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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/26351/2023

ACPR/811/2025 du 03.10.2025 sur ONMMP/2122/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;ESCROQUERIE;USURE(DROIT PÉNAL);HONORAIRES;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);FAUX MATÉRIEL DANS LES TITRES
Normes : CPP.310; CP.146; CP.157; CP.251; CP.181

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/26351/2023 ACPR/811/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 3 octobre 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat, ______ [VD],

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 5 mai 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 19 mai 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 5 mai 2025, notifiée le 7 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour ouverture d'une instruction.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'200.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. En janvier 2017, A______ a mandaté Me C______ pour assurer la défense de ses intérêts dans le cadre de la procédure de divorce l'opposant à son ex-épouse, D______, devant les autorités judiciaires vaudoises.

b. Le 29 mai 2017, une première convention d'honoraires a été conclue entre les intéressés, fixant le tarif horaire de l'avocat à CHF 250.-. Elle prévoyait également le versement d'un honoraire de résultat correspondant à 10 % de toute somme excédant celle de CHF 4'000'000.- perçue par A______ dans le cadre de la procédure de divorce, montant déjà négocié entre ce dernier et son ex-épouse.

c. Le 20 mars 2018, une seconde convention d'honoraires a été conclue entre eux, ramenant le tarif horaire de l'avocat à CHF 200.- et prévoyant un honoraire de résultat de 10% sur toute somme ou avantage alloué à A______ dans le cadre de son divorce.

d. Par ordonnance sur mesures provisionnelles du 13 juin 2018, le Tribunal d'arrondissement de E______ [VD] a condamné D______ à verser à A______ une contribution d'entretien mensuelle de CHF 5'000.- du 1er juillet 2018 au 30 juin 2020, puis de CHF 4'665.- à compter du 1er juillet 2020, ainsi qu'une provisio ad litem de CHF 20'000.-.

Il résulte notamment de cette décision que, durant la vie commune, A______ avait œuvré pour le compte d'un trust – dont son épouse était l'unique bénéficiaire – regroupant cinq sociétés, au sein desquelles il assumait la fonction d'administrateur.

e.a.  Le 3 avril 2019, ce dernier a déposé auprès du Tribunal d'arrondissement de E______ un formulaire de demande d'assistance judiciaire, désignant Me C______ comme mandataire. Il a été fait droit à sa requête le 10 avril suivant.

e.b.  Par décisions des 17 février et 22 octobre 2020, l'indemnité due à Me C______ pour son activité du 22 mai au 18 décembre 2019 a été fixée à CHF 6'404.75, tandis que celle qui lui a été allouée pour la période du 1er janvier au 4 mai 2020 a été arrêtée à CHF 2'334.40. Par décision du 4 mai 2020, le Tribunal d'arrondissement de E______ avait retiré avec effet immédiat l'assistance judiciaire accordée à A______, estimant que cette aide était subsidiaire à celle de son épouse, laquelle disposait de ressources financières importantes. L'intéressé a été tenu au remboursement de l'indemnité allouée à son conseil.

f.   Le 19 août 2021, D______ et A______ ont conclu une convention de liquidation de leur régime matrimonial, prévoyant le versement par la première au second d'une somme de CHF 5'314'000.-, à régler selon un échéancier convenu entre eux.

g.a. Durant son mandat, qui s'est exercé de février 2017 à avril 2021, Me C______ a adressé à A______ vingt-neuf notes d'honoraires, détaillant les activités déployées, le temps passé et le coût de ses opérations. Ces factures ont été transmises à l'intéressé par courriel, hormis une remise en mains propres le 5 avril 2017.

g.b. Le 1er octobre 2021, l'avocat concerné a établi un décompte regroupant l'ensemble des honoraires facturés à A______, s'élevant au total à CHF 146'915.40 TTC, ainsi que les paiements déjà reçus, d'un montant total de CHF 47'048.15 (soit CHF 18'309.- versés par son mandant lui-même, CHF 20'000.- par D______ au titre de la provisio ad litem, ainsi que CHF 8'739.15 [CHF 6'404.75 + CHF 2'334.40] par l'État de Vaud au titre de l'assistance judiciaire. Selon l'avocat, le solde restant dû par l'intéressé s'élevait ainsi à CHF 99'867.25.

g.c. Par courriel du 2 novembre 2021, Me C______ a présenté à A______ deux options visant à clore le dossier relatif aux honoraires restant dus, à savoir : soit le maintien de la convention du 20 mars 2018 assorti d'une réduction de moitié des honoraires complémentaires de résultat, soit la renonciation à cette rémunération avec réévaluation des prestations accomplies dans le cadre du mandat, sur la base d'un tarif horaire de CHF 600.-, accompagnée de calculs détaillés à l'appui.

g.d. Par courriel du lendemain, A______ a proposé de solder les honoraires restant dus par le versement d'une somme de CHF 350'000.- TTC, assorti d'un échelonnement de paiement. Le même jour, l'avocat a accepté cet arrangement et a procédé à la rédaction du projet de convention, qu'il a transmise à l'intéressé le 10 suivant, l'invitant à y apporter d'éventuelles modifications.

g.e.  Le 29 novembre 2021, les parties ont formalisé cet arrangement par la signature d'un protocole d'accord, prévoyant le règlement de la somme de CHF 350'000.- selon un échéancier s'étalant du 31 décembre 2021 au 30 septembre 2023. L'accord précisait qu'il valait reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP.

g.f. Entre les 2 décembre 2021 et 3 janvier 2023, A______ a versé à Me C______ un montant total de CHF 250'000.-.

h.  Par courrier de son nouveau conseil du 1er juin 2023, A______ a invalidé les conventions d'honoraires et le protocole d'accord précités, pour cause d'erreur essentielle et de dol.

i.a.  Le 12 juillet 2023, Me C______ lui a fait notifier un commandement de payer portant sur le solde d'honoraires de CHF 100'000.-, auquel l'intéressé a formé opposition.

i.b. Le 18 octobre 2023, le conseil précité a saisi le Tribunal du district de F______ [VS] d'une requête en mainlevée provisoire de l'opposition.

j. Le 29 novembre suivant, A______ a déposé plainte contre Me C______ pour escroquerie (art. 146 CP), usure (art. 157 CP), contrainte (art. 181 CP), subsidiairement tentative de contrainte (art. 22 cum 181 CP), ainsi que pour faux dans les titres (art. 251 CP).

Il lui reprochait d'avoir perçu une double rémunération, à savoir, d'une part, les honoraires qu'il lui avait versés personnellement et, d'autre part, ceux alloués par le biais de l'assistance judiciaire. Conscient de sa situation financière délicate avant la liquidation de son régime matrimonial, son avocat avait pris l'initiative de solliciter l'assistance juridique, après la conclusion d'une première convention d'honoraires le 29 mai 2017. Il ignorait alors que l'État de Vaud prendrait en charge l'intégralité des honoraires de son conseil et qu'il n'était, dès lors, pas tenu de le rémunérer parallèlement.

Par ailleurs, cette première convention prévoyait un versement d'honoraires complémentaires de résultat de 10% sur toute somme excédant CHF 4'000'000.- qu'il était susceptible d'obtenir dans le cadre de son divorce. Lors de la signature de cet accord, il n'avait pas conscience qu'un tel mode de rémunération était prohibé par la loi. En outre, son conseil n'avait pris aucune part aux discussions ayant conduit à la liquidation de son régime matrimonial, conclue directement avec son ex-épouse, de sorte qu'aucune rémunération complémentaire ne pouvait être légitimement exigée.

Une seconde convention avait ensuite été conclue entre eux le 20 mars 2018. Alors que son avocat avait laissé entendre qu'il consentait à réduire son tarif horaire à CHF 200.-, ce nouvel accord étendait en réalité les honoraires de résultat à 10% de l'ensemble des sommes perçues de son ex-épouse dans le cadre du divorce, et non plus seulement sur la part excédant CHF 4'000'000.-. "Poussé et encouragé" à signer cette convention sans disposer de toutes les informations nécessaires, il ne s'était pas aperçu que les honoraires complémentaires de son conseil étaient ainsi multipliés par cinq, ce qui, selon lui, constituait une tromperie.

Sa procédure de divorce s'était finalement conclue le 19 août 2021 par un accord notarié, négocié directement avec son ex-épouse, sans l'intervention de son avocat. Bien que ce dernier n'eût pris aucune part effective à cette négociation, il lui avait réclamé le paiement d'honoraires impayés ainsi que d'honoraires complémentaires exorbitants. Il avait néanmoins été persuadé par son conseil, avec lequel il entretenait des liens d'amitié, de signer, le 29 novembre 2021, un protocole d'accord fixant le solde des honoraires de base et complémentaires dus à CHF 350'000.- TTC.

Seules quelques notes d'honoraires relatives à l'activité de son avocat lui avaient été remises et, à leur lecture, plusieurs postes apparaissaient manifestement excessifs, voire fictifs, ce dont il ne s'était pas aperçu auparavant, plaçant toute sa confiance en cet avocat et ami.

Convaincu de ne pas avoir eu d'autre option que de signer le protocole d'accord précité, il réalisait aujourd'hui que la somme réclamée par son conseil était disproportionnée. Au moment de la signature, il ignorait par ailleurs que les conditions requises pour une rémunération de type "pactum de palmario" n'étaient pas réunies. Croyant de bonne foi s'en tirer à meilleur compte en acceptant de signer cet accord, il avait déjà versé à l'intéressé CHF 250'000.-. La procédure de poursuite initiée par le mis en cause reposait sur une créance infondée ainsi que sur des honoraires manifestement disproportionnés, et avait pour seul but de le contraindre à s'acquitter d'une somme indue.

k.a. Par pli du 22 mai 2024, le Ministère public a adressé copie de la plainte à Me C______, en lui impartissant un délai pour prendre position.

Il y précisait qu'une procédure était ouverte contre lui, qu'il disposait du droit de consulter le dossier, de participer à des actes de procédure, de se faire assister par un conseil juridique, de se prononcer au sujet de la cause et de la procédure et de déposer des propositions relatives aux moyens de preuves (art. 107 CPP). En outre, en qualité de prévenu, il pouvait refuser de déposer ou de collaborer, faire appel à un défenseur ou en demander un d'office ainsi que demander l'assistance d'un traducteur ou d'un interprète (art. 158 CPP).

k.b. Par réponse du 11 juin suivant, l'avocat précité a contesté l'intégralité des faits qui lui étaient reprochés.

L'assistance judiciaire avait été demandée et obtenue par A______ lui-même. Par ailleurs, deux décisions d'indemnité d'office avaient été rendues par le Tribunal d'arrondissement de E______ les 17 février et 22 octobre 2020 (cf. let. B. e.b. supra), dont son mandant avait été dûment avisé, de sorte qu'il ne pouvait prétendre ignorer le sort de cette aide. De plus, ils avaient convenu que toute somme éventuellement perçue au titre de l'assistance judiciaire serait imputée sur les honoraires déjà facturés et impayés, excluant ainsi toute double rémunération pour les mêmes prestations.

De plus, l'ensemble des notes d'honoraires adressées à A______ n'avait fait l'objet d'aucune contestation, ni même de demande d'éclaircissement. À l'issue de son mandat, il n'avait perçu qu'un montant total de CHF 47'048.15 (cf. let. B. g.b. supra) pour l'activité accomplie sur une période de cinq années, dans le cadre d'une procédure complexe. C'était dans ce contexte qu'il avait engagé des discussions avec son client en vue de parvenir à un arrangement. Le protocole d'accord du 29 novembre 2021 ne se fondait ni sur les conventions d'honoraires antérieurement conclues, ni sur les notes déjà émises et demeurées impayées, mais exclusivement sur le travail effectivement accompli, ainsi que sur les règlements partiels intervenus. Son mandant ayant signé ce protocole en toute connaissance de cause, il ne pouvait invoquer une erreur ni se prévaloir d'une quelconque infraction, d'autant moins qu'il s'agissait d'un homme d'affaires aguerri, parfaitement conscient de l'étendue et des conséquences de son engagement financier.

À l'appui, Me C______ a produit un bordereau de pièces comprenant notamment l'ensemble des notes d'honoraires adressées à A______, ainsi que les courriels échangés entre eux du 2 au 10 novembre 2021, relatifs aux discussions et négociations ayant précédé la conclusion du protocole d'accord du 29 novembre 2021 (cf. let. B. g.c. et g.d. supra).

l.  Par pli de son conseil du 8 janvier 2024 adressé au Ministère public, A______ a transmis une copie de la décision du Tribunal du district de F______ du 4 décembre 2023, refusant de prononcer la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer litigieux (cf. let. B. i.a. et i.b. supra).

m. Par courrier du 7 février 2025 adressé au Tribunal d'arrondissement de E______, le Ministère public, en application de l'art. 194 CPP, a demandé qu'il lui fût indiqué si A______ avait remboursé les deux montants qu'il avait perçus de l'État de Vaud au titre de l'assistance judiciaire. Par réponse du 17 suivant, la direction du recouvrement du canton de Vaud a répondu par l'affirmative, pièce à l'appui.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur la plainte de A______, considérant que les éléments constitutifs des infractions dénoncées n'étaient pas réunis.

Les allégations de l'intéressé, selon lesquelles Me C______, mandaté pour défendre ses intérêts dans le cadre de sa procédure de divorce, aurait sollicité à son insu l'assistance judiciaire et perçu parallèlement ses honoraires d'avocat, étaient contredites par les pièces versées au dossier. En effet, la demande d'assistance judiciaire avait été formée par le plaignant lui-même, sans le concours de son conseil, excluant toute tromperie imputable à ce dernier. De surcroît, aucun dessein d'enrichissement illégitime ne pouvait être retenu, les montants perçus au titre de l'assistance judiciaire ayant été déduits des honoraires réclamés au plaignant dans le protocole d'accord du 29 novembre 2021.

Par ailleurs, les allégations de A______, selon lesquelles son conseil l'aurait induit en erreur en lui présentant la convention du 20 mars 2018 comme visant à réduire les honoraires, ne reposaient sur aucun élément concret et paraissaient peu plausibles au regard des engagements souscrits. En effet, le plaignant ne pouvait ignorer que cet accord entraînait une augmentation substantielle de la rémunération globale de son avocat, et rien ne permettait de conclure que ce dernier ait eu recours à un procédé astucieux pour le tromper à cet égard. De la même manière, il n'apparaissait pas qu'une quelconque tromperie astucieuse de Me C______ eût conduit le plaignant à conclure le protocole d'accord du 29 novembre 2021. Les échanges de courriels précédant sa signature démontraient que l'avocat avait exposé en détail les différentes options permettant de solder la question de ses honoraires. Le plaignant avait, en réponse, accepté de verser CHF 350'000.- pour solde de tout compte, proposant parallèlement un échelonnement de paiement, ce qui témoignait de sa compréhension des engagements souscrits. Pour le surplus, ce dernier avait reçu des relevés d'activité détaillés avec chaque facture, lui offrant la possibilité de vérifier les prestations effectuées. Il lui appartenait donc de contester immédiatement les honoraires de son avocat s'il les jugeait excessifs ou inexacts, ce qu'il n'avait jamais fait au cours du mandat. Aucune tromperie, a fortiori astucieuse, ne pouvait dès lors être retenue. Il s'ensuivait que les éléments constitutifs de l'infraction d'escroquerie (art. 146 CP) n'étaient pas réunis.

S'agissant de l'infraction d'usure (art. 157 CP) alléguée, A______ ne s'était jamais trouvé dans une situation de gêne économique à l'égard de Me C______. Les modifications successives des modalités d'honoraires résultaient de décisions librement consenties, prises dans le cadre de négociations où le plaignant disposait de toutes les informations nécessaires pour apprécier les conséquences financières de ses engagements. Aucune des autres situations de faiblesse énumérées par la loi ne pouvait être retenue. Le plaignant ne se trouvait dans aucun rapport de subordination ou de soumission à l'égard de son avocat. Sa capacité à négocier directement avec son ex-épouse le montant lui revenant au titre de la liquidation du régime matrimonial, ainsi que les ajustements successifs des modalités de rémunération de son conseil, démontraient qu'il ne pouvait se prévaloir de son manque d'expérience pour invoquer cette infraction.

Par ailleurs, les éléments constitutifs de l'infraction prévue à l'art. 181 CP n'étaient pas réunis. En effet, le commandement de payer litigieux reposait sur le protocole d'accord du 29 novembre 2021, partiellement exécuté. Le mis en cause avait eu recours à la voie de la poursuite dans le cadre du processus ordinaire de recouvrement de créances, sans que cette démarche eût pour finalité une quelconque fin abusive. Dans ces conditions, l'envoi du commandement de payer ne constituait pas un moyen de pression illicite.

Enfin, les notes d'honoraires de l'avocat, en tant que simples factures, ne revêtaient pas de valeur probante accrue et ne constituaient donc pas des titres, ce qui excluait l'infraction prévue à l'art. 251 CP.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que la décision querellée n'était pas justifiée à plusieurs égards.

Tout d'abord, dans la mesure où le Ministère public avait invité le mis en cause à se déterminer sur sa plainte et à produire des pièces à l'appui de ses explications, la procédure ne pouvait pas être clôturée par une ordonnance de non-entrée en matière. Par ailleurs, son droit d'être entendu n'avait pas été respecté, puisqu'il n'avait pas eu l'occasion de se prononcer sur les allégations et les pièces produites par le mis en cause.

À cela s'ajoutait que l'ordonnance entreprise avait été prononcée près d'un an et demi après le dépôt de sa plainte, de sorte que le principe de la célérité avait été violé.

Ensuite, les éléments constitutifs des infractions dénoncées étaient réunis.

L'avocat mis en cause lui avait fait signer, le 20 mars 2018, une convention d'honoraires présentée comme étant plus avantageuse que celle conclue le 29 mai 2017, alors qu'elle s'avérait en réalité plus onéreuse et moins favorable que la précédente. De plus, il avait comptabilisé des heures fictives ou manifestement exagérées, puis refusé de produire les justificatifs nécessaires, construisant ainsi une image trompeuse de la créance invoquée. Ces manœuvres l'avait conduit à accepter le protocole d'accord du 29 novembre 2021, alors qu'il ignorait les montants perçus par son conseil au titre de l'assistance judiciaire ainsi que le caractère vraisemblablement illicite du "pactum de palmario" sous-tendant la convention du 20 mars 2018. Le mis en cause avait profité de leur relation d'amitié pour lui soumettre des accords qui se révélaient, rétrospectivement, constitutifs d'une tromperie. De surcroît, en exploitant sa "vulnérabilité juridique et émotionnelle", alors qu'il traversait une procédure de divorce, l'intéressé l'avait amené à signer ces accords et à accepter des facturations dont il ne mesurait pas pleinement la portée. Le fait qu'il n'eût pas contesté les notes d'honoraires reçues ne pouvait exclure une tromperie initiale, dès lors qu'il s'était de bonne foi fié à son avocat et ami. Ce dernier avait agi dans le dessein de s'enrichir illégitimement, en lui dissimulant le caractère potentiellement contraire au droit des conventions conclues et en visant à se garantir une rémunération personnelle excessive. En raison du lien de confiance particulier les unissant, de la complexité du dispositif contractuel, du silence gardé sur l'assistance judiciaire octroyée et de la présentation biaisée des modifications contractuelles, il existait des soupçons suffisants d'escroquerie (art. 146 CP).

Par ailleurs, les éléments constitutifs de l'usure (art. 157 CP) étaient réalisés. Au moment de la signature des différentes conventions, il se trouvait – en raison de sa procédure de divorce – dans une situation économique et personnelle difficile, dont le mis en cause avait connaissance. Il avait même dû requérir l'assistance judiciaire et solliciter une provisio ad litem de CHF 20'000.-. Les conventions de rémunération, manifestement disproportionnées par rapport aux prestations fournies, avaient permis à son avocat de tirer un avantage excessif de sa dépendance économique, ce d'autant qu'il s'était lui-même chargé des négociations avec son ex-épouse. Le lien de confiance qui les unissait l'avait placé dans un état de "soumission psychologique et juridique", situation dont le mis en cause avait tiré parti pour lui faire signer des conventions injustifiées. La signature du protocole d'accord du 29 novembre 2021 devait dès lors être comprise comme l'aboutissement d'une situation d'usure.

L'infraction de contrainte (art. 181 CP) était également réalisée, l'avocat lui ayant fait notifier un commandement de payer fondé sur le protocole d'accord précité, alors même que la créance était contestée et que les montants réclamés reposaient sur des prestations exagérées, voire fictives. Cette mesure, initiée alors qu'il s'était déjà acquitté de CHF 250'000.-, soit l'essentiel de la somme convenue, traduisait une volonté manifeste d'exercer sur lui une pression financière et psychologique. La procédure de recouvrement ne poursuivait aucun objectif juridique réaliste, la mainlevée provisoire n'ayant pas été accordée, ce qui confirmait le caractère contestable de la créance.

Enfin, les éléments constitutifs de l'infraction de faux dans les titres (art. 251 CP) étaient réunis, puisque l'avocat avait établi des factures fondées sur des prestations fictives ou manifestement excessives. Ces documents avaient servi de base au décompte de frais qui lui avait été remis, ainsi qu'au protocole d'accord signé le 29 novembre 2021, avant de constituer, au moins indirectement, le fondement de la procédure de poursuite en cours.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours.

Inviter le mis en cause à se déterminer par écrit et à produire des pièces relevait des investigations initiales que la loi permettait d'entreprendre avant de statuer par ordonnance de non-entrée en matière. Par ailleurs, le droit d'être entendu du recourant n'avait pas été violé, celui-ci ne bénéficiant pas du droit de participer à l'administration des preuves avant l'ouverture d'une instruction.

Rien ne permettait de retenir que l'avocat mis en cause eût promis au recourant une convention d'honoraires plus avantageuse, et aucune tromperie ne ressortait du dossier, de sorte que l'infraction visée par l'art. 146 CP n'était pas réalisée. Par ailleurs, le recourant ne se trouvait ni dans une situation de dépendance ni de soumission à l'égard du mis en cause et aucune contrepartie manifestement disproportionnée, au sens de l'art. 157 CP, ne pouvait être retenue. Les éléments constitutifs de l'infraction prévue à l'art. 181 CP n'étaient pas davantage réunis. Le fait que le commandement de payer litigieux fût notifié au recourant alors qu'un paiement partiel avait déjà été effectué par ce dernier ne suffisait pas à établir l'existence d'une pression abusive ou illicite. De même, l'absence de mainlevée de l'opposition ne permettait ni de contester l'existence de la créance, ni de qualifier le commandement de payer d'illicite, le juge de la mainlevée n'examinant que la vraisemblance des prétentions et non la réalité de la créance. Enfin, faute de valeur probante accrue, les notes d'honoraires du mis en cause ne constituaient pas des titres au sens de l'art. 251 CP.

c. Le recourant maintient sa position dans sa réplique.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant fait grief au Ministère public d'avoir laissé s'écouler près d'un an et demi avant de statuer sur sa plainte, ce qui violerait le principe de la célérité. Il lui reproche également d'avoir rendu une ordonnance de non-entrée en matière plutôt qu'une ordonnance de classement et de ne pas l'avoir interpellé préalablement au prononcé de cette décision.

2.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Le terme "immédiatement" indique que l'ordonnance de non-entrée en matière doit être rendue à réception de la dénonciation, de la plainte ou du rapport de police avant qu'il soit procédé à de plus amples actes d'enquête et qu'une instruction soit ouverte selon l'art. 309 CPP. Le ministère public peut néanmoins procéder à certaines vérifications avant de refuser d'entrer en matière, notamment demander des compléments d'enquête à la police, mais aussi procéder à ses propres constatations, ce qui comprend le droit de consulter les fichiers, dossiers et renseignements disponibles (arrêt du Tribunal fédéral 7B_2/2022 du 24 octobre 2023 consid. 2.1.1).

La décision n'est ainsi soumise à aucun délai, le procureur devant simplement veiller au respect du principe de célérité (art. 5 CPP; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 4 ad art. 310).

2.2. Avant de rendre une ordonnance de non-entrée en matière, le ministère public n'a pas à informer les parties ni n'a l'obligation de leur fixer un délai pour présenter d'éventuelles réquisitions de preuve, l'art. 318 CPP n'étant pas applicable dans ce cas. Le droit d'être entendu des parties est en effet assuré, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de recours, qui leur permet de faire valoir tous leurs griefs auprès d'une autorité disposant d'une pleine cognition en fait et en droit (cf. art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1096/2018 du 25 janvier 2019 consid. 2.2).

2.3. Le ministère public ne peut plus rendre une ordonnance de non-entrée en matière lorsqu'il a ouvert une instruction. Si une instruction au sens de l'art. 309 CPP a été ouverte, formellement ou matériellement, il doit la clôturer formellement (art. 318 CPP), puis rendre une ordonnance de classement (art. 319 ss CPP; cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_89/2022 du 2 juin 2022 consid. 2.2). La requête tendant à obtenir d'une autorité (notamment) administrative la production d'un dossier au sens de l'art. 194 CPP constitue un acte d'enquête qui ne peut, en principe, être exécuté qu'une fois l'instruction ouverte (arrêt du Tribunal fédéral 6B_446/2021 du 21 juillet 2022 consid. 2.3).

Le fait pour le ministère public de rendre une ordonnance de non-entrée en matière, alors que les circonstances permettent de considérer qu'une instruction a été ouverte, est toutefois en principe sans incidence pour les parties et il ne se justifie pas d'annuler la décision pour ce seul motif, même si certains actes exécutés par le ministère public sont de ceux qui doivent être exécutés après l'ouverture d'une instruction (arrêts du Tribunal fédéral 6B_425/2022 du 15 février 2023 consid. 4.1.1 et 6B_962/2013 du 1er mai 2014 consid. 2).

2.4. En l'espèce, le fait que l'ordonnance querellée ait été rendue dix-sept mois après le dépôt de la plainte n'est pas, à lui seul, suffisant pour être constitutif d'une violation du principe de la célérité, dès lors que le prononcé de ladite décision n'est soumis à aucun délai. La notion d'immédiateté ne signifie, en effet, pas que le refus d'entrer en matière doit être prononcé à réception de la plainte pénale, sans qu'il ne soit possible d'effectuer au préalable des vérifications simples.

À la suite du dépôt de celle-ci, le Ministère public a, par courrier du 22 mai 2024, informé le mis en cause de l'ouverture d'une procédure à son encontre, en lui indiquant qu'il pouvait consulter le dossier, participer aux actes de procédure, se déterminer sur la cause et déposer des propositions de preuves. Il lui a en outre rappelé les droits découlant de son statut de prévenu, en particulier le droit de refuser de déposer ou de collaborer et celui de requérir la désignation d'un défenseur d'office. Eu égard au contenu de cette communication – notamment à l'indication expresse du statut de prévenu et des droits qui y sont attachés –, les déterminations et pièces produites par le mis en cause ne sauraient dès lors être considérées comme une simple prise de position (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_539/2016 du 1er novembre 2017 consid. 2.2.2).

De plus, le 7 février 2025, le Ministère public a requis du Tribunal d'arrondissement de E______, en application de l'art. 194 CPP, de l'informer si le recourant avait remboursé les montants perçus de l'État de Vaud au titre de l'assistance judiciaire dans le cadre de sa procédure de divorce, ce à quoi cette autorité a répondu par l'affirmative, en produisant la pièce justificative y afférente. Or, la demande de production d'un dossier au sens de la disposition précitée est considérée comme un acte d'instruction ne pouvant en principe être exécuté qu'une fois l'instruction ouverte.

Il appert, en conséquence, tel que le soutient le recourant, qu'une instruction a été matériellement ouverte et qu'il n'était plus possible de statuer par la voie d'une ordonnance de non-entrée en matière. Ce nonobstant, cette erreur formelle ne justifie pas, à elle seule, l'annulation de la décision entreprise, dès lors qu'aucun préjudice n'en a résulté pour le recourant. Le motif ayant présidé à la clôture de la procédure – soit l'absence de réalisation des réquisits des infractions dénoncées – est en effet commun à la non-entrée en matière (art. 310 al. 1 let. a CPP) et au classement (art. 319 al. 1 let. b CPP).

Le fait que le Ministère public n'ait pas invité le recourant à se déterminer sur les allégations du mis en cause préalablement à sa décision – ce qui constitue effectivement une violation du droit d'être entendu, au vu de ce qui précède – n'a pas non plus d'incidence sur la validité de l'ordonnance entreprise, cette omission ayant pu être réparée dans le cadre de la présente procédure de recours. En effet, le recourant a eu l'occasion, devant la Chambre de céans – qui dispose d'un plein pouvoir de cognition en fait et en droit –, de se déterminer sur les déclarations du mis en cause et sur les pièces produites par celui-ci, ainsi que de présenter des réquisitions de preuve en lien avec celles-ci. Un renvoi de la cause au Ministère public pour ce motif s'avérerait ainsi inutile et contraire au principe d'économie de la procédure.

3.             Le recourant estime qu'il existe une prévention suffisante, contre Me C______, d'infractions aux art. 146, 157, 181 et 251 CP.

3.1. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; ATF 138 IV 86 consid. 4.1).

3.2.1. Aux termes de l'art. 146 ch. 1 CP, commet une escroquerie quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou la dissimulation de faits vrais ou la conforte dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

3.2.2. Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas. Il faut encore qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 147 IV 73 consid. 3.2; 142 IV 153 consid. 2.2.2; 135 IV 76 consid. 5.2).

3.2.3. L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si la dupe n'a pas procédé aux vérifications élémentaires que l'on pouvait attendre d'elle au vu des circonstances, notamment compte tenu de son degré d'expérience dans le domaine concerné (ATF 135 IV 76 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_977/2018 du 27 décembre 2018 consid. 1.1). Une coresponsabilité de la dupe n'exclut toutefois l'astuce que dans des cas exceptionnels, soit lorsque son imprudence fait passer le comportement frauduleux de l'auteur au second plan (ATF 147 IV 73 consid. 3.2; 142 IV 153 consid. 2.2.2; 135 IV 76 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_212/2020 du 21 avril 2021 consid. 2.4).

3.3.1. L'art. 157 CP poursuit, du chef d'usure, quiconque exploite la gêne, la dépendance, l'inexpérience ou la faiblesse de la capacité de jugement d'une personne en se faisant accorder ou promettre par elle, pour lui-même ou pour un tiers, en échange d'une prestation, des avantages pécuniaires en disproportion évidente avec celle-ci sur le plan économique.

3.3.2. La réalisation de cette infraction suppose la réunion de cinq conditions objectives: une situation de faiblesse de la victime, l'exploitation de cette situation de faiblesse, l'échange d'une contre-prestation, une disproportion évidente entre l'avantage pécuniaire et la contre-prestation, ainsi que l'existence d'un rapport de causalité entre la situation de faiblesse et la disproportion des prestations. Sur le plan subjectif, l'intention est requise.

3.3.3. L'état de gêne, qui n'est pas forcément financière, s'entend de tout état de contrainte qui influe si fort sur la liberté de décision de la personne lésée qu'elle est prête à fournir une prestation disproportionnée. Il faut procéder à une analyse objective, en ce sens qu'on doit admettre qu'une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait été entravée dans sa liberté de décision. Le consentement de la victime n'exclut pas l'application de l'art. 157 CP. Il en est au contraire un élément (arrêt du Tribunal fédéral 6S.6/2007 du 19 février 2007 consid. 3.2.1).

Pour admettre un état de gêne financière, la victime doit se trouver dans l'impossibilité de repousser le contrat qui lui est proposé ou les conditions qui lui sont faites. Elle se trouve ainsi réduite à une telle extrémité, soit à la "merci" de l'usurier (ACPR/31/2024 du 19 janvier 2024, consid. 3.2; M. DUPUIS/ L. MOREILLON/ C. PIGUET/ S. BERGER/ M. MAZOU/ V. RODIGARI (éds), Petit commentaire du CP, 2ème éd., Bâle 2017, n. 5 ad 157).

3.4.1. L'art. 181 CP punit quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

La contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite, soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est illicite, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux mœurs (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1).

3.4.2. Faire notifier un commandement de payer lorsqu'on est fondé à réclamer une somme est licite. En revanche, utiliser un tel procédé comme moyen de pression est clairement abusif, donc illicite (ATF 115 III 18 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_271/2014 du 17 septembre 2024 consid. 2.1.1)

3.4.3. Lorsque la victime ne se laisse pas intimider et n'adopte pas le comportement voulu par l'auteur, ce dernier est punissable du chef de tentative de contrainte (art. 22 al. 1 CP; ATF 129 IV 262 consid. 2.7; 106 IV 125 consid. 2b).

3.5.1. D'après l'art. 251 ch. 1 CP, se rend coupable de faux dans les titres quiconque, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, crée un titre faux, falsifie un titre, abuse de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constate ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.

Cette disposition – qui doit être appliquée de manière restrictive (ATF 117 IV 35 consid. 1d) – vise non seulement un titre faux ou la falsification d'un titre (faux matériel), mais aussi un titre mensonger (faux intellectuel). Il y a faux matériel lorsque l'auteur réel du document ne correspond pas à l'auteur apparent, alors que le faux intellectuel vise un titre qui émane de son auteur apparent, mais dont le contenu ne correspond pas à la réalité (ATF 146 IV 258 consid. 1.1; 144 IV 13 consid. 2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_367/2022 du 4 juillet 2022 consid. 1.1).

3.5.2. Un simple mensonge écrit ne constitue pas un faux intellectuel. La confiance que l'on peut avoir à ne pas être trompé sur la personne de l'auteur est plus grande que celle que l'on peut avoir à ce que l'auteur ne mente pas par écrit; pour cette raison, la jurisprudence exige, dans le cas du faux intellectuel, que le document ait une crédibilité accrue et que son destinataire puisse s'y fier raisonnablement (ATF 138 IV 130 consid. 2.1; 132 IV 12 consid. 8.1; 129 IV 130 consid. 2.1; 126 IV 65 consid. 2a).

3.5.3. Sous réserve qu'elles ne revêtent pas une valeur probante accrue au regard de l'usage concret qui en est destiné (par exemple si elles sont destinées à servir de preuve pour la comptabilité), les factures ne sont pas des titres, dès lors qu'elles ne contiennent en règle générale que de simples allégations de l'auteur concernant la prestation due par le destinataire (ATF 142 IV 119 consid. 2.2; 138 IV 130 consid. 2.2.1; 125 IV 17 consid. 2/aa; 121 IV 131 consid. 2c; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1096/2015 du 9 décembre 2015 consid. 3.3.2).

3.5.4. Les attestations émises par un avocat à l'attention d'une banque étrangère sur l'état d'un compte et sur des papiers-valeurs qu'il détiendrait à titre de garantie ont été jugées nanties d'une valeur probante accrue, dès lors que l'avocat exerce une activité soumise à autorisation et à un contrôle disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 6S_295/2001 du 24 août 2001 consid. 2b). En revanche, la note d'honoraires d'un avocat ne prouve pas en elle-même la réalité des opérations qu'elle énumère. S'il a tenu un décompte détaillé de ses activités et du temps consacré à celles-ci, l'avocat parviendra à prouver la réalité de la plupart des opérations facturées, ce qui ne signifie pas encore qu'un décompte produit par l'avocat est doté d'une force probante particulière ; au contraire, en cas de litige, la liste des opérations doit être confrontée au dossier produit par l'avocat (arrêts du Tribunal fédéral 4A_212/2008 du 15 juillet 2008 consid. 3.1 ; 4A_2/2013 du 12 juin 2013 consid. 3.2.1.3 ; 4D_30/2016 du 20 octobre 2016 consid. 4 ; AARP/147/2021 du 26 mai 2021 consid. 2.3.2; AARP/188/2020 du 26 mai 2020 consid. 5.1.2.2).

3.6.1. En l'espèce, le recourant soutient que le mis en cause aurait profité de sa situation de "vulnérabilité juridique et émotionnelle" et du lien de confiance les unissant – l'avocat étant également son ami –, pour le conduire à signer trois accords successifs relatifs à la fixation de ses honoraires et à accepter des facturations dont il ne mesurait pas pleinement la portée.

Cela étant, on ne distingue pas quels manœuvre frauduleuse, édifice de mensonges ou mise en scène subtile auraient été exercés sur le recourant. Au contraire, il ressort du dossier que les deux conventions d'honoraires et le protocole d'accord litigieux, signés par les parties, sont rédigés en termes clairs et dépourvus d'ambiguïté. Il paraît donc peu vraisemblable que le recourant, qui semble disposer d'une certaine expérience en affaires (cf. let. B. d. supra), n'en ait pas compris la teneur ni saisi la portée. Alors que la première convention prévoyait un honoraire de résultat de 10 % uniquement sur la part des sommes excédant CHF 4'000'000.- perçues par le recourant dans le cadre de son divorce, la seconde fixait ces mêmes honoraires à 10 % de l'intégralité des montants perçus par l'intéressé. Dans ces circonstances, il ne saurait valablement soutenir avoir supposé que cette convention lui était financièrement plus avantageuse. En tout état de cause, aucun élément du dossier ne permet d'établir que le mis en cause l'aurait conforté dans cette impression, créé une confusion ou induit en erreur à cet égard.

Quant au pactum de palmario, en vertu duquel les honoraires d'un avocat sont augmentés d'une prime en cas de succès, il n'est pas illicite en soi – contrairement au pactum de quota litis –, et il n'est pas d'emblée établi que les conditions requises pour ce mode de rémunération ne fussent pas réunies en l'espèce, cette question relevant, au demeurant, exclusivement de la compétence des juridictions civiles.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le recourant, il ressort des pièces versées au dossier que le mis en cause lui a adressé l'intégralité de ses notes d'honoraires, détaillant les prestations effectuées dans le cadre du mandat. Alors qu'il pouvait être attendu du recourant qu'il vérifiât le bien-fondé des facturations reçues, il reconnaît ne jamais les avoir contestées ni demandé d'éclaircissements à leur propos. Dans ces circonstances, le fait que le mis en cause ait prétendument comptabilisé des heures excessives, voire fictives, ne saurait constituer un édifice de mensonges, ni même des informations fallacieuses suffisamment astucieuses pour tromper le recourant. Par ailleurs, le fait que les parties aient entretenu une relation d'amitié ne suffit pas à établir l'existence d'un lien de confiance d'une intensité susceptible de dispenser le recourant de toute vérification.

Pour le surplus, il appert que ce dernier a lui-même déposé la demande d'assistance judiciaire auprès des autorités judiciaires vaudoises et que les montants perçus à ce titre ont été déduits des honoraires réclamés par le mis en cause, ce dont il a eu connaissance. On ne décèle ainsi aucune tromperie à cet égard non plus.

En définitive, en l'absence d'une quelconque tromperie, qui plus est astucieuse, les éléments constitutifs de l'infraction à l'art. 146 CP ne sont pas réunis. Le Ministère public était donc fondé à ne pas entrer en matière sur cette infraction.

3.6.2. Ensuite, les éléments versés au dossier ne permettent pas d'établir que le recourant se fût trouvé, au moment de la signature des différents accords, dans une situation de faiblesse, de gêne ou de dépendance économique à l'égard du mis en cause. Au contraire, lors de la signature du protocole d'accord du 29 novembre 2021, l'intéressé détenait une créance de CHF 5'314'000.- contre son ex-épouse, en vertu de la convention de liquidation de leur régime matrimonial conclue le 19 août 2021. On ne discerne dès lors pas en quoi sa situation personnelle et financière aurait rendu impérative la conclusion du protocole d'accord litigieux, sans qu'aucune alternative ne lui fût offerte. Par ailleurs, il apparaît qu'il a été en mesure de renégocier à plusieurs reprises les conditions de rémunération de son conseil, ainsi que de conduire seul les discussions ayant abouti à la liquidation de son régime matrimonial, sans l'assistance de ce dernier, dont il n'était ainsi pas tributaire.

Il s’ensuit que les conditions constitutives de l’infraction d’usure (art. 157 CP n’apparaissent pas réalisées. L’ordonnance querellée est donc fondée sur ce point également.

3.6.3. En ce qui concerne l'infraction de contrainte, il apparaît que le recourant ne s'est nullement laissé intimider par le commandement de payer litigieux, puisqu'il y a immédiatement formé opposition. Dès lors, seule une tentative de contrainte (art. 22 al. 1 cum 181 CP) pourrait éventuellement entrer en considération.

Le moyen utilisé – soit l'envoi d'un commandement de payer – n'est pas en soi illicite; il peut toutefois l'être s'il est détourné de son but ou s'il est utilisé comme moyen de pression.

S'agissant du but poursuivi, il apparaît que le mis en cause visait à recouvrer la somme de CHF 100'000.- à titre d'honoraires qu'il estimait lui être dus. Les parties ont en effet conclu un protocole d'accord le 29 novembre 2021, aux termes duquel le recourant s'était engagé à verser à son conseil la somme de CHF 350'000.- à titre d'honoraires, selon un échéancier convenu. L'intéressé ne s'étant acquitté que partiellement de ce montant et ayant manifesté son intention de ne pas régler le solde, le mis en cause était, a priori, fondé à en réclamer le paiement par la voie – légale – de la poursuite. Le fait que le recourant conteste le montant de la créance n'est pas déterminant. Toute autre réponse aurait en effet pour conséquence d'entraver, voire de paralyser, sous couvert de contrainte pénalement qualifiée, le recouvrement forcé d'une créance au motif qu'elle serait contestée. Tel ne peut être le but de l'art. 181 CP. 

Il existe donc, sur le plan pénal, un lien suffisant entre la créance invoquée par le mis en cause et le montant réclamé, sans qu'il n'appartienne aux autorités pénales de décider si ladite créance est fondée ou non, cette question relevant exclusivement de la compétence des juridictions civiles. Pour le surplus, le fait que le juge de la mainlevée ait refusé de prononcer la mainlevée provisoire de l'opposition faite au commandement de payer ne signifie pas que la démarche du mis en cause était illicite au sens du droit pénal, le fond du litige n'étant pas examiné en procédure de mainlevée.

Par conséquent, c'est à juste titre que le Ministère public a retenu que le procédé – licite – utilisé par le mis en cause pour recouvrer la créance qu'il estimait être la sienne ne constituait pas un moyen de pression abusif, au sens de la jurisprudence relative à l'art.181 CP. La décision querellée ne prête dès lors pas le flanc à la critique sur ce point non plus.

3.6.4. S'agissant enfin de l'infraction de faux dans les titres (art. 251 CP), s'il est constant qu'avocat et client sont liés par un rapport de confiance particulier en ce qui concerne les prestations fournies par le premier, tel n'est pas le cas de sa facturation, laquelle ne revêt aucune force probante accrue. Ni une note d'honoraires, ni un relevé de prestations ne prouvent la réalité des opérations facturées ou énumérées. En cas de litige, ces documents doivent au contraire être confrontés au dossier produit par l'avocat. Aussi, ce dernier n'assume-t-il pas une position de garant lorsqu'il demande le paiement de ses honoraires à son client, position qui serait de nature à détourner ce dernier de vérifier le bien-fondé des prétentions. En l'occurrence, les factures litigieuses n'ont pas d'autre finalité que d'exposer les montants réclamés au recourant et ne visent pas, par exemple, à faire attester une comptabilité matériellement fausse. Par ailleurs, les notes d'honoraires en cause font l'objet d'un litige civil, dans le cadre duquel le recourant a précisé les motifs pour lesquels il conteste la légitimité des prétentions soulevées par le mis en cause.

Il s'ensuit que les éléments objectifs de l'infraction de faux dans les titres ne sont pas non plus remplis.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant succombe sur le fond (art. 428 al. 1 CPP), mais voit son grief tiré d'une violation du droit d'être entendu admis (arrêt du Tribunal fédéral 7B_512/2023 du 30 septembre 2024 consid. 3.1).

Il sera, en conséquence, condamné aux deux-tiers des frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 1'200.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), soit au paiement de CHF 800.-, somme qui sera prélevée sur les sûretés versées.

Le solde de ces frais (CHF 400.-) sera laissé à la charge de l'État.

6.             Le recourant, partie plaignante, n'ayant ni chiffré ni, a fortiori, justifié les dépens auxquels il conclut, conformément aux exigences de l'art. 433 al. 2 CPP, applicable en instance de recours (art. 436 al. 1 CPP), il ne lui en sera point alloué.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Condamne A______ aux deux-tiers des frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'200.-, soit au paiement de CHF 800.-.

Dit que ce dernier montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Laisse le solde des frais (CHF 400.-) de la procédure de recours à la charge de l'État.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ le montant de CHF 400.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/26351/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'115.00

Total

CHF

1'200.00