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Décisions | Chambre civile

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C/11529/2021

ACJC/1579/2023 du 23.11.2023 sur ORTPI/812/2023 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CPC.156; CPC.160.al1.letb; LIPAD.24; LPD.8
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11529/2021 ACJC/1579/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 23 NOVEMBRE 2023

 

Entre

La VILLE DE GENEVE, sise Palais Eynard, rue de la Croix-Rouge 4,
case postale 3983, 1211 Genève 3, recourante contre une ordonnance rendue par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 4 juillet 2023, représentée par Me Serge ROUVINET, avocat, ROUVINET AVOCATS, rue De-Candolle 6, case postale, 1211 Genève 4,

et

A______ SA, sise ______, intimée, représentée par Me Titus VAN STIPHOUT, avocat, HOFER VAN STIPHOUT, Badstrasse 4, 5400 Baden (AG).

 


EN FAIT

A. a. Le 23 décembre 2021, A______ SA a assigné la VILLE DE GENEVE par-devant le Tribunal de première instance en réparation du préjudice qu'elle allègue avoir subi en raison d'une inondation de ses locaux commerciaux, causée par une fuite d'eau d'une borne hydrante appartenant à la VILLE DE GENEVE.

Son action est fondée sur la loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes (RS/GE A 2 40, ci-après : LREC) ainsi que sur la responsabilité du propriétaire de l'ouvrage.

b. Dans sa demande, A______ SA a notamment allégué que lors d'un entretien du 25 avril 2018, B______, conseiller personnel du Conseiller administratif d'alors, C______, lui avait expliqué que le sinistre avait été causé par la négligence des employés de la Voirie, qui avaient oublié de fermer la vanne après une panne de leur véhicule de nettoyage (allégué 73), et que lors d'un entretien téléphonique du 28 mai 2018, un collaborateur de l'assureur responsabilité civile de la VILLE DE GENEVE lui avait donné ces mêmes explications (allégué 79).

A l'appui de ces allégués, A______ SA a notamment sollicité la production par la VILLE DE GENEVE du compte rendu complet de B______ à C______ concernant l'incident du 3 octobre 2017, ainsi que la déclaration de sinistre adressée par la VILLE DE GENEVE à son assureur responsabilité civile.

c. La VILLE DE GENEVE a conclu au rejet de la demande. Elle conteste tant la commission d'un acte illicite par l'un de ses employés que l'existence d'un défaut de la borne hydrante.

Elle a conclu au rejet de la réquisition de A______ SA en production de titres, au motif qu'elle n'était pas, ni d'ailleurs son assureur responsabilité civile, en possession des documents requis, qui, s'ils existaient, seraient en tout état frappés du sceau de la confidentialité prévu par l'art. 25 al. 4 LIPAD en ce qu'ils relèveraient de ses échanges internes.

d. Dans le cadre du deuxième échange d'écritures ordonné par le Tribunal, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

e. A l'issue des débats d'instruction tenus le 8 décembre 2023, le Tribunal a gardé la cause à juger sur ordonnance de preuves.

B. Par ordonnance ORTPI/812/2023 rendue le 3 juillet 2023, communiquée à la VILLE DE GENEVE le 5 juillet 2023, le Tribunal a, entre autres, ordonné à cette dernière de produire d'ici au 31 août 2023 le compte rendu écrit complet de B______ à C______ concernant la rencontre tenue le 25 avril 2018 entre le représentant de A______ SA et B______ au sujet du sinistre du 3 octobre 2017, ainsi que la déclaration de sinistre de la VILLE DE GENEVE à [la compagnie d'assurances] D______ concernant ce sinistre (chiffres 3 let. b et 5 du dispositif).

Le Tribunal a retenu que l'existence d'un compte rendu de B______ à l'attention du Conseiller administratif C______ était établie, dès lors qu'il avait été mentionné dans un courrier du magistrat et que son existence était par ailleurs indirectement corroborée par l'argumentation de la VILLE DE GENEVE fondée sur la loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles (RS/GE A 2 08, ci-après : LIPAD). La VILLE DE GENEVE ne pouvait par ailleurs pas se prévaloir de cette loi dans le cadre de la présente procédure civile, vu la primauté du droit fédéral et la réglementation de l'obligation de production de titres prévue par le Code de procédure civile. La VILLE DE GENEVE n'avait invoqué aucun secret protégé par la loi ni mis en évidence aucun intérêt prépondérant qui justifierait un refus de collaborer ou même un caviardage partiel du document requis. L'intérêt privé de A______ SA à tenter de démontrer un comportement négligent des employés et auxiliaires de la VILLE DE GENEVE en lien avec le dommage qu'elle avait subi dans son commerce était prépondérant par rapport à tous les intérêts publics de cette dernière, qui répondait de sa responsabilité comme un sujet de droit privé. Le compte rendu dont la production était requise portait de manière exclusive sur une séance et sur des faits pertinents, contestés et concernant directement le sort de la procédure. Rien ne justifiait ainsi de refuser ou limiter la production par la VILLE DE GENEVE du compte rendu écrit. Le Tribunal a considéré qu'il en allait de même s'agissant de la déclaration de sinistre adressée par cette dernière à son assureur responsabilité civile, la pesée des intérêts conduisant également à faire primer la manifestation de la vérité, notamment pour s'assurer que la manière dont les faits avaient été annoncés par la VILLE DE GENEVE à son assureur responsabilité civile coïncidait avec la position de ses services présentée dans la note de synthèse et celle défendue devant le Tribunal, ce qui simplifierait l'administration des preuves.

C. a. Par acte expédié le 17 juillet 2023, la VILLE DE GENEVE a recouru contre cette ordonnance, qu'elle a reçue le 5 juillet 2023. Elle conclut à l'annulation partielle de celle-ci, au rejet de la réquisition de titres en ses mains visés par le chiffre 3 let. b de son dispositif et au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens.

b. Sa requête tendant à l'octroi de l'effet suspensif à son recours a été admise par la Cour le 8 septembre 2023.

c. Dans sa réponse du 11 septembre 2023, A______ SA conclut au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

d. Par avis du greffe du 10 octobre 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 En tant qu'elle admet un moyen de preuve, la décision querellée est une ordonnance de preuve au sens de l'art. 154 CPC, susceptible de recours immédiat lorsqu'elle est de nature à causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC; ACJC/241/2015 consid. 1.1; ACJC/1234/2014 consid. 1.1; ACJC/1292 /2013 consid. 1.1; ACJC/734/2013 consid. 1.1).

1.2 Le recours a été interjeté dans le délai de dix jours et suivant la forme prévue par la loi (art. 130, 131, 142 al. 3 et 321 al. 2 et 3 CPC).

1.3.1 La notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de "préjudice irréparable" au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 138 III 378 consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2, SJ 2012 I 73; arrêt du Tribunal fédéral 5D_211/2011 du 30 mars 2012 consid. 6.3; ACJC/615/2014 du 23 mai 2014 consid. 1.4.1).

Constitue un "préjudice difficilement réparable" toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, qui ne peut être que difficilement réparée dans le cours ultérieur de la procédure. L'instance supérieure doit se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette condition. Retenir le contraire équivaudrait à permettre à un plaideur de contester immédiatement toute ordonnance d'instruction pouvant avoir un effet sur le sort de la cause, ce que le législateur a justement voulu éviter (ACJC/615/2014 du 23 mai 2014 consid. 1.4.1).

Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci ne constitue pas un préjudice difficilement réparable (Spühler, BSK ZPO, n. 7 ad art. 319 CPC). De même, le seul fait que la partie ne puisse se plaindre d'une violation des dispositions en matière de preuve qu'à l'occasion d'un appel sur le fond ne constitue pas en soi un préjudice difficilement réparable (ACJC/351/2014 du 14 mars 2014 consid. 2.3.1; Message du Conseil fédéral, FF 2006 6841, p. 6884; Jeandin, in CR CPC (2019), n. 22 ad art. 319 CPC). Retenir le contraire équivaudrait à permettre à un plaideur de contester immédiatement toute ordonnance d'instruction pouvant avoir un effet sur le sort de la cause, ce que le législateur a justement voulu éviter (ACJC/35/2014 du 10 janvier 2014 consid. 1.2.1; ACJC/943/2015 du 28 août 2015 consid. 2.2).

Le préjudice sera considéré comme difficilement réparable s'il ne peut pas être supprimé ou seulement partiellement, même dans l'hypothèse d'une décision finale favorable au recourant (Reich, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2010, n. 8 ad art. 319 CPC; ATF 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2), ce qui surviendra par exemple lorsque des secrets d'affaires sont révélés ou qu'il y a atteinte à des droits absolus à l'instar de la réputation, de la propriété et du droit à la sphère privée, ou encore, lorsqu'une ordonnance de preuve ordonne une expertise ADN présentant un risque pour la santé ce qui a pour corollaire une atteinte à la personnalité au sens de l'art. 28 CC (Jeandin, op. cit., n. 22a ad art. 319 CPC et les références citées). De même, le rejet d'une réquisition de preuve par le juge de première instance n'est en principe pas susceptible de générer un préjudice difficilement réparable, sauf dans des cas exceptionnels à l'instar du refus d'entendre un témoin mourant ou du risque que les pièces dont la production est requise soient finalement détruites (Jeandin, op. cit., n. 22a et 22b ad art. 319 CPC).

1.3.2 En l'espèce, l'injonction de produire les documents faite à la recourante est susceptible de lui causer un préjudice difficilement réparable, puisqu'une fois le document transmis, cette dernière ne pourrait plus en obtenir la confidentialité dans le cadre d'une remise en cause de la décision sur le fond. La décision entreprise est ainsi susceptible de causer un dommage irréparable à la recourante si elle n'est pas revue dans le cadre de la présente procédure de recours.

1.4 Le recours est en conséquence recevable.

2. La recourante reproche au Tribunal de lui avoir ordonné de produire le compte rendu de B______ et la déclaration de sinistre concernant l'incident du 3 octobre 2017 en violation des dispositions de la LIPAD, de la loi fédérale sur la protection des données (RS 235.1, ci-après : LPD) et de l'art. 8 CC.

2.1.1 Le Tribunal de première instance est compétent pour statuer sur les demandes fondées sur la loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes (art. 7 al. 1 LREC).

Le code de procédure civile suisse est applicable (art. 7 al. 2 LREC).

2.1.2 Chaque partie doit prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC).

2.1.3 Le tribunal ordonne les mesures propres à éviter que l'administration des preuves ne porte atteinte à des intérêts dignes de protection des parties ou de tiers, notamment des secrets d'affaires (art. 156 CPC).

C'est à la partie qui entend faire valoir un intérêt digne de protection d'exposer en quoi il consiste et en quoi l'administration de la preuve, selon les voies ordinaires, pourrait le mettre en péril (schweizer, in CR CPC (2019), n. 7 ad art. 156 CC).

2.1.4 Les parties et les tiers sont tenus de collaborer à l'administration des preuves. Ils ont en particulier l'obligation de produire les titres requis, à l'exception des documents concernant des contacts entre une partie ou un tiers et un avocat autorisé à le représenter à titre professionnel (art. 160 al. 1 let. b CPC).

Une partie peut refuser de collaborer lorsque l'administration des preuves pourrait exposer un de ses proches à une poursuite pénale ou engager sa responsabilité civile, ou lorsque la révélation d'un secret pourrait être punissable en vertu de l'art. 321 CP, qui sanctionne la violation du secret professionnel (art. 163 al. 1 CPC). Les dépositaires d'autres secrets protégés par la loi peuvent refuser de collaborer s'ils rendent vraisemblable que l'intérêt à garder le secret l'emporte sur l'intérêt à la manifestation de la vérité (art. 163 al. 2 CPC).

2.1.5 Une recherche ad explorandum (fishing expedition) est contraire aux principes régissant le droit de procédure, selon lesquels l'obligation de production ne peut porter que sur les documents destinés à prouver des faits connus et allégués par une partie (arrêt du Tribunal fédéral 5A_295/2009 du 23 décembre 2009 consid. 2, SJ 2010 I p. 401; Schmid, in Schweizerische Zivilprozessordnung (Basler Kommentar), 2017, n. 24 ad art. 160).

2.1.6 La loi genevoise sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles régit l'information relative aux activités des institutions et la protection des données personnelles (art. 1er LIPAD). Elle s'applique notamment aux pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire cantonaux, ainsi que leurs administrations et les commissions qui en dépendent (art. 3 al. 1 let. a LIPAD).

Le droit d'accès aux documents est réglé par les art. 24 et ss LIPAD. Selon l'art. 24 al. 1er LIPAD, toute personne, physique ou morale, a accès aux documents en possession des institutions, sauf exception prévue ou réservée par la loi. Les documents sont tous les supports d'information détenus par une institution contenant des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique (art. 25 al. 1 LIPAD), notamment les messages, rapports, études, procès-verbaux approuvés, statistiques, registres, correspondances, directives, prises de position, préavis ou décisions (art. 25 al. 2 LIPAD). Sont soustraits au droit d'accès les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s'oppose (art. 26 al. 1 LIPAD), tel notamment lorsque l'accès aux documents est propre à entraver notablement le processus décisionnel ou la position de négociation d'une institution (art. 26 al. 2 let. c LIPAD). Les notes échangées entre les membres d'une autorité collégiale ou entre ces derniers et leurs collaborateurs sont exclues du droit d'accès (art. 26 al. 3 LIPAD).

2.1.7 La loi fédérale sur la protection des données du 25 septembre 2020 (RS 235.1, ci-après : LPD), vise à protéger la personnalité et les droits fondamentaux des personnes physiques dont les données personnelles font l'objet d'un traitement (art. 1 LPD). Elle régit le traitement de données personnelles concernant des personnes physiques effectué par des personnes privées ou des organes fédéraux (art. 2 al. 1 LPD). Elle règle le droit d'accès de toute personne aux données la concernant et les restrictions à ce droit d'accès en ses articles 25 et 26. Selon l'art. 25 al. 1 LPD, toute personne peut demander au responsable du traitement si des données personnelles la concernant son traitées. L'art. 26 al. 4 LPD dispose que le responsable du traitement indique le motif pour lequel il refuse, restreint ou diffère la communication des informations.

L'ancienne loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 (ci-après : aLPD), abrogée lors de l'entrée en vigueur de la LPD le 1er septembre 2023, visait également à protéger la personnalité et les droits fondamentaux des personnes qui font l'objet d'un traitement de données (art. 1 aLPD). Elle régissait le traitement de données concernant des personnes physiques et morales effectuées par des personnes privées et des organes fédéraux (art. 2 al. 1 aLPD). Elle réglait le droit d'accès de toute personne aux données la concernant et les restrictions à ce droit d'accès en ses art. 8 et 9. A teneur de l'art. 8 al. 1er aLPD, toute personne peut demander au maître d'un fichier si des données la concernant sont traitées et en vertu de l'art. 9 al. 4 aLPD, le maître du fichier doit indiquer le motif pour lequel il refuse de fournir, limite ou ajourne les renseignements.

2.2 En l'espèce, le Tribunal a ordonné à la recourante de produire le compte rendu de B______ au Conseiller administratif C______ concernant la rencontre tenue le 25 avril 2018 au sujet du sinistre du 3 octobre 2017, ainsi que la déclaration de sinistre de la VILLE DE GENEVE à son assureur responsabilité civile en lien avec ce sinistre. Il a considéré que l'existence dudit compte rendu résultait des pièces produites, qu'elle était indirectement corroborée par l'argumentation de la recourante fondée sur la LIPAD, que la recourante ne pouvait se prévaloir des dispositions de la LIPAD pour refuser de produire ces titres dans la présente procédure civile et qu'elle ne faisait valoir aucun intérêt privé ou public prépondérant au sens des art. 156 et 163 CPC.

La recourante reproche tout d'abord au premier juge d'avoir violé les art. 24 et 26 LIPAD en ordonnant la production du compte rendu précité. Elle reprend ainsi son argumentation présentée en première instance sans toutefois critiquer la motivation du Tribunal concernant l'inapplicabilité de cette loi cantonale dans la présente procédure civile au regard de la primauté du droit fédéral de procédure civile. Or, comme l'a à raison retenu le premier juge, la recourante n'est pas fondée à se prévaloir de cette loi cantonale, qui régit l'accès aux documents d'une institution dans l'accomplissement d'une tâche publique, pour s'opposer à son obligation de collaborer en sa qualité de partie dans une procédure civile, que le droit fédéral de procédure règle aux art. 160 et suivants CPC. Ce grief n'est pas fondé.

Il en va de même des critiques que la recourante tire de la violation des art. 8 et 9 aLPD : ces dispositions ne trouvent pas application en l'espèce, puisque le litige ne porte pas sur le traitement de données personnelles effectué par des personnes privées ou des organes fédéraux, régi tant par l'ancienne que l'actuelle loi sur la protection des données (art. 2 al. 1 aLPD; art. 2 al. 1 LPD) et que l'intimée n'a pas fondé sa requête en production de documents sur le droit d'accès prévu par ces lois.

L'on ne saurait par ailleurs suivre la recourante lorsqu'elle soutient que la déclaration de sinistre qu'elle a adressée à son assureur responsabilité civile devrait rester confidentielle et ne pouvait être produite dans la présente procédure en raison du lien de confiance la liant à son assureur, semblable à celle d'un client avec son avocat : en effet, l'art. 160 al. 1 let. b CPC, qui exclut de l'obligation de produire un titre les documents relevant des contacts entre un client et son avocat, concrétise la protection du droit au secret entre le client et son avocat et doit s'appliquer de manière restrictive (jeandin, in CR CPC (2019), n. 17 ad art. 160 CPC). Cette exclusion ne saurait ainsi s'étendre à la relation entre un assuré et son assureur, qui n'est pas soumise à un tel secret.

En donnant suite à la réquisition de l'intimée d'ordonner la production du compte rendu de B______ au Conseiller administratif C______ et de la déclaration de sinistre adressée par la recourante à son assureur responsabilité civile, le Tribunal n'a, contrairement à ce que soutient la recourante, pas admis une "fishing expedition" prohibée par le droit de procédure, puisque ces deux documents ont été précisément visés par la requête en production de titre de l'intimée et qu'ils portent sur l'incident survenu le 3 octobre 2017.

La recourante ne fait enfin valoir aucun intérêt privé ou public prépondérant qui s'opposerait à la production du compte rendu sollicité au regard des articles 156, 160 ou 163 CPC, ni n'expose en quoi l'ordonnance querellée violerait son droit à la preuve au sens de l'art. 8CC.

Les griefs soulevés par la recourante n'étant pas fondés, son recours sera rejeté.

3. Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 1'500 fr., mis à la charge de la recourante, qui succombe, et compensés avec l'avance de frais fournie à hauteur de 2'200 fr., qui reste, à due concurrence, acquise à l'Etat de Genève (art. 95 ss, 106 al. 1 et 111 al. 1 CPC; art. 41 RTFMC). Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront en conséquence invités à rembourser 700 fr. à la recourante.

Des dépens seront alloués à l'intimée à hauteur de 1'000 fr. (art. 95 et 106 al. 1 CPC; art. 85, 87 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par la VILLE DE GENEVE contre l'ordonnance ORTPI/812/2023 rendue le 3 juillet 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11529/2021.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 1'500 fr., les met à la charge de la VILLE DE GENEVE et les compense avec l'avance de frais de 2'200 fr. fournie, qui reste acquise, à due concurrence, à l'Etat de Genève.

Invite en conséquence les Services financiers du Pouvoir judiciaire à verser 700 fr. à la VILLE DE GENEVE.

Condamne la VILLE DE GENEVE à verser 1'000 fr. à A______ SA à titre de dépens de recours.

Siégeant :

 

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, Madame Sylvie DROIN et
Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Gladys REICHENBACH, greffière.

La présidente :

Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI

 

La greffière :

Gladys REICHENBACH

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.