financier, p. 130).

La banque doit par exemple faire preuve d’une attention particulière et même demander l’accord du client lorsque le gestionnaire effectue des retraits ou des virements en sa faveur ou en faveur de tiers (Vignieu, La responsabilité de la banque dépositaire en cas de gestion fautive par un gestionnaire de fortune indépendant, Master 2017, p. 18 et les références citées, notamment
l'ATF 132 III 449 consid. 3). La représentation du client est une source non négligeable de responsabilité pour la banque qui peut toutefois la limiter en adoptant une organisation interne adéquate et une procédure de contrôle efficace (Vignieu, op. cit., p. 20).

5.3 En l'occurrence, il ressort des pièces versées à la procédure que D______ avait confié à I______ Sàrl, par contrat du 28 septembre 2004, le mandat de gérer et d'administrer son patrimoine sur le compte K______ détenu auprès de C______. Ce contrat stipulait une interdiction pour la mandataire d'effectuer des prélèvements sur le compte du mandant, à l'exception des honoraires de gestion convenus ou une autorisation expresse du mandant.

Par ailleurs, la "procuration limitée pour gérants de fortune externes" que le client a signée au profit de I______ Sàrl sur formulaire ad hoc de C______, contresignée également par L______ pour la Banque, prévoyait que la gérante était autorisée à procéder à l'achat et la vente de titres, à tous types de transactions sur produits financiers dérivés et tous placements alternatifs, à la possibilité de contracter les crédits nécessaires à la gestion des valeurs patrimoniales, ainsi qu'accessoirement, au prélèvement des honoraires dus à la société. La procuration limitée prohibait toutefois expressément le retrait d'avoirs en compte par la tiers-gérante.

Il est établi que le client n'a jamais donné son accord à la gérante externe – par tout acte postérieur à la procuration susvisée – pour qu'elle procède à des retraits en espèces au débit du compte K______. Ainsi, dans les rapports internes, D______ n'avait pas conféré à I______ Sàrl, soit pour elle H______, les pouvoirs de transmettre des ordres de retraits en espèces en son nom.

Il n’y a par ailleurs pas eu de ratification (au sens de l'art. 38 al. 1 CO) des opérations litigieuses de la part du client, puisqu’il est établi que les confirmations de réception/quittances remises à la Banque n’émanaient pas de celui-ci, mais de la gérante indépendante elle-même, qui a contrefait la signature de son client (la question de la fiction de ratification des relevés bancaires sera examinée au consid. 8.2.3 ci-après).

Il se pose encore la question de savoir si l'hypothèse posée par l'art. 33 al. 3 CO est réalisée (procuration externe expresse ou tacite portée à la connaissance de la banque qui s'y serait fiée de bonne foi; cf. consid. 5.2.2 ci-dessus). La réponse est assurément négative, pour les motifs qui suivent. Comme cela a été établi, la représentante n'était munie d'aucun ordre écrit portant la signature (même falsifiée) de son client lorsqu'elle a obtenu de la Banque la remise en espèces des sommes demandées entre le 29 août 2008 et le 11 octobre 2010.

La Banque a admis qu'elle s'était fondée exclusivement sur ses directives internes pour donner suite aux ordres de retrait donnés par la représentante (oralement ou par courriel), sans tenir compte de la procuration limitée signée en sa faveur. Or, la pratique des banques consiste à faire signer par les clients leur propre documentation contractuelle pour l'octroi des pouvoirs; les pouvoirs du représentant découlent expressément de la documentation signée par le client. Le contrôle des pouvoirs de tiers n'est dès lors pas difficile; il y a en conséquence lieu de poser des exigences élevées quant à l'attention dont doit faire preuve la banque (arrêt du Tribunal fédéral 4A_54/2009 du 20 avril 2009 consid. 3.3).

En l'occurrence, tant le contenu de la procuration limitée signée en faveur de la gérante externe que les circonstances entourant les retraits auraient dû attirer l'attention de la Banque. Celle-ci aurait en effet dû faire preuve d’une attention accrue dans la mesure où une procuration précisément limitée à la seule gestion avait été signée en 2002. De plus, depuis l'ouverture de la relation bancaire, aucun retrait n’avait été effectué sur le compte du client. Le premier retrait représentait ainsi une rupture brusque par rapport à ce qui avait prévalu pendant les six années précédentes. La Banque ne pouvait donc, de bonne foi, se fonder sur les ordres oraux ou par courriels qui lui ont été adressés par la gérante externe pour admettre que celle-ci disposait du pouvoir d’effectuer les retraits demandés. La Banque aurait également dû être alertée par la fréquence des retraits litigieux (soixante retraits en à peine plus de deux ans, alors que les directives internes prévoyaient que les retraits d'espèces par les gérants externes devaient être exceptionnels), le fait que certains de ces retraits étaient rapprochés dans le temps (plusieurs retraits dans le même mois, par exemple en mai, juin et décembre 2009), et le fait que de nombreux prélèvements étaient opérés en Francs suisses pour des sommes importantes, alors que le client était domicilié à E______ [France].

La bonne foi impose aux organes d'une banque d’organiser les opérations de manière à protéger le client (Barile, Le contrôle des conditions générales bancaires, mémoire présenté sous la direction de Carlo Lombardini; 2019, p. 17). Or, le fait pour la Banque d'avoir édicté, à l'insu des clients, des directives internes dérogeant aux pouvoirs résultant de procurations limitées et le défaut de surveillance des employés de la Banque censés appliquer lesdites directives ont créé un risque accru d'abus de la part de gérants externes.

Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que la Banque n'a pas fait preuve de l'attention que les circonstances permettaient d'exiger d'elle (art. 3 al. 2 CC); elle aurait dû procéder à des vérifications auprès du client avant de donner suite à ces nombreux ordres de retraits d'espèces reçus de la part de la gérante externe. A supposer que, comme elle le soutient, elle n'avait pas le droit de contacter le client directement, elle aurait dû surseoir à donner suite à ces ordres inhabituels, jusqu'à ce que le client prenne lui-même contact avec elle pour l'interroger sur le non-respect de ses (prétendus) ordres de retrait.

En ce qui concerne l'ordre de virement de 258'000 fr. du 9 juin 2009 en faveur d'un notaire vaudois, il est établi que la représentante avait falsifié la signature du client sur l'ordre de virement en question. Il s'agit donc d'un faux non décelé, que le système légal met à la charge de la Banque, à ce stade du raisonnement. La question de savoir si la Banque a fait ou non preuve de l'attention que les circonstances permettaient d'exiger d'elle concernant cette transaction sera examinée dans le cadre de la deuxième étape ci-dessous.

Quoi qu'il en soit, il est incontestable (et d'ailleurs incontesté) que l'ensemble des soixante et une opérations litigieuses (soixante retraits en espèces et un virement bancaire) ont été exécutées sans mandat du client.

Le client – dont les droits ont été cédés à l'intimé – dispose donc bien d'une action en restitution contre la banque, étant rappelé que dans le raisonnement de la première étape, la question d'une éventuelle faute de la banque n'entre pas en considération (arrêt du Tribunal fédéral 4A_178/2019, 4A_192/2019 du 6 août 2020 consid. 4.3.3).

Il convient ensuite de déterminer qui supporte le risque du défaut d'identification de la supercherie commise par la représentante qui a abusé de ses pouvoirs, respectivement qui a falsifié un ordre de virement, ce qui nécessite d'examiner si la banque a manqué à un devoir de vérification accru, qui serait né de circonstances propres à susciter des soupçons (arrêt du Tribunal fédéral 4A_81/2018 du 29 mai 2018 consid. 5.3), ce qui fait l'objet de la deuxième étape.

6. 6.1 Dans la seconde étape, le juge doit examiner si le dommage occasionné par les ordres de virement (ou de retrait) exécutés sans mandat est à la charge de la banque (système légal) ou si, en raison de la conclusion d'une clause de transfert de risque, il est à la charge du client (ATF 146 III 387 consid. 3.1 et 5; 146 III 121 consid. 2).

6.1.1 La réglementation légale en vertu de laquelle la banque supporte le risque du défaut de légitimation ou de faux non décelé peut en effet être modifiée. Les conditions générales des banques contiennent fréquemment une clause dite de transfert des risques, qui a pour effet de reporter sur la tête du client le risque que la banque doit en principe supporter en cas d'exécution en mains d'une personne non autorisée. Selon la jurisprudence, la validité d'une telle clause doit être examinée par application analogique des art. 100 et 101 al. 3 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_81/2018 précité consid. 3 et les références citées; LIEGEOIS/HIRSCH, Ordres bancaires frauduleux: Discours de la méthode, in SJ 2021 II p. 117ss, p. 129-130).

L'art. 100 CO, qui régit les conventions exclusives de la responsabilité pour inexécution ou exécution imparfaite du contrat, s'applique par analogie à une clause de ce type. Celle-ci est donc d'emblée dénuée de portée si un dol ou une faute grave sont imputables à la banque (art. 100 al. 1 CO). Le juge peut en outre tenir pour nulle une clause libérant la banque de toute responsabilité en cas de faute légère, dans la mesure où l'activité de la banque est assimilée à l'exercice d'une industrie concédée par l'autorité (art. 100 al. 2 CO). Dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, c'est-à-dire dans l'application des règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), le juge examine la clause de transfert de responsabilité en tenant compte des autres éléments du contrat et de l'ensemble des circonstances du cas particulier. Ce pouvoir d'appréciation n'existe pas si la faute légère a été commise par un auxiliaire de la banque, car la clause de transfert de risque est alors applicable sans restriction (art. 101 al. 3 CO; arrêt du Tribunal fédéral 4A_386/2016 du 5 décembre 2016 consid. 2.2.4).

6.1.2 Constitue une faute grave la violation des règles élémentaires de prudence dont le respect se serait imposé à toute personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances (ATF 146 III 326 consid. 6.1).

Commet, en revanche, une négligence légère la personne qui ne fait pas preuve de toute la prudence qu'on aurait pu attendre d'elle, sans toutefois que sa faute - non excusable - puisse être considérée comme une violation des règles de prudence les plus élémentaires (arrêt du Tribunal fédéral 4A_386/2016 du 5 décembre 2016 consid. 2.2.5 et les références citées).

Le juge apprécie (art. 4 CC) les agissements de l'auteur négligent en se référant à la diligence que l'autre partie était en droit d'attendre, en vertu, notamment, des clauses du contrat et des usages professionnels (arrêt du Tribunal fédéral 4A_386/2016 du 5 décembre 2016 consid. 2.2.5 et les références citées).

6.1.3 En général, la banque doit vérifier l'authenticité des ordres qui lui sont adressés uniquement selon les modalités convenues entre les parties ou, le cas échéant, spécifiées par la loi. Elle n'a pas à prendre de mesures extraordinaires, incompatibles avec une liquidation rapide des opérations. Bien qu'elle doive compter avec l'existence de faux, elle n'a pas à les présumer systématiquement. Elle procédera cependant à des vérifications supplémentaires lorsqu'il existe des indices sérieux de falsification, lorsque l'ordre ne porte pas sur une opération prévue par le contrat ou résultant de la pratique, ou encore lorsque des circonstances particulières suscitent le doute (arrêts du Tribunal fédéral 4A_81/2018 précité consid. 3; 4A_386/2016 du 5 décembre 2016 consid. 2.2.6).

La jurisprudence a admis une faute grave de la banque en présence d'ordres frauduleux d'un gérant indépendant parce que ces ordres avaient pour conséquence de vider le compte de l'essentiel de sa substance alors que ce gérant n'avait pas le pouvoir de faire des bonifications à des tiers lorsque la contrepartie ne se retrouvait pas dans le compte du client (arrêt du Tribunal fédéral 4A_9/2020 du 9 juillet 2020 consid. 6.2.1.1).

6.2 En l'occurrence, le contrat conclu entre la Banque et le client incluait une clause de transfert de risque en cas de dommage résultant d'un défaut de légitimation ou de falsifications non reconnaissables.

Selon l'article 6 du contrat du 8 juillet 2002, la Banque s'engageait à vérifier attentivement les signatures du déposant et de ses fondés de pouvoir, sans être tenue de procéder à un contrôle d'identité plus approfondi. Toutefois, la responsabilité pour les conséquences des falsifications non découvertes incombait au déposant, dans la mesure où la Banque avait agi avec l'attention voulue. L'article 1 des conditions générales de la Banque contenait une clause similaire : elle imposait à la Banque de vérifier avec diligence la légitimation des clients et de leurs mandataires, tout en transférant le risque au client en cas de dommage résultant de défauts de légitimation ou des conséquences de falsifications non reconnaissables, à condition que la Banque ait agi avec toute la diligence usuelle en affaires.

Le premier juge est cependant parvenu à la conclusion que cette clause de transfert des risques sur la tête du client était inapplicable, au motif que la Banque n'avait pas agi avec toute la diligence usuelle en affaires. La Banque, par le comportement de son auxiliaire L______, dont les actes lui étaient imputables (art. 55 CO), avait commis une faute grave en exécutant des ordres qui se trouvaient en contradiction flagrante avec la procuration limitée pour gérants de fortune externes du 28 septembre 2004, sans procéder aux investigations nécessaires.

6.2.2 Remettant en cause cette analyse du Tribunal, l'appelante fait valoir que les retraits d'espèces opérés par H______ étaient compatibles avec la procuration limitée qui lui avait été octroyée par le client.

L'appelante ne peut cependant être suivie. Certes, une procuration limitée n'exclut pas nécessairement des retraits de la part d'un gérant externe, à condition qu'ils soient fondés sur des instructions spécifiques du client en ce sens et que celles-ci soient portées à la connaissance de la Banque. Cela a d'ailleurs été confirmé par divers employés (actuels et passés) de la Banque, entendus comme témoins, qui ont affirmé qu'un client était toujours libre de donner de telles instructions à la Banque, indépendamment des termes d'une procuration limitée conférée à un représentant externe.

Ce cas de figure ne correspond cependant pas à la situation qui a donné lieu aux retraits d'espèces par H______, puisque D______ n'a jamais communiqué d'instructions en ce sens à la Banque. H______ n'a même pas eu besoin de prétendre qu'elle avait reçu des instructions du client. Il lui suffisait de demander oralement ou par courriel à L______ d'effectuer un retrait au débit du compte K______ pour que cela soit exécuté (pour un exemple, cf. partie EN FAIT, let. B.r.b).

L'appelante fait valoir que le Tribunal aurait erré en retenant qu'elle aurait dû exiger de H______ une procuration ad hoc, respectivement des instructions écrites spécifiques l'habilitant à effectuer des retraits. Elle soutient qu'une telle exigence n'était prévue ni dans les relations nouées entre les parties, ni dans la loi. Elle prétend qu'en tout état, le système de quittances provisoires, strictement encadré par les directives internes de la Banque, avait la même vocation qu'une procuration ad hoc ou une instruction écrite préalable, puisque les quittances provisoires matérialisaient la volonté du client en vue d'un retrait d'espèces.

L'argumentation de l'appelante est cependant contredite par le contenu de ses propres directives internes. En effet, il résulte de celles-ci que lorsqu'un client a confié la gestion de son compte à un gérant externe, la procuration limitée pour gérant de fortune externe est le seul document déterminant la portée du pouvoir de représenter dudit gérant. Dans la mesure où la procuration limitée interdisait expressément les retraits d'espèces par un tiers gérant, les ordres de retrait transmis par H______ portaient sur des opérations qui n'étaient pas couvertes par la procuration en question. Au demeurant, comme rappelé par le Tribunal, la directive 8______ de la Banque prévoyait que "dès réception de l'ordre, la Banque devait procéder au contrôle de la légitimation du donneur d'ordre " (cf. art. 4.1.1), ce qui n'a manifestement pas été fait.

A défaut d'avoir reçu des instructions provenant du client, la Banque n'était pas fondée à suivre des ordres donnés par la gérante externe qui allaient au-delà des pouvoirs qui lui avaient été conférés. En particulier, la Banque n'était pas autorisée à se fonder sur ses propres directives – qu'elle n'a pour le surplus pas correctement appliquées – pour donner suite à des ordres de la mandataire externe qui sortaient du cadre des opérations autorisées.

Ne serait-ce que pour ce motif, il doit être admis que la Banque a commis une faute grave en acceptant de répondre favorablement à des ordres de retrait émanant de manière clairement reconnaissable d'une personne non autorisée. L'on ne voit pas en quoi la prétendue pratique bancaire en matière de retraits d'espèces par des gérants externes à l'époque litigieuse (pratique au demeurant non établie) serait de nature à remettre en cause ce qui précède. En outre, dans l'arrêt 4A_616/2019 du 17 avril 2020 dont se prévaut l'appelante, le Tribunal fédéral n'a pas eu à examiner la pratique de la banque actionnée en justice qui avait autorisé des gestionnaires externes à retirer de l'argent des comptes de leurs clients contre remise ultérieure d'une quittance signée par ceux-ci, de sorte que l'arrêt en question ne lui est d'aucun secours.

Pour le surplus, l'appelante fait elle-même valoir que ses directives internes imposaient "un contrôle strict des instructions du client relayées par le tiers gérant externe", ces procédures strictes prévoyant des mesures d'encadrement "avant et après les retraits". Or, en l'occurrence, l'on ne discerne pas (et la Banque ne prouve pas) quelle mesure spécifique a été déployée pour contrôler – avant d'y donner suite – les ordres de retrait donnés par H______, oralement ou par courriel. Les directives prévoyaient uniquement un mode de contrôle subséquent, par la signature d'une quittance par le client une fois que les espèces sont censées lui avoir été remises.

6.2.3 La Banque ne peut pas se disculper par le fait que des quittances provisoires prétendument signées par le client lui ont été remises après chaque retrait d'espèces contesté. En effet, la Banque n'a pas agi sur la base de ces documents pour donner suite aux retraits, car ces documents n'existaient pas encore (et ne pouvaient ainsi pas "matérialiser" la prétendue volonté du client), lesdits documents n'étant parvenus à la précitée que postérieurement aux transactions litigieuses. D'ailleurs, il arrivait que des gérants externes remettent à la Banque les quittances contresignées par les clients très tardivement, au regard des délais fixés par la directive. Le témoin M______ a, par exemple, mentionné des délais pouvant atteindre deux à quatre mois. Quoi qu'il en soit, dans la mesure où ce ne sont pas ces quittances provisoires qui ont incité la Banque à procéder à la remise de sommes en espèces à H______, son argumentation relative au fait qu'elle n'avait pas à présumer l'existence de faux et que rien ne lui imposait la prise de mesures extraordinaires incompatibles avec une liquidation rapide des opérations est dépourvue de pertinence.

Il est vrai que dans la mesure où H______ avait imité la signature du client sur les quittances provisoires, il lui aurait été loisible de le faire également sur de prétendues instructions écrites préalables du client, que la Banque n'aurait pas pu identifier comme étant des instructions falsifiées. Cela étant, même la première de ces instructions écrites (si elle avait existé) aurait dû interpeller la Banque, vu son caractère insolite par rapport aux habitudes du client, et n'aurait donc pas dispensé la précitée de procéder aux vérifications idoines. Par ailleurs, si la Banque avait reçu par la suite des instructions écrites de manière répétée et parfois à plusieurs reprises au cours du même mois, cela aurait également dû l'alerter, étant rappelé qu'à teneur de ses propres directives, des retraits en espèces par un tiers gérant devaient demeurer l'exception "pour rendre service au client".

Ainsi, en dehors du fait que les transactions litigieuses n'étaient pas couvertes par la procuration signée en faveur de la gérante externe ou par tout autre instruction ad hoc, la Banque aurait dû se montrer d'autant plus vigilante que ses propres directives prévoyaient expressément que les retraits par des gérants externes devaient être exceptionnels au vu des risques d'abus.

6.2.4 Il s'agissait en outre de transactions particulièrement inhabituelles, en nette rupture avec le comportement antérieur du client. En effet, comme déjà rappelé ci-dessus, le client n'avait jamais procédé au moindre retrait d'espèces depuis l'ouverture de la relation contractuelle en 2002. A cela s'ajoute qu'en avril 2007, une grande partie des avoirs (89.5% d'environ 1'841'500 EUR) figurant sur le compte K______ était investis en titres, répartis en trois devises principales.

D'ailleurs, la liquidation progressive et complète du portefeuille de titres aurait, en soi, déjà dû alerter la Banque. Cela est d'autant plus vrai que la Banque était censée mettre à jour régulièrement le profil du client ("Know your customer" - KYC), comme cela a été confirmé par le témoin M______ (même si selon Matthey, Know Your Customer: Quo Vadis?, RSDA 2016 p. 135, s’assurer de l’exactitude et de la mise à jour des données collectées constitue une gageure en soi). Au-delà de l’identification formelle, les obligations de diligence portent aussi sur les motivations, la personnalité et les intentions du client (Matthey, op. cit., ibid.).

Certes, au vu de la relation execution only, la Banque n'était pas tenue de connaître la stratégie d'investissement voulue par le client. D'ailleurs, le fait qu'il ait opté pour une gestion conservatrice n'était, en soi, pas nécessairement pertinent pour déterminer si un retrait d'espèces serait ou non insolite. Cependant, la mise à jour du profil KYC aurait permis de constater que la liquidation totale du portefeuille ne correspondait pas aux intentions du client.

La passivité de la Banque est d'autant plus critiquable que les circonstances concrètes auraient commandé qu'elle réagisse, au vu de la répétition, sur une période d'environ deux ans, d'opérations qui ont pratiquement vidé le compte K______ de sa substance.

6.2.5 Face à des ordres atypiques tels que les retraits d'espèces litigieux, il incombait à la Banque de prendre des mesures de vérification directement auprès du client lui-même, afin d'écarter tout risque d'abus ou d'agissements frauduleux.

L'appelante prétend à cet égard qu'elle ne pouvait être tenue de contacter personnellement le client, au motif que celui-ci aurait expressément refusé tout contact direct, au profit de l'envoi de la correspondance à un mandataire désigné. Cet argument n'est étayé par aucun élément du dossier. Rien ne démontre que la Banque n'avait pas le droit de contacter le client ou qu'elle s'était engagée à s'en abstenir. Au contraire, le contrat entre la Banque et la gérante externe prévoyait que cette dernière devait veiller à ce que la première nommée dispose en tout temps d'une adresse de contact direct pour joindre le client en cas de nécessité.

En tout état, même si une telle interdiction avait existé – ce qui n'est pas établi –, la Banque aurait pu, à tout le moins (comme déjà retenu au consid. 5.3 ci-dessus), surseoir à l'exécution des ordres suspects et attendre que le client entre spontanément en contact avec elle pour s'enquérir de son refus à exécuter son prétendu ordre de retrait. La Banque aurait également eu la possibilité – toujours en bloquant préalablement l'ordre insolite – de demander à la gérante externe d'inviter le client de prendre contact avec elle, comme elle l'a d'ailleurs fait en 2012.

6.2.6 Des manquements similaires peuvent être reprochés à la Banque en lien avec l'ordre de virement du 9 juin 2009, d'un montant de 258'000 fr. en faveur d'un notaire vaudois.

Il est établi que la représentante avait falsifié la signature du client sur l'ordre de virement en question. Certes, la signature du client était parfaitement imitée, de sorte que la Banque ne pouvait pas déceler l'existence d'un faux. Cela étant, il n'est pas reproché à la Banque d'avoir méconnu que les instructions reçues le 9 juin 2009 n'émanaient pas de leur auteur apparent, mais d'avoir ignoré tout un faisceau d'éléments qui auraient dû la conduire à douter de la légitimation du donneur d'ordre, et partant à procéder aux vérifications propres à lever ces doutes. 

Indépendamment de la question de savoir si les employés de la Banque étaient censés avoir des connaissances en matière de limitations applicables aux étrangers dans l'acquisition d'un bien immobilier (LFAIE), la Banque n'a pas prêté l'attention commandée par les circonstances en donnant suite à cet ordre insolite, dont le caractère inhabituel découlait déjà du fait qu'il s'agissait du premier ordre de virement (prétendument) donné par le client depuis le début de la relation contractuelle en 2002 et qu'il concernait un achat immobilier en Suisse alors que le client était domicilié à E______. Par ailleurs, la Banque aurait dû chercher à s'assurer que la transaction litigieuse était bien conforme aux objectifs définis par le client.

Comme l'a d'ailleurs souligné le témoin M______, lui-même n'aurait pas exécuté un tel ordre sans s'interroger préalablement sur l'identité du bénéficiaire. Il aurait vérifié si Me W______ était bien le titulaire du compte de destination mentionné dans l'ordre. Si ce dernier n'était pas titulaire du compte, la question se posait alors de savoir qui était cette personne et quel était l'arrangement entre ce dernier et le titulaire du compte. M______ aurait également requis un tirage de la promesse de vente ou de tout autre document écrit probant, puisqu'il s'agissait de l'acquisition d'un bien immobilier. Enfin, s'agissant de l'achat d'un bien immobilier, M______ aurait consulté le formulaire KYC du client final ou l'aurait demandé à l'EAM s'il n'était pas en possession de C______, afin d'examiner si ce client avait déjà mentionné un projet d'achat immobilier en Suisse.

Les propos de ce témoin sont d'ailleurs corroborés par les directives internes de la Banque, dont il résulte que des mesures de vérification auraient dû être prises dans la situation susrappelée. En effet, selon l'article 4.3 de la Directive 7______ de la Banque, "les collaborateurs du C______ doivent comprendre les transactions des clients afin de prévenir et de détecter les activités inhabituelles ou suspectes. Les Relationship Manager (…) ainsi que leurs supérieurs respectifs ont l'obligation de surveiller les transactions de leurs clients de manière appropriée pour s'assurer qu'elles concordent avec chaque objectif défini par le client et que les transactions ont un but économique ou commercial légitime."

Ainsi, les circonstances entourant cet ordre auraient dû éveiller chez la Banque, respectivement chez ses auxiliaires, des doutes sur la légitimation du donneur d'ordre, doutes qui auraient dû la (les) conduire à procéder à des vérifications supplémentaires avant d'exécuter les instructions reçues, par exemple en invitant le client à prendre contact par téléphone et en cherchant à connaître l'arrière-plan économique et le but poursuivi par la transaction.

En se dispensant de toute vérification malgré le caractère suspicieux de la transaction prétendument ordonnée par le client pour faire un virement en faveur d'un notaire dans le canton de Vaud, la Banque n'a pas pris les mesures de précaution les plus élémentaires qui pouvaient légitimement être attendues d'elle.

C'est donc à juste titre que le premier juge est parvenu à la conclusion que la Banque (respectivement ses auxiliaires) avait commis une grave négligence.

6.2.7 Dans la partie en fait de son appel, la Banque s'est encore prévalue du fait que ce n'était qu'après une "analyse approfondie du cas" qu'elle avait accepté une collaboration avec H______ en qualité de gérante externe. Elle en a déduit qu'elle n'avait aucune raison de douter de l'intégrité de cette dernière. Cette argumentation démontre que la Banque avait placé une grande confiance à l’égard de la précitée. Il est d'ailleurs indéniable que si L______, auxiliaire de l'appelante, n'a pas appliqué les consignes de sécurité qui s'imposaient dans le contexte exposé ci-dessus, c'est parce qu'elle avait une grande confiance en H______, qui était son ancienne collègue. L'employée de la Banque s'est ainsi fiée aveuglément aux demandes de la gérante externe. Or, le client n’a pas à supporter les conséquences de la confiance accordée, à tort, par la Banque (soit en particulier son auxiliaire) à son ancienne employée.

6.2.8 A noter que les juridictions civiles ne sont pas liées par le jugement pénal (art. 53 CO). Dès lors, le fait que le Tribunal correctionnel ait retenu que la Banque n'avait pas les moyens de détecter la supercherie orchestrée par H______, laquelle a profité de ses connaissances du fonctionnement interne de son ancien employeur, n'est pas déterminant in casu. Les juridictions pénales n'ont au demeurant pas analysé l'ensemble des règles pertinentes sur le plan civil, ni appliqué les mêmes critères juridiques. Les conditions permettant de qualifier une tromperie d'astucieuse sur le plan pénal ne sauraient être confondues avec les exigences civiles en matière de diligence contractuelle.

Admettre le raisonnement de l'appelante reviendrait à considérer qu'à chaque fois qu'une escroquerie au détriment d'une banque donnerait lieu à une condamnation pénale de son auteur, le client lésé serait automatiquement privé de tout recours civil contre ladite banque, même lorsque celle-ci a failli à ses obligations contractuelles. Une telle conséquence n'est pas admissible.

6.3 Il résulte des considérations qui précèdent que la Banque a commis plusieurs fautes graves, avec pour conséquence que la clause de transfert des risques sur la tête du client est inopérante en ce qui concerne les soixante ordres de retraits et l'ordre de virement auxquels elle a donné suite.

Il s'ensuit que le dommage découlant des transactions susvisées, exécutées sans mandat du client, est un dommage de la Banque, correspondant au montant qu'elle doit payer une seconde fois audit client (en l'occurrence, au cessionnaire de ses droits).

La question d'une faute éventuelle du client dans la survenance ou l'aggravation du dommage sera ensuite examinée dans la troisième étape du raisonnement, à savoir dans le cadre de l'action en dommages-intérêts que la banque peut opposer au client en invoquant une violation de ses obligations contractuelles.

7. 7.1 La banque, qui subit le dommage du fait de l'exécution d'un paiement sans mandat, peut tout au plus demander des dommages-intérêts à son client si celui-ci a fautivement contribué à causer ou à aggraver le dommage qu'elle a ainsi subi (art. 97 al. 1 et/ou art. 41 al. 1 CO). Il s'agit là d'une "action" en dommages-intérêts de la banque contre son client, fondée principalement sur l'art. 97 al. 1 CO que celle-ci oppose en compensation à l'action en restitution de l'avoir en compte introduite par le client (ATF 146 III 121 consid. 5.1). Dans cette perspective, le client est l'auteur du dommage et la banque lésée pourrait avoir commis une faute concomitante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_337/2019 du 18 décembre 2019 consid. 2.3).

La responsabilité de l'art. 97 al. 1 CO, qui repose ici sur le rapport juridique noué entre les parties, est soumise à quatre conditions: la violation du contrat, le dommage, le rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation contractuelle et le dommage, ainsi que la faute.

Dans le cadre de la prétention compensante de la banque contre le client, le dommage est celui subi par la banque et correspond au montant que celle-ci doit payer une seconde fois, au client, en raison des transferts qu'elle a exécutés sans mandat de celui-ci.

Le non-respect de ses obligations contractuelles par le client, présumé fautif (quatrième condition), contribue au dommage ou en entraîne l'aggravation (troisième condition).

Le client viole ses obligations contractuelles (première condition) lorsque, d'une manière ou d'une autre, il contribue à causer le dommage parce qu'il incite la banque à procéder au transfert indu (arrêts du Tribunal fédéral 4A_54/2009 du 20 avril 2009 consid. 1; 4A_438/2007 précité consid. 5.1) ou parce qu'il contribue à aggraver le dommage (arrêts du Tribunal fédéral 4A_119/2018 précité consid. 5.2 et 6; 4A_379/2016 précité consid. 3.2.2 et 5.4). Selon la jurisprudence, le client contribue à aggraver le dommage de la banque, notamment en ne contestant pas les écritures irrégulières ou infondées qu'il aurait pu ou dû constater en consultant les relevés de compte qu'il a reçus ou en ne relevant pas, ni ne contrôlant son courrier en banque restante (i.e. en ne surveillant pas son gérant indépendant) (ATF 146 III 121 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_119/2018 précité consid. 5.2 et 6).

7.2 La faute concomitante du lésé peut avoir pour effet soit d’interrompre le rapport de causalité adéquate soit de réduire l’indemnité due à celui-ci. Il y interruption du rapport de causalité lorsque la faute du lésé est si lourde et si déraisonnable qu’elle surpasse tous manquements de l’auteur, au point qu’il n’apparaisse plus comme la cause adéquate du dommage (Gilliéron, Quelle action initiée contre une banque pour des opérations exécutées par un employé de ladite banque sans autorisation du client?, RSDA 2023 p. 379 ss, 382)

Lorsque la faute du lésé n’est pas si grave au point d’interrompre le lien de causalité adéquate, elle peut être un facteur de réduction de l’indemnité (art. 44 al. 1 CO) en raison du fait que la faute du lésé a contribué de manière déterminante et importante à créer ou aggraver le dommage alors qu’il aurait raisonnablement pu prendre des précautions susceptibles d’écarter ou de réduire le dommage (ATF 146 III 387 consid. 6.3.2.). La réduction doit alors être calculée en tenant compte de la gravité de la faute concomitante du lésé par rapport à la faute de l’auteur

Ainsi, lorsque la faute du créancier est légère et que la faute de la banque est grave, cela conduit à refuser à cette dernière l'allocation de dommages-intérêts (ATF 112 II 450 consid. 4 in fine ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_386/2016 du 5 décembre 2016 consid. 4.4).

8. L’appelante fait valoir que le client aurait, par son absence de vigilance, contribué à la survenance ou à l’aggravation du dommage. Elle soutient que le client a manqué à ses obligations, en omettant de consulter les relevés de compte, pourtant transmis à sa gérante externe désignée, et en négligeant de surveiller l’activité de celle-ci. Selon l'appelante, une consultation régulière des relevés bancaires aurait permis au client de détecter les opérations litigieuses et d’intervenir en temps utile, ce qui aurait empêché la répétition des actes délictueux. Elle en conclut que, conformément à l’art. 97 CO, elle dispose d’une prétention compensatoire en dommages-intérêts à l’encontre de son client, toute faute concomitante de sa part à elle étant exclue.

Avant toute analyse de l'argumentation de l'appelante, il convient de rappeler qu'en l'occurrence, le dommage a été causé à la Banque principalement par les actes illicites de la gérante indépendante (art. 41 al. 1 CO).

8.1. Lorsqu'un client dépose ses avoirs auprès d'une banque et confie, non pas à la banque, mais à un gérant indépendant, le soin de gérer sa fortune, il existe deux relations contractuelles: une relation contractuelle entre le client et le gérant indépendant (contrat de gestion de fortune) et une relation contractuelle entre le client et la banque (en général, un contrat de compte courant/contrat de dépôt) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_379/2016 du 15 juin 2017 consid. 3.1).

C'est dans le cadre de cette seconde relation que le client peut demander à la banque de conserver ses communications en banque restante et qu'il accepte les conditions générales de la banque, en particulier la clause dite de "réclamation".

8.1.1. Selon la jurisprudence, par la clause de banque restante, la banque accepte de conserver chez elle, dans le dossier bancaire du client, les avis qu'elle doit lui adresser, mais prévoit que les communications ainsi faites sont opposables à celui-ci comme s'il les avait effectivement reçues. Le client qui adopte ce mode de communication est censé avoir reçu immédiatement les avis qui lui sont adressés de cette façon (fiction de réception); il sera traité de la même façon que le client qui aura réellement reçu le courrier, quant à la fiction de ratification d'une opération non contestée dans un certain délai (sur la clause de " réclamation ", cf. consid. 8.1.3 ci-dessous; arrêts du Tribunal fédéral 4A_471/2017 du 3 septembre 2018 consid. 4.2.1; 4A_386/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.2.2).

En effet, l'option banque restante n'est pas utilisée dans l'intérêt de la banque mais bien dans celui du client, qui, pour des raisons de discrétion, n'entend pas recevoir les communications que la banque doit lui adresser. En pareil cas, la banque, qui a l'obligation de rendre compte à ses clients des opérations qu'elle accomplit pour ceux-ci, a un intérêt légitime à ce que le destinataire du courrier en banque restante soit traité de la même manière que le client qui a réellement reçu le courrier en ce qui concerne l'obligation, découlant des règles de la bonne foi, de réagir en cas de refus ou de désaccord avec une opération dont il a reçu communication (arrêts du Tribunal fédéral 4A_471/2017 consid. 4.2.1; 4A_42/2015 du 9 novembre 2015 consid. 6.3; 4C.378/2004 consid. 2.2). 

Le client qui choisit l'option banque restante prend donc un risque, dont il doit supporter les conséquences s'il se réalise (arrêts 4A_471/2017 précité consid. 4.2.1; 4A_386/2016 précité consid. 3.2; 4A_42/2015 précité consid. 6.3; 4A_262/2008 déjà cité consid. 2.3; 4C.378/2004 déjà cité consid. 2.2). 

8.1.2 Lorsque les avis de débit en relation avec les ordres frauduleux, les relevés de compte et les états des avoirs ont été communiqués au client par la voie ordinaire (et non en banque restante) et qu'il ne s'y est pas opposé dans le délai convenu, il est censé les avoir approuvés. Lorsque le client convient avec la banque que la correspondance bancaire doit être adressée à un représentant désigné par lui, les communications faites à ce représentant, qui est l'auxiliaire du client (art. 101 CO), sont réputées notifiées à celui-ci et, partant, faute de contestation par le représentant, sont réputées approuvées. Dans une telle situation, la faute concomitante du client interrompt le rapport de causalité entre la faute grave de la banque et le dommage subi par le client (arrêt du Tribunal fédéral 4A_161/2020 précité consid. 5.2.2). Ainsi, lorsque le client désigne un représentant pour la réception de la correspondance bancaire, l'absence de réaction de celui-ci lui est imputable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_161/2020 précité consid. 5.4.1). L'exception d'abus de droit (cf. consid. 8.1.4 ci-dessous) admise lorsque la correspondance bancaire est adressée en banque restante n'est pas applicable lorsque la communication est faite au client, représenté par un avocat, qui n'est pas l'auteur des opérations frauduleuses (arrêt du Tribunal fédéral 4A_161/2020 précité consid. 5.4.2).

8.1.3. En vertu de la clause de "réclamation" généralement prévue par les Conditions générales des banques, toute réclamation relative à une opération doit être formulée par le client dans un certain délai dès la réception de l'avis d'exécution de l'ordre ou du relevé de compte ou de dépôt, faute de quoi l'opération ou le relevé est réputé ratifié par lui. Une telle clause est valable (arrêts du Tribunal fédéral 4A_471/2017 précité consid. 4.2.2; 4A_386/2016 précité consid. 3.2; 4A_42/2015 précité consid. 5.2; 4A_488/2008 du 15 janvier 2009 consid. 5.1; 4A_262/2008 précité consid. 2.2).  

En effet, les communications de la banque ne servent pas seulement à l'information du client, mais visent aussi à permettre la détection et la correction en temps utile d'écritures erronées, voire d'opérations irrégulières, à un moment où les conséquences financières ne sont peut-être pas encore irrémédiables. Les règles de la bonne foi imposent au client une obligation de diligence relativement à l'examen des communications reçues de la banque et à la contestation des écritures qui lui paraissent irrégulières ou infondées. Faute de contestation, même s'il n'a pas consciemment voulu ratifier les opérations par son comportement, le client doit se laisser opposer la fiction de ratification (contenue dans les conditions générales), même si le chargé de relation ne s'était pas tenu à ses instructions (arrêts du Tribunal fédéral 4A_471/2017 précité consid. 4.2.2; 4A_42/2015 précité consid. 5.5). 

La clause de réclamation - et sa fiction de ratification - est applicable aux clients auxquels les communications sont faites en banque restante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_471/2017 précité consid. 4.2.2).

8.1.4 Si l'application stricte de la clause de banque restante, entraînant fiction de réception, combinée avec la clause de réclamation, emportant fiction de ratification, conduit à des conséquences choquantes, le juge peut exclure celles-ci en se fondant sur les règles de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC; arrêts du Tribunal fédéral 4A_471/2017 précité consid. 4.2.3; 4A_386/2015 précité consid. 3.2.3; 4A_614/2016 du 3 juillet 2017 consid. 6.1; 4A_42/2015 précité consid. 5.2).  

Les fictions de réception et de ratification ne sont en effet opposables au client que pour autant que la banque ne commette pas d'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). Il y a notamment abus de droit lorsque la banque profite de la fiction de réception du courrier pour agir sciemment au détriment du client, ou lorsqu'après avoir géré un compte pendant plusieurs années conformément aux instructions orales du client, elle s'en écarte intentionnellement alors que rien ne le laissait prévoir (par exemple en cas de contrat de gestion de fortune), ou encore lorsqu'elle sait que le client n'approuve pas les actes communiqués en banque restante (par exemple lorsqu'elle agit sans instructions dans le cadre d'un contrat "execution only" ou de conseil en placements; arrêts du Tribunal fédéral 4A_471/2017 consid. 4.2.3; 4A_386/2016 consid. 3.2.3; 4A_42/2015 consid. 5.2; 4A_262/2008 consid. 2.3; 4C.378/2004 consid. 2.2). Une négligence comparable doit être assimilée à la lésion intentionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 4A_386/2016 précité consid 3.2.3).

Une réclamation doit, par ailleurs, être objectivement possible et raisonnablement exigible de la part du client. Ce dernier peut renverser la fiction d’acceptation en prouvant que la banque avait conscience qu'il n’approuvait pas la transaction litigieuse (arrêts du Tribunal fédéral 4A_42/2005 du 9 novembre 2015 consid. 5.2 ; 4C.81/ 2002 du 1er juillet 2002 consid. 4.3, 4C.81/ 2002 du 1er juillet 2002 consid. 4.3, cités in Barile, op. cit., p. 25). En cas de clause de banque restante, la banque ne peut considérer que le client approuve tacitement une opération interdite par la procuration lorsque celui-ci est injoignable (Vignieu, op. cit., p. 20 et la référence citée).

Il a par ailleurs été jugé qu'une faute ou une négligence grave de la part de la banque était susceptible de rendre inopposables au client les clauses de banque restante et de réclamation, ainsi que les fictions de réception et d'acceptation qui en découlent (arrêt du Tribunal fédéral 4A_161/2020 du 6 juillet 2020 consid. 5.2.2 et la jurisprudence citée). Par exemple, il a été retenu qu'une négligence grave rendait inopposable au client la clause de banque restante dans un cas où la banque avait exécuté un ordre dont la signature était totalement illisible (arrêt du Tribunal fédéral 4C.81/2002 du 1 er juillet 2002 consid. 4.3 et la jurisprudence citée).

Dans une autre affaire portée devant le Tribunal fédéral, cette instance a confirmé un arrêt cantonal retenant que la banque ne pouvait pas invoquer les clauses de banque restante contre le client, sous peine d’abus de droit (de la banque), en raison notamment de la relation de confiance entre le client et son chargé de relation et du fait que, vu la relation «execution only», le client ne devait pas s’attendre à des opérations insolites sur son compte. Il ne pouvait par ailleurs pas être reproché au client un manque de diligence dans la consultation de sa correspondance bancaire compte tenu des fautes commises par le chargé de relation et des carences de la banque dans le surveillance de ses collaborateurs et la gestion des dossiers des clients (Gilliéron, Quelle action initiée contre une banque pour des opérations exécutées par un employé de ladite banque sans autorisation du client?, commentaire de l'arrêt 4A_407/2021, in RSDA 2023 p. 379 ss, 382).

8.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu que D______ était lié par une clause de banque restante (cf. art. 4 du contrat du 8 juillet 2002) et par la clause de réclamation de l'art. 7 des conditions générales de la banque. A teneur de cet article, les contestations concernant les relevés de comptes ou de dépôts devaient être présentées dans le délai d'un mois, faute de quoi ils étaient considérés comme approuvés. Selon le premier juge, le client n'avait cependant pas violé son devoir de diligence en ne prélevant pas son courrier en banque restante après la dernière visite de sa gestionnaire de fortune à E______ en février 2008, lors de laquelle cette dernière lui avait remis ses derniers relevés de compte. En effet, au vu des circonstances particulières prévalant au moment des faits (relation de confiance créée au fil des ans, mandat limité à la gestion du compte dont les contours ont été respectés jusqu'en 2008, procuration limitée en faveur de la gérante externe), le client n'avait aucune raison de remettre en cause la probité de la gestionnaire externe. La Banque commettait dès lors un abus de droit en se prévalant des fictions de notification et de ratification. Il serait contraire à la bonne foi que celle-ci puisse se soustraire à sa propre responsabilité en se fondant sur une fiction de notification et de ratification, dont l'application stricte conduirait à un résultat pour le moins choquant.

8.2.1 L'appelante remet en cause cette appréciation du premier juge. Elle rappelle tout d'abord, avec raison, que la clause de banque restante n'était pas en vigueur à l'époque des faits litigieux, puisque le client lui avait donné pour instruction, par courrier du 28 septembre 2004, de transmettre la correspondance à sa gérante externe.

8.2.2 L'appelante soutient ensuite que D______ a violé son devoir de diligence envers la Banque en omettant de consulter ses relevés bancaires ou de chercher à les obtenir une fois que H______ a cessé de les lui transmettre dès 2008. La Banque estime que par l'absence de toute surveillance exercée sur l'activité de la gérante externe depuis 2008, le client précité serait à l'origine du dommage qui lui a été causé. Selon l'appelante, la consultation d'un seul relevé bancaire, suivie d'une réclamation qui se serait alors imposée, aurait permis de mettre un terme à l'activité frauduleuse.

Il est vrai que la jurisprudence du Tribunal fédéral (toutefois critiquée par un auteur de doctrine cité ci-après) impose au client, sur la base des règles de la bonne foi, un devoir de diligence qui inclut la consultation des documents bancaires mis à disposition, notamment en banque restante, afin de détecter d'éventuelles irrégularités et prévenir l'aggravation d'un éventuel dommage (cf. Hirsch, Responsabilité de la banque, Devoir de diligence : une nouvelle obligation à la charge du client, publié le 11 mars 2019 par le Centre de droit bancaire et financier, "https://www.cdbf.ch/1051/"). L'on pourrait donc en déduire que le client diligent devrait s'assurer de recevoir la documentation bancaire communiquée au tiers gérant qui le représente, afin d'en prendre connaissance et de prendre les éventuelles mesures qui s'imposent. Le client a également une obligation accessoire d’éviter de favoriser les risques d’abus, puisqu'il a un intérêt évident à prendre toutes les précautions pour éviter la réalisation des risques sur lesquels il peut avoir une influence (Barile, op. cit, p. 39).

En l'occurrence, D______ avait pris les mesures de protection adéquates, en conférant à sa mandataire une procuration limitée excluant expressément les retraits d'espèces. Par ailleurs, sous l'angle de la bonne foi et au regard du contexte spécifique des relations entretenues entre toutes les personnes concernées, il ne peut raisonnablement être reproché à D______ de ne pas avoir cherché à obtenir les relevés bancaires du compte K______ entre les années 2008 et 2010, durant lesquelles les actes frauduleux ont été commis.

Il convient de rappeler qu'entre le moment de l'ouverture de la relation bancaire à son nom avec les fonds dont il a hérité et le moment de la conclusion du mandat de gestion externe en 2004, D______ ne s'est jamais rendu à la Banque pour consulter les relevés bancaires qui lui étaient alors communiqués en banque restante. Il résulte des propres allégués de la Banque que le client ne l'avait ensuite jamais contactée jusqu'à l'année 2014, à l'exception du courrier qu'il lui aurait (prétendument) adressé le 15 juin 2006 pour dire qu'il était "au courant du fait qu'un grand nombre de transactions [avait] été effectué sur [son] compte depuis janvier 2005. [Il était conscient] que la banque dépositaire, C______, Genève, [n'avait] pas connaissance de [son profil] d'investissement, ni du contenu du mandat de gestion convenu avec I______ Sàrl". La teneur de ce courrier laisse d'ailleurs songeur, tant il paraît incongru pour un client d'adresser un tel courrier à sa banque dépositaire, sans avoir reçu de demande d'information spécifique de sa part. La réception de ce courrier aurait déjà dû susciter les soupçons de la Banque, ou du moins éveiller sa curiosité.

Quoi qu'il en soit, il apparaît que la gérante externe a profité de sa connaissance du client (soit du fait qu'il ne consultait pas ses relevés bancaires) et de la confiance que celui-ci et la Banque avaient placée en elle pour agir au détriment du premier nommé. D______ n'avait cependant aucune raison de s'attendre à ce que les avis bancaires qui lui étaient destinés contenaient des éléments aussi insolites que des retraits d'espèces, dès lors qu'il avait pris toutes les mesures de sécurité nécessaires en interdisant expressément des retraits d'espèces par sa représentante. A teneur de la documentation contractuelle, la Banque avait en outre garanti au client qu'elle s'engagerait à vérifier avec diligence sa légitimation et celle de ses fondés de pouvoirs.

Comme exposé à juste titre par le premier juge, D______ n'avait au surplus aucune raison de douter de l'intégrité de H______, qui avait géré consciencieusement les comptes bancaires de ses parents pendant de nombreuses années, puis le sien depuis 2002, d'abord en tant qu'employée de la Banque, puis en tant que gérante indépendante. La circonstance que la gérante externe ait cessé d'adresser les relevés bancaires à D______ en 2008 n'était, à elle seule et au vu de ce contexte, pas propre à devoir éveiller des soupçons quant au fait qu'elle était en train d'agir de manière illicite.

Au vu de la procuration limitée conférée à la gérante externe, le client pouvait légitimement avoir confiance dans le fait que le seul risque qu'il prenait, c'était une éventuelle perte liée à des placements plus risqués que ce qui était autorisé par le mandat visant à une gestion conservatrice de ses avoirs, et non pas que son compte puisse être dépouillé car la Banque ne respecterait pas les termes de la procuration conférée à la gérante externe.

Si l'on prend l'exemple d'un client qui confierait des valeurs à une banque en les plaçant dans un coffre-fort auquel lui seul a accès, il ne viendrait pas à l'idée d'exiger de ce client qu'il vérifie chaque mois que le contenu de ce coffre a été préservé alors que personne d'autre que lui n'est autorisé à y accéder. Ce client a une confiance légitime que ses valeurs se trouvent en sécurité dans le coffre de la banque. Le sentiment de sécurité de D______ pouvait raisonnablement être le même in casu: son argent (tout comme celui de ses parents par le passé) était placé au sein de la Banque depuis de nombreuses années. Avant les actes frauduleux commis par la gestionnaire externe, les sommes déposées au sein de la Banque n'avaient connu aucune autre fluctuation que celles liées au cours de la bourse.

La confiance de D______ en ses cocontractantes était d'ailleurs si grande que lorsqu'il a contacté la Banque en 2014, ce n'était pas pour connaître l'état de ses portefeuilles, c'était simplement pour régulariser sa situation sur le plan fiscal.

Au regard de ce contexte particulier, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu que le client n'avait violé aucun devoir de diligence qui lui incombait sur la base des règles de la bonne foi.

8.2.3 L'appelante argue ensuite que comme les relevés ont été dûment transmis à la gérante externe, ils étaient réputés avoir été valablement notifiés au client (art. 101 CO), avec les conséquences qui en découlent sous l'angle de la fiction de ratification, en l'absence de toute réclamation formulée dans les délais contractuels.

Or, en l'occurrence, la représentante de D______ était H______ (animatrice principale de I______ Sàrl), qui est précisément l'auteur des actes frauduleux commis au détriment du précité. Il est donc évident qu'elle n'avait aucun intérêt à contester les opérations litigieuses et qu'elle n'avait nullement l'intention de les signaler à son mandant. Dans ces circonstances, il ne saurait être considéré que les notifications des relevés bancaires faites par la Banque à la représentante de D______ seraient opposables à ce dernier, puisqu'il est établi qu'elle ne lui a volontairement pas transmis les documents en question. Ce comportement a privé D______ de la possibilité de découvrir les opérations irrégulières effectuées sur son compte et de s'y opposer dans le délai contractuel.

La réception des relevés bancaires par la gérante externe déloyale ne peut dès lors être imputée au client, de sorte que le défaut de contestation desdits relevés ne peut valoir acceptation tacite des opérations frauduleuses. Il serait en effet inadmissible et incompatible avec les règles de la bonne foi de permettre à la Banque de se prévaloir de la fiction de ratification fondée sur l'absence de contestation du client, alors même que ce silence est directement lié aux agissements frauduleux de la tiers gérante.

Pour le surplus, il résulte de la jurisprudence rappelée ci-dessus que les fictions de réception et de ratification sont inopposables au client lorsque la Banque a elle-même gravement failli à son devoir de diligence, comme c'est le cas en l'occurrence. La fiction de ratification n'est en particulier pas applicable si elle a pour effet de couvrir des irrégularités imputables à la Banque, qui commet dès lors un abus de droit en se prévalant de cette fiction. L'art. 2 al. 2 CC interdit en effet d'invoquer une clause contractuelle pour se soustraire aux conséquences de sa propre faute grave.

Contrairement à ce que fait valoir l'appelante, les manquements de la Banque sont des éléments pertinents de l'analyse effectuée en relation avec l'art. 2 al. 2 CC. En effet, il est admis que lorsque le tribunal constate que la clause de transfert de risque ne s’applique pas en raison d’une faute grave de la banque, il peut — dans un même mouvement — considérer que la banque commet un abus de droit en cherchant à opposer au client la clause de réclamation. Cette dernière n’a en effet pas vocation à protéger la négligence grossière de la banque (cf. Liégeois/Hirsch, op.cit., p. 144).

8.2.4 Dès lors que la Banque n'est pas parvenue à démontrer que les conditions d'une action en responsabilité à l'encontre de son ancien client seraient remplies, l'examen d'une faute concomitante de sa part à elle apparaît superflue.

Il sera tout au plus relevé, à titre superfétatoire, que quand bien même le client ne manifestait pas d'intérêt particulier pour le suivi des opérations effectuées sur son compte bancaire, il avait pris des mesures concrètes en vue de limiter les risques, en optant pour une gestion conservatrice de ses avoirs et en conférant une procuration limitée à une gérante externe qu'il avait choisie sur la base d'un rapport de confiance établi de longue date. H______ bénéficiait par ailleurs de la confiance de la Banque, son ancien employeur, qui l'a laissée intervenir en qualité de gérante externe sans formuler la moindre réserve.

Pour sa part, la Banque a contribué de manière prépondérante et déterminante à la survenance du dommage en autorisant des retraits d'espèces en violation des restrictions expressément stipulées dans la procuration donnée par le client, en instaurant un système interne permettant trop aisément de déroger aux limitations prévues par ces procurations, et en négligeant d'instruire et de surveiller ses collaborateurs, en particulier en lien avec les risques d'abus posés par les retraits d'espèces de la part de gérants externes. A cela s'ajoute que la Banque n'a pas respecté ses propres procédures internes de contrôle, qui imposaient la réalisation d'investigations complémentaires en cas d'ordres de paiement dépassant un certain seuil, comme ce fut le cas de l'ordre de virement en faveur du notaire vaudois. Cette opération, tant par son montant que son caractère insolite au regard du profil du client et de l'historique de la relation, appelait une vigilance accrue de la Banque, dont elle a fait défaut.

Dans ce contexte, les fautes graves de la Banque, qui n'a pas satisfait à ses devoirs élémentaires de prudence et de diligence, sont de nature à rompre tout lien de causalité avec les prétendus manquements qu'elle reproche à D______.

8.3 Il résulte des considérations qui précèdent que la Banque ne peut se prévaloir d'une prétention propre en réparation du dommage à l'égard de son ancien client pour s'opposer à l'action du cessionnaire de ses droits en restitution des avoirs confiés.

9. Par conséquent, l'appel sera intégralement rejeté et le jugement sera confirmé en tant qu'il condamne l'appelante à payer à l'intimé les montants en capital de 1'206'645 fr., 370'117.10 EUR et 173'120.80 USD, avec intérêts à 5% dès le 3 décembre 2014 (étant précisé que le point de départ des intérêts n'est pas remis en cause en appel).

10. Les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 36'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC) et compensés avec l'avance versée (art. 111 al. 1 CPC), seront mis à la charge de l'appelante qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).

L'appelante sera en outre condamnée à verser à l'intimé 30'000 fr. à titre de dépens, débours compris, compte tenu de l'activité déployée, des intérêts en jeu et de la complexité de la cause (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art 20 al. 1, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 20 août 2024 par A______ contre le jugement JTPI/7581/2024 rendu le 17 juin 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/7286/2021.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 36'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance versée qui demeure acquises à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ la somme de 30'000 fr. à titre de dépens de seconde instance.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure à 30'000 fr.