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C/17185/2022

ACJC/1490/2023 du 06.11.2023 sur JTPI/7283/2023 ( SML ) , JUGE

Recours TF déposé le 08.12.2023, 5A_931/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17185/2022 ACJC/1490/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 6 NOVEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par la 6ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 20 juin 2023, représenté par Me Guillaume FAUCONNET, avocat, DAYER AHLSTRÖM FAUCONNET, quai Gustave-Ador 38, case postale 6293, 1211 Genève 6,

et

B______ ANLAGESTIFTUNG, sise ______ [ZH], intimée, représentée par
Me Lucile BONAZ, avocate, GABUS AVOCATS, boulevard des Tranchées 46,
1206 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/7283/2023 du 20 juin 2023, reçu le 22 juin 2023 par A______, le Tribunal de première instance a débouté le précité des fins de sa requête en mainlevée définitive de l'opposition formée par B______ ANLAGESTIFTUNG (ci-après: B______) au commandement de payer, poursuite n° 1______ (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 750 fr., compensés avec l'avance fournie par A______ (ch. 2), mis à sa charge (ch. 3) et condamné ce dernier à verser à B______ 1'500 fr. à titre de dépens (ch. 4).

B. a. Par acte déposé le 3 juillet 2023 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Cela fait, il a conclu à ce que la mainlevée définitive de l'opposition formée par B______ au commandement de payer, poursuite n° 1______, soit prononcée, ladite poursuite devant aller sa voie, sous suite de frais judiciaires et dépens de première et seconde instances.

Préalablement, il a requis l'octroi de l'effet suspensif à son recours, ce qui a été refusé par arrêt ACJC/949/2023 du 11 juillet 2023, réservant le sort des frais à la décision au fond.

b. Dans sa réponse, B______ a conclu à l'irrecevabilité de ce recours, subsidiairement, à son rejet et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Par avis du greffe de la Cour du 7 août 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. B______ est propriétaire de la part de PPE 2______, correspondant au 7ème étage de l'immeuble sis rue 3______ no. ______ à Genève.

b. En 2009, A______, menuisier et ébéniste, a été mandaté par C______ SA pour effectuer des travaux dans les locaux commerciaux au 7ème étage de l'immeuble précité.

C______ SA est intervenue en qualité d'entreprise générale pour le compte de la société D______, locataire des locaux appartenant à B______.

c. Entre le 5 novembre et le 28 décembre 2009, A______ a adressé plusieurs factures à C______ SA pour les travaux réalisés, d'un montant total de 334'578 fr.

d. Faute de paiement desdites factures, A______ a agi en inscription d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs sur le bien immobilier de B______.

L'inscription provisoire de cette hypothèque au Registre foncier a été effectuée le ______ 2010.

Par jugement JTPI/7943/2016 du 20 juin 2016, confirmé par arrêt de la Cour ACJC/493/2017 du 28 avril 2017, il a été ordonné au Conservateur du Registre foncier de procéder à l'inscription définitive, en faveur de A______, d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs à concurrence de 334'578 fr., avec intérêts à 5% dès le ______ 2009, sur la part de PPE de B______, ce qui a été fait.

e. Le 7 mai 2018, C______ SA a reconnu, devant notaire, devoir à A______ la somme de 334'578 fr., avec intérêts à 5% dès le ______ 2009.

f. Par accord signé du 25 février 2021, C______ SA s'est engagée à verser à A______ la somme susvisée et les parties ont arrêté les intérêts dus à 115'422 fr., à condition qu'ils soient intégralement versés au 31 mars 2022. A défaut, A______ était habilité à réclamer à C______ SA l'entier des intérêts dus, en sus de la somme de 115'422 fr., sur la base de la reconnaissance de dette signée par-devant notaire et sous déduction des montants déjà versés à ce titre.

g. Le 4 mars 2021, A______ a reçu la somme de 334'578 fr. à titre de remboursement du capital, ainsi qu'un montant de 30'000 fr. à titre de paiement partiel des intérêts.

h. Par courrier du 1er février 2022, A______ a invité C______ SA à s'acquitter du solde des intérêts dus d'ici au 31 mars 2022, aucun paiement n'étant intervenu à ce titre depuis le 4 mars 2021.

i. Le 13 juillet 2022, A______ a fait notifier à C______ SA un commandement de payer, poursuite n° 1______, en réalisation d'un gage immobilier, pour un montant de 157'038 fr. 40, correspondant au solde des intérêts impayés (187'038 fr. 40 - 30'000 fr.), selon la reconnaissance de dette du 7 mai 2018, auquel la précitée a fait opposition.

j. Le 22 août 2022, un exemplaire du commandement de payer susvisé a été notifié à B______, en sa qualité de tiers propriétaire, auquel celle-ci a fait opposition.

k. Par jugement JTPI/13465/2022 du 14 novembre 2022, rendu dans la cause C/4______/2022, le Tribunal a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par C______ SA au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Aucun recours n'a été formé contre ce jugement.

l. Par acte du 1er septembre 2022, A______ a requis du Tribunal le prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée par B______ au commandement de payer, poursuite n° 1______, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Il a allégué que la reconnaissance de dette du 7 mai 2018 constituait un titre authentique exécutoire opposable à B______, en sa qualité de tiers grevé. Il bénéficiait donc d'un titre de mainlevée définitive et d'une inscription définitive de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs au Registre foncier, de sorte que la mainlevée de l'opposition devait être prononcée s’agissant tant de la créance que du gage.

A l'appui de ses allégués, il a notamment produit un extrait du Registre foncier de la part de PPE de B______, ainsi qu'un avis de droit du Professeur E______, à teneur duquel un titre de mainlevée, définitive ou provisoire, émanant ou prononcé à l'encontre du débiteur était suffisant pour lever l'opposition d'un tiers grevé. La reconnaissance de dette du 7 mai 2018 était donc un titre authentique exécutoire suffisant pour obtenir la mainlevée définitive de l'opposition de B______ s'agissant de la créance garantie. L'exigence d'un titre de mainlevée définitive à l'encontre du tiers grevé impliquant une action en constatation de la créance n'était pas - ou, à tout le moins, plus - conforme à la jurisprudence récente du Tribunal fédéral.

m. Dans sa réponse, B______ a conclu à l'irrecevabilité de cette requête, subsidiairement, au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a allégué que ladite requête était tardive. En tous les cas, A______ ne disposait pas d'un titre de mainlevée à son encontre que ce soit pour le montant de la créance ou pour le montant du gage. Les titres dont il se prévalait liaient uniquement C______ SA. La précitée s'était d'ailleurs acquittée de sa dette, de sorte qu'elle était éteinte, et la créance concernée était prescrite.

n. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que l'inscription de l'hypothèque légale sur la part de PPE de B______ valait titre de mainlevée pour le gage en question, mais pas pour le montant de la créance. L'acte notarié du 7 mai 2018 constituait un titre authentique exécutoire, mais n'engageait que C______ SA et ne liait pas B______. Il n'y avait donc pas identité entre le débiteur figurant dans le titre authentique exécutoire produit et le poursuivi mentionné dans le commandement de payer litigieux. La jurisprudence citée par A______ concernait une situation particulière qui n'était pas réalisée en l'espèce, à savoir celle où le débiteur tombait en faillite.

Ainsi, A______ ne disposait pas d'un titre de mainlevée définitive engageant B______ pour le montant de la créance alléguée.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC).

Le recours doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, compte tenu de l'application de la procédure sommaire (art. 251 let. a et 321 al. 1 et 2 CPC).

Interjeté dans le délai prescrit, le recours est recevable sous cet angle.

1.2 L'intimée se prévaut de l'irrecevabilité du recours pour défaut de motivation.

1.2.1 Aux termes de l'art. 321 al. 1 CPC, le recours doit être introduit par un acte écrit et motivé. La motivation d'un recours doit, à tout le moins, satisfaire aux exigences qui sont posées pour un acte d'appel (arrêt du Tribunal fédéral 5A_488/2015 du 21 août 2015 consid. 3.2.1).

Il incombe donc au recourant de démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée. Pour satisfaire à cette exigence, il ne lui suffit pas de renvoyer à une écriture antérieure, ni de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée. Sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance de recours puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.2.2 En l'occurrence, le recourant explique de manière compréhensible ce qu'il reproche au premier juge et les modifications qu'il souhaite voir apportées au jugement entrepris. En effet, dans sa partie en droit, il critique de manière intelligible le raisonnement du premier juge, en contestant la possibilité effective et la nécessité d'obtenir un titre de mainlevée concernant directement le tiers propriétaire grevé, ainsi que l'application du principe d'identité entre le poursuivi et le débiteur dans le cas d'espèce. Il fait ainsi valoir que la reconnaissance de dette notariée du 7 mai 2018 constituerait un titre de mainlevée définitive opposable à l'intimée.

Par ailleurs, il ne saurait être fait grief au recourant de reprendre son argumentation juridique concernant la validité et l'exigibilité de la créance concernée, ainsi que le caractère imprescriptible de celle-ci, puisque le premier juge, n'ayant pas reconnu l'existence d'un titre de mainlevée définitive s'agissant du montant de la créance, n'est pas entré en matière sur ces points. Le recourant ne peut dès lors élever de critiques spécifiques à cet égard contre le jugement entrepris.

La motivation étant suffisante, le recours est recevable.

1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl/De Poret Bortolaso/Aguet, Procédure civile, Tome II, 2010, n° 2307).

Le recours étant instruit en procédure sommaire, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 58 al. 1 et 255 a contrario CPC).

2. Le recourant fait grief au Tribunal de ne pas avoir considéré qu'il détenait un titre de mainlevée définitive à l'encontre de l'intimée s'agissant du montant de la créance.

2.1.1 Le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition (art. 80 al. 1 LP). Sont assimilés à des jugements, les titres authentiques exécutoires au sens des art. 347 à 352 CPC (art. 80 al. 2 ch. 1bis LP).

Le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription (art. 81 al. 1 LP).

Le juge doit, outre le jugement ou les titres y assimilés et leur caractère exécutoire, examiner d'office l'existence des trois identités - l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui lui est présenté (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1).

2.1.2 La poursuite en réalisation de gage, qui tend au recouvrement d'une créance garantie par un gage, telle une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, est réglée par les art. 151 ss LP.

L'art. 153 al. 2 let. a LP prévoit la notification d'un exemplaire du commandement de payer non seulement au débiteur poursuivi, mais aussi au tiers propriétaire, qui a constitué le gage (mobilier ou immobilier) ou qui est devenu propriétaire de l'objet grevé postérieurement à la constitution du gage.

Cette notification fait acquérir à ce tiers la qualité de copoursuivi avec tous les droits qui en découlent. Il n'y a qu'une seule poursuite, mais plusieurs poursuivis qui peuvent exercer leurs droits indépendamment les uns des autres (arrêt du Tribunal fédéral 5A_366/2007 du 7 décembre 2007 consid. 4.1). Le copoursuivi peut faire opposition au commandement de payer au même titre que le poursuivi (art. 153 al. 2bis LP) et peut également invoquer l'inexistence et l'inexigibilité de la créance, en contester le montant ou se prévaloir du défaut de gage (arrêt du Tribunal fédéral 4P.264/2005 du 17 janvier 2006 consid. 5.2.3.1).

Toutes les oppositions doivent être levées par la voie de la mainlevée de l'opposition ou par une action au fond. Ceci signifie qu'une procédure devra être ouverte tant contre le débiteur que contre le tiers propriétaire du gage si les deux ont formé opposition (ATF 140 III 36, in JdT 2015 II 337 consid. 4). Aussi longtemps que l'opposition formée par le tiers propriétaire n'a pas été écartée, la réalisation du gage ne saurait avoir lieu, alors même que le débiteur n'a pas fait opposition (arrêt du Tribunal fédéral 5A_74/2011 du 16 février 2012 consid. 6).

L'art. 85 de l'ordonnance du Tribunal fédéral du 23 avril 1920 sur la réalisation forcée des immeubles (ORFI) prévoit que, lorsqu'il est fait opposition à un commandement de payer dans une poursuite en réalisation de gage, cette opposition est, sauf mention contraire, censée se rapporter tant au droit de gage qu'à la créance (arrêt du Tribunal fédéral 5A_366/2007 précité consid. 4.1).

La décision d'inscription de l'hypothèque légale, jointe à l'extrait du registre foncier prouvant que l'hypothèque a effectivement été inscrite, ne valent titre de mainlevée définitive que pour le gage (ATF 138 III 132 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_282/2016 du 17 janvier 2017 consid. 3.2.2).

Dans la procédure de mainlevée contre le tiers propriétaire, il ne peut être exigé une reconnaissance par celui-ci de la créance garantie par gage; cela est même conceptuellement impossible puisque, dans ce cas, il ne serait plus tiers propriétaire mais codébiteur. Le fait qu'il ait autorisé l'inscription de l'hypothèque légale ne vaut pas non plus reconnaissance de dette pour la créance garantie. La reconnaissance émanant du débiteur est en revanche suffisante, mais nécessaire, pour le prononcé de la mainlevée provisoire. De même, le jugement exécutoire condamnant le débiteur au paiement de la créance garantie est suffisant pour lever définitivement l'opposition formée par le tiers en ce qui concerne la créance, même si ce tiers n'était pas partie à l'action en paiement (Abbet, La mainlevée provisoire et les contrats bilatéraux: développements récents, in JdT 2021 II p. 4 et ss, p. 17).

Une véritable reconnaissance de dette n'est en effet pas possible si le propriétaire n'est pas débiteur du montant dû à l'entrepreneur en cas d'hypothèque légale du sous-traitant (Steinauer, Les droits réels, Tome III, 2021, n° 4529). Effectivement, dans ce cas, il ne serait plus tiers constituant mais codébiteur (Veuillet, La mainlevée de l'opposition, Commentaires des art. 79 à 84 LP, 2017, art. 82 LP n° 242).

Lorsqu'un gage a été constitué sur un immeuble appartenant à un tiers et que le débiteur de la créance disparaît ensuite de sa faillite, la poursuite en réalisation de gage est dirigée exclusivement contre le tiers propriétaire du gage (art. 89 al. 2 ORFI). Dans cette poursuite, l'admission de la créance garantie à l'état de collocation par l'administration de la faillite vaut reconnaissance de dette dans le sens de l'art. 82 LP lorsque cette créance a été reconnue par le débiteur failli (arrêt du Tribunal fédéral 5A_282/2016 précité consid. 3.2.2).

Le Tribunal fédéral a également retenu que lorsque l'entrepreneur général était tombé en faillite, il ne pouvait pas être exigé du sous-traitant qu'il produise un titre attestant de la reconnaissance par le tiers propriétaire de la créance garantie par gage (arrêt du Tribunal fédéral 5D_19/2020 du 15 juin 2020 consid. 4.2).

2.1.3 A teneur de l'art. 807 CC, l'inscription d'un gage immobilier rend la créance imprescriptible.

Il s'ensuit que l'imprescriptibilité du droit réel de gage immobilier s'étend à la créance qu'il garantit (Piotet, in not@lex 2019, Pourquoi seules les créances peuvent-elles se prescrire? Essai sur la systématique des droits subjectifs, p. 155).

Il y a imprescriptibilité, en ce sens que la prescription ne court pas: le gage "paralyse l'exception de prescription"; le temps est en quelque sorte suspendu. Il en va ainsi même si la créance garantie n'est (en tout ou partie) pas couverte par la valeur de l'immeuble grevé et même si c'est un tiers (et non le propriétaire grevé) qui est le débiteur de la créance garantie. L'imprescriptibilité suppose donc l'inscription du gage au registre foncier (Foëx, Les gages immobiliers dans la durée, in Imprescriptibilité, contrôle et responsabilité, 2018, p. 34 et 35).

Le gage immobilier garantit au créancier le capital, les frais de poursuite et les intérêts moratoires (art. 818 al. 1 ch. 1 et 2 CC).

L'imprescriptibilité prévue par l'art. 807 CC s'étend donc aux intérêts (conventionnels et moratoires) produits par la créance garantie par l'hypothèque (Foëx, op. cit., p. 38).

2.2.1 En l'espèce, l'intimée s'est vu notifier un exemplaire du commandement de payer, poursuite n° 1______, en sa qualité de propriétaire de l'immeuble grevé de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs obtenue par le recourant (sous-traitant) à l'encontre de C______ SA (entrepreneur). L'intimée a formé opposition à ce commandement de payer, celle-ci se rapportant tant au droit de gage qu'à la créance, ce qui n'est pas contesté par les parties.

Le recourant a produit le jugement JTPI/7943/2016 du 20 juin 2016, confirmé par arrêt ACJC/493/2017 du 28 avril 2017, ordonnant l'inscription définitive du droit de gage sur l'immeuble grevé, de même que l'extrait du Registre foncier démontrant l'existence de l'inscription de ce droit de gage. Comme l'a retenu le Tribunal, le recourant est ainsi au bénéfice du titre nécessaire au prononcé de la mainlevée définitive pour le gage et réalise la première condition nécessaire à faire écarter l'opposition formée par l'intimée.

Le recourant a également produit une reconnaissance de dette notariée du 7 mai 2018, par laquelle C______ SA reconnaissait lui devoir la somme de 334'578 fr., avec intérêts à 5% dès le 28 décembre 2009, constituant un titre authentique exécutoire, ce qui n'est pas remis en cause par les parties. Ce document vaut donc titre de mainlevée définitive pour la créance garantie par gage.

L'absence de condamnation de l'intimée au paiement de la somme susvisée, plus intérêts, ou de reconnaissance par celle-ci à devoir ces montants, n'y change rien. En effet, l'existence de la créance a été reconnue par la débitrice poursuivie, de même que sa quotité et son exigibilité, de sorte que la reconnaissance de dette du 7 mai 2018 est un titre de mainlevée valable et suffisant pour toutes les oppositions formées aux commandements de payer notifiés dans la poursuite n° 1______, et ce même si cette reconnaissance de dette n'a pas été signée par l'intimée et ne la lie pas. En effet, l'existence d'une reconnaissance de dette de la part de l'intimée ou d'un jugement condamnant celle-ci ne semble pas envisageable, car elle n'est pas débitrice de la créance déduite en poursuite, faute de toute relation contractuelle avec le recourant, mais propriétaire du gage garantissant cette créance. Exiger une telle reconnaissance ou un tel jugement aurait pour conséquence de rendre inopérante l'hypothèque légale prévue à l'art. 839 CC lorsque le propriétaire du gage n'est pas simultanément le débiteur de la créance, avec pour corollaire d'empêcher le sous-traitant de ne jamais pouvoir obtenir la réalisation du gage, ce qui ne serait manifestement pas la volonté du législateur.

Bien que C______ SA ne soit pas tombée en faillite, il semble, sous l'angle de la vraisemblance, que la jurisprudence récente du Tribunal fédéral puisse trouver application au cas d'espèce, en ce sens qu'il ne peut pas être exigé du créancier qu'il dispose d'une reconnaissance de dette ou d'un jugement condamnatoire à l'encontre du tiers propriétaire de l'immeuble grevé, qui n'est pas débiteur de la créance concernée par la poursuite en réalisation du gage immobilier. Cette thèse, soutenue par le recourant, est également confirmée par la doctrine.

Le premier juge ne pouvait donc pas renoncer à prononcer la mainlevée définitive de l'opposition au motif qu'il n'existait pas de titre de mainlevée définitive opposable à l'intimée et qu'il y avait défaut d'identité entre le débiteur et le poursuivi, ce dernier étant un tiers et non un codébiteur.

Ainsi, il sera retenu que le recourant dispose d'un titre de mainlevée pour le montant de la créance et, partant, que la seconde condition nécessaire à faire écarter l'opposition de l'intimée est réalisée.

2.2.2 L'intimée invoque l'absence d'identité entre la créance déduite en poursuite et celle découlant de la reconnaissance de dette du 7 mai 2018.

Or, ladite reconnaissance portait sur un capital de 334'578 fr., ainsi que sur les intérêts moratoires à 5% l'an dès le ______ 2009, et la poursuite litigieuse porte sur le solde de ces intérêts. En effet, C______ SA s'est acquittée du capital de 334'578 fr. et des intérêts à hauteur de seulement 30'000 fr. en date du 4 mars 2021. Le solde des intérêts encore dus s'élève à 157'038 fr. 40, montant non remis en cause. Le recourant a d'ailleurs obtenu la mainlevée définitive de l'opposition formée par C______ SA au commandement de payer, poursuite n° 1______, par jugement JTPI/13465/2022 du 14 novembre 2022, en se fondant sur la reconnaissance de dette du 7 mai 2018.

Par ailleurs, le jugement JTPI/7943/2016 du 20 juin 2016, confirmé par arrêt ACJC/493/2017 du 28 avril 2017, a ordonné l'inscription définitive de l'hypothèque légale à concurrence du capital de 334'578 fr. et également des intérêts à 5% dès le ______ 2009. L'inscription effectuée au Registre foncier mentionne lesdits intérêts.

L'identité entre le montant réclamé dans la poursuite litigieuse et le titre de mainlevée invoqué est ainsi donnée.

2.2.3 L'intimée fait valoir que la dette serait éteinte.

Ce grief est infondé, la dette concernant le solde des intérêts moratoires n'étant pas éteinte par le paiement du capital y afférent, ce qui est confirmé par le jugement JTPI/13465/2022 du 14 novembre 2022.

Contrairement à ce que soutient l'intimée, le montant réclamé à titre de solde des intérêts dus se fonde sur la reconnaissance de dette du 7 mai 2018 et non sur l'accord intervenu entre le recourant et C______ SA en date du 25 février 2021. La précitée ne s'étant pas acquittée des intérêts fixés dans le cadre de cet accord au 31 mars 2022, le recourant était autorisé à lui réclamer l'entier des intérêts dus selon la reconnaissance de dette du 7 mai 2018.

2.2.4 L'intimée fait encore valoir que la créance serait prescrite depuis le 28 décembre 2014, compte tenu du délai de prescription quinquennal, conformément à l'art. 128 ch. 3 CO.

Or, l'hypothèque légale en garantie de la créance litigieuse a été inscrite au Registre foncier dès le ______ 2010, de sorte que celle-ci est, conformément à la doctrine susmentionnée, imprescriptible depuis cette date.

Contrairement à ce que soutient l'intimée, il semble que l'imprescriptibilité du droit réel de gage immobilier s'étend à la créance qu'il garantit. En tous les cas, compte tenu du fait que l'hypothèque légale concernée est encore inscrite au Registre foncier, le recourant conserve la possibilité de faire valoir son droit de gage.

2.2.5 Au vu de l'ensemble de ce qui précède, c'est à tort que le Tribunal a rejeté la requête de mainlevée, de sorte que le jugement attaqué sera annulé.

Dans la mesure où la cause est en état d'être jugée (art. 327 al. 3 let. b CPC), la mainlevée définitive de l'opposition formée par l'intimée au commandement de payer, poursuite n° 1______, sera prononcée.

3. 3.1 Lorsque l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

En l'espèce, la quotité de l'émolument de décision fixée par le Tribunal à 750 fr., conformément à l'art. 48 OELP, n'est pas remise en cause par les parties, de sorte qu'elle sera confirmée. Les frais judiciaires seront mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance de même montant fournie par le recourant, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimée sera ainsi condamnée à rembourser au recourant le montant de son avance.

L'intimée sera également condamnée à verser 1'500 fr. au recourant à titre de dépens de première instance, la quotité de ceux-ci n'étant pas critiquée et étant conforme aux dispositions applicables (art. 85 et 89 RTFMC).

3.2 Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 1'125 fr. (art. 48 et 61 OELP), mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance de même montant fournie par le recourant, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimée sera donc condamnée à rembourser au recourant le montant de son avance.

L'intimée sera en outre condamnée à verser au recourant la somme de 1'000 fr., débours et TVA inclus, à titre de dépens de recours (art. 85, 88 et 90 RTFMC; art. 23, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 3 juillet 2023 par A______ contre le jugement JTPI/7283/2023 rendu le 20 juin 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/17185/2022-6 SML.

Au fond :

Annule ce jugement et, statuant à nouveau:

Prononce la mainlevée définitive de l'opposition faite par B______ ANLAGESTIFTUNG au commandement de payer, poursuite nº n° 1______.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 750 fr., les met à la charge de B______ ANLAGESTIFTUNG et les compense avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ ANLAGESTIFTUNG à verser à A______ 750 fr. à titre de remboursement de son avance.

Condamne B______ ANLAGESTIFTUNG à verser à A______ 1'500 fr. à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 1'125 fr., les met à la charge de B______ ANLAGESTIFTUNG et les compense avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ ANLAGESTIFTUNG à verser à A______ 1'125 fr. à titre de remboursement de son avance.

Condamne B______ ANLAGESTIFTUNG à verser à A______ 1'000 fr. à titre de dépens de recours.


 

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.