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Décisions | Chambre civile

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C/3561/2022

ACJC/575/2023 du 02.05.2023 sur JTPI/10694/2022 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CC.124.al1; CC.124.al2.letb
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3561/2022 ACJC/575/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 2 MAI 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée c/o Monsieur B______, ______, appelante d'un jugement rendu par la 8ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 16 septembre 2022, comparant par Me Amin BEN KHALIFA, avocat, NEXLAW, rue Charles-Sturm 20, case postale 433, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur C______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Pedro DA SILVA NEVES, avocat, NEVES AVOCATS, rue Le-Corbusier 10, 1208 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/10694/2022 rendu le 16 septembre 2022, reçu le 20 septembre 2022 par les parties, le Tribunal de première instance (ci-après, le Tribunal) a dissous par le divorce le mariage contracté le 12 octobre 1989 à D______ (GE) par C______, né le ______ 1961 à E______ (Brésil) et A______, née le ______ 1970 à Genève, tous deux originaires de D______ (ch. 1 du dispositif), donné acte aux parties de ce qu'elles ne se réclamaient aucune contribution d'entretien post-divorce (ch. 2), avaient déjà liquidé leur régime matrimonial, sous réserve du partage des biens immobiliers dont elles étaient copropriétaires en France et au Brésil (ch. 3) et acceptaient de procéder à la reconnaissance de leur jugement de divorce par-devant les autorités de leurs pays d'origine respectifs (ch. 4).

Le premier juge a ordonné le partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par les époux au cours du mariage et ordonné à la CAISSE DE PENSIONS G______, ______ [GE], de prélever au débit du compte de A______ (N° AVS 2______) la somme de 160'799 fr. 86 et de la verser sur le compte de C______ (AVS N° 3______) auprès de [la caisse de pensions] F______, ______ [GE] (ch. 5).

Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., ont été mis à la charge des parties par moitié chacune, et la part des frais de C______ a été laissée provisoirement à la charge de l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision contraire de l'Assistance juridique. A______ a été condamnée à verser 500 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 6). Des dépens n'ont pas été alloués (ch. 7).

B.            a. Par acte expédié le 20 octobre 2022 au greffe de la Cour civile, A______ a conclu, préalablement, à ce qu'une instruction complète de la cause soit ordonnée, afin d'auditionner les témoins qu'elle avait requis selon sa liste du 31 mai 2022.

Principalement, elle a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens d'appel, à l'annulation du ch. 5 du dispositif du jugement entrepris et à ce qu'il soit ordonné à la CAISSE DE PENSIONS G______ de prélever au débit du compte de A______ un montant correspondant à 20% de ses avoirs de prévoyance accumulés au cours du mariage et de le verser sur le compte de C______ auprès de F______.

Elle a conclu à ce qu'il soit dit et constaté qu'elle renonce au partage des avoirs de prévoyance acquis durant le mariage par C______.

Subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause au Tribunal afin de procéder à une instruction complète de la cause et d'auditionner les témoins qu'elle avait requis selon sa liste du 31 mai 2022, dans la perspective d'une nouvelle décision.

b. Par réponse expédiée le 12 décembre 2022, C______ a conclu au rejet de l'appel, avec suite de frais et dépens, et au déboutement de A______ de toutes autres conclusions.

Il a produit une pièce nouvelle, soit une décision du Service des prestations complémentaires du 7 novembre 2022 (n° 29).

c. Par réplique du 30 janvier 2023, A______ a persisté dans ses conclusions.

d. Le 3 mars 2023, C______ a renoncé à dupliquer et a persisté dans ses conclusions.

e. Les parties ont été avisées le 6 mars 2023 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

f. Le 30 mars 2023, C______ a déposé au greffe de la Cour un courrier de F______ du 20 octobre 2022 selon lequel celle-ci n'était pas habilitée à accepter les fonds de la CAISSE DE PENSIONS G______. La prestation de libre passage attribuée dans le cadre du divorce devait être transférée sur un compte ou une police de libre passage ou transférée auprès de l'institution supplétive. F______ a invité C______ à transmettre ses instructions directement à la CAISSE DE PENSIONS G______.

Le 5 avril 2023, C______ a déposé au greffe de la Cour une demande non datée de transfert de sa prestation de libre passage auprès de la FONDATION INSTITUTION SUPPLETIVE LPP, comptes de libre passage, case postale, 8050 Zurich, IBAN : 5______.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. C______, né le ______ 1961 à E______ (Brési1) et A______, née A______ [nom de jeune fille] le ______ 1970 à Genève, tous deux originaires de D______ (GE), se sont mariés le ______ 1989 à D______.

H______ et I______, nées respectivement les ______ 1991 et ______ 1994, aujourd'hui majeures, sont issues de cette union.

En 2015, I______ a donné naissance à J______. Dans l'incapacité de s'en occuper, I______ a confié à A______ le soin d'éduquer et d'entretenir J______.

b. Le 16 juin 2017, C______ a acquis, de sa propre initiative, un appartement dans un lotissement au Brésil.

Selon un avis de droit brésilien requis par C______, cet appartement appartient par moitié à chacun des époux A______/C______, parce qu'il a été acquis à titre onéreux pendant le mariage.

c. Par contrat notarié du 23 juin 2017, les époux A______/C______ ont adopté le régime de la séparation de biens et ont procédé à la liquidation de leur régime matrimonial de la participation aux acquêts.

Selon cet acte authentique, A______ et C______ étaient copropriétaires à parts égales d'un appartement sis à K______ (GE). La première est devenue nue-propriétaire de celui-ci, et redevable du remboursement de la dette hypothécaire, tandis que C______ en a obtenu l'usufruit, devant assumer la moitié des intérêts hypothécaires.

Chacun des époux devenait propriétaire exclusif de ses avoirs en banque à son seul nom et les époux devenaient copropriétaires de tous les avoirs et autres biens qui constituaient leurs acquêts.

Selon ledit acte, "[l]a donation résultant des présentes par Monsieur C______ à son épouse A______ [était] consentie et acceptée à titre d'avance d'hoirie rapportable à sa succession future".

d. Le 31 octobre 2017, les époux A______/C______ ont acquis, avec L______ et son épouse M______, un terrain à bâtir à N______ (France). La part de C______ était de 47,78% en usufruit (107'500 EUR), celle de A______ de 47,78 % en nue-propriété (107'500 EUR) et celles des époux L______ de 52,22% en pleine propriété (235'000 EUR).

e. Le 18 janvier 2018, les époux A______/C______ ont contracté un prêt auprès de la banque P______, à hauteur de 366'966 fr. 20, destiné à la construction d'une maison sur le terrain à bâtir sus indiqué.

f. Les époux se sont séparés en janvier 2020.

C______ a quitté le domicile conjugal, tandis que A______ est demeurée au domicile conjugal, soit un appartement appartenant à son beau-frère, Q______, qu'elle occupe avec sa petite-fille J______.

g.a Le 18 mai 2020, C______ a formé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale par devant le Tribunal, concluant notamment à la condamnation de A______ à lui verser la somme de 2'000 fr. par mois à titre de contribution à son entretien.

Par jugement JTPI/8920/2020 du 8 juillet 2020, le Tribunal, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a notamment condamné A______ à payer à C______ une contribution mensuelle à son entretien de 600 fr., à partir du moment où il établirait être locataire d'un appartement.

Par arrêt ACJC/64/2021 du 15 janvier 2021, la Cour de Justice a réduit la contribution mensuelle d'entretien due à C______ à 500 fr. et fixé son exigibilité à partir du 1er février 2021.

g.b Par convention du 2 mars 2021, les parties ont toutefois renoncé réciproquement et définitivement au versement d'une contribution d'entretien, dès le 1er février 2021.

Le Service des prestations complémentaires, par décision du 7 novembre 2022, a pris en compte, dans les revenus de C______, la somme annuelle de 6'000 fr. à laquelle il avait renoncé au titre de pension alimentaire.

D. a. Le 24 février 2022, C______ a formé une requête unilatérale en divorce par devant le Tribunal.

Il a conclu, s'agissant du point encore litigieux en seconde instance, au partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle acquis par les époux durant le mariage.

b. A l'audience du 28 mars 2022, A______ s'est opposée au partage par moitié des avoirs de prévoyance et a indiqué vouloir invoquer des justes motifs à l'appui d'une autre clé de répartition desdits avoirs.

Par réponse du 31 mai 2022, A______ a conclu au partage des avoirs de prévoyance professionnelle acquis durant le mariage, en ce sens qu'elle versera à C______, au maximum, le 20% de ses avoirs de prévoyance accumulés durant le mariage, et à ce qu'il soit dit et constaté qu'elle renonçait au partage des avoirs de prévoyance acquis durant le mariage par C______.

A l'appui de ses conclusions, elle a allégué s'être mariée à la suite de la "forte insistance de son époux, qui ambitionnait de fonder une famille soudée". Il exerçait un contrôle important sur elle et leurs enfants, était "insultant, méprisant, agressif et complétement absent à l'égard de sa famille, critiquant toutes les décisions que sa femme avait le malheur de prendre". Elle demeurait seule pour s'occuper des deux filles, comptait sur l'aide financière de ses parents et les revenus de son travail en marge de ses études, auxquelles elle avait dû renoncer. C______ était "absent tous les soirs de la semaine et l'entier du week-end, préférant passer son temps au foot ou avec des amis". Le compte-joint des époux, sur lesquels étaient versés les salaires de l'épouse et rentes de l'époux, mais non ses revenus accessoires perçus dans le domaine sportif, permettait à C______ d'utiliser une grande partie du salaire de A______, notamment pour partir seul au Brésil. A______ a affirmé qu'elle avait assumé la quasi-totalité des frais du ménage, des enfants, du crédit hypothécaire et des charges de copropriété. Elle avait également dû accueillir dans son foyer la fille de 13 ans de C______, issue d'une première relation qu'il lui avait cachée, ainsi que la nièce de 10 ans de son époux. Les enfants du couple A______/C______ avaient choisi de se distancier de leur père en changeant leur nom de famille. A______ assumait l'entretien de ses filles majeures, en cours de formation, et celui de sa petite-fille.

A titre de preuves, elle a produit une attestation de sa fille I______ [devenue I______], du 15 juin 2020, et a requis l'audition des témoins H______ et I______ (ses filles), Q______ et R______ (son beau-frère et sa sœur), S______ et T______.

Elle a également versé à la procédure des extraits de son compte bancaire personnel [auprès de] U______ et du compte joint des époux A______/C______ auprès de V______, sans toutefois alléguer ni spécifier les retraits d'argent reprochés à son mari.

c. Par ordonnance du 9 juin 2022, le Tribunal a, notamment, fixé la comparution personnelle des parties au 5 juillet 2022 et informé que celle-ci serait suivie des plaidoiries finales orales.

d. A l'audience du 5 juillet 2022, les parties ont renoncé à leur comparution personnelle. Le Tribunal a clôturé les débats principaux et donné la parole aux avocats pour les plaidoiries finales.

d.a C______, par le biais de son conseil, a contesté n'avoir fourni aucun effort durant la vie commune, car il avait travaillé en usine et [chez] X______ et, en dépit de son invalidité depuis 2006, il avait continué à participer aux besoins de la famille. Il a admis que A______ avait "beaucoup participé à la famille".

Il a ajouté que le couple s'était déjà séparé en 2003, puis s'était réconcilié à l'initiative de A______, ce qui contredisait le "caractère quérulent" qu'elle lui reprochait. Aucune question de violence ou de caractère inadéquat de C______ n'avait été évoqué durant la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale.

d.b Le conseil de A______, qui ne contestait pas que C______ ait "participé au sein de la famille", a qualifié son engagement "d'insignifiant".

L'avocat a ensuite déclaré : "Je regrette la décision du Tribunal de ne pas ordonner l'audition des témoins sollicités. J'ai compris qu'il a fait usage de la maxime inquisitoire et de l'appréciation anticipée des preuves". Il a ajouté que "[l]es témoins avaient pour vocation de démontrer certains allégués et notamment qu'elle s'[était] occupée seule de la famille, qu'il était absent et qu'il ne participait pas financièrement". Il a attiré "l'attention du Tribunal sur le compte joint et notamment sur les gains qu'il obtenait du foot et surtout les prélèvements de sommes importantes en espèce[s]. Je répète que sa participation était insignifiante on peut même affirmer qu'il faisait bande à part". A______ continuait à s'occuper des filles majeures, tandis que C______ s'en désintéressait. Il a évoqué la pièce n° 104 de I______ où il était question de maltraitance du père. "De tout cela, on p[ouvait] se demander si à un seul instant Monsieur a[vait] souhaité faire partie d'une communauté conjugale".

d.c Le conseil de C______ a répliqué en précisant que les époux A______/C______ s'étaient séparés durant deux ans et qu'il n'y avait pas d'ascendant de l'époux sur son épouse.

d.d Le conseil de A______ a brièvement dupliqué et les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

e. La situation personnelle et financière des parties est la suivante :

e.a C______ perçoit depuis le 1er août 2006, la somme mensuelle totale de 2'728 fr. 20 en raison de son invalidité à la suite d'une affection psychique (rente AI : 1'603 fr. et rente de F______ : 1'125 fr. 20) et assume des charges mensuelles de 2'295 fr. (base mensuelle d'entretien : 1'200 fr., prime d'assurance-maladie, subside déduit : 129 fr., frais médicaux non remboursés : 87 fr., loyer : 767 fr., téléphone et internet : 100 fr. et impôts : 11 fr.), soit un disponible mensuel arrondi à 433 fr.

Au moment de l'introduction de la procédure de divorce, la prestation de libre passage de C______ auprès de la FONDATION INSTITUTION SUPPLETIVE LPP s'élevait à 216 fr. 57 et le montant de sa prestation de sortie hypothétique auprès de F______ était de 198'517 fr. 85, soit un total 198'734 fr. 42.

e.b A______ est employée à 80% comme secrétaire par W______ SA et perçoit un revenu mensuel net de 7'600 fr. et assume des charges mensuelles estimées à 4'147 fr. (base mensuelle d'entretien : 1'350 fr., loyer : 1'500 fr., assurance-maladie : 604 fr., frais médicaux non couverts : 96 fr., intérêts hypothécaires : 252 fr., frais de transports : 70 fr. et frais relatifs à sa petite-fille : 285 fr.), soit un disponible mensuel de 3'453 fr.

La prestation de libre passage de A______ auprès de la CAISSE DE PENSIONS G______ s'élevait à 459'901 fr. au 31 janvier 2022. Elle avait effectué un "prélèvement EPL" (Encouragement à la Propriété du Logement) de la somme de 60'000 fr. le 23 février 2018.

f. Le Tribunal a gardé la cause à juger le 16 août 2022.

E. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que même dans l'hypothèse où le comportement reproché à C______ serait démontré, il ne pouvait pas retenir que l'époux n'avait pas eu l'intention de former une communauté conjugale avec A______, car le mariage avait duré une vingtaine d'années (sic), avec la naissance de deux enfants issus de cette union et les parties avaient acquis, ensemble, des biens immobiliers.

La violation des devoirs familiaux par C______, qui était apparemment peu présent, moins impliqué financièrement et personnellement que l'épouse au sein de la famille, n'atteignait pas le seuil de gravité requis pour faire "paraître" un partage des avoirs de prévoyance professionnelle par moitié comme particulièrement choquant, et la possibilité de refuser un tel partage devait être appliquée de manière restrictive.

Le premier juge a, dès lors, ordonné le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par les époux pendant le mariage, soit des prestations de sortie de C______ d'un montant total de 198'734 fr. 42, respectivement de A______ de 519'901 fr. (459'901 fr. + 60'000 fr.), soit un montant issu de ses calculs de 160'799 fr. 86 (sic), non contesté par les parties, qui devait être transféré de la CAISSE DE PENSIONS G______ de A______ en faveur du compte de C______ auprès de F______.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions de première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, le litige porte sur le partage des prestations de sortie acquises par les parties durant le mariage, dans une mesure supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est donc ouverte.

Sont également recevables la réponse de l'intimé déposée dans le délai légal (art. 142 al. 3, 312 al. 2 CPC), ainsi que la réplique de l'appelante (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1), étant rappelé que l'intimé a renoncé à dupliquer.

1.2 L'appel portant exclusivement sur le chiffre 5 du dispositif du jugement entrepris, les chiffres 1 à 4 dudit dispositif sont entrés en force (art. 315 al. 1 CPC). Demeure en outre réservé le sort des frais judiciaires de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

1.3 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

Le juge établit les faits d'office pour toutes les questions qui touchent à la prévoyance professionnelle (art. 277 al. 3 CPC). La maxime inquisitoire ne dispense toutefois pas les parties de collaborer activement à la procédure et d'étayer leur propre thèse; il leur incombe de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles (ATF 128 III 411 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_762/2013 du 27 mars 2014 consid. 4.1). En revanche, en seconde instance, les maximes des débats et de disposition sont applicables (ATF 129 III 481 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_18/2018 du 16 mars 2018 consid. 6). Les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions (fardeau de l'allégation subjectif) et ceux-ci doivent être motivés (arrêt du Tribunal fédéral 5A_91/2022 du 28 novembre 2022 consid. 6.6.2.1).

1.4 L'appelante a conclu à ce qu'un prélèvement de 20% de ses avoirs de prévoyance accumulés au cours du mariage soit ordonné et versé en faveur de l'intimé.

Préalablement, il convient d'examiner si cette conclusion non chiffrée est recevable.

1.4.1 Dans les procès soumis à la maxime de disposition, le juge ne peut pas accorder plus ou autre chose que ce qui est demandé (art. 58 al. 1 CPC), de sorte que les parties sont tenues de prendre des conclusions claires, nettes et suffisamment déterminées (ATF 116 II 215 consid. 4a, in JT 1991 I 34). Les conclusions doivent être formulées de telle sorte qu'en cas d'admission de la demande, elles puissent être reprises dans le dispositif de la décision. Lorsqu'elles portent sur la liquidation du régime matrimonial, les conclusions doivent indiquer à quel résultat le demandeur prétend. Les conclusions portant sur des prestations en argent doivent être chiffrées, sous peine d'irrecevabilité (ATF 137 III 617 consid. 4.2 et 4.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_779-787/2021 du 16 décembre 2022 consid. 3.1, 5A_871/2020 du 15 février 2021 consid. 3.3.1, 4A_274/2020 du 1er décembre 2020 consid. 4, 5A_164/2019 du 20 mai 2020 consid. 4.3 non publié in ATF 146 III 203).

Si nécessaire, et à l'instar de toute déclaration en procédure, les conclusions doivent être interprétées selon les règles de la bonne foi et de l'interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst.), en particulier à la lumière de la motivation qui leur est donnée (ATF 137 III 617 consid. 6.2; 105 II 149 consid. 2a; arrêts du Tribunal fédéral 5A_65/2022 du 16 janvier 2023 consid. 3.3.1, 5A_779-787/2021 du 16 décembre 2022 consid. 3.1, 4A_274/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4, 4A_312/2019 du 12 mai 2020 consid. 3.2). Exceptionnellement, des conclusions non chiffrées suffisent lorsque la somme à allouer est d'emblée reconnaissable au regard de la motivation du recours ou de la décision attaquée (ATF 137 III 617 consid. 6.2 et les références citées, 134 III 235 consid. 2, 133 II 409 consid. 1.4.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_164/2019 du 20 mai 2020 consid. 4.3).

L'appel est en principe recevable, selon la jurisprudence de la Cour, lorsqu'une clé de répartition des avoirs est mentionnée (ACJC/1802/2020 du 15 décembre 2020 consid. 1.3).

1.4.2 En l'espèce, l'appelante, représentée par un avocat, n'a pas chiffré sa conclusion quant au montant de ses avoirs de prévoyance accumulés durant le mariage, dont elle accepte le partage avec l'intimé à hauteur de 20%. De plus, le montant total de ses avoirs de prévoyance ne figure pas dans son acte d'appel. En principe, cette omission n'était admissible que dans sa demande déposée devant le Tribunal, avant l'obtention des pièces relatives aux prestations de sortie accumulées durant le mariage par les parties (art. 85 CPC).

L'appelante a toutefois indiqué une clé de répartition de sa prestation de sortie accumulée durant le mariage, d'une part, et, d'autre part, les montants de ladite prestation de sortie (459'901 fr. + 60'000 fr.) ressortent du jugement entrepris, de sorte que la conclusion de l'appelante peut, in fine, être déclarée recevable.

En tout état de cause, la recevabilité de cette conclusion n'a pas d'incidence sur le litige, vu les considérations qui suivent.

2.             L'intimé a produit des pièces nouvelles.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte au stade de l'appel que s'ils sont produits sans retard (let. a) et ne pouvaient l'être devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

La diligence requise suppose que dans la procédure de première instance chaque partie expose l'état de fait de manière soigneuse et complète et qu'elle amène tous les éléments propres à établir les faits jugés importants (arrêts du Tribunal fédéral 5A_392/2021 du 20 juillet 2021 consid. 3.4.1.2, 5A_276/2019 du 10 octobre 2019 consid. 3.2, 5A_1006/2017 du 5 février 2018 consid. 3.3 et 4A_334/2012 du 16 octobre 2012 consid. 3.1, in SJ 2013 I 311).

2.2.1 En l'espèce, l'intimé a produit une décision du Service des prestations complémentaires du 7 novembre 2022 (pièce n° 29), laquelle est postérieure au 16 août 2022, date à laquelle le premier juge a gardé la cause à juger. Il l'a produite sans délai, à savoir à l'appui de sa réponse du 12 décembre 2022, de sorte qu'elle est recevable.

2.2.2 La pièce nouvellement déposée par l'intimé le 30 mars 2023, soit un courrier de F______ du 20 octobre 2022, également postérieur à la date à laquelle la cause a été gardée à juger en première instance, a néanmoins été produit tardivement, dès lors qu'elle n'a pas été produite sans délai. En effet, l'intimé aurait pu et dû la produire à l'appui de sa réponse du 12 décembre 2022 et non pas après que la cause ait été gardée à juger en seconde instance le 6 mars 2023. Cette pièce est, dès lors, irrecevable.

2.2.3 La pièce non datée déposée par l'intimé le 5 avril 2023 est également irrecevable, pour cause de tardiveté puisqu'elle a été produite après que la cause ait été gardée à juger.

3.             L'appelante reproche au Tribunal une constatation inexacte des faits : le mariage de longue durée n'excluait pas l'absence de liens entre les époux, les enfants avaient "vécu en marge de leur père" et changé leur nom de famille. Les acquisitions immobilières procédaient des seules initiatives de l'intimé, lequel bénéficiait exclusivement de l'usufruit sur le bien immobilier en France. Or, si le Tribunal avait procédé à l'audition des témoins, l'appelante aurait été en mesure de prouver les faits à l'appui de ses prétentions et démontrer que le seuil de gravité requis était atteint, en sorte à faire apparaître l'aspect particulièrement choquant du partage par moitié des avoirs de prévoyance.

3.1 La constatation inexacte des faits mentionnée à l’art. 310 let. b CPC habilite l’instance supérieure à revoir les faits sans restriction, ce qui découle de la nature ordinaire de la voie de l’appel, en vertu de laquelle le litige se continue pour ainsi dire devant l’instance supérieure (Jeandin, CR, CPC 2ème éd., n. 6 ad art. 310 CPC).

3.2 En l'espèce, l'appelante reproche à tort au premier juge d'avoir inexactement constaté les faits de la cause, puisque ses critiques ne portent pas sur les faits en eux-mêmes, dès lors qu'elle ne remet pas en cause la longue durée du mariage, la naissance de deux filles et des investissements immobiliers avec son ex-époux, mais sur les appréciations que le Tribunal a portées sur ceux-ci.

Par conséquent, le grief de la constatation inexacte des faits n'est pas fondé.

4.             L'appelante reproche au Tribunal une appréciation anticipée des preuves, la violation des art. 152 al. 1 CPC, l'art. 8 CC, de son droit d'être entendue et l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst). Elle requiert une instruction complémentaire de la cause afin que les témoins selon sa liste du 31 mai 2022 soient auditionnés.

4.1 Selon l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut administrer les preuves.

Si l'instance d'appel peut librement décider d'administrer des preuves en vertu de l'art. 316 al. 3 CPC, cette disposition ne confère pas au justiciable un droit à la réouverture de la procédure probatoire et à l'administration de preuves (arrêt du Tribunal fédéral 5A_505/2021 du 29 août 2022 consid. 3.3.2). Elle peut administrer des preuves lorsqu'elle estime opportun de renouveler leur administration ou de donner suite à une offre que l'instance inférieure a refusé d'accueillir, de procéder à l'administration d'un moyen nouveau ou d'instruire à raison de conclusions et/ou de faits nouveaux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_229/2012 du 19 juillet 2012 consid. 4; Jeandin, op. cit., n. 4 et 5 ad art. 319 CPC).

Le droit à la preuve est une composante du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.; il se déduit également de l'art. 8 CC et trouve une consécration expresse à l'art. 152 CPC (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_793/2020 du 24 février 2021 consid. 4.1, 4A_42/2017 du 29 janvier 2018 consid. 3.2 non publié in ATF 144 III 136). Il implique que toute personne a droit, pour établir un fait pertinent contesté, de faire administrer les moyens de preuve adéquats, pour autant qu'ils aient été proposés régulièrement et en temps utile (ATF 144 II 427 consid. 3.1, 143 III 297 consid. 9.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_793/2020 du 24 février 2021 consid. 4.1). Les art. 8 CC et 152 CPC ne régissent pas l'appréciation des preuves et ne disent pas quelles mesures doivent être ordonnées, ni ne dictent au juge civil comment forger sa conviction (arrêts du Tribunal fédéral 5A_793/2020 du 24 février 2021 consid. 4.1, 4A_42/2017 du 29 janvier 2018 consid. 3.2). En outre, le droit à la preuve n'interdit pas au juge de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis d'acquérir une conviction et que, procédant de manière non arbitraire à une appréciation anticipée des moyens de preuve qui lui sont encore proposés, il a la certitude que ceux-ci ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 146 III 73 consid. 5.2.2, 145 I 167 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_793/2020 du 24 février 2021 consid. 4.1).

En matière d'appréciation des preuves, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_793/2020 du 24 février 2021 consid. 2.2).

Autrement dit, l'autorité cantonale peut renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1;
137 III 208 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_455/2019 du 23 juin 2020 consid. 4.1.2).

4.2 En l'espèce, le Tribunal a renoncé à ordonner des enquêtes par une appréciation anticipée des preuves. Or, celle-ci ne saurait être qualifiée d'arbitraire.

En effet, il n'est pas contestable que les époux, mariés durant près de 33 ans, ont mené 31 ans de vie commune, à l'exception d'une séparation de deux ans, selon l'intimé, intervenue en 2003, puis suivie d'une réconciliation à l'initiative de l'appelante, ce qu'elle n'a pas contesté, et d'une reprise de la vie maritale.

De plus, deux enfants sont nées de cette union et l'appelante n'a pas allégué de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles ses filles avaient changé de patronyme.

L'appelante s'est plainte des prélèvements bancaires effectués par l'intimé et a renvoyé à des comptes bancaires, sans alléguer précisément quels prélèvements bancaires (avec dates et montants) étaient reprochés à l'intimé et pour quels motifs (cf. ch. 1.3 in fine ci-dessus). Par ailleurs, il ne ressort pas de la liquidation du régime matrimonial des époux, actée le 23 juin 2017, qu'elle aurait élevé des prétentions en remboursement à l'encontre de l'intimé.

Enfin, les époux n'ont pas mené des vies parallèles, mais se sont au contraire liés dans des acquisitions immobilières :

- En juin 2017, quand bien même l'intimé a acquis, de sa propre initiative, un appartement au Brésil, les droits de l'appelante n'ont a priori pas été prétérités, puisque celle-ci aurait acquis, en application du droit brésilien, une part de copropriété de 50% sur ce bien immobilier, selon un avis de droit produit par l'intimé.

- En juin 2017 également, soit près de trois ans avant la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, les époux n'ont pas cherché à se défaire de leur copropriété sur le bien immobilier de K______, afin de séparer leurs patrimoines respectifs. Au contraire, ils ont procédé à un démembrement de leur appartement, en sorte que l'appelante en est devenue nue-propriétaire et l'intimé usufruitier. Ils ont, dès lors, décidé ensemble de maintenir des droits en commun sur ledit appartement.

De plus, il ressort de l'acte notarié du 23 juin 2017 que cette opération immobilière résulte d'une donation de l'intimé à son épouse, à titre d'avancement d'hoirie rapportable, ce qui contredit l'absence d'une union effective entre les époux.

- En octobre 2017, les époux, en concours avec deux autres personnes, se sont portés acquéreurs d'un terrain à bâtir en France, l'appelante se réservant la nue-propriété de 47,78% de celui-ci et l'intimé une part de 47,78% en usufruit.

Ils ont, de surcroît, conclu ensemble un contrat de prêt en janvier 2018 auprès de [la banque] P______ afin de construire une maison sur ce terrain, démontrant ainsi leur volonté de s'impliquer durant des mois dans un projet de construction commun.

Il résulte de ce qui précède que le droit à la preuve de l'appelante n'a pas été violé, dès lors que le Tribunal a procédé sans arbitraire à une appréciation anticipée des preuves.

Il s'ensuit que la Cour n'ordonnera pas l'audition des témoins requis par l'appelante, ni ne renverra la cause au Tribunal à cette fin dès lors que la cause est en état d'être jugée.

L'appel n'est pas fondé sur ce point.

5.             L'appelante reproche Tribunal une violation de l'art. 124b al. 2 CC pour avoir ordonné le partage par moitié des prestations de sortie des parties.

A son sens, le juge aurait dû considérer la violation grave, par l'intimé, de son obligation d'entretien envers la famille. Ce dernier n'avait jamais eu l'intention de former une réelle et véritable communauté conjugale avec elle et a violé ses devoirs familiaux, en ce sens qu'il dissimulait ses revenus liés à ses activités sportives, était "complètement" absent à l'égard de sa famille, a "fait main basse" sur une grande partie du salaire de l'appelante et prélevé d'importants montants en espèces sur le compte joint, tandis que l'appelante avait assumé, seule, les deux enfants et le ménage, ainsi que la quasi intégralité de l'entretien.

5.1 Les prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage et jusqu'à l'introduction de la procédure de divorce sont partagées entre les époux (art. 122 al. 1 CC).

Les prestations de sortie acquises, y compris les avoirs de libre passage et les versements anticipés pour la propriété du logement, sont partagées par moitié (art. 123 al. 1 CC).

Si, au moment de l'introduction de la procédure de divorce, l'un des époux perçoit une rente d'invalidité et qu'il n'a pas encore atteint l'âge réglementaire de la retraite, le montant auquel il aurait droit en vertu de l'art. 2 al. 1ter de la loi du 17 décembre 1993 sur le libre passage en cas de suppression de sa rente est considéré comme prestation de sortie (art. 124 al. 1 CC). Les dispositions relatives au partage des prestations de sortie s'appliquent par analogie (al. 2).

L'art. 124b CC règle les conditions auxquelles le juge ou les époux peuvent déroger au principe du partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle prévu à l'art. 123 CC.

Selon l'art. 124b al. 2 CC, le juge attribue moins de la moitié de la prestation de sortie au conjoint créancier ou n'en attribue aucune pour de justes motifs. C'est le cas en particulier lorsque le partage par moitié s'avère inéquitable en raison : 1) de la liquidation du régime matrimonial ou de la situation économique des époux après le divorce; 2) des besoins de prévoyance de chacun des époux, compte tenu notamment de leur différence d'âge.

Le texte de l'art. 124b al. 2 CC prévoit ainsi la possibilité pour le juge de s'écarter du principe par moitié pour de justes motifs et mentionne deux catégories d'exemples à ses chiffres 1 et 2, sans toutefois préciser plus avant cette notion (ATF 145 III 56 consid. 5.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_277/2021 du 30 novembre 2021 consid. 7.1, 5A_106/2021 du 17 mai 2021 consid. 3.1).

Toute inégalité consécutive au partage par moitié ou persistant après le partage par moitié ne constitue pas forcément un juste motif au sens de l'art. 124b al. 2 CC. Les proportions du partage ne doivent toutefois pas être inéquitables. L'iniquité se mesure à l'aune des besoins de prévoyance professionnelle de l'un et de l'autre conjoint (arrêts du Tribunal fédéral 5A_277/2021 du 30 novembre 2021 consid. 7.1, 5A_106/2021 du 17 mars 2021 consid. 3.1, 5A_729/2020 du 4 février 2021 consid. 8.1). Le partage est donc inéquitable lorsque l'un des époux subit des désavantages flagrants par rapport à l'autre conjoint (ATF 145 III 56 consid. 5.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_277/2021 du 30 novembre 2021 consid. 7.1, 5A_106/2021 du 17 mai 2021 consid. 3.1, 5A_194/2020 du 5 novembre 2020 consid. 4.1.1).

5.1.1 Sous l'ancien droit du partage des avoirs de prévoyance professionnelle, le Tribunal fédéral avait considéré que le partage pouvait être refusé lorsqu'il s'avérait "manifestement" inéquitable, selon la teneur de l'art. 123 al. 2 aCC, pour des motifs tenant à la liquidation du régime matrimonial ou à la situation économique des époux après le divorce, mais également en cas d'abus de droit (art. 2 al. 2 CC; (ATF 133 III 497, JdT 2008 I 184).

5.1.1.1 Le partage était ainsi "manifestement" inéquitable lorsque les époux étaient séparés de biens et que l'un d'entre eux, salarié, avait accumulé obligatoirement un deuxième pilier alors que l'autre, qui exerçait une activité à titre indépendant, s'était constitué un troisième pilier d'un certain montant (arrêts du Tribunal fédéral 5A_106/2021 du 17 mars 2021 consid. 3.1, 5A_194/2020 du 5 novembre 2020 consid. 4.4.1, 5A_945/2016 du 19 mai 2017 consid. 3.1.2).

Il en allait de même du conjoint qui avait financé les études de son conjoint, lui donnant ainsi la possibilité de se constituer à l'avenir une meilleure prévoyance que la sienne (arrêts du Tribunal fédéral 5A_945/2016 du 19 mai 2017 consid. 3.1.2, 5A_398/2015 du 24 novembre 2015 consid. 4.1, 5A_220/2015 du 11 novembre 2015 consid. 5.2).

5.1.1.2 Le partage constituait un "abus de droit" lorsque les époux avaient contracté un mariage de complaisance, n'avaient jamais fait ménage commun ou n'avaient jamais eu l'intention de former une communauté conjugale (arrêt du Tribunal fédéral 5A_945/2016 du 19 mai 2017 consid. 3.1.2).

Il en allait de même lorsque le créancier de la moitié des avoirs de prévoyance était l'auteur d'une infraction pénale grave à l'encontre de son conjoint (arrêt du Tribunal fédéral 5A_945/2016 du 19 mai 2017 consid. 3.1.2).

5.1.1.3 En revanche, sous l'empire de l'art. 123 al. 2 aCC, la violation des devoirs découlant du mariage ne constituait pas un motif de refus du partage des avoirs de prévoyance professionnelle. Ainsi, le comportement des conjoints durant le mariage ne jouait aucun rôle dans ce domaine, parce que l'art. 125 al. 3 ch. 1 CC, selon lequel une violation grave de l'obligation d'entretien de la famille pouvait justifier un refus d'allouer une contribution d'entretien, n'avait pas été conçu par le législateur en relation avec le partage des prestations de sortie (ATF 133 III 497 consid. 4 et 5).

En conséquence, dans le cas d'espèce de l'ATF 133 III 497 (épouse ayant travaillé à plein temps depuis le début du mariage, financé les besoins de base de la famille et assumé le ménage, tandis que l'époux n'avait pas ou peu exercé et que sa situation de chômage lui aurait permis de s'occuper des enfants, lesquels avaient été confiés à leurs grands-parents maternels depuis leur naissance), le Tribunal fédéral n'a pas refusé le partage des avoirs de prévoyances professionnelles accumulés durant le mariage, quand bien même l'époux n'avait pas assumé sa part des tâches familiales, ni voulu mener une vie conjugale égalitaire, dès lors que son comportement n'était pas constitutif d'un abus de droit, lequel se caractérise par le fait qu'une partie incite l'autre à un certain comportement afin d'en tirer, de façon déloyale, des avantages (ATF 145 III 56 consid. 5.2).

5.1.2 A la suite de l'adoption du nouvel art. 124b al. 2 CC, entré en vigueur le 1er janvier 2017, l'adverbe "manifestement" inéquitable a été abandonné, ce qui a conduit le Tribunal fédéral à réexaminer sa jurisprudence (ATF 145 III 56).

Selon le Message du 29 mai 2013 concernant la révision du Code civil suisse [Partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce], FF 2013 4341 et ss, la liste des justes motifs énumérés à l'art. 124b al. 2 CC, pour lesquels le juge pouvait renoncer au partage par moitié, n'était pas exhaustive. D'autres cas de figure étaient envisageables, celui notamment où le conjoint créancier "ne se serait pas conformé à son obligation d'entretien" (selon les textes allemands et italiens du Message: " (...) seine Pflicht, zum Unterhalt der Familie beizutragen, grob verletzt hat" [FF 2013 4182]; "(...) ha violato in modo grave l'obbligo di contribuire al mantenimento della famiglia" [FF 2013 4918]), auquel cas il paraissait insatisfaisant qu'il puisse exiger la moitié de la prestation de sortie du conjoint débiteur (FF 2013 4371 ad art. 124b CC). Le Message se référait expressément à l'ATF 133 III 497. Dans le cadre des travaux parlementaires, la conseillère nationale Gabi Huber avait exposé que cette jurisprudence était insatisfaisante, et que des situations comme celle de l'ATF 133 III 497 ne devraient plus exister lorsque le nouvel art. 124b CC serait entré en vigueur (BO 2015 CN 766). La Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga avait souligné que le principe d'un partage par moitié demeurait, mais qu'il convenait d'offrir au juge une certaine flexibilité (BO 2015 CN 768). Enfin, alors que l'avant-projet de modification du Code civil disposait, tout comme l'art. 123 al. 2 aCC, que le juge refusait le partage par moitié, en tout ou partie, lorsque celui-ci s'avérait "manifestement inéquitable" (art. 122 al. 2 ap-CC), le nouvel art. 124b al. 2 CC ne mentionnait finalement que le terme "inéquitable", ceci afin de laisser une plus grande marge d'interprétation au juge (FF 2013 4352 ainsi que 4370 ad art. 124b CC; ATF 145 III 56 consid. 5.3.2).

Une partie de la doctrine soutenait que, même sous l'empire du nouveau droit, le fait pour un époux d'avoir contribué à l'entretien de la famille dans une plus grande proportion que ce que lui imposait l'art. 163 CC n'était pas déterminant pour le partage des avoirs de prévoyance professionnelle, seuls des motifs de nature économique pouvant être qualifiés de justes motifs au sens de l'art. 124b al. 2 CC (Aebi-Müller, in ZBJV 2018 608; dans le même sens Geiser, Gestaltungs-möglichkeiten beim Vorsorgeausgleich, RJB 2017 1 [15]), selon lequel le comportement des époux durant le mariage ne constituait pas un juste motif de refus du partage). D'autres auteurs affirmaient, en se référant au Message LPP, que la jurisprudence découlant de l'ATF 133 III 497 ne pouvait plus être appliquée depuis l'entrée en vigueur du nouveau droit (Jungo/Grütter, FamKomm Scheidung, 3ème éd. 2017, n° 17 ad art. 124b CC; Grütter, Der neue Vorsorgeausgleich im Überblick, FamPra.ch 2017 127 [138]). En d'autres termes, ils admettaient que le juge puisse désormais tenir compte, dans son appréciation, non seulement de motifs de nature purement économique tels que ceux cités à l'art. 124b al. 2 CC, mais aussi de la violation grave, par un époux, de son obligation d'entretien de la famille (Moser, Teilung mit Tücken - der Vorsorgeausgleich auf dem Prüfstand der anstehenden Scheidungsrechtsrevision, SZS 2014 100 [122 s.]; ATF 145 III 56 consid. 5.3.2).

On pouvait certes craindre que le nouvel art. 124b al. 2 CC n'ait pour effet de réintroduire par la bande le divorce "pour faute" et de détourner le but initial de la loi (Geiser, op. cit., p. 15). Dans son Message, le Conseil fédéral a toutefois souligné qu'il convenait de veiller à ce que l'application de l'art. 124b al. 2 CC ne vide pas de sa substance le principe du partage par moitié (FF 2013 4371 ad art. 124b CC), le partage de la prévoyance professionnelle devant, dans l'idéal, permettre aux deux conjoints de disposer d'un avoir de prévoyance de qualité égale (FF 2013 4349). Ces principes avaient été conçus pour être appliqués indépendamment de la répartition des tâches convenue durant le mariage. Il n'en demeurait pas moins que la volonté du législateur, dans le cadre de la novelle du 19 juin 2015, était d'assouplir les conditions auxquelles le juge pouvait exclure totalement ou partiellement le partage. Il avait clairement souhaité que le fait, pour un époux, d'avoir gravement violé son obligation de contribuer à l'entretien de la famille puisse constituer un juste motif au sens de l'art. 124b al. 2 CC, contrairement à ce que préconisait l'ATF 133 III 497 (ATF 145 III 56 consid. 5.3.2).

En définitive, au vu du but général de la loi concernant le partage de la prévoyance en cas de divorce, le comportement des époux durant le mariage ne constituait en principe pas un critère à prendre en considération; il ne s'agissait donc pas d'analyser dans chaque situation la proportion dans laquelle chaque époux s'était impliqué dans l'entretien de la famille et de pondérer le partage des avoirs en fonction de ces éléments. Cependant, selon la volonté claire du législateur, le juge du divorce avait désormais la possibilité de tenir compte, dans son appréciation (art. 4 CC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_277/2021 du 30 novembre 2021 consid. 7.1.2 et les références citées), de la violation par un époux de son obligation d'entretenir la famille. Il ne pouvait toutefois le faire que de manière restrictive, afin d'éviter que le principe du partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle des époux ne soit vidé de sa substance. En particulier, c'était seulement dans des situations particulièrement choquantes que de tels justes motifs pouvaient l'emporter sur les considérations économiques liées aux besoins de prévoyance respectifs des époux, de sorte que le juge était habilité, sur cette base, à refuser totalement ou partiellement le partage des avoirs de prévoyance professionnelle et ce même si la prévoyance du conjoint créancier n'apparaissait pas adéquate (ATF 145 III 56 consid. 5.4 et les références citées).

Ainsi, dans le cas d'espèce de l'ATF 145 III 56, le Tribunal fédéral a retenu un manquement grave de l'époux à son obligation de contribuer à l'entretien de la famille, car celui-ci n'avait que très peu travaillé, ne s'était occupé "ni des enfants, ni du ménage, et ce tout au long du mariage". Il avait, de plus, disposé seul d'un crédit de 90'864 fr., dont son épouse avait dû assumer seule le remboursement, et avait exercé, tout au long du mariage, une surveillance étroite sur celle-ci au point de la priver d'autonomie, la maltraitant, ainsi que leurs enfants, tant physiquement que psychologiquement, et privant parfois la famille de l'argent nécessaire à ses besoins de base car il jouait une partie du salaire de son épouse aux jeux de hasard (consid. 6).

5.2 En l'espèce, il convient de partir de la prémisse que le comportement de l'intimé durant le mariage ne constitue en principe pas un critère à prendre en considération, pour éviter, d'une part, de réintroduire le divorce "pour faute", et de vider de sa substance le postulat du partage par moitié des prestations de sorties acquises par les parties durant le mariage, d'autre part.

Ce n'est que si, au vu de l'ensemble des circonstances, il en ressort une situation particulièrement choquante, imputable à l'intimé ayant gravement violé son obligation d'entretenir la famille, que le juge peut retenir l'existence de juste(s) motif(s) et attribuer à l'intimé, selon les conclusions prises par l'appelante, moins de la moitié de la prestation de sortie de celle-ci, nonobstant les besoins de prévoyance de l'intimé.

En l'occurrence, l'intimé a exercé une activité lucrative durant le mariage, puisqu'il a affirmé, sans avoir été contredit, avoir travaillé en usine, puis [chez] X______, d'une part, et, d'autre part, parce qu'il a accumulé une prestation de sortie totale de 198'734 fr. 42.

Il est, ensuite, devenu invalide à partir d'août 2006, à la suite d'une affection psychique, et a versé le montant de ses rentes AI et LPP sur le compte joint des époux. Le fait qu'il ait, selon l'appelante, conservé pour lui ses revenus accessoires perçus lors de ses activités sportives n'est pas choquant, compte tenu de l'importante disparité de revenus entre les parties (7'600 fr. pour l'appelante, 2'728 fr. pour l'intimé).

Cette différence conséquente de revenus au sein du couple a nécessairement impliqué une participation financière de l'appelante aux charges du ménage nettement plus élevée que celle que pouvait fournir l'intimé, ce qui ne peut pas lui être reproché, dès lors que la survenance de son invalidité l'a quasiment privé de sa capacité de gain.

Les affirmations de l'appelante, selon lesquelles l'intimé aurait "fait main basse" sur son salaire et prélevé d'importants montants sur le compte joint, n'ont été ni suffisamment alléguées (ch. 1.3 et 4.2 ci-dessus), ni spécifiquement démontrées à l'appui de la production des extraits bancaires, ni élevées sous forme de prétentions lors de la liquidation du régime matrimonial, de sorte que ces reproches ne sauraient être retenus à l'encontre de l'intimé.

S'agissant des critiques de l'appelante en relation avec l'absence d'implication de l'intimé au sein de la famille, auprès des enfants et du ménage, il convient de les mettre en perspective avec le fait que l'appelante a néanmoins vécu en ménage commun avec l'intimé durant 31 ans, que lorsque le couple s'est séparé en 2003, elle a pris l'initiative de la réconciliation qui s'en est suivie, et que ce n'est pas elle, mais l'intimé qui a requis les procédures de mesures protectrices de l'union conjugale et de divorce. Il apparaît, dès lors, que ces faits contredisent l'affirmation de l'appelante selon laquelle la vie familiale était insupportable.

Enfin, l'intimé n'a pas prétérité financièrement l'appelante en faisant l'acquisition d'un appartement au Brésil, puisque l'épouse a vraisemblablement acquis une part de copropriété de 50% de ce bien immobilier. De plus, le démembrement de l'appartement de K______ résulte d'une donation de l'intimé à l'appelante, à titre d'avancement d'hoirie rapportable. Enfin, les époux ont encore acquis, en juin 2017, un terrain à bâtir en France, et contracté ensemble un prêt en janvier 2018 afin d'y édifier une maison.

Il ne ressort dès lors pas des circonstances exposées par l'appelante en seconde instance que l'intimé aurait adopté un comportement déloyal, ni qu'il aurait gravement violé son obligation d'entretien envers sa famille. L'interprétation restrictive de l'art. 124b al. 2 CC impose qu'une situation choquante résulte de la violation grave, par l'époux, de ses obligations d'entretien envers sa famille, laquelle constitue un juste motif de refus du partage des prestations de sorties acquises durant le mariage. Or, en l'espèce, il n'existe pas de justes motifs permettant de refuser le partage et l'époux a un besoin particulier de prévoyance, en raison de son invalidité, laquelle ne lui permet plus d'améliorer sa prévoyance professionnelle.

C'est, dès lors, avec raison que le Tribunal a ordonné le partage par moitié des prestations de sortie des parties accumulées durant le mariage.

L'appel n'est pas fondé, de sorte que le ch. 5 du dispositif du jugement sera confirmé.

6.             6.1 Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront arrêtés à 1'250 fr. (art. 95 al. 1 let. a et al. 2, 96, 104 al. 1 et 105 al. 1 CPC; art. 5, 30 et 35 RTFMC). Compte tenu de la nature familiale du litige, ils seront répartis à parts égales entre chacune des parties (art. 107 al. 1 let. c CPC).

Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront, par conséquent, invités à restituer la somme de 625 fr. à l'appelante, le solde de son avance de frais étant acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'intimé plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, sa part de frais sera provisoirement supportée par l'Etat de Genève (art. 122 al. 1 let. b CPC), étant rappelé que le bénéficiaire de l'assistance judiciaire est tenu au remboursement des frais judiciaires mis à la charge de l'Etat dans la mesure de l'art. 123 CPC (art. 19 RAJ).

6.2 Compte tenu de la nature familiale du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 20 octobre 2022 par A______ contre le chiffre 5 du dispositif du jugement JTPI/10694/2022 rendu le 16 septembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3561/2022-8.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'250 fr., les met à la charge des parties par moitié chacune et dit qu'ils sont compensés à concurrence de 625 fr. avec l'avance fournie par A______, qui demeure acquise à l'Etat de Genève dans cette mesure.

Dit que les frais à la charge de C______ sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève, vu l'octroi de l'assistance judiciaire.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer la somme de 625 fr. à A______.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.