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Décisions | Chambre civile

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C/256/2020

ACJC/1650/2022 du 08.12.2022 sur JTPI/2915/2022 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/256/2020 ACJC/1650/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 8 DECEMBRE 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 11ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 mars 2022, comparant par Me Samir DJAZIRI, avocat, DJAZIRI & NUZZO, rue Leschot 2, 1205 Genève, en l'Etude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Aurélie ARPAGAUS, avocate, REGO AVOCATS SA, esplanade du Pont-Rouge 4, case postale, 1211 Genève 26, en l'Etude de laquelle elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/2915/2022 du 8 mars 2022, reçu le 18 mars 2022 par toutes les parties, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a dissous par le divorce le mariage contracté le 15 septembre 2014 à C______ (Egypte) par B______ et A______ (chiffre 1 du dispositif), attribué à B______ les droits et obligations relatifs au contrat de bail afférant au logement conjugal, sis chemin 1______ no. ______ à D______ [GE] (ch. 2), condamné B______ à verser à A______ 1'041 fr. 70 au titre de liquidation du régime matrimonial et dit que pour le surplus celui-ci était liquidé (ch. 3), dit qu'il n'y avait pas lieu au partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par les parties durant le mariage (ch. 4), dit qu'aucune contribution d'entretien n'était due post-divorce entre les parties (ch. 5), arrêté les frais judiciaires à 1'500 fr., les a mis à la charge des deux parties par moitié chacune et dit qu'ils étaient provisoirement supportés par l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision de l'Assistance juridique (ch. 6), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 7) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

B.            a. Par acte expédié le 2 mai 2022 au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a formé appel de ce jugement, dont il a sollicité l'annulation des chiffres 4 et 8 du dispositif. Cela fait, il a conclu, sous suite de frais et dépens, à ce que la Cour ordonne le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle des parties.

b. Par réponse du 13 juin 2022, B______ a conclu, sous suite de frais et dépens, à la confirmation du jugement entrepris et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

Elle a produit une pièce nouvelle.

c. Le 15 juin 2022, la Cour a transmis la réponse à A______ et lui a imparti un délai de 30 jours pour répliquer.

d. Par réplique du 17 août 2022, A______ a persisté dans ses conclusions. Il a également produit deux pièces nouvelles.

e. Le 18 août 2022, la Cour a transmis la réplique à B______ et lui a imparti un délai de 30 jours pour dupliquer.

f. Par duplique du 19 septembre 2022, B______ a persisté dans ses conclusions et a produit une pièce nouvelle.

g. Par avis du greffe du 14 octobre 2022, la Cour a informé les parties que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______, née le ______ 1963 à E______ en Espagne, de nationalité suisse, et A______, né le ______ 1986 à F______ en Egypte, de nationalité égyptienne, se sont mariés le ______ 2014 à C______ (Egypte).

Ils n'ont pas conclu de contrat de mariage.

b. Aucun enfant n'est issu de cette union. B______ a un enfant aujourd'hui majeur issu d'une précédente union.

c. Par courriel du 30 septembre 2014 déjà, B______ a contacté le Service de l'Etat civil de la commune de D______ pour tenter d'empêcher que son mariage ne soit retranscrit dans les registres de l'Etat civil, sans succès. Lors de l'échange de courriels, elle a expliqué que son époux était très agressif avec elle et qu'il ne cessait de l'insulter. Cette situation lui était intolérable et la rendait malade.

d. A______ est arrivé en Suisse le 15 février 2015, ayant été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial à la suite du mariage précité.

e. B______ a allégué que A______ lui avait déclaré s'être marié avec elle uniquement pour obtenir un permis B, ce que ce dernier a contesté.

f. B______ a décrit des violences conjugales et une vie conjugale dans un climat délétère, faits contestés par A______.

g. Les parties vivent séparées depuis la fin de l'année 2017.

h. Le 8 septembre 2017, B______ a déposé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale au Tribunal, requête qu'elle a finalement retirée fin novembre 2017.

i. Le 25 janvier 2018, B______ s'est adressée au Tribunal, indiquant avoir été contrainte d'annuler sa précédente requête sous la pression de son époux et pour des raisons de santé. Elle a demandé au juge de "ré-ouvrir" son dossier, l'agressivité de son mari rendant la continuation de la vie commune impossible.

j. Par jugement du 24 juillet 2018, le Tribunal, statuant sur nouvelle requête de mesures protectrices de l'union conjugale de B______ du 20 avril 2018, a autorisé les parties à vivre séparées, attribué la jouissance du domicile conjugal à B______ et prononcé la séparation de biens des parties.

k. Par plainte pénale déposée le 13 septembre 2018 et complétée le 6 août 2019, B______ a accusé A______ de viol, voies de fait et menaces. Une procédure pénale (P/2______/2018) a été ouverte devant le Ministère public, laquelle a abouti à un jugement du Tribunal correctionnel (cf. consid. C.w infra).

Parallèlement, A______ a déposé une plainte pénale et une plainte complémentaire les 18 octobre 2019 et 28 février 2020 à l'encontre de B______ pour calomnie et diffamation.

l. Par courrier du 11 octobre 2018, l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l'OCPM) a informé A______ que son autorisation de séjour, arrivée à échéance le 14 février 2018, ne serait pas renouvelée et que son renvoi de Suisse était prononcé. En effet, il ne faisait plus ménage commun avec B______ et il ne remplissait pas les conditions pour la poursuite de son séjour en Suisse.

m. D'après une attestation établie le 22 janvier 2019 par le Dr G______, psychiatre, B______ est suivie pour un traitement psychiatrique depuis le 6 mars 2018 en raison d'un épisode dépressif sévère et des troubles d'anxiété généralisée et du sommeil, dans un contexte d'une rupture avec son mari. Selon le médecin, B______ "a fait l'objet d'une maltraitance psychique et physique tout au long de sa relation avec son mari ce qui a eu pour conséquences de graves maladies physiques et mentales". Son état n'a cessé de s'aggraver en raison de l'attitude menaçante et harcelante de son mari ainsi que de la famille de ce dernier. Elle était en arrêt de travail à 100% depuis le 5 février 2018 en raison de sa maladie.

n. Il ressort des pièces produites par B______ que A______ lui a adressé plusieurs messages dont le contenu, bien que peu clair, était néanmoins insultant voire menaçant, dès lors qu'il l'avertissait dans un message du 17 février 2019, dans ces termes : "T'inquiète pas ce n'est pas encore fini. Je suis sûr que tu me comprends très bien. Je n'ai pas besoin de continuer à écrire". Par ailleurs, dans un autre message envoyé à une date inconnue, il écrivait : "ne viens plus en Egypte, ou viens et profite, tu peux aussi acheter des hommes là-bas" ("don't come to Egypt again, or come and enjoy, you can buy men also there").

o. Le 17 avril 2019, B______ a déposé une première requête de divorce, qu'elle a retirée lors de l'audience de conciliation du 3 décembre 2019, A______ s'étant opposé au prononcé du divorce, soulevant la problématique liée au deux ans de séparation (C/3______/2019).

p. Par acte du 7 janvier 2020, B______ a formé une requête unilatérale en divorce, assortie de mesures provisionnelles. Sur le fond, elle a conclu à ce que le Tribunal prononce le divorce et, en dernier lieu, à ce qu'il dise qu'aucune contribution d'entretien n'est due entre les parties, que le domicile conjugal lui soit attribué, qu'il soit constaté que le régime matrimonial est liquidé et qu'il soit dit que les avoirs de prévoyance accumulés pendant le mariage ne seront pas partagés.

Elle a notamment allégué que les violences physiques et psychologiques que son époux lui avait fait subir avaient causé son état dépressif actuel.

q. Par ordonnance du 7 mai 2020, le Tribunal, statuant sur mesures provisionnelles, a donné acte aux parties de leur engagement à ne pas prendre contact l'une avec l'autre de quelque manière que ce soit et les y a condamnées en tant que de besoin sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP.

r. Dans sa réponse sur le fond du 2 juin 2020, A______ a principalement conclu à ce que le Tribunal déclare irrecevable la demande de divorce et la rejette, B______ devant être déboutée de toutes autres ou contraires conclusions, avec suite de frais et dépens. Subsidiairement, il a conclu à la dissolution par le divorce du mariage des parties, à l'attribution en sa faveur du domicile conjugal, moyennant mesures d'exécution directe nécessaires pour l'expulsion de B______ et, au besoin, le recours à la force publique. Sur le plan financier, il a conclu, en dernier lieu, à ce que B______ soit condamnée à lui verser 2'000 fr. par mois et d'avance au titre de contribution à son entretien, de janvier 2020 à janvier 2025, et 1'041 fr. 70 au titre de la liquidation du régime matrimonial. Il a en outre conclu au partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés durant le mariage, avec suite de frais et dépens.

s. Lors de l'audience de débats principaux du 10 juin 2021, A______ a indiqué qu'il faisait l'objet d'une procédure devant l'OCPM. Il en avait requis la suspension jusqu'à droit jugé dans les procédures civile et pénale dont il faisait l'objet.

t. Dans ses plaidoiries finales du 25 juin 2021, B______ a notamment plaidé que le partage des avoirs de prévoyance professionnelle serait inéquitable et constituerait un abus de droit en raison de l'absence de volonté de A______ de former une communauté conjugale avec elle et des mauvais traitements qu'il lui avait infligés. Un partage précariserait aussi sa situation dès lors qu'elle n'avait aucun autre revenu que sa rente pour subvenir à ses besoins. De plus, le jeune âge de son époux permettrait à ce dernier de se constituer une prévoyance adéquate s'il devait rester en Suisse. Elle avait enfin financé la formation de masseur de son époux ainsi que l'équipement nécessaire à sa profession, ce qui avait permis à ce dernier d'acquérir un titre d'indépendant.

u. Dans ses plaidoiries finales du 5 juillet 2021, A______ a notamment persisté dans ses conclusions en partage des avoirs de prévoyance professionnelle.

v. Par ordonnance du 7 décembre 2021, le Tribunal a informé les parties que la cause avait été gardée à juger.

w. Le 4 mai 2022, le Tribunal correctionnel a rendu un jugement déclarant A______ coupable de viol et de menaces sur B______ et le condamnant à une peine privative de liberté de trois ans avec sursis partiel.

A______ et le Ministère public ont déclaré faire appel à l'encontre dudit jugement auprès de la Chambre pénale d'appel et de révision. A______ a conclu à son acquittement alors que le Ministère public a requis la condamnation du précité à une peine privative de liberté ferme de quatre ans. La procédure pénale est toujours pendante.

D. La situation des parties est la suivante :

a. B______ est employée par H______ en qualité de cheffe de secteur auprès de I______ depuis 1989. Elle percevait à ce titre un revenu mensuel net de 7'204 fr. versé 13 fois l'an. Depuis février 2018, en raison d'une maladie, elle est en arrêt de travail pour une durée indéterminée et a été mise au bénéfice de prestations provisoires d'invalidité dès le 18 septembre 2019 par la Caisse de prévoyance J______, qui lui verse 4'823 fr. par mois depuis octobre 2019.

Selon la décision de l'Office cantonal des assurances sociales du 5 décembre 2019, B______ a obtenu des prestations de l'AI, pour un degré d'invalidité à 100%, de 2'370 fr. par mois.

De plus, ses relevés de comptes au jour du prononcé du jugement de mesures protectrices présentaient un solde total de 2'083 fr. 37.

Devant le Tribunal, elle a allégué des charges mensuelles incompressibles de 8'127 fr. 88. Le premier juge n'a pas tenu compte des dettes alléguées devant lui.

Ses avoirs de prévoyance accumulés durant le mariage s'élevaient à 185'483 fr. 40 au 18 avril 2019.

b. A______ exerçait la profession de masseur en Egypte, lorsque les parties se sont rencontrées. Depuis son arrivée en Suisse, il a travaillé dans différents domaines. Il a allégué avoir exercé comme masseur indépendant d'août 2015 à août 2017. B______ a financé plusieurs cours de langue française et des cours de massage. Il a aussi travaillé pendant un an pour le compte de K______ SARL (cuisine de l'Ecole L______) et au [restaurant] M______ de l'Aéroport de Genève. D'août 2017 à octobre 2019, A______ a travaillé pour N______ SA à Genève. Il percevait des revenus de l'ordre de 2'000 fr. par mois selon ses dires. Il ne perçoit pas d'aide de l'Hospice général. Le contrat, conclu en octobre 2020, avec [l'entreprise] O______ en tant que "commercial" pour un salaire mensuel brut de 2'715 fr. 65 y compris un 13ème salaire, a été résilié le 19 février 2021 en raison de l'échéance de son permis de séjour. En l'absence d'autorisation de travail, il est désormais sans activité lucrative et de moyens pour subvenir à ses besoins.

Devant le Tribunal, B______ a relevé que durant le mariage son époux gardait son salaire pour lui et qu'il ne participait pas aux charges et dépenses du ménage, lesquelles étaient prises en charge par elle-même et sa sœur. Le premier juge a retenu que A______ avait uniquement contesté avoir gardé son salaire pour lui ainsi que le fait que la sœur de B______ participait aux charges du ménage. Il avait ainsi admis que son épouse prenait seule en charge les besoins du ménage. En appel, A______ a fait valoir qu'il avait travaillé dès son arrivée en Suisse et qu'il avait toujours remis son salaire à son épouse de sorte qu'il avait contribué aux besoins du ménage. La précitée, qui supportait le fardeau de la preuve, n'avait pas prouvé qu'il gardait pour lui les revenus de son travail.

Devant le Tribunal, il a estimé ses charges à 1'740 fr. par mois. Il a déclaré ne pas payer de loyer ni sa prime d'assurance-maladie, étant précisé qu'il vivait chez quelqu'un.

Au 24 juillet 2018, A______ disposait d'un montant de 762 fr. 28 sur son compte en banque. Il faisait l'objet de nombreuses poursuites d'un total de 6'075 fr. 45 et des actes de défaut de biens pour un montant total de 7'452 fr. 46 au 1er mars 2021.

Devant le Tribunal, A______ a produit le résultat de la recherche effectuée auprès de la Centrale de deuxième pilier, laissant apparaître des avoirs auprès de trois institutions : P______, Q______ et R______, sans pour autant fournir les attestations en vue du divorce de ces trois institutions, ce malgré les nombreux délais qui lui ont été accordés par le Tribunal pour produire des pièces.

E. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a notamment considéré qu'il existait de justes motifs pour renoncer au partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés durant le mariage. B______ bénéficiait d'une rente AI de 4'823 fr. depuis octobre 2019, soit avant le dépôt de la requête de divorce. Les avoirs de prévoyance professionnelle de A______ devaient être largement inférieurs. Son jeune âge lui permettrait cependant de se constituer un avoir de prévoyance, bien qu'il ne cotisait actuellement pas au 2ème pilier, car il était sans emploi en raison de son absence de permis de séjour. Cette lacune de prévoyance devait être prise en compte dans le partage de la prévoyance professionnelle des époux. En raison de sa maladie, B______ ne pourrait pas compléter sa prévoyance professionnelle, ni même opérer des rachats dans le futur. Il ressortait d'une attestation du médecin psychothérapeute de la précitée que A______ était à l'origine de son état dépressif, ce qu'aucun élément du dossier ne venait contredire. Cette dernière était tombée malade en raison de la maltraitance psychique et physique pendant sa relation conjugale qui aurait engendré une incapacité de travail complète. Il ressortait encore des pièces que A______ avait eu des propos insultants à l'égard de B______ voire menaçants et qu'une procédure pénale était en cours au moment où la cause a été gardée à juger, suite à une plainte déposée par B______ à l'encontre de A______ notamment pour viol, voies de fait et menaces. De plus, A______ avait admis que B______ prenait seule en charge les besoins du ménage, de sorte qu'une violation de son obligation d'entretien pouvait être retenue. Ainsi, bien que l'existence d'un mariage de complaisance soit contestée, et eu égard à la situation de chacune des parties, en particulier à leur grande différence d'âge (23 ans), de ce que B______ était au bénéfice d'une rente AI, alors que A______ disposait d'encore de près de 30 ans pour se constituer une prévoyance, il apparaissait inéquitable et particulièrement choquant de partager les avoirs accumulés durant le mariage.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), dans les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions de première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, est encore discutée en appel la question du partage de la prévoyance professionnelle, de sorte qu'il s'agit d'une affaire pécuniaire. Compte tenu du montant resté litigieux devant le premier juge, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Déposé dans le délai utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 131, 142 al. 1, 145 al. 1 let. a et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La maxime d'office et la maxime inquisitoire ne s'imposent que devant le premier juge concernant les questions qui touchent à la prévoyance professionnelle (arrêts du Tribunal fédéral 5A_18/2018 du 16 mars 2018 consid. 6 et 5A_862/2012 du 30 mai 2013 consid. 5.3.2 et 5.3.3 et les réf. cit.). En seconde instance, les maximes des débats et de disposition ainsi que l'interdiction de la reformatio in pejus sont applicables (ATF 129 III 481 consid. 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_392/2021 du 20 juillet 2021 consid. 3.4.1.1; 5A_478/2016 du 10 mars 2017 consid. 10.1).

2.             Les parties ont produit des pièces nouvelles.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

Tant que la phase des délibérations en appel n'a pas débuté, les faits et moyens de preuve qui surviennent jusqu'au début de cette phase peuvent encore être introduits au procès, aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC (ATF 142 III 413 consid. 2.2.5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_701/2016 du 6 avril 2017 consid. 6.4).

S'agissant des vrais nova, soit les faits qui se sont produits après le jugement de première instance - ou plus précisément après les débats principaux de première instance (art. 229 al. 1 CPC) -, la condition de nouveauté posée par l'art. 317 al. 1 let. b CPC est sans autre réalisée et seule celle d'allégation immédiate (art. 317 al. 1 let. a CPC) doit être examinée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_621/2012 du 20 mars 2013 consid. 5.1).

Selon l'art. 317 al. 1 lit. a CPC, les vrais nova ne peuvent être pris en considération que s'ils sont invoqués sans retard. La doctrine admet en principe un délai de 10 jours, respectivement d'une à deux semaines. Une partie qui dispose déjà d'un délai pour déposer un mémoire peut attendre la fin de ce délai, car la procédure ne s'en trouve pas retardée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_707/2016 du 29 mai 2017 consid. 3.3.2).

2.2 En l'espèce, l'intimée a produit dans sa réponse un jugement du Tribunal correctionnel du 4 mai 2022, déclarant A______ coupable de viol et de menaces sur elle-même et le condamnant à une peine privative de liberté de trois ans avec sursis partiel. Il s'agit d'un vrai novum, dès lors que ce jugement a été rendu après la décision entreprise. Il a été invoqué sans retard avec la réponse de sorte qu'il est recevable.

L'appelant a produit avec sa réplique du 17 août 2022 une annonce d'appel envoyée le 6 mai 2022 au Tribunal correctionnel ainsi qu'une déclaration d'appel envoyée le 20 juillet 2022 à la Chambre pénale d'appel et de révision, toutes deux à l'encontre du jugement du 4 mai 2022 précité. Il s'agit de deux vrais novas dès lors qu'ils sont survenus après la décision entreprise. La déclaration d'appel du 20 juillet 2022 a été produite sans retard dès lors qu'elle a été invoquée à la fin du délai de réplique, de sorte qu'elle est recevable. Il n'en va pas de même de l'annonce d'appel, qui aurait dû être invoquée plus tôt par l'appelant, sans que cela ne porte à conséquence sur l'issue du litige.

L'intimée a produit avec sa duplique du 19 septembre 2022 une déclaration d'appel du Ministère public du 18 août 2022 à la Chambre pénale d'appel et de révision, à l'encontre du jugement du Tribunal correctionnel du 4 mai 2022, requérant la condamnation de A______ à une peine privative de liberté ferme de quatre ans. Il s'agit d'un vrai novum recevable car introduit sans retard à la fin du délai dont l'intimée disposait pour dupliquer.

3.             L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir renoncé au partage des avoirs de prévoyance professionnelle des parties.

3.1.1 Selon l'art. 22 de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 17 décembre 1993 (ci-après : LFLP; RS 831.42), les prestations de sortie et les parts de rente sont partagées, en cas de divorce, conformément aux art. 122 à 124e CC et 280 et 281 CPC; les art. 3 à 5 s'appliquent par analogie au montant à transférer.

Les prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage et jusqu'à l'introduction de la procédure de divorce sont partagées entre les époux (art. 122 al. 1 CC).

Les prestations de sortie acquises, y compris les avoirs de libre passage et les versements anticipés pour la propriété du logement, sont partagées par moitié (art. 123 al. 1 CC).

3.1.2 A teneur de l'art. 124 al. 1 CC, si, au moment de l'introduction de la procédure de divorce, l'un des époux perçoit une rente d'invalidité et qu'il n'a pas encore atteint l'âge réglementaire de la retraite, le montant auquel il aurait droit en vertu de l'art. 2 al. 1ter de la loi du 17 décembre 1993 sur le libre passage en cas de suppression de sa rente est considéré comme prestation de sortie. Les dispositions relatives au partage des prestations de sortie s'appliquent par analogie (art. 124 al. 2 CC).

3.1.3 Selon l'art. 124b al. 2 CC, le juge attribue moins de la moitié de la prestation de sortie au conjoint créancier ou n'en attribue aucune pour de justes motifs. C'est le cas en particulier lorsque le partage par moitié s'avère inéquitable en raison de la liquidation du régime matrimonial (ch. 1) ou de la situation économique des époux après le divorce ou des besoins de prévoyance de chacun des époux, compte tenu notamment de leur différence d'âge (ch. 2). La liste des justes motifs énumérés à l'art. 124b al. 2 CC n'est pas exhaustive (arrêt du Tribunal fédéral 5A_194/2020 du 5 novembre 2020 consid. 4.1.1; Message du Conseil fédéral du 29 mai 2013 concernant la révision du code civil suisse [Partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce], FF 2013 4341, p. 4371 [ci-après Message LPP]).

Le juge doit refuser le partage s'il existe une grande différence d'âge entre les deux époux et que la prise en compte des besoins de prévoyance laisse apparaître qu'un partage par moitié serait inéquitable. En cas de grande différence d'âge, un partage schématique par moitié pourrait affecter le conjoint le plus âgé bien plus que le conjoint le plus jeune (Message LPP, FF 2013 4341, p. 4355). Ainsi, il peut être justifié de déroger au principe du partage par moitié lorsqu'il existe une grande différence d'âge entre les époux, afin de tenir compte de la situation du conjoint qui, du fait d'un âge plus avancé et de la progressivité des cotisations (7% de 25 à 34 ans, 10% de 35 à 44 ans, 15% de 45 à 54 ans et 18% de 55 à 65 ans, cf. art. 16 LPP), a accumulé des prétentions de prévoyance beaucoup plus importantes durant le mariage (arrêt du Tribunal fédéral 5A_153/2019 du 3 septembre 2019 consid. 6.3.2). Il serait, en effet, inéquitable d'ordonner le partage des avoirs de prévoyance du conjoint proche de la retraite, alors que le conjoint plus jeune a la possibilité de se constituer une prévoyance adéquate dans les années à venir (Leuba/Udry, Partage du 2ème pilier : premières expériences, in Entretien de l'enfant et prévoyance professionnelle, 9ème Symposium en droit de la famille 2017, Université de Fribourg, 2018, p. 17; Grütter, Der neue Vorsorgeausgleich im Überblick, in FamPra.ch 2017 p. 127 ss, p. 140 ss; Dupont, Les nouvelles règles sur le partage de la prévoyance en cas de divorce, in Le nouveau droit de l'entretien de l'enfant et du partage de la prévoyance, 2016, n° 85 p. 81, note de bas de page 184). Dans le cadre des travaux parlementaires, cette différence d'âge a été illustrée en prenant l'exemple de conjoints ayant au moins vingt années d'écart entre eux. La doctrine situe elle aussi la différence pertinente aux alentours de vingt ans (arrêt du Tribunal fédéral 5A_153/2019 du 3 septembre 2019 consid. 6.3.2 et les références citées; Leuba/Udry, op. cit., p. 17; Leuba, Le nouveau droit du partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce, in FamPra.ch 2017 p. 3ss, p. 25; contra : Jungo/Grütter, in FamKommentar Scheidung, 3ème éd., 2017, n. 16 ad art. 124b, selon qui une différence d'âge de dix ans peut aussi être prise en compte lorsque l'un des époux est proche de la retraite).

Les besoins de prévoyance des époux figurent aussi au ch. 2 de l'art. 124b al. 2 CC comme raison possible de s'écarter du partage par moitié. Toute inégalité consécutive au partage par moitié ou persistant après le partage par moitié ne constitue pas forcément un juste motif au sens de l'art. 124b al. 2 CC. Les proportions du partage ne doivent toutefois pas être inéquitables. L'iniquité se mesure à l'aune des besoins de prévoyance professionnelle de l'un et de l'autre conjoint. Il faut veiller à ce que chaque conjoint dispose d'une pension de retraite suffisante. Le partage est donc inéquitable lorsque l'un des époux subit des désavantages flagrants par rapport à l'autre conjoint (ATF 145 III 56 consid. 5.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_106/2021 du 17 mai 2021 consid. 3.1; 5A_194/2020 du 5 novembre 2020 consid. 4.1.1).

Le juge doit tenir compte du fait que le conjoint invalide ne sera plus à même de combler un défaut de prévoyance en effectuant des rachats. Il n'y a pas forcément iniquité pour autant. Le seul fait qu'un conjoint perçoive une rente d'invalidité au moment du divorce et que celle-ci couvre le minimum vital ne constitue pas une raison suffisante de déroger au partage par moitié des prétentions de prévoyance. L'iniquité se mesure à l'aune des besoins de prévoyance de l'autre conjoint (Message LPP, FF 2013 4341 p. 4371).

Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 5A_804/2016 du 26 janvier 2017 consid. 3.1.3 et les références citées), mais il convient de veiller à ce que l'application de l'art. 124b al. 2 CC ne vide pas de sa substance le principe du partage par moitié, celui-ci devant, dans l'idéal, permettre aux deux conjoints de disposer d'un avoir de prévoyance de qualité égale (ATF 145 III 56 consid. 5.3.2 et les références citées; Message LPP, FF 2013 4341, p. 4371).

3.1.4 Le Tribunal fédéral a considéré que le fait d'exiger le partage constituait un abus de droit lorsqu'on était en présence d'un mariage de complaisance, lorsque l'union n'avait pas été vécue en tant que telle, respectivement que les époux n'avaient jamais fait ménage commun, car il s'agissait dans ces différents cas d'un détournement du but du partage, ou encore lorsque le créancier de la moitié des avoirs de prévoyance était l'auteur d'une infraction pénale grave à l'encontre de son conjoint. En revanche, un comportement contraire au mariage, ainsi que les motifs qui ont conduit au divorce ne suffisent (généralement) pas pour que l'on retienne un abus de droit. Quant au fait qu'une partie a délibérément renoncé à obtenir un revenu depuis la suspension de la vie commune, il n'a aucune incidence sur le partage d'une épargne de prévoyance constituée durant le mariage et destinée à assurer les vieux jours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_804/2016 du 26 janvier 2017 consid. 3.1.2; 5A_945/2016 du 19 mai 2017 consid. 3.1.2).

3.2 En l'espèce, il sied de vérifier s'il existe des justes motifs permettant de renoncer au partage des avoirs des parties.

Tout d'abord, ces dernières ont une grande différence d'âge, de vingt-trois ans, et des perspectives de prévoyances inégales. En effet, l'intimée, aujourd'hui âgée de 59 ans, est proche de la retraite. Elle a, en outre, été reconnue invalide à 100% selon décision de l'OCAS du 5 décembre 2019, de sorte qu'elle ne pourra très vraisemblablement plus jamais travailler, ni cotiser pour sa prévoyance professionnelle. De son côté, l'appelant, qui a 36 ans, dispose encore de 29 années de vie active pour se constituer une prévoyance professionnelle adéquate. Il apparaîtrait ainsi inéquitable d'ordonner le partage des avoirs de l'intimée accumulés à hauteur de 185'483 fr. 40 durant le mariage – dont un peu moins de la moitié après la cessation de la vie commune – puisqu'elle subirait ainsi un désavantage et s'en trouverait bien plus affectée que l'appelant.

Ce sentiment d'iniquité est par ailleurs renforcé par le fait que l'appelant est responsable de l'état de santé de l'intimée et de son incapacité à exercer une activité lucrative. En effet, il ressort clairement de l'attestation du médecin de l'intimée que cette dernière "a fait l'objet d'une maltraitance psychique et physique tout au long de sa relation avec son mari ce qui a eu pour conséquences de graves maladies physiques et mentales". Ainsi, contrairement à ce que fait valoir l'appelant, l'état de santé de l'intimée n'est pas lié à la rupture des parties.

Les violences décrites dans cette attestation médicale et alléguées par l'intimée sont contestées par l'appelant. Cependant, comme l'a justement relevé le Tribunal, aucun élément du dossier ne contredit les affirmations du médecin. Par ailleurs, le Tribunal correctionnel a récemment rendu un jugement condamnant l'appelant pour viol et menaces à l'encontre de l'intimée, lequel fait actuellement l'objet d'une procédure d'appel initiée par l'appelant et le Ministère public, qui a conclu au prononcé d'une peine plus sévère que celle à laquelle l'appelant a été condamné. Bien que l'infraction pénale grave à l'encontre du conjoint ne puisse être retenue en l'état au vu de la procédure d'appel précitée, la condamnation précitée de l'appelant soulève toutefois, la problématique de l'abus de droit liée au partage des avoirs, tout comme l'existence du mariage de complaisance contesté par l'appelant. En tout état, il est prouvé par pièces que l'appelant a tenu des propos insultants, voire menaçants et qu'il a fait preuve d'agressivité à l'égard de l'intimée tout au long du mariage.

Au vu de tout ce qui précède, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu qu'au vu de l'ensemble des circonstances, un partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par les parties durant le mariage se révélait inéquitable, voire choquant, et qu'il existait, dès lors, de justes motifs d'y renoncer.

Par conséquent, le chiffre 4 du jugement entrepris sera confirmé.

4.             Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'500 fr. (art. 30 al. 1 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront laissés provisoirement à la charge de l'Etat de Genève, dans la mesure où l'appelant est au bénéfice de l'assistance juridique (art. 122 al. 1 let. b et 123 al. 1 CPC).

L'appelant sera condamné à verser une indemnité à titre de dépens à l'intimée, qui sera arrêtée à 5'100 fr., débours et TVA inclus (art. 84, 85 et 90 RTFMC, art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 2 mai 2022 par A______ contre le jugement JTPI/2915/2022 rendu le 8 mars 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/256/2020.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'500 fr., les met à la charge de A______ et les laisse provisoirement à la charge de l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 5'100 fr. à B______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Gladys REICHENBACH, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Gladys REICHENBACH

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.