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Décisions | Chambre civile

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C/16278/2010

ACJC/1497/2022 du 04.10.2022 sur JTPI/7981/2021 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CO.1.al1; CO.18.al1; CO.97.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16278/2010 ACJC/1497/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 4 OCTOBRE 2022

Entre

A______, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 juin 2021 et intimée, comparant par Mes B______ et C______, avocats, ______, en l'Étude desquels elle fait élection de domicile,

et

D______ AG, sise ______ [ZH], appelante et intimée, comparant par
Mes E______, F______ et G______, avocats, ______, en l'Étude desquels elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/7981/2021 rendu le 15 juin 2021, notifié à D______ AG (ci-après : D______) le 16 juin 2021 et à A______ le 17 juin 2021, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a, sur demande principale, condamné D______ à verser à [la banque] A______ les montants suivants : 1'780'911 fr., 615'505 fr. 75, 544'248 fr. 35 et 435'348 fr. 20 avec intérêts à 5% à compter du 30 avril 2011, 510'054 fr. 15 et 20'365'992 fr. avec intérêts à 5% à compter du 30 septembre 2012, 1'001'030 fr. 60 avec intérêts à 5% à compter du 30 avril 2010, 34'858 fr. 70 avec intérêts à 5% à compter du 26 décembre 2009, 21'784 fr. 85 avec intérêts à 5% à compter du 25 mars 2010, 39'745 fr. 85 avec intérêts à 5% à compter du 29 avril 2010, 5'660 fr. et 10'983'471 fr. 75 avec intérêts à 5% à compter du 31 mai 2010 (chiffre 1 du dispositif), mis à la charge de A______ un émolument complémentaire de 40'000 fr. (ch. 2), condamné D______ à prendre en charge les 3/4 des dépens de la procédure, y compris une indemnité de 300'000 fr. valant participation aux honoraires d'avocat de A______ (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

Sur demande reconventionnelle, le Tribunal a condamné A______ à verser à D______ les montants suivants : 16'535 fr. 60 avec intérêts à 5% à compter du 15 octobre 2009, 1'029'872 fr. avec intérêts à 5% à compter du 7 octobre 2009 et 2'646'847 fr. 05 avec intérêts à 5% à compter du 7 octobre 2009 (ch. 5), mis à la charge de D______ un émolument complémentaire de 40'000 fr. (ch. 6), condamné D______ SA à prendre en charge les 9/10 des dépens de la procédure, y compris une indemnité de 200'000 fr. valant participation aux honoraires d'avocat de A______ (ch. 7) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

B. a.a Par acte expédié au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour) le 18 août 2021, A______ a formé appel de ce jugement. Sur demande principale, elle a sollicité l'annulation partielle du ch. 2 et l'annulation du ch. 4 de son dispositif. Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour condamne D______ à lui payer 10'176'634 fr. 64 avec intérêts à 5% dès le 31 mars 2011, 3'017'185 fr. avec intérêts à 5% dès le 31 août 2010, 2'941'883 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er février 2011, 3'426'868 fr. 22 avec intérêts à 5% l'an dès le 30 avril 2011 et 27'745 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2009, sous déduction des montants auxquels D______ avait déjà été condamnée par le jugement entrepris, sous suite de dépens de première instance y compris une indemnité de 300'000 fr. au minimum valant participation à ses honoraires d'avocat.

Sur demande reconventionnelle, elle a conclu à l'annulation du ch. 5 du dispositif du jugement entrepris, dans la mesure où il la condamnait à payer 1'029'872 fr. avec intérêts à 5% à compter du 7 octobre 2009 et 2'646'847 fr. 05 avec intérêts à 5% à compter du 7 octobre 2009, ainsi que l'annulation partielle du ch. 7. Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour lui donne acte de ce qu'elle reconnaissait devoir verser 88'359 fr. 53 avec intérêts à 5% à compter du 7 octobre 2009 à D______, condamne celle-ci à prendre en charge tous les dépens de première instance, y compris une indemnité de 200'000 fr. au minimum valant participation à ses honoraires d'avocat et confirme le jugement entrepris pour le surplus, le tout sous suite de frais judiciaires et dépens.

a.b Dans sa réponse, D______ a conclu à ce que la Cour donne acte à A______ de ce qu'elle reconnaissait lui devoir 88'359 fr. 53, plus intérêts, et rejette pour le surplus l'appel de A______, sous suite de frais judiciaires et dépens.

a.c Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, et persisté dans leurs conclusions.

b.a Par acte déposé le 16 août 2021, D______ a également formé appel de ce jugement. Elle a sollicité, sur demande principale, l'annulation des ch. 1 à 4 de son dispositif. Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour déboute A______ de toutes ses conclusions.

Sur demande reconventionnelle, elle a conclu à l'annulation des ch. 6 à 8 du jugement entrepris. Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour condamne A______ à lui payer 1'469'000 fr. par mois et d'avance depuis le 1er juillet 2010 et jusqu'à l'achèvement complet de la transition, soit le 16 mars 2011, sous déduction des versements déjà effectués à ce titre par A______ entre juillet et décembre 2010, 25'343'271 fr. (TVA comprise), avec intérêts à 5% dès "l'exigibilité de chaque facture", subsidiairement dès le 8 septembre 2009, ainsi que 204'678 fr. 90 (TVA comprise) avec intérêts à 5% dès le 5 juin 2012, 201'410 fr. 55 (TVA comprise) avec intérêts à 5% dès le 12 juillet 2012 et 78'597 fr. (TVA comprise) avec intérêts à 5% dès le 27 juillet 2012, sous suite de frais judiciaires et dépens.

b.b A______ a conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais judiciaires et dépens.

b.c Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, et persisté dans leurs conclusions.

c. Par avis du 1er février 2022, la Cour les a informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

C.A. Des parties, de la conclusion des contrats et de leur reprise.

a. A______, société anonyme ______ sise à Genève, a pour but l'exploitation d'une banque.

b. D______, ayant son siège à Zurich, est active dans le domaine des technologies de l'information, et en particulier la distribution de solutions informatiques.

c. H______ SA, désormais radiée du Registre du commerce du canton de Vaud, était également active dans le domaine des technologies de l'information.

Depuis 1991, H______ SA était en charge de l'hébergement et de l'exploitation du système informatique de A______.

d. Le 16 novembre 2006, H______ SA et A______ ont conclu un ensemble de contrats, dits contrats "I______", par lesquels H______ SA s'engageait à procéder à la migration du système informatique de A______ de la plateforme "J______" vers la plateforme "K______", puis à assurer l'exploitation de cette plateforme pour une durée de cinq ans.

La plateforme "J______", développée par H______ SA, faisait appel à des technologies coûteuses et son exploitation était onéreuse, de sorte que A______ avait souhaité trouver une solution plus en adéquation avec ses besoins.

Quant à la plateforme "K______", dont les coûts de l'infrastructure, du développement et de la maintenance sont nettement moindres que ceux de "J______", elle a été développée par K______ SA.

e. Les contrats "I______" étaient composés de deux contrats cadres (infra e.a.), auxquels étaient rattachées de nombreuses annexes (infra e.b.).

e.a. S'agissant des deux contrats-cadres conclus le 16 novembre 2006, il en existait un pour le volet "hébergement" ("Contrat d'hébergement"; H), soit "l'hébergement de la plateforme informatique de A______ et sa migration depuis l'infrastructure actuelle" (art. 2.1 du contrat d'hébergement) et un pour le volet "intégration" ("Contrat d'intégration"; I), soit "la migration de la plateforme informatique de A______ vers sa nouvelle plateforme et sa maintenance applicative" (art. 2.1 du contrat d'intégration). La "bascule" désigne la date d'activation de la plateforme "K______",

Les deux contrats-cadres, rédigés de manière essentiellement identique, prévoyaient notamment les dispositions suivantes :

"Article 3: Obligations de l'hébergeur/intégrateur

[ ]

3.1.3. Obligation de fournir les prestations/pas d'interruption du service

L'hébergeur/intégrateur [i.e. H______ SA] reconnaît expressément que l'exécution de ses obligations conformément au contrat est essentielle au bon déroulement des opérations de la banque [A______]. En conséquence, en cas de différend (y compris sur des questions financières), l'hébergeur/intégrateur s'engage à continuer à se conformer à ses obligations contractuelles de bonne foi pendant la résolution de ce différend, jusqu'à [la résolution du différend ou la fin du contrat].

[ ]

3.1.5. Obligation générale d'information et de conseil

L'hébergeur/intégrateur a l'obligation de fournir à la banque, de façon précise et détaillée, sous la forme d'une documentation appropriée en langue française et régulièrement mise à jour:

- toutes les informations nécessaires à la banque pour apprécier le respect par l'hébergeur/intégrateur de ses obligations contractuelles;

- toutes les informations requises pour comprendre la manière dont les prestations sont rendues;

- toutes les informations qui permettraient d'améliorer les prestations, soit en termes de performances, soit en termes de coûts.

[ ]

3.1.10. Documentation

L'hébergeur/intégrateur s'engage à documenter en langue française, à maintenir à jour et accessible à distance une documentation technique complète, fiable et détaillée, et à remettre une telle documentation à la banque sur sa simple demande à chaque mise à jour, pour chaque prestation qui doit être fournie dans le cadre du contrat, dans la mesure décrite dans les contrats d'application (la 'documentation') [ ].

[ ]

3.2. Prestations

L'hébergeur/intégrateur s'engage à fournir à la banque les prestations décrites dans ce Contrat et les Contrats d'application en échange du paiement par la Banque du prix convenu.

Même si une prestation n'est pas décrite dans le contrat, mais qu'elle est nécessaire à la fourniture d'une prestation, l'hébergeur/intégrateur s'engage à la fournir conformément au contrat. Il en ira de même pour une prestation non spécifiquement documentée, si l'offre en fait état et qu'un contrat d'application est incomplet sur ce point, étant précisé que (i) l'offre ne peut être consultée que pour approfondir la compréhension d'une prestation décrite dans un contrat d'application et que (ii) la référence à l'offre ne peut avoir pour effet de réintroduire des prestations volontairement biffées lors des négociations contractuelles.

[ ]

Article 4: Obligations de la Banque

4.1. Paiement

En échange de la fourniture des prestations conformément au Contrat, la Banque s'engage à payer à l'hébergeur/intégrateur les montants correspondants indiqués dans les Contrats d'application.

[ ]

Article 8: Prix et conditions de paiement

8.2. Prix

L'hébergeur/intégrateur fournit les prestations aux prix indiqués dans les contrats d'application et/ou SLA correspondants. Sauf indication contraire, le prix est forfaitaire et inclut tous les coûts nécessaires à l'exécution des prestations correspondantes, y compris les frais, dépenses et coûts de la maintenance des outils d'exploitation ou de licences de tiers.

Si un prix forfaitaire est convenu, l'hébergeur/intégrateur garantit à la banque que le prix suffira à l'exécution complète des prestations, sous réserve de toute modification convenue par écrit par les parties en conformité avec l'article 14.

[ ]

8.4. Travail en régie

Pour tout travail en régie, l'hébergeur/intégrateur fournira à la fréquence définie dans les Contrats d'application avec la facture un rapport détaillé des prestations fournies par jour pour chaque collaborateur ou sous-traitant engagé (individualisé) au profit de la banque.

[ ]

Article 11: Responsabilité et Procédure d'indemnisation

11.1. Limitations

La responsabilité de l'hébergeur/intégrateur envers la banque est limitée aux dommages causés par l'hébergeur/intégrateur en violation de ses obligations contractuelles ou légales. Elle est en toute hypothèse – dans les limites autorisées par la loi – limitée au montant de CHF 1'000'000.- par année civile.

La responsabilité de l'hébergeur/intégrateur est en outre limitée aux dommages directs. L'hébergeur/intégrateur exclut de ce fait – dans les limites autorisées par la loi – toute responsabilité pour les éventuels dommages indirects tels que pertes de profit, pertes d'exploitation ou pertes d'opportunités subis par la banque.

11.3. Notification à l'hébergeur/intégrateur

La banque notifiera à l'hébergeur/intégrateur, par courrier recommandé, toute demande en responsabilité dès que possible mais au plus tard 90 jours à compter de la découverte complète de l'état de fait pouvant donner lieu à une telle demande, en spécifiant, pour autant qu'il soit déterminable, le montant du préjudice indemnisable (l''appel en garantie').

Les parties reconnaissent que, pour les appels en garantie visant des prestations contenues dans les contrats d'application H.CA.MIG et I.CA.MIG, ce délai sera étendu à 3 mois après la fin du premier exercice comptable suivant la mise en production (PRO) pour les opérations relatives à la clôture.

Article 13: Propriété intellectuelle

La signature et l'exécution du contrat n'ont pas pour effet de transférer d'une partie à l'autre des droits de propriété intellectuelle, sauf si cela est explicitement prévu.

En particulier aucune disposition ne peut être interprétée comme imposant à l'hébergeur/intégrateur une divulgation de ses secrets commerciaux à la banque, étant précisé que cette disposition ne peut être invoquée par l'hébergeur/intégrateur à l'appui d'un refus de transmettre la documentation à la banque.

[ ]

Article 14: Modification des Prestations du Contrat

14.1. Proposition de modification

Durant l'exécution du contrat, les parties peuvent en tout temps proposer par écrit des modifications relatives aux prestations ou au Contrat et ses annexes.

L'autre partie doit se prononcer sur la proposition dans un délai de quinze jours [ ].

Les parties poursuivront l'exécution de leurs prestations pendant la période d'examen.

14.2. Forme des modifications

Les modifications convenues doivent être fixées par écrit et acceptées par les parties, notamment les modifications de cahier des charges, d'enveloppe financière ou de calendrier.

[ ]


 

Article 16: Durée et résiliation

16.1. Durée

Le Contrat entre en vigueur au jour de sa signature et reste en vigueur, à moins qu'il n'expire ou soit résilié préalablement en conformité avec ses termes, pendant une durée initiale de 5 ans à partir de l'acceptation de la fin de la phase PRO (la 'durée initiale').

Ce Contrat peut être résilié par la banque après une période initiale de trois ans à partir de l'acceptation de la fin de la phase PRO, indépendamment de toute faute de la part de la banque ou de l'hébergeur/intégrateur.

En cas de résiliation du Contrat avant cinq ans, la banque donnera un préavis de six mois pour la fin d'une année et s'acquittera d'une pénalité de résiliation correspondant à 50 pourcent des montants facturés par l'hébergeur/intégrateur dans le délai de préavis pour les prestations faisant l'objet de la résiliation.

La banque a le droit de prolonger la durée initiale pour une période supplémentaire de douze mois par notification écrite à l'hébergeur/intégrateur au moins six mois avant l'échéance de la durée initiale.

[ ]

16.3 Résiliation extraordinaire

[ ]

Chaque partie a le droit de résilier le Contrat ou tous ou seulement certains Contrats d'application en cas de violation grave par l'autre partie de ses obligations contractuelles à laquelle elle n'aura pas remédié à l'expiration d'un délai de mise en demeure de trente jours notifié par la partie qui entend résilier le Contrat ou les Contrats d'application en cause.

La résiliation pour cause de violation grave par une partie ne porte pas préjudice aux droits de l'autre partie de réclamer des dommages-intérêts.

Tout avis de mise en demeure et de résiliation devra être communiqué à l'autre Partie par pli recommandé ; le fait de ne pas invoquer immédiatement un cas de violation grave ne doit pas être considéré comme une renonciation à l'invoquer par la suite dans les 90 jours suivants la connaissance de la violation grave.

Sont notamment considérés comme des cas de violation grave:

-          Pour le Contrat et les Contrats d'application: toute circonstance qui constitue un juste motif au regard de la jurisprudence du Tribunal fédéral suisse [ ];


 

16.4. Conséquences de l'expiration ou de la résiliation

A l'expiration ou la résiliation du contrat pour quelque motif que ce soit:

a.        La banque indiquera par écrit à l'hébergeur/intégrateur les délais dans lesquels chaque Contrat d'application va expirer, étant précisé que ces délais ne peuvent dépasser la date d'expiration ou de résiliation de plus de trois mois;

b.        Les prix sont dus au prorata jusqu'à l'expiration des Contrats d'application;

c.         [ ]

d.        Un plan de réversibilité sera rédigé par l'hébergeur/intégrateur et conduit en collaboration avec la banque. Un tel plan devra être remis à la banque dans les deux mois qui suivent l'annonce faite par la banque de la résiliation. L'exécution d'un tel plan ne pourra excéder quatre mois à partir de l'acceptation de la banque du plan. Les coûts liés à la réversibilité seront facturés par l'hébergeur/intégrateur à la banque, sauf si le contrat est résilié par la banque en application des articles 16.2.1 ou 16.3, auquel cas les coûts seront entièrement à la charge de l'hébergeur/intégrateur.

Article 17: Cession et transfert

Le Contrat, ainsi que les droits et obligations en résultant, ne peuvent être cédés ou transférés à des tiers qu'avec l'accord préalable de l'autre partie.

[ ]

Article 19: Avenant

Le Contrat ne peut être amendé ou modifié que par un document écrit dûment signé par les parties".

Enfin, le droit suisse était applicable et les tribunaux du canton de Genève étaient compétents (art. 25 et 26 des contrats-cadres).

e.b. Chacun des contrats-cadres était accompagné d'annexes, identifiées par un sigle.

e.b.a. Les annexes au contrat d'hébergement étaient notamment les suivantes :

-       H.PLA (Plan de projet), qui détaillait les dix-neuf phases du projet de migration vers "K______", à savoir: ORG (adaptation du modèle d'organisation), PRC (achats), FAP (faisabilité du projet), GOV (gouvernance de projet), VAL (validation détaillée et distribution des missions), SUP (support et assistance), LOG (mise en œuvre de l'infrastructure de travail), HEB (mise en œuvre de l'hébergement), MDL (installation banque modèle), DEV (développement), PAR (paramétrage), MIG (migration), VER (gestion des versions), TST (tests), DOC (documentation), FOR (formation), PRO (mise en production), CLO (transfert à la fonction ordinaire) et DAJ______ (démontage et archivage de "J______").

-       H.CA.MIG (Contrat d'application Migration), qui détaillait les prestations attendues de l'hébergeur dans le cadre de la migration pour des prix fixés, selon la compréhension des parties, en "régie plafonnée".

Ce contrat d'application prévoyait ainsi notamment à son article 2.1 que "sauf mention contraire, les prix mentionnés [ ] s'entendent en mode régie. Si l'hébergeur estime qu'un dépassement est prévisible, il en informera immédiatement la banque par écrit, avec une information détaillée sur les raisons du dépassement envisagé. Le dépassement sera validé par le Comité de direction du projet si ce dernier le considère justifié".

En outre, selon l'article 2.3.19 du contrat d'application H.CA.MIG, l'hébergeur devait mettre en place les structures d'archivage et de sécurisation et archiver les données; il devait également mettre à disposition en lecture seule le système "J______" pendant une période de six mois après la bascule et l'ancien système comptable (L______) pendant une période de douze mois après la bascule, afin d'effectuer des contrôles et des recherches.

-       Au contrat d'application H.CA.MIG étaient en outre annexés les principes de gouvernance pour le mode "projet", soit la phase du projet jusqu'à la bascule (H.CA.MIG.GOV).

Ils prévoyaient la mise en place d'un Comité de direction (CODIR), ayant pour mission de contrôler l'exécution du projet "I______" et d'être l'organe de dernier recours pour toute décision dans le cadre du projet. Le CODIR était en outre compétent pour les dépassements de délais, la gestion et le suivi du plan général de migration, le suivi et la haute surveillance du budget, les décisions en matière de ressources financières additionnelles pour la réalisation du projet, le suivi et la surveillance du respect du périmètre projet et les décisions en matière de modifications de périmètre.

Il n'est plus contesté que le CODIR n'intervenait que pour la phase de migration du projet.

Etait en outre créé un Comité de pilotage (COPIL), ayant pour mission d'assurer l'exécution et le suivi continu du projet selon les objectifs fixés par le CODIR.

Des représentants de la banque, de l'hébergeur et de K______ SA étaient membres de ces deux entités.

-       H.CA.PRO (Contrat d'application Production), qui prévoyait les tâches de l'hébergeur après la mise en production du nouveau système informatique, à la fin de la phase PRO du projet, s'agissant des services d'infrastructures (gestion des serveurs et du réseau, gestion des systèmes d'exploitation), des services applicatifs (gestion et optimisation des bases de données) et des services d'assistance technique.

Les prix des prestations étaient prévus dans trente Service level agreements (accords de niveau de services; ci-après : SLA) annexés à ce contrat d'application, étant précisé que les prestations décrites dans le contrat d'application H.CA.PRO et pour lesquelles aucun prix n'était fixé dans les SLA ne pouvaient être facturées à la banque (art. 6.1 du contrat d'application H.CA.PRO).

L'article 4 du contrat d'application H.CA.PRO indiquait les prestations fournies par l'hébergeur dans le cadre de ce contrat. Il prévoyait en particulier, sous le chiffre 4.2.1 ("Services d'infrastructure: gestion du réseau"), les tâches suivantes : la conception, l'installation des évolutions des réseaux LAN/MAN/WAN; le paramétrage, l'exploitation, l'évolution, les maintenances correctives et applicatives des réseaux LAN/MAN/WAN; la surveillance de l'exploitation des composants utilisés et le maintien de ces derniers; l'analyse des éléments collectés lors de la surveillance et si nécessaire la prise de mesures adéquates; le contrôle et l'identification des tendances de disponibilité, de fiabilité et de maintenance sur les composants; la vérification et l'adaptation des paramètres des systèmes et des logiciels; la planification et l'exécution (en dehors des heures d'exploitation) des mises à jour ou des maintenances préventives des logiciels ou firmware des composants, incluant les installations, tests et intégrations de patch, fix et versions; l'établissement, le maintien et les contrôles de la documentation; la configuration des composants du réseau; le contrôle des journaux d'activité; les analyses de capacité du réseau; l'attribution des largeurs de bande en fonction des besoins des applications; le remplacement des composants défectueux sans frais pour la banque, en cas d'incident, la coordination de la suppression de défaillances ou des dysfonctionnements avec les sous-traitants avec si nécessaire la mise sur pied d'un groupe de travail; le patching des connexions réseaux dans les racks d'étage.

-       H.CA.SUP (Contrat d'application Support), qui prévoyait les tâches de l'hébergeur en lien avec le support aux utilisateurs après la mise en production du nouveau système informatique, à la fin de la phase PRO du projet. Le prix de ces prestations était de 583'000 fr. par an (art. 6.1).

-       H.CA.OUT (Contrat d'application Output), qui prévoyait les tâches de gestion des impressions papier découlant de l'utilisation des applicatifs de la banque par l'hébergeur après la mise en production du nouveau système informatique, à la fin de la phase PRO du projet, pour un prix par page fixé à 0 fr. 0789, prix de l'enveloppe compris (art. 6.1).

-       H.CA.PRJ (Contrat d'application Projet), qui prévoyait les prestations de gestion de projets à fournir par l'hébergeur après la mise en production du nouveau système informatique, à la fin de la phase PRO du projet. La gestion de projet concernait l'installation de nouvelles versions des applications et l'installation de nouvelles applications bancaires ou développements à la suite d'une extension du périmètre des applications, d'une extension géographique ou d'acquisition d'entité. Sauf juste motif, les offres devaient être effectuées sans frais (art. 2).

e.b.b. Quant aux annexes au contrat d'intégration, elles comprenaient notamment les trois contrats d'application suivants :

- I.CA.MIG (Contrat d'application Migration), qui prévoyait les prestations attendues de l'intégrateur durant la phase de migration, pour des prix fixés en "régie plafonnée" selon la compréhension des parties.

Ce contrat d'application prévoyait ainsi notamment à son article 2.1, dernier paragraphe, que "[s]auf mention contraire, les prix mentionnés dans ce contrat d'application s'entendent en mode 'régie'. Si l'Intégrateur estime qu'un dépassement est prévisible, il en informera immédiatement la banque par écrit, avec une information détaillée sur les raisons du dépassement envisagé. Le dépassement sera validé par le Comité de direction de Projet si ce dernier le considère justifié".

Ce contrat prévoyait également, à la rubrique "Démontage et archivage 'J______'", que l'intégrateur devait mettre en place les structures d'archivage et de sécurisation et archiver les données, ainsi que coordonner avec l'hébergeur la mise en place de l'accès à "J______" et à l'ancien système comptable L______ en lecture seule (art. 2.3.19 du contrat d'application I.CA.MIG).

Ce contrat comprenait en outre une annexe 1 intitulée "Description du système de Bonus/Malus (Projet)", dont l'article 3 prévoyait les modalités de la rémunération de l'intégrateur pour la réussite des étapes majeures. L'article 3.3 prévoyait que l'intégrateur ne pourrait facturer ses prestations que sur la base d'une décision positive du CODIR.

- I.CA.PRJ (Contrat d'application Projet), qui prévoyait les prestations de gestion de projets à fournir par l'intégrateur après la mise en production du nouveau système informatique, à la fin de la phase PRO du projet. Sauf juste motif, les offres devaient être effectuées sans frais (art. 2).

- I.CA.TMA (Contrat d'application "Prestation de tierces (sic) maintenance applicative"), qui prévoyait les obligations de l'intégrateur s'agissant du suivi et de la mise en œuvre des mises à jour des logiciels ("patches" ou "fixes", soit des mises à jour dites correctives, qui n'amènent pas de nouvelles fonctionnalités aux logiciels; cf. art. 1.1), pour un prix annuel forfaitaire de 2'270'000 fr. (art. 5.1).

e.b.c Aux contrats d'application étaient encore rattachées diverses annexes, comprenant notamment les SLA, régissant les conditions et niveaux du service dus par le prestataire à partir de la mise en production du nouveau système informatique ainsi que les prix de certaines prestations.

Ces documents ne comportent pour la plupart pas de prix et n'ont pas été signés.

Les SLA devaient être mis en place dans les trois mois suivant la bascule, mais au vu des problèmes intervenus et des tensions apparues entre les parties, cela n'a pas été le cas.

e.b.d Etait en particulier annexé au contrat d'application H.CA.PRO un SLA "Sauvegarde et archivage" portant le sigle H.CA.PRO.SLA.SAV. Il prévoyait une volumétrie de stockage de 24 térabytes pour les sauvegardes et l'archivage.

f. Le patrimoine de H______ SA a été repris en 2007 par D______, qui, à la fin 2006, a procédé à une due diligence de cette société.

Les employés de D______ ayant procédé à la due diligence ont exposé devant le Tribunal que l'existence des contrats "I______", qui n'étaient pas encore signés à ce moment-là, n'avait été portée à leur connaissance que le dernier jour de leur examen, par la publication d'un communiqué de presse. D______ était au courant de l'existence d'un appel d'offres pour le passage à la plateforme "K______" puisqu'elle avait également soumis une offre; elle savait également c SA avait soumissionné. [La banque] M______, actionnaire de H______ SA, avait ensuite transmis les contrats "I______" à D______ au début 2007, en demandant de les inclure aux discussions en cours concernant la reprise de H______ SA. Les contrats "I______" n'étaient à leur sens pas clairs, notamment s'agissant des prix, qui étaient dispersés dans de nombreuses clauses et difficiles à calculer.

g. Le 17 avril 2007, A______, H______ SA, M______ et D______ ont conclu un avenant (ci-après : l'avenant) présentant la teneur suivante :

"Préambule:

1.      L'informatique de A______ est aujourd'hui géré en grande partie par H______, sur la base des contrats signés et amendés entre 2002 et 2004 (les "Contrats J______").

2.      [ ]

3.      H______ est sur le point de vendre l'ensemble de ses actifs et passifs à D______ par le biais d'un transfert de patrimoine au sens des art. 69 ss LFus (le "Transfert du Patrimoine").

4.      Il est prévu que le Transfert du Patrimoine soit effectué le 1er juin 2007 (la "Date effective") et porte sur l'intégralité des contrats J______ et des Contrats I______ (les "Contrats") conclus entre H______ et A______.

5.      Dans ce cadre, M______, H______ et D______ ont conclu que tous les Contrats soient transférés sous les conditions de cet Avenant de H______ à D______ avec tous leurs droits et obligations. Cependant, le consentement de A______ doit être obtenu à cet effet.

6.      Lors d'une réunion tenue le 11 avril 2007 dans les locaux de A______, D______ a confirmé à A______ ce qui précède et sa volonté de reprendre à son compte les Contrats, avec les modifications contenues dans le présent avenant.

7.      [ ]

8.      Dans ce contexte, D______ s'engage à respecter les structures organisationnelles et la conduite opérationnelle mise en place par H______ en vue de la réalisation et de la bonne exécution du projet I______ telles que décrites dans les Contrats I______ (p. ex. les feuilles de route) ainsi que les processus et les procédures agréés ou implémentés entre H______ et A______ dans les Contrats J______.

9.      D______ a également accepté, lors de la réunion du 11 avril 2007, de prendre à sa charge exclusive une partie des risques de dépassements financiers liés à la réalisation du projet I______. De son côté, M______ a accepté, lors de la même réunion, de prendre à sa charge, dans la mesure exposée ci-dessous, une partie des risques de dépassement financier par rapport au projet I______. En outre, A______ a accepté de modifier le régime de facturation des contrats d'application I.CA.MIG et H.CA.MIG d'un mode en régie plafonnée en un mode en régie pure ("time & material") et de prendre à sa charge, dans la mesure exposée ci-après, une partie du risque financier lié au projet I______.

10.  Aux conditions exposées ci-après, A______ est disposée à consentir au transfert desdits Contrats.

Cela étant précisé, les parties conviennent dès lors de ce qui suit.

Article 1 – Définitions

Sous réserves d'éventuelles modifications dans le présent Avenant, les termes définis dans le présent Avenant sont identiques aux termes définis dans les Contrats.

Article 2 – Transfert des Contrats

Aux conditions prévues dans cet Avenant, A______ consent au transfert des Contrats de H______ à D______.

Article 3 – Modifications Contrats (sic)

[ ]

1.3.                A titre de clarification, les parties décident de modifier l'article 2.1, 7e paragraphe du contrat H.CA.MIG comme suit: "La proposition financière de H______ du 2 octobre 2006 concernant les prestations d'hébergement (matériel, logiciel, ressources humaines) se décompose comme suit :

-          Coût de l'investissement initial durant le projet : CHF 4'279'000.-.

-          Coût d'infrastructure durant le projet pour une durée de 21 mois : CHF 542'000.-.

-          Coût de l'exploitation sur 5 ans : CHF 12'204'000.-.

-          Coût d'output sur 5 ans : CHF 3'910'000.-.

-          Coût de support sur 5 ans : CHF 2'915'000.-.

Soit un total de CHF 23'850'000.- sur 5 ans".

[ ]

Article 4 – Aspects financiers

4.1. Budget I______ : Le projet I______ avait initialement été évalué à CHF 52'307'000.-. Les parties conviennent de réévaluer le budget total du projet I______ à CHF 53'307'000.- (le "Budget"), étant entendu que l'entier des coûts effectifs ('time and material') sont pris en considération, y compris les éventuels Malus (y inclues toutes les pénalités de retard, et pénalités découlant d'un manquement au niveaux (sic) de services) et que le million additionnel, qui correspond à un effort de 590 j/H, ne concerne que la phase MIG et se substitue à l'exigence d'acquisition du module "N______" auprès de O______; les dispositions des contrats d'application correspondant (sic) sont modifiées en ce sens.

4.2. Changements de périmètre : Dès lors que le système de régie plafonnée est maintenu dans le cadre des contrats d'application I.CA.MIG et H.CA.MIG, tout changement de périmètre qui tomberait sous le coup de l'article 14 du Contrat d'Intégration ou du Contrat d'Hébergement devra faire l'objet d'un décompte détaillé de la diminution ou de l'augmentation des efforts, du prix et des coûts sur l'intégration, l'hébergement, le support et la tierce maintenance applicative. Ce décompte systématique sera remis au CODIR sans tarder pour validation.

4.3. Facturation : Pour la phase MIG et en dérogation de l'article 3.3 de l'annexe 1 I.CA.MIG et de l'annexe 1 H.CA.MIG, D______ fournira ses prestations sur la base d'un mode en régie ('time and material'). En conséquence D______ pourra facturer ses prestations mensuellement sur la base de time-sheets et s'engage à émettre immédiatement des notes de crédit pour les éventuels malus ou réductions de paiement résultant de la non-réussite d'une Etape Majeure. Les factures de D______ indiqueront les efforts totaux mais D______ facturera à A______ et M______ seulement les montants qui correspondront aux dispositions 4.4-4.8 ci-après. En cas de non-atteinte des critères de performance/livrables au sens des contrats d'application I.CA.MIG et H.CA.MIG, les parties reconnaissent que les prestations supplémentaires fournies par D______ en vue d'atteindre ces critères seront facturées en régie ('time and material'). La même règle s'applique pour les prestations fournies par D______ en vue de corriger les défauts dans le cadre de la phase MIG. En cas de défaut, l'action minutoire au sens de l'article 368 alinéa 2 du Code des obligations est expressément exclue dans le cadre de la phase MIG.

4.4. Couverture D______ : D______ s'engage à prendre à sa charge l'intégralité d'un éventuel dépassement de budget correspondant à un taux de couverture de 12.19 % du Budget, soit un montant de CHF 6'500'000.-, jusqu'à hauteur de CHF 59'807'000.- (la "Couverture D______").

4.5. Eventuel Bonus D______ : En cas de réussite "on time/in scope" des Etapes Majeures conformément et aux conditions des Contrats I______ et pour autant que le Dépassement de Budget ne soit pas supérieur à la Couverture D______, D______ perçoit un bonus en lieu et place de H______. L'éventuel bonus de D______ est soumis aux mêmes conditions que celui prévu pour H______, si ce n'est qu'il est réduit à 7.5 % en lieu et place des 15 % initialement prévus pour H______.

4.6. Couverture Exclusive M______ : Au-delà de la Couverture D______, M______ s'engage à prendre à sa charge 100 % du Dépassement de Budget du projet I______ correspondant à un taux de couverture de 10.32 % du Budget, soit un montant de CHF 5'500'000.-, ceci entre CHF 59'807'001.- et CHF 65'307'000.- (la "Couverture Exclusive M______"). En d'autres termes, un dépassement de Budget entre CHF 59'807'001.- et CHF 65'307'000.- ne sera pas facturé par D______ à A______ mais facturé par D______ à M______.

4.7. Couverture partagée M______/A______ : Au-delà de la Couverture Exclusive M______, M______ et A______ s'engagent à prendre à leur charge, à raison de 50 % chacun, tout Dépassement de Budget du projet I______ correspondant à un taux de couverture de 17.82 % du Budget, soit un montant de CHF 9'500'000.-, ceci entre CHF 65'307'001.- et CHF 74'807'000.- (la "Couverture Partagée M______/A______"). En d'autres termes, un Dépassement de Budget entre CHF 65'307'001.- et CHF 74'807'000.- sera facturé par D______ à A______ à hauteur de 50 % dudit Dépassement de Budget. Les 50 % restants du Dépassement de Budget seront facturés par D______ à M______.

4.8. Couverture exclusive A______ : Au-delà de la Couverture M______/A______, A______ s'engage à prendre à sa charge tout Dépassement de Budget supplémentaire du projet I______ (la "Couverture Exclusive A______"). En d'autres termes, un Dépassement de Budget au-delà de CHF 74'807'000.- sera intégralement facturé par D______ à A______.

[ ]

4.10 Gouvernance: A partir de la Date Effective et jusqu'à ce que le Budget du projet I______ atteigne CHF 74'807'000.-, D______ remettra à M______ l'agenda des séances du CODIR, étant entendu que M______ dispose du droit de consulter tous documents y relatifs auprès de D______. Sur simple demande et dans les limites mentionnées ci-dessus, M______ pourra également demander de participer au CODIR sans droit de vote.

Article 6 – Divers

6.1. Pas d'autres modifications : Sous réserve des modifications et/ou compléments résultant du présent Avenant, les termes des Contrats restent inchangés et aucune disposition de cet Avenant ne peut ni ne doit être interprété comme une renonciation par A______ à un quelconque droit conféré par les Contrats, ni ne peut avoir cet effet. D______ reconnaît aux fins des présentes qu'aucune autre modification des Contrats liée à leur négociation dans le cadre du Transfert de Patrimoine n'est prévue.

6.2. Engagement de reprise : D______ confirme expressément que cet Avenant contient toutes les modifications exigées pour la reprise intégrale des Contrats, et s'engage ainsi à prester dans le cadre des contrats, dès leur reprise, dans leur plus strict respect.

Le droit suisse était par ailleurs applicable, et le for fixé à Genève (art. 7 et 8 de l'Avenant).

h. Le Tribunal a pris en compte les éléments pertinents suivants ressortant des négociations ayant conduit à la conclusion de l'avenant :

h.a. Le 11 avril 2007, P______, Client Solution Executive auprès de D______, a adressé à d'autres employés de D______ divers tableaux dont D______ a allégué qu'il en ressort un surcoût estimé de 23'800'000 fr. pour l'ensemble du projet.

Ces tableaux se présentent notamment comme suit :

A______ Contract - Migration

2007

2008

 

Migration and integration

12.87

 

 

Investments (HW + SW)

4.28

 

 

Total Implementation

17.15

 

 

D______ in addition

3.5

10.20

13.70

 

 

A______ Contract - Operation

5 years

Maintenance tierce

11.38

Support

2.92

Operation

12.75

Total Ongoing Operation

27.04

D______ in addition

10.10

Total

37.14

 

 

 

 

 

Agreement

IBM in addition

Total

Total A______ cost

44.18

23.81

67.99

 

Migration

Run

Total

Total cost by type

30.85

37.14

67.99

D______ a allégué que l'addition des montants de 13'700'000 fr. et de 10'100'000 fr. figurant sous les rubriques "D______ in addition" pour la migration et la production correspond au surcoût total, estimé à 23'810'000 fr.

D'autres tableaux présentaient divers scénarios de répartition entre les parties de ce surcoût estimé. Un des tableaux prévoyait une offre à un prix forfaitaire.

Ces tableaux ont été présentés à A______ lors d'une séance intervenue entre les parties le même jour. Le prix indiqué, d'environ 44'000'000 fr., était inférieur au total du contrat convenu avec H______ SA, toutes les prestations n'ayant pas été prises en compte. Le montant avait finalement été recalculé et arrêté à environ 52'000'000 fr.

h.b. Le 12 avril 2007, P______ a adressé à divers collaborateurs de D______ un courrier électronique comprenant notamment la teneur suivante : "We (Q______, R______, S______ and myself) had yesterday a long day discussing the details of the Geneva K______ contract with A______. We finally got a common agreement, which puts D______ in a situation, that D______ will bill all our work on a time & material base".

S______, juriste de D______, avait lui aussi compris que l'ensemble des prestations pouvaient être facturé en régie pure.

h.c. P______ a exposé, lors de son audition par le Tribunal, ne pas avoir l'habitude d'effectuer des négociations en français, de sorte qu'il s'était adjoint un collaborateur parlant cette langue pour la négociation de l'avenant. Le périmètre des contrats "I______" n'était pas clair. Les prix étaient difficiles à comprendre, car ils étaient disséminés dans les différents contrats. M______ avait fixé la date du 17 avril 2007 pour la signature des contrats, de sorte que D______ avait été pressée par le temps. Après la réunion du 11 avril 2007, il n'était plus intervenu, considérant que les discussions pour finaliser la formulation de l'avenant ne le concernaient pas.

S______ a confirmé que, selon ses souvenirs, les questions financières n'avaient plus été discutées après la réunion du 11 avril 2007.

h.d. Il n'est plus contesté que le risque financier des contrats "I______" était considéré comme trop important par D______.

Dans la mesure où D______ exigeait à cet égard une décote du prix d'achat de H______ SA, un système de couverture des coûts, qui offrait une garantie de 16'750'000 fr., avait été mis en place avec M______ (cf. art. 4.4 à 4.8 de l'avenant).

h.e. Quant au mode de fixation du prix dans l'avenant, les employés et représentants de A______ ont exposé qu'il était clair pour eux que l'avenant prévoyait un prix forfaitaire, à l'exception d'une partie des prestations de migration, pour lesquelles le prix était passé de la régie plafonnée à la régie "pure", les concessions effectuées par la banque étant sur ce point significatives s'agissant de contrats qui avaient déjà été signés.

De même, il était clair pour les précités que le système de couvertures ne concernait que la phase de migration. Selon le témoin T______, responsable de la division "Opérations et Technologies d'Information" de A______ depuis 2003, non assermenté par le Tribunal, A______ avait choisi, dans le système de couverture prévu par les art. 4.6 et suivants de l'avenant, "la 1ère option", soit de faire appel aux garanties le plus vite possible dans l'avancement du projet.

h.f. Les représentants et employés de D______ ont déclaré avoir compris l'accord du 17 avril 2007 de manière diamétralement opposée.

P______ a ainsi exposé que l'accord auquel était parvenues les parties permettait à D______ de facturer l'ensemble de ses prestations en régie, avec le système de prise en charge des coûts supplémentaires par chacune des parties ainsi que M______. Aucune différence n'avait été faite par les parties entre les prestations de migration et de production et, selon sa compréhension, il était clair pour les participants aux réunions que le système de couverture s'appliquerait à toutes les prestations, qu'elles relèvent de la migration ou de la production.

Q______, le CEO de D______ au moment de la conclusion de l'avenant, avait indiqué à ses collaborateurs qu'un accord avait été trouvé avec A______ afin de facturer l'ensemble des prestations de D______ en régie.

P______ et S______ ont précisé que, de manière générale, D______ prévoyait parfois des prestations au forfait, pour la migration et la production, dans la mesure où la volumétrie était clairement définie. Le forfait était plus fréquent pour la production que pour la migration, dans la mesure où la migration pouvait présenter beaucoup d'inconnues.

i. En application de l'avenant, l'exécution des contrats susvisés a été reprise par D______ à compter du 1er juin 2007.

C.B. L'exécution des contrats et les divergences entre les parties

a. Des divergences sont rapidement nées entre les parties sur plusieurs points, à savoir la rémunération de D______, des demandes de D______ tendant à être rémunérée pour des prestations relevant à son avis de dépassements budgétaires ou se trouvant hors périmètre contractuel et enfin des retards et défauts reprochés à D______ par A______ à la suite de la migration.

b. Le 7 juin 2007, une séance a eu lieu entre les parties, à la suite de quoi le Conseil de A______ a adressé à cette dernière deux projets de procès-verbaux.

Selon un projet de "Procès-verbal de la réunion du 7 juin 2007 relative au contenu de l'avenant contractuel et à l'interprétation de certains points des contrats d'hébergement et d'intégration dans le cadre du projet I______ du 16 novembre 2006", A______ et D______ indiquaient s'entendre pour comprendre le maintien à l'article 4.2 de l'avenant contractuel de la référence à la régie plafonnée de telle manière que tout changement de périmètre entraînerait automatiquement une modification du plafond, ceci que le périmètre soit réduit ou augmenté, le changement de périmètre devant alors faire l'objet d'un décompte détaillé de la diminution ou de l'augmentation des efforts requis. En outre, les parties s'entendaient "pour comprendre la référence faite à la "phase MIG" à l'article 4.3 de l'Avenant comme couvrant toutes les prestations relevant des contrats H.CA.MIG et I.CA.MIG, lesquelles [seraient] également facturées en mode régie".

Selon un projet de "Procès-verbal de la réunion du 7 juin 2007 relative à l'approche des contrats du 16 novembre 2006 et de l'avenant contractuel du 17 avril 2007", A______ a notamment rappelé durant cette séance que, bien que la facturation des contrats d'application H.CA.MIG et I.CA.MIG fût passée du mode de régie plafonnée en mode de régie pure, un dépassement de budget devait impérativement rester hypothétique et n'avait pas à être considéré déjà à ce stade comme un fait admis par les parties, qui s'étaient liées pour respecter dans la mesure du possible les enveloppes budgétaires agréées. D______ ayant indiqué que des ressources additionnelles semblaient nécessaires pour éviter des retards, il était convenu qu'elle procéderait à un recalibrage vertical du projet et le présenterait à A______, l'objectif restant de tenter de respecter l'enveloppe budgétaire actuelle.

Ces projets ne sont pas signés. Il ne ressort pas des pièces produites qu'ils ont été transmis à D______, qui a contesté les avoir reçus.

c. Diverses discussions ont eu lieu entre les parties à propos de la rémunération de D______ dès l'année 2007.

Par courrier du 26 octobre 2007, D______ a notamment indiqué à A______ qu'elle n'était pas disposée à continuer de fournir des prestations pour lesquelles elle n'était pas correctement rémunérée. Dans l'attente de la réponse de A______, elle se voyait contrainte de ne fournir aucune prestation relative aux trente-quatre demandes de changements de périmètre encore ouvertes et de n'affecter aucune ressource supplémentaire avant qu'un accord satisfaisant soit conclu.

Par réponse du 14 novembre 2007, A______ a contesté la qualification de plusieurs des changements de périmètre sollicités par D______, en exposant qu'ils étaient prévus par l'un ou l'autre des contrats d'application. Elle demandait également à D______ de respecter son devoir de diligence afin de se tenir aux budgets prévus.

d. Selon un "Mémorandum de clarification" du 21 avril 2008, les parties ont clarifié la notion de modification de périmètre dans le cadre du contrat I.CA.MIG (point 1).

A______ a en outre reconnu l'existence d'un ensemble de changements de périmètre pour une surface financière de 8'500'000 fr. TTC, dont le détail était annexé (point 2). Les parties ont ensuite admis qu'un dépassement budgétaire de 8'500'000 fr. serait nécessaire pour finaliser le projet et serait pris en charge suivant les dispositions de couverture prévues dans l'avenant du 17 avril 2007 (point 2).

Les dépassements budgétaires devaient être présentés et approuvés au CODIR et seraient déduits des factures émises au prorata des mensualités concernées, étant précisé que les factures devaient comprendre une description détaillée des prestations (point 3).

A______ acquitterait avant le 22 avril 2008 les factures des mois de décembre 2007 à mars 2008 jusqu'à concurrence d'un plafond équivalent à la valeur du contrat I.CA.MIG soit 13'843'816 fr. TTC. Quant à D______, au plus tard avant le CODIR du 13 mai 2008, elle produirait une note de crédit d'une valeur équivalente aux dépassements budgétaires identifiés du 1er juin 2007 au 31 mars 2008. A partir de la mensualité d'avril 2008, D______ appliquerait les dispositions prévues au point 3 (point 4).

Etaient annexés à ce document des tableaux listant les modifications de périmètre à accepter, celles déjà acceptées ainsi que le dépassement budgétaire.

e. Les employés et représentants de A______ entendus par le Tribunal sur ces questions ont exposé que les équipes de D______ semblaient avoir reçu pour instructions de facturer tout ce qu'elles pouvaient; une augmentation drastique des heures saisies avait été constatée dès la reprise par D______. A______ avait immédiatement demandé des clarifications, mais les réponses de D______ et les timesheets fournis n'étaient pas suffisamment détaillés pour permettre de vérifier le bien-fondé de ces prestations.

D______, qui semblait chercher à renégocier les contrats, avait ensuite demandé un dépassement budgétaire de 17'000'000 fr., tout en menaçant de cesser de fournir ses prestations si ce montant ne lui était pas versé. Pour A______, l'autre terme de l'alternative, qui consistait à changer de prestataire quelques mois avant la migration, n'était pas envisageable. Les parties avaient finalement trouvé un accord sur un paiement de A______ de 8'500'000 fr., le second montant de 8'500'000 fr. étant pris en charge par D______ dans le cadre du système de couvertures convenu entre les parties.

f. Un employé de D______ a exposé que les prix des contrats avaient été sous-évalués. Ainsi, dès la reprise des contrats, il avait été discuté des efforts additionnels et changements de périmètre nécessaires, ce qui avait abouti au "Mémorandum de clarification" susvisé. Les tableaux annexés avaient fait l'objet d'un travail important des parties, car il n'était pas toujours aisé de distinguer les activités qui relevaient d'un dépassement budgétaire ou d'un changement de périmètre. Le résultat final était le fruit d'un compromis entre les parties. Il n'y avait pas eu de menaces de la part de D______, car il était normal de refuser de travailler sans un accord de principe.

En outre, dès le début de la migration, A______ avait sollicité des réductions sur les prix convenus, ou la mise à disposition de serveurs gratuitement.

g. Il n'est pas contesté que la bascule vers la plateforme "K______" a eu lieu le 1er octobre 2008.

A partir du 2 octobre 2008 a débuté la phase dite "de production" du projet, à savoir l'exploitation du nouveau système.

h. Les 8 et 9 décembre 2008, D______ a adressé à A______ des factures pour ses prestations relevant des contrats I.CA.TMA, H.CA.PRO, H.CA.SUP et H.CA.OUT pour la période du 1er octobre 2008 au 31 décembre 2008.

Le libellé de la facture concernant ses prestations relatives au contrat H.CA.PRO indiquait : "Annexe H.CA.PRO au contrat d'Hébergement [ ], Facturation mensuelle (1/60 de CHF 12'257'320.-, Montant revu en fonction des Change Requests validés en CODIR".

La facture relative au contrat H.CA.SUP n'indiquait pas expressément si elle était forfaitaire ou en régie, mais portait sur un montant correspondant à un soixantième du budget relatif au support.

La facture relative au contrat H.CA.OUT indiquait : "Facturation mensuelle à la consommation" pour des prestations d'impression à un prix de 0 fr. 0789 par page.

Quant aux factures pour les prestations relevant du contrat I.CA.TMA, elles indiquaient: "Facturation mensuelle en régie selon détails ci-joints". Ces factures concernaient des prestations de résolution des incidents, de support et de taskforces, de maintenance évolutive et corrective pour l'application "K______", ainsi que de releases. Le détail des prestations fournies ne comprenait pas de timesheet détaillé par collaborateur.

i. D______ a allégué qu'un mode de facturation en régie pour des prestations périodiques était "relativement peu commun", de sorte qu'elle avait eu besoin d'une période d'adaptation afin de mettre en place un système de facturation opérationnel.

Selon le juriste de D______, entendu par le Tribunal sur cette question, D______ n'était pas préparée à facturer en régie le type de prestations périodiques visées par les contrats H.CA.PRO, H.CA.SUP et H.CA.OUT. Ainsi, il avait été contacté par des collègues afin de savoir comment établir la facturation. Il avait fourni des instructions qui s'étaient perdues, de sorte que les premières factures adressées pour la phase de production comportaient un prix forfaitaire.

j. Par courrier du 15 décembre 2008, A______ a indiqué à D______ qu'elle refusait d'acquitter les factures relatives au contrat I.CA.TMA. Les évolutions correctives de "K______" et des applications tierces étaient en effet couvertes par le forfait prévu pour ce contrat et ne pouvaient être facturées en sus. S'agissant des prestations relatives à la gestion des incidents et les task forces post-bascule, ils n'avaient pas à être facturés au titre du contrat I.CA.TMA mais sous forme de dépassement budgétaire, à faire valider par le COPIL et le CODIR dans le cadre du projet de migration. A______ sollicitait enfin que les timesheets des heures prestées lui soient fournis.

Les trois autres factures ont été acquittées par A______.

Par réponse du 20 janvier 2009, D______ a contesté que les factures portant le libellé I.CA.TMA correspondent à des activités réalisées dans le cadre du "reste à faire" du projet "I______". La facturation en régie était correcte selon son interprétation de l'avenant. S'agissant des activités de gestion des incidents post-bascule, il s'agissait de changements de périmètre qui avaient été expressément commandés lors des réunions ou au moyen de la soumission des incidents à traiter.

k. Entre janvier et août 2009, D______ a adressé mensuellement à A______ une facture pour ses prestations relevant du contrat H.CA.PRO, qui porte l'indication: "Pour des raisons de simplification, la facture est établie en prenant en compte le 1/60 du budget "I______" pour l'exploitation, réactualisé selon détail ci-joint. D______ se réserve le droit de facturer les coûts effectifs (time and material) selon l'avenant contractuel du 17.04.2007".

l. Elle a procédé de manière identique pour ses prestations relevant du contrat H.CA.SUP.

m. S'agissant des prestations libellées comme relevant du contrat I.CA.TMA, D______ a également établi des factures mensuelles pour les prestations qu'elle a effectuées entre décembre 2008 et décembre 2009. Ces factures portent l'indication "Facturation en régie (time and material) selon Avenant contractuel du 17 avril 2007". Leurs annexes ne comportent pour la plupart pas de timesheet détaillé.

A partir de février 2009, les factures indiquent en sus qu'elles concernent des "demandes informatiques" (DI), le "budget initial forfait" (BI-F), le "budget initial projets" (BI-F), les releases (REL) ou des changements de périmètre (CP). Leurs annexes ne comportent pour la plupart pas de timesheet détaillé.

n. Le 13 mars 2009, D______ a établi de nouvelles factures pour ses prestations d'octobre à décembre 2008. Outre l'indication "Facturation en régie (time and material) selon Avenant contractuel du 17 avril 2007", ces factures indiquent alternativement qu'elles concernent des demandes informatiques (DI), le budget initial forfait (BI-F), le budget initial projets (BI-F), les releases (REL) ou des changements de périmètre (CP). Ces factures sont accompagnées de timesheets.

o. S'agissant de ses prestations relevant du contrat H.CA.OUT, D______ a facturé ses prestations mensuellement entre octobre 2008 et juillet 2009. Les factures portent l'indication: "Facturation mensuelle à la consommation", pour des prestations d'impression à un prix de 0 fr. 0789 par page.

Les factures relatives au contrat H.CA.OUT ont été acquittées par A______.

p. Parallèlement à l'envoi des factures susmentionnées, les parties se sont échangées divers courriers dans lesquels chacune a persisté dans sa position, A______ refusant d'acquitter les montants en régie réclamés par D______ et cette dernière réclamant d'être payée.

Pour les factures qu'elle contestait, A______ a acquitté les montants forfaitaires indiqués dans les contrats "I______".

q. Par courrier du 24 août 2009, D______ a indiqué à A______ qu'elle procéderait à la refacturation de ses prestations effectuées après la bascule et déjà facturées, une séance intervenue entre les parties ayant à son avis permis de clarifier l'intention des parties originelles aux contrats "I______" s'agissant de la fixation des prix. Elle facturerait également à A______ des coûts d'infrastructures additionnels qui avaient été engendrés, et qu'elle n'avait pas facturé pour l'instant dans l'espoir de régler le litige qui opposait les parties. D______ faisait le constat que les relations entre les parties devaient changer; elle proposait à A______ de conclure un nouveau contrat à un prix fixe et lui suggérait d'organiser une réunion à cet effet.

Les employés et représentants de D______ entendus par le Tribunal ont exposé que les ressources consommées par la banque étaient à leur avis supérieures à ce qui était prévu dans les contrats "I______". Cependant, A______ refusait de changer sa position, selon laquelle les prestations de production devaient être facturées forfaitairement, et refusait de négocier. De même, elle refusait de payer des prestations de D______ qui n'entraient pas dans le champ d'application du contrat. D______ essayait de faire progresser les relations des parties avec une proposition de nouvel accord clair. Le but de la refacturation était d'amener A______ à la table des négociations, l'intention de D______ étant de négocier hors arbitrage et hors tribunaux.

r. Le 7 septembre 2009, D______ a établi plusieurs dizaines de nouvelles factures relatives à ses prestations déjà facturées d'octobre 2008 à juillet 2009 relevant des contrats H.CA.PRO, H.CA.SUP, H.CA.OUT et I.CA.TMA. Les montants réclamés correspondaient aux coûts effectifs, un détail des heures effectuées par type de collaborateur étant fourni.

s. Par courrier du 30 septembre 2009, A______ a retourné à D______ l'ensemble de ces factures, en indiquant qu'elle les considérait comme contraires au texte clair des contrats "I______".

t. Un échange s'en est suivi entre les parties, D______ persistant dans son interprétation des contrats et A______ contestant le bien-fondé de ce mode de facturation et déplorant l'attitude de D______, qu'elle considérait relever de l'intimidation.

u. Entre décembre 2009 et mai 2010, D______ a également établi des factures en régie pour ses prestations relevant de ces contrats pour les mois d'août 2009 à février 2010.

Toutes ces factures lui ont également été retournées par A______, qui a continué d'acquitter des montants forfaitaires.

v. Selon une analyse des factures susmentionnées établie par U______ SA à la demande de A______, des incohérences pouvaient être remarquées dans le processus de facturation de D______, notamment en lien avec l'émission de plusieurs factures successives pour une même prestation et le passage de prix forfaitaires à des prix en régie. Un grand nombre de factures émises en régie ne contenait pas de détail des heures ou du matériel facturés. Le contrôle des prestations facturées n'était pas possible.

Une employée de A______ a confirmé devant le Tribunal que la facturation et les différentes versions des factures établies par D______ n'étaient pas compréhensibles pour la banque. Les factures ne permettaient pas non plus de vérifier à quelles activités elles pouvaient correspondre.

w. Les parties se sont également opposées en relation avec des demandes spécifiques de D______ d'être rémunérée pour des prestations dont elle alléguait qu'elles relevaient de dépassements budgétaires ou de prestations hors périmètres.

Les divergences entre les parties ont concerné les questions du volume de stockage (infra i), l'accès en lecture seule à "J______" et à l'ancien système comptable après la bascule (infra ii), les releases "K______" (infra iii), la gestion des réseaux LAN/MAN/WAN (infra iv), les travaux de garantie à la suite de la bascule (infra v), les taskforces (infra vi), des demandes informatiques (infra vii) ainsi que des retards et des défauts (infra viii).

C.B.i En lien avec le volume de stockage

a. Le volume de stockage de l'archivage et des sauvegardes et son augmentation de 50% (baseline) prévus par le contrat d'application H.CA.PRO et le SLA H.CA.PRO.SLA.SAV ont été dépassés à partir d'octobre 2008, sans que A______ ne le sache.

b. Lors d'une séance s'étant tenue en avril 2009, D______ en a informé A______ et lui a communiqué ses tarifs pour la consommation d'espace supplémentaire.

c. Par courrier du 12 juin 2009, D______ a informé A______ de ce que le contrat H.CA.PRO.SLA.SAV allait être "amendé" pour y intégrer les prix de la consommation additionnelle de stockage. Une facture portant sur la consommation du 1er octobre 2008 au 31 mars 2009 serait adressée à A______ dans les prochains jours.

d. Le 23 juin 2009, D______ a établi une facture pour la "consommation espace disque en dessus de la baseline définie dans le contrat H.CA.PRO.SAV, conformément à notre courrier du 12 juin 2009 et à la volumétrie présentée en date du 8 avril 2009" pour la période du 1er octobre 2008 au 31 mars 2009, pour un montant de 389'538 fr. 90 TTC.

e. Par courrier du 9 juillet 2009, A______ a refusé le mode de facturation proposé par D______, qui concernait des prestations dont elle n'avait pas eu connaissance et qui n'avaient pas été contractualisées.

D______ ne l'avait pas informée que l'espace de stockage était déjà insuffisant en octobre 2008, et ne l'avait fait que six mois plus tard, en avril 2009; ce comportement constituait un manquement à l'obligation d'information et de conseil mise à charge de D______ par les contrats "I______", de même qu'à son obligation d'optimiser les infrastructures et de rechercher des solutions pour réduire les coûts. S'agissant du prix proposé, il n'avait pas fait l'objet d'un accord entre les parties.

En tout état, D______ était tenue de fournir toute prestation, même non décrite dans les contrats, nécessaire à la fourniture d'une prestation décrite dans ceux-ci. L'augmentation de la capacité de stockage était ainsi nécessaire à la "gestion de la sauvegarde, restauration et archivage des données" que D______ s'était engagée à fournir en application du contrat H.CA.PRO.

f. D______ a allégué que le coût du stockage additionnel d'octobre 2008 à février 2010 s'est monté à 1'922'408 fr. (HT) correspondant à 2'068'511 fr. TTC.

g. Entendu par le Tribunal sur la question du stockage, un collaborateur de A______ a exposé que D______ n'avait, de l'avis de A______, pas procédé au stockage de manière diligente. En effet, lors de la transition, il avait été constaté que le stockage comprenait de nombreux éléments redondants et obsolètes sur les technologies de stockage coûteuses; les copies de bases de données des environnements de tests et d'acceptation de releases obsolètes étaient stockées sans utilité, alors qu'elles auraient pu être stockées sur des technologies moins coûteuses ou détruites sur sollicitation auprès du client. A______ n'avait par ailleurs pas de visibilité sur ce qui était stocké. Si D______ avait bloqué son volume de stockage à ce qui était prévu à l'art. 3.1 H.CA.PRO, le système se serait arrêté, car le volume n'était pas suffisant. En l'absence de stratégie de sauvegarde et de SLA idoine, que D______ avait refusé de discuter, D______ pouvait détruire des données conformément à des listes que l'hébergeur fournissait ou sur consigne de A______.

h. Un collaborateur de D______ a quant à lui exposé que les parties avaient évoqué pour la première fois la question des capacités de stockage à la fin 2008. Les reproches de n'avoir pas optimisé le stockage étaient infondés, dans la mesure où D______ n'était pas en mesure de supprimer d'elle-même des données de la banque ou pour prendre une décision s'agissant du site, plus ou moins coûteux, de stockage; elle avait besoin de l'accord de la banque pour procéder à ces opérations. Les relations entre les parties étant de plus en plus tendues, la question du stockage n'avait plus été une priorité et n'avait plus été discutée. Il y avait effectivement des fichiers dont on aurait pu se passer car ils étaient obsolètes ou redondants. D______ avait proposé une séance à A______ pour lui faire des suggestions à cet égard, puis l'avait relancée, mais la banque n'avait pas voulu entrer en matière.

C.B.ii. En lien avec l'accès à "J______" et à l'ancien système comptable L______ après la bascule

a. Lors d'une séance ayant eu lieu le 11 avril 2008, D______ a informé A______ de ce qu'elle allait préparer une offre relative à la mise à disposition de l'ancien système "J______" pour une durée de six, respectivement douze mois après la migration. A______ a contesté cette manière de procéder, en se prévalant que cette prestation était prévue par les articles 2.3.19 des contrats H.CA.MIG et I.CA.MIG.

b. D______ a persisté dans sa position, exposant que les contrats H.CA.MIG et I.CA.MIG prévoyaient certes la mise en place de l'infrastructure pour assurer l'accès en lecture seule à "J______", mais pas les coûts récurrents d'opération pour assurer ce service.

c. S'en est suivi un échange de courriers entre les parties dans lequel chacune a persisté dans son argumentation. D______ s'est en particulier prévalue de ce que l'offre initialement faite par H______ SA ne comportait pas cette prestation.

d. Il est admis que l'accès à "J______" a été maintenu durant la période de six mois prévue par les contrats.

e. Par courrier du 11 mai 2009, D______ a informé A______ de ce que l'ancien système comptable de la banque, le système L______, avait également été mis à disposition en lecture seule, pendant la durée de douze mois à compter de la bascule prévue par les contrats. Elle allait dès lors préparer des factures couvrant les coûts récurrents pour assurer les opérations de cet environnement.

f. Le 15 mai 2009, D______ a établi une facture d'un montant de 1'833'504 fr. TTC portant le libellé "Facturation des coûts effectifs des prestations selon le contrat d'Hébergement et l'Avenant contractuel du 17.04.2007, J______/1______: 01.10.2008-31.03.2009, Facturation en accord avec notre courrier du 11.05.2009".

g. Le même jour, elle a établi une facture d'un montant de 151'716 fr. TTC portant le libellé "Facturation des coûts effectifs des prestations selon le contrat d'Hébergement et l'Avenant contractuel du 17.04.2007, L______/1______ : 01.10.2008-31.03.2009, Facturation en accord avec notre courrier du 11.05.2009".

h. Le 22 mai 2009, elle a établi une facture d'un montant de 50'572 fr. TTC portant le libellé "Facturation des coûts effectifs des prestations selon le contrat d'Hébergement et l'Avenant contractuel du 17.04.2007, L______/1______: avril-mai 2009, Facturation en accord avec notre courrier du 11 mai 2009".

i. Le 16 juin 2009, elle a établi une facture d'un montant de 25'286 fr. TTC portant le libellé "Facturation des coûts effectifs des prestations selon le contrat d'Hébergement et l'Avenant contractuel du 17.04.2007, L______/1______ : juin 2009, Facturation en accord avec notre courrier du 11 mai 2009".

j. Elle en a fait de même, pour des montants mensuels identiques, les 9 juillet, 7 août et 15 septembre 2009 pour ses prestations de juillet à septembre 2009.

k. Les parties admettent qu'aucune de ces factures, portant sur des montants totaux de 1'833'504 fr. TTC et 303'432 fr. TTC, n'a été acquittée.

Aucune des factures ne comporte de timesheet ou de données permettant d'évaluer le travail effectué.

A______ a payé les prix forfaitaires prévus par les contrats pour ces prestations, soit 50'000 fr. et 27'000 fr.

l. Selon un rapport du 18 juillet 2012 commandé à V______ SA par D______, le prix demandé à A______ par D______ pour les prestations relevant de la mise à disposition de "J______" et de L______ en lecture seule était inférieur au prix du marché.

L'auteur du rapport a précisé devant le Tribunal qu'il n'existait pas de méthode d'évaluation des coûts en lecture seule et qu'il s'était basé sur son expérience pour ce faire.

D______ a exposé que, pour calculer le coût de ses prestations relatives à la mise à disposition de ces réseaux, elle s'était basée sur l'ancien contrat portant sur la mise à disposition de J______ avant la bascule. Elle avait ensuite déduit les coûts relatifs aux prestations qui ne relevaient pas directement de l'exploitation de J______, puis l'avait mensualisé. Elle avait ensuite estimé à 30% le coût de la mise à disposition de J______ en lecture seule, ce qui donnait un montant identique à celui convenu avec d'autres banques cantonales.

C.B.iii En lien avec les mises à jour "K______"

a. Les parties étaient également opposées sur l'implémentation des mises à jour (releases) de l'application "K______" lorsqu'elles étaient dites "correctives", c'est-à-dire qu'elles visaient à corriger des dysfonctionnements, par opposition aux releases dites "évolutives", qui permettaient d'ajouter de nouvelles fonctionnalités.

A______ ne souhaitait implémenter que les releases correctives jusqu'au mois de juin 2009.

b. Selon les constatations du Tribunal, qui ne sont plus remises en cause en appel, les releases correctives et évolutives ne pouvaient pas être installées séparément. Néanmoins, lors de la facturation, il était possible de distinguer les releases selon leur type.

c. S'agissant des releases évolutives, A______ a réclamé 1'514'799 fr. au total à D______ pour des versements effectués indûment selon elle en paiement de l'installation des releases évolutives. Elle a invoqué avoir accepté de payer ces montants, qui se situaient hors du périmètre des contrats I______ sous l'emprise d'une crainte fondée.

Elle a été déboutée de ses conclusions par le Tribunal ce qui n'est plus remis en cause en appel.

d. S'agissant des releases correctives, ayant fait l'objet de contrats distincts, D______ a établi, le 20 novembre 2009, une facture supplémentaire pour un montant de 130'758 fr. 13 HT en lien avec ce contrat, pour des prestations décrites comme "correction patches" dont elle a allégué qu'elles concernaient la partie corrective des releases d'avril à juin 2009.

Cette facture n'a pas été honorée.

Le 25 février 2010, D______ a établi une facture supplémentaire pour un montant de 126'290 fr. 20 HT en lien avec ce contrat, pour des prestations décrites comme "correction patches" dont elle a allégué qu'elles concernent la partie corrective des releases susvisées.

Cette facture n'a pas été honorée.

Le 9 juin 2010, D______ a établi une facture supplémentaire pour un montant de 25'423 fr. 36 HT en lien avec ce contrat, pour des prestations décrites comme "correction patches" dont elle a allégué qu'elles concernent la partie corrective de la release de février 2010. Cette facture n'a pas été honorée.

A______ a invoqué se trouver dans une situation de crainte fondée lorsqu'elle avait conclu les contrats prévoyant le paiement de ces montants, qui excédaient ce qui était prévu dans les contrats I______.

Cela étant, pour ce qui concerne les releases correctives, A______ a acquitté les montants forfaitaires mensuels prévus par le contrat I.CA.TMA.

C.B.iv. En lien avec les réseaux LAN/MAN/WAN

a. D______ assurait depuis le 1er juin 2007 l'exploitation des réseaux LAN/MAN/WAN de la banque, pour un prix mensuel de 30'000 fr. HT, ce sur la base d'un contrat intitulé "Offre A______ 2007-01-09-007 Externalisation du réseau/sécurité et de la téléphonie, version 2______" conclu entre H______ SA et A______ en avril 2007.

Le préambule de ce contrat indiquait que H______ SA, "en préparation de l'application des contrats d'hébergement 'I______', propos[ait] la reprise des opérations du réseau et de la téléphonie de A______ pour une période d'un mois (avril 2007). [ ] En parallèle, les parties continu[aient] à négocier une solution (la 'nouvelle offre') de reprise des opérations du réseau et de la téléphonie de A______ devant durer jusqu'à la mise en production du nouveau système d'information de A______, prévue le 1er octobre 2008". Ce contrat serait prorogé de mois en mois avec l'accord des parties tant que la nouvelle offre n'était pas signée.

Ce contrat prévoyait qu'il prenait fin à la mise en production du nouveau système d'information de A______, prévue pour le 1er octobre 2008.

b. Durant l'année 2008, les parties se sont opposées sur la question de savoir si cette prestation était incluse dans le périmètre contractuel après la bascule, ou si elle devait faire l'objet d'une rémunération en sus. Alors que D______ se positionnait en faveur de la seconde alternative, A______ se prévalait de ce que l'article 4.2.1 du contrat H.CA.PRO prévoyait que l'hébergeur était en charge du paramétrage, de l'exploitation, de l'évolution, des maintenances correctives et applicatives des réseaux LAN/MAN/WAN.

c. Par courrier du 14 avril 2009, D______ a indiqué à A______ qu'elle avait continué d'assurer les services sur les réseaux LAN/MAN/WAN depuis la bascule, bien que le contrat y relatif ait pris fin. Ces tâches devaient être convenablement valorisées et contractualisées. Dans l'attente d'un tel accord, D______ proposait à A______ de fournir ces prestations pour un prix mensuel forfaitaire de 30'000 fr. HT. En l'absence d'accord de A______, D______ ne serait plus en mesure de fournir ces prestations.

d. A______ n'a pas accepté cette proposition.

e. Entre le 18 mai 2009 et le 4 mars 2010, D______ a établi des factures d'un montant total de 581'040 fr. TTC, qui n'a pas été acquitté par A______, pour les "coûts effectifs des prestations selon le contrat d'hébergement et l'Avenant contractuel [ ], prestations de services MAN/LAN/WAN [ ]".

C.B.v. En lien avec les travaux de garantie à la suite de la bascule (contrat d'application I.CA.MIG)

a. Le 7 septembre 2009, D______ a établi trois factures pour des montants respectifs de 329'765 fr. 65 TTC, 339'743 fr. 75 TTC et 360'363 fr. 50 portant le libellé "I.CA.MIG, Contrat d'application n° 1, migration, garantie projet, facturation en régie (time and material) selon Avenant contractuel du 17 avril 2007", et concernant les travaux de garantie à la suite de la bascule pour les mois d'octobre, novembre et décembre 2008.

Tous les timesheets annexés à ces factures portent le nom de l'employé concerné, le nombre d'heures consacrées ainsi que, pour description de la tâche, les termes "Résolution d'un problème applicatif de l'incident" ou "Prise en charge et analyse applicatif (sic) de l'incident".

D______ a réclamé à ce titre à A______ le paiement d'un montant de 1'029'872 fr.

C.B.vi. En lien avec les taskforces

a. A la suite de la bascule du 1er octobre 2008, divers incidents se sont produits. Un dispositif de taskforces a été mis en place jusqu'en juin 2009 par le CODIR afin de les résoudre. A cette date, toutes les taskforces ont été dissoutes.

b. D______ a établi de nombreuses factures portant sur ses prestations. Un timesheet y était annexé, qui mentionnait des activités diverses relevant de la résolution d'incidents. Elle a réclamé un total de 2'646'847 fr. 05 à A______. La date d'échéance des factures était le 7 octobre 2009.

Il s'agissait selon D______ d'un changement de périmètre du contrat I.CA.TMA.

C.B.vii. En lien avec les demandes informatiques

a. Dès le début de l'année 2009, D______ a adressé à A______ un certain nombre de factures en régie dont le libellé indiquait qu'elles relevaient du contrat I.CA.TMA avec l'indication "demandes informatiques". Les timesheets annexés à ces factures ne permettent pas de déterminer la nature des activités effectuées.

D______ a allégué que ces prestations relèvent de requêtes formulées par A______ de fournir des prestations non prévues dans le périmètre des contrats.

b. A______ a partiellement acquitté certaines de ces factures, à hauteur de 1'146'106 fr. HT.

D______ requiert le paiement du solde de 1'267'725 fr. TTC.

C.B.viii. Des divergences en lien avec les retards et les défauts reprochés à D______ par A______

a. Des divergences sont survenues entre les parties au sujet de divers incidents intervenus à la suite de la bascule du 1er octobre 2008.

Ainsi, A______ a procédé à des mises en demeure pour accélérer la bascule de certaines applications et obtenir la résolution de problèmes techniques.

Notamment, par courrier du 14 octobre 2008 intitulé "Problèmes de productions (sic) rencontrés par notre établissement", A______ a indiqué à D______ que quelques 800 incidents étaient survenus depuis la migration sur "K______". Ces incidents n'étaient pas gérés efficacement, leurs diagnostics étaient lents et les plans d'action correctifs manquaient de suivi et de résultat. Les plus importants d'entre eux étaient les suivants :

-          Le e-banking des clients se déconnectait alors qu'ils utilisaient ce service.

-          Les plus grands clients recevaient des avis détaillés des débits au lieu d'avis groupés indiquant le montant total débité, avec la conséquence que certains clients avaient reçu plusieurs centaines de pages de relevés.

-          Les programmes alimentant l'archive électronique n'étaient toujours pas stabilisés, de sorte que des documents clients manquaient dans la banque restante et les e-documents des clients.

-          Les programmes de génération de documents "W______" ne fonctionnaient pas.

-          Les incidents dans le domaine des marchés financiers n'étaient toujours pas résolus. Cela pénalisait le travail de la salle des marchés.

A______ a aussi relevé des problèmes sur les ordres de paiement des clients, les caisses, dans la salle des marchés, dans le "domaine crédit", la gestion du portefeuille des clients, l'impression de masse, etc. Elle a invoqué que des "dommages significatifs" avaient été causés.

A______ demandait à D______ de tout mettre en œuvre afin de résoudre ces problèmes, ce que D______ a assuré faire.

b. Par courrier du 31 mars 2010 intitulé "Appel en garantie", A______ a notifié à D______ un appel en garantie conformément à l'article 11.3 des contrats qui liaient les parties "en relation avec le dommage d'un montant total de CHF 12'755'816.- subi par A______ en raison de la mauvaise exécution par D______ de ses obligations contractuelles résultant des Contrats I______".

Elle précisait qu'il ne lui était pas possible à ce stade d'arrêter le montant total de son dommage, mais que celui-ci comprenait à tout le moins les postes suivants :

-          700'000 fr. de perte de clientèle et diminution du volume d'affaires à la suite des problèmes de stabilité du e-banking.

-          954'545 fr. pour les heures supplémentaires nécessaires à traiter les réclamations relatives aux problèmes de stabilité du e-banking.

-          1'500'000 fr. pour les ressources externes et les heures supplémentaires nécessaires à la saisie manuelle des ordres permanents non migrés.

-          1'116'613 fr. pour la perte financière due au remboursement des intérêts de retard et des frais de recherches à la suite de l'acheminement erroné d'ordres de paiement.

-          300'000 fr. pour la perte de clientèle et la diminution du volume d'affaires à la suite des dysfonctionnements dans le trafic des paiements.

-          12'500 fr. pour les heures supplémentaires nécessaires à la régénération des avis et relevés suite à la déficience dans la livraison des relevés papier et électronique.

-          474'000 fr. pour les ressources externes nécessaires à la suite de la livraison différée de l'application "Z______".

-          359'091 fr. pour les heures supplémentaires nécessaires à la suite des manquements de D______ concernant le groupe d'applications utilisées par le service Management Information System.

-          25'000 fr. pour les heures supplémentaires nécessaires au contrôle interne à la suite des manquements concernant l'application "X______".

-          37'127 fr. pour une perte sur opérations à la suite des dysfonctionnements dans le domaine des marchés financiers.

-          187'500 fr. pour du personnel additionnel nécessaire à la suite des dysfonctionnements dans le domaine des marchés financiers.

-          76'634 fr. pour les heures supplémentaires nécessaires au suivi des incidents post-migration.

-          5'497'000 fr. pour la perte de clientèle et la diminution du volume d'affaires causés par les incidents subis par la clientèle et leur diffusion dans les médias.

-          375'000 fr. pour les heures supplémentaires des collaborateurs du Département Communication à la suite des incidents subis par la clientèle et leur diffusion dans les médias.

-          943'079 fr. de frais de consultants et conseils externes mandatés dans le cadre du litige avec D______.

-          197'727 fr. pour les heures supplémentaires causées par le traitement juridique à l'interne des problèmes liés à la violation de ses obligations par D______.

c.a. Selon un rapport de U______ SA requis par A______ sur les dommages subis par la banque dans le cadre de la relation avec D______, du 14 février 2012, les dommages causés à A______ à la suite de défauts ou dysfonctionnements étaient les suivants :

-          191'376 fr. pour l'engagement de personnel supplémentaire de novembre 2008 à avril 2009 pour la "hotline e-banking" ainsi que 17'648 fr. pour les heures supplémentaires des collaborateurs d'octobre 2008 à juin 2009, soit un total de 209'024 fr. pour les dysfonctionnements relatifs au e-banking.

-          315'282 fr. de frais de consultants externes d'octobre 2008 à mai 2009, 68'348 fr. de remboursements aux clients (frais, intérêts de retards ou différences de changes) d'octobre 2008 à mars 2009, 389'149 fr. de ressources internes supplémentaires ayant dû être mobilisées d'octobre 2008 à mai 2009 et 91'311 fr. d'heures supplémentaires d'octobre à juin 2009, soit un total de 864'090 fr. pour les erreurs dans l'acheminement des ordres de paiement.

-          199'350 fr. pour les ressources internes supplémentaires d'octobre 2008 à septembre 2009 rendues nécessaires par les dysfonctionnements de l'application "X______".

-          35'270 fr. de ressources internes supplémentaires d'octobre 2008 à mars 2009, 6'715 fr. de frais de livraison des relevés bancaires papier dans les différents bureaux de l'Etat de Genève de janvier 2009 à avril 2010, 60'000 fr. de renonciation au forfait annuel dû en 2009 par l'Etat de Genève pour la gestion des emprunts domestiques et privés, afin de compenser les désagréments subis en raison de la migration, la renonciation étant décidée par la Direction générale de A______ le 29 mars 2010, 27'163 fr. de prestations non facturées à l'Etat de Genève d'octobre à décembre 2008, ainsi que 40'385 fr. de frais de consultants externes de septembre à novembre 2008, pour un dommage total de 169'533 fr. pour les problèmes de livraison des relevés bancaires.

-          37'127 fr. de remboursement d'intérêts débiteurs ayant dû être effectués en octobre et novembre 2008 en raison de paiements tardifs résultant des dysfonctionnements des systèmes de la salle des marchés (Y______), 63'794 fr. de ressources internes supplémentaires ayant dû être engagées d'octobre 2008 à juin 2009 et 12'319 fr. d'heures supplémentaires entre octobre 2008 à juin 2009, soit un dommage total de 113'240 fr. pour les dysfonctionnements des systèmes de la salle des marchés.

c.b. S'agissant des applications livrées avec retard par rapport aux délais prévus, le dommage de A______ était le suivant.

-          620'879 fr. de frais de consultants externes pour les mois d'août 2008 à juillet 2009 et 11'961 fr. de ressources internes supplémentaires en octobre 2008 et janvier 2009, soit un total de 632'840 fr. en lien avec le retard de livraison du système de surveillance des risques "Z______".

-          46'476 fr. de ressources internes supplémentaires pour les mois d'octobre et novembre 2008 en lien avec le retard de livraison de l'application "W______".

-          101'278 fr. de ressources internes supplémentaires et 14'119 fr. d'heures supplémentaires pour les mois d'octobre 2008 à juillet 2009 en lien avec les retards dans la mise en production de l'application "AA______", soit un total de 115'397 fr.

-          305'563 fr. de frais supplémentaires, fondés sur une facture de AB______ SA, du 31 juillet 2009, l'organe de révision de la banque ayant dû effectuer des travaux supplémentaires de révision des états financiers 2008 compte tenu des dysfonctionnements intervenus.

c.c. En outre, U______ SA a relevé que le temps consacré aux taskforces par les collaborateurs de A______ sur la base de leur coût horaire correspondait à un montant de 677'180 fr.

En complément des taskforces, la banque avait mandaté un consultant externe, la société AC______, pour divers travaux de support de janvier à juin 2009, pour des montants de 101'517 fr., 57'024 fr., 26'800 fr. et 2'244 fr., puis en janvier et février 2010 pour un montant de 4'417 fr.

Le montant total des coûts internes et externes relatifs aux taskforces était ainsi de 869'182 fr.

Un groupe de support interne (SAV) avait en outre été mis en place d'octobre 2008 à juin 2009; le coût y relatif était de 421'059 fr.

Le litige avec D______ avait par ailleurs occupé le service juridique de la banque. Le coût y relatif entre novembre 2008 et mars 2011 était estimé à 559'205 fr., sur la base d'une estimation par les collaborateurs du pourcentage de leur temps de travail consacré au litige. U______ SA ne relève pas que des heures supplémentaires auraient été effectuées à ce titre.

Enfin, la banque avait perdu en 2008 12'519 clients actifs, contre 7'254 en 2007. La perte de revenu y relative pour la banque était estimée à 7'283'075 fr.

Le dommage total qui avait été causé à la banque en raison des retards et incidents était donc de 11'788'034 fr.

C.C. De la résiliation des contrats "I______", de la transition avec AD______ SA et des mesures provisionnelles ordonnées par le Tribunal

a. Entre 2008 et 2009, les parties se sont échangées de nombreux courriers en lien avec les difficultés qu'elles rencontraient dans leur relation, chacune reprochant à l'autre de ne pas respecter ses obligations contractuelles.

Divers échanges et réunions ont également eu lieu en 2009 dans le but de résoudre le litige à l'amiable, en vain.

b. Le 1er octobre 2009, A______ a notamment indiqué à D______ qu'elle "attend[ait] toujours [sa] détermination quant à une participation de D______ à la procédure d'appel d'offres que A______ initierait en anticipation du renouvellement des contrats 'I______' à la fin de l'année 2011".

c. Le 11 décembre 2009, elle lui a "confirm[é] [sa] décision d'organiser un appel d'offres, le 18 janvier 2010 avec délai de retour au 15 février 2010, en vue du renouvellement des contrats 'I______' à la fin de l'année 2011".

Un employé de A______ a exposé devant le Tribunal que cet appel d'offres n'avait pas été envoyé; la banque, qui tentait à ce moment de résoudre le litige avec D______, cherchait à comparer les prix de cette dernière et d'autres prestataires, pour se tourner vers ces prestataires ou renégocier les prix, ou demeurer auprès de D______ si les prix étaient équivalents.

d. Par deux courriers du 16 décembre 2009 mentionnant sous concerne "Contrat d'Hébergement du 16 novembre 2006" pour l'un et "Contrat d'Intégration du 16 novembre 2006" pour l'autre, D______ a écrit ce qui suit à A______, le texte des deux courriers étant pratiquement identique : "La position exprimée par A______ [ ] et notamment son refus de reconnaître l'application de l'avenant contractuel du 17 avril 2007 aux services récurrents définis dans le contrat d'Hébergement [respectivement, dans le contrat d'Intégration] et plus particulièrement dans les contrats d'application H.CA.PRO, H.CA.SUP et H.CA.OUT [respectivement, I.CA.TMA], au renvoi des factures émises par D______ en conformité avec ledit Avenant, attestent du refus de A______ d'exécuter ses obligations contractuelles et constituent dès lors une violation grave par A______ des accords qui nous lient.

En conséquence, par la présente, D______ met en demeure A______ de remédier à cette violation dans les 30 jours dès réception de la présente, et d'exécuter dans ce délai toutes obligations contractuelles en souffrance, notamment le paiement des montants dus au titre des factures envoyées le 7 septembre 2009 et d'exécuter les prestations futures conformément aux engagements contractuels."

e. Une réunion s'est tenue entre les parties le 25 janvier 2010, à la suite de laquelle D______ a, par courrier du 27 janvier 2010, proposé à A______ de réduire d'environ 25% le montant qu'elle lui réclamait, de 24'576'710 fr. à 18'432'000 fr. et à ce que les prix prévus par les contrats "I______" soient remplacés par un forfait mensuel de 973'000 fr. Elle a également proposé que les contrats "I______" prennent fin au 31 décembre 2011, sauf accord des parties tendant à les maintenir après cette date.

Un délai supplémentaire de dix jours était imparti à A______ pour remédier aux violations contractuelles qui lui étaient reprochées.

Selon les représentants et collaborateurs de A______, celle-ci avait été, lors de la réunion du 25 janvier 2010, menacée par D______ de voir les prestations prévues par les contrats "I______" interrompues si A______ n'acquittait pas le montant de 24'000'000 fr. demandé; le comportement de D______ avait été compris comme du "chantage" par la banque, D______ sachant que A______ n'était pas en mesure de mettre en place une solution de repli avant plusieurs mois.

f. Un échange de courriers s'en est suivi, dans lequel chacune des parties a persisté dans sa position.

g. Par courrier du 15 février 2010, D______ a résilié avec effet immédiat les contrats "I______" au motif du non-respect par A______ de ses engagements contractuels. Elle a invoqué que le différend n'avait "rien d'un litige financier" et qu'il était "autrement plus fondamental".

Les services seraient coupés au 28 février 2010.

Afin de permettre la poursuite des activités de A______, D______ proposait d'assurer pendant une période de transition de quatre mois, dès le 1er mars 2010, la totalité des services prévus par les contrats "I______" pour un prix mensuel fixe de 1'469'000 fr. HT, payable d'avance, les dispositions de l'avenant relatives à la couverture des dépassements n'étant pas applicables.

A défaut de paiement par A______ du montant susvisé au plus tard le 22 février 2010 pour le coût des services en mars 2010, la fourniture de la totalité des services serait interrompue le 1er mars 2010. Ultérieurement, en cas de non-paiement cinq jours avant la fin du mois, du prix dû pour les services du mois suivant, la fourniture des services serait suspendue sans avertissement.

Tous les services additionnels requis par A______ seraient fournis en régie.

h. D______ a exposé avoir fait confirmer sa compréhension de l'avenant par deux avis de droit, des 13 mai 2009 et 29 juin 2010, dont elle a demandé l'établissement.

L'avis de droit du 13 mai 2009, comportant treize pages, a été rédigé par l'étude d'avocats qui défend encore D______ dans la présente procédure.

Quant à l'avis de droit du 29 juin 2010, il comporte quatre pages.

i. Les collaborateurs et représentants de D______ entendus par le Tribunal n'ont pas été en mesure de s'accorder sur la manière dont le montant réclamé, de 1'469'000 fr. HT par mois, avait été déterminé par D______.

j. Par courrier du 18 février 2010, D______ a informé A______ de ce qu'elle résiliait pour le 31 mars 2010 le contrat de fourniture de prestations de services MAN/LAN/WAN qui liait les parties.

k. Le 19 février 2010, A______ a informé D______ qu'elle acquitterait le montant de 1'469'000 fr. HT demandé, mais était contrainte de le faire vu la menace de l'interruption des prestations. Elle a en outre relevé que le délai de quatre mois prévu par D______ pour la période de transition était trop court.

En audience, A______ a exposé qu'elle n'avait d'autre choix que de céder à la menace afin de sauvegarder l'existence de la banque; il était impératif de prendre des mesures afin de la faire sortir de sa dépendance envers D______.

l. Les parties ont ensuite échangé divers courriers dans lesquels chacune a persisté dans sa position.

m. Le 19 avril 2010, D______ a proposé à A______ de conclure un "Contrat de support à la transition" par lequel elle s'engageait à fournir un certain nombre de prestations de préparation à la migration du système informatique de A______ vers un prestataire tiers, pour un prix (en régie) estimé à 2'058'448 fr. HT.

Par réponse du 22 avril 2010, A______ a accepté cette offre, en précisant qu'elle était contrainte de l'accepter sous peine de voir les prestations de D______ être interrompues; cette offre ne correspondait pas aux contrats "I______", qui n'avaient pas été valablement résiliés par D______.

n. Le contrat de support à la transition du 26 avril 2010 a été complété entre juillet et décembre 2010 par sept avenants.

o. Par courrier du 5 mai 2010, AD______ SA, le nouveau prestataire informatique choisi par A______ en remplacement de D______, a informé cette dernière de ce que le délai de quatre mois prévu pour le transfert complet des prestations et infrastructures (projet dit "Phoenix"), venant à échéance le 30 juin 2010, était excessivement court et objectivement irréalisable.

p. Le 7 mai 2010, D______ a informé A______ de ce qu'elle ne fournirait pas ses services au-delà du 30 juin 2010.

q. Par ordonnance OTPI/331/2010 du 14 juin 2010, le Tribunal, statuant sur requête de mesures provisionnelles déposée par A______ le 12 mai 2010, a, sous la menace des peines prévues par l'article 292 CP, condamné D______ à poursuivre l'exécution des contrats "I______", en particulier à continuer de fournir à A______ les prestations d'"hébergement" et d'"intégration" de données informatiques jusqu'au moment où ces prestations seraient reprises par AD______ SA, soit jusqu'à l'achèvement complet de la transition de l'externalisation des services informatiques de A______ auprès de AD______ SA, condamné D______ à fournir à A______ les prestations de réversibilité contenues dans le "contrat de support à la transition" jusqu'à l'achèvement complet de la transition de l'externalisation des services informatiques de A______ auprès de AD______ SA, donné acte à A______ de son engagement, de rémunérer les prestations dues par D______ jusqu'à l'achèvement complet de la transition de l'externalisation des services informatiques de A______ auprès de AD______ SA, et a fixé en l'état cette rémunération à 1'469'000 fr. HT par mois, à verser à D______ par mois et d'avance, le 25 du mois précédent.

r. D______ a donc continué ses prestations après le 30 juin 2010, en échange du paiement mensuel par A______ d'un montant de 1'469'000 fr. HT ainsi que du montant de 2'058'448 fr. HT prévu par le contrat de support à la transition du 26 avril 2010.

En parallèle, les diverses applications faisant l'objet des contrats "I______" ont été progressivement transférées à AD______ SA.

C.D. Du litige entre les parties s'agissant des interfaces "AE______"

a. Les parties se sont encore opposées sur l'accès de A______ aux scripts et interfaces "AE______" développés par D______ dans le cadre de l'exécution du contrat.

b. Selon des documents établis par D______ les 17 et 26 mai 2010, celle-ci revendiquait la propriété intellectuelle de divers éléments qu'elle avait développés pour le système informatique de A______.

c. Par courrier du 19 mai 2010, A______ a mis en demeure D______ de lui confirmer par écrit que A______ disposerait d'un accès sans limite et d'un usage libre sur les éléments nécessaires à la migration de son système d'information. Si D______ devait maintenir ses prétentions, elle lui demandait de lui communiquer les prix qu'elle entendait lui facturer pour une éventuelle licence au plus tard le 21 mai 2010.

d. Par réponse du 26 mai 2010, D______ s'est prévalue de ses droits de propriété intellectuelle sur les interfaces sans aborder la question de l'octroi d'une licence et a précisé que AD______ SA avait disposé de suffisamment de temps pour redévelopper les interfaces.

e. Le 28 mai 2010, A______ s'est notamment prévalue de ce que la réécriture des interfaces était une opération longue et coûteuse, et a fixé à D______ un ultime délai pour lui indiquer les prix de l'octroi de licences lui permettant d'accéder aux codes-sources et de les modifier.

f. Par réponse du 2 juin 2010, D______, se référant à la requête de mesures provisionnelles déposée par A______ le 12 mai 2010 par-devant le Tribunal, a indiqué que, dans la mesure où le Tribunal avait été saisi, "il n'y a[vait] plus matière à discussion" sur la question de l'octroi d'une licence de ses droits de propriété intellectuelle sur les interfaces.

g. Un échange de correspondance entre les parties s'en est suivi, dans lequel A______ a persisté à demander un chiffrement des prétentions de D______ pour la cession des interfaces. Sans chiffrer ses prétentions, D______ a notamment indiqué le 18 juin 2010 que la cession de ses droits de propriété intellectuelle ne pourrait être envisagée "que dans le cadre d'une transaction globale".

h. Par courrier du 17 août 2010, AD______ SA a informé A______ de ce que l'impossibilité pour cette dernière de lui livrer les interfaces "AE______" impactait le délai, les coûts globaux du projet de transitions et les prestations de support applicatif, et l'empêchait de reprendre tant le support applicatif que l'hébergement de ces interfaces. Le processus de reprise était bloqué sur ces points et le demeurerait tant qu'il n'était pas remédié à cette impossibilité. Les échéances prévues en juin pour la reprise du support applicatif des interfaces et en septembre pour la bascule de l'hébergement de ces interfaces dans les centres de calcul de AD______ SA ne pourraient pas être respectées. Si le blocage persistait, la seule alternative était de renoncer définitivement à la reprise des interfaces actuelles et à redévelopper à partir de zéro une solution informatique remplissant les mêmes fonctions.

i. Par ordonnance OTPI/555/2010 du 27 septembre 2010, le Tribunal, statuant sur requête de mesures provisionnelles de A______ du 23 août 2010, a, sous la menace des peines prévues par l'article 292 CP, ordonné à D______ de fournir à A______ l'accès au code-source, en mode lecture et écriture, de tous les programmes informatiques développés par D______ dans le cadre des contrats "I______" et qui sont nécessaires au fonctionnement du système informatique de A______ dans sa configuration actuelle, soit en particulier de tous les éléments énumérés directement ou indirectement par les inventaires des 17 et 26 mai 2010.

j. Saisie d'un recours de D______ du 11 octobre 2010 contre cette ordonnance, la Chambre civile de la Cour de justice a accordé l'effet suspensif requis.

k. Selon un courrier électronique adressé à A______ par un employé de D______ le 7 octobre 2010, cette dernière était disposée à céder à A______ une licence sur les développements de l'interface "AE______" qu'elle avait effectués moyennant le paiement de 2'800'000 fr. HT.

l. Les 8 et 9 octobre 2010 a eu lieu le transfert à AD______ SA de l'ensemble des applications alors hébergées par D______, à l'exclusion du programme "AE______", pour lequel l'infrastructure nécessaire a été conservée par D______.

m. A partir de l'automne 2010, AD______ SA a été chargée par A______ du redéveloppement des interfaces, dans le cadre d'un projet intitulé "AF______".

n. Ce travail a duré environ cinq mois, et n'aurait pas été nécessaire si AD______ SA avait eu accès aux sources des interfaces.

o. Un représentant de A______ a encore indiqué que la banque n'avait pas accepté la proposition de D______ du 7 octobre 2010 tendant à une acquisition des interfaces à un prix de 2'800'000 fr. HT, car elle estimait pouvoir faire valoir ses droits, la remise devant à son avis être gratuite.

C.E De la fin de la transition et de l'invalidation par A______ des conventions conclues après la résiliation des contrats "I______"

a. Compte tenu de la migration des 8 et 9 octobre 2010, le Tribunal, statuant sur requête de mesures provisionnelles de A______ du 20 octobre 2010 visant la modification de l'ordonnance OTPI/331/2010 du 14 juin 2010, a, par ordonnance OTPI/723/2010 du 7 décembre 2010, mis un terme à l'obligation de A______ de rémunérer D______ pour ses prestations après l'échéance du 25 novembre 2010.

b. Par arrêt ACJC/154/2011 du 10 février 2011, la Chambre civile de la Cour de justice a confirmé l'ordonnance OTPI/555/2010.

c. Par courrier du 17 mars 2011, A______ a informé D______ être arrivée au terme des travaux d'intégration des systèmes, de sorte qu'elle n'avait plus besoin des prestations d'hébergement et d'intégration visées dans l'ordonnance OTPI/331/2010 du 14 juin 2010.

Les prestations de D______ ont pris fin à cette date.

d. Par arrêt ACJC/420/2011 du 18 mars 2011, la Chambre civile de la Cour de justice a confirmé l'ordonnance OTPI/723/2010.

e. Par courrier du 31 mars 2011, A______ a signifié à D______ qu'elle invalidait, avec effet ex tunc, "l'ensemble des contrats mensuels couvrant la période du 1er mars 2010 au 17 mars 2011 relatifs aux prestations de production de D______", de même que le contrat de support à la transition du 26 avril 2010, ainsi que les "dérogations contractuelles relatives aux releases 'K______'".

Elle avait en effet conclu ces accords sous la contrainte, D______ menaçant de cesser ses prestations si A______ n'acquittait pas les montants qu'elle lui réclamait.

A______ répétait les montants versés qui excédaient ceux qui étaient contractuellement dus.

C.F. Des frais de conseils juridiques externes

a. Dans le cadre de ses conclusions en paiement des honoraires d'avocat en 1'946'403 fr., A______ a notamment réclamé à D______ des frais de conseils juridiques externes en 1'208'239 fr. 18 (soit 1'130'143.17 HT) fondés sur trente-neuf notes d'honoraires établies par l'Etude AG______, portant le timbre humide de A______ indiquant qu'elles ont été acquittées, et accompagnées de timesheets décrivant les activités déployées d'octobre 2008 à novembre 2011 et datées du 30 novembre 2008 au 2 décembre 2011. Dans son écriture d'amplification de la demande datée du 29 février 2012, elle a écrit : "Depuis la migration du mois d'octobre 2008 [ ] jusqu'au 16 mars 2011 [ ], A______ a ainsi eu à régler des honoraires de CHF 1'208'239.- (montant TTC diminué de la TVA récupérable) à l'étude AG______".

Dans sa réponse, D______ a expressément constaté que si A______ limitait au 16 mars 2011 la période durant laquelle les honoraires d'avocat devaient lui être remboursés, elle se fondait sur des notes d'honoraires allant jusqu'au 31 décembre 2011. Elle a ensuite remarqué, de manière générale, que de "nombreux time-sheets concernent des activités relatives à la rédaction d'écritures judiciaires, de prise de connaissance d'écritures judiciaires déposées par D______ ou de vacations ayant pour but d'assister à diverses audiences". En annexe, elle a produit un tirage des notes d'honoraires, jusqu'au 1er avril 2011, dans lesquelles elle a mis en évidence les prestations qu'elle considérait comme relevant des procédures judiciaires et non indemnisables à ce titre.

Dans la décision entreprise, le Tribunal a examiné les postes ressortant des notes d'honoraires datées du 11 janvier 2010 au 1er avril 2011, en écartant 193'199 fr. 55 hors taxe correspondant à des activités judiciaires indemnisables par le biais de dépens, ce qui n'est plus contesté en appel. L'activité de l'étude au-delà d'avril 2010 n'a pas été indemnisée.

Néanmoins, le premier juge ne s'est pas prononcé expressément sur d'éventuels activités judiciaires ressortant des notes d'honoraires datées du 3 mai au 2 décembre 2011.

C.G. De la présente procédure

a. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance de Genève le 19 juillet 2010, A______ a agi en validation de l'ordonnance de mesures provisionnelles OTPI/331/2010 du 14 juin 2010. Elle a notamment requis que le Tribunal :

-          Condamne D______ à fournir ses prestations relevant des contrats "I______" jusqu'au moment où A______ y renoncerait formellement par écrit, subsidiairement constate que D______ était tenue de fournir ces prestations.

-          Dise que les prestations de D______ devaient inclure l'ensemble des composants d'infrastructures permettant leur fonctionnement opérationnel, et les interfaces reliant ces systèmes.

-          Lui donne acte de son engagement de rémunérer les prestations de D______ à un prix mensuel forfaitaire de 436'000 fr. HT du 1er juillet au 31 juillet 2010, de 26'000 fr. HT du 1er au 31 août 2010 et de 21'000 fr. HT du 1er septembre 2010 jusqu'à l'achèvement de la transition.

-          Réserve ses prétentions en restitution de l'enrichissement illégitime résultant de la différence entre les montants versés à D______ conformément à l'ordonnance OTPI/331/2010 et les prix susvisés qu'elle s'engageait à payer.

-          Condamne D______ à fournir l'ensemble des services spécifiques nécessaires à la reprise des services outsourcés par AD______ SA, subsidiairement constate que D______ était tenue de fournir ces prestations.

-          Condamne D______ à fournir les prestations de réversibilité convenues dans le contrat de support à la transition jusqu'au moment où A______ y renoncera.

b. Par réponse et demande reconventionnelle du 10 mars 2011, D______ a conclu, sous suite de dépens, au déboutement de A______ de toutes ses conclusions sur demande principale et, sur demande reconventionnelle, à ce que A______ soit condamnée à lui verser les montants de 1'469'000 fr. HT, par mois et d'avance, à compter du 1er juillet 2010 et jusqu'à l'achèvement complet de la transition, sous déduction des montants déjà versés à ce titre, ainsi que de 25'484'037 fr. TTC avec intérêts à 5% dès le moment de l'exigibilité de chaque facture correspondante, subsidiairement dès le 8 septembre 2009.

Le montant réclamé se décompose comme suit :

-          13'098'926 fr. TTC de dépassements budgétaires dans le cadre du contrat H.CA.PRO.

-          1'178'386 fr. TTC de dépassements budgétaires dans le cadre du contrat H.CA.SUP.

-          636'422 fr. TTC de dépassements budgétaires dans le cadre du contrat H.CA.OUT.

-          2'013'259 fr. TTC de dépassements budgétaires dans le cadre du contrat I.CA.TMA pour les releases correctives (1'709'320 fr.), y compris des montants réclamés pour la partie corrective des releases couvertes par les contrats des 3 juin 2009, 18 septembre 2009 et 28 janvier 2010 (303'939 fr.).

-          1'029'872 fr. TTC de dépassements budgétaires dans le cadre du contrat I.CA.MIG.

-          2'903'034 fr. TTC de modification de périmètre pour les task forces.

-          1'833'504 fr. TTC de modification de périmètre pour "J______".

-          303'432 fr. TTC de modification de périmètre pour l'ancien système comptable L______.

-          581'040 fr. TTC de modification de périmètre pour les réseaux LAN/MAN/WAN.

-          856'880 fr. TTC pour les releases évolutives de l'application "K______".

-          2'068'511 fr. TTC pour le stockage.

-          1'267'725 fr. et 166'211 fr. TTC de modifications de périmètre pour les demandes informatiques.

c. Par écriture du 29 février 2012, A______ a modifié ses conclusions et s'est déterminée sur les allégués de D______.

En sus de ses conclusions précédentes, elle a requis que le Tribunal condamne D______ à lui verser les montants de :

-          11'788'034 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2008, pour les divers dommages que D______ lui aurait causés en raison des retards et défauts intervenus durant la migration.

-          1'514'799 fr. avec intérêts à 5% dès le 19 octobre 2009, pour les releases qu'elle avait été contrainte de payer à D______, pour lesquelles elle avait invalidé les contrats y relatifs.

-          12'158'713 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2010, pour les montants acquittés en vertu du contrat de support à la transition, qu'elle avait invalidé.

-          24'697'184 fr. avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 2010, pour les coûts qu'elle avait subis pour la transition auprès de AD______ SA, se décomposant en 13'417'997 fr. de prestations de support fournies par AD______ SA, 3'017'185 fr. de prestations de support de D______, 2'941'883 fr. de prestations de support de tiers, 4'508'843 fr. de coût de redéveloppement des interfaces ainsi que 811'276 fr. pour les coûts engendrés par la mise à disposition des collaborateurs de A______ impliqués dans le projet de transition.

-          20'365'992 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2010, pour le surcoût des prestations de AD______ SA du 8 octobre 2010 au 30 septembre 2014 par rapport aux montants prévus par les contrats "I______".

-          1'946'403 fr. avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 2010, pour les frais d'avocats qu'elle avait encourus durant la transition.

d. Par écriture déposée au greffe du Tribunal le 2 août 2012, D______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

Elle a amplifié ses conclusions en tant que A______ devait être condamnée à lui verser le montant de 484'686 fr. TTC, correspondant aux frais de l'expert V______ SA, avec intérêts à 5% dès l'exigibilité de chaque facture y relative.

e. Dans leurs conclusions motivées après enquêtes du 18 novembre 2020, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

D______ a en outre légèrement modifié ses conclusions sur certains points, sans pertinence à ce stade.

f. Lors de l'audience de plaidoiries du 30 novembre 2020, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 La procédure de première instance était soumise à l'aLPC genevoise. Aux termes de l'art. 405 al. 1 CPC, les recours sont régis par le droit en vigueur au moment de la communication de la décision entreprise.

En l'occurrence, le jugement querellé a été notifié aux parties après le 1er janvier 2011; les appels sont donc régis par le nouveau droit de procédure.

1.2 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les affaires patrimoniales lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 CPC), ce qui est le cas en l'espèce.

Les deux appels ont été interjetés dans le délai utile de trente jours (art. 142 al. 3 et 311 al. 1 CPC) et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC).

Ils sont ainsi recevables.

1.3 Les deux appels étant dirigés contre la même décision, ils seront traités en un seul arrêt.

Par mesure de simplification, A______ sera désignée ci-après comme appelante et D______ comme intimée.

1.4 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans les limites posées par les maximes des débats et de disposition applicables au présent contentieux (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

2. L'intimée reproche au premier juge d'avoir erré dans l'interprétation de l'avenant conclu par les parties le 17 avril 2007 : selon elle, les parties à l'avenant avaient entendu soumettre à la régie pure l'intégralité des prestations des contrats "I______".

2.1
2.1.1
Selon l'art. 1 al. 1 CO, le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté.

En droit suisse des contrats, la question de savoir si les parties ont conclu un accord est soumise au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1; 123 III 35 consid. 2b).

Lorsque les parties se sont exprimées de manière concordante (échange de manifestations de volonté concordantes), qu'elles se sont effectivement comprises et, partant, ont voulu se lier, il y a accord de fait. Si au contraire, alors qu'elles se sont comprises, elles ne sont pas parvenues à s'entendre, ce dont elles étaient d'emblée conscientes, il y a un désaccord patent et le contrat n'est pas conclu (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1). Subsidiairement, si les parties se sont exprimées de manière concordante, mais que l'une ou les deux n'ont pas compris la volonté interne de l'autre, ce dont elles n'étaient pas conscientes dès le début, il y a désaccord latent et le contrat est conclu dans le sens objectif que l'on peut donner à leurs déclarations de volonté selon le principe de la confiance; en pareil cas, l'accord est de droit (ou normatif) (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1; 123 III 35 consid. 2b).

2.1.2 En procédure, le juge doit donc rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.2.1).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (ATF
144 III 93 consid. 5.2.3 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.2.2).

2.2 En l'espèce, le Tribunal a qualifié le contrat liant les parties de contrat innommé de durée, pour des prestations de nature informatique, présentant principalement des aspects de contrat d'entreprise au vu du caractère prépondérant des prestations typiques de ce contrat nommé dans leur relation juridique. Ce raisonnement n'est à juste titre par remis en cause en appel.

2.3 Procédant à l'interprétation de l'avenant du 17 avril 2007, pour déterminer si le prix avait été fixé pour partie par un forfait - excepté pour certaines prestations - ou si les prestations devaient toutes être facturées en régie, le Tribunal a utilisé, dans le cadre d'une interprétation subjective des volontés, le texte et la systématique de l'accord, ainsi que les éléments postérieurs à celui-ci pour retenir l'interprétation préconisée par l'appelante, à savoir que seule une partie limitée des prestations de l'intimée étaient soumises à la régie pure. Par surabondance, le Tribunal a constaté qu'une interprétation objective des manifestations de volonté des parties ne donnait pas un résultat différent.

L'intimée se fonde sur plusieurs éléments de fait pour critiquer ce raisonnement, à savoir le texte de l'avenant et des circonstances antérieures et postérieures à la conclusion de celui-ci, pour conclure que l'intégralité des prestations étaient soumises à la régie pure. Ces critiques seront examinées successivement ci-après avec les réfutations de l'appelante.

2.3.1 Par un premier grief, l'intimée procède à une analyse différente du texte de l'avenant.

En lien avec l'art. 4.1 de l'avenant, l'intimée insiste sur le fait que les parties avaient mentionné que, dans le budget, "l'entier des coûts effectifs ('time and material')" avait été pris en considération. Selon elle, il n'avait jamais été question jusqu'à ce moment de "coûts effectifs", ce qui signifiait qu'il s'agissait d'une nouveauté. D'ailleurs, les termes "coûts effectifs", "time and material" et "régie pure" étaient synonymes.

Contrairement à ce que soutient l'intimée, son point de vue tel qu'il vient d'être résumé ne contredit pas l'interprétation retenue par le Tribunal.

D'une part, il n'est pas contesté que la notion de régie pure, soit un calcul du prix en fonction du temps passé, était bien une nouveauté dans le contexte des contrats, puisque jusqu'à la conclusion de l'avenant seule la régie plafonnée était prévue pour certaines prestations. Cela ne signifie pas pour autant que ce nouveau système de facturation, qui devait être pris en compte dans le budget, s'appliquait à toutes les prestations : encore faut-il déterminer à quelles prestations les parties ont entendu l'appliquer.

D'autre part, il ne ressort ni des développements de l'appelante, ni de ceux du Tribunal, que les termes susévoqués auraient été utilisés dans un sens différent de celui que leur prête l'intimée. L'art. 4.1 de l'avenant ne peut être compris que comme incluant les parties des prestations facturées en régie dans le budget général, soit celles faisant à ce stade l'objet d'une estimation et a priori sujettes à modifications. A l'inverse, l'on ne saurait comprendre ce passage comme une expression de la volonté concordante des parties de soumettre toutes les prestations contractuelles à une facturation en régie. La question, et le litige entre les parties, n'est donc pas tant de la signification des termes "coûts effectifs", "time and material" et "régie pure" que du contexte dans lequel ils sont utilisés. Celui-ci est en l'occurrence univoque, contrairement à ce que tente de démontrer l'intimée.

Le fait que les offres faites dans la procédure d'appel d'offres ayant mené aux contrats I______ aient pu être chiffrées, à un moment donné et pour certaines d'entre elles, selon une méthode de calcul des prix en régie pure, ainsi que le soutient l'intimée, est sans pertinence dans la mesure où, comme l'intimée l'admet elle-même, ces offres ont été finalement "forfaitisées" dans leur grande majorité.

Ces premiers griefs ne permettent donc pas de remettre en cause l'interprétation réalisée par le Tribunal du texte visé.

2.3.2 Par un deuxième grief, l'intimée tente de tirer argument du texte du préambule et de l'art. 4.3 de l'avenant, qui auraient seulement visé à éclaircir le mode de facturation des contrats I.CA.MIG et H.CA.MIG, étant admis, selon elle, que toutes les prestations étaient soumises à la régie pure.

Ici encore, face au texte clair de l'avenant ("A______ a accepté de modifier le régime de facturation des contrats d'application I.CA.MIG et H.CA.MIG d'un mode en régie plafonnée en un mode en régie pure ("time & material")" (art. 9 du préambule) et "Pour la phase MIG et en dérogation de l'article 3.3 de l'annexe 1 I.CA.MIG et de l'annexe 1 H.CA.MIG, D______ fournira ses prestations sur la base d'un mode en régie ('time and material')" (art. 4.3)), l'intimée ne parvient pas à désigner concrètement une partie du texte qui contiendrait l'expression d'une volonté des parties de faire passer l'intégralité - et non pas une partie seulement - des prestations contractuelles à une facturation en régie pure. Il ressort uniquement de l'argumentation de l'intimée que les seuls contrats pour lesquels une modification du régime de facturation a été prévue sont les contrats I.CA.MIG et H.CA.MIG, ce qui correspond à la solution retenue par l'appelante et le Tribunal. D'ailleurs, les parties ayant expressément souligné le passage d'une régie plafonnée à une régie pure pour les deux contrats susmentionnés, l'absence de mention exprès d'un passage en régie pure pour l'ensemble des contrats soumis précédemment à un forfait, changement ayant un impact financier beaucoup plus important, est la preuve suffisante de leur absence de volonté concordante en faveur d'un tel changement.

Le texte de l'avenant est donc à ce point clair sur cette question, qu'il constitue une preuve de la volonté des parties. Seules des circonstances extérieures au texte déterminantes pourraient conduire à une autre interprétation. Or, ainsi qu'il va être vu, de telles circonstances n'existent pas.

2.3.3 L'intimée se réfère ensuite au système de couverture prévu d'entente avec M______.

Selon le Tribunal, ce système de couverture n'impliquait l'information et la participation de M______ que pour la phase de migration. Il en résultait qu'un dépassement budgétaire pour la phase de production n'était pas envisagé, de sorte qu'un calcul des prestations au temps passé n'était pas prévu pour cette partie du projet.

Par un premier grief, l'intimée estime qu'il était inutile d'envisager un dépassement de budget pour l'ensemble du projet (soit le budget de 53'307'000 fr.) si seule la phase de migration (soit un budget de 21'928'000 fr.) était susceptible de connaître un dépassement. Sur ce point, l'intimée oppose essentiellement sa vision à celle développée par le Tribunal, sans expliciter pourquoi il n'était pas admissible de se référer à l'ensemble du projet pour calculer un dépassement budgétaire qui ne pouvait concerner que certaines parties des prestations délivrées, ni d'ailleurs remettre en cause la constatation du Tribunal selon laquelle les parties s'étaient toujours référées au budget pour l'ensemble du projet dans leurs différents échanges. En outre, ce point de vue est contradictoire avec la position soutenue par l'intimée dans le cadre de l'appel formé par l'appelante en lien avec le système de couverture (cf. consid. 12 infra). Comme on le verra, l'intimée soutient, à raison, que le système de couverture financière prévu par l'avenant était calculé en fonction de l'entier du budget et non de certaines parties de celui-ci : l'intervention de M______ n'était donc possible qu'une fois le budget global dépassé, ce qui justifie son droit de regard jusqu'à ce seuil.

L'intimée remet ensuite en cause le fait que M______ n'ait eu un droit de regard que pour une partie du projet. Il résulte du champ de compétence du CODIR fixé dans le contrat H.CA.MIG que celui-ci n'intervenait qu'au stade de la migration, raison pour laquelle le Tribunal a retenu que la participation de M______ n'était prévue que pour cette phase. L'intimée soutient que le fait que le dépassement budgétaire devant être couvert par M______ ait pourtant été calculé sur l'ensemble du projet se concilie mal avec cette possibilité d'information limitée à la seule phase de migration. Cette conception n'est cependant pas en accord avec le texte des contrats. En effet, il est cohérent de n'avoir donné un droit de regard à M______ que sur la partie soumise à une facturation des prestations au temps passé, soit la phase de migration, en principe seule susceptible d'augmenter en fonction des prestations fournies, car M______ pouvait ensuite calculer le total du budget en fonction des parties du projet dont le prix avait été calculé au forfait.

L'interprétation du Tribunal est donc conforme au contrat dans la mesure où le droit de regard de M______ ne portait que sur la partie des prestations fournies en régie selon le texte des contrats et de l'avenant.

2.3.4 L'intimée revient ensuite sur des circonstances antérieures à la conclusion de l'avenant, soit essentiellement les tableaux évoqués sous attendu C.A.h.a ci-dessus.

Dans ce cadre, l'intimée reprend l'argumentation examinée au considérant précédent, selon laquelle la garantie de couverture couvrait des dépassements de budget à la fois dans la phase de migration et dans celle de production conformément au contenu des tableaux, ce qui constituait un indice d'un calcul du prix au temps passé pour l'ensemble des contrats.

Il ne peut être extrapolé de la coïncidence entre les chiffres contenus dans les tableaux susvisés et les dépassements de budget prévus dans la garantie de couverture que l'appelante avait accepté un calcul au temps passé pour toutes les prestations. En effet, le simple fait que les chiffres ressortant des tableaux aient pu être repris pour fixer la clé de répartition des surcoûts n'est pas déterminant pour conclure que la volonté de l'appelante était de soumettre l'intégralité des prestations à une facturation au temps passé. Si les surcoûts en question représentaient le chiffre maximum prévisible qui pouvait être facturé selon l'analyse de l'intimée, il ne semble pas surprenant que l'appelante, indépendamment des phases du projet auxquelles ils se rapportent, ait décidé de les répercuter entièrement dans le système de couverture prévu, afin de se protéger. Ceci expliquerait aussi pourquoi ces tableaux ont été partagés avec M______ en priorité, au vu de son rôle, dans l'exécution des contrats, limité uniquement à la couverture des surcoûts. Cette conception rejoint celle de l'intimée qui soutient qu'à cette époque elle n'avait pas une vision claire des prix totaux prévus par les contrats. Il n'existe en tous les cas pas d'indice permettant de retenir que le contenu des tableaux confectionnés par l'intimée reflétait, outre le calcul des surcoûts prévisibles, une volonté de l'appelante de modifier profondément le mode de facturation en dépit du texte de l'avenant examiné ci-dessus.

Par ailleurs, le Tribunal a constaté que, parmi les tableaux présentés par l'intimée à l'appelante, se trouvaient aussi des tableaux contenant une offre forfaitaire. Cela constitue un indice supplémentaire que les options de facturation forfaitaire avaient été aussi discutées lors de la présentation, contrairement à ce que soutient l'intimée. Or, ce fait, qui n'est pas discuté dans l'appel de l'intimée, n'est pas remis en cause par celle-ci, de sorte qu'il est considéré comme établi.

Le fait que l'intimée ait pu annoncer à l'interne qu'un accord avait été trouvé dans un sens lui étant favorable n'est pas déterminant pour démontrer une volonté commune des parties : tout au plus cette circonstance pourrait-elle servir à démontrer une absence de volonté concordante de l'intimée sur ce point, mais l'interprétation normative de l'accord effectuée par le Tribunal va dans le même sens que la thèse soutenue par l'appelante (cf. infra consid. 2.4).

Ces griefs seront rejetés.

2.3.5 L'intimée critique l'appréciation du premier juge concernant les circonstances postérieures à la conclusion de l'avenant, soit essentiellement l'établissement des procès-verbaux de séance du 7 juin 2007 (cf. attendu C.B.b. supra), ainsi que l'envoi de factures calculées de manière forfaitaire dès le début de la phase de production, soit en décembre 2008.

2.3.5.1 S'agissant des procès-verbaux, l'intimée soutient qu'il ne s'agissait pas d'un indice en faveur d'une volonté de facturation selon le temps passé uniquement pour la phase de migration, comme l'avait retenu le Tribunal. Ces procès-verbaux n'avaient jamais été signés. En outre la mention du mot "également " tendait plutôt à démontrer que les parties voulaient soumettre à la facturation au temps passé aussi la phase de migration en plus de la phase de production.

Sur ce point, le Tribunal a expressément atténué la valeur probante des procès-verbaux, relevant que la question de l'application de la régie pure aux autres phases du projet que la migration n'avait pas été évoquée. Cette appréciation doit être confirmée. Par sa critique, l'intimée semble pour l'essentiel retenir que ces documents sont sans impact sur l'interprétation de la volonté des parties. Néanmoins, elle invoque l'usage du mot également, qui signifierait que les parties se référaient implicitement à la phase de production comme étant également soumise à une facturation en régie. Cette interprétation extensive de l'intimée n'est toutefois nullement étayée par le texte. Ainsi, l'interprétation du Tribunal échappe à la critique, dans la mesure où il a correctement pondéré la valeur probante de ces textes.

2.3.5.2 L'intimée critique également le jugement attaqué en ce qu'il considère que son envoi de factures établies de manière forfaitaire - à un moment où le projet était, selon sa propre conception, dans une phase où la régie pure aurait dû s'appliquer - était "hautement insolite", ce qui confortait l'interprétation de l'appelante. L'intimée oppose sa propre version des faits en quelques lignes, alors qu'elle ne critique pour l'essentiel pas les constatations du Tribunal et que celui-ci a motivé ce point de manière détaillée. La critique de l'intimée n'atteint ainsi pas le seuil minimal de motivation. A défaut de critiques suffisantes, il n'est ainsi pas contesté de manière recevable que l'intimée a envoyé plusieurs factures calculées selon un forfait et une calculée selon la régie pure (contrat I.CA.TMA; laquelle portait sur des prestations de support) et qu'il ne s'agissait pas d'une erreur, de sorte que l'interprétation du Tribunal échappe ici encore à la critique.

2.3.6 Enfin, en dernier lieu, l'intimée se prévaut de la situation difficile dans laquelle elle se trouvait au moment de reprendre les contrats conclus entre l'appelante et H______ SA.

Ces développements portent uniquement sur les circonstances dans lesquelles l'intimée avait repris ces contrats et tendent à expliquer que les dispositions qu'ils contenaient, notamment quant à la quotité du prix à payer au prestataire informatique, soit H______ SA, puis l'intimée, étaient complexes et, à ses yeux, défavorables.

Le fait que l'intimée ait perçu ces contrats comme présentant de sérieux inconvénients pour elle, mais ait tout de même persisté à vouloir les reprendre, ne plaide pas en faveur de sa thèse selon laquelle les parties auraient convenu dans l'avenant des dispositions dérogatoires et défavorables à l'appelante par rapport aux contrats initiaux. Il en résulte bien plutôt que l'intimée était consciente des implications des prix forfaitaires et plafonnés prévus jusqu'alors, mais espérait obtenir des conditions plus favorables. Encore eût-il fallu prouver que ce souhait s'était matérialisé par des manifestations concordantes de volonté des deux parties à la présente procédure, ce qui n'a pas été le cas.

2.4 Ainsi, l'interprétation présentée par le Tribunal dans le jugement entrepris et concernant la fixation des prix est conforme à l'accord conclu entre les parties, soit un calcul du prix en régie pure limitée à certaines prestations du contrat global et non à l'entier de celui-ci.

Par ailleurs, l'intimée ne critique pas le raisonnement subsidiaire du Tribunal, à savoir qu'il existait un accord normatif de même nature, à supposer que les volontés des parties eussent été divergentes. Cette interprétation sera donc confirmée.

Les griefs de l'intimée seront donc rejetés sur cette question.

3. L'intimée fait grief au Tribunal d'avoir retenu que sa résiliation des contrats était injustifiée.

3.1
3.1.1
Selon un principe général, les contrats de durée peuvent être résiliés de façon anticipée par une partie lorsque de justes motifs rendent l'exécution du contrat intolérable pour elle (ATF 138 III 304 consid. 7; 133 III 360 consid. 8.1; 128 III 428 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_241/2017 du 31 août 2018 consid. 4.1).

Il existe de justes motifs lorsqu'on ne peut raisonnablement plus exiger d'une partie cocontractante, selon les règles de la bonne foi, la continuation des rapports contractuels jusqu'au terme convenu ou jusqu'au prochain terme ordinaire de résiliation. Les justes motifs peuvent consister dans l'inobservation ou la violation de clauses contractuelles par une partie, mais aussi être d'une autre nature (ATF 138 III 304 consid. 7; 128 III 248 consid. 3c; arrêt du Tribunal fédéral 4A_241/2017 du 31 août 2018 consid. 4.1). Des violations contractuelles spécialement graves fournissent généralement un juste motif de résiliation. Des violations moins graves peuvent aussi rendre la continuation des rapports de travail intolérable, lorsqu'elles se sont répétées nonobstant des avertissements ou sommations et que de nouveaux avertissements paraissent vains (ATF 138 III 304 consid. 7; arrêt du Tribunal fédéral 4A_241/2017 du 31 août 2018 consid. 4.1).

La notion de justes motifs est une notion juridique indéterminée qui, comme telle, relève de l'appréciation du juge. Le juge apprécie librement, au regard des principes du droit et de l'équité déterminants selon l'art. 4 CC, s'il existe des justes motifs. A cette fin, il prend en considération tous les éléments concrets du cas particulier (ATF 132 III 109 consid. 2; 128 III 428 consid. 4).

3.1.2 Selon la jurisprudence, la partie qui veut résilier le contrat avec effet immédiat doit agir sans tarder à compter du moment où elle a connaissance d'un juste motif, sous peine d'être déchue du droit de s'en prévaloir. Si elle tarde à agir, elle donne à penser qu'elle a renoncé à la résiliation anticipée, respectivement qu'elle peut s'accommoder de la continuation des rapports de travail jusqu'à l'échéance ordinaire du contrat (ATF 138 I 113 consid. 6.3.1; 127 III 310 consid. 4b p. 315; arrêt du Tribunal fédéral 4A_236/2012 du 2 août 2012 consid. 2.4, in SJ 2013 I 65).

3.1.3 Qu'il s'agisse du contrat d'entreprise réglé aux art. 363 et suivants CO ou du contrat d'entreprise de durée - par le fait que l'obligation d'exécuter l'ouvrage incombant à l'entrepreneur ne s'éteint pas lorsqu'elle est accomplie, mais subsiste jusqu'à l'échéance du contrat -, la doctrine reconnaît un droit des parties de le résilier pour justes motifs, même si la loi ne le prévoit pas en faveur de l'entrepreneur (Venturi - Zen-Ruffinen, La résiliation pour justes motifs des contrats de durée, 2007, n. 122 et 206; Tercier/Bieri/Carron, Les contrats spéciaux, 5ème éd. 2016, n. 4183).

La doctrine et la jurisprudence reconnaissent l'existence d'un droit à la résiliation extraordinaire en matière de contrats informatiques plus particulièrement (Jaccard/Robert, Les contrats informatiques, 2009, p. 118). Les principes susévoqués sont ainsi applicables aux contrats dits "informatiques" de durée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_573/2020, 4A_575/2020 du 11 octobre 2021 consid. 6).

3.2 En l'espèce, le Tribunal a considéré que le motif allégué des résiliations par l'intimée - soit le non-paiement de montants facturés en régie pour la phase de production - était infondé au vu de l'interprétation des contrats à laquelle il avait procédé dans les considérants précédents et qui révélait que les parties n'avaient pas convenu d'une telle facturation (cf. consid. 2. supra). Ainsi, en réclamant des montants indus, l'intimée avait procédé à une résiliation injustifiée.

Etant donné que l'argumentation principale de l'intimée sur ce point repose sur la prémisse que l'interprétation des contrats effectuée par le Tribunal est revue par la Cour, ce qui n'est pas le cas, seule doit donc être examinée son argumentation subsidiaire.

Selon l'intimée, l'appelante était en demeure de payer des montants importants relatifs à des travaux de garantie et à des travaux réalisés dans le cadre des taskforces, soit près de 4'000'000 fr., au moment de la résiliation par l'intimée. Ce refus de payer constituait à lui seul un juste motif de résiliation.

Or, lors de ses mises en demeure adressées à l'appelante, l'intimée n'a jamais cité ces créances comme cause d'une éventuelle résiliation immédiate du contrat, puisqu'elle s'est référée aux "services récurrents" du contrat d'hébergement, respectivement d'intégration, et des contrats d'application H.CA.PRO, H.CA.SUP et H.CA.OUT, respectivement, I.CA.TMA. Il ne se trouve pas de mention de travaux de garantie ou réalisés dans le cadre des taskforces non payés fondant son intention de résilier avec effet immédiat. Certes, les activités de taskforces étaient en lien avec le contrat I.CA.TMA, mais, à l'époque, l'intimée soutenait qu'il s'agissait d'une activité hors périmètre de ce contrat, ce qui démontre qu'elle n'entendait pas spécifiquement mettre en demeure l'appelante pour les montants en lien avec les taskforces comme "service récurrent". Mutatis mutandis, il en va de même pour les travaux de garantie. Il faut donc considérer qu'une mise en demeure conforme au contrat n'a pas été notifiée à l'appelante (art. 16.3 des contrats).

En outre, lors de la réunion de janvier 2010 subséquente à l'envoi des courriers, l'intimée a proposé de réduire le montant réclamé à l'appelante de 25%, soit près de 6'000'000 fr. Ce montant auquel l'intimée était prête à renoncer pour assurer la poursuite de la relation contractuelle est supérieur à la prétention de quelque 4'000'000 fr. sur laquelle elle entend désormais fonder un juste motif de résiliation. Cela démontre que l'intimée ne considérait pas que l'absence de paiement jusqu'à 6'000'000 fr. était de nature à mettre en péril l'exécution du contrat, ou du moins à rendre sa position intolérable. Il s'agissait bien au contraire des autres pans du contrat prévoyant initialement des prestations au forfait qui, du point de vue de l'intimée, mettaient en péril la continuation des rapports contractuels. Ce montant ne jouait donc pas de rôle par rapport au véritable motif invoqué par l'intimée, soit l'application d'un calcul du prix en régie pour toutes les prestations effectuées.

Il s'ensuit qu'il n'est pas démontré que le non-paiement du montant de 4'000'000 fr. susévoqué constituait un juste motif de résiliation. Il ressort au contraire des faits de la cause que l'intimée voulait rompre le contrat essentiellement en raison de son interprétation divergente de l'avenant, portant sur des montants beaucoup plus substantiels. Cela résulte d'ailleurs de son courrier de résiliation du 15 février 2010, qui mentionne spécifiquement que le différend n'est pas lié à un montant déterminé, mais à une divergence de compréhension de l'accord liant les parties.

Il n'existait donc pas de justes motifs à la résiliation immédiate, respectivement, les conditions contractuelles, à savoir l'envoi d'une mise en demeure écrite dans les 90 jours suivants la connaissance de la violation grave (art. 16.3 des contrats), n'ont pas été réalisées.

4. L'intimée reproche au Tribunal d'avoir mal apprécié les conséquences de la résiliation injustifiée. L'appel de l'appelante porte aussi sur cette question : les griefs des deux parties seront traités simultanément.

4.1
4.1.1
Une résiliation du contrat pour juste motif ne déploie ses effets que si elle est exercée conformément au droit. A défaut, elle ne déploie pas d'effets et les obligations contractuelles demeurent. Ainsi, une résiliation qui ne reposerait pas sur de justes motifs ne met pas fin au contrat, la partie victime de la résiliation injustifiée conservant la possibilité d'exiger l'exécution en nature de la prestation promise, et de faire usage des voies de droit prévues en cas d'inexécution (ATF 133 III 360 consid. 8.1.2; Venturi-Zen-Ruffinen, La résiliation pour justes motifs des contrats de durée, SJ 2008 II pp. 1 ss, pp. 28 ss; Vetter/Gutzwiller, Voraussetzungen und Rechtsfolgen der ausserordentlichen Beendigung von Dauerschuldverhältnissen, AJP 2010 pp. 699 ss, p. 709 s.).

4.1.2 A teneur de l'art. 366 al. 1 CO, si l'entrepreneur ne commence pas l'ouvrage à temps, s'il en diffère l'exécution contrairement aux clauses de la convention, ou si, sans la faute du maître, le retard est tel que, selon toute prévision, l'entrepreneur ne puisse plus l'achever pour l'époque fixée, le maître a le droit de se départir du contrat sans attendre le terme prévu pour la livraison. Cette disposition présuppose que les conditions de la demeure au sens des art. 102 et suivants CO soient réalisées (ATF 115 II 50 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_298/2019 du 31 mars 2020 consid. 7). De manière générale, l'art. 366 al. 1 CO est un cas d'application des règles sur la demeure précitées (Chaix, Commentaire Romand - CO I, 3ème éd. 2021, notamment n. 3, 6, 20 et 23 ad art. 366 CO). Ainsi, en d'autres termes, lorsque l'entrepreneur est en retard, que ce soit à la livraison de l'ouvrage final ou si les parties ont donné un caractère contraignant à des délais intermédiaires lors de l'exécution de l'ouvrage, les règles ordinaires sur la demeure du débiteur s'appliquent (art. 102 et suivants CO; Tercier/Bieri/Carron, op. cit., n. 3700 et 3702; arrêt du Tribunal fédéral 4A_298/2019 du 31 mars 2020 consid. 6.1).

4.1.3 Conformément aux art. 102 et suivants CO qui règlent la demeure du débiteur, le créancier dispose de trois choix, lorsque son débiteur tombe en demeure :

1° continuer d'exiger l'exécution en nature tout en conservant, le cas échéant, le droit aux dommages-intérêts pour cause de retard (art. 103 et 106 CO) et à un intérêt moratoire (art. 104 CO);

2° renoncer à l'exécution en nature et exiger l'indemnisation de son intérêt à l'exécution du contrat (dommages-intérêts positifs), soit en échange de sa propre prestation, soit sous imputation de la valeur de celle-ci (méthode de la différence);

3° résoudre le contrat, se libérer de ses propres obligations, provoquer la restitution des prestations déjà fournies et exiger l'indemnisation de son intérêt négatif (art. 109 CO; Thevenoz, Commentaire Romand - CO I, 3ème éd. 2021, n. 1 ad art. 107 CO).

4.2 En l'espèce, il n'est plus contesté par les parties, une fois le caractère injustifié de la résiliation immédiate des contrats par l'intimée admis conformément aux considérants précédents, que l'intimée s'est trouvée en demeure et qu'elle doit donc réparer les dommages-intérêts positifs subis par l'appelante, celle-ci ayant persisté dans un premier temps dans l'exécution des contrats, puis ayant choisi la résiliation de ceux-ci.

Seules sont litigieuses des questions en lien avec l'objection de comportement de substitution licite retenue par le Tribunal, la quotité de l'intérêt compensatoire et l'application des clauses limitatives de responsabilité.

5. Les deux parties appelantes reprochent au premier juge d'avoir mal appliqué les règles relatives au comportement de substitution licite, en lien avec la fin hypothétique des contrats.

Il s'agit dans ce cadre de procéder à un raisonnement théorique : quelle aurait été la durée des contrats s'ils avaient été exécutés correctement par les deux parties? En bref, selon l'appelante, le contrat aurait pu se poursuivre au-delà du terme du 30 septembre 2014, car les relations entre les parties se seraient améliorées au fil du temps, alors que l'intimée soutient que l'appelante, mécontente de l'exécution des contrats, aurait résilié de manière anticipée.

5.1
5.1.1
Que ce soit en application de l'art. 107 CO ou en raison d'une impossibilité fautive d'exécuter la prestation, le droit à des dommages-intérêts positif est fondé sur l'art. 97 CO (Thévenoz, op. cit., n. 29 ad art. 107 CO).

La responsabilité du débiteur est donc subordonnée aux quatre conditions suivantes, conformément au régime général de l'art. 97 CO (arrêts du Tribunal fédéral 4A_175/2018 du 19 novembre 2018 consid. 4; 4A_588/2011 du 3 mai 2012 consid. 2.2.2) : (1) une violation des obligations qui lui incombent en vertu du contrat; (2) un dommage; (3) un rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation du contrat et le dommage (Weber/Emmenegger, Berner Kommentar - Die Folgen der Nichterfüllung - Art. 97 - 109 OR, 2ème éd. 2020, n. 160 ad art. 107 CO); et (4) une faute (arrêt du Tribunal fédéral 4A_350/2019 du 9 janvier 2020 consid. 3.1).

En ce qui concerne le rapport de causalité, l'acte ou l'omission (fautif) doit être en relation de causalité naturelle et adéquate avec le dommage.

Lorsque le manquement reproché au débiteur est lié à une action, le rapport de causalité naturelle existe dès que l'acte commis a entraîné le dommage. Si le créancier parvient à établir ce lien, le débiteur peut soulever l'objection fondée sur le "comportement de substitution licite"; il lui appartient d'alléguer et de prouver que le dommage aurait été causé même s'il avait agi conformément au droit; s'il y parvient, la causalité est dite dépassée et sa responsabilité n'est pas engagée (ATF 131 III 115 consid. 3.1 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_350/2019 du 9 janvier 2020 consid. 3.2.1).

Lorsque le manquement reproché est une omission, le rapport de causalité doit exister entre l'acte omis et le dommage. Entre celui-ci et celui-là, le rapport de cause à effet est nécessairement hypothétique (une inaction ne pouvant pas modifier le cours extérieur des événements), de sorte qu'à ce stade déjà, il faut se demander si le dommage aurait été empêché dans l'hypothèse où l'acte omis aurait été accompli; dans l'affirmative, il convient d'admettre l'existence d'un rapport de causalité entre l'omission et le dommage (ATF 122 III 229 consid. 5a/aa; arrêt du Tribunal fédéral 4A_175/2018 du 19 novembre 2018 consid. 4.1.2). Juger de la causalité naturelle dans le cas d'une omission règle le sort de l'objection fondée sur le comportement de substitution licite, puisque cette objection présuppose une interrogation fondée sur la même hypothèse (le dommage aurait-il été empêché dans l'hypothèse où le défendeur aurait agi conformément au droit?; arrêt du Tribunal fédéral 4A_350/2019 du 9 janvier 2020 consid. 3.2.2).

Le rapport de causalité étant hypothétique, le juge se fonde sur l'expérience générale de la vie et émet un jugement de valeur; ce faisant, il élimine d'emblée certains scénarios comme improbables d'après cette même expérience. Il suffit qu'il se convainque que le processus causal est établi avec une vraisemblance prépondérante (ATF 132 III 715 consid. 3.2; 115 II 440 consid. 5a et les arrêts cités). 

En règle générale, lorsque le lien de causalité hypothétique entre l'omission et le dommage est établi, il ne se justifie pas de soumettre cette constatation à un nouvel examen sur la nature adéquate de la causalité (ATF 105 II 440 consid. 5a). Ainsi, lorsqu'il s'agit de rechercher l'existence d'un lien de causalité entre une ou des omissions et un dommage, il convient de s'interroger sur le cours hypothétique des événements (ATF 132 III 305 consid. 3.5 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_350/2019 du 9 janvier 2020 consid. 3.2.2).

5.1.2 La vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2; 132 III 715 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_65/2019 du 18 février 2020 consid. 6.1).

5.2 Concernant la question désignée comme l'objection de comportement licite ou la causalité hypothétique, le Tribunal a retenu que l'appelante avait intérêt à prolonger aussi longtemps que possible la relation contractuelle eu égard à l'investissement consenti pour la migration et aux prix avantageux des prestations, soit jusqu'au 30 septembre 2014. Cela étant, partiellement pour les mêmes raisons, soit les prix insuffisants selon l'intimée, celle-ci n'aurait pas accepté de prolonger le contrat au-delà de cette époque.

L'intimée soutient qu'un faisceau d'indices rend vraisemblable de manière prépondérante que l'appelante aurait résilié les contrats de manière anticipée au 30 septembre 2011, voire les aurait laissé expirer pour le 30 septembre 2013.

Quant à l'appelante, elle prétend que les relations entre les parties auraient pu connaître une amélioration telle qu'elles auraient trouvé un terrain d'entente pour la poursuite de leur relation contractuelle au-delà du terme du 30 septembre 2014. Le Tribunal avait violé le fardeau de la preuve en retenant qu'une volonté des parties en ce sens n'avait pas été démontrée.

Il n'est pas très clair au vu du dossier de première instance et des écritures des parties en appel si les parties et le Tribunal à leur suite entendait analyser cette problématique sous l'angle d'une causalité fondée sur une action, potentiellement annulée par une objection de comportement licite - terme utilisé par les parties et le Tribunal - ou s'il s'agissait plutôt d'une causalité hypothétique fondée sur une omission, laquelle règle par elle-même l'objection susmentionnée. Il semble que l'on se trouve ici plutôt dans la seconde hypothèse dans la mesure où il est essentiellement reproché à l'intimée de n'avoir pas exécuté ses prestations, entraînant ainsi des dépenses prématurées de l'appelante et fondant une prétention à l'intérêt compensatoire sur ces dépenses. In fine, que l'on se trouve dans l'une ou l'autre hypothèse la question demeure la même à savoir : à quelle date le contrat aurait-il pris fin si l'intimée avait respecté ses obligations?

En l'occurrence, le Tribunal ne s'est pas explicitement prononcé sur le degré de preuve requis dans son analyse de la causalité, plus particulièrement de la causalité hypothétique. Certes, il a utilisé le terme de "certitude", mais il ressort du sens général de son texte qu'il a pondéré, dans son examen hypothétique, les différents scénarii envisageables de la poursuite de la relation entre les parties ou de la fin de celle-ci, de sorte que son analyse, même si elle n'en porte pas le nom, est bien fondée sur une vraisemblance prépondérante.

L'argumentation développée par l'intimée est quelque peu contradictoire - tout comme d'ailleurs celle de l'appelante pour une raison inverse - dans la mesure où elle tente de soutenir que, même si elle-même avait respecté toutes ses propres obligations contractuelles, l'appelante aurait été poussée à résilier de façon anticipée les contrats. La structure économique des contrats, longuement décrite et critiquée par l'intimée dans d'autres parties de ses écritures, notamment en lien avec l'insuffisance des prix, donne plutôt l'impression que l'appelante avait fait une affaire avantageuse en se liant avec H______ SA, puis avec l'intimée, sans parler du fait qu'une résiliation anticipée lui aurait imposé de payer une pénalité. Pour peu que l'intimée fournisse ses prestations conformément au contrat, aucun intérêt de l'appelante de résilier les contrats - prématurément ou non - n'est discernable. Le simple fait qu'elle ait envisagé de résilier les contrats, après la naissance du litige de grande ampleur, largement imputable au comportement de l'intimée au vu du résultat de la présente procédure, n'est pas un élément suffisant.

Se référant à ses propres violations du contrat pour convaincre du mécontentement de l'appelante et de son intention de résilier ledit contrat, l'intimée perd de vue qu'elle aurait bien plutôt dû rendre vraisemblable quels éléments du contrat ou des circonstances postérieures auraient, sans qu'on puisse rien lui reprocher, poussé l'appelante à résilier, voire à ne pas prolonger. Force est de constater qu'elle n'y parvient pas.

Il s'ensuit que l'appréciation du Tribunal sur ce point, soit que l'appelante n'aurait pas résilié les contrats avant 30 septembre 2013, respectivement qu'elle aurait prolongé ceux-ci jusqu'au 30 septembre 2014, est bien l'hypothèse qui apparaît prépondérante. Des circonstances importantes et multiples plaident ainsi pour l'exactitude de cette solution. Aucune autre possibilité n'est raisonnablement envisageable au vu des éléments avancés par les deux parties pour fonder ce raisonnement hypothétique. Il ne peut donc être reproché au Tribunal d'avoir violé le droit dans son appréciation des faits.

Quant aux griefs de l'appelante, ils sont infondés pour des raisons similaires. Si l'intimée a tenté de mettre en avant le mécontentent de l'appelante, comme il vient d'être vu, l'appelante se livre à des hypothèses sur une embellie soudaine de la relation qui aurait poussé les parties à poursuivre le contrat au-delà de son terme.

Contrairement à ce qu'invoque l'appelante, le Tribunal n'a pas renversé le fardeau de la preuve en retenant qu'elle n'avait apporté aucun élément permettant de retenir qu'une poursuite des relations contractuelles était envisageable : en effet, la causalité n'est plus hypothétique ici, puisque l'on n'oppose pas un comportement qui s'est réalisé - ou une omission - avec un comportement tel qu'il aurait pu être. Il incombait au contraire à l'appelante de démontrer si naturellement et adéquatement un comportement de l'intimée contraire au contrat était de nature à causer les coûts liés au changement de prestataire à l'expiration de la durée contractuelle. Tel n'est pas le cas, car aucune violation contractuelle ne peut être reprochée à l'intimée sur ce point : si le contrat avait été maintenu en vigueur jusqu'au 30 septembre 2014, elle aurait pu exercer sa liberté contractuelle de ne pas conclure un nouveau contrat avec l'appelante, celle-ci devant compter, dès la conclusion des contrats, avec une non-prolongation. Aucune obligation à la prolongation n'a été violée par l'intimée, qui aurait pu aussi ne pas continuer l'exécution même si le contrat avait été exécuté à la satisfaction complète des deux parties. L'appelante n'a pas prétendu qu'elle aurait reçu des assurances de poursuite des relations contractuelles au-delà du terme. Une fois indemnisée des violations contractuelles commises par l'intimée durant la durée contractuelle, les dépenses ultérieures que l'appelante doit consentir ne sont plus en relation de cause à effet avec ces violations.

Par ailleurs, l'embellie de la relation entre les parties telle que la décrit l'appelante n'est fondée sur aucun élément concret et est démentie tant par le caractère déséquilibré du contrat comme il est décrit par l'intimée que par le litige persistant et durable qui est né entre les partie, avec de graves accusations de part et d'autre. Au terme du contrat, il est prévisible que l'appelante aurait dû lancer un nouvel appel d'offres, ce qu'elle a d'ailleurs envisagé. Rien ne permet de retenir que l'intimée l'aurait remporté en particulier eu égard au résultat de l'exécution des contrats présentement litigieux. En tous les cas, ce raisonnement fondé sur un état de fait hypothétique non prouvé n'est pas suffisant dans ce cadre.

De toute manière, à un moment donné, l'appelante aurait dû changer de prestataire et/ou de plateforme informatique et encourir des coûts de transition similaires, voire identiques, comme l'a retenu le Tribunal, sans que l'appelante ne le remette en cause de manière motivée. Ne démontrant pas que ces coûts auraient pu être inférieurs à ceux qu'elle a payés, elle n'apporte pas la preuve de son dommage.

Les griefs des parties en lien avec un comportement de substitution licite et la causalité hypothétique seront donc rejetés.

6. Pour les sommes que l'appelante a dû dépenser en raison de la résiliation des contrats par l'intimée et de la transition vers un nouveau prestataire, le premier juge lui a alloué un intérêt compensatoire en dédommagement du caractère anticipé des dépenses qu'elle aurait dû de toute manière engager.

L'intimée reproche au premier juge d'avoir fixé l'intérêt compensatoire à 5% l'an.

6.1
6.1.1
A teneur de l'art. 73 al. 1 CO, celui qui doit des intérêts dont le taux n'est fixé ni par la convention, ni par la loi ou l'usage, les acquitte au taux annuel de 5%.

Selon l'art. 104 al. 1 CO, le débiteur qui est en demeure pour le paiement d'une somme d'argent doit l'intérêt moratoire à 5% l'an, même si un taux inférieur avait été fixé pour l'intérêt conventionnel.

6.1.2 Selon une jurisprudence constante, le lésé a également droit, en plus du montant en capital de l'indemnité réparatrice, à l'intérêt compensatoire de ce capital. L'intérêt compensatoire a pour but de placer le lésé dans la situation où il se trouverait si le dommage, respectivement ses conséquences économiques, avaient été réparés au jour de l'acte illicite. Cet intérêt, dont le taux s'élève en principe à 5% (art. 73 al. 1 CO; ATF 122 III 53 consid. 4b), est dû dès le moment où les conséquences économiques du fait dommageable se sont produites et court jusqu'au paiement de l'indemnité (ATF 139 V 176 consid. 8.1.2; 131 III 12 consid. 9.1).

Dans un arrêt, le Tribunal fédéral a examiné s'il se justifiait de revenir sur cette jurisprudence. Il a ainsi retenu que, selon la jurisprudence, tant l'intérêt moratoire que l'intérêt compensatoire visent à réparer le préjudice résultant de la privation de l'usage d'un capital. Il ne se justifie donc pas d'appliquer des taux d'intérêts différents en fonction du type d'intérêts dont il s'agit (ATF 122 III 53 consid. 4b concernant en particulier les intérêts compensatoires en matière contractuelle). Par application analogique des art. 73 et 104 al. 1 CO, le taux forfaitaire (pauschalierter Zinssatz) de l'intérêt compensatoire a donc été fixé à 5% (ATF 139 V 176 consid. 8.1.2; 131 III 12 consid. 9.4; 122 III 53 consid. 4b). Il s'agit d'une présomption réfragable, le lésé ayant la possibilité de faire la preuve d'un dommage plus important (ATF 131 III 12 consid. 9.4 en matière de responsabilité civile). Une partie de la doctrine critique cette jurisprudence et préconise la prise en considération des taux moyens du marché tels qu'ils avaient cours durant la période considérée, pour le motif qu'un taux de 5% aurait pour effet d'enrichir le créancier, en particulier dans la conjoncture économique actuelle. Cela étant, le Tribunal fédéral a considéré qu'il n'y a pas de raison de revenir sur la jurisprudence précitée, dont les motifs sont clairs et convaincants, en particulier en tant qu'elle repose sur le fait que le but des intérêts moratoires et celui des intérêts compensatoires sont sensiblement identiques (arrêt du Tribunal fédéral 5A_388/2018 du 3 avril 2019 consid. 5.5.4.3.2).

6.1.3 L'intimée se réfère à un arrêt cantonal vaudois de 2012 sur lequel le Tribunal fédéral a été amené à se prononcer le 25 février 2013 dans une cause fédérale 6B_387/2012.

Dans cette affaire pénale, une personne accusée à tort d'avoir incendié sa propre villa avait fait valoir, dans sa demande d'indemnisation pour la poursuite injustifiée, les intérêts courants depuis les paiements qu'il avait dû opérer sur sa propre fortune pour reconstruire la villa et le versement de la valeur d'assurance. Selon l'autorité cantonale, il ne s'agissait pas d'un intérêt compensatoire, car les intérêts ne s'ajoutaient pas au capital constituant le dommage, mais représentaient le dommage lui-même. Ces intérêts se rapportaient non pas à l'indemnité perçue de l'assurance, mais au rendement de la fortune de l'intéressé s'il avait pu l'investir ailleurs en percevant plus tôt la valeur d'assurance. Ils devaient être prouvés et une application analogique de l'art. 73 CO était donc exclue. L'assuré devait établir quel rendement il aurait pu obtenir concrètement en plaçant l'équivalent du capital reçu de l'assurance, par exemple dans des obligations de la Confédération. Comme il ne l'avait pas fait, il avait échoué à apporter la preuve de son dommage.

L'assuré recourant au Tribunal fédéral a soulevé uniquement que les taux d'intérêts des obligations de la Confédération sont des faits notoires et qu'ils devaient donc être constatés d'office. Le Tribunal fédéral a souscrit à ce raisonnement, dès lors que les taux de dites obligations étaient aisément consultables sur Internet (consid. 3.5), sans se prononcer toutefois sur la question de l'application analogique de l'art. 73 CO.

6.2 Par son argumentation, l'intimée tente d'opérer une distinction entre les situations où la réparation du dommage subi intervient à la suite, par exemple, d'une condamnation par un Tribunal à payer la perte financière résultant de ce dommage assortie de l'intérêt compensatoire pour l'indisponibilité du capital entre le jour de la survenance du dommage et le jour du jugement et où, comme ici, seule l'indisponibilité du capital doit être réparée, dès lors que la dépense aurait dû de toute façon intervenir. L'intimée soutient que dans le second cas le dommage n'est constitué que de la perte consécutive à l'indisponibilité du capital et que le lésé devrait donc prouver qu'il aurait pu placer son argent à un certain taux, lequel constituerait alors la mesure du dommage réparable.

Cette distinction n'est pas défendable car, dans les deux cas, l'intérêt compensatoire a pour rôle de réparer une indisponibilité du capital. Il serait inéquitable que le lésé soit pénalisé, comme le suggère l'intimée, lorsque le lésant est déjà favorisé parce qu'il a causé un dommage consistant dans une dépense qui devait de toute façon être encourue ultérieurement. D'ailleurs, économiquement, la différence entre la situation présente, où la dépense serait de toute façon intervenue près de trois ans plus tard, et celle où un jugement condamne, par hypothèse, l'auteur trois ans plus tard à réparer un dommage n'est pas perceptible, puisque, pendant trois ans, le capital dépensé est indisponible. Dans les deux cas, l'intérêt compensatoire répare une dépense anticipée.

Par ailleurs, l'intimée se méprend sur la portée de la jurisprudence qu'il invoque à l'appui de son raisonnement, puisque, dans cette affaire, le Tribunal fédéral, faute de grief, n'a précisément pas examiné le raisonnement de l'autorité cantonale qui va dans le même sens que l'argumentation de l'intimée.

Ainsi, au vu de la jurisprudence claire sur ce point, le taux de l'intérêt moratoire appliqué par le Tribunal, soit 5%, sera confirmé.

7. L'intimée reproche au premier juge d'avoir refusé à tort d'appliquer les clauses limitatives de responsabilité convenues par les parties, en retenant qu'elle avait commis une faute grave.

7.1
7.1.1
A teneur de l'art. 100 al. 1 CO, est nulle toute stipulation tendant à libérer d'avance le débiteur de la responsabilité qu'il encourrait en cas de dol ou de faute grave.

L'intention (dolus) est la volonté de commettre une violation du contrat ou du droit ou, à tout le moins, de l'accepter (Widmer Lüchinger/Wiegand, Basler Kommentar - OR I, 7ème éd. 2020, n. 5 ad art. 99 CO).

Constitue une faute grave la violation des règles élémentaires de prudence dont le respect se serait imposé à toute personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances (ATF 146 III 326 consid. 6.2; 128 III 76 consid. 1b; 119 II 443 consid. 2a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_386/2016 du 5 décembre 2016 consid. 2.2.5; 4A_398/2009 du 23 février 2010 consid. 6.1). Commet, en revanche, une négligence légère la personne qui ne fait pas preuve de toute la prudence qu'on aurait pu attendre d'elle, sans toutefois que sa faute - non excusable - puisse être considérée comme une violation des règles de prudence les plus élémentaires (ATF 146 III 326 consid. 6.2; arrêt 4A_386/2016 précité consid. 2.2.5 et les références citées). Le juge apprécie (art. 4 CC) les agissements de l'auteur négligent en se référant à la diligence que l'autre partie était en droit d'attendre, en vertu, notamment, des clauses du contrat et des usages professionnels (ATF 146 III 326 consid. 6.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_386/2016 précité consid. 2.2.5; 4A_438/2007 du 29 janvier 2008 consid. 5.3). Le fardeau de la preuve de la faute grave incombe au créancier (art. 8 CC; arrêts du Tribunal fédéral 4A_344/2020; 4A_342/2020 du 29 juin 2021 consid. 6.2.1).

7.1.2 Dès avant l'entrée en vigueur du CPC, la jurisprudence considérait qu'un avis de droit n'avait pas valeur de moyen de preuve, mais n'était qu'un simple allégué de partie (arrêt du Tribunal fédéral 5A_261/2009 du 1er septembre 2009 consid. 1.3 non publié in ATF 135 III 608).

7.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu que l'intimée, se fondant sur deux avis de droit brefs et effectués pour l'un par ses mandataires actuels, pour l'autre après la naissance du litige, avait systématiquement demandé la modification des contrats qu'elle avait pourtant repris en connaissance de cause en menaçant de cesser ses services, ce qui constituait une faute grave.

L'intimée soutient que seule était pertinente la question de savoir si la résiliation immédiate injustifiée était gravement fautive, son comportement antérieur étant sans incidence. Le raisonnement du premier juge conduisait à retenir que toute résiliation injustifiée constituait un comportement gravement fautif.

L'appelante soutient que la clause limitative de responsabilité ne serait pas applicable en cas de résiliation immédiate du contrat. De toute manière, la résiliation immédiate s'inscrivait dans la volonté durable de l'intimée de lui imposer sa volonté en lien avec le mode de facturation des prestations : le comportement de l'intimée était donc intentionnel, voire gravement négligent.

Sans devoir se prononcer sur l'éventuelle inapplicabilité de la clause limitative de responsabilité soulevée par l'appelante, la Cour retiendra que le comportement de l'intimée est dolosif, voire gravement négligent, de sorte que cette clause n'est de toute manière pas opposable à l'appelante.

En effet, il serait artificiel de détacher la résiliation avec effet immédiat des contrats de l'attitude antérieure et postérieure de l'intimée. Contrairement à ce que soutient l'intimée, ce n'est pas la résiliation inefficace qui est en soi la cause des prétentions en réparation de l'appelante : il s'agit bien plutôt de son refus de fournir ses prestations conformément au contrat qui constitue l'acte générateur de responsabilité. En effet, comme il a été vu, une résiliation inefficace a pour conséquence la poursuite de la relation entre les parties.

Par ailleurs, dans la chronologie des faits, la résiliation immédiate apparaît comme la culmination des procédés de l'intimée tendant à obtenir de l'appelante une modification du contrat qu'elle avait pourtant repris en toute connaissance, un vice du consentement n'ayant jamais été allégué, ainsi que l'a souligné le Tribunal. L'intimée avait menacé à plusieurs reprises l'appelante de cesser ses prestations, sachant, par le texte même des contrats (art. 3.1.3) et par l'ensemble des circonstances, les conséquences désastreuses que pouvaient avoir un tel comportement pour l'appelante. Cette attitude n'était pas motivée par des circonstances indépendantes de la volonté de l'intimée, mais par sa volonté d'imposer unilatéralement à sa partenaire contractuelle une augmentation du prix de ses prestations.

Ainsi, faisant fi de son obligation expresse de poursuivre la fourniture de ses prestations et pour des raisons économiques, l'intimée a cessé, à la suite de la résiliation, de fournir ses prestations, ce qu'elle ne conteste pas.

L'invocation de deux brefs avis de droit dont l'un est postérieur à la résiliation des contrats et l'autre émane des conseils actuels de l'intimée n'a pas de valeur probante, ces documents n'étant considérés, du point de vue du droit à la preuve, que comme des allégués de l'intimée. Il n'en va pas différemment d'un courriel interne dans lequel un cadre de l'intimée a, en avril 2007, soit près de trois ans avant la résiliation, écrit à une reprise qu'il pensait avoir trouvé un accord avec l'appelante pour une facturation de toutes les prestations en régie. Ce seul élément ne permet pas de contrebalancer la compréhension subjective et objective de l'avenant en question telle qu'elle ressort du jugement entrepris et du présent arrêt. En outre, il a été vu que le refus de payer 4'000'000 fr. par l'appelante n'était pas un juste motif de résiliation. Enfin, le fait que les parties aient pu envisager la possibilité d'une fin prématurée des contrats par convention en 2009 n'est pas déterminant, car l'attitude de l'appelante a démontré par ailleurs son souhait de poursuivre la relation contractuelle, la convention de résiliation n'étant jamais venue à chef.

Il en découle que l'intimée ne peut pas se prévaloir de sa bonne foi pour excuser son refus intentionnel de prester. En effet, elle savait, par le texte clair du contrat (art. 3.1.3 des contrats-cadres), qu'elle avait endossé une obligation de fournir ses prestations malgré les différends qui pouvaient survenir. Ayant agi en contradiction évidente avec cette obligation, elle ne saurait prétendre à ce stade qu'elle ignorait les conséquences d'une cessation de la fourniture de ses prestations pour l'appelante.

Son attitude est donc l'expression d'un dol. La clause limitative de responsabilité n'est donc pas opposable à l'appelante.

8. L'intimée reproche au premier juge d'avoir retenu qu'elle n'avait pas l'intention de remettre les codes sources en vue du développement des interfaces "AF______", ainsi que d'avoir appliqué un taux d'intérêt compensatoire de 5%.

L'existence d'une obligation contractuelle de remettre le code source contre rémunération ne fait plus débat : seule est litigieuse la question de savoir si l'intimée a offert de ou était prête à remettre le code source.

A ce sujet, le Tribunal a retenu que l'intimée n'avait d'abord pas répondu à la demande de mai 2010 de l'appelante de lui indiquer pour quel prix elle accepterait de céder les codes, puis, compte tenu de la requête de mesures provisionnelles déposée à cette époque, elle avait déclaré qu'il n'y avait plus matière à en discuter. Elle avait ensuite soumis la cession des licences à une "transaction globale". Finalement, début octobre 2010, elle avait fait une offre, tout en formant appel contre la décision du Tribunal sur mesures provisionnelles lui ordonnant de fournir à l'appelante l'accès aux codes-sources des programmes nécessaires au fonctionnement du système informatique de l'appelante, en demandant la restitution de l'effet suspensif. Malgré l'existence du courrier électronique du 7 octobre 2010, l'intimée n'avait pas eu l'intention de fournir les codes-sources demandés.

A ce raisonnement, l'intimée oppose qu'un employé de l'appelante avait affirmé que la remise devait avoir lieu à titre gracieux, lors de son audition par le Tribunal, et que l'appelante avait soutenu que le programme visé était sans originalité. L'appelante avait en outre mandaté une entreprise pour redévelopper une solution informatique un mois et demi après le 7 octobre 2010.

Ces arguments ne convainquent guère, eu égard à la pondération des différents éléments pertinents effectuée par le Tribunal. En effet, celui-ci a expressément mis en balance le témoignage susévoqué avec les autres circonstances, en particulier les demandes réitérées de l'appelante de connaître le prix demandé par l'intimée. Celle-ci ne discute pas ce point dans son appel. En outre, l'on ne discerne pas en quoi le manque d'originalité allégué par l'appelante ou le fait que celle-ci ait attendu un mois et demi pour mandater une nouvelle entreprise, pourrait apparaître comme un indice de l'intention de l'intimée de lui remettre les codes sources, même contre rémunération. Bien au contraire, l'intimée ne discute pas les éléments pertinents avancés par le Tribunal, les passant simplement sous silence en ne réitérant que les faits qui plaident en sa faveur. Or, ces faits sont insuffisants pour expliquer son propre comportement tendant à repousser une transaction permettant le transfert des droits contre compensation.

La décision du Tribunal sur le taux de l'intérêt compensatoire fait l'objet de griefs similaires de l'intimée déjà rejetés ci-dessus et sera donc confirmée (cf. consid. 6. supra).

Les griefs de l'intimée sur ce point seront rejetés.

9. L'intimée reproche au premier juge d'avoir retenu que l'appelante pouvait invalider l'accord portant sur le paiement d'un montant mensuel de 1'469'000 fr. à l'intimée.

Le Tribunal a retenu que cet accord, tendant à régler les rapports des parties après la résiliation immédiate des contrats par l'intimée, avait été conclu alors que l'appelante se trouvait exposée à un danger grave et imminent, soit la coupure potentielle de son service informatique. En outre, cette pression exercée par l'intimée était illicite, car son interprétation des contrats n'était pas soutenable, eu égard notamment à son obligation de prester et de ne pas interrompre les prestations.

L'intimée oppose à ce raisonnement que son interprétation des contrats était correcte. Ce premier grief peut d'emblée être rejetée au vu des considérants du présent arrêt (voir notamment consid. 2. supra).

En outre, l'intimée soutient que les deux parties avaient compris que les contrats avaient pris fin et que la résiliation déployait des effets. L'appelante aurait dû entreprendre des démarches judiciaires pour forcer l'intimée à prester, à défaut les parties étaient entrées en phase de "transition". La résiliation immédiate avait donc mis fin de facto aux contrats.

Cette argumentation ne tient pas compte de la conséquence juridique principale d'une résiliation immédiate injustifiée d'un contrat de durée, à savoir que le contrat et les obligations qu'il comporte persistent (cf. consid. 4.1 supra). L'appelante a ainsi été placée face au refus de prester de l'intimée selon les contrats, respectivement à une fourniture des prestations aux conditions nouvellement imposées par celle-ci. Il s'ensuit qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir accepté provisoirement ces nouvelles conditions et d'avoir entrepris des démarches auprès d'un prestataire externe, puisque ces démarches s'inscrivent dans une logique de limitation du dommage, incombance qui lui revient de par la loi (art. 44 al. 1 CO). Aurait-elle simplement laissé l'appelante refuser de prester, provoquant ainsi l'écroulement de son système informatique et potentiellement un arrêt total de son activité bancaire, le dommage aurait été incommensurablement plus élevé au vu des dégâts causés. Cette situation est d'ailleurs à l'origine de la crainte fondée subie par l'appelante, qui n'est pas remise en cause par l'intimée.

L'argumentation de l'intimée n'est donc pas défendable. Prétendre à ce stade, pour tenter de remettre en cause le raisonnement du Tribunal, que l'appelante avait "consenti" à la fin des contrats et accepté une entrée dans un système de transition revient à faire abstraction du propre comportement de l'intimée et de ses conséquences juridiques. Il n'en va pas différemment du reproche selon lequel l'appelante aurait dû agir en justice pour obtenir l'exécution des prestations selon le contrat : cette hypothèse est en contradiction avec la position principale de l'intimée, soit qu'elle avait agi conformément au contrat.

Par conséquent, les griefs de l'intimée, qui ne remet pas expressément en cause l'argumentation principale du Tribunal, soit que l'appelante se trouvait dans une situation de crainte fondée et avait donc invalidé valablement l'accord conclu avec l'intimée prévoyant le versement 1'469'000 fr., seront rejetés.

10. L'intimée reproche au premier juge d'avoir tenu pour fondée l'invalidation des accords liés aux releases correctives K______ en raison d'une crainte fondée de l'appelante.

10.1 A teneur de l'art. 29 al. 1 CO, si l'une des parties a contracté sous l'empire d'une crainte fondée que lui aurait inspirée sans droit l'autre partie ou un tiers, elle n'est point obligée.

A teneur de l'art. 31 CO, le contrat conclu sous l'empire d'une crainte fondée est tenu pour ratifié lorsque la partie qu'il n'oblige point a laissé s'écouler une année sans déclarer à l'autre sa résolution de ne pas le maintenir, ou sans répéter ce qu'elle a payé (al. 1). Le délai court dès que la crainte s'est dissipée (al. 2).

Selon l'art. 60 al. 3 CO, si l'acte illicite a donné naissance à une créance contre la partie lésée, celle-ci peut en refuser le paiement lors même que son droit d'exiger la réparation du dommage serait atteint par la prescription.

Le principe qui sous-tend cette disposition est l'adage selon lequel l'action se prescrit, mais l'exception persiste ("Anspruch vergeht - Einrede besteht"). Etant donné que la crainte fondée des art. 29 et 30 CO constitue un acte illicite (Tercier/Pichonnaz, Le droit des obligations, 6ème éd. 2019, n. 897), la victime peut, même au-delà du délai d'un an prévu par l'art. 31 CO, opposer une exception de prescription au créancier, pour peu qu'elle n'ait pas ratifié expressément ou par actes concluants le contrat (ATF 84 II 621; 66 II 158; arrêt du Tribunal fédéral 5C_290/2006 du 9 mars 2007 consid. 3.2.1). Selon l'ATF 84 II 621, le simple fait que la victime de menaces continue d'exécuter le contrat alors qu'elle peut toujours subir des conséquences comme une faillite ou des poursuites n'est pas de nature à considérer qu'elle a tacitement ratifié le contrat.

10.2 En l'occurrence, sur la question de la facturation des releases K______, seul demeure litigieux un montant de 303'939 fr. réclamé par l'intimée à l'appelante. Celle-ci s'oppose au paiement en se fondant sur l'invalidation des contrats pour crainte fondée, alors que celle-là soutient que le délai annal pour dite invalidation était échu.

Il appert que, pour cet aspect des montants liés aux releases susmentionnées, la solution n'est pas la même que pour les montants prépayés par l'appelante et dont elle réclamait le remboursement en première instance. Il s'agit ici d'un refus de payer de l'appelante qui oppose à la prétention de l'intimée avoir été sous l'emprise d'une crainte fondée.

Ainsi, bien que les parties ne se soient pas exprimées en ces termes, le comportement de l'appelante doit être interprété, pour ce qui concerne la prétention en 303'939 fr. émise par l'intimée, comme l'invocation d'une exception de crainte fondée.

Aucune circonstance n'a été plaidée tendant à retenir que l'appelante aurait ratifié le contrat expressément ou par actes concluants : seul l'écoulement du délai d'une année a été invoqué par l'intimée.

Contrairement aux développements de l'intimée, l'exception n'est pas soumise au délai d'une année de l'art. 31 CO. Dès lors que les arguments de l'intimée se concentrent uniquement sur le respect de ce délai, ils doivent être écartés.

L'intimée ne critiquant par ailleurs pas l'existence d'une crainte fondée, sa prétention en paiement de 303'939 fr. doit être rejetée par substitution de motifs.

11. L'intimée remet en cause le rejet de ses prétentions en paiement d'un montant total de 25'484'037 fr. à titre de dépassements budgétaires, de changements de périmètre et de frais d'expertise.

11.1 Les griefs de l'intimée en lien avec les dépassements budgétaires peuvent être d'emblée écartés dans la mesure où ils se fondent sur la prémisse, qui n'est pas réalisée au vu de ce qui précède, que l'avenant prévoyait une facturation en régie pour l'ensemble des prestations. En outre, le renvoi à des écritures déposées devant l'autorité précédente est un procédé irrecevable en appel (parmi plusieurs : arrêt du Tribunal fédéral 4A_659/2011 du 7 décembre 2011 publié in SJ 2012 I 232).

11.2 L'intimée reproche ensuite au premier juge d'avoir rejeté ses prétentions relatives à un changement de périmètre, soit des montants relatifs à des coûts de stockage additionnels, à la mise à disposition de systèmes en lecture seule, à des releases évolutives et aux réseaux LAN/MAN/WAN.

11.2.1 L'existence d'un abus de droit (art. 2 CC) se détermine selon les circonstances de l'espèce, en s'inspirant des diverses catégories mises en évidence par la jurisprudence et la doctrine. Les cas typiques en sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique de façon contraire à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire (ATF 138 III 401 consid. 2.2;
137 III 625 consid. 4.3; 135 III 162 consid. 3.3.1). L'application de l'art. 2 al. 2 CC doit rester restrictive et se concilier avec la finalité, telle que l'a voulue le législateur, de la norme matérielle applicable au cas concret (arrêts du Tribunal fédéral 4A_552/2020 du 12 mars 2021 consid. 3.2; 4A_644/2014 du 27 avril 2015 consid. 3.1; ATF 107 Ia 206 consid. 3b).

L'exception de position mal acquise (nemo auditur propriam turpitudem allegans; objection des unclean hands) trouve une expression légale aux art. 44 al. 1, 66 et 156 CO, mais ne constitue pas un principe général applicable en droit suisse (ATF 129 II 426 consid. 2.2). Ainsi, celui qui ne respecte pas la loi n'est pas forcément empêché d'en demander le respect par l'autre partie (Chappuis, Commentaire romand - CC I, 2010, n. 37 ad art. 2 CC). Tout au plus, l'invocation frauduleuse ou sinon choquante d'une position juridique peut s'opposer à l'invocation de celle-ci (Honsell, Basler Kommentar - ZGB I, 6ème éd. 2018, n. 50 ad art. 2 CC). Par exemple, le séquestre obtenu par une tromperie ne peut pas être exécuté (ATF
105 III 18). Dans le même ordre d'idée, le locataire qui intente un procès dont il sait qu'il est voué à l'échec uniquement pour profiter de la protection légale contre les congés donnés en représailles à une action en justice ne saurait profiter de cette protection (ATF 114 II 79).

11.2.2 Les parties qui ont convenu de donner une forme spéciale à un contrat pour lequel la loi n'en exige point sont réputées n'avoir entendu se lier que dès l'accomplissement de cette forme (art. 16 al. 1 CO).

L'art. 16 CO présume que la forme réservée est une condition de la validité du contrat; cette présomption peut être détruite par la preuve que la forme volontaire ne vise qu'à faciliter l'administration des preuves (ATF 128 III 212 consid. 2b) ou que le vice ne porte pas sérieusement atteinte au but de protection assigné à l'exigence de forme (arrêt du Tribunal fédéral 4D_75/2011 du 9 décembre 2011 consid. 3.2.2).

L'un des cas d'attitude contradictoire sanctionnée par l'interdiction de l'abus de droit est celui où l'une des parties se prévaut abusivement du fait que la forme légale ou conventionnelle pour la conclusion du contrat n'a pas été respectée (Honsell, op. cit., n. 45 ad art. 2 CC).

11.2.3 La preuve de l'existence du dommage et sa quotité incombe au demandeur (art. 8 CC et 42 al. 1 CO). En tant que règle sur la répartition du fardeau de la preuve, l'art. 8 CC détermine laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve d'un fait pertinent. Lorsque le demandeur introduit une action en dommages-intérêts, il doit alléguer et prouver tous les faits constitutifs de responsabilité. Il supporte le fardeau de la preuve de chacun de ces faits pertinents, ce qui signifie que si le juge ne parvient pas à une conviction, n'est pas à même de déterminer si chacun de ces faits s'est produit ou ne s'est pas produit, il doit statuer au détriment du lésé (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.3 et les références citées).

Il appartient donc au lésé de prouver l'existence et l'étendue du dommage dont il demande réparation (art. 42 al. 1 CO). Cependant, l'art. 42 al. 2 CO autorise le juge à statuer, dans certaines circonstances, sur l'existence et la quotité du dommage ex aequo et bono, en considération du cours ordinaire des choses. L'allègement du fardeau de la preuve que consacre cette disposition étant d'application restrictive, le lésé est tenu de fournir, dans la mesure du possible, tous les éléments de fait constituant des indices de l'existence du préjudice et permettant d'évaluer en équité sa quotité; les circonstances alléguées doivent ainsi faire apparaître un préjudice comme pratiquement certain, une simple possibilité étant insuffisante pour l'allocation de dommages-intérêts (arrêt du Tribunal fédéral 5A_170/2013 du 3 octobre 2013 consid. 7.1.2). Lorsque le créancier ne satisfait pas entièrement à son devoir de fournir les éléments utiles à ces estimations, l'une des conditions dont dépend l'application de l'art. 42 al. 2 CO n'est pas réalisée; il est alors déchu du bénéfice de cette disposition, quand bien même l'existence d'un dommage serait certaine (arrêt du Tribunal fédéral 4A_481/2012 du 14 décembre 2012 consid. 4, paru in SJ 2013 I p. 487).

L'art. 42 al. 2 CO est applicable à la responsabilité contractuelle par le renvoi de l'art. 99 al. 3 CO (Thevenoz, Commentaire Romand - CO, 3ème éd. 2021, n. 32a).

11.3.1 S'agissant des changements de périmètres, plus particulièrement sur la question des coûts additionnels de stockage entre octobre 2008 et février 2010, le Tribunal a retenu que l'intimée, après que les capacités de stockage initialement prévues avaient été épuisées, avait continué à fournir ses prestations pendant cinq mois avant de formuler une offre pour un volume supplémentaire, refusée par l'appelante. Les prestations de stockage supplémentaire avaient ainsi été fournies à l'insu de l'appelante, puis en dépit du refus de celle-ci. Le périmètre contractuel n'avait donc pas été modifié conformément à l'art. 14 des contrats d'intégration et d'hébergement.

En appel, l'intimée renonce aux coûts afférents à la période d'octobre 2008 à mars 2009. Elle estime qu'il était abusif pour l'appelante de se prévaloir de l'absence de document écrit permettant de prendre en compte les coûts de stockage, puisqu'elle était obligée de stocker les données de l'appelante, à défaut de quoi le système se serait arrêté.

L'appelante renvoie essentiellement à l'argumentation du premier juge.

En l'espèce, il résulte de l'argumentation de l'intimée qu'elle admet que l'appelante n'a pas consenti à l'augmentation de la capacité de stockage, de sorte qu'il n'est pas question d'une invocation abusive de la forme écrite conventionnelle pour invalider la convention, puisqu'aucun accord n'est venu à chef ni par écrit, ni oralement, ni par actes concluants. Il ne résulte pas non plus des arguments de l'intimée que l'appelante aurait violé l'art. 14.1 2ème § des contrats d'hébergement et d'intégration en ne lui donnant pas de réponse à son offre dans un délai de quinze jours.

Le seul grief de l'intimée consiste à soutenir que l'appelante avait abusivement refusé sa proposition d'augmentation de la capacité de stockage contre rémunération. A bien la comprendre, la seule possibilité offerte à l'appelante et conforme au principe de la bonne foi, concrétisé par l'interdiction de l'abus de droit, était d'accepter, sans réserve, de rémunérer l'augmentation de la capacité de stockage comme elle le demandait.

Or, il n'est pas contesté que l'intimée n'a jamais averti l'appelante (en dépit de son devoir d'information contractuel), avant que la capacité de stockage ne soit dépassée, qu'elle allait l'être, ce afin de permettre à l'appelante de prendre les dispositions nécessaires et cas échéant de donner les instructions nécessaires pour diminuer le volume des données stockées. Au contraire, l'intimée a laissé la capacité s'épuiser, puis en a alloué davantage, sans rien dire à l'appelante. Le fait qu'elle renonce à ce stade à la rémunération pour la période durant laquelle l'appelante ne connaissait pas cette problématique est sans pertinence au vu de ce qui suit.

En effet, l'intimée ne saurait prétendre que la seule issue à l'insuffisance du stockage était soit une augmentation sans borne de celle-ci, contre rémunération, soit la cessation du fonctionnement du système informatique. Connaissant son obligation de fourniture des services (art. 3.1.3 des contrats d'hébergement et d'intégration), ainsi que la procédure spécifique de modification des services (art. 14 des mêmes contrats), elle devait, en sa qualité de spécialiste, anticiper l'insuffisance du stockage et proposer une solution idoine avant que la capacité soit épuisée et surtout avant d'étendre les moyens de stockage à l'insu de l'appelante.

Bien que le droit suisse ne connaisse pas l'application générale du principe des "clean hands", il n'en demeure pas moins que l'intimée ne saurait se voir protégée dans son attitude au prétexte que l'appelante était consciente du fait que les services seraient interrompus si la capacité de stockage n'était pas étendue. Cette situation se situe à la limite de la contrainte dans la mesure où elle entendait imposer un accord à l'appelante une fois que le stockage des données, par sa propre faute, était devenu une menace pour le fonctionnement même du système informatique. Ne laissant aucune marge de manœuvre à l'appelante, elle ne saurait se prévaloir d'un comportement prétendument abusif de celle-ci.

Ainsi, peu importe de savoir, si une autorisation de l'appelante était nécessaire pour obtenir la destruction des données inutiles.

Par conséquent, le refus de l'appelante de la rémunérer n'est pas constitutif d'abus de droit. Les conditions contractuelles pour fonder dite rémunération n'étant pas réalisées, aucun accord, a fortiori écrit, n'ayant été donné, aucun montant additionnel n'est dû à l'intimée par l'appelante pour le stockage supplémentaire fourni.

11.3.2.1 Quant à la question des systèmes en lecture seule, le Tribunal a retenu que l'obligation de mettre à disposition des systèmes en lecture seule prévue par les contrats H.CA.MIG et I.CA.MIG impliquait que le prestataire, soit l'intimée, devait assumer les coûts d'opération pour assurer ce service, inclus dans le prix payé par le client. L'intimée a donc été déboutée de ses prétentions en paiement sur ce point.

L'intimée critique ce raisonnement : étant donné que ces prestations faisaient parties des contrats susvisés, elles pouvaient être facturées en régie, conformément à l'interprétation retenue par le Tribunal lui-même. Subsidiairement, si la Cour devait rejeter cette approche, il fallait considérer que ces prestations ne faisaient pas partie du périmètre contractuel, mais avaient été demandée par l'appelante. Les prestations pouvaient, dans cette hypothèse encore, être facturées en régie.

L'appelante estime quant à elle que l'intimée avait facturé et accepté le paiement des montants forfaitaires prévus par les contrats pour ces prestations. La seule question litigieuse avait donc été, en première instance, de savoir si ces montants comprenaient la mise à disposition des deux systèmes en lecture seule. L'argument de facturer ces prestations en régie était donc nouveau et irrecevable. Quant à l'argumentation subsidiaire de l'intimée, elle était en contradiction avec son argumentation principale. En outre, plusieurs éléments factuels démontraient que les prix susévoqués comprenaient la mise à disposition des deux systèmes en lecture seule. Subsidiairement, le prix demandé n'avait pas été prouvé par un time-sheet, mais par une comparaison, de sorte que la preuve de la valeur des prestations fournies n'avait pas été apportée.

11.3.2.2 Ainsi que le soutient à juste titre l'appelante, l'intimée a modifié son argumentation entre l'époque où le litige est survenu sur ce point et l'appel. Il est néanmoins inutile d'examiner si cette argumentation est recevable ou non, au vu de ce qui suit.

En effet, au moment où la question de savoir si les prestations consistant à fournir les systèmes J______ et L______ en lecture seule étaient ou non visées par les contrats originels est surgie, soit en avril 2008, l'intimée a soutenu que ces prestations se trouvaient hors du périmètre contractuel et a proposé de formuler une offre à l'appelante. Celle-ci s'y est opposé en arguant du fait que ces prestations étaient déjà incluses dans les contrats. Les parties ont ensuite campé sur leurs positions, l'intimée fournissant, in fine et malgré ce désaccord, la prestation. Les factures correspondant à ces services ont été calculées, ainsi que l'a exposé l'appelante, par une sorte de forfait déterminé en fonction du contrat antérieur portant sur ces réseaux.

Dans ses conclusions après enquêtes, l'intimée a évoqué la possibilité que le prix des prestations en question doive être calculé au temps passé, en fonction de l'interprétation du contrat qui serait retenue par le juge.

Au stade de l'appel, comme il vient d'être rappelé, l'intimée fonde désormais sa prétention sur un paiement correspondant à un calcul du prix en régie quel que soit le fondement des prétentions visées. En tant que telle, cette argumentation n'est pas totalement nouvelle, puisqu'elle a été partiellement esquissée en première instance.

Néanmoins, le sort du litige est scellé par une autre circonstance. En effet, l'intimée n'apporte aucune preuve que le prix demandé correspond à un certain temps passé par ses employés, les factures en question n'étant pas accompagnées d'un time-sheet.

Pourtant, il était incontestablement possible, si les prestations en question devaient être facturées en régie, de fournir la base de calcul, à savoir essentiellement le temps passé, voire le matériel consacré, qui permettraient de calculer le prix à payer. D'ailleurs, l'avenant prévoyait expressément que la facturation en régie se ferait sur la base d'un time-sheet.

Or, compte tenu du revirement entre l'approche de l'intimée face à cette problématique à l'époque et celle qu'elle développe à l'appui de son appel, elle s'est mise dans une situation où elle demande le paiement de ses factures, calculées par une sorte de forfait comme elle l'expose elle-même, alors que le fondement contractuel invoqué à ce stade prévoit un paiement en fonction du temps passé. L'intimée se trouve en outre en contravention avec les dispositions contractuelles l'obligeant à informer et à détailler ses prestations lorsque du travail en régie est fourni.

Il s'ensuit que, quel que soit le résultat du raisonnement conduisant à déterminer précisément le fondement contractuel de la prétention, l'intimée n'a pas apporté une preuve suffisante du préjudice subi. Il n'est donc pas loisible à la Cour, au stade de l'appel, de traiter cette question faute de preuve suffisante du dommage, ni de retourner la cause à l'autorité de première instance, qui ne peut pas autoriser l'intimée à compléter l'état de fait sur ce point.

Pour cette raison déjà, la prétention de l'intimée doit être rejetée, l'une des conditions à la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle étant manquante.

En outre, il ne saurait être question de condamner l'appelante à payer ce forfait, même sur la base du raisonnement qu'elle avait présenté en première instance, dès lors qu'aucun accord de l'appelante ni sur la modification du périmètre contractuel, ni sur l'augmentation du forfait prévu n'a été prouvé. L'intimée consacre un paragraphe à cette question en laissant entendre que le comportement de l'appelante serait abusif si elle refusait de la payer, car elle aurait elle-même demandé l'exécution de ces prestations. Or, l'appelante a persisté à demander l'exécution du contrat, ce qui n'équivaut pas à admettre qu'elle aurait accepté une augmentation aussi importante, soit de 77'000 fr. - montant des prestations forfaitaires - à plus de 2'000'000 fr. On parvient par ailleurs difficilement à discerner pourquoi l'intimée aurait effectué un travail aussi coûteux, sans avoir l'accord de sa contrepartie et, même plus, alors que celle-ci s'y opposait, si elle considérait réellement que ce travail ne faisait pas partie du périmètre des contrats. Les quelques éléments isolés qu'elle avance, soit une question technique portant sur la technologie applicable, une interprétation des volontés fondée sur l'offre initiale ou sur un cahier des charges, qui reposent essentiellement sur des allégués propres ou sur des dépositions de l'expert qu'elle a elle-même mandatés, ne sont pas suffisants pour remettre en cause le raisonnement motivé du Tribunal.

Ainsi, les griefs de l'intimée sur ce point seront rejetés.

11.3.3 S'agissant des prétentions en paiement pour les releases évolutives de l'application "K______", le Tribunal a effectué le raisonnement suivant : des accords valables avaient été conclus entre les parties pour les releases d'avril à octobre 2009 et de décembre 2009 à février 2010 prévoyant une rémunération en régie de l'intimée pour ces périodes. Pour les autres mois, aucun accord n'était venu à chef.

Face à cette argumentation, l'intimée se prévaut du témoignage isolé d'un employé de l'appelante qui aurait déclaré que l'appelante "souhaitait activer les composants évolutifs après juin 2009", de sorte que la dépense aurait de toute façon dû être consenties à un moment donné.

Cette critique n'atteint pas le seuil minimal de motivation posé par l'art. 311 al. 1 CPC, dès lors qu'il n'y a pas de rapport entre l'absence d'accord pour les périodes autres que celles mentionnées ci-dessus avec le fait que l'appelante aurait souhaité avoir recours aux releases évolutives dès juin 2009, ce dernier point ne dénotant pas un échange concordant de volonté à ce sujet entre les parties.

L'intimée laisse encore entendre qu'il faudrait appliquer par analogie les développements en lien avec la causalité hypothétique déjà évoqués ci-dessus. Toutefois, la situation est complètement différente ici, puisqu'il n'est pas question de dépenses que l'appelante aurait de toute façon dû faire, quelle que soit l'attitude de l'intimée, mais d'une prétention en paiement de l'intimée pour une prestation qui ne lui a pas été demandée. Que l'appelante ait ou n'ait pas eu, par la suite, recours à un autre prestataire pour lui fournir dites prestations, cela est sans incidence avec son éventuelle obligation de payer l'intimée, qui n'est pas fondée in casu sur une convention valable. Il s'ensuit que la notion de causalité hypothétique n'entre pas en considération.

L'intimée sera donc déboutée de ses griefs sur ce point, dans la mesure de leur recevabilité.

11.3.4 Reste les prétentions en paiement de l'intimée pour les prestations relatives aux réseaux.

11.3.4.1 A teneur de l'art. 126 aLPC, dans les écritures des parties, les faits sont posés en tête, succinctement et sans mélange de moyens, avec l'indication des preuves offertes (al. 1). La partie qui se prévaut desdits faits est tenue de les articuler avec précision et celle à laquelle ils sont opposés de reconnaître ou dénier chacun des faits catégoriquement (al. 2). Le silence et toute réponse évasive peuvent être pris pour un aveu desdits faits (al. 3).

Selon la doctrine, l'ancienne loi de procédure civile genevoise n'apportait pas de réponse claire à la question de savoir si le juge pouvait tenir compte de faits qui apparaissaient au dossier sans avoir été allégués par l'une ou l'autre des parties. Il n'était pas rare qu'une pièce produite, par exemple, mette en évidence un fait pertinent pour le jugement de la cause sans qu'il ressorte expressément des offres de preuves régulièrement formulées. Ni la jurisprudence, ni la doctrine n'apportaient davantage de réponse à ce problème. Lorsque le litige était soumis à la maxime des débats, le fait établi mais non allégué pouvait être pris en considération par le juge, à la condition toutefois que les parties aient eu préalablement l'occasion de s'exprimer à son propos (Bertossa/Gaillard/ Guyet/Schmidt, Commentaire de la LPC, Genève 2002, n. 5 ad art. 126 aLPC).

11.3.4.2 Sur ce point, le Tribunal s'est fondé sur un contrat "Offre A______ 2007-01-09-007 Externalisation du réseau/sécurité et de la téléphonie, version 2______", en particulier son préambule, qui montrait que l'intimée était tenue d'assurer les prestations de gestion des réseaux LAN/MAN/WAN après la bascule au prix forfaitaire convenu dans le contrat d'application H.CA.PRO.

L'intimée s'oppose à cette argumentation en soutenant qu'elle viole la maxime des débats, car l'appelante n'avait jamais allégué que la solution à cette question se trouvait dans ce contrat.

L'appelante, dans la réponse à l'appel de l'intimée, renvoie à plusieurs écritures faisant état de cette offre. Il en ressort que la pièce en question a été produite par l'intimée elle-même et qu'elle l'a commentée dans ses écritures responsives du 30 juillet 2012, en évoquant expressément la question de savoir jusqu'à quand H______ SA avait offert d'assurer l'exploitation des réseaux susévoqués. Cette offre a ainsi fait l'objet d'une réponse sur ce point de l'appelante et d'une réplique de l'intimée. Le préambule a été en outre textuellement reproduit dans le rapport d'expertise de V______ SA, qui a valeur d'allégué de parties.

Les critiques de l'intimée selon lesquelles le premier juge aurait introduit au procès des faits non allégués, respectivement sur lesquels les parties n'ont pas pu se prononcer, ne sont donc pas fondées.

Les griefs de l'intimée sur ce point seront donc rejetés.

11.4 Enfin, l'intimée demande le remboursement des frais d'expertise privée engagés.

11.4.1 A teneur de l'art. 181 al. 1 aLPC, les dépens comprennent les frais exposés dans la cause et une indemnité de procédure. L'al. 2 de cette disposition liste les frais compris dans la définition, parmi lesquels l'indemnité des témoins et des experts, ainsi que le coût des traductions écrites ou orales qui sont requises ou approuvées par le juge (let. c).

Cela étant, selon la doctrine et la jurisprudence les coûts d'une expertise privée, tout comme les frais d'avocat avant procès ne rentraient pas dans les dépens (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit., n° 3 ad art. 181 aLPC). En effet, il était considéré que, l'expertise privée n'ayant pas de valeur probante, les frais y relatifs ne pouvaient être retenus dans le cadre des dépens (arrêt de la Cour de justice publié in SJ 1969 p. 71 et suivants).

Hors répartition des frais et dépens du procès selon le droit de procédure civile, le lésé peut aussi demander le remboursement de ses frais d'expertise (Werro, La responsabilité civile, 3ème éd. 2017, n° 1129). Ainsi, selon la jurisprudence, lorsque le droit de procédure exclut le paiement des frais d'avocat ou d'expertise hors procès, ces frais font partie du dommage réparable. Par contre, si la partie a dû engager des frais d'avocat ou d'expertise pour assurer sa défense en tant qu'auteur d'un dommage, lesdits frais ne peuvent être indemnisés que s'ils ont servi aussi à fonder une prétention en paiement en sa faveur, en tant que partie lésée. La partie dévolue à la défense contre les prétentions de l'autre partie lésée ne doit pas être indemnisée (ATF 126 III 388 consid. 10b ; 117 II 101 consid. 2 = SJ 1991 p. 576 ; Sutter, Die Geltendmachung der Koste für private Expertise, ZZZ 2005 p. 397 et suivantes).

S'agissant des règles applicables à la procédure civile fédérale unifiée, les auteurs expriment diverses opinions à ce sujet. Ainsi, certains d'entre eux, se référant au régime en vigueur avant 2011, rejettent toute possibilité de prise en charge dans les dépens des frais d'expertise privée, sous réserve de situation exceptionnelle comme la preuve du droit étranger (Sterchi, Berner Kommentar - ZPO, 2012, n. 11 ad art. 95 CPC; Tappy, Commentaire Romand - CPC, 2ème éd. 2019, n. 24 ad art. 95 CPC, renvoyant plutôt le demandeur à faire valoir les frais d'expertise par une prétention de droit privé, contractuelle ou délictuelle). D'autres auteurs sont plutôt en faveur d'une indemnisation des frais d'expertise privée en tant que dépens, lorsque l'expertise est directement en lien avec l'objet du procès (preuve du droit étranger, contre-expertise, expertise en matière de brevet) et nécessaire à l'établissement des faits (Suter/Von Holze, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung (ZPO), 3ème éd. 2016, n. 33 ad art. 95 CPC; Rüegg/Rüegg, Basler Kommentar - ZPO, 3ème éd. 2017, n. 17 ad art. 95 CPC).

11.4.2 En l'espèce, l'intimée reproche au Tribunal d'avoir écarté ses prétentions en remboursement des frais d'expertise privée qu'elle a consentis. Son exposé se concentre sur le fait que l'expertise avait été commanditée pour se prononcer sur le contenu de l'écriture de demande de l'appelante et qu'elle avait été utile, car des prétentions de l'appelante avaient été écartées grâce à l'expertise.

Dès lors que sous l'ancien droit de procédure applicable les frais d'expertise n'étaient pas considérés comme des dépens, seule aurait été ouverte la possibilité pour l'intimée d'obtenir un dédommagement au titre d'une action contractuelle ou délictuelle dirigée contre l'appelante. Or, il n'est pas allégué par l'intimée que les frais d'expertise auraient été occasionnés par un comportement fautif illicite ou contraire au contrat de l'appelante en relation de cause à effet à la dépense consentie.

Elle sera donc déboutée de ses conclusions sur ce point encore.

12. Conformément aux documents contractuels, les dépassements budgétaires devaient être répartis entre l'appelante et M______ en fonction de la quotité desdits dépassements. M______ devait ainsi dans certains cas payer elle-même certains dépassements de budget, qui ne pouvaient donc être mis uniquement à la charge de l'appelante.

Celle-ci reproche au Tribunal de n'avoir pas pris en compte ce système de couverture financière et omis de mettre une partie des dépassements budgétaires constatés à la charge de M______.

12.1 Selon l'appelante, le Tribunal n'avait pas correctement réparti la charge du dépassement budgétaire : en effet, la tranche comprise entre 53'307'000 fr. - soit le budget initialement prévu - et 59'807'000 fr. devait être supportée par l'intimée, puis de 59'807'001 fr. à 65'307'000 fr. M______ devait en prendre en charge le dépassement budgétaire et jusqu'à 74'807'000 fr. le dépassement était pris en charge par moitié par M______ et par l'appelante, qui prenait à sa charge seule le dépassement supplémentaire. Ainsi, une petite part seulement des montants alloués à l'intimée par le jugement entrepris devait être prise en charge par l'appelante.

Toujours selon l'appelante, le système de couverture pouvait être appréhendé de deux manières : selon une première approche, le système de couverture était applicable immédiatement à chacune des phases budgétaires (phase migration : 21'928'000 fr.; phase production : 30'379'000 fr.), de sorte que si un dépassement budgétaire intervenait seulement au moment de la phase de production, ce alors que le budget total de 53'307'000 fr. n'était pas encore atteint, la garantie fournie par l'intimée était déjà applicable; selon une seconde approche, il fallait attendre que le budget total soit atteint (soit dépassement de la somme totale de 53'307'000 fr.) avant que la garantie entre en considération.

La première approche avait été voulue par les parties, ce que démontrait tant les négociations que la mise en œuvre de leur accord sur ce point. Etant donné que la phase de migration avait connu un dépassement budgétaire de 8'500'000 fr. absorbant totalement la couverture de 6'500'000 fr. à charge de l'intimée et la part de couverture de M______ à raison de 2'000'000 fr., celle-ci devait encore couvrir 3'500'000 fr. : tout dépassement budgétaire devait être prise en charge par M______ à concurrence de ce montant, le solde étant assumé par moitié par l'appelante et M______.

Même à suivre la seconde approche, une interprétation systématique des contrats démontrait que les prix seraient dus au prorata en cas de fin prématurée pour quelque raison que ce soit. Il devait en aller de même avec les dépassements budgétaires. D'ailleurs, la résiliation était intervenue par la faute de l'intimée, de sorte que le paiement dû en raison du dépassement budgétaire devait être mis à la charge de l'intimée à titre de dommage contractuel.

12.2 A cette argumentation, l'intimée objecte que ce point de vue n'avait jamais été développé en première instance et enfreignait donc la maxime des débats.

Cette critique peut être d'emblée écartée, car cet aspect de la cause a été expressément allégué et discuté par les parties dans leurs écritures de première instance (voir à ce sujet la réponse et demande reconventionnelle de l'intimée (allégué n° 205 et ch. 118 et suivants), ainsi que la réponse à cette écriture de l'appelante (n° 1066 in fine). Cet argument n'est donc pas nouveau en appel.

Au fond, se référant au texte des contrats, l'intimée soutient que la seconde approche susévoquée est la seule conforme à la volonté des parties. La prise en charge de 8'500'000 fr. telle que décrite par l'appelante était une dérogation aux clauses contractuelles destinée à rester exceptionnelle. Par ailleurs, les prétentions visées étaient fondées, non pas sur des dépassements budgétaires, mais sur des changements de périmètre, tels que définis par le CODIR, qui échappaient donc à la garantie de couverture. Enfin, à supposer que l'on doive opérer un calcul au pro rata, il fallait aussi calculer la garantie de couverture au prorata, de sorte qu'après paiement de 8'500'000 fr. l'intimée et M______ avaient épuisé leurs obligations. Enfin, le montant visé par l'appelante n'était pas en relation de causalité avec une éventuelle violation du contrat.

12.3 Pour trancher cette question, il importe d'interpréter le contrat conformément aux principes déjà évoqués ci-dessus.

Le texte de l'accord ne contient pas de mention de la première approche soutenue par l'appelante. Il n'est en effet question, lors de l'évocation de la prise en charge d'éventuels dépassements budgétaires, que du budget total du projet et non d'une séparation entre deux phases.

Pour appuyer sa thèse, l'appelante se réfère à l'un de ses témoins (témoin T______) qui soutient la même conception qu'elle. La valeur probante de ce témoignage doit cependant être appréciée avec réserve : il n'est pas surprenant qu'un employé impliqué dans le litige soutienne la même thèse que son employeur. En outre, l'appelante invoque le mémorandum de clarification du 21 avril 2008. Celui-ci se réfère lui aussi au budget total sans différencier de phases dans le projet. Ainsi que le soutient à raison l'intimée, ce mémorandum doit être compris comme un complément aux accords conclus entre les parties. Il apporte en effet l'application d'un régime spécial pour ce montant de 8'500'000 fr. décrit comme une modification de périmètre, dans la mesure où les parties ont décidé de le traiter immédiatement comme un dépassement de budget. Les parties n'ont pas détaillé à quelle phase se rapportait ce dépassement, mais ont, une fois de plus, fait seulement référence au budget global. Il est donc logique qu'elles aient choisi de l'absorber immédiatement, plutôt que d'attendre l'issue du projet et qu'elles aient appliqué, par anticipation, les dispositions correspondantes de l'avenant, ce afin d'anticiper la répartition des coûts. Cet accord apparaît donc bien comme un accord particulier et dérogatoire.

Il s'ensuit que les éléments avancés par l'appelante sont trop ténus pour remettre en cause le texte de l'avenant qui ne procède à aucune distinction entre des phases du projet dans sa définition du budget et des dépassements budgétaires. En effet, il n'existe aucun indice d'une volonté des parties en ce sens, face au texte clair de l'avenant.

L'argumentation subsidiaire de l'appelante doit de même être rejetée. En effet, comme le relève l'intimée, si une application au pro rata temporis de la durée du contrat devait être retenue, alors il ne saurait être fait application de ce calcul proportionnel que sur certains montants choisis par l'appelante - qui sont en sa faveur - et non sur l'ensemble des montants en jeu. Ainsi, il est suffisant de constater que par la couverture de 8'500'000 fr. tant l'intimée que M______ ont satisfait proportionnellement à leur devoir de couverture des dépassements du budget, si celui-ci devait être ramené au montant effectivement arrêté au moment de la résiliation. En effet, en appel, les parties ne contestent plus que le budget ajusté compte tenu de la résiliation anticipée était de 30'500'000 fr. environ et que la couverture de l'intimée et de M______ était de 22.5% environ, soit un peu moins de 7'000'000 fr., de sorte que cette obligation de couverture aurait été, aussi dans cette hypothèse, couverte par le montant de 8'500'000 fr. déjà payé.

En dernier lieu, l'appelante soulève en un paragraphe un grief de nature différente portant sur le fondement de son obligation de payer certains montants à l'intimée pour les travaux de garantie et de taskforces et sur une question de compensation. Outre que ce grief est difficilement compréhensible, il est insuffisamment motivé en ce qu'il ne remet pas en cause le raisonnement du Tribunal sur ce point, mais se contente d'invoquer l'exception de compensation avec une créance de l'appelante envers l'intimée dont la nature n'est pas définie.

Ainsi, les griefs de l'appelante seront rejetés.

13. L'intimée demande que les frais d'avocats de l'appelante qu'elle a été condamnée à rembourser soient limités aux prestations fournies avant le 16 mars 2011.

13.1
13.1.1
Selon l'ancien droit de procédure civile genevois, les dépens incluaient une indemnité valant participation aux frais d'avocat de la partie victorieuse (art. 181 al. 1 aLPC). Dite indemnité couvrait l'activité déployée tant en vue de la préparation du procès qu'en cours d'instance (ATF 133 II 361 précité, consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 4C_194/2002 du 19 décembre 2002 consid. 6, non publié aux ATF 129 III 135).

Ainsi, une action en dommages-intérêts séparée ou ultérieure était exclue de manière générale pour tous les frais qui s'incorporaient aux dépens d'un procès. En effet, les actions en dommages-intérêts accordées par le droit de la responsabilité civile, notamment par les art. 41 ou 97 CO, n'étaient pas disponibles pour éluder les règles spécifiques du droit de procédure civile et procurer au plaideur victorieux, en dépit de ces règles, une réparation que le législateur compétent tenait pour inappropriée ou contraire à des intérêts supérieurs (ATF 139 III 190 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 4C_51/2000 du 7 août 2000 consid. 3 publié in SJ 2001 I 153).

13.1.2 Selon l'art. 127 aLPC, les conclusions font partie intégrante des écritures. Les exigences relatives à l'énoncé des conclusions étaient les mêmes que celles prescrites par l'art. 7 aLPC, réglant le contenu de l'assignation (Bertossa/ Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit., n. 1 ad art. 127 aLPC).

Il était essentiel que ces conclusions soient formulées de manière précise et libellées de telle sorte qu'elles puissent ouvrir la voie à une décision exécutoire. C'était elles qui formaient le cadre des débats et limitaient la mission du juge. Le juge n'avait pas à suppléer la carence des parties en matière de conclusions sauf dans les cas où le droit matériel ou le droit de procédure lui en faisait l'obligation. Le demandeur qui concluait à l'allocation d'une somme d'argent devait indiquer le montant exact de ses prétentions. Toutefois, il n'était pas indispensable que les conclusions soient désignées comme telles dans l'assignation. Il suffisait qu'elles soient formulées clairement de manière à éviter toute hésitation sur l'objet de la demande (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit., n. 8 ad art. 7 et n. 1 ad art. 132 aLPC et références citées).

En cas d'incertitude, le juge procédait à l'interprétation objective des conclusions, conformément aux principes généraux et selon les règles de la bonne foi; il n'avait pas à rechercher quelle était la réelle intention du demandeur au moment de l'introduction de la demande (ATF 105 II 149 consid. 2a = JT 1980 I 177).

13.2.1 En l'espèce, l'appelante a conclu dans ses écritures en amplification de sa demande du 29 février 2012 à la condamnation de l'intimée à lui verser, au titre de remboursement des frais de conseil juridique avant procès qu'elle avait dû engager, un montant global de 1'946'403 fr. plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 31 décembre 2010. Cette somme correspond à l'addition des montants de 736'564 fr. acquitté en faveur de l'Etude AH______ – partiellement admis par le premier juge sans que sa décision sur ce point soit remise en cause en appel – et de 1'208'239 fr. acquitté en faveur de l'Etude AG______.

Sur ce dernier point, les écritures de l'appelante du 29 février 2012 comportaient la motivation suivante : "Depuis la migration du mois d'octobre 2008 [ ] jusqu'au 16 mars 2011 [ ], A______ a ainsi eu à régler des honoraires de CHF 1'208'239.- (montant TTC diminué de la TVA récupérable) à l'étude AG______". L'examen des pièces produites par l'appelante pour justifier cette prétention révélait toutefois que le montant réclamé correspondait à l'addition des notes d'honoraires établies par l'Etude AG______ pour les activités qu'elle avait déployées jusqu'au terme de l'année 2011, et non jusqu'au 16 mars de la même année.

Cette incohérence n'a pas échappé à l'intimée qui, dès ses écritures en réponse du 2 août 2012, a soutenu qu'il fallait voir dans la mention par l'appelante de la date du 16 mars 2011 une renonciation implicite à toute prétention en remboursement des frais de conseil juridique encourus postérieurement. Ainsi, et alors même qu'elle s'est d'emblée prononcée sur le caractère indemnisable des frais de conseil juridique encourus par l'appelante jusqu'en mars 2011, elle s'est abstenue de toute détermination, même à titre subsidiaire, sur celui des frais de même type encourus d'avril à décembre 2011.

Dans leurs écritures ultérieures de plaidoiries finales du 18 novembre 2016, les parties ont persisté dans leurs conclusions. L'intimée a réitéré son argumentation et l'appelante s'est rapportée à justice sur le détail des contestations formulées par l'intimée, ne se prononçant ainsi pas expressément sur l'incohérence soulevée par celle-ci.

Dans le jugement attaqué, le premier juge a implicitement écarté l'argumentation de l'intimée selon laquelle la mention, dans les écritures en amplification de la demande, de la date du 16 mars 2011 devait être considérée comme une renonciation de la part de l'appelante à toute prétention en relation avec les frais d'avocat qu'elle avait encourus postérieurement. Après avoir examiné les arguments soulevés par l'intimée en relation avec les frais de conseil juridique encourus par l'appelante jusqu'en mars 2011, il les a partiellement admis et a en conséquence écarté (d'une manière qui n'est pas remise en cause en appel) une partie desdits frais. Il a en revanche admis dans leur totalité les prétentions de l'appelante en relation avec les frais juridiques encourus auprès de l'Etude AG______ pour la période d'avril à décembre 2011, dont le caractère indemnisable n'avait pas été contesté.

Dans son acte d'appel, l'intimée a derechef soutenu que la mention de la date du 16 mars 2011 dans les écritures de première instance de l'appelante devait être considérée comme une renonciation implicite à réclamer le remboursement des frais de conseil juridiques postérieurs; elle s'est en revanche là encore abstenue de contester, serait-ce à titre subsidiaire, le caractère indemnisable desdits frais juridiques. Ce n'est finalement que dans sa réplique (sur réponse de l'appelante) que, pour la première fois, elle a contesté à titre subsidiaire le caractère indemnisable des frais de conseil juridiques encourus d'avril à décembre 2011, faisant valoir qu'un montant de 101'356 fr. 75 (sur 233'727 fr. 90) correspondait à des activités déployées dans le cadre de la procédure, et n'était donc pas constitutif d'un poste du dommage.

13.2.2 Le premier volet de l'argumentation invoquée par l'intimée, consistant à soutenir que les conclusions en remboursement de ses frais de conseil juridiques formulées par l'appelante n'englobaient pas ces frais en tant qu'ils avaient été encourus postérieurement au 16 mars 2011, respectivement qu'elle y avait implicitement renoncé, ne résiste pas à l'examen.

Les conclusions "stricto sensu" formulées par l'appelante dans ses écritures du 29 février 2012 étaient claires et univoques, en ce qu'il était requis du Tribunal qu'il condamne la partie défenderesse à lui verser un montant de 1'946'403 fr. plus intérêts au titre de remboursement des frais d'avocats qu'elle avait dû exposer. Il résultait de la motivation des mêmes écritures que cette somme représentait l'addition des frais et honoraires facturés par les Etudes AG______ et AH______, soit 1'208'239 fr. pour la première et 736'564 fr. pour la seconde. Il ressortait de même des pièces justificatives produites, soit les factures établies par les mandataires de l'appelante, que ces montants comprenaient des activités déployées jusqu'en décembre 2011. Au vu de ces éléments, l'intimée ne pouvait se méprendre sur le sens des conclusions de l'appelante, soit sur ce que celle-ci lui réclamait au titre de remboursement de ses frais de conseil juridique. Certes, les écritures du 29 février 2012 mentionnaient – vraisemblablement par l'effet d'une inadvertance – que le montant de 1'208'239 fr. correspondait aux frais et honoraires de l'Etude AG______ jusqu'au 16 mars 2011. Comme l'a immédiatement relevé l'intimée, cette mention était toutefois contredite aussi bien par les conclusions chiffrées formulées que par les pièces produites à l'appui de ces dernières, de telle sorte qu'elle ne pouvait nullement comprendre de bonne foi que l'appelante entendait circonscrire ses prétentions à un montant ou à une période limités. L'interprétation opposée privilégiée par l'intimée ne permet du reste pas de faire disparaître l'incohérence qu'elle relève mais l'accentue au contraire puisque, si elle devait être suivie, on ne comprendrait ni l'ampleur du montant réclamé par l'appelante ni la raison pour laquelle elle aurait produit des pièces justifiant les frais de conseil juridique exposés d'avril à décembre 2011.

C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que l'appelante avait conclu à être indemnisée pour les frais d'avocat qu'elle avait encourus jusqu'en décembre 2011, et non seulement jusqu'en mars de la même année.

13.2.3 Le second volet, subsidiaire, de l'argumentation de l'intimée se fonde pour sa part sur des éléments de fait (notamment la nature des prestations fournies à l'appelante par l'Etude AG______ d'avril à décembre 2011) non retenus dans le jugement contesté et allégués pour la première fois dans ses écritures de réplique en appel, soit tardivement (art. 317 al. 1 CPC). A cela s'ajoute que, dès lors que les écritures en réplique ne doivent pas servir à compléter l'acte d'appel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_666/2015 consid. 3.1), le grief a lui-même été soulevé tardivement. Il doit donc lui aussi être rejeté.

14. Reste à examiner si des conséquences sur les montants dus conformément au jugement entrepris doivent être tirées des considérants qui précèdent.

14.1 S'agissant de l'intérêt compensatoire dû par l'intimée sur les prestations de support fournies par AD______ SA, l'intimée se fonde, pour demander la suppression, voire la diminution des montants qu'elle doit à l'appelante selon le jugement entrepris, sur la prémisse d'une admission de ses griefs sur l'intérêt compensatoire et sur la durée du contrat, qui ont été rejetés dans le présent arrêt. Il n'y a donc pas lieu de modifier le montant alloué.

14.2 Il en va de même pour les prestations de support fournies par l'intimée : la diminution des montants alloués à l'appelante est fondée sur les prémisses d'une admission de ses griefs relatifs à la justification de la résiliation immédiate des contrats et du taux d'intérêts compensatoire, qui ont été rejetés dans le présent arrêt.

14.3 La solution est encore la même pour les prestations de tiers, puisque les griefs de l'intimée sur la durée du contrat et le taux d'intérêts compensatoire ont été rejetés.

14.4 Concernant les montants dus par l'intimée à l'appelante au titre de la différence entre les coûts des contrats I______ et les montants versés à AD______ SA, l'intimée en demande la diminution en se fondant sur l'admission de ses griefs sur la durée des contrats et l'application des clauses limitatives de responsabilité. Ces griefs étant rejetés, les montants fixés par le Tribunal seront confirmés.

14.5 Quant aux conclusions de l'appelante, elles ont toutes été traitées précédemment.

15. Le jugement entrepris sera donc intégralement confirmé.

16. 16.1 Les frais judiciaires de l'appel de l'appelante seront arrêtés, compte tenu de la valeur litigieuse, de la complexité de la cause et de la longueur des écritures à 50'000 fr. (art. 2, 17 et 35 RTFMC), mis à la charge de l'appelante qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et compensés à due concurrence avec l'avance de frais fournie par elle-même, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC), le solde lui étant restitué.

16.2 Les frais judiciaires de l'appel de l'intimée seront arrêtés, compte tenu de la valeur litigieuse, de la complexité de la cause et de la longueur des écritures, tous points de plus grande ampleur que dans l'appel de l'appelante, à 100'000 fr. (art. 2, 17 et 35 RTFMC), mis à la charge de l'intimée qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et compensés à due concurrence avec l'avance de frais fournie par elle-même, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC), le solde lui étant restitué.

16.3 Les dépens afférents à l'appel de l'appelante seront arrêtés en fonction de la valeur litigieuse et des questions à traiter à 50'000 fr., TVA comprise, la présente cause étant manifestement un cas spécial justifiant de s'éloigner du tarif fixé par le droit cantonal (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art. 23, 25 et 26 LaCC). En effet, si les dépens étaient arrêtés en fonction de la valeur litigieuse de première instance, soit près de 100'000'000 fr. cumulés (art. 94 al. 2 CPC), les dépens devraient s'élever à un montant compris entre 150'000 fr. et 300'000 fr. environ, ce qui se révèle en disproportion avec le travail nécessaire à la conduite de l'appel de l'appelante. Il se justifie donc de limiter les dépens à 50'000 fr.

Quant à l'appel de l'intimée, plus important à tous points de vue, ainsi qu'il vient d'être dit, il justifie des dépens arrêtés à 100'000 fr. pour les mêmes raisons.

La compensation sera ordonnée d'office (arrêt du Tribunal fédéral 4D_11/2021 du 1er juin 2021 consid. 2.4), l'intimée restant seule débitrice de 50'000 fr. en faveur de l'appelante.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable les appels interjetés par A______ le 18 août 2021 et par D______ AG le 16 août 2021 contre le jugement JTPI/7981/2021 rendu le 15 juin 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16278/2010.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de l'appel de A______ à 50'000 fr., les met à charge de celle-ci et les compense à due concurrence avec le montant de l'avance de frais versée qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 50'000 fr. à A______.

Arrête les frais judiciaires de l'appel de D______ AG à 100'000 fr., les met à charge de celle-ci et les compense avec le montant de l'avance de frais versée qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 100'000 fr. à D______ AG.

Condamne D______ AG à verser 50'000 fr. à A______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.