Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

1 resultats
P/13897/2015

AARP/188/2020 du 26.05.2020 sur JTCO/154/2018 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 08.07.2020, rendu le 11.01.2021, REJETE, 6B_831/2020, 6B_815/2020, 6B_823/2020, 6B_826/2020
Recours TF déposé le 08.07.2020, rendu le 11.01.2021, REJETE, 6B_826/2020, 6B_815/2020, 6B_823/2020, 6B_831/2020
Recours TF déposé le 07.07.2020, rendu le 11.01.2021, REJETE, 6B_823/2020, 6B_815/2020, 6B_826/2020, 6B_831/2020
Recours TF déposé le 07.07.2020, rendu le 11.01.2021, REJETE, 6B_815/2020, 6B_823/2020, 6B_826/2020, 6B_831/2020
Descripteurs : CONDITION DE RECEVABILITÉ;PARTIE CIVILE;POUVOIR D'EXAMEN;PRINCIPE DE L'ACCUSATION;NATURE JURIDIQUE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;DÉLIBÉRATION DU TRIBUNAL;ADMINISTRATION DES PREUVES;FONCTIONNAIRE;AVOCAT;MANDAT;RECOUVREMENT;FAUX INTELLECTUEL DANS LES TITRES;LEX SPECIALIS DEROGAT LEGI GENERALI;COMPTABILITÉ COMMERCIALE;ÉTABLISSEMENT DE DROIT PUBLIC;DÉCOMPTE(SENS GÉNÉRAL);POSITION DE GARANT;HONORAIRES;ESCROQUERIE;PAR MÉTIER;OBLIGATION DE RENSEIGNER;ASTUCE;TROMPERIE;GESTION DÉLOYALE DES INTÉRÊTS PUBLICS;GESTION DÉLOYALE;DESSEIN D'ENRICHISSEMENT;PARTICIPATION À L'INFRACTION;INFRACTION SPÉCIALE;PRESCRIPTION;FIXATION DE LA PEINE;SURSIS À L'EXÉCUTION DE LA PEINE;CONFISCATION(DROIT PÉNAL);SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);PRÉVOYANCE PROFESSIONNELLE;FRAIS DE LA PROCÉDURE;DÉPENS
Normes : CPP.398; CPP.408; CPP.409; CPP.9; CPP.350; CPP.344; CPP.333; CPP.349; CPP.389; CPP.139.al2; CPP.263.al1.letd; CPP.426; CPP.428; CPP.429; CPP.433; CPP.436; CP.317; CP.12.al3; CP.251.ch1; CP.110.ch4; CP.146.ch1; CP.146.ch2; CP.314; CP.158.al1.ch1; CP.26; CP.389; CP.97.al3; CP.98; CP.70; CP.71; CP.73; CO.393; CO.398; CO.957; CO.106; LLCA.2; LLCA.8; LLCA.12.leti; aLGAF.1.al2; aLGAF.72; aLGAF.11; LP.93.al1

frépublique et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13897/2015AARP/188/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du mardi 26 mai 2020

 

Entre

MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant (appel principal et joint),

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocat,

C______, domicilié ______, comparant par Me D______, avocat,

appelants et intimés sur appels joints,

 

HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE, comparant par Me E______, avocat,

intimés et appelants sur appel joint,

 

contre JTCO/154/2018 rendu le 21 décembre 2018 par le Tribunal correctionnel,

 

et

F______, domiciliée ______, comparant par Me G______, [avocat,]

tiers saisie.

 

 

 

 

 

I. EN FAIT : 4

A. Objet des appels et appels joints formes devant la Chambre pénale d'appel et de..............
révision (CPAR)
4

B. Eléments résultant du dossier.. 10

1. Contexte. 10

2. Conclusion du contrat avec C______ et adaptations subséquentes. [12]

3. Evolution des rapports avec O______ SA.. [16]

4. Système mis en place avec C______. [17]

i. Généralités. [17]

ii. Détail et volumétrie de l'activité dite non judiciaire. [19]

ii.a. Activité couverte par le forfait CHF 42.-/facture. [19]

ii.b. TAF.. [20]

5. Projet d'internaliser le recouvrement 22

6. Rémunération de C______. [23]

i. Factures « sommations ». [23]

ii. Factures « contentieux ». [24]

iii. Factures « encaissements ». [26]

iv. Factures « classement ADB ». [27]

v. Facturation totale. [27]

vi. Facturation « au net ». [28]

7. Traitement comptable des frais de recouvrement, singulièrement des honoraires de.............
C______
. [29]

i. Budget du recouvrement [29]

ii. Validation des factures. [29]

iii. Compte de charges « Frais & honoraires de recouvrement ». [30]

iii.a. Logiciel « X______ ». [30]

iii.b. Comptabilisation des honoraires de C______. [31]

iii.c. Ecritures passées au crédit du compte « Frais & honoraires de recouvrement ». [32]

iv. Faits retenus sur le traitement comptable. [39]

8. Connaissance et compréhension au sein des HUG des conditions de la mise en oeuvre de ......
C______. [41]

i. Période 2007-2008. [41]

ii. Dès 2009. [44]

iii. Dès 2011. [46]

iv. En 2015. [48]

9. Ouverture de la procédure et autres déclarations pertinentes. [49]

10. Appréciation en fait de l'activité de C______ et de son coût [55]

11. Situation personnelle des prévenus. [59]

i. A______. [59]

ii. C______. [60]

12. Position de F______. [63]

13. Honoraires et frais d'avocats des parties. [63]


 

II. EN DROIT : [64]

1. Recevabilité. [64]

2. Questions préjudicielles et incidente. [65]

i. Qualifications juridiques envisagées. [65]

i.a. Incident d'exclusion de la gestion déloyale des intérêts publics (art. 314 CP), subsidiairement renvoi de la cause au Tribunal correctionnel [65]

i.b. Qualification juridique de gestion déloyale (art. 158 ch. 1 al. 1 CP) [66]

ii. Réquisitions de preuve. [71]

3. Statut juridique des prévenus dans le cadre de leur relation avec la partie plaignante. [74]

i. Statut de fonctionnaire du prévenu A______. [74]

ii. Qualification juridique des rapports contractuels entre le prévenu C______ et la partie.........
plaignante.
[74

4. Faux dans les titres commis dans l'exercice des fonctions publiques (art. 317 CP) ..................
reproché à l'appelant A______
. [77]

5. Faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) reproché à l'appelant C______. [84]

6. Escroquerie simple ou par métier (art. 146 ch. 1 et 2 CP) [88]

7. Gestion déloyale des intérêts publics (art. 314 CP), subsidiairement gestion déloyale ...........
simple (art. 158 ch. 1 al. 1 CP) [100]

8. Peine. [113]

9. Conclusions civiles. [117]

10. Mesures confiscatoires ou de séquestre et créance compensatrice. [119]

11. Frais de la procédure. [126]

12. Indemnités au sens des art. 429, 433 et 436 CPP.. [128]

i. Conclusions de l'appelant A______. [133]

ii. Conclusions de l'appelant C______. [134]

iii. Conclusions de la partie plaignante. [139]

III. DISPOSITIF.. [150]

 


I. EN FAIT :

 

A. Objet des appels et appels joints formés devant la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR)

a. Par jugement du 21 décembre 2018, dont les motifs seront notifiés le 14 février 2019, le Tribunal correctionnel (TCO) a :

-       reconnu A______ coupable d'escroquerie (art. 146 al. 1 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP - RS 311.0]) et de faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques (art. 317 ch. 1 CP), lui infligeant une peine privative de liberté de 30 mois (sous déduction de deux jours de détention avant jugement), dont six mois fermes et le solde assorti du sursis (délai d'épreuve : trois ans) ; les premiers juges n'ont pas retenu la qualification juridique de gestion déloyale des intérêts publics (art. 314 CP) ou de gestion déloyale simple (art. 158 ch. 1 CP), mais n'ont pas formellement prononcé d'acquittement, dite qualification n'ayant été proposée qu'alternativement à celle d'escroquerie dans l'acte d'accusation ;

-       acquitté C______ du chef d'instigation à gestion déloyale des intérêts publics
(art. 24 et 314 CP), mais l'a reconnu coupable d'escroquerie par métier (art. 146 al. 1 et 2 CP) et de faux dans les titres (art. 251 CP), le condamnant à une peine privative de liberté de 36 mois (sous déduction de deux jours de détention avant jugement), dont 10 mois fermes et le solde avec sursis (délai d'épreuve : trois ans).

A______ et C______ ont été condamnés, conjointement et solidairement, à payer aux HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE (HUG) la somme de
CHF 22'313'750.90, plus intérêts 5% du 1er avril 2011, en réparation de leur dommage matériel, ainsi que CHF 298'268.- en couverture de leurs dépenses obligatoires induites par la procédure, frais de celle-ci, par CHF 114'122.-, à leur charge, chacun pour moitié.

Les premiers juges ont encore prononcé une créance compensatrice de CHF 22'313'750.90 en faveur de l'Etat à l'encontre de C______, l'ont allouée aux HUG à due concurrence, la partie plaignante ayant, à concurrence de tout montant recouvré, cédé à l'Etat sa créance en dommages-intérêts, et ont ordonné le maintien, en vue de son exécution, des séquestres portant sur diverses valeurs dont ce prévenu est titulaire, ainsi que sur ses parts de PPE 1______, PPE 2______, PPE 3______ et PPE 4______ de la commune de H______ [GE], sises chemin 5______ [no.] ______ (la restriction au droit d'aliéner inscrite au Registre foncier étant également maintenue).

En revanche, d'autres séquestres ont été levés, notamment ceux portant sur des avoirs détenus par F______, seule ou conjointement avec son, désormais, ex-époux.

b. Toutes les parties ont entrepris ce jugement en temps utile, selon :

-       annonce du 21 décembre 2018 et déclaration du 15 février 2018 du Ministère public (MP), lequel entreprend partiellement le jugement et requiert que les peines fixées par les premiers juges soient portées à quatre ans pour A______ et cinq ans pour C______, ainsi que la confiscation des avoirs de prévoyance professionnelle de ce dernier auprès de [la fondation] I______ ; par écriture du 28 mars 2019, le MP déclare encore appel joint, concluant, à titre principal à la confirmation des verdicts de culpabilité et, subsidiairement, à la condamnation de A______ du chef de faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques ainsi que de gestion déloyale des intérêts publics, et à celle de C______ des chefs de faux dans les titres, escroquerie par métier et instigation à, ou complicité de, gestion déloyale des intérêts publics ;

-       annonce du 21 décembre 2018 et déclaration du 6 mars 2019 de A______, celui-ci attaquant le jugement dans son intégralité pour conclure à son acquittement et à ce que l'Etat soit condamné à le couvrir de ses dépenses obligatoires induites par la procédure préliminaire et de première instance, plus une ultérieure indemnité pour celles d'appel, ainsi qu'à payer une indemnité de CHF 1'182'000 en réparation du dommage économique, portée en dernier lieu à CHF 1'201'527.-, outre
CHF 15'000.- pour tort moral ;

-       annonce du 21 décembre 2018 et déclaration du 6 mars 2019 de C______ par lesquelles ce prévenu conteste également entièrement le jugement et conclut à son acquittement, reprenant ses conclusions de première instance relatives à son dommage économique et à ses frais de défense, dont il indique qu'elles seront amplifiées pour tenir compte de l'activité déployée durant la procédure d'appel ;

-       déclaration d'appel joint des HUG du 16 avril 2019, à teneur de laquelle la partie plaignante conclut à ce que A______ soit également reconnu coupable de gestion déloyale des intérêts publics et C______ de complicité de ce même chef. Les HUG contestent en outre la réduction par le TCO du montant de leur dommage et de la créance compensatrice à CHF 22'313'750.90 au lieu des CHF 28'037'230.28 demandés, ainsi que celle de la somme allouée au titre de la couverture des frais de défense, et annoncent des conclusions en indemnisation pour les frais de la procédure d'appel. Ils requièrent enfin la confiscation et l'allocation de divers avoirs de C______ ou de CABINET C______ & ASSOCIES SA dont le TCO a uniquement prononcé le séquestre ou qu'il a libérés.

c. F______, convoquée aux débats d'appel en qualité de tiers saisie, s'oppose au séquestre des comptes bancaires dont elle est seule titulaire ou cotitulaire avec son ex-époux et requiert la levée du séquestre pénal de la prestation de prévoyance professionnelle de C______ auprès de [la fondation] I______ à concurrence de la part qui lui a été allouée par jugement de divorce du 19 juin 2019, soit
CHF 4'248'092.62.

d. Par acte d'accusation du 13 avril 2018, il est reproché ce qui suit aux prévenus :

d.a.a. Alors qu'il revêtait la qualité de fonctionnaire et bénéficiait des prérogatives de Chef du Service des comptabilités des HUG, A______ a, durant les années 2008 à 2014, intentionnellement falsifié leur comptabilité des HUG, en particulier le compte « Frais & Honoraires de recouvrement », en décidant et donnant l'ordre de passer des écritures au crédit dudit compte, ensuite validées par lui, qui réduisaient faussement les frais de recouvrement, d'un montant total, réel, de CHF 57'931'717.40, à celui, apparent, de CHF 35'172'841.65. A______ a ainsi mis en place un processus mensuel pour comparer la dépense au budget et faire les « corrections », en compensant des produits dans le compte de charge, afin de respecter ledit budget. Ce faisant, il a violé le principe comptable de l'interdiction de compensation des charges et des produits et le principe de true and fair view, applicables à la comptabilité des HUG et aux HUG, de sorte que le lecteur des comptes ne pouvait pas se faire une idée claire des dépenses impliquées à titre de recouvrement de créances ou des produits générés par celles-ci en examinant les comptes, les états financiers 2007 à 2014 ne contenant, notamment, aucune note au traitement donné à cet effet.

A______ a agi intentionnellement, dans le but de masquer le montant effectif des frais de recouvrement et de respecter, artificiellement, le budget,

faits qualifiés, à l'ouverture de l'audience de jugement, de faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques, au sens de l'art. 317 CP (ch. B.I.1).

d.a.b. De 2007 à 2015, alors qu'il occupait ladite fonction, avec ses prérogatives, A______ a personnellement négocié avec C______, avocat à Genève, les conditions d'un mandat de recouvrement pour le compte des HUG, soit un tarif horaire de CHF 220.-, selon accord du 24 janvier 2007, ainsi que différents « forfaits » appliqués à la facturation. Il était le contact de C______ aux HUG et a personnellement validé toutes les factures de ce dernier, où ces « forfaits » se trouvaient faussement sous couvert d'heures d'avocat, alors qu'il était le seul à pouvoir contrôler le contenu des factures au vu de l'opacité et de la complexité de la facturation mise en place, acceptant que les HUG versent à C______ :

-       CHF 42.- par facture à recouvrer, montant qui couvrait uniquement la phase de sommation et rémunérait, en définitive, la signature d'un avocat sur une sommation, ce qui a causé un dommage aux HUG de CHF 18'244'504.-, correspondant à la différence entre le montant payé à ce titre et ce qui aurait dû raisonnablement être payé en rétribution de, au maximum, quatre jours de travail par mois comportant huit heures facturables quotidiennement à CHF 220.-/heure, conformément à l'accord passé avec les HUG le 24 janvier 2007, soit
CHF 7'040.-/mois ou, au total, CHF 718'080.- ;

-       des montants disproportionnés sous forme de prétendus forfaits pour
des heures d'activité journalières hors de toute réalité, au tarif d'avocat, alors qu'il s'agissait de pures prestations administratives, causant aux HUG un dommage supplémentaire de CHF 3'967'180.-.

A______, qui avait l'obligation de gérer les deniers publics avec parcimonie, a de la sorte causé un dommage total de CHF 22'211'684.- au moins aux HUG, étant précisé qu'au total un montant disproportionné de CHF 50'297'302.57 a été versé par les HUG à C______ de 2007 à 2015. Le versement d'environ CHF 30 millions d'honoraires peut encore - du point de vue pénal - être admis, mais en aucun cas plus de CHF 50 millions. Le montant des honoraires est d'autant plus inadmissible que si les HUG avaient rémunéré C______ à hauteur de CHF 500.- de l'heure, dix heures par jour, 365 jours par année, durant huit ans, cela leur aurait coûté le montant de CHF 14.6 millions plus TVA.

A______ a agi intentionnellement, dans le dessein, d'une part, de montrer à sa hiérarchie qu'il était efficient en matière de recouvrement alors que le modèle mis en place était, du point de vue des coûts, économiquement irrationnel et dommageable pour les HUG et, d'autre part, afin de permettre à C______ son ami, au demeurant ancien avocat personnel et ancien camarade d'étude, de s'enrichir indûment,

faits qualifiés de gestion déloyale des intérêts publics, au sens de l'article 314 CP (ch. B.II.2, subsidiairement de gestion déloyale (art. 158 CP ; ch. B.II.2.3).

d.a.c. A titre alternatif, il est reproché à A______ d'avoir, au moyen de la fausse comptabilité sus-décrite, intentionnellement dissimulé le coût du recouvrement aux HUG. Dans le même but, il a soigneusement compartimenté la transmission des informations sur le fonctionnement et le coût du recouvrement, étant au final le seul à connaître, comprendre, gérer, contrôler et valider le système et les frais de recouvrement. Il a dissimulé les forfaits payés à C______, en particulier le forfait de CHF 42.- précité.

A______ a ainsi astucieusement fait croire aux HUG que, de 2007 à 2015,
CHF 20'820'280.- avaient été dépensés en frais de recouvrement, alors qu'en vérité la somme engagée était de CHF 57'931'717.40, ce dans le dessein d'enrichir C______ ou, à tout le moins, en l'acceptant pleinement et sans réserve,

faits qualifiés d'escroquerie, avec la circonstance aggravante du métier, au sens de l'article 146 al. 1 et 2 CP (ch. B.III.2.4-3).

d.b.a. Du 1er octobre 2007 au 31 août 2015, en sa qualité d'avocat, C______ a intentionnellement envoyé aux HUG 345 factures intitulées « contentieux » détaillant des prestations d'avocat, fondées sur un time-sheet (relevé de prestations) intitulé « C______ », soit [les initiales de] C______, rarement envoyé aux HUG, alors que ces heures de prétendu travail n'ont jamais été effectuées par lui ou un autre avocat et ne correspondent à aucune activité d'avocat effective, pour un montant total facturé contrairement à la réalité, de CHF 3'967'180.-.

Ces factures et relevés des prestations (time-sheets) d'avocat disposent d'une valeur probante accrue, dans la mesure où ils sont destinés à justifier la dépense pour les HUG, établissement public, notamment pour le Service de comptabilités, y compris pour les réviseurs internes et externes, ou encore la Cour des comptes. C'est d'autant plus vrai lorsque la facture n'est pas systématiquement accompagnée du time-sheet comme en l'espèce. C______ a agi intentionnellement dans le but de se faire payer des prestations jamais effectuées,

d'où 345 occurrences qualifiées de faux dans les titres, au sens de l'article 251 CP (ch. C.IV.4).

d.b.b. C______ a été approché par A______ en vue de se charger du recouvrement des factures des HUG. Ils sont alors convenus d'un tarif horaire de CHF 220.- et d'un success fees de 8% sur les montants recouvrés, accord confirmé par courrier du
24 janvier 2007.

C______ a très rapidement été conscient que les différents accords passés avec A______ (rémunération précitée de CHF 220.- de l'heure, forfait de CHF 42.- par sommation, autres forfaits divers, variés et incompréhensibles, etc.) l'amenaient à percevoir plus de CHF 5 millions, voire CHF 6 millions d'honoraires par année, pour un travail essentiellement administratif, alors qu'il n'avait aucun collaborateur juridique, qu'il n'employait qu'entre trois et cinq personnes et qu'il consacrait lui-même environ 50% de son temps à ce dossier. Il savait que A______ se chargeait seul de la négociation de ses honoraires, ainsi que du contrôle et de la validation des factures et était conscient de ce que les montants convenus semblaient raisonnables, alors qu'ils ne l'étaient nullement au vu du volume et du travail effectif qu'impliquait le mandat. Il est parti du principe que les HUG, comme ce fût effectivement le cas, limiteraient leurs contrôles - ce d'autant plus qu'il ne remettait pas systématiquement le relevé détaillé des prestations (time-sheet) en annexe à ses factures -, confiants en ses qualités d'avocat et en les compétences de leur Chef du Service des comptabilités et que les contrôles effectués seraient déjoués par la falsification, par la falsification, par A______, du compte charge où ses factures n'apparaissaient pas, étant indûment, en termes comptables, compensées avec les montants recouvrés. Il a conçu par ailleurs de présenter des factures d'honoraires dissimulant, sous couvert de faux time-sheets, la réalité de ses prestations, tablant sur le fait que, sur un budget annuel de plus d'un milliard, ses manoeuvres ne seraient pas détectées.

Le contrôle n'a d'ailleurs pas même réussi à être fait par l'audit interne vu le caractère incompréhensible de la relation contractuelle et l'absence de vérification possible sur les factures que seuls A______ et C______ étaient en mesure de comprendre.

C______ a également faussement convaincu les HUG, à savoir A______, qu'il offrait un service valant cette rémunération, alors qu'il ressort, notamment, du rapport de l'Université de Saint-Gall de 2014 sur les frais professionnels de la Fédération suisse des avocats (années de référence 2012) que le chiffre d'affaires moyen d'un avocat employant plusieurs collaborateurs est, en moyenne, de CHF 1'481'095.- par année.

C______ a ainsi astucieusement conforté les HUG dans l'idée - fausse - qu'ils devaient lui verser CHF 50'297'302,57, montant totalement disproportionné et injustifiable économiquement, ce qu'ils ont fait, leur causant un dommage d'au minimum CHF 22'211'684.-. Les honoraires payés sont d'autant plus choquants que si C______ avait facturé ses prestations à hauteur de CHF 500.- de l'heure, dix heures par jours, 365 jours par année, durant huit ans, cela aurait coûté aux HUG un montant de CHF 14.6 millions plus TVA, voire de CHF 25 millions, en tenant compte du coût de cinq employés administratifs, facturé CHF 39.- de l'heure, dix heures par jour, pendant huit ans, soit CHF 5'694'000.- plus TVA,

faits qualifiés d'escroquerie avec la circonstance aggravante du métier au sens de l'article 146 al. 1 et 2 CP (ch. C.V.5).

d.b.c. Dans les circonstances décrites précédemment, C______ a intentionnellement instigué A______ à agir contre les intérêts des HUG, en lui proposant une structure tarifaire dommageable pour ces derniers, ce qu'il savait, afin de l'amener à lui verser des montants disproportionnés, le confortant ensuite dans l'idée fausse qu'il s'agissait d'une opération rentable, causant de la sorte un dommage de CHF 22'211'684.- aux HUG.

faits qualifiés d'instigation à gestion déloyale des intérêts publics, au sens des art. 24 et 314 CP (ch. C.VI.7), subsidiairement d'instigation à gestion déloyale, au sens des art. 24 et 158 CP (ch. C.VI.8).

 

B. Eléments résultant du dossier

Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

1. Contexte

a. Les HUG sont une entreprise de droit public inscrite au Registre du commerce de Genève. Ils sont soumis à la loi cantonale sur les établissements publics médicaux du 19 septembre 1980 (LEPM - K 2 05).

Ils ont pour but de fournir à chacun les soins que son état requiert (art. 2. al. 1 LEPM). Leurs ressources se composent notamment du produit de la facturation des frais relatifs aux services dispensés (art. 12 al. 2 let. a LEPM).

Les HUG disposaient, durant la période pénale, d'un budget annuel de fonctionnement d'un peu plus de CHF 1.7 milliard (2014), financé par des subventions versées par le canton (CHF 852 millions) et par la facturation de leurs prestations (CHF 853 millions) (rapport d'audit n° 96 de décembre 2015 de la Cour des comptes [CdC]).

b. La responsabilité du recouvrement des créances au sein des HUG était du ressort du Département des affaires économiques et financières (DAEF), sous la direction de J______, entre 2001 et décembre 2013, puis de K______ dès 2014.

Le/la Directeur/trice de la DAEF avait deux adjoints : le premier en charge du domaine financier, soit la comptabilité, le budget et l'analyse médico-économique (L______ jusqu'en 2010, puis M______) ; la seconde de la tarification, de la facturation et du suivi des débiteurs (N______).

c. Le 1er juillet 2001, A______ a été engagé par les HUG en qualité de « responsable des comptabilités HUG à la DAEF ». Il est entré en classe 25, annuité 09, percevant ainsi un salaire annuel brut de CHF 136'497.-. Il a été reclassé en classe 26, annuité 10, le 1er juillet 2002, avant sa nomination, le 1er juillet 2004, en qualité de fonctionnaire (classe 27, annuité 10). Selon son cahier des charges de 2001, le « but de la fonction » était de, notamment, garantir l'exactitude et l'exhaustivité des comptabilités générales, budgétaires, analytiques et auxiliaires des HUG, établir les bouclements mensuels des comptes et présenter les états financiers du bilan et du compte d'exploitation, organiser et contrôler les procédures de mise en contentieux ainsi qu'émettre et envoyer les factures aux assurances et aux patients. Au titre de ses responsabilités principales, il devait :

-       s'agissant des comptabilités, notamment « définir et vérifier l'application des règles de comptabilisation et de contrôles des évènements comptables en conformité avec la comptabilité coordonnée et les principes comptables admis » ;

-       en matière de contentieux, « définir les règles de pré-contentieux et en contrôler l'exécution », « organiser les procédures de mise en contentieux des débiteurs défaillants », « contrôler les activités de contentieux confiées aux organismes de recouvrement mandatés ».

Dès le 1er octobre 2011, A______ a été promu « Chef du Service des comptabilités ». Son nouveau cahier des charges, signé en 2012, indiquait que le but de la fonction était de « gérer, effectuer et contrôler les opérations financières et comptables, les opérations des débiteurs [...] et de fournir dans les délais la mise à disposition des états financiers mensuels et annuels complets ». Ses activités et responsabilités principales consistaient notamment à superviser l'ensemble des opérations de comptabilité générale de l'institution, garantir dans les délais la mise à disposition des états financiers mensuels et annuels complets, garantir l'encaissement des factures découlant de l'activité hospitalière et extrahospitalière des HUG et la facturation aux tiers. Il avait également la charge d'« assurer l'organisation et le suivi de la gestion du recouvrement des HUG », ainsi que de « superviser le contentieux et prendre les mesures pour sauvegarder les intérêts des HUG » (PP clef USB G - 190).

A______ dirigeait ainsi le Service des comptabilités, lequel employait environ
80 personnes et regroupait quatre secteurs : le secteur des fournisseurs, le secteur des débiteurs, le secteur de la comptabilité générale et le secteur des caisses.

d. Par contrat du 16 avril 1992 et son avenant du 1er avril 1993 (PP E - 394 ss), les HUG avaient confié à O______ SA le recouvrement de leurs factures impayées. Le contrat stipulait une cession fiduciaire des créances à O______ SA.

La rémunération, forfaitaire, de O______ SA était de CHF 32.- par créance remise, plus une commission de 15% sur celles recouvrées (10% + CHF 600.- dès
< CHF 4'000.-) et une commission de 50% sur les montants encaissés sur les actes de défaut de biens (ADB). Malgré la lettre du contrat, le montant forfaitaire de 15% était également appliqué sur les créances irrécouvrables (cf. courriel de O______ SA aux HUG du 5 mars 2015, PP E - 593).

Selon les art. 2.2. et 4.3. du contrat, O______ SA s'engageait à verser mensuellement aux HUG le montant des créances encaissées, sous déduction des honoraires et frais dus par eux. A contrario, les sommes réclamées aux débiteurs au titre des intérêts moratoires et indemnités selon l'art. 106 de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) étaient en revanche conservées par O______ SA.

Aux termes d'une note de A______ à J______ du 26 février 2007, entre 2002 et 2006, en moyenne 10'200 factures, pour un montant de l'ordre de CHF 7'800'000.-, ont été confiées par année à O______ SA pour recouvrement (PP E - 286).

e. Le 1er juillet 2006, le système de paiement des frais ambulatoires a été modifié, passant du système dit du « tiers-payant » à celui du « tiers-garant », avec pour conséquence prévisible une forte augmentation du volume des factures à mettre en recouvrement. En outre, la Cour de justice de Genève a, par arrêt du 13 octobre 2006, conclu à la nullité de la cession de créances des HUG en faveur de O______ SA. Dès lors, dans un avis de droit du 19 décembre 2006 (PP F - 13bis), Me P______, conseil de longue date des HUG, a proposé de mettre un terme au contrat avec O______ SA, au plus tard le 22 janvier 2007, pour la prochaine échéance annuelle du 30 avril 2007. Il suggérait diverses solutions alternatives.

Vu cet avis de droit, J______ a, par courriel du 3 janvier 2007 à A______ (PP E - 243), demandé qu'une meilleure solution soit mise en place au plus vite, précisant que la nouvelle organisation devait reposer sur un concept clair qu'il devait avaliser avant sa mise en oeuvre.

f. Dans ce contexte, il a été décidé d'une internalisation partielle du processus de recouvrement, afin, notamment, d'en réduire les coûts, et de mettre en oeuvre un nouveau mandataire externe.

g. Me P______ a déclaré qu'il n'avait pas été sollicité mais que si tel avait été le cas, il aurait refusé car son Etude n'avait pas l'infrastructure nécessaire (PP E - 2'125). Aux dires de A______, un autre avocat avait été pressenti, Me Q______, lequel avait par le passé déjà travaillé pour les HUG sur des dossiers de recouvrement, mais avait eu de la peine à traiter de gros volumes. Ce potentiel candidat n'avait pas manifesté d'intérêt et il avait fallu rechercher quelqu'un d'autre, dans l'urgence (PP E - 29-30).

2. Conclusion du contrat avec C______ et adaptations subséquentes

h. Courant janvier 2007, A______ a approché C______.

Les deux hommes se connaissaient pour avoir été tous deux assistants du même professeur à l'Université de AT______, plusieurs années auparavant. Ils ne s'étaient apparemment guère fréquentés depuis lors.

C______ était avocat depuis 1981 et, à tout le moins en 2007, exerçait seul au sein de son étude, étant précisé qu'il s'était spécialisé dans le domaine fiscal, présidant notamment l'Association R______, forte de 5'000 membres, ce qui lui conférait, aux yeux des deux prévenus, une expérience dans les affaires de masse. C______ indique que, depuis 1997, il exerçait exclusivement dans le domaine du conseil en planification fiscale et n'avait pas d'activité judiciaire, si ce n'est en matière de contentieux administratif avec l'administration fiscale (notes de plaidoirie du 30.09.19, p. 1).

Il a été, à une occasion, ancienne (les pièces saisies datent de décembre 1989
[PP - 101'083 ss]), l'avocat de A______.

i. Le 24 janvier 2007 C______ écrivait, sur papier à en-tête de son Etude, aux HUG, « à l'attention de A______ » (PP A-47) :

« Suite à nos entretiens et comme convenu, je vous confirme que dans le cadre du mandat qui m'est confié par les Hôpitaux Universitaires de Genève (recouvrement de créances), l'activité déployée par mon Etude se fera au tarif horaire fixé à CHF 220.- augmenté au début de chaque nouvelle année de l'indexation selon l'indice suisse des prix à la consommation. En outre, il sera perçu un montant de 8% des montants encaissés par les HUG sur les créances recouvrées ».

j.a. Le 26 janvier 2007, à 14h08, C______ a envoyé par courriel à A______ un modèle de la sommation à adresser aux débiteurs sur papier à en-tête de son Etude, mais modifié par la mention des numéros de téléphone et de télécopie des HUG plutôt que les siens. Il lui a également communiqué le modèle de texte à faire figurer au dos des sommations, soit un « arrangement de paiement » avec clause d'exigibilité immédiate et prorogation de for à Genève, valant, tel que rédigé, reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1 ; dossier CPAR, pièce no 41).

j.b. A______ et C______ sont aussi convenus que chaque facture des HUG dont le recouvrement serait confié à C______ donnerait lieu à la facturation d'un montant forfaitaire de CHF 42.-.

En cours de procédure, ils ont donné les explications suivantes sur les circonstances de cet accord :

j.b.a. A______a dit avoir proposéce forfait à C______, qui ne lui avait rien demandé. Il était arrivé au montant de CHF 42.- par comparaison avec les tarifs pratiqués par O______ SA (CHF 32.- par facture remise, « hors débours », 15% de tout montant recouvré, plus le tarif horaire des avocats contre CHF 42.-, 8% et le tarif horaire de CHF 220.- pour C______, dite rémunération devant être considérée comme un tout). Devant la CdC, A______ avait aussi indiqué avoir tenu compte de ce que le taux usuellement pratiqué sur le marché était de 25 à 50% des sommes recouvrées et de ce que, dans le cas de O______ SA, les HUG prenaient en charge le salaire d'un collaborateur du mandataire détaché dans leur locaux (PP F - 7 verso).

A______ avait réalisé que, au début de la relation, dans l'urgence de remplacer O______ SA, C______ et lui avaient omis de parler « des frais ». Il avait voulu éviter qu'ils ne s'ajoutent aux factures (PP E - 3 ss). En effet, il n'y avait initialement eu qu'une décision de principe sur un pactum de palmario pour l'activité dite judiciaire, non sur la partie administrative du travail de ce mandataire, qui n'était pas encore définie. Les CHF 42.- n'étaient ainsi pas encore connus (PP E - 1'561). Il avait demandé à son collaborateur, S______, d'organiser et développer un nouveau concept (PP E - 1'439), ainsi que de calculer le forfait. Il l'avait communiqué à C______ lorsqu'il lui avait remis la première liste de factures confiées, le 31 janvier 2007 (PV TCO 10.12.18, p. 18).

Devant la CPAR, A______ a commencé par réaffirmer qu'il n'avait pas, avant le
31 janvier 2007, discuté avec C______ du principe ou du montant de la rémunération déclenchée par les sommations, ni même de celles-ci. Il avait demandé à S______ de rédiger le modèle de sommation et d'arrangement de paiement. Il a ensuite nuancé, concédant qu'il avait sans doute dû en parler au téléphone avec C______ et lui soumettre le projet pour validation juste avant leur réunion du 31 janvier 2007. Néanmoins, il n'avait pas été question de la rémunération de l'activité générée par les sommations. Ce n'était donc bien que le 31 janvier 2007 qu'il avait proposé le forfait, en se calquant sur le système pratiqué par les sociétés de recouvrement. Le lendemain de son interrogatoire, il a produit le courriel précité du 26 janvier 2007 de C______ avec ses annexes, que son défenseur avait trouvé dans la clef USB précédemment versée par lui à la procédure et contenant notamment sa boîte mail (PP F - 18'550).

j.b.b. Pour sa part, C______ a exposé avoir rédigé la lettre du 24 janvier 2007 à la demande de A______, qui devait répondre à une requête de « ses » services concernant le volet judiciaire. Il a confirmé qu'il avait été convenu du forfait juste après (PP E - 10 et E - 421 ; PV TCO 11.12.18, p. 53), soit le 31 janvier 2007, à l'occasion de la remise d'une centaine de premières sommations pour 209 factures. A______ et lui avaient alors eu un échange sur les conditions tarifaires des instituts de recouvrement et il avait accepté le montant de CHF 42.- (PV TCO 11.12.18,
p. 12-13 ; PV CPAR, p. 19). Cette somme correspondait « à 12 minutes d'activité à CHF 220.-/heure » (PP E - 12), ou plutôt non, c'était un forfait qui n'était pas lié à un tarif horaire (PP E - 27 et E - 420 ou encore E -1'222-3). D'ailleurs, comme il lui était fait observer que 12 minutes à CHF 220.-/heure feraient CHF 44.-[1], C______ a expliqué avoir voulu, devant le MP, montrer que le forfait n'était pas significatif tout en « collant » au raisonnement du Procureur, qui s'exprimait en termes de taux horaire. Ce faisant, il avait fait une faute de calcul (PV CPAR, p. 20 et p. 23).

Entre les 24 et 31 janvier 2007, A______ et lui avaient nécessairement discuté du principe des sommations, mais il n'en avait pas vu le texte avant le 31 janvier. A tout le moins, il n'en avait aucun souvenir précis (PV CPAR, p. 6 et 18). Il était toutefois vrai que A______ n'avait pu se présenter en son Etude le 31 janvier 2007 avec des sommations prêtes à être signées, sans les lui avoir soumises au préalable. Son courriel du 26 janvier 2007 s'inscrivait donc bien dans ce contexte (PV CPAR,
p. 26). Il n'avait pas complété sa lettre du 24 janvier 2007 pour formaliser cet accord complémentaire, mais l'avait « cristallisé » par l'établissement, séance tenante, d'une première facture qui avait également servi de modèle pour les suivantes (PV CPAR, p. 19).

j.b.c. Pour T______, Directeur général des HUG à l'époque, ainsi que U______, Secrétaire général auquel était notamment rattaché le Service juridique, la signature des sommations par un avocat était susceptible d'avoir un effet incitatif sur les débiteurs récalcitrants, ainsi que, selon le premier, de présenter les HUG comme « moins méchants » (PP E - 408 et 235).

Depuis que la signature des sommations a été reprise en interne, après la résiliation du mandat de C______, N______, adjointe de direction désormais en charge de cette tâche, fait suivre son nom de la mention de sa fonction et de ce qu'elle est « titulaire du brevet d'avocat » (PP E - 1'288).

j.c.a. Il est déduit de ce qui précède que les prévenus ont à l'unisson et constamment soutenu que le forfait de CHF 42.- avait été proposé par A______ à C______ ; rien ne vient contredire cette affirmation qui sera partant tenue pour vraie. Nonobstant les variations des intéressés sur la façon dont le forfait a été calculé, il est crédible et cohérent avec les éléments du dossier qu'il a été considéré comme un élément d'un mode global de rémunération (forfait + tarif horaire réduit + prime sur les encaissements), et ce par comparaison avec les tarifs pratiqués par le précédent mandataire, comme encore plaidé par l'appelant C______ lors des seconds débats d'appel. Enfin, hormis les premières déclarations en ce sens de C______, qui s'en est rapidement distancé puis s'en est expliqué, rien n'indique que la somme de CHF 42.- correspondait à 12 minutes d'activité au taux convenu, ce qui serait au demeurant mathématiquement faux.

j.c.b. La question du moment où il a été convenu de ce forfait est plus délicate. Les débats d'appel ont permis d'établir que, contrairement à ce que les prévenus avaient soutenu jusque-là, l'élément marquant le début de l'activité de C______ et faisant simultanément naître le droit à cette rémunération, soit la « remise »[2] de factures à recouvrer et de sommations à signer, avait été discuté avant le 31 janvier 2007 et même avant le 26 janvier 2007 à 14h08, moment où C______ a envoyé à A______ le projet de masque de sommation. De fait, il est hautement invraisemblable que cette partie importante de l'activité n'ait pas été évoquée du tout lorsque C______ a accepté le mandat, soit au plus tard le 24 janvier 2007, date de la lettre par laquelle il a formalisé le principe de la rémunération à CHF 220.-/heure plus le success fee. Il ne pouvait en effet échapper à personne que le recouvrement impliquait la mise en demeure des débiteurs et qu'il fallait bien que quelqu'un s'en charge. Or, tous conviennent que l'établissement des sommations sur papier à en-tête d'un avocat était perçu comme susceptible d'avoir un effet sur les débiteurs récalcitrants, parce que signifiant une volonté d'aller de l'avant avec le recouvrement, conviction assez commune d'ailleurs, selon l'expérience générale de la vie.

Ainsi, trois hypothèses se présentent :

-       le forfait de CHF 42.- était déjà convenu le 24 janvier 2007 et il a été sciemment passé sous silence dans la communication précitée ;

-       les prévenus ont initialement bien discuté de l'activité de C______ dès la remise des factures mais pas de la rétribution y relative, puis, s'en rendant compte, ont très rapidement décidé de lui appliquer le forfait de CHF 42.-, s'inspirant de l'articulation de la rémunération proposée par les bureaux de recouvrement ;

-       ils estimaient initialement que cette activité était soumise au taux horaire de CHF 220.- (+ success fee), puis ont très rapidement décidé de lui appliquer le forfait au lieu de la rétribution au taux horaire.

Au terme de sa délibération, la CPAR écartera la première de ces trois hypothèses et renoncera à trancher entre les deux autres (cf. infra consid. 6.5.1 et 7.9.5).

k. Par la suite, A______ et C______ sont convenus d'autres forfaits encore, lesquels correspondent, selon leurs explications, à des tâches administratives forfaitisées (TAF), indispensables au suivi du recouvrement, mais que les HUG ne parvenaient pas à exécuter en interne, faute d'effectifs, et partant confiées à C______. Il en sera question plus loin (cf. infra w et x).

3. Evolution des rapports avec O______ SA

l.a. Le 22 janvier 2007, le contrat de 1992 avec O______ SA a été résilié.

l.b. Toutefois, selon J______ à la demande de T______ (P E - 284), le 21 décembre 2007, les HUG ont signé un nouveau contrat non exclusif avec cette même société (PP A - 35 ss), ne prévoyant plus de cession de créance, pour une rémunération de CHF 32.- pour chaque créance remise et une commission de 15% sur celles recouvrées jusqu'à CHF 4'000.- puis un taux dégressif, ces tarifs pouvant également s'appliquer à la gestion éventuelle d'ADB. Les frais administratifs exposés auprès de tiers étaient facturés aux HUG en sus, alors que les intérêts moratoires et les indemnités au sens de l'art. 106 CO leur étaient acquis. Selon les avenants des
17 décembre 2010 et 14 février 2013, les HUG prenaient encore en charge le coût d'un collaborateur de O______ SA, qui travaillait en leurs locaux.

Formellement, ce contrat pouvait concerner aussi bien des créances à l'égard de débiteurs domiciliés en Suisse qu'à l'étranger. Toutefois, de fait, O______ SA a été uniquement chargée du recouvrement de créances de débiteurs à l'étranger, ce après échec de la sommation envoyée par C______. De la sorte, pour ces débiteurs, les honoraires de O______ SA sont venus s'ajouter à ceux du premier mandataire.

l.c. Il sied de relever qu'à la fin de l'été 2007, A______ s'était enquis auprès de
Me P______ du possible assujettissement de ce futur contrat aux règles régissant les marchés publics. Selon celui-là, c'est en raison de la réponse reçue, qui ne l'excluait en tout cas pas (PP F - 1'488), et de l'entrée en vigueur de nouvelles normes le
1er janvier 2008, que le contrat avec O______ SA a été conclu en hâte fin 2007, à la demande de la direction des HUG (PP E - 1'560).

l.d. Le rapport d'audit interne sur le processus des débiteurs douteux du mois de juin 2015 (rapport d'audit no 09/13) enseigne que O______ SA a traité entre 1'800 et 2'100 nouvelles factures par année (PP E - 756).

4. Système mis en place avec C______

i. Généralités

m.a. Selon le système convenu avec le second prévenu, le secteur des débiteurs des HUG se chargeait, après envoi de la facture et de deux rappels, de générer les sommations sur le papier à en-tête modifié de C______. Celles-ci étaient personnellement remises, à une cadence quasi hebdomadaire, par A______ à l'avocat, en son Etude, avec deux listes émises par le secteur susmentionné. La première mentionnait les factures mises au recouvrement et la seconde les sommations (nombre de « dossiers remis »).

Ainsi, le 31 janvier 2007, A______ s'est rendu pour la première fois à l'Etude de C______ avec une liste intitulée « SOMMATION Me C______ ETRANGER du
1er février 2007
 » (PP 105'387 ; classeur 15), mentionnant 209 factures, et une liste « SOMMATION Me C______ ETRANGER du 1er février 2007 » de 122 dossiers remis (PP 105'384). La semaine suivante, A______ a amené de nouveaux lots de « SOMMATIONS Me C______ du 9 février 2007 » à signer. Ce procédé a perduré jusqu'en 2015.

Après signature des sommations par C______, A______ repartait avec celles-ci et les remettait au secteur des débiteurs, lequel les envoyait après les avoir mises sous pli.

m.b. Les arrangements de paiement, figurant au dos des sommations, signés revenaient soit aux HUG soit à C______, qui les transmettait alors aux HUG. Le secteur des débiteurs les validait et un courrier était adressé au débiteur sur papier à en-tête de l'Etude de C______, signé par ce dernier.

m.c. En cas de non-paiement après sommation par les débiteurs domiciliés en Suisse, les HUG remplissaient et imprimaient une réquisition de poursuite (RP). A nouveau, A______ amenait personnellement ce document à C______ pour vérification et signature, avant de le ramener aux HUG pour expédition.

S'agissant des débiteurs domiciliés à l'étranger, dès 2008, la suite des démarches de recouvrement était confiée à O______ SA, qui émettait une nouvelle sommation avant d'examiner l'opportunité de poursuivre la procédure, celle-ci s'arrêtant au stade de l'envoi de la sommation en ce qui concernait les assurances étrangères (PP E - 811). A la même période, C______ s'est également vu confier le recouvrement des factures non honorées par les assurances suisses pour lesquelles, à l'inverse, la poursuite était lancée.

n. En cas d'opposition au commandement de payer, les HUG rassemblaient
les pièces nécessaires au dépôt d'une demande de mainlevée (facture, sommation, commandement de payer) et les transmettaient à C______.

o. C______ a sous-délégué, par procuration-type de l'Ordre des avocats de Genève (ODAGe), la représentation des HUG devant les tribunaux à Me V______ et, dès 2011, à Me W______ également.

Jusqu'à l'entrée en vigueur du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272), C______ envoyait les demandes de mainlevée sous forme de masques à Me V______, qui les complétait puis les déposait au Tribunal (PP E - 1'003). Dès le 1er janvier 2011, C______ a automatisé le processus et générait lui-même les demandes de mainlevée, à déposer après signature par Me V______ ou Me W______ (PP E - 1'003 ; PP E - 452).

p. En l'absence d'opposition au commandement de payer ou après prononcé d'un jugement de mainlevée, les HUG généraient une réquisition de continuer la poursuite (RCP), remise personnellement par A______ à C______ pour vérification et signature.

q. Les paiements effectués au moyen du bulletin de versement original ou du bulletin de versement annexé à la sommation arrivaient sur les comptes bancaires des HUG.

En revanche, lorsqu'un débiteur payait le montant de sa dette directement auprès des Offices des poursuites et faillites (OPF), ceux-ci le transmettaient à C______, dans un premier temps, par mandat de paiement postal, puis par virement bancaire sur des comptes ouverts par lui à cette fin.

En outre, les paiements qui n'étaient pas effectués au moyen du bulletin de versement émis par le logiciel X______ (avant sa mise en fonction [cf. infra g'] ou dans le cadre d'une succession, des productions ou accords transactionnels) ne pouvaient pas être réconciliés par débiteur dans les comptes des HUG. Pour identifier les paiements, les HUG utilisaient les bases de données établies par C______, pratique qui a d'ailleurs perduré après la fin du mandat.

r. En 2010 (PP F - 16'525), A______ a demandé à C______ de traiter également les ADB et lui a remis tous les titres en main des HUG. C______ les archivait dans ses locaux après les avoir enregistrés dans une base de données Excel, une fois celle-ci créé (« ADB en cours » et « ADB encaissés », PP F - 16'524 ss). En cas de rachat, C______, transmettait l'ADB à l'OPF.

s. Durant le mandat de C______, soit entre février 2007 et mai 2015, les créances mises au recouvrement ont atteint le montant total d'environ CHF 301'000'000.- dont CHF 206'748'853.- (selon C______ : PP F - 178, F - 345 et E - 525), voire
CHF 212'909'000.- (selon les HUG, auxquels C______ s'est rallié : PP F - 16'444 ss, en particulier F - 16'447) ont été encaissés.

Il peut être déduit des montants annuels perçus par le second prévenu au titre des factures remises (cf. infra b'.c), que le nombre en a été sensiblement plus important durant la période 2009-2011 (PP F - 338 ss).

t. Selon C______, le mandat des HUG l'occupait plus de la moitié de la semaine
(PP E - 34), soit parfois à 50% et parfois à 100%, de façon très variable (PV TCO 12.12.18, p. 24), ou encore à 50% en moyenne (dossier CPAR, pièce no 38.11,
ch. 41).

ii. Détail et volumétrie de l'activité dite non judiciaire

ii.a. Activité couverte par le forfait CHF 42.-/facture

u.a. C______ indique (T2bis et notes de plaidoirie p. 2) que la phase des sommations, appelée « pré-juridique » par A______ ou « volet recouvrement » par lui-même, a comporté la remise de 388'405 factures (ou même 408'000 en tenant compte des créances spéciales [décédés, faillis, livret G]). Pour leur part les premiers juges en ont dénombré 376'187 (jugement, p. 16). Le nombre de sommations a été de 206'366 selon le prévenu C______ (notes de plaidoirie, p. 2 et P F - 336 ss) ou 205'503 pour le TCO (ibidem) et 210'564 pour le MP (PP E - 1'557), sommations suivies de 118'753 (109'709 aux patients à Genève, 6'399 dans les autres cantons et 2'645 aux assurances) commandements de payer (CDP) selon C______ (notes de plaidoirie,
p. 2-3), l'OPF de Genève n'en ayant identifié que 63'050 (PP E - 1'557).

u.b A teneur des notes de plaidoirie précitées,l'activité consécutive à la remise des factures et sommations avait entrainé l'échange de milliers d'appels téléphoniques, « fiches de transmission », relevés d'encaissements, rapports statistiques, courriers, courriels et télécopies entre les HUG, C______ et son personnel, outre le contrôle des RP, CDP et RCP.

De plus, C______ pointait tous les paiements annoncés par [l'établissement bancaire] Y______, vérifiant qu'ils étaient bien crédités sur le compte dédié aux HUG, requérant des corrections si besoin. Il les reportait au dossier concerné, devant même, en 2007 et 2008, aller lui-même encaisser les mandats à la poste. Selon lui, ce travail a porté sur « plus d'une centaine de milliers d'écritures ».

v. A______ a également exposé que le forfait de CHF 42.-, dû dès la « remise » d'une facture à recouvrer, était censé rémunérer l'activité ultérieure. Celle-ci comprenait le contrôle des sommations (adresses, représentant légal ; (PP E - 421), le « traitement des courriers en retour » et des arrangements de paiement (PP E - 31 et 421), d'éventuels courriers de C______ que O______ SA aurait facturés CHF 30.- selon le précédent contrat (PP E - 18), le contrôle et la signature des RP ou RCP (à défaut de paiement ou signature de l'arrangement ; PP E - 16 et 421), « l'examen d'éventuels rachats d'ADB » (PP E - 421)[3], ainsi que les échanges avec les HUG
(PP E - 421). Autrement dit, le forfait payait « la structure », l'activité tout au long du dossier (PP E - 421/422), soit tout ce qui n'était pas facturé CHF 220.-/heure
(PP E - 426) ou encore « un certain nombre de choses, car dans l'ensemble de la relation, il y a des choses qui ne se facturent pas » (PP E - 1'447).

ii.b. TAF

w. C______ et A______ exposent que le premier a été requis, au fil du déroulement du mandat, de se charger de tâches supplémentaires, qu'ils dénomment « tâches administratives forfaitisées », liées à la gestion du recouvrement. Il s'agit essentiellement de la confection de bases de données au format Excel, transmises aux HUG sur clef USB, la taille des fichiers rendant impossible une transmission par courriel (PP F - 8'014), dans lesquelles étaient saisies toutes les données relatives à l'avancement de chaque dossier de recouvrement, selon une systématique permettant aux HUG de les traiter et de faire des recherches « multicritères » :

-       dès l'automne 2007, l'intégration dans la base de données commençait à la RCP, puis elle a été anticipée au stade de la RP à compter de janvier 2008 ;

-       dès janvier 2008 également, la clôture physique des dossiers, ainsi que dans la base de données, par classement dans quelques 2'000 cartons, confectionnés et étiquetés (code barre des HUG), puis livrés au mandant ;

-       dès février 2010, l'introduction dans la base de données de tous les paiements reçus, y compris par les HUG, ces derniers ayant constaté qu'ils ne parvenaient pas à suivre et réconcilier les paiements ;

-       dès 2010 également, la gestion des ADB, pour lesquels une nouvelle base de données a été créée. En août 2015, C______ détenait 56'361 ADB pour une valeur nominale de CHF 63'348'310.25 (cf. courrier D______ du 25.04.16, p. 5 et
PP F - 16'523). 1'289 ADB pour un total de CHF 1'285'539.70 ont été rachetés et retournés aux OPF (PP F - 16'523 et 16'524).

x. C______ explique qu'au-delà du travail qu'il effectuait lui-même, notamment de conception et d'organisation de tout le système[4], ces nombreuses tâches, dont plusieurs répétitives et n'exigeant pas de connaissances juridiques, étaient accomplies, sous sa supervision et selon ses instructions, par son personnel administratif.

Il a dressé une liste de 25 collaborateurs, employés à un taux allant de 25 à 80%, ayant eu une activité sur le dossier HUG entre les 1er janvier 2007 et 15 septembre 2015 (PP F - 579/580).

A cet égard, le TCO a à bon escient calculé, en se fondant sur les déclarations d'impôts obtenues auprès de l'administration fiscale, que les charges salariales[5] de l'Etude C______, ainsi que [du] CABINET C______ SA, et par conséquent, l'équivalent d'employés à plein temps (ETP) concernés[6], était le suivant (jugement, p. 40) :

 

Charges salariales Etude

Charges salariales CABINET [C______ SA]

ETP

2006

CHF 84'000.-

 

1

2007

CHF 84'000.-

 

1

2008

CHF 151'179.-

 

2

2009

CHF 224'398.-

 

3

2010

CHF 180'594.-

 

2.5

2011

CHF 182'804.-

CHF 100'000.-

3.6

2012

CHF 220'686.-

CHF 89'000.-

4

2013

CHF 102'493.-

CHF 270'000.-

4.7

2014

CHF 37'000.-

CHF 310'000.-

4.5

2015

CHF 24'579.-

CHF 308'996.-

4.3

 

5. Projet d'internaliser le recouvrement

y. Les prévenus insistent sur le fait que le mandat confié à C______ ne devait être que temporaire - ce dernier a articulé une durée de deux ans (PP E - 10) - à tout le moins s'agissant du recouvrement, dans l'attente que les HUG soient en mesure d'internaliser tout le processus non judiciaire, projet qui ne s'est toutefois pas concrétisé. Me V______ a relaté que C______ lui avait en effet dit que le mandat de recouvrement ne devrait pas durer plus de deux à trois ans (PP E - 1'007).

z.a. En ce sens, il résulte de diverses pièces et déclarations que, dans l'optique d'une telle internalisation, il a été envisagé d'obtenir que valeur de décision administrative et donc de titre de mainlevée soit donnée aux factures des HUG (cf. les déclarations et pièces réunies par A______ sous nos 37 à 43 de son bordereau produit à l'appui de sa plaidoirie en appel [dossier CPAR ; classeur bleu], ainsi que le schéma du
26 février 2007 [PP E - 36]). Le rapport d'audit n° 96 de décembre 2015 de la CdC en fait d'ailleurs une recommandation (p. 65-66) et mentionne que des avis de droit sur la question avaient été requis par les HUG en 2012 et en 2013, une proposition en ce sens ayant été émise par la Direction l'année suivante.

z.b. Selon A______, la reprise en interne des activités de recouvrement aurait nécessité un renforcement des effectifs en personnel, ce qu'il a tenté en vain d'obtenir, se heurtant à l'obstacle budgétaire. Des demandes en ce sens ont bien été formulées, chaque année, pour l'essentiel sans effet (dossier CPAR, classeur bleu, pièces nos 17 à 28).

z.c. Un mandataire externe, AA______, s'est vu confier, en 2008, la mission d'évaluer l'« adéquation entre les missions du Service des comptabilités et les ressources humaines à disposition » (dossier CPAR, pièce n° 34.1). Ce mandat n'a toutefois pas été mené à son terme et le mandataire a été remercié, pour des motifs dont il n'est pas établi qu'ils seraient en lien avec la présente cause[7].

z.d. Cependant, aucune pièce ni déposition n'indique que A______ a justifié ses demandes en expliquant que si elles étaient accueillies, il serait possible d'internaliser le processus de recouvrement et de la sorte de réaliser des économies importantes sur les honoraires de tiers mandatés à cette fin. A______ a d'ailleurs concédé qu'il ne l'avait pas fait (PV CPAR, p. 7 ; PP E - 1'445).

Certes, il a expliqué son silence par le fait que, selon lui, on ne pouvait aux HUG justifier une demande d'augmentation de charge par une économie réalisable ailleurs. En outre, rappeler une telle évidence à J______ aurait été prendre celui-ci pour un imbécile. Ces affirmations ne sont toutefois pas crédibles au regard de l'importance des sommes en jeu, mais aussi du fait que A______ n'aurait eu aucun état d'âme à l'idée de placer son supérieur hiérarchique face à ses responsabilités. Le premier prévenu est en effet décrit dans diverses dépositions comme doté d'« un caractère pas facile, épineux, rocailleux » (T______ : PP E - 407), aspect de sa personnalité que l'intéressé ne renie pas (PV TCO 11.12.18, p. 8), qui se déduit aussi de ce qu'il a lui-même déclaré sur sa réaction à un courriel de J______ du 10 mars 2009 (cf. infra x'.c.b) et qui était en outre mentionné par sa hiérarchie depuis les débuts de son entrée en fonction (cf. son dossier administratif sous PP clef USB G - 190).

6. Rémunération de C______

a'. C______ a facturé ses honoraires aux HUG par le biais de quatre
types de factures intitulées « sommations », « contentieux », « encaissements » et « classement ADB ».

i.           Factures « sommations »

b'.a. De 2007 à 2012, C______ a facturé son activité « sommations » au nom de l'Etude C______. Dès 2013, il a introduit une facturation au nom de CABINET C______ SA, jusqu'à ce qu'en 2014, toutes les factures « sommations » soient établies au nom de la société précitée (PP F -16'451 et clef USB F - 16'507).

Dès le premier lot de sommations confiées, soit le lot du 1er février 2007 décrit ci-dessus (cf. m.a), C______ a émis sa première facture « sommations » (PP 111'901) datée du 31 janvier 2007 pour un montant de CHF 8'778.-, hors TVA, laquelle correspondait à la multiplication de CHF 42.- pour le nombre de 209 factures remises.

Par la suite, C______ a toujours émis plusieurs factures « sommations » par lot de factures, qu'il remettait directement à A______ lors de ses visites quasi hebdomadaires (PV TCO 11.12.18, p. 18).

b'.b. Les « notes d'honoraires » - ainsi intitulées par C______ - portaient pour référence le mot « sommations » suivi de l'année et d'un numéro de référence, puis un décompte « Frais & honoraires », avant TVA, le montant de celle-ci, le total TTC, dont à déduire une éventuelle provision (jamais requise à une unique exception près) et enfin le solde dû. Il n'y avait donc aucune description de l'activité déployée, ni référence à l'unité de CHF 42.- (indexés) multipliée par un nombre de factures remises.

b'.c. Au cours du mandat, un montant total de CHF 19'013'201.25[8] (TVA incluse) a été facturé par C______, en lien avec l'activité « sommations » :

2007

CHF 2'276'501.70

2008

CHF 2'300'904.10

2009

CHF 2'766'634.-

2010

CHF 3'001'916.30

2011

CHF 2'909'655.-

2012

CHF 1'948160.50

2013

CHF 1'718'947.40[9]

2014

CHF 1'381'341.90

2015

(1er semestre)

CHF 709'140.35

(PP F - 16'451 et clef USB F - 16'507)

ii.        Factures « contentieux »

b'.d. L'activité dite « contentieux » a toujours été facturée au nom de l'Etude de C______, la première de ses notes à ce titre datant du 19 octobre 2007 (PP 119'047 : classeur H.C.1).

b'.d.a. Les notes d'honoraires « contentieux » étaient accompagnées de relevés de prestations mentionnant des opérations à des dates données, sans précision du nom de l'avocat les ayant effectuées, ni du temps consacré ou du tarif appliqué. Ces éléments figuraient néanmoins dans un troisième jeu de documents (cf. classeurs H.C.1 à H.C.18) conservés par C______, lesquels n'étaient pas envoyés aux HUG, sauf pour deux occurrences (PP E - 531, 1'265, 1'234).

b'.d.b. Sous réserve d'une confusion dans l'acte d'accusation avec le terme « relevé de prestations », le MP et les HUG considèrent que ces derniers documents sont des time-sheets au sens usuel du terme en matière d'enregistrement du temps de travail d'un avocat sur un dossier. C______, qui n'avait précédemment pas vraiment contesté la dénomination de time-sheet, a soutenu en appel qu'il fallait parler de « feuille de calcul, car le time-sheet, c'est pour les avocats » (PV CPAR, p. 20). Indépendamment de la qualification juridique de l'activité déployée, il n'en demeure pas moins que, sous réserve de frais libellés en francs, ledit document comptabilisait en minutes, au taux horaire de CHF 220.- indexés, les opérations ensuite facturées par C______ aux HUG de sorte que la désignation de « time-sheet » est appropriée et sera employée ci-après.

b'.e. Il ressort des time-sheets relatifs aux factures « contentieux », de même que des tableaux produits par C______ et destinés, selon ses indications, à son usage (PP E - 1'456 ss, F - 1'062), que les forfaits suivants étaient appliqués :

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Traitement RP et ouverture (« 310 »)

/

CHF 8.-/dossier

Demande de mainlevée

20 min par V_____

patients : 45 min

assurances : 60 min

RCP (REQCONT)

20 min

15 min

Dépens sur RCP ou sur mainlevée

/

sur RCP : 8 min

sur mainlevée : 15 min

Clôture (« 110 »)

/

2 min/dossier

3 min/dossier

Coordination et travail sur dossier (« 255 »)

/

600 min par semaine[10]

Frais divers (« K » ou « AG »)

photocopies CHF 0.50 la page

lettres à CHF 20.- + prix du timbre

compliments à CHF 10.- + prix du timbre

b'.f.a. Le TCO (jugement, p. 17 s.), suivant l'argumentation de l'accusation et des HUG, a souligné que si on admettait que ces forfaits correspondaient à du temps de travail, C______ aurait facturé une activité qui dépassait parfois largement les 24 heures par jour. Par exemple :

-       le 18 décembre 2008, C______ a facturé 39h30 sous les initiales « C______ », uniquement au titre des RCP,

-       le 8 décembre 2008, il a facturé 1'137 clôtures de dossier, soit 37h54 sous les initiales « C______ »,

-       pour la seule journée du 28 février 2012, C______ a facturé au total 257 heures sous les initiales « C______ ».

b'.f.b. Les prévenus réfutent cette lecture. En substance, selon eux, il n'était pas question de rémunérer un travail effectué par C______, dossier par dossier, au tarif de CHF 220.-/heure (indexés), mais des tâches administratives, réalisées au sein du « bureau de recouvrement » que celui-ci avait mis en place et pour lesquelles un montant forfaitaire avait été convenu, lequel était ensuite converti en minutes, au dit taux, dans ses time-sheets, en raison d'une contrainte technique (notes de plaidoirie, p. 19 ss). Requis d'expliciter cette contrainte, C______ a exposé en appel que le time-sheet permettait l'application automatique de l'indexation. Il aurait pu établir des factures séparées, comme il faisait pour le forfait de CHF 42.- et les ADB, mais n'y avait pas pensé et le fait que les tâches fussent introduites dans le time-sheet destiné à l'établissement des factures « contentieux » correspondait à une logique chronologique, ces tâches étant effectuées durant cette seconde phase, par opposition à la précédente, dite « de sommation » (PV CPAR, p. 20).

b'.f.c. Sur cette question de la facturation séparée, A______ a précisé que c'était lui qui avait demandé qu'il soit procédé de la sorte pour les ADB parce qu'il fallait comptabiliser le rattrapage dans un compte transitoire. C______ ne s'en souvenait pas, mais était d'accord avec cette explication (PV CPAR, p. 27).

b'.f.d. Au stade de l'établissement des faits, il sera retenu que les explications de A______ et C______ sont plausibles. Certes, le second prévenu aurait pu choisir un système plus cohérent et proche de la réalité que celui consistant à convertir les montants forfaitaires, couvrant du travail qui, en grande partie à tout le moins, était effectué par ses « petits nains » (PP E - 1'359), en minutes d'avocat afin de l'injecter dans son time-sheet. Cependant, dans la mesure où le résultat en temps calculé par le tableur n'était pas censé être communiqué aux HUG, rien ne permet de retenir que l'avocat a tenté de faire croire qu'il avait lui-même travaillé un nombre d'heures aussi fantaisiste qu'impossible (cf. infra consid. 5.2.2).

b'.g. Au cours de son activité, de 2007 à 2015, un montant total de CHF 12'761'558.42 (TVA et frais par CHF 306'624.90 inclus) a été facturé par C______ au titre de l'activité « contentieux » (PP F - 16'451 et clef USB F - 16'507), dont CHF 5'694'020.37 comptabilisés sous « C______ » dans les time-sheets, selon l'acte d'accusation (p. 13), chiffre non contesté par les prévenus.

Néanmoins, selon les calculs du TCO (jugement, consid. 3.4.3), non discutés par les parties en appel, les dernières factures « contentieux » de C______, représentant un montant total de CHF 85'033.56, n'ont pas été honorées.

iii.      Factures « encaissements »

b'.h C______ facturait sa commission de performance sur la base d'un tableau des encaissements établi par le secteur des débiteurs (e.g. PP 96/classeur 6, PP E - 2'338, E - 1'279, E - 1'280, F - 1'453).

b'.i. En cours de mandat, au vu de l'augmentation des sommes encaissées par les HUG provenant des assurances, la commission de performance de 8% a été revue à la baisse et un taux dégressif a été convenu (audit no 09/13, p. 30). Cette modification a été faite d'entente entre C______ et A______, à l'initiative de ce dernier.

b'.j. Un montant total de CHF 16'646'840.30, TVA incluse, a été facturé par C______ au titre de la commission de performance (PP F - 16'451 et clef USB F - 16'507).

iv.       Factures « classement ADB »

b'.k. C______ a également facturé un forfait-temps de huit minutes à CHF 220.- de l'heure indexés pour la gestion des ADB, par le biais de factures séparées intitulées « classement ADB ».

Ces notes d'honoraires étaient établies au nom de l'Etude C______ de 2010 à 2012, puis, en 2013, une partie a été facturée au nom de CABINET C______ SA jusqu'à ce que toutes les factures « classement ADB » soient établies au nom de ladite société anonyme, dès 2014 (PP F - 16'451 et clef USB F - 16'507).

Un montant total de CHF 1'875'702.60 (= CHF 402'790.20 + CHF 1'472'912.40 ; TVA incluse) a été facturé par C______ à ce titre (PP F - 16'451 et clef USB F - 16'507).

v.         Facturation totale

c'.a. De février 2007 à septembre 2015, C______ a émis au total 2'217 notes d'honoraires pour une somme de CHF 50'297'302.57 (TVA incluse ; PP F - 16'451 et clef USB PP F - 16'507) :

Facturation C____ en CHF (TVA incluse)

Année

Factures « sommations »

Factures « encaissement »

Factures « contentieux »

Factures « classement ADB »

Total facturé

2007

2'276'501.70

193'591.70

56'685.00

 

2'526'778.40

2008

2'300'904.10

995'379.50

1'263'522.44

 

4'559'806.04

2009

2'766'634.00

2'696'835.45

1'575'916.23

 

7'039'385.68

2010

3'001'916.30

2'780'396.80

1'534'614.65

706'822.70

8'023'750.45

2011

2'909'655.00

2'805'989.50

1'935'390.15

299'847.85

7'950'882.50

2012

1'948'160.50

2'323'342.10

2'115'522.45

353'206.60

6'740'231.65

2013

1'718'947.40

1'979'190.00

1'782'054.10

245'772.55

5'725'964.05

2014

1'381'341.90

1'959'109.70

1'565'754.65

197'380.30

5'103'586.55

2015

709'140.35

913'005.55

932'098.75

72'672.60

2'626'917.25

Total

19'013'201.25

16'646'840.30

12'761'558.42

1'875'702.60

50'297'302.57

c'.b. Contrairement à ce que l'appelant A______ a plaidé lors des second débats d'appel, à l'appui de sa théorie sur la prescription, ces 2'217 factures n'ont nullement été émises sur une base mensuelle. Il suffit pour s'en convaincre de se référer à la liste des factures, mentionnant leurs dates, présentée dans l'acte d'accusation (pages 15 à 44) s'agissant du reproche de faux dans les titres fait à C______ (reproche qui ne vise pas l'intégralité des factures) ou encore aux tableaux figurant aux procès-verbaux des audiences devant le MP des 26 novembre 2015 et 22 janvier 2016, outre aux classeurs contenant les factures elles-mêmes.

Les paiements, lorsqu'il y en avait, soit lorsque les montants facturés aux HUG n'étaient pas compensés avec les encaissements reçus directement des débiteurs (cf. infra d'), suivaient le même rythme que les factures, A______ ayant donné pour instruction de les honorer dans un délai d'une semaine.

c'.c. Sur la somme de CHF 50'297'302.57,CHF 3'123'466.31 ont été payés à Me V______ (pièce 5 annexée aux conclusions civiles des HUG devant le TCO) et CHF 305'924.70 à Me W______ (PP F - 794 ss)[11], soit CHF 3'429'391.01[12].

Le montant total des honoraires de C______, net de ceux reversés aux sous-traitants, a ainsi été de CHF 46'867'911.56 (TVA comprise).

c'.d. S'appuyant sur l'analyse effectuée à sa demande par un cabinet d'experts comptables, C______ expose que la moyenne des charges annuelles liées principalement au mandat des HUG a été de CHF 1'226'552.- (notes de plaidoirie, p. 1 et dossier CPAR, pièce n° 6.2 confirmée en audience par son auteur [PV CPAR, p. 29]).

vi.       Facturation « au net »

d'. Dès le 28 septembre 2009 C______ a déduit de ses notes d'honoraires les encaissements perçus par lui pour le compte des HUG.

Ainsi, sur le total des honoraires par CHF 50'297'302.57 (TVA incluse), CHF 30'050'611.- ont été payés à C______ par les HUG, le solde étant compensé avec les encaissements reçus (PP F - 16'445).

A______ a exposé que cette façon de procéder avait été décidée parce qu'il était « trop lourd » ou plus coûteux pour les HUG de recevoir de C______ les montants encaissés et de lui payer la totalité des honoraires (PP E - 1'576 ; PV TCO 10.12.18, p. 22). C______ a confirmé que A______ lui avait demandé de procéder par compensation pour alléger les flux de liquidités (PP E - 29).

7. Traitement comptable des frais de recouvrement, singulièrement des honoraires de C______

i. Budget du recouvrement

e'. Aux HUG,un budget annuel était réservé aux frais de recouvrement. Selon AB______, successeur de A______, ce budget était validé par le Directeur général adjoint et l'Administrateur du département puis annoncé en début d'année
au moyen d'une lettre de cadrage (PP E - 2'431 et 2'432 ; cf. aussi J______,
PP E - 2'756).

Il a évolué de la manière suivante (PP E - 1'762 et E - 3'037) :

 

Budget

2007

Frais et pertes sur débiteurs

CHF 2'900'000.-

2008

Frais et pertes sur débiteurs

CHF 2'800'000.-

2009

Frais et pertes sur débiteurs

CHF 2'647'000.-

2010

Frais et pertes sur débiteurs

CHF 2'647'000.-

2011

Frais et pertes sur débiteurs

CHF 2'647'000.-

2012

Autres charges d'exploitation (inclus dans)

CHF 2'752'000.-

2013

Autres charges d'exploitation (inclus dans)

CHF 2'832'000.-

2014

Autres charges d'exploitation (inclus dans)

CHF 2'832'000.-

2015

Autres charges d'exploitation (inclus dans)

CHF 2'871'000.-

ii. Validation des factures

f'. A______ ramenait aux HUG les factures de C______ avant de les viser pour validation et de les remettre au secteur des fournisseurs pour paiement.

Suite à un rapport d'audit sur les commandes urgentes, directes et des achats sans commande, rendu début 2012 (rapport n° 17-11 de janvier 2012, PP E - 324 ss ; ci-après rapport d'audit 2012), recommandant une double signature pour valider les factures d'un prestataire, A______ a demandé à AC______, chef du secteur des fournisseurs, soit son subordonné, qui procédait au paiement des factures de C______, de contresigner les notes d'honoraires pour validation.

f'.a. Devant le MP, AC______ a indiqué que, suite à l'audit précité, soit dès 2012, il signait les factures déjà visées par A______ sans faire de contrôle de celles-ci sur le fond, sa seconde signature ne servant qu'à vérifier que le premier signataire était autorisé à valider la facture. Informé de ce que, selon l'auditeur interne, cette façon de procéder n'était pas adéquate, il n'a pas fait de commentaire (PP E - 628-629).

f'.b. En effet, selon le Chef du Service d'audit et de contrôle internes, AD______, il n'était pas conforme aux règles internes des HUG de faire signer les factures par deux personnes du même service. Il aurait fallu les faire cosigner par l'Administrateur du département. Cette double signature était la règle. A______ avait ainsi interprété le rapport d'audit 2012 à sa façon, alors qu'il savait que l'exigence de double signature ne signifiait pas que le second signataire fût un de ses collaborateurs (PP E - 532 et 537).

f'.c. Précédemment, J______ avait déclaré que le contrôle des factures ne passait jamais par la direction et ce pour n'importe quel fournisseur. En principe, le responsable, soit, en l'occurrence, S______ ou à défaut, son supérieur A______, devait viser les factures avec l'Administrateur du département.

f'.d. A______ conteste qu'il eût fallu, pour seconde signature, celle de l'Administrateur du département. Selon lui, cela ne se faisait jamais (PV TCO 10.12.18, p. 27-28).

f'.e. L'Administrateur du département, AE______, n'a pas été entendu et aucune pièce du dossier n'établit qu'il se serait inquiété de ne pas voir passer les factures de l'avocat. On ignore également s'il a visé celles de O______ SA.

f'.f. Il n'y a pas de raison de douter des indications de J______ sur ce point, antérieures à la déposition de l'auditeur interne, et encore moins de celles de ce dernier. Néanmoins, il est curieux que l'Administrateur du département n'ait pas réalisé que les factures de C______, voire celles de O______ SA, ne lui étaient pas soumises et n'ait pris aucune mesure à cet égard, au long des huit années et demi qu'a duré la relation, ou à tout le moins après la remarque de l'audit interne, en 2012. En outre, on ne voit pas pourquoi AC______ aurait accepté d'usurper une responsabilité. Il sera partant retenu que la règle évoquée par J______ et AD______ n'était pas suffisamment diffusée et/ou appliquée, ce qui pourrait expliquer l'affirmation de A______ selon laquelle l'Administrateur du département n'était jamais en deuxième signature.

iii. Compte de charges « Frais & honoraires de recouvrement »

iii.a. Logiciel « X______ »

g'. Par décision du 1er novembre 2007 (PP E - 413), le Comité de direction des HUG a approuvé l'acquisition et la mise en place d'un logiciel de gestion du recouvrement, baptisé « X______ » et devant notamment générer l'ensemble des formulaires des différents OPF cantonaux, proposer ou sélectionner le type de relance à effectuer ou enregistrer automatiquement les sommes encaissées.

X______ devait permettre l'encaissement direct par les HUG des créances et la réconciliation automatique si le débiteur s'en acquittait à l'aide du bulletin de versement émis par le système.

Ce logiciel a commencé à fonctionner le 11 juin 2009 pour les nouveaux dossiers patients et le 17 mai 2010 pour les assurances (cf. courriel de S______ à AF______, responsable du secteur de la comptabilité générale du 9 mai 2012, PP F - 16'112 et
F - 16'105). Il a ultérieurement été l'objet d'adaptations et de corrections (cf. courriel de S______ à AG______, PP F - 16'113).

h'. A______ n'a pas participé personnellement à la mise en oeuvre de X______. S______ était le chef de projet ; AD______, lequel n'était alors pas encore auditeur interne, faisait également partie de l'équipe de projet.

Il ressort du procès-verbal d'une séance du 12 juin 2008 (PP E - 2'885, F - 16'116 ss), lors de laquelle étaient présents, pour les HUG, S______, AH______ et AI______, ces deux derniers étant subordonnés à AD______, que X______ devait ventiler automatiquement les paiements effectués par le biais d'un BVR émis par ledit logiciel ou saisis manuellement. La règle de ventilation prévue était la suivante : « La règle de ventilation souhaitée sera de rembourser d'abord les frais de contentieux ensuite le capital et enfin les intérêts et si le capital et les frais
sont remboursés alors les intérêts seront soldés selon le montant payé à l'office 
»
(PP E - 2'885).

Il était également précisé que « le service du contentieux souhait[ait] calculer dans X______ un montant forfaitaire de frais de contentieux 106 CO qui compensera[it] les divers frais de procédures et de délégation » (PP E - 2'885) et encore que « selon M. S______, le service du contentieux paiera[it] les frais effectifs comme des Frais Avancés et [le logiciel de gestion du contentieux] X______ devra[it] en cas de saisie de paiement du débiteur - ou des offices - exporter les paiements reçus pour payer les frais 106 CO contre ce compte Frais Avancés ».

iii.b. Comptabilisation des honoraires de C______

i'. Les factures de C______ étaient comptabilisées au débit du compte de charges « Frais & honoraires de recouvrement » (compte nos 6______, puis 7______ jusqu'en 2011, 8______ ensuite). Dès lors qu'il s'agissait de factures « au net » (cf. supra d'), le montant des honoraires, compensé par les paiements des débiteurs reçus par C______, était comptabilisé en sus et complété, au moyen d'écritures manuelles « opérations diverses » (OD), de la différence entre les montants encaissés par le mandataire et ceux facturés, le crédit correspondant étant reporté sur un compte fournisseurs spécialement créé et intitulé « Tiers ET C______ » (notamment AB______, PP E - 1'334-5).

j'. A______ a expliqué avoir agi de la sorte afin que la totalité de la charge représentée par les honoraires payés à C______ fût bien inscrite au débit du compte de charges (PP E - 5, 1'567, 1'576 ; PV CPAR, p. 17).

A teneur de l'expertise diligentée par le MP, cette façon de procéder n'est pas interdite (PP C - 7'776).

iii.c. Ecritures passées au crédit du compte « Frais & honoraires de recouvrement »

k'. Il résulte, notamment, de cette même expertise que durant le mandat de C______, d'autres écritures OD ont été passées, cette fois au crédit du compte « Frais & honoraires de recouvrement », soit en diminution de ce compte de charges, dans la mesure suivante, hors ligne « Ajustement / sans info / corrections » :

 

2008-2014

Annulations abandons

de créances[13]

CHF 11'239'276.56

Crédits prescrits[14]

CHF 14'003'498.77

Capital/Frais/

Intérêts 106 CO

CHF 7'235'885.11

Frais/Intérêts

106 CO (X______)

CHF 2'694'181.21

Total

CHF 35'172'841.65

(PP C - 7'733 qui décline aussi le montant annuel

des opérations portées au crédit du compte de charges)

De la sorte, le solde du compte de charges a été réduit chaque année à un montant tournant, dès 2009, autour des CHF 3 millions, ce qui s'avère correspondre à peu près au budget alloué (cf. supra e').

 

Débits[15] en CHF

Crédits[16] en CHF

Solde final en CHF

2008

6'348'368.41

5'043'811.52

1'304'556.89

2009

9'305'358.11

6'637'621.06

2'667'737.05

2010

9'058'734.28

6'232'873.94

2'825'860.34

2011

10'718'005.67

7'701'733.51

3'016'272.16

2012

8'405'354.36

5'413'726.31

2'991'628.05

2013

7'813'885.35

4'770'987.46

3'042'897.89

2014

6'282'387.50

3'069'521.99

3'212'865.51

Total

57'932'093.68

38'870'275.79

19'061'817.89

l'. Ces écritures intervenaient dans le contexte d'une pratique mise en place afin de contrôler que le solde du compte « Frais & honoraires de recouvrement » respecte le budget (cf. tableau produit durant l'enquête administrative sous PP F - 290) et formalisée dans la procédure mensuelle de bouclement des comptes (cf. « opérations mensuelles de bouclement 2015 », PP E - 1'350). En effet, les collaborateurs avaient reçu l'instruction de, « une fois les écritures des débiteurs passées, contrôler à l'aide d'un ECBU4 que l'on est dans le budget », c'est-à-dire faire une édition comparative budgétaire, « aucun dépassement de budget n'[étant] autorisé » (cf. vérification PO 499, CGR 15, PP E - 1'347).

La formalisation de la pratique consistant à comptabiliser au crédit du compte
de charges les abandons de créances, crédits prescrits et capital/indemnités
106 CO/intérêts résulte également des schémas établis dans le cadre de l'étude inachevée de AA______ et produits en appel par A______ (annexes à la pièce 36 du dossier de la CPAR et classeur bleu, PPT, p. 19 ss).

m'. Le rapport d'audit 2012 sur les commandes urgentes, directes et des achats sans commande - CFAC, désignation couvrant les honoraires de recouvrement des débiteurs et les honoraires d'avocats (PP E - 327) - analyse les processus spécifiques liés à ces trois types de charges. Il mentionne, en particulier, que les CFAC ont représenté 13% de l'ensemble des achats pour un montant de CHF 3'641'322.- au premier semestre 2011.

Le fait que l'examen porte sur un semestre est signalé à plusieurs reprises dans le rapport d'audit : « l'audit a porté sur les commandes [...] imputés sur le budget de fonctionnement des HUG de janvier à juin 2011 » (PP E - 325) ; « les sources de ce rapport sont les données financières extraites à partir des comptes au 30 juin 2011 » (ibidem) ; « les achats [...] pour le 1er semestre 2011 » (PP E - 326) ; colonne de tableau intitulée « Classe 4 janvier à juin 2011 » (ibidem), « selon les comptes au
30 juin 2011,
[...] » (PP E - 327).

Selon sa page de garde, ce rapport était destiné au Président du Conseil d'administration et au Directeur général.

n'.a. S'exprimant d'une manière générale sur la raison des écritures portées au crédit du compte de charges, A______ a déclaré dans le cadre de l'enquête administrative (PP F - 291), que celles-ci servaient en effet à faire correspondre le coût du recouvrement au budget fixé, la priorité étant le respect du budget, ajoutant que les coûts du recouvrement étaient déjà diminués par le passé, notamment au moyen des crédits prescrits.

Devant le MP, après avoir affirmé que les « coûts nets ne devaient jamais dépasser le budget fixé » (PP E - 6), il a exposé qu'« on » avait utilisé une partie des sommes encaissées au titre de l'art. 106 CO pour être « à peu près à concurrence du budget » (P E - 1'566) : « Une partie est utilisée chaque mois en diminution du compte de charges pour amener le compte au budget. Il y a donc de l'argent qui a été repris dans le compte débiteurs pour coller au budget. Cela est fait manuellement chaque mois. [...] C'est moi qui ai proposé cela à Monsieur J______. Il m'a demandé s'il fallait changer le budget. Je lui ai indiqué qu'en diminuant les montants avec le
106 CO, il n'y avait pas besoin de changer le budget.
 » (PP E - 1'578).

A______ a néanmoins aussi reconnu qu'il n'avait pas expressément expliqué à J______ qu'il allait, chaque mois, faire des extournes du compte débiteurs pour coller au budget. Il n'avait pas reçu l'autorisation de sa hiérarchie pour agir ainsi. Cette manière de procéder avait été mise en place sous sa direction et il n'avait pas besoin de validation pour ce faire. Il avait instruit ses équipes en ce sens.

Il a également évoqué que l'enregistrement de la totalité de ces montants aurait permis de ramener le compte de charges à CHF 0.-, mais que cela n'avait pas été fait parce que « aux HUG, lorsqu'on a un budget, il est difficile de l'augmenter ou de le diminuer. On aime bien le maintenir à son niveau. Il est resté tel quel ou a diminué en fonction des objectifs budgétaires. En ce qui me concerne, j'ai proposé d'augmenter ce budget pour enregistrer le montant brut et la totalité de la charge » (PP E - 1'566).

En appel, A______ a encore affirmé s'être posé la question de l'admissibilité de la compensation au regard des normes IPSAS, au moment où il l'avait décidée. Il avait conclu que c'était acceptable, mais, comme il s'agissait d'une modification matérielle, il avait formellement interpellé les réviseurs qui lui en avaient donné confirmation (PV CPAR, p. 9).

n'.b.a. Notamment devant le MP (PP E - 2'227), A______ s'est prévalu de ce que la comptabilisation des annulations d'abandon de créances et des crédits prescrits au crédit du compte « Frais & honoraires de recouvrement » était préexistante à la mise en oeuvre de C______. Elle ressortait, selon lui, du plan comptable et il n'avait pas eu à donner d'instructions spécifiques à cet égard, précisant que les crédits prescrits avaient été portés au crédit dudit compte sur demande de l'Inspection Cantonale des Finances (ICF), deux ou trois ans avant 2007.

La comptabilisation au crédit du compte de charges de l'indemnité selon l'art. 106 CO, était en revanche concomitante à la mise en oeuvre de l'avocat, étant rappelé qu'auparavant les montants payés par les débiteurs à ce titre étaient acquis au mandataire, soit O______ SA. Cette comptabilisation avait été automatisée avec l'introduction de X______, logiciel implémenté par un groupe de projet, dont il ne faisait pas partie et qui dépendait d'une commission, projet validé ensuite par le Comité de direction.

Cette comptabilisation n'avait pas eu d'impact sur les états financiers car les frais de recouvrement n'y figuraient pas, pas plus qu'ils ne se trouvaient dans le rapport de gestion, dès lors que les sommes en question n'étaient pas suffisamment importantes pour intéresser le lecteur des comptes. Les comptes des HUG n'étaient pas faits pour permettre l'examen de chaque dépense et notamment pas les « petites », tels les frais de recouvrement.

n'.b.b. A______ a nuancé ses précédentes déclarations devant le TCO, indiquant en substance que la comptabilisation au crédit des montants encaissés au titre de
106 CO et des intérêts n'avait pas pour but de « coller » au budget, mais de faire apparaître la réalité de la charge représentée par le recouvrement, charge que lesdits montants, réclamés aux patients, étaient censés couvrir (PV TCO 10.12.18, p. 32-33). En appel, il est allé plus loin, affirmant qu'il avait bien donné pour instruction de passer les écritures relatives aux indemnités 106 CO et intérêts, mais qu'il ignorait que d'autre écritures étaient passées pour « coller au budget » au moindre écart et qu'il avait été très surpris d'apprendre par le biais de l'expertise que les indemnités et intérêts précités n'avaient pas été portés en totalité au crédit dudit compte, comme cela aurait dû être le cas à compter de l'implémentation de X______, en 2009, ainsi que du fait que les corrections en lien avec les abandons de créances et crédits prescrits avaient été beaucoup plus importantes que celles relatives auxdites indemnités et intérêts (PV CPAR, p. 9-10 et 13).

o'. Selon les experts, ces corrections étaient des compensations non autorisées, au vu de la nature différente des transactions du compte impacté et de la nature même de l'opération. La substance des opérations n'était en effet pas liée aux mêmes flux financiers. Il s'agissait en réalité de produits exceptionnels sur les exercices antérieurs. De ce fait, les chiffres 48 et 49 de la norme International Public Sector Accounting Standards (IPSAS) 1 avaient été violés.

Ces opérations avaient clairement eu un impact sur la présentation des états financiers. En effet, tout d'abord, l'imputation erronée de produits exceptionnels (crédits prescrits, annulations d'abandon de créances, indemnités 106 CO) en diminution de charges induisait le lecteur en erreur quant à l'évaluation du poste de charge « autres charges d'exploitation » dans la rubrique des états financiers. A l'inverse, la rubrique « autres recettes », et plus particulièrement le compte « produits exceptionnels sur exercices antérieurs », ne présentait pas l'intégralité des revenus acquis ou constatés en cours d'exercice sur des opérations de reclassement et de recouvrement de créances.

Dans cette mesure, le lecteur des comptes ne pouvait se faire une idée claire des dépenses impliquées par le recouvrement de créances ou des produits générés par celles-ci. De plus, les états financiers des HUG, de 2007 à 2014, ne contenaient aucune note au traitement appliqué à cet effet. Il en découlait un trouble dans l'appréciation et la présentation des comptes, ainsi qu'un non-respect du cadre conceptuel IPSAS « true and fair view ».

Entendus par le MP puis les premiers juges, les experts ont confirmé leur rapport d'expertise et répété qu'au vu des compensations opérées, le lecteur des comptes ne pouvait avoir l'information sur le réel coût du recouvrement, et ce indépendamment du fait que le compte de recouvrement apparaissait ou non dans les comptes publiés. En effet, la charge figurant au solde du compte était incomplète au vu des compensations opérées. Ils ont cependant précisé qu'ils s'exprimaient sur des éléments de principe, et non des éléments de matérialité (PP E - 2'359).

p'. Interrogés plus spécifiquement sur les écritures en lien avec les intérêts moratoires et indemnités de l'art. 106 CO payés par les débiteurs, les experts retenaient que ces versements ne pouvaient être considérés comme des frais refacturés à des tiers, car ils étaient « plutôt » envisagés comme une indemnité et non des « demandes de remboursement des frais » (PV TCO 12.12.18, p. 2).

L'un des deux experts a encore été requis de clarifier cette affirmation devant la CPAR. Il a ainsi exposé que les intérêts et frais de 106 CO ne pouvaient être assimilés à une prestation offerte par les HUG et facturée aux patients. S'ils leur avaient été répercutés - comprend-on -, il aurait été admissible de passer au crédit du compte de charges les forfaits de CHF 42.- facturés par C______, alors que tel n'était pas le cas de l'indemnité de 106 CO qui ne correspondait pas à des frais effectifs. N'importe quel expert-comptable était censé le savoir.

q'.a. J______ a expliqué que ses contrôles se limitaient aux comptes dont le numéro ne dépassait pas quatre chiffres, alors que le compte « Frais & honoraires de recouvrement » était à six chiffres. Le Service des comptabilités en était responsable, sous la supervision du réviseur externe.

Il n'avait pas été surpris par le coût du recouvrement, tel qu'il ressortait du rapport d'audit de janvier 2012, n'ayant pas réalisé qu'il ne portait que sur un semestre, ou alors qu'il avait trait aux frais de recouvrement, l'intitulé du compte étant, à l'époque, « frais et pertes sur débiteurs ». Il n'avait pas non plus été étonné de ce que le montant de CHF 3.6 millions était de toute façon supérieur au budget annuel et son adjoint n'avait pas attiré son attention sur un dépassement (PP E - 1'617 ; PV TCO 12.12.18, p. 12-13)

J______ a rappelé que, selon la note de A______ du 13 mars 2009 (PP E - 314 ; cf. infra x'.b), les coûts du recouvrement étaient estimés à environ CHF 2 millions, alors qu'en réalité ils étaient de CHF 6.3 millions. Les écritures correctives faussaient totalement la perception des coûts. Les frais encaissés au titre de l'art. 106 CO n'avaient pourtant jamais eu pour vocation d'autofinancer le recouvrement. Il regrettait de ne pas avoir contrôlé si les frais selon l'art. 106 CO avaient été correctement comptabilisés, mais cela était fait par le Service des comptabilités, sous la responsabilité de A______ et de AF______.

q'.b. M______, adjoint de J______ de juin 2011 à août 2016, était en charge de vérifier que les dépenses réelles correspondaient au budget et de commenter les éventuels écarts. Dans le cadre des bouclements mensuels, le contrôle était fait au niveau des comptes dont le numéro contenait au maximum quatre chiffres.

Il n'avait pas le souvenir d'avoir été interloqué par le contenu du compte no 6______, soit le compte « Frais & honoraires de recouvrement », et n'avait jamais fait attention aux crédits portés à ce compte. Il n'avait pas souvenir d'une discussion avec A______ à ce sujet en 2015. Il était sûr qu'il n'avait pas personnellement autorisé A______ à effectuer des compensations afin de respecter le budget.

A la lecture du rapport d'audit 2012, il n'avait pas réalisé que le poste du recouvrement était de plus de CHF 3 millions sur un semestre, étant précisé qu'il avait pris ses fonctions en juin 2011 et n'avait donc pas été impliqué dans le processus budgétaire de l'année en cours.

q'.c. Selon le prédécesseur de M______, L______, le budget du recouvrement n'était pas traité « en spécifique », contrairement à d'autres, pour lesquelles l'enveloppe budgétaire était communiquée. Ce budget avait « toujours été compliqué. On mettait l'historique systématiquement ».

q'.d. S______ a confirmé que seul A______ s'occupait de la relation avec C______. Aucune des factures de ce dernier ne passait par lui puisque A______ revenait avec celles-ci et les transmettait directement à AC______.

Il s'était occupé du paramétrage [du logiciel] X______ à la suite de discussions avec A______. Il avait participé à l'élaboration d'une tabelle du montant du 106 CO en fonction du montant du capital. A______ avait décidé qu'en cas de paiement, le montant payé allait d'abord solder les frais et intérêts et seulement dans un deuxième temps, la facture.

Ces montants étaient mis au crédit du compte « Frais & honoraires de recouvrement ». Toutes les opérations comptables avaient été validées par A______.

q'.e. AF______ a expliqué qu'il avait pour mission principale de mettre à disposition des rapports financiers mensuels et annuels à la hiérarchie des HUG. Il ne s'occupait pas du mandat de C______.

Il ne s'occupait pas personnellement des écritures correctives passées sur le compte n° 6______. Ses collaborateurs ne les préparaient pas, mais les saisissaient dans le système. Elles étaient préparées par le secteur des débiteurs et approuvées par A______. Les écritures correctives étaient faites pour utiliser la provision débiteurs, ainsi que pour enregistrer les crédits prescrits et les patients décédés. A sa connaissance, les indemnités de l'art. 106 CO n'en faisaient pas partie. Le budget n'aurait probablement pas été respecté sans ces écritures.

q'.f. Des collaborateurs avaient indiqué au nouveau Chef du Service des comptabilités, AB______, que A______ avait demandé que le compte de charges fût « équilibré par rapport au budget ». Il y avait un processus mensuel pour effectuer la comparaison et faire les correctif nécessaires (PP E - 1'336).

q'.g. Les réviseurs en charge des comptes des HUG entre 2007 et 2015 ont été entendus, séparément, par le MP, le 15 septembre 2016.

q'.g.a. AJ______ et AK______, employés de [l'entreprise d'audit] AL______ et réviseurs des HUG en 2007 et 2008, avaient travaillé en collaboration, notamment, avec A______ lors de la révision des comptes des HUG.

L'attention des réviseurs n'était pas attirée lorsqu'un compte ne variait pas beaucoup d'une année à l'autre. De plus, les réviseurs ne demandaient des corrections qu'à partir d'un certain seuil de matérialité, en l'occurrence d'environ CHF 20 millions pour 2015 et de CHF 7 millions pour 2007, ce qui ne signifiait pas que les normes ne devaient pas être appliquées pour des montants inférieurs. Les compensations litigieuses en 2008 dans le compte « Frais & honoraires de recouvrement » n'avaient pas été constatées. Le fait de compenser les charges et les produits dans un compte de charges n'était pas conforme aux normes IPSAS ou aux normes genevoises.

Ils n'avaient pas analysé en particulier ce compte de charges et étaient donc incapables de dire s'il était normal d'y trouver des produits, puisqu'il pouvait s'agir d'extournes ou de corrections notamment. Il fallait examiner la composition de ce compte et quelles écritures auraient été passées comme produits. Par exemple, il était correct de comptabiliser le remboursement des assurances sociales en déduction des charges de personnel. Chaque domaine devait être examiné séparément et il n'y avait pas de généralités sur ce qui était admissible ou non. Il n'était toutefois pas usuel de trouver autant de produits dans un compte de charges que cela était le cas en l'espèce.

q'.g.b. AM______, expert-réviseur auprès de [la fiduciaire] AN______ SA, et AO______, expert-réviseur auprès de [la fiduciaire] AP______ SA, s'étaient chargés de la révision des comptes des HUG de 2009 à 2014.

Les HUG avaient des dépenses pour environ CHF 1.7 milliard par année et il n'était pas possible de tout contrôler sur une comptabilité de cette importance. Les réviseurs travaillaient « avant tout sur l'identification des risques qui ont un impact significatif sur les résultats et sur les processus ». Le seuil de matérialité était fixé à environ CHF 8.5 millions, de sorte que le compte de « Frais & honoraires de recouvrement » n'était pas une préoccupation. D'ailleurs, le risque était déjà couvert par des provisions et était minime. Le processus de double signature était suffisamment sécurisé, de leur point de vue, pour ne pas nécessiter un examen.

Selon AM______, ils avaient compris que les frais de recouvrement [recte : les frais selon 106 CO] et intérêts venaient diminuer les frais de recouvrement. Pour eux, dans le cadre des normes IPSAS, les frais refacturés aux débiteurs pour couvrir les frais de recouvrement pouvaient en être déduits.

iv. Faits retenus sur le traitement comptable

r'. En définitive, il est retenu que A______, comme il le souligne, a entrepris de corriger les conséquences de la facturation « au net », en faisant passer des écritures rectificatives au débit du compte de charges « Frais & honoraires de recouvrement », de façon à ce que la totalité des sommes facturées par C______ soit comptabilisée dans ledit compte, procédé par ailleurs tenu pour conforme aux principes régissant la comptabilité, à teneur d'expertise.

s'. La pratique consistant à inscrire des produits extraordinaires (annulations d'abandons de créance et crédits prescrits) au crédit dudit compte était vraisemblablement antérieure à la mise en oeuvre de C______ - ce qui ne signifie pas nécessairement qu'elle existait déjà avant l'entrée en fonction de A______, en 2001 ; au contraire, celui-ci a indiqué que cela avait commencé deux ou trois ans avant 2007, s'agissant des crédits prescrits - et formalisée, comme en attestent les pièces
E - 1'347 et 1'350, ainsi que les schémas établis dans le contexte du mandat confié à AA______. Elle a d'ailleurs été reprise, s'agissant des intérêts et indemnités 106 CO, lors du paramétrage [du logiciel] X______ sans que cela n'interpelle personne. Cette pratique était, a minima, connue des collaborateurs qui préparaient les écritures en question comme de ceux qui les passaient, du responsable du secteur de la comptabilité générale [AF______], à tout le moins s'agissant du principe, et de A______, Chef du Service des comptabilités, dont le revirement tardif sur ce point ne convainc pas, tant il est contradictoire avec ses précédentes déclarations, sans qu'aucune explication plausible sur cette variation n'ait été donnée. D'ailleurs, l'ensemble du dossier démontre que A______, qui, aux dires de S______, avait approuvé toutes les opérations comptables, conformément à son cahier des charges, connaissait très bien le processus comptable dont il était responsable. Il n'est en outre guère plausible, et partant pas retenu, que les deux adjoints de J______ successivement en charge du contrôle des budgets aient ignoré cette pratique, étant relevé d'une part que leurs déclarations sont vagues - on peut même se demander si l'expression « on mettait l'historique systématiquement » de L______ ne vise pas précisément la succession d'écritures au crédit et au débit - et ne la nient pas expressément, d'autre part que leur position devant le MP était assez inconfortable.

Dès lors que l'accord avec C______ (de même que celui de fin 2007 avec O______ SA) prévoyait que les indemnités selon 106 CO et intérêts réclamés aux débiteurs étaient acquis aux HUG, A______ a décidé de les passer également en partie au crédit du compte de charges - indication supplémentaire de ce qu'il connaissait, au moins dans son principe, la pratique des écritures au crédit -, l'instruction donnée étant de ramener le solde au niveau exigé par la limite résultant du budget, conformément à un autre procédé notoire et commun à de nombreuses grandes institutions consistant à veiller à épuiser une enveloppe budgétaire, afin d'éviter qu'elle ne soit réduite l'année suivante. Cela résulte très clairement de ses déclarations et se déduit du fait que, effectivement, chaque année dès 2009 les écritures correctives passées ont eu pour conséquence que le solde du compte de charges était proche de la limite fixée par le budget, ce qui ne peut être attribué à un hasard.

Certains paiements en capital étaient aussi crédités sur le compte (cf. PP C - 7'716 ss [expertise], notamment p. 14, p. 17 [rubrique capital/frais/intérêts 106 CO], p. 22-23).

t'. Il est également retenu qu'il n'est pas crédible que J______ n'ait pas réalisé, en prenant connaissance du rapport d'audit 2012, que celui-ci était le fruit d'une analyse des comptes du premier semestre 2011, tant cette information est mentionnée à plusieurs reprises dans le document. D'ailleurs, il était impossible qu'un rapport datant du mois de janvier 2012 eût pu porter sur les comptes de toute l'année précédente, ce qui signifierait que le travail d'audit, puis la rédaction du rapport eussent été effectués en moins d'un mois (sans compter la période de vacances). Probablement conscient de la faiblesse de son propos, J______ a encore émis l'hypothèse qu'il n'avait peut-être pas compris que le poste de CHF 3.6 millions concernait les « Frais & honoraires de recouvrement », mais cela est tout aussi invraisemblable vu la mention « 3-Direction administrative et financière - Service de recouvrement » figurant à côté de ce chiffre dans le tableau en page 5 du rapport (PP E - 328) et la définition des cas de CFAC (PP E - 327).

L'absence de réaction du Directeur administratif et financier face au constat que les frais de recouvrement avaient atteint CHF 3.6 millions au 30 juin 2011, alors que l'enveloppe budgétaire pour l'année entière était de CHF 2.6 millions, ne peut donc s'expliquer que par le fait qu'il était lui aussi conscient de la procédure en place permettant que le solde du compte « Frais & honoraires de recouvrement » soit néanmoins compatible avec le budget annuel.

Il n'est en revanche pas relevant que le rapport d'audit ait été adressé au Président du Conseil d'administration et au Directeur général, dans la mesure où il ne peut être attendu d'eux qu'ils connaissent en détail toutes les enveloppes budgétaires et réalisent partant que celle du recouvrement était largement dépassée, pas plus qu'ils ne sont censés connaître toutes les opérations comptables. De même, l'explication de M______, selon laquelle il ne s'est pas aperçu de ce large dépassement parce qu'il venait d'entrer en fonction, est plausible. Leur absence de réaction ne confirme donc pas, mais n'infirme pas non plus, la réalité de la méthode d'ajustements pratiquée pour respecter, comptablement, le budget.

8. Connaissance et compréhension au sein des HUG des conditions de la mise en oeuvre de C______

i. Période 2007-2008

u'.a. Dans une note du 17 janvier 2007 - il faut ici revenir au début de la relation contractuelle -, accompagnée d'un tableau comparatif (notamment PP E - 307 ss) adressée à J______ par courriel du même jour (PP E - 248), A______ a exposé les avantages « largement prépondérants » et les inconvénients de confier le recouvrement à des « mandataires qualifiés », plutôt qu'à une société de recouvrement. A titre d'inconvénients, A______ mentionnait ce qui suit :

« Actuellement le coût du contentieux est compensé avec les montants recouvrés que nous transmets O______ SA. Ce coût est par conséquent inclus dans les diminutions d'actif (pertes sur débiteurs, utilisation de la provision, diminution du chiffre d'affaire, etc.). Ce montant devenant transparent, il ne pourra, vraisemblablement, plus être compensé comme par le passé.

Augmentation de travail pour le secteur des débiteurs, cette augmentation doit être nuancée car elle va être compensée par le fait que nous ne devrons plus réconcilier les données avec O______ SA et que nous aurons une meilleure transparence des flux.

Pour le moment, le problème principal d'augmentation des activités au sein du secteur des débiteurs, provient essentiellement du passage du tiers payant au tiers garant pour l'ambulatoire, et n'est pas tellement lié au problème de contentieux. »

u'.b. Par courriels du 18 janvier 2007, J______ (PP E - 351) et U______
(PP E - 242) ont approuvé, ou préavisé favorablement, le principe du nouveau modèle proposé par A______. J______ a posé comme condition que le montant « budgétairement nécessaire soit mis en évidence et communiqué » au Comité de gestion et à son adjoint, L______. U______ a demandé que le responsable des avocats en charge de la phase judiciaire du recouvrement soit choisi avec soin, « la phase pré-judiciaire jusqu'à la requête de mainlevée étant gérée par les HUG ».

u'.c. Ce même 18 janvier 2007, U______ et J______ ont signé la procuration-type de l'ODAGe en faveur de Me C______ lui donnant mandat de « recouvrement de toutes créances », avec faculté de substitution (PP A - 44). Cette procuration a été renouvelée les 10 janvier 2013 (PP A - 45) et 29 avril 2014 (PP A - 46).

u'.d. Le 26 janvier 2007 (PP E - 244), U______ a répété être favorable à la solution proposée par A______, consistant en une gestion interne aux HUG « du contentieux dans les premiers stades de la procédure puis le recours à un avocat, Me C______ ».

u'.e. Par la suite, soit dans la note déjà citée du 26 février 2007 (PP E - 286 ss), A______ a encore comparé à l'attention de J______ les coûts des deux systèmes de recouvrement, distinguant entre deux phases :

-       la phase dite « pré-juridique » aurait généré auprès des « firmes de contentieux » de type O______ SA, vu le volume attendu suite au passage au « tiers garant », un coût annuel de l'ordre de CHF 5'250'000.- à CHF 11'250'000.- eu égard à la facturation « d'un montant de débours oscillant entre CHF 35.- et CHF 45.- » alors que les « honoraires actuellement négociés » avec C______ allaient permettre de diviser ce coût par deux ou trois, et même par quatre, si on tenait compte des intérêts de retard et de l'indemnité prévue par l'art. 106 CO, désormais également encaissés pour le compte des HUG, tandis que les sociétés de recouvrement les conservaient. Selon A______, cela signifiait que l'augmentation de volume devait pouvoir être « absorb[ée] sans modification budgétaire ». Il était mentionné aussi que les HUG continueraient d'assumer le coût de « traitement de masse d'envoi de rappel et de sommation » estimé annuellement entre CHF 90'000.- et 150'000.- pour un volume d'envoi de l'ordre de 150'000-250'000 courriers ;

-       pour la phase « juridique », en mandatant directement leurs conseils et en payant directement la plupart des frais de justice, les HUG allaient pouvoir bien mieux négocier les honoraires et avoir « un complet contrôle et suivi des coûts ».

u'.f. A la même date, A______ a encore établi un schéma du processus de recouvrement en Suisse, distinguant les phases pré-juridique et juridique du recouvrement et trois processus, soit celui prévalant avant la résiliation du contrat O______ SA, le système dès 2007 et celui à mettre en place ultérieurement, lorsque le droit cantonal permettrait de donner aux factures des HUG valeur de décision. S'agissant du système en cours, le schéma mettait en évidence une activité parallèle des HUG et des « avocats », la première étant censée être plus importante (ligne plus large), puis une inversion au stade de la phase juridique, la ligne réservée à l'intervention des « avocats » pour la « procédure ordinaire » prenant beaucoup plus de place que celle des HUG (PP E - 36).

v'.a Jusqu'aux débats d'appel, A______ avait toujours admis ne pas avoir parlé à ses supérieurs, notamment J______ et U______, du forfait de CHF 42.- ou des forfaits ultérieurs, estimant qu'ils relevaient de sa compétence (notamment PP E - 3 et 30). Néanmoins, il a nuancé en appel, affirmant que s'il n'avait pas soumis le premier forfait de CHF 42.- à son supérieur direct pour accord, il lui en avait parlé à titre d'information au cours du premier trimestre 2007.

v'.b. J______ a contesté avoir « jamais entendu parler » du forfait de CHF 42.- avant le début de la procédure, étant précisé qu'il a aussi affirmé avoir ignoré que les sommations, puis les RP était préparées par les HUG. Le tarif communiqué par A______ était uniquement celui de CHF 220.-/heure plus 8% de prime de réussite, ce qui avait paru approprié (notamment PP E - 279).

v'.c. Pour sa part, s'il n'a pas corroboré avoir été celui qui avait procédé au calcul du montant de CHF 42.-, S______ a confirmé que le principe du forfait « à la sommation » (le témoin n'a pas parlé des factures) avait été discuté avec A______ en 2006-2007 et qu'il était destiné à couvrir « plutôt du travail administratif pour l'équipe » (PP E - 610).

v'.d. Comme déjà mentionné, C______ n'a pas évoqué le forfait dans la lettre du
24 janvier 2007, adressée formellement à A______ confirmant les conditions de sa rémunération. Il ne l'a pas non plus complétée après le 31 janvier 2007, date à laquelle, au plus tard, il avait été convenu de cet élément important.

w'.a. Il est retenu de ce qui précède que les explications données par A______ à sa hiérarchie sur le contenu du mandat confié à C______ au moment de la conclusion du contrat n'étaient peut-être pas d'une grande clarté, mais qu'il est vrai que d'entrée de cause, celui-là a fait une distinction entre des phases dites « pré-juridique » et « juridique » et qu'il a au moins donné à entendre qu'une partie du travail relatif à la première phase serait dorénavant effectuée en interne.

w'.b. En revanche, A______ a tu à ladite hiérarchie que les conditions communiquées quant à la rémunération du mandataire n'étaient pas complètes, et cela encore fin février 2007, alors pourtant qu'il évoquait expressément dans sa note l'élément correspondant de la rémunération de O______ SA, soit les « débours » de CHF 35.- à 45.-, charge que les honoraires négociés avec Me C______ étaient censés réduire très sensiblement. Certes, le témoignage de J______ sur ce point ne suffirait pas à lui seul, l'intéressé ayant également affirmé qu'il ignorait qu'une partie du travail serait désormais assumé à l'interne, ce qui est peu crédible au regard de l'ensemble du dossier et en particulier des écrits précités. Néanmoins, sur son ignorance du forfait, les déclarations de J______ sont confirmées par ces mêmes documents et par le fait qu'aucun autre témoin n'a indiqué avoir eu connaissance de cet élément en 2007, à l'exception de S______, lequel était un subordonné de A______ et n'avait pas de motif de s'écarter de la voie de service pour s'en ouvrir à des plus hauts responsables. Il n'a au demeurant pas dit l'avoir fait. De surcroit, les factures « sommations » ne mentionnaient que le total facturé par C______, sans référence au mode de calcul (nombre de factures remises x CHF 42.-), et n'étaient à l'époque pas même soumises à une double signature avant paiement.

w'.c. Il ne résulte pas du dossier que la question ait été évoquée en 2008 de sorte qu'on peut admettre que la hiérarchie de A______ est restée dans l'ignorance.

ii. Dès 2009

x'.a. Le 10 mars 2009, à 9h44, J______ a adressé à A______ un courrier électronique (pièce produite par A______ à l'audience de première instance et versée au classeur « TCO Audience » aussitôt après l'onglet « procès-verbaux ») évoquant des remarques, provenant notamment de collaborateurs du Service des comptabilités, rapportées par le mandataire externe AA______, pointant toutes « une mauvaise utilisation des moyens et en particulier une critique très marquée de la collaboration avec Me C______ et du prix de cette collaboration par rapport au travail effectué par cet avocat (1 million pour 2008 selon ce qui m'est rapporté pour n'apposer que des signatures...) ». Lesdites remarques étaient « récurrentes et de plus en plus insistantes depuis ces derniers mois », de sorte que J______ devait s'assurer que « les coûts de l'avocat [étaient] proportionnés à son travail ». Partant, A______ était requis de lui communiquer, « cette semaine encore :

-          le contrat passé avec Me C______, y compris la description du tarif ;

-          les charges payées en 2008 à ce bureau d'avocat ;

-          la raison de l'absence d'appel d'offre public si le montant payé est réellement celui qui m'est rapporté ».

Dans un second temps, soit pour la fin du mois de mai suivant, A______ devait établir un rapport confirmant que le processus en place était bien celui initialement prévu, avec sa description, notamment s'agissant de « qui s'occupe de quoi », étant précisé qu'une des remarques récurrentes relevait de l'incompréhension face à l'investissement personnel de A______ et l'absence de délégation. Le rapport devait mentionner le « coût unitaire » du nouveau système et faire la comparaison avec le précédent, ainsi que dresser le bilan financier et faire une estimation de la performance. Enfin, A______ était invité à proposer des indicateurs permettant un suivi de la gestion du recouvrement.

x'.b. A______ n'a jamais établi le rapport, mais a répondu au moyen d'une note du 13 mars 2009 (PP A - 15) :

-       Le tarif convenu avec C______ et sa comparaison ressortaient d'un tableau annexé, avec l'explication selon laquelle le mode de rémunération était celui d'un « pactum de palmario », usuel dans « ce type de mandat » tel celui proposé par
Me P______ en 2003 pour les dossiers de recouvrement. Était également annexée la lettre d'acceptation du tarif de C______ du 24 janvier 2007.

Ce tableau comparait les primes de résultat facturées précédemment par
O______ SA à celle de 8% de C______, puis les honoraires, subdivisés en deux catégories « frais » et taux horaire :

O______ SA

C______

Frais internes de O______ SA

Compris dans le forfait ci-dessus

Coûts effectifs des avocats mandatés

(GE : CHF 450.- à

CHF 550.-/heure)

CHF 220.-/heure

(2007, puis indice suisse des prix à la

consommation)

-       Les montants payés pour ces différentes rubriques à C______ figuraient dans une seconde version du même tableau, A______ indiquant qu'il n'était pas possible de déterminer ce qui avait été effectivement payé à O______ SA sur la base des informations à disposition.

Ainsi, selon A______, C______ avait reçu, en 2007, CHF 245'848.- de primes de résultat et CHF 40'985.- d'honoraires, soit au total CHF 286'833.-, et en 2008 CHF 887'546.- (primes) et CHF 1'144'610.- (honoraires), soit CHF 2'032'156.-, alors qu'on a vu précédemment (cf. supra c'.a) que ses factures pour la même période ont totalisé CHF 2'526'778.40 et CHF 4'559'806.04.

x'.c. Interrogés sur cet échange, J______ et A______ ont fait les déclarations suivantes :

x'.c.a. Le coût de CHF 2 millions chiffré dans la note avait paru correct au premier. Dans la mesure où il savait que O______ SA facturait CHF 32.- « par dossier » il avait compris qu'il y était fait référence dans le tableau annexé à la note du 13 mars 2009, au titre des « frais internes O______ SA » et soulignait qu'il n'y avait aucune mention du forfait de CHF 42.- pour C______ (PP E - 284). Il n'avait en tout cas pas compris qu'un montant de CHF 42.- était facturé pour la signature des sommations (recte : réception des factures ; PV TCO 12.12.18, p. 11-12). Il ne s'expliquait pas la différence entre le montant annoncé par A______ au titre des honoraires de C______ pour l'année 2008 et le chiffre réel du coût du recouvrement pour la même année
(PP E - 1'615).

x'.c.b. A______ admettait ne pas avoir évoqué les CHF 42.-, mais, selon lui, pas davantage le forfait de O______ SA (PP E - 463). Il ne l'avait pas fait parce que cela ne lui avait pas paru intéressant, le but étant de comparer les coûts de O______ SA avec ceux de C______, alors que le forfait n'était pas relevant à cet égard, qu'il n'avait pas eu assez de temps à disposition et voulait réagir à la remarque désobligeante de J______ au sujet du CHF 1'000'000.- pour les sommations. Il lui avait donc répondu que c'était CHF 2'000'000.- et que cela n'avait rien à voir avec la signature, comme il le lui avait déjà dit à de nombreuses reprises car quand il y a « un sujet qui fâche » il préférait en parler avant de faire une note. Il pensait que les montants de la rémunération de C______ évoqués étaient le résultat de l'addition des factures pour le success fee et celles intitulées « contentieux ». Le coût des sommations n'était pas relevant, mais bien celui du success fee (PV TCO 10.12.18, p. 29-39 ; cf. aussi PV CPAR, p. 7).

x'.d. Force est ainsi de constater qu'en mars 2009, pourtant expressément interpellé par son supérieur direct, par une allusion dont il ne pouvait que comprendre qu'elle concernait le forfait de CHF 42.-, A______ a élaboré une réponse occultant totalement cet aspect et a, par la même occasion, donné des chiffres inexacts, très en dessous de la réalité, concernant le montant des honoraires de C______. Ses explications alambiquées ne permettent en aucun cas de justifier ce procédé.

Cet échange confirme en outre que, jusqu'alors, J______ ignorait l'existence du forfait, mais aussi que les collaborateurs du Service des comptabilités avaient quant à eux identifié et signalé un problème, de façon récurrente. Malgré cela, le Directeur administratif et financier s'est contenté de la réponse lénifiante de son subordonné, sans aucun esprit critique, alors qu'il aurait fallu vérifier, ou faire vérifier, les affirmations de celui qui avait élaboré tout le système remis en cause par ces signalements et dont la trop forte implication personnelle était aussi disputée.

y'. Il sied de relever que dans un second courriel du 10 mars 2009, J______ disait avoir appris de AA______ que des améliorations pourraient être apportés au processus de recouvrement avec une « notable diminution des charges, en particulier externes » (dossier CPAR, pièce n° 34, p. 8) mais il ne semble ni que le premier se soit préoccupé du suivi de cette piste, à tout le moins après la résiliation du mandat du second, ni que A______ ait saisi cette ouverture pour faire avancer son projet d'internalisation.

iii. Dès 2011

z'.a. Le 1er novembre 2011, J______ a de nouveau demandé des explications de A______ en ce qui concerne le domaine « débiteurs-encaissements-recouvrement », l'instruisant notamment d'établir un rapport annuel à l'attention de la Direction générale et de celle administrative et financière mettant, entre autre, en évidence « les coûts engendrés et les résultats obtenus ». N______, qui en avait reçu copie, l'en a remercié (PP E - 338).

z'.b. Le 27 mai 2013, en prévision d'une prochaine séance avec C______ de même que Mes V______ et W______, N______ a proposé à J______ et A______ qu'un rapport chiffré soit établi sur « le travail des avocats, soit le nombre d'actions entreprises, par catégorie, le succès de celles-ci, le rapport « honoraires versés et argent encaissé » », observant que les HUG ne disposaient pas du tout de ces éléments pourtant essentiels pour évaluer le travail des mandataires. Le 19 juin 2013, soit postérieurement à ladite séance, J______ a relancé A______ et S______ requérant un rapport présentant « les processus et aussi [...] les montants recouvrés, leur % par rapport au total des démarches et le coût de ces actions » (PP E - 1'293 et 341).

z'.c. J______ a relaté avoir rédigé son courriel du 1er novembre 2011 à la demande de son ajointe, avoir réitéré ses demandes en l'absence de réponse et s'être fâché en 2013, sans plus de succès. A______ éludait ses questions sous prétexte d'urgences et surcharge (PP E - 280/281). Dès 2011, il y avait eu des séances annuelles avec C______, lors desquelles le coût n'était pas abordé (PP E - 285).

z'.d. N______ se souvenait de son courriel en prévision de la séance du mois de juin 2013. Elle n'était pas en mesure de rechercher les informations demandées dans le système comptable parce qu'elle n'y avait pas accès et que, de toute façon, elle n'était pas comptable de formation. Elle avait souvent tenté de comprendre ce que coûtaient les sommations, mais « on », soit à son souvenir S______, lui répondait qu'elles rapportaient beaucoup. Il n'y avait à sa connaissance pas eu de calcul du rapport coût/bénéfice de l'intervention de C______, travail qui aurait été de la responsabilité de A______. Elle avait ignoré, avant le début de la procédure, que C______ percevait CHF 42.- par sommation signée (recte : facture confiée). Elle avait été surprise d'entendre A______ affirmer début 2015 que le processus était provisoire, estimant qu'il aurait dès lors fallu en faire une évaluation.

z'.e. Pour S______, « l'histoire des frais de recouvrement » avait toujours choqué, plus particulièrement N______ qui revenait régulièrement sur le sujet, notamment directement auprès de A______ ou en séance, en présence de J______ (PP E - 612).

z'.f. A______ a déclaré en appel ne pas avoir répondu à la question posée parce qu'elle l'était sans cesse et qu'il n'avait pas le temps d'y donner suite. En outre, J______ connaissait la réponse et la demande venait en réalité de N______ qui ne voulait pas connaître le coût global, mais par dossier. En tout état, le reporting n'était pas de sa responsabilité (PV CPAR, p. 10).

z'.g. Il s'avère ainsi que A______ a continué d'éluder les interrogations soulevées à l'interne concernant le montant réel des honoraires payés à C______ - ce qui, peut-on observer au passage, est une confirmation supplémentaire de la réalité et de la notoriété de la pratique consistant à ramener le compte « Frais et honoraires de recouvrement » au niveau du budget car, à défaut, il aurait suffi de demander quel en était le solde annuel pour avoir une bonne idée -.

Néanmoins, alors que le malaise des collaborateurs du Service des comptabilités allait grandissant, d'où les remarques « récurrentes » parvenues jusqu'à lui et celles de son adjointe N______, et qu'il savait à tout le moins depuis janvier 2012, soit depuis le rapport d'audit 2012, que le coût du recouvrement était du double de ce qu'il aurait dû être selon le budget, J______ a fait preuve de désinvolture, se contentant d'exiger des retours à quelques reprises, sans réagir alors que A______ ne s'exécutait pas. Pourtant, dans le contexte, cette obstruction ne pouvait que susciter des doutes quant aux motivations de A______ et aurait dû induire son supérieur à recueillir les informations souhaitées par d'autres voies, par exemple en instruisant en ce sens son autre adjoint, en charge du domaine financier.

a''. Il est relevé encore que A______ se prévaut en vain de ce qu'il a, tout au long de la période considérée, fait des demandes d'effectifs supplémentaires, sans succès. En effet, il n'a à aucun moment, en particulier pas dans le prolongement du second courriel de J______ du 10 mars 2009, expliqué que si elles étaient accueillies, lesdites demandes auraient permis d'internaliser l'activité confiée à C______ en réalisant de la sorte une économie importante. Pour cause : une telle motivation aurait supposé qu'il donne des indications précises sur l'articulation des honoraires payés et leur volume.

iv. En 2015

b''.a. En 2011, vu l'importance de la provision pour débiteurs douteux, la Direction générale des HUG avait mis en oeuvre l'audit interne afin qu'il vérifie notamment l'adéquation des procédures concernant ces débiteurs. L'audit a, entre autre, entrepris d'identifier et analyser la politique interne des HUG, de faire de même s'agissant des interactions avec les mandataires externes et d'évaluer le suivi par les HUG, ainsi que de valider le calcul des honoraires desdits mandataires eu égard aux accords passés avec eux.

Aux termes du rapport d'audit no 09/13 du mois de juin 2015 (PP E - 539 ss ; ci-après : rapport d'audit 2015), les constats suivants relatifs à ces questions avaient été faits : C______ fonctionnait comme une société de recouvrement, mais son mandat, pas plus que celui de O______ SA, n'avait fait l'objet d'un appel d'offre. Il n'y avait pas de stratégie formalisée en matière de recouvrement, plutôt des orientations de sorte que le Service des comptabilités prenait seul les décisions concernant ce processus. Il n'y avait pas non plus de reportings réguliers et formalisés. Le forfait de CHF 42.- et la rémunération de la gestion des ADB (les TAF n'ayant pas été identifiées lors de l'audit) n'étaient pas documentés, de même que la réduction convenue ultérieurement du taux du success fee. Le mode de comptabilisation des trois types de factures du mandataire ne permettait pas d'avoir une vision exhaustive des charges et des produits. Recalculée, la charge réelle pour l'exercice 2013 avait été de CHF 5.9 millions.

b''.b. A la suite de la communication orale du contenu du rapport d'audit 2015, le Président du Conseil d'administration et le Directeur général des HUG ont demandé des explications à K______ et AD______.

A la demande de K______, qui craignait de voir le dossier « déraper » (PP E - 868), A______ a collaboré à l'établissement d'une note du 8 juin 2015, signée par AD______ et la nouvelle Directrice des finances, adressée au Président du Conseil d'administration et au Directeur général des HUG (PP E - 575) décrivant la rémunération de C______, y compris le forfait de CHF 42.- par facture remise, désigné comme correspondant à « des débours et émoluments ». Selon la note, le taux « à la performance » de 8% était inférieur à ce qui se pratiquait habituellement sur le marché du recouvrement, exemple pris de celui pratiqué par O______ SA. Le taux horaire des honoraires était dans la fourchette basse, se situant au niveau de celui de l'assistance juridique, et toutes les factures étaient accompagnées d'un relevé de prestation permettant de réaliser des pointages et valider les volumes annoncés. Les débours et émoluments étaient supérieur de CHF 10.- à ceux de O______ SA, ce qui s'expliquait par les efforts consentis sur le taux de performance, notamment s'agissant de la renonciation à toute facturation en cas de non encaissement.

Il était ensuite procédé à une analyse de la performance : la performance brute avait été, pour les chiffres de l'exercice 2013, de 77% ou de 58% déduction faite des honoraires payés. La facturation totale de C______ avait représenté 18.4% du montant total confié et 24% de celui recouvré. Selon une étude de AQ______[17] le taux moyen de recouvrement était de l'ordre de 60% au niveau mondial et de 50% en Suisse, ce qui correspondait à ce qui avait été annoncé par les sociétés de recouvrement suisses. La performance nette de O______ SA avant 2007 avait été de 31.7%.

9. Ouverture de la procédure et autres déclarations pertinentes

c''. Suite au rapport d'audit 2015, A______ a été suspendu de ses fonctions puis de son traitement, par décisions des 22 juin et 17 juillet 20015. Une enquête administrative à son encontre a été mise en oeuvre.

Parallèlement, soit par courrier du 25 juin 2015, les HUG ont résilié avec effet immédiat le mandat de C______.

d''. De son côté, la CdC, qui avait mené en parallèle à ceux de l'audit interne les travaux ayant abouti à son propre rapport d'audit n° 96 de décembre 2015, a dénoncé en date du 24 juin 2015 au MP les agissements de A______, réservant copie de sa communication aux HUG.

e''. Par courrier du 17 juillet 2015, les HUG ont déposé plainte pénale à l'encontre de A______ ou toute autre personne impliquée, se constituant partie plaignante.

Le MP a réuni un volumineux dossier et conduit de nombreux actes d'enquête. Son instruction a notamment porté sur la recherche d'avantages consentis par C______ à A______, mais aucun n'a été identifié.

f''. Au cours de la procédure, outre les propos déjà rapportés supra, les prévenus ont encore fait les déclarations pertinentes suivantes :

f''.a. A______ conteste toute infraction. Il avait proposé C______ comme avocat en raison de sa double formation commerciale et juridique. Il n'avait dans un premier temps pas fait de statistiques du coût de la rémunération forfaitaire de CHF 42.-, puis avait réalisé que ce coût augmentait, parce que les HUG s'étaient mis à émettre beaucoup de petites factures et à accélérer le rythme. Il avait alors informé sa hiérarchie de la hausse des dépenses induite, sans parler du forfait. Il y avait eu une augmentation des factures à recouvrer en 2008, lorsqu'il avait été décidé de poursuivre les assurances, décision qui lui avait été communiquée par J______ et, oralement par T______[18]. Puis, en 2013, les factures avaient diminué, ce dont « on » s'était aperçu en 2014-2015. Il avait alors proposé de revoir le processus de facturation et de renégocier le contrat de C______.

Il avait toujours estimé que le système global de rémunération convenu était rentable pour les HUG par comparaison avec les tarifs de O______ SA ou d'autres offices de recouvrement. Au fur et à mesure du développement du processus, il s'était mis d'accord avec C______ sur les éléments qui pouvaient être facturés sur le plan juridique et ce qui était inclus dans le forfait, s'inspirant du système O______ SA. S'agissant de l'aspect administratif, il avait procédé par référence au temps qu'aurait pris un collaborateur des HUG pour effectuer la tâche considérée et à son coût, de l'ordre de CHF 80.- à 100.-/heure. Le temps pris par le mandataire n'avait en revanche pas été un critère.

Les trois types de factures de C______ concernaient trois choses différentes, soit le forfait pour le début du dossier, le tarif horaire et le success fee mensuel. Il n'avait pas considéré problématique que l'on ne pût identifier le coût de l'intervention par dossier car cela n'était pas possible. Il avait néanmoins été en mesure de s'assurer que, dans l'ensemble, le système était rentable.

La thèse de l'accusation consistant à comparer les montants encaissés au titre des factures « sommation » et « contentieux » avec ce que C______ aurait pu facturer à un taux de CHF 220.-/heure sur une base de huit heures par jour, à temps partiel, à l'exclusion du travail de son personnel administratif, conformément aux règles applicables aux honoraires d'avocat, était erronée car l'approche avait été faite « dans l'autre sens » : C______ et lui avaient listé les activités non susceptibles d'être facturées « en plus » à CHF 220.-/heure, et qui devaient être couvertes par le forfait de CHF 42.-. Cela était moins coûteux que de tout facturer au time-sheet et avait aussi permis une énorme économie de ressources aux HUG. Il fallait examiner le dossier dans sa globalité au lieu de se focaliser sur les forfaits et performance fees en faisant abstraction du taux horaire très bas de CHF 220.-. Le contrat conclu avec les HUG n'était pas un contrat d'avocat, mais un contrat mixte d'avocat et de fiduciaire pour les travaux administratifs et comptables, comme pour une société de recouvrement, avec un seul et même interlocuteur, ce qui facilitait les choses. Le fait qu'il y ait eu une formalisation du tarif horaire de l'avocat et des procurations-type de l'ODAGe n'excluait pas la conclusion, en parallèle, d'un contrat de fiduciaire non écrit.

Il avait été informé des règles applicables au pactum de palmario par Me P______, avait été assisté par le Service juridique et avait répercuté cela à J______, qui n'avait pas demandé de vérifications supplémentaires. Pour A______, les aspects juridiques d'un contrat n'étaient pas de sa compétence, mais bien ceux financiers. C'était du moins ce qu'il avait compris. Lors de la conclusion du contrat avec C______, il était anticipé que le volume du recouvrement allait être quatre à cinq fois plus important que ce qui avait été confié à O______ SA avant fin 2006.

Personne n'avait évoqué des doutes, tout au long du mandat, sur le système mis en place, les seules remarques reçues visaient à augmenter la cadence et le volume du recouvrement. La question ne lui avait notamment pas été posée lors des séances annuelles et, si elle l'avait été, il aurait répondu.

Sous réserve d'une bouteille, A______ n'avait jamais perçu, ni directement ni indirectement, le moindre avantage de la part de C______. Au lieu de cela, ou simplement de félicitations pour le travail accompli, il n'avait eu que des ennuis.

Devant le TCO, A______ a affirmé que la question des honoraires n'était, au moment de la mise en oeuvre du nouveau mandataire, pas un élément important. Ce qui l'était, c'était de trouver une nouvelle solution en quelques jours, soit entre le 3 et le 22 janvier 2007, date à laquelle il fallait résilier le contrat O______ SA. Il avait, en cours de mandat, proposé de faire une analyse du coût complet du recouvrement, mais il lui avait été répondu que cela n'intéressait personne. On lui avait plutôt demandé le coût par procédure, qu'il n'était pas possible de déterminer. Il n'avait pas répondu à la demande de N______ du 27 mai 2013 parce qu'il ne dépendait pas d'elle. Quant à celle de J______ du 19 juin 2013, malgré son libellé, elle tendait à autre chose, soit « un rapport sur la mise en valeur du secteur des débiteurs, le niveau de performance, la complexité et la difficulté du travail effectué ». Il avait demandé à S______ de s'en charger, mais, notamment en raison des vacances d'été, le rapport demandé n'avait pu être établi avant le départ du Directeur administratif et financier.

Il n'avait jamais été préoccupé par l'idée de plaire à sa hiérarchie. Comme déclaré par T______, il n'était pas quelqu'un qui tenait à donner une image flatteuse de lui-même.

Il demeurait convaincu que le coût annuel de l'intervention de C______ avait été justifié, tant au regard de l'activité déployée que des résultats obtenus, et conforme aux prévisions. La conclusion qu'il tirait de ce qui était arrivé était qu'il n'aurait pas dû s'impliquer comme il l'avait fait. Lorsqu'il avait fallu rapidement trouver une solution, il aurait dû s'en remettre à sa hiérarchie, attendre ses instructions et les exécuter. Il avait, naïvement, voulu se mêler de tout, en pensant bien faire. Il aurait également dû être plus formaliste, au lieu de se tenir aux habitudes des HUG, et envoyer chaque année un courriel à J______ lui rappelant ce que le recouvrement avait rapporté, ce qu'il avait coûté et sa demande d'internaliser. Il ne pensait pas avoir été manipulé par C______ qui l'aurait amené à croire qu'il offrait une prestation correspondant à la rémunération convenue. C______ avait fait ce qui lui avait été demandé, ce au juste prix.

En appel, le premier prévenu a précisé qu'il n'avait pas d'emblée réalisé que le forfait de CHF 42.- représenterait un montant de l'ordre de CHF 200'000.- par mois. Il était vrai que J______ ne savait pas exactement ce qui était payé et, à vrai dire, il ne le savait pas non plus, son objectif ayant été que le coût du mandat confié à C______ ne fût pas supérieur au prix du marché. En fait, il n'avait pas calculé le coût du marché, mais le coût interne représenté par ce que chaque tâche confiée à C______ aurait impliqué si elle avait été effectuée par des collaborateurs des HUG.

Il ne pensait pas avoir induit J______ en erreur en employant l'expression de « pactum de palmario », propre à la rémunération de l'avocat, car ces termes ne concernaient que la phase judiciaire et n'avaient été utilisés qu'à une reprise, suite à quoi son supérieur avait demandé la confirmation écrite du 24 janvier 2007 ; pour la phase des sommations, il parlait de success fee.

Il n'avait jamais rien voulu cacher et, s'il avait eu cette intention, il n'aurait pas procédé comme il l'avait fait, une lecture des comptes permettant de tomber « pile poil » sur la ligne du montant du recouvrement, lecture que J______, directeur financier, flanqué de deux adjoints qui suivaient de près les dépenses, était parfaitement en mesure de faire.

f''.b. C______ a également constamment nié avoir commis la moindre infraction. Il avait été approché par A______ et U______ (son épouse connaissant celle de ce dernier), sans que la question des honoraires ne soit abordée. Par la suite, A______ lui avait proposé le taux horaire de CHF 220.- + la prime de résultat, et ultérieurement le forfait. A______ lui avait communiqué les conditions pratiquées par les sociétés de recouvrement, notamment O______ SA dont l'activité faisait perdre de l'argent aux HUG.

A son sens, les HUG étaient parfaitement en mesure d'identifier, avec précision, ce qu'ils lui payaient, dès lors que tout était dûment facturé, par le biais de ses trois types de notes d'honoraires. Ces dernières portaient sur des choses différentes, soit une part hors procédure, une part procédure et le success fee. Il y avait aussi des frais administratifs facturés au cours de la phase procédurale. Les HUG pouvaient également calculer le coût moyen par patient puisqu'il fournissait des statistiques, lors de séances annuelles. Entre 2009 et 2011, N______ avait dit que c'était trop cher. Le montant réclamé au titre de l'art. 106 CO avait alors été augmenté. Il avait le sentiment d'avoir été transparent et d'avoir exécuté le mandat au « plus strict » de sa conscience.

Il n'avait pas été envisagé d'appliquer un forfait initial dégressif, étant rappelé que le mandat n'était censé être que momentané, dans l'attente d'une internalisation. Dans cette optique, il avait rédigé un guide du recouvrement à l'attention des collaborateurs des HUG, prestation qu'il n'avait pas facturée. Cette internalisation n'avait cependant pas eu lieu. Après les deux premières années, il avait constamment demandé que son activité fût allégée et quand elle allait prendre fin, mais, en raison du manque chronique d'effectifs de l'hôpital, A______ lui avait au contraire confié de plus en plus de tâches. Les TAF avaient alors été introduites pour éviter une explosion du coût. Le travail effectué avait en grande partie consisté en une activité de fiduciaire, mais sous le contrôle d'un avocat. Il n'avait pas facturé cela au tarif d'un avocat, mais au moyen du forfait. De plus, les demandes de mainlevée avaient par exemple été forfaitisées (CHF 165.- pour les patients et CHF 220.- pour les assurances).

Il n'avait jamais laissé entendre qu'il effectuait tout le travail en personne. Les collaborateurs des HUG étaient d'ailleurs quotidiennement en contact avec son propre personnel administratif.

Ses objectifs avaient été d'obtenir des paiements le plus rapidement possible et d'éviter des procédures judiciaires longues et coûteuses. Il avait certes bien gagné sa vie, mais cela n'avait pratiquement rien coûté aux HUG, lesquels avaient recouvré CHF 200 millions, contrairement à ce qui avait été le cas par le passé. On était venu le chercher parce qu'il y avait un problème. Il avait été requis de « nettoyer les écuries d'Augias ».

A l'instar de A______, C______ a réfuté le calcul de sa rémunération proposé par le MP par référence au taux horaire et au nombre d'heures facturables d'avocat, exposant que ce n'était pas ce qui avait été convenu et qu'une grande partie du travail effectué, soit le « travail fiduciaire » ne l'avait précisément pas été par lui, mais par son personnel administratif. Hormis lui-même et les deux sous-traitants, aucun avocat n'avait travaillé sur le dossier.

f''.c. Le successeur de A______ à la tête du Service des comptabilités, AB______, avait, à son entrée en fonction, totalement internalisé le recouvrement des patients suisses, ce qui avait pris environ 100 heures de travail. Quatre nouveaux ETP avaient été alloués à cette fin. La charge supplémentaire résultant de l'internalisation était de l'ordre de CHF 400'000.-/année. Le volume était de 20 à 25'000 sommations par année pour ces patients, et 12 à 13'000 CDP pour des rentrées de l'ordre de
CHF 3 millions sur CHF 20 millions. Le nombre de factures aux patients avait baissé d'environ 40%. Pour ce qui n'était pas internalisé, les HUG avaient recours aux services de O______ SA et de [la société de recouvrement] AR______.

Seul A______ avait une vision complète de la relation avec C______, dès lors que le responsable du secteur fournisseurs voyait la facturation au net, celui du secteur débiteurs la comptabilisation des notes ainsi que les ajustements dans les comptes et celui de la comptabilité générale la comptabilisation avec les notes de crédit. Les diverses anomalies constatées avaient échappé à l'audit interne et aux réviseurs, ces derniers ayant dès lors été remplacés. Il était exact que la lecture du Grand livre aurait permis d'identifier l'intégralité du coût du recouvrement, mais une très grande partie de l'administration des HUG, soit le Conseil d'administration, le Directeur général et le Comité de direction ne s'y attelait pas. Il ignorait ce qu'il en était du Directeur financier à l'époque. Désormais, le contrôle interne effectuait des vérifications de sorte que ce type d'opérations n'était plus possible.

f''.d. Sur ses rapports avec A______, J______ a déclaré que ce dernier s'occupait largement de ce dossier et qu'il lui avait demandé à plusieurs reprises de transmettre cette tâche à S______, ayant besoin de lui pour d'autres questions, mais le prévenu écoutait peu ce qu'il disait, le témoin n'ayant cependant jamais fait d'évaluation négative le concernant (PP E - 280-281 et clef USB G - 190). A l'audience de jugement, il a encore affirmé qu'il l'appréciait et avait confiance en lui (PV TCO 12.12.18, p. 10).

10. Appréciation en fait de l'activité de C______ et de son coût

g''. Vu les éléments du dossier, on ne saurait nier que C______ a effectué un travail très important pour les HUG, se chargeant en définitive de concevoir, puis de conduire durant huit ans et demi la quasi-totalité du recouvrement d'une institution de cette taille, à une période critique suite à l'abandon du système du tiers-payant, même si une partie de la tâche était accomplie au sein de l'hôpital, par ses propres collaborateurs.

Néanmoins, il reste qu'il a pu offrir cette prestation en ne mobilisant que relativement peu de ressources, soit son propre temps, à 50% en moyenne, ses employés non juristes pour une masse salariale variable, de l'ordre d'un à 4.7 ETP selon les périodes, des frais généraux (incluant dite masse salariale) de, en moyenne, CHF 1'226'552.- par année, chiffre articulé par lui-même, plus les services de deux avocats sous-traitants.

h''. Si des critiques ont été formulées au cours de l'instruction de la cause sur certains aspects[19], il demeure que le bilan global de la seule performance (performance « brute » selon la note du 8 juin 2015) doit être tenu pour au moins adéquat au regard des résultats, soit le recouvrement de plus de CHF 212'000'000.- sur les CHF 300'000'000.- de factures confiées. De même, il est jugé que la direction des HUG attribuait de l'importance à l'efficacité du recouvrement, sans avoir véritablement pris la peine de s'interroger sur la question de son coût, ce qui ne signifie pas encore que la parcimonie n'était pas un objectif au moins implicitement inhérent à tout acte de gestion. En ce sens :

h''.a. U______ a relaté que la question du coût du recouvrement n'était pas évoquée au Comité de direction, alors que celles du suivi de la facturation et de l'encaissement l'étaient. Il a cependant nuancé son affirmation, précisant qu'il n'avait pas eu d'écho au sujet de la performance du second prévenu (PP E - 232 et 236).

h''.b. Pour K______, un taux de performance de 60% net, résultant du rapport argent recouvré moins frais de justice et du prestataire, n'était pas anormal ; d'un point de vue macro-économique, cela ne posait pas de problème (PP E - 842/843).

h''.c. Lorsqu'il était encore en fonction, le Directeur général T______ avait été satisfait des résultats, ou du fait que les réconciliations n'étaient plus nécessaires, à l'aune de sa « vision macro ». Les attentes étaient que le système fût fiable économiquement, performant, rapide, tout en préservant autant que possible la relation HUG-patients (PP E - 406/407).

h''.d. Sans s'exprimer sur la performance, son successeur a concédé que la direction n'était pas informée de la structure des honoraires de C______ et des conditions d'attribution du mandat, étant précisé que le recouvrement n'était pas un thème principal (PP E - 1'433). Les éléments résultant de la note du 8 juin 2015 ne mettaient pas en évidence quelque chose d'anormal, dite note n'ayant cependant pas emporté sa conviction, ni celle du Président du Conseil d'administration, qui a déclaré la même chose, par référence au montant des honoraires annuels désormais connus de l'ordre de CHF 6 millions (PP E - 1'430 et 1'434 et E - 1'5171).

h''.e. J______, comme il a été vu, a été fort peu curieux s'agissant d'identifier le coût du recouvrement, n'intervenant, assez mollement, que lorsque ses collaborateurs se faisaient pressants et n'explorant pas, après la résiliation du mandat confié à ce protagoniste, la piste des possibles économies signalée par AA______.

h''.f. Le peu d'attention que les HUG prêtaient au rapport coût/performance se déduit encore du fait que le nouveau contrat avec O______ SA a été conclu à la hâte, fin 2007, afin d'échapper à la contrainte de passer par un appel d'offres dès le 1er janvier suivant.

i''. Les informations concernant l'activité de O______ SA et celles recueillies par le MP auprès de deux autres sociétés de recouvrement de la place (PP E - 186 et
C - 7'335) ne permettent pas de remettre en cause l'argument des prévenus selon lequel, à volume égal, les tarifs convenus avec C______ n'étaient pas supérieurs, et très vraisemblablement inférieurs, sans préjudice de ce que les TAF ne relèvent pas de prestations fournies par de telles entreprises. D'ailleurs, l'accusation ne soutient pas qu'une officine de recouvrement aurait facturé moins.

j''. Autre est la question de savoir si A______ n'aurait néanmoins pas pu négocier des tarifs plus avantageux pour les HUG.

k''.a.a. Les prévenus ont tous deux soutenu devant la CPAR que l'argument tiré de la comparaison avec les coûts de O______ SA n'était pas biaisé du fait que le volume confié à C______ était très important, beaucoup plus que ce qui a jamais été traité par O______ SA. En effet, selon eux, il n'y avait pas d'économie d'échelle à réaliser sur un mandat de recouvrement de masse, à tout le moins pour les patients, l'activité demeurant la même. La seule économie envisageable concernait les assurances, raison pour laquelle A______ avait, en cours de mandat, demandé à C______ d'appliquer un taux dégressif pour la performance fee (PV CPAR, p. 11, 12 et 21).

Cette réponse n'est pas satisfaisante, dans la mesure où la question n'est pas celle d'une possible réduction unitaire du travail exigé par chaque tâche, grâce au traitement de masse, mais bien celle de la diminution de la marge réalisée par C______.

k''.a.b. D'entrée de cause, celui-ci a déclaré que le mandat l'avait intéressé parce que « cela sortait un peu de [son] dicastère et il y avait un joli challenge. [Il savait] en outre que l'Etat subventionnait les HUG et que ce sont les contribuables qui payaient » (PP E - 10). Devant le TCO, il a derechef évoqué son intérêt pour ce « challenge ». Il avait été motivé par l'idée de créer quelque chose. La question des honoraires n'avait été que très subsidiaire et d'ailleurs évoquée a posteriori seulement (PV TCO 11.12.18, p. 13).

Ce prévenu est décrit par les témoins de moralité dont il a requis l'audition comme, notamment, travailleur, curieux, motivé davantage par le défi intellectuel et l'envie d'aller au fond des choses que l'intérêt financier (cf. plus particulièrement PV TCO, 13.12.18, p. 9 et 11 ; PV CPAR, p. 31 et 33).

Néanmoins, requis en audience d'appel de dire s'il aurait accepté le mandat pour une rémunération annuelle de l'ordre de CHF 1'384'000.- nette des charges et des honoraires des avocats sous-traitants[20], C______ a répondu par la négative car il ne voyait pas pourquoi il aurait dû se contenter de ce montant, tandis que O______ SA aurait facturé CHF 6'000'000.-. Alors que la cause avait été gardée une première fois à juger, C______ a, sous sa propre plume, nuancé son propos, écrivant à la CPAR que sa réponse avait été dictée par l'émotion et que l'homme qu'il aurait dû rester aurait répondu par l'affirmative, si cela avait permis d'éviter à ses proches ce qu'ils enduraient depuis plus de quatre ans. Ce courrier a été communiqué à son défenseur et aux autres parties, sans susciter de réaction (dossier CPAR, pièces nos 44 et 45).

Lors des débats d'appel, C______ a aussi soutenu qu'après déduction des impôts et des cotisations AVS du montant calculé par la CPAR, son revenu net n'aurait guère été que de CHF 500'000.-, soit moins de ce qu'il réalisait précédemment (PV CPAR, p. 22). Cette affirmation est inexacte car, selon l'avis de taxation produit par l'intéressé en appel, le revenu brut (soit avant impôts et charges sociales) provenant de son activité professionnelle pour l'année 2006, a été de CHF 684'285.-
(CHF 16'000.- + 300'000.- + 368'285.- ; dossier CPAR, pièce n° 32.1).

k''.a.c. En conclusion, lorsque A______ lui a proposé le mandat, C______ réalisait un revenu annuel brut de l'ordre de CHF 700'000.- ce qui est en phase avec l'étude à laquelle se réfère le MP selon laquelle, en 2012, le chiffre d'affaire moyen en Suisse d'une Etude d'avocats employant plusieurs collaborateurs était de l'ordre de
CHF 1'500'000.-. Rien n'indique qu'il était à la recherche d'une diversification de ses activités ou même d'un changement complet d'orientation dans la perspective d'augmenter très sensiblement son revenu. Au contraire, grand travailleur, il était surtout mû par l'intérêt et le défi intellectuels ; il avait en outre à coeur la sauvegarde des intérêts des contribuables, lesquels supportent in fine la charge d'une infrastructure telle celle des HUG. Lors de la conclusion du contrat, il s'est d'ailleurs contenté, selon les dires des deux prévenus, d'accepter le mode de rémunération proposé par A______ et, en cours de mandat, il a accepté sans difficulté de réduire le success fee sur les montants payés par les assurances.

Il est dès lors retenu, en fait, qu'une importante marge de négociation existait et que A______ aurait pu convaincre C______ d'accepter le mandat pour une rémunération annuelle, nette des frais généraux et des honoraires des sous-traitants, bien inférieure à celle découlant des divers forfaits, rémunération horaire et success fee litigeux. Le montant en est estimé comme se situant entre CHF 1'500'000.- et CHF 2'000'000.- selon le volume de travail (le nombre de factures confiées ayant été plus important de 2009 à 2011 et les TAF ayant été ajoutées). Un tel montant est déjà très important, même en tenant compte de la part de conception du système, qui a une valeur économique, et de la responsabilité assumée par le mandataire à ce titre, d'autant plus qu'il ne s'agissait que d'une activité à temps partiel (50% en moyenne). Ce montant est retenu au titre de l'hypothèse la plus favorable à la défense - notamment pour la première année, où l'activité était démarrante -, mais restant dans la limite (extrême) du réaliste.

Aussi, la somme moyenne facturable annuellement aux HUG aurait pu être de l'ordre, au plus, de CHF 3'630'000.- (CHF 2'000'000.- + 1'226'552.- [charges] + 404'000.-[21] [honoraires sous-traitants, arrondis]).

k''.a.d. La Cour estime qu'il ne lui appartient pas de dire comment précisément, A______ et C______ auraient pu articuler la rémunération du second (cf. aussi infra consid 9.2.1). Il suffit de constater que cette enveloppe de l'ordre de CHF 3'630'000.- aurait permis une rémunération de l'intéressé tout à fait acceptable pour lui.

Certes, il ne s'agit que d'une appréciation faite a posteriori, alors que le montant des charges de la structure C______, de même que celui des honoraires des sous-traitants, dépendant du volume confié, ne pouvaient pas être déterminés à l'avance (une estimation étant cependant possible), mais rien n'aurait empêché les protagonistes de faire régulièrement le point pour ajuster les éléments de la rémunération brute, ce qui les aurait conduits à rester dans ladite enveloppe. A une autre échelle, cela est précisément la façon dont fonctionnait la relation des HUG avec Me P______, qui était convenu avec la partie plaignante d'un forfait mensuel de CHF 21'000.-, sous réserve de vérification régulière de ses time-sheets, et complété au besoin (PP E - 2'125).

Il est vrai aussi que les choses se sont faites dans une certaine précipitation, du fait qu'il fallait résilier le contrat avec O______ SA. Cette contrainte n'était cependant que relative, dans la mesure où délai de résiliation (22 janvier 2007) et échéance du contrat (30 avril suivant) ne coïncidaient pas. En outre, A______ n'avait pas de raison de ne pas tenter au moins une négociation avec C______ et de supposer qu'en cas d'échec, aucun des nombreux autres avocats de la place n'aurait été susceptible d'accepter le mandat, le fait que le seul autre conseil concrètement approché
(Me P______ ne l'a pas été) n'ait pas manifesté d'intérêt, selon les dires du premier prévenu, n'étant pas une indication suffisante pour renoncer à explorer d'autres pistes.

De même, le fait qu'il était espéré que le contrat ne durerait pas plus de deux ou trois ans, le temps d'internaliser le processus, n'empêchait pas d'en négocier des conditions aussi bonnes que possible pour le mandant, sans préjudice de ce que rien n'a été entrepris lorsqu'il s'est avéré que ces prévisions n'étaient pas réalistes.

k''.a.e. La différence entre ce que C______ a facturé et ce qui aurait, au plus, été facturable à l'aune qui vient d'être définie est la suivante :

Facturé

Facturable au plus

Différence

2007

CHF 2'526'778.40

CHF 3'327'500.-[22]

----

2008

CHF 4'559'806.04

CHF 3'630'000.-

CHF 929'806.-

2009

CHF 7'039'385.68

CHF 3'630'000.-

CHF 3'409'385.-

2010

CHF 8'023'750.45

CHF 3'630'000.-

CHF 4'393'750.-

2011

CHF 7'950'882.50

CHF 3'630'000.-

CHF 4'320'882.-

2012

CHF 6'740'231.65

CHF 3'630'000.-

CHF 3'110'231.-

2013

CHF 5'725'964.05

CHF 3'630'000.-

CHF 2'095'964.-

2014

CHF 5'103'586.55

CHF 3'630'000.-

CHF 1'473'586.-

1er sem. 2015

CHF 2'626'917.25

CHF 1'815'000.-[23]

CHF 811'917.-

Total

CHF 50'297'302.57

 

CHF 20'545'521.-

k''.b. Déterminer, au plan pénal, si A______ aurait dû négocier une rémunération de C______ inférieure d'environ CHF 20.5 millions à ce qu'elle a été et/ou si ce dernier aurait dû s'en contenter est une question juridique, qui sera discutée plus avant.

11. Situation personnelle des prévenus

i. A______

l''. A______, citoyen suisse et français, est né le ______ 1956, marié, sans enfant. Après l'obtention d'une licence en ______ en 1980, il a assisté le Professeur AS______ à l'Université de AT______ dans le cadre du cours « ______ ». Entre 1986 et 1993, il a travaillé auprès de AU______, tout en obtenant son diplôme de ______. Jusqu'en 1999, il a été collaborateur au AV______, puis a exercé en qualité d'indépendant dans [la société] de son épouse.

Il a travaillé, aux conditions déjà décrites, aux HUG du 1er juillet 2001 jusqu'à sa suspension, en été 2015, la procédure de résiliation des rapports de service étant suspendue jusqu'à l'issue de la présente procédure. Le droit au traitement a également été interrompu, de sorte que, sans revenus, A______ est depuis lors entretenu par son épouse, laquelle dispose d'une fortune personnelle, perçoit une rente AVS et exerce sa profession de ______ de façon marginale.

Les époux A______ sont copropriétaires de trois biens immobiliers à AW______ [France], à AX [France] et à H______ [GE].

A______ n'a pas d'antécédent judiciaire.

ii. C______

m''.a. De nationalité suisse, C______ est né le ______ 1956. Désormais divorcé, état qu'il impute à la procédure pénale qui a eu raison de son mariage, heureux jusqu'alors, il est père de deux enfants et a une belle-fille qu'il considère comme sa fille. Tous trois sont majeurs et plus à charge. En revanche, il est astreint à payer une contribution d'entretien mensuelle à son ex-épouse de CHF 8'000.-jusqu'à l'âge de 64 ans, convenue d'entente entre eux.

Depuis 2001, il souffre d'une sténose carotidienne, réouverte à 30%. Il s'est à l'époque trouvé hémiplégique et a été donné pour condamné. Il est de ce fait constamment sous médicaments et sous surveillance. Il doit éviter les émotions, soulignant que cela est peu compatible avec la procédure, et les chocs physiques.

Il est titulaire d'une double licence en ______ (1979) et en ______ (1981) ainsi que d'un brevet d'avocat (1983) et a été assistant du même professeur que A______, chargé des séminaires du cours de ______ à la faculté de ______ de l'Université de AT______, de la formation « ______ » de l'ODAGe et d'un cours de ______ auprès de l'Université de AY______. Depuis 2005, il est président de [l'association] R______ et est l'auteur de nombreuses publications en matière [de] ______.

Il a ouvert son étude au début des années '80, puis a créé, en parallèle, la société CABINET C______ SA, laquelle n'est pas un cabinet d'avocat, pas davantage que AZ______ & ASSOCIE SA [même patronyme que C______], société fondée par sa fille et l'associé de celle-ci. Il n'est plus inscrit au barreau depuis l'ouverture de la procédure et travaille pour cette dernière société, sur mandat, disposant d'un bureau dans ses locaux.

Il n'a pas d'antécédent judiciaire.

m''.b. Les revenus de C______ s'élevaient à environ CHF 500'000.- en 2016
(CHF 243'257.- de bénéfice net après déduction de CHF 271'970.- d'honoraires versés à ses avocats pour sa défense dans le cadre de la présente procédure). Ils sont actuellement d'environ CHF 350'000.- par an, voire davantage, pour une activité à 50%, le reste de son temps étant consacré à dite défense.

C______ ne paie pas d'impôts sur le revenu eu égard à la provision sur pertes de désormais CHF 23'000'000.-, inscrite dans les comptes de son Etude et annoncée à l'administration fiscale.

m''.c. Au jour du prononcé du jugement de première instance la fortune mobilière de C______ s'élevait à plus de CHF 14'000'000.- (jugement, annexe 6).

m''.c.a. Le MP a ordonné, le 24 septembre 2015, le séquestre pour confiscation et allocation au paiement de la créance compensatrice, de ses avoirs ci-après, mesure maintenue par le TCO :

- son compte n° 9______ auprès de [la banque] BA______, sur lequel des virements pour plus de CHF 688'000.- sont intervenus entre 2012 et 2015, mais dont le solde ne s'élevait plus qu'à CHF 73.50 en mai 2017 (PP C - 2'166 verso et 2'190) ;

- ses 10'578 actions nominatives, valant CHF 50.- l'une (CHF 528'900.- au total ; jugement, annexe 6), déposées [à la banque] BB______ sur le compte portefeuille n° 10______ ;

- son compte n° 11______ auprès de [la banque] BB______, au solde de
CHF 543'235.86 au 7 février 2020 ;

- son compte n° 12______ auprès de [la banque] BC______ ;

- ses comptes nos 13______ et 14______ auprès de Y______ ;

- les comptes nos 15______ et 16______ ouverts au nom de l'Etude C______ auprès de Y______ ;

- son compte de prévoyance 3e pilier A n° 17______ auprès de [la fondation
de prévoyance] BD______, pour un montant de CHF 79'449.- en mars 2018
(PP C - 6'963) ;

- sa prestation de sortie auprès de [la fondation de prévoyance] I______, s'élevant à CHF 8'496'185.25 au 31 mars 2019, grâce en particulier à des rachats de prévoyance à hauteur de CHF 4'410'000.- réalisés entre les 31 décembre 2007 et 22 août 2011, dont le partage a été ordonné par le juge du divorce, statuant sur requête commune.

De plus, un séquestre a été prononcé le 10 février 2017 sur le solde de ses acomptes provisionnels 2013 (CHF 516'320.-) et 2015 (CHF 194'400.-), après imputation des taxations 2013 et 2015 (PP C - 6'989 et 6'994).

m''.c.b. En revanche, le TCO a ordonné la levée des séquestres portant sur :

-       le compte n° 18______ au nom de C______ auprès de [la banque] BC______, dont le solde était négatif ;

-       le compte de crédit hypothécaire n° 19______ au nom de C______ auprès de BB______ ;

-       le compartiment de coffre-fort n° 20______ au nom de C______ auprès de BB______ ;

-       le compte joint n° 21______ au nom de C______ et F______ auprès de Y______ ;

-       le compte n° 22______ au nom de F______ auprès de BB______ ;

-       le compte de crédit hypothécaire n° 23______ au nom de F______ auprès de BB______.

La Présidente de la CPAR a confirmé la levée de la mesure, toujours en vigueur vu l'effet suspensif de l'appel, sur ces deux derniers comptes (Dossier CPAR, pièces C - 7 et 10).

m''.c.c. En 2012, C______ a acquis deux appartements de 245m2 et de 193m2 pour CHF 3'311'618.- au [no.] ______, chemin 5______, à H______ [GE]. Son (ex-)
épouse en a acheté un troisième, à la même adresse, de 195m2 au prix de CHF 1'559'488.-.

Les parts de propriété appartenant à C______, à savoir PPE 1______, PPE 2______, PPE 3______ et PPE 4______, font également l'objet d'un séquestre depuis le
24 septembre 2015, avec une restriction au droit d'aliéner, mentionnée au Registre foncier.

m''.d. C______ a effectué trois prêts sans intérêts de EUR 1'000'000.- à chacun de ses enfants et à sa belle-fille. Néanmoins, seule son ex-épouse en est formellement la créancière car elle seule est la mère des trois bénéficiaires. Ces prêts ont directement été utilisés pour permettre l'achat et la rénovation de _____ sises à BE______, en France.

12. Position de F______

n''.a. F______, née le ______ 1958, à Genève, a épousé C______ en ______1991. Leur divorce a été prononcé par jugement JTPI/8971/2019 du Tribunal de première instance du 19 juin 2019 désormais en force.

n''.b. Selon la Convention de divorce F______ est dépourvue d'avoirs de prévoyance professionnelle. En revanche, son ex-époux détenait auprès de [la fondation de prévoyance] I______, au 31 mars 2019, CHF 8'496'185.25 au titre de prestation de sortie, dont CHF 153'060.60 comme part LPP. Ces fonds ont été exclusivement accumulés durant le mariage.

n''.c. Au terme du jugement de divorce précité, le Tribunal de première instance, statuant sur requête commune, a notamment ordonné le transfert à F______ de la moitié de la prestation de libre passage auprès de I______. Cette institution ne s'est pas exécutée en raison de l'ordonnance de séquestre du 24 septembre 2015, ajoutant qu'elle n'avait pas confirmé le caractère réalisable du partage de la prévoyance professionnelle de C______.

Requis d'intervenir le Tribunal de première instance et la Présidente de la CPAR ont renvoyé F______ à faire valoir ses droits dans le cadre des débats d'appel, ce qu'elle a fait, concluant à la levée du sequestre auprès de I______ dans cette mesure ainsi qu'à la confirmation du jugement en ce qu'il avait ordonné la levée des séquestres frappant des avoirs dont elle était (co-)titulaire.

13. Honoraires et frais d'avocats des parties

o''. Les prétentions des parties en couverture de leurs frais et honoraires d'avocat seront rappelées et discutées, dans la mesure utile (cf. infra consid. 12).

 

* * * * *


 

II. EN DROIT :

1. Recevabilité

1. 1.1. Les appels et appels joints ont été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398, 399, 400 al. 3 let. b et 401 CPP). Ils sont, dans cette mesure, recevables.

1.2. Le MP et la partie plaignante étaient légitimés à reprendre, par la voie de l'appel joint, leurs conclusions tendant à la condamnation des prévenus du chef d'instigation à, ou complicité de, gestion déloyale des intérêts publics, alternativement (MP) ou concurremment (partie plaignante), à celle d'escroquerie par métier. En particulier, la partie plaignante avait un intérêt juridique à agir de la sorte (ATF 139 IV 84 consid. 1). Les prévenus ont ainsi à raison retiré à l'ouverture des débats l'incident d'irrecevabilité des appels joints sur la question de la culpabilité précédemment annoncée, ce dont il leur a été donné acte (PV CPAR, p. 3).

1.3.1. A teneur de l'art. 398 al. 5 CPP, si un appel ne porte que sur les conclusions civiles, la juridiction d'appel n'examine le jugement de première instance que dans la mesure où le droit de procédure civile applicable au for autoriserait l'appel.

Selon l'art. 317 al. 2 CPC, en appel ordinaire, la demande ne peut être modifiée qu'aux conditions de l'art. 227 al. 1 CPC, soit si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure, si elle présente un lien de connexité avec la dernière prétention (art. 227 al. 1 let. a CPC) ou encore si la partie adverse y consent (art. 227 al. 1 let. b CPC). Il faut ensuite que la modification repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (art. 317 al. 2 let. b CPC). La prise de conclusions nouvelles en appel doit être admise restrictivement car elle porte atteinte au principe du double degré de juridiction (N. JEANDIN, Code de procédure civile commenté, Bâle 2011, n. 10 ad art. 317 CPC).

1.3.2. Dans ses conclusions civiles devant le TCO des 30 novembre et 13 décembre 2018, ainsi qu'au terme de sa déclaration d'appel joint du 16 avril 2019, la partie plaignante avait arrêté ses prétentions civiles à CHF 28'037'230.28. Elle les a ensuite augmentées d'environ CHF 630'000.- aux chiffres nos 2 et 15 de son mémoire du 6 novembre 2019, concluant désormais à la condamnation des prévenus à lui payer le montant en capital de CHF 28'667'108.75.

La partie plaignante n'a fait état d'aucun fait ou moyen de preuve nouveau justifiant cette amplification. En audience d'appel, répondant à l'incident soulevé par l'appelant A______, elle a exposé qu'il s'agissait d'une simple rectification mathématique et a accepté, à titre subsidiaire, de réduire ses conclusions civiles à la somme réclamée en première instance. Il lui en a été donné acte, les conclusions civiles étant jugées irrecevables pour le surplus (PV CPAR, p. 4).

2. Questions préjudicielles et incidente

2. A l'ouverture des débats d'appel, les prévenus ont soulevé plusieurs questions préjudicielles, dont celle portant sur l'irrecevabilité partielle des dernières conclusions de la partie plaignante qui vient d'être discutée. Pour sa part, alors que la cause avait été gardée à juger une première fois, la Cour a soulevé d'office une question incidente relative à la qualification juridique.

i. Qualifications juridiques envisagées

i.a. Incident d'exclusion de la gestion déloyale des intérêts publics (art. 314 CP), subsidiairement renvoi de la cause au Tribunal correctionnel

2.1.1. Ayant retenu que les prévenus s'étaient rendus coupables d'escroquerie, le TCO n'a, selon ses termes, pas « examiné » les faits reprochés sous l'angle de la gestion déloyale des intérêts publics (ou de la gestion déloyale selon l'art. 158 CP ; jugement, consid. 4.2.1), au motif qu'ils relevaient de « manière prépondérante et [étaient] caractéristiques de l'infraction d'escroquerie ». L'appelant A______, auquel se joint son coprévenu, considère que, ce faisant, les premiers juges ont commis un déni de justice formel avec pour conséquence que la juridiction d'appel ne saurait envisager de retenir cette dernière qualification juridique sans le priver de la garantie du double degré de juridiction. Il affirme aussi que le MP aurait, de fait, renoncé à soutenir l'accusation de gestion déloyale des intérêts publics lors de son réquisitoire de première instance. Les prévenus ont partant conclu devant la CPAR à ce que les charges de gestion déloyale des intérêts publics soient tenues pour abandonnées, subsidiairement au renvoi de la cause au TCO.

2.1.2. La juridiction d'appel dispose d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 398 al. 2 et 408 CPP) sur les points attaqués (ATF 141 IV 244 consid. 1.3.3).

Selon l'art. 409 al. 1 CPP, si la procédure de première instance présente des vices importants auxquels il est impossible de remédier en procédure d'appel, la juridiction d'appel annule le jugement attaqué et renvoie la cause au tribunal de première instance pour qu'il soit procédé à de nouveaux débats et qu'un nouveau jugement soit rendu.

En règle générale, il appartient à la juridiction d'appel de corriger les erreurs commises par le tribunal de première instance dans l'établissement des faits et l'application du droit (art. 408 CPP). Eu égard au caractère réformateur de la procédure d'appel, la cassation doit rester l'exception. L'art. 409 CPP s'applique lorsque les erreurs affectant la procédure ou le jugement de première instance sont si graves - et ne peuvent être corrigées - que le renvoi au juge de première instance est la seule solution pour respecter les droits des parties, principalement pour éviter la perte d'une instance (ATF 143 IV 408 consid. 6.1). Il n'en va guère ainsi qu'en cas de déni des droits de participation à la procédure, de violation crasse des droits de la défense, lorsque l'autorité de jugement n'est pas valablement constituée ou encore si tous les points de l'acte d'accusation ou toutes les conclusions civiles n'ont pas été tranchés (ATF 143 IV 408 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_461/2018 du 24 janvier 2019 consid. 4.1). Il n'existe pas de droit à ce que le tribunal de première instance discute tous les aspects juridiques et factuels, qui apparaissent devant la juridiction d'appel et qui seront traités dans son jugement. Ce n'est que si l'administration des preuves en première instance a été inexistante ou quasi inexistante et que le condamné n'a pas pu bénéficier de débats réguliers de première instance que la juridiction d'appel devra casser le jugement de première instance et renvoyer la cause à l'autorité précédente (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1269/2017 du 16 janvier 2019 consid. 1.4).

2.1.3. En l'occurrence, le MP a dans son acte d'accusation proposé, alternativement pour l'appelant A______, et concurremment pour l'appelant C______, la qualification juridique de gestion déloyale des intérêts publics (ou d'instigation à cette infraction, s'agissant du second) et d'escroquerie par métier, décrivant tous les faits pertinents pour l'examen des deux infractions. Les débats de première instance ont porté sur ces faits, de sorte que la garantie du double degré de juridiction - au demeurant relative, comme l'appelant A______ l'a lui-même rappelé, évoquant l'arrêt non publié 6B_352/2018 du 27 juillet 2018, consid. 3.2.1 - est respectée. Tout en affirmant qu'il n'examinerait pas l'infraction de gestion déloyale des intérêts publics, le TCO l'a en réalité traitée, pour l'écarter, au motif que les faits
relevaient « de manière prépondérante et [étaient] caractéristiques de l'infraction d'escroquerie ». La question de savoir s'il a eu raison de procéder de la sorte relève de la compétence de la juridiction d'appel et lui est soumise, par le moyen des appels joints. La décision de ne retenir que l'escroquerie (aggravée) ne lie en définitive que le TCO. La CPAR à toute latitude pour examiner si les faits en question relèvent aussi ou plutôt de l'art. 314 CP (voire de l'art. 158 ch. 1 al. 1 CP ; cf. infra
consid. 2.2 et 7), le droit d'être entendu des parties étant par ailleurs respecté.

i.b. Qualification juridique de gestion déloyale (art. 158 ch. 1 al. 1 CP)

2.2. En prolongement de ce qui précède, il convient d'examiner ici la question incidente soulevée d'office par la CPAR, après interruption de sa délibération.

2.2.1. L'acte d'accusation proposait, pour les faits qualifiés de gestion déloyale
des intérêts publics s'agissant du prévenu A______ et d'instigation à ladite infraction en ce qui concerne le prévenu C______ (chefs B.II.2 et C.VI.7), également la qualification juridique subsidiaire de gestion déloyale au sens de « l'art. 158 CP » pour le premier nommé (chef B.II.2.3 [second ch. 2.3, l'acte d'accusation comportant par erreur deux fois ce chiffre]) ou d'instigation à gestion déloyale pour le second (chef. C.VI.8). A la demande de la partie plaignante, soutenue par le MP, le TCO a informé les parties de ce que les faits reprochés au prévenu C______ seraient également examinés sous l'angle de la complicité de gestion déloyale des intérêts publics, subsidiairement de gestion déloyale, étant précisé que les prévenus s'en sont rapportés à justice à cet égard (PV TCO 10.12.18, p. 7). En appel cependant, la qualification de gestion déloyale simple n'a plus été évoquée, notamment pas dans les appels joints du MP et de la partie plaignante, ou, d'office, par la Cour.

Or, durant sa délibération, il est apparu à la juridiction d'appel que les faits visés sous points B.II.2 et C.VI.7 de l'acte d'accusation pouvaient devoir être examinés également sous l'angle de l'art. 158 ch. 1 al. 1 CP.

Aussi, par courrier du 14 janvier 2020, les parties ont été invitées à se prononcer sur la qualification juridique de la « gestion déloyale de l'art. 158 ch. 1 CP pour le prévenu A______, d'instigation à / complicité de dite infraction pour le prévenu C______ », si elles l'estimaient utile, la Cour relevant que ce qui avait été amplement déjà plaidé au titre de la gestion déloyale des intérêts publics (ou de la participation à telle infraction) devrait trouver application mutatis mutandis.

2.2.2. Lors de l'échange d'écritures qui s'en est suivi :

-       le MP s'est brièvement déterminé sur le fond, comme requis ;

-       la partie plaignante a plaidé en faveur de la qualification juridique de gestion déloyale des intérêts publics ;

-       les prévenus, tout en reprochant un manque de précision au courrier de la Cour qui n'indiquait pas quelle hypothèse de l'art. 158 ch. 1 CP était envisagée, ont soutenu qu'il n'était pas possible, la cause ayant été gardée à juger, d'interrompre la délibération et reprendre les débats pour envisager une nouvelle qualification juridique. L'appelant A______ retenait en outre qu'à supposer que l'on pût procéder de la sorte, les débats devraient nécessairement se poursuivre par la voie orale. Il a enfin brièvement abordé le fond, rappelant que l'élément constitutif du dommage n'était à son sens pas réalisé ;

-       à réception de la détermination de la partie plaignante, cet appelant s'est plaint de ce que celle-ci revenait sur les conditions d'application de l'art. 314 CP et a requis qu'elle soit écartée de la procédure, ce à quoi la partie plaignante s'est opposée.

 

2.2.3. Par décision du 14 février 2020, la Présidente de la juridiction d'appel a :

-       admis l'incident de l'appelant A______ relatif à l'écriture de la partie plaignante, celle-ci portant effectivement sur une question qui était toujours gardée à juger, de sorte qu'aucun commentaire supplémentaire n'était recevable. Dite écriture n'était partant pas versée à la procédure, mais classée dans une cote séparée, afin de permettre un contrôle de cette décision par le Tribunal fédéral ;

-       pris acte de ce que la défense considérait qu'il n'était pas possible, à ce stade de la procédure, d'envisager une appréciation juridique divergente ;

-       pris acte également de ce que la défense considérait que sa précédente communication n'était pas claire et entrepris d'apporter les précisions requises soit que :

·      la CPAR s'interrogeait sur la qualification juridique de l'art. 158 ch. 1 al. 1 CP (ou de participation à une telle infraction) ;

·      cela alternativement à celle de l'art. 314 CP proposée dans l'acte d'accusation, étant rappelé que ledit acte contemplait déjà la gestion déloyale à titre subsidiaire ;

·      de sorte que, afin de respecter le droit d'être entendu des parties, elle avait, par courrier du 14 janvier 2020, ré-ouvert les débats sur cette question exclusivement.

Ces précisions apportées, il était considéré que les parties pouvaient exercer leur droit d'être entendues par écrit, eu égard également à la préoccupation de ne pas retarder l'issue de la procédure. Toutefois, si une partie le requérait, une audience serait tenue.

Aussi, un nouveau délai leur était octroyé pour, toute incertitude sur le champ de la question posée dissipée, se déterminer sur le fond, répondre aux déterminations déjà reçues et dire si une audience était requise. A l'échéance du délai, la cause serait derechef gardée à juger à moins qu'une audience n'ait été demandée.

2.2.4. Une audience a été appointée, le MP et les HUG l'ayant requis, alors que la défense s'y opposait et se refusait à tout commentaire supplémentaire, considérant que le changement de qualification juridique envisagé était tardif. L'audience a cependant dû être reportée, vu les mesures soudainement mises en place pour contenir la pandémie de la Covid-19.

En prévision des débats, qui ont en définitive eu lieu le 8 mai 2020, le prévenu A______ a notamment produit un avis de droit tenant la possibilité de rouvrir les débats dans le seul but d'envisager une qualification juridique divergente pour « douteuse », et concluant qu'en tout état cela contreviendrait « sans doute » au principe de la bonne foi et à l'interdiction de l'abus de droit.

A l'ouverture des nouveaux débats, la défense a conclu à la révocation de l'ordonnance présidentielle du 14 janvier 2020 et de tous les actes de procédure ultérieurs, la cause devant être gardée à juger étant précisé que l'appelant C______ a concédé qu'il avait d'emblée bien compris quelle était la question posée par la juridiction d'appel. Le MP et la partie plaignante ont développé les motifs pour lesquels ils estimaient que la Cour pouvait procéder ainsi qu'elle l'avait fait et envisager une qualification juridique divergente.

2.2.5.1. L'art. 9 CPP consacre la maxime d'accusation. Selon cette disposition, une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. En effet, le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (arrêt 6B_503/2015 du 24 mai 2016 consid. 3.1 non reproduit aux ATF 142 IV 276 ; ATF 126 I 19 consid. 2a). Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation, mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP). Le principe de l'accusation découle également de l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101 ; droit d'être entendu), de l'art. 32 al. 2 Cst (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre soi) et de l'art. 6 ch. 3 let. a de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation ; arrêt 6B_503/2015 du 24 mai 2016 consid. 3.1 non reproduit aux ATF 142 IV 276).

Lorsque le tribunal entend s'écarter de l'appréciation juridique que porte
le ministère public sur l'état de fait dans l'acte d'accusation, il en informe
les parties présentes et les invite à se prononcer (art. 344 CPP). Dans cette situation, les faits, tels qu'ils sont présentés dans le texte de l'acte d'accusation, forment
les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de plusieurs infractions. La doctrine cite par exemple le cas du vol contenu dans l'infraction de brigandage ou la commission à titre de complice contenue dans celle d'auteur principal (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER [éds], Schweizerische Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd., Bâle 2014, n. 5
ad art. 344).

Tant dans le cas de l'art. 333 CPP que dans celui de l'art. 344 CPP, le tribunal souhaite s'écarter du contenu de l'acte d'accusation. Dans la première hypothèse, c'est la partie factuelle qui ne correspond pas à l'appréciation qu'il s'est faite de l'affaire : un renvoi devant le ministère public de l'acte d'accusation s'impose ; dans la seconde, c'est la partie juridique et un tel renvoi n'est pas nécessaire.

Dans le prolongement logique de l'art. 344 CPP, l'art. 350 al. 1 CPP, dispose qu'au cours de sa délibération, le tribunal n'est pas lié par l'appréciation juridique proposée par le Ministère public. Toutefois, si une appréciation juridique divergente n'est envisagée qu'à ce stade, la délibération doit être interrompue et la faculté doit être donnée aux parties de se déterminer à cet égard, au sens de l'art. 344 CPP, en audience ou même simplement par écrit (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds], Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 5 ad art. 350 CPP; N. SCHMID / D. JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung : Praxiskommentar, 3e éd, Zurich 2017, n. 2 ad art. 350 CPP ; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER [éds], op. cit, n. 11 ad art. 350 CPP ; A. DONATSCH / T. HANSJAKOB / V. LIEBER [éds], Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), 2e éd., Zurich 2014, n. 2 ad art. 350 CPP).

2.2.5.2. On peut se demander si on se trouve en l'espèce véritablement dans l'hypothèse d'une appréciation juridique différente de celle proposée dans l'acte d'accusation, dès lors que ledit acte envisageait bien, à titre subsidiaire, l'application de l'art. 158 CP (cum l'art. 24 CP s'agissant du prévenu C______, ce que le TCO a étendu à l'hypothèse de la complicité selon l'art. 25 CP). Néanmoins, il est vrai, comme déjà rappelé, que la question n'a plus été discutée en appel, le MP et la partie plaignante ne l'ayant pas reprise dans leurs conclusions sur appel joint et la Cour ne l'ayant pas entrevue avant la délibération. Soucieuse de respecter le droit d'être entendu des parties, la juridiction d'appel a donc préféré procéder comme s'il s'agissait bien d'un raisonnement juridique entièrement nouveau.

Contrairement à ce que soutient la défense, on ne saurait déduire du texte de l'art. 349 CPP que la délibération ne peut être interrompue et les débats repris qu'en présence de la nécessité de compléter les preuves. La question de l'appréciation juridique divergente est en effet régie par une autre disposition, soit l'art. 350 al. 1 CPP, dont l'abondante doctrine précitée considère, à raison, qu'elle s'applique également au cas où la qualification juridique différente n'est considérée qu'au moment de la délibération, le tribunal devant cependant dans ce cas l'interrompre pour donner aux parties l'occasion de s'exprimer. C'est, précisément, ce qui a été fait en l'occurrence.

Le fait que cette situation se soit présentée en appel ne change rien, les art. 350 et 344 CPP s'appliquant par analogie aux débats de seconde instance, et cela du reste même si l'autorité d'appel doit statuer à nouveau après renvoi par le Tribunal fédéral (art. 405 CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_878/2014 du 21 avril 2015 consid. 2.2). L'arrêt AARP/164/2018 consid. 2.2.2 cité par l'appelant C______ n'est pas pertinent en l'espèce, cette décision précisant uniquement que la possibilité de procéder à une appréciation juridique divergente ne saurait faire échec au principe de l'interdiction de la reformatio in pejus, cas de figure qui ne se présente pas ici.

L'avis de droit produit par l'appelant A______ n'est pas davantage de nature à contredire l'analyse qui précède : il qualifie de « douteuse » la possibilité de rouvrir les débats dans le seul but d'envisager une qualification juridique divergente, ce qui revient à ne pas l'exclure, sans réelle justification et tout en rappelant lui-même que si le Tribunal fédéral n'a pas encore eu l'occasion de trancher la question, la doctrine y est favorable. Il soutient encore que cela contreviendrait « sans doute » au principe de la bonne foi et à l'interdiction de l'abus de droit, mais sans s'en expliquer, au-delà du fait que la qualification juridique envisagée était déjà discernable avant la clôture des débats, ce qui n'est pas un motif. Comme plaidé par le MP et la partie plaignante, en recherchant une correcte application du droit de fond tout en veillant à respecter la garantie constitutionnelle du droit d'être entendu, la juridiction d'appel n'a fait que s'acquitter de sa mission, ce qui n'a rien d'abusif ou de contraire au principe de la bonne foi.

2.2.6. Aussi, rien n'interdit à la Cour, ouï les parties, d'examiner si les faits décrits dans l'acte d'accusation sous chiffres B.II.2 et C.VI.7 répondent aux conditions de l'art. 158 ch. 1 al. 1 CP (cum l'art. 24 ou 25 CP s'agissant du prévenu C______) plutôt que de l'art. 314 CP, de sorte que l'incident soulevé par la défense a été rejeté.

ii. Réquisitions de preuve

2.3. L'art. 389 al. 3 CPP règle les preuves complémentaires. La juridiction de recours peut administrer, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours. Conformément à l'art. 139 al. 2 CPP, il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité ou déjà suffisamment prouvés. Cette disposition codifie, pour la procédure pénale, la règle jurisprudentielle déduite de l'art. 29 al. 2 Cst en matière d'appréciation anticipée des preuves (arrêts du Tribunal fédéral 6B_896/2018 du 7 février 2019 consid. 2.1 ; 6B_463/2018 du 11 janvier 2019 consid. 1.1).

2.3.1. Dans sa déclaration d'appel, puis encore par courrier du 22 octobre 2019, l'appelant A______ a requis que la partie plaignante soit enjointe de produire l'ensemble des pièces en sa possession en relation avec l'intervention du mandataire externe AA______, cette mesure étant susceptible selon lui de démontrer que les modes de comptabilisation qui lui étaient désormais reprochés étaient institutionnalisés de longue date et connus ainsi qu'approuvés de sa hiérarchie, de même que d'apporter des éclaircissement sur les motifs de la mise à pied dudit mandataire. Refusée dans un premier temps, la réquisition a été admise par décision présidentielle du 23 octobre 2019, avec la précision que la réponse favorable donnée à la requête ne préjugeait pas de la pertinence de la démarche au regard des questions à trancher. La partie plaignante a dès lors produit quinze documents, précisant ne pas en avoir identifié d'autres qui ne figureraient pas déjà à la procédure. A l'ouverture des débats d'appel, les prévenus ont requis qu'une perquisition soit conduite au sein des locaux de la partie plaignante pour saisir d'éventuelles autres pièces, non produites en violation de l'ordonnance précitée.

La CPAR a considéré que les appelants n'avaient articulé aucun motif de soupçonner la partie plaignante de conserver par devers elle des pièces dont la production avait été ordonnée. Les pièces au dossier, notamment celles produites par l'appelant A______ à l'appui de sa demande du 22 octobre 2019, puis encore par courrier du 7 novembre suivant, fournissaient déjà une bonne indication de la réalité d'une pratique au sein de l'institution, consistant à passer des écritures au crédit du compte de charges no 6______/7______/8______ pour le ramener au niveau de l'enveloppe budgétaire, et permettaient de retenir que la résiliation du mandat de AA______ n'avait pas été causée, à tout le moins pas exclusivement, par l'ancien Chef du Service des comptabilités. La mesure requise n'était donc plus nécessaire. Elle n'était pas non plus pertinente, à tout le moins s'agissant de la pratique précitée, dès lors que son caractère institutionnel ne dispensait pas ledit Chef du Service des comptabilités de s'assurer que les comptes fussent tenus conformément aux règles et principe applicables, ainsi que son cahier des charges l'exigeait. La réquisition de preuve a ainsi été rejetée.

2.3.2. Les appelants A______ et C______ soutiennent que les sommes encaissées
par la partie plaignante au titre des intérêts de retard et indemnités selon l'art. 106 CO, grâce à l'activité du second, ont très largement dépassé le montant de
CHF 9.9 millions, identifié par l'expertise (PP C - 7'748), et auraient pu être beaucoup plus importantes encore si celle-ci n'avait pas renoncé à exiger le paiement d'environ CHF 11 millions facturés à ce titre aux assurances. Ils ont réitéré à l'ouverture des débats leur réquisition de preuve tendant à la mise en oeuvre d'une expertise complémentaire sur ce point.

Faisant sienne la décision présidentielle qui avait rejeté dite réquisition telle que présentée dans les déclarations d'appel, la CPAR l'a refusée à son tour, considérant que les faits sur lesquels devaient porter l'expertise requise n'étaient pas pertinents pour l'issue de la procédure.

En effet, la question à trancher est celle de la licéité de la rémunération payée à l'appelant C______, non celle de savoir dans quelle mesure la partie plaignante a été ou aurait pu être couverte du coût du recouvrement par les sommes réclamées aux débiteurs, étant précisé que ledit coût ne se limitait pas aux honoraires payés à l'intéressé, puisque s'y ajoutaient tous les frais internes.

Même en vue de l'établissement du dommage éventuel, comme plaidé à l'audience, il n'était pas nécessaire de connaitre avec précision le montant des sommes encaissées au titre de l'art. 106 CO - les intérêts moratoires n'entrent ici pas en considération, car ils servent à compenser le préjudice subi par le créancier du fait de la non disponibilité de l'argent entre la date d'exigibilité de la dette et celle du paiement effectif, pas les frais de recouvrement - dans la mesure où selon les chiffres articulés par l'appelant C______ lui-même (non contestés par son coprévenu), le montant total facturé au titre d'indemnité 106 CO a été de CHF 20'304'788.- pour les patients et CHF 8'758'703.- pour les assurances (PP F - 16'520 verso). Aussi, même si elles avaient été encaissées en totalité (ce qui n'est ni vraisemblable ni soutenu), ces indemnités n'auraient pas même permis de couvrir les honoraires par environ CHF 30 millions versés à l'appelant C______, dont l'accusation admet qu'ils peuvent être tenus pour admissibles, au moins au plan pénal, sans parler des frais internes supportés par la partie plaignante, et sans préjudice de ce qu'on ne voit pas pourquoi celle-ci n'aurait pas été légitimée, à supposer qu'elle l'ait fait, à renoncer à exiger le paiement de l'indemnité par les assurances.

2.3.3. L'appelant C______ a requis la production de dix dossiers débiteurs pour illustrer son travail couvert par le forfait de CHF 42.-. La juridiction d'appel a également rejeté cette demande constatant que le dossier comprenait déjà bien assez d'éléments permettant d'apprécier l'activité de l'intéressé à ce titre et qu'il pouvait s'en expliquer en plaidant, sans avoir besoin d'un support supplémentaire. Il avait d'ailleurs encore pu faire une démonstration de dite activité en produisant un exemplaire de son « Guide procédure HUG » dans lequel il avait mis en évidence, par surlignement, les activités couvertes par ledit forfait d'une part et les TAF d'autre part (dossier CPAR, pièce n° 38.4). D'ailleurs, des juges de carrière étaient particulièrement bien outillés pour comprendre en quoi avait consisté cette activité et en prendre toute la mesure. La preuve requise n'était donc pas nécessaire pour l'issue de la procédure.

2.3.4. Enfin, l'appelant C______ a réitéré à l'ouverture des débats la réquisition de réaudition de l'auteur du rapport d'audit 2012, afin qu'il confirme le montant du coût du recouvrement pour le premier semestre 2011, explique comment il l'avait établi et précise quels avaient été les destinataires de son rapport.

La juridiction d'appel a refusé la mesure probatoire la considérant dénuée de toute utilité : l'auteur du rapport avait déjà été entendu, contradictoirement, à deux reprises ; le chiffre en question, qui résultait expressément du rapport, avait été discuté et confirmé en audience ; la page de garde du rapport mentionnait qu'il était destiné au Directeur général et au Président du Conseil d'administration de la partie plaignante.

3. Statut juridique des prévenus dans le cadre de leur relation avec la partie plaignante

i. Statut de fonctionnaire du prévenu A______

3.1. Tant les faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques (art. 317 CP) que la gestion déloyale des intérêts publics (art. 314 CP), sont des infractions propres pures, lesquelles exigent que l'auteur supposé revête la qualité de fonctionnaire. Engagé par la partie plaignante en juillet 2001, le prévenu A______ a été nommé fonctionnaire trois ans plus tard. L'intéressé ne conteste d'ailleurs pas avoir revêtu cette qualité.

ii. Qualification juridique des rapports contractuels entre le prévenu C______ et la partie plaignante.

3.2. L'analyse des faits reprochés au prévenu C______ présuppose qu'il soit procédé à la qualification juridique de ses rapports contractuels avec la partie plaignante.

Il n'est en effet pas contesté et résulte clairement de l'état de fait retenu ci-dessus que la partie plaignante et le prévenu C______ ont été liés par un contrat, valablement négocié et conclu, pour le compte de la première, par le prévenu A______. Reste à le qualifier juridiquement.

3.2.1. Pour l'accusation et la partie plaignante, le contrat entre celle-ci et le second prévenu était un contrat d'avocat, alors que, selon les prévenus, il s'agissait d'un contrat mixte, mêlant des aspects du mandat de recouvrement, à l'instar par exemple du contrat avec O______ SA, et des aspects du mandat d'avocat. Selon eux, seule cette seconde partie, qu'ils semblent limiter à ce qu'ils appellent la phase judiciaire, soit la représentation de la partie plaignante devant les tribunaux, par le truchement des sous-mandataires, serait régie par les règles spécifiques à la profession d'avocat.

Les parties conviennent donc, et ce à raison, que le contrat était un contrat de mandat. La question à trancher n'est ainsi pas véritablement celle de sa qualification en droit privé (contrat nommé, innommé, mixte ou composé), mais de son éventuel assujettissement, outre aux art. 393 ss CO, aux règles régissant la profession d'avocat.

3.2.2. En effet, s'il est un contrat de mandat, au sens des art. 393 ss CO, le contrat entre un avocat et son client est, en sus, soumis à des règles particulières. La loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61) s'applique aux titulaires d'un brevet d'avocat qui pratiquent, dans le cadre d'un monopole, la représentation en justice en Suisse (art. 2 al. 1 LLCA). Elle régit l'ensemble de leur activité professionnelle que celle-ci relève de la représentation, du conseil ou de la rédaction de projets d'actes juridiques.

La LLCA intervient aussi lorsque les avocats agissent dans le cadre d'un contrat de fiducie, comme exécuteurs testamentaires, gérants de fortune ou mandataires à l'encaissement ou encore comme membres d'un conseil d'administration
(ATF 135 III 410 consid. 3.3 ; 135 III 259 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_257/2010 du 23 août 2010 consid. 3.1 ; 1P.32/2005 du 11 juillet 2005 consid. 3.4 ; W. FELLMANN / G. G. ZINDEL, Kommentar zum Anwaltsgesetz, 2e éd., Zurich 2011, n. 6 ad art. 12 ; F. BOHNET / V. MARTENET, Droit de la profession d'avocat, 2009, N 1119 ; M. VALTICOS / C. M. REISER / B. CHAPPUIS [éds], Commentaire romand, Loi sur les avocats, Bâle 2010, n. 13 ad art. 12). De telles activités sont certes susceptibles d'être exercées par tout un chacun, mais elles ne sont néanmoins pas, de par leur nature, soustraites à l'exercice de la profession d'avocat. Elles peuvent ainsi entraîner la responsabilité disciplinaire du mandataire mis en cause lorsqu'il a fonctionné en sa qualité d'avocat (arrêt du Tribunal fédéral 2C_257/2010 du 23 août 2010 consid. 3.2). Encore faut-il, en principe, que lesdites activités soient en lien direct, à savoir dans une relation immédiate et/ou causale, avec la profession d'avocat et qu'elles ne puissent en être dissociées. Le caractère onéreux de la prestation est à cet égard un indice de la nature professionnelle du service rendu. L'usage du titre d'avocat constitue également un critère (arrêt du Tribunal fédéral 1P_32/2005 du 11 juillet 2005 consid. 3.4 ; F. BOHNET / V. MARTENET, op. cit., N 1116 et 1119). L'avocat agit également dans l'exercice de sa profession lorsqu'il est fait appel à lui en vue d'accéder au droit (critère du « Zugang zum Recht » : K. SCHILLER, Schweizerisches Anwaltsrecht, 2009, N 330 ss). L'usage d'un papier en-tête professionnel et le fait de se prévaloir expressément de son titre d'avocat est ainsi suffisant pour considérer qu'une activité est soumise à la surveillance instituée par la LLCA. La jurisprudence retient une définition très large du concept d'exercice de la profession d'avocat en matière disciplinaire, afin de protéger le public et de préserver la réputation et la dignité de la profession (arrêts du Tribunal fédéral 2C_280/2017 du 4 décembre 2017 consid. 3.2 ; 2C_257/2010 du
23 août 2010 consid. 3.3).

En revanche, l'activité extra-professionnelle des avocats n'est pas soumise à la LLCA. Il en va ainsi non seulement des comportements qui relèvent de la vie privée, mais aussi des activités politiques et associatives, ainsi que de la participation à des organismes poursuivant un but économique, lorsque l'intéressé n'en fait pas partie en sa qualité d'avocat et cherche à promouvoir des intérêts étrangers à sa profession. Les comportements relevant de ce champ d'activités ne tombent sous le coup de la loi sur les avocats que s'ils donnent lieu à des condamnations pénales incompatibles avec la profession d'avocat ou si, en raison d'une telle activité, l'intéressé fait l'objet d'un acte de défaut de biens (art. 8 al. 1 let. b et c LLCA ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_257/2010 du 23 août 2009 consid. 3.1 ; W. FELLMANN / G. G. ZINDEL [éds], op. cit., n. 53 ad art. 12 LLCA ; F. BOHNET / V. MARTENET, op. cit., N 1117).

3.2.3.1 L'appelant A______ a exposé avoir approché l'appelant C______ parce que celui-ci était l'auteur de nombreuses publications en matière [de] ______ et bénéficiait à ses yeux d'une expérience des procédures de masse en relation avec [l'association] R______. Néanmoins, il reconnait que le seul autre candidat potentiel était Me Q______ (Me P______ n'ayant pas été sollicité) et il n'a jamais soutenu avoir envisagé un autre mandataire qu'un avocat ou « mandataire qualifié » selon sa note du 17 janvier 2007. D'ailleurs, ainsi que les représentants de la partie plaignante, comme le prévenu C______ lui-même, l'ont affirmé, la qualité d'avocat du mandataire revêtait de l'importance, même au stade de la sommation, s'agissant de donner un signal de fermeté aux débiteurs récalcitrants. Aussi, et d'entrée de cause, ledit prévenu s'adressait à eux en se prévalant de son titre d'avocat et en utilisant le papier à en-tête de son Etude (bien que partiellement modifié).

Avant cela, la toute première prestation fournie par l'appelant C______ a été une activité typique d'avocat, puisqu'il a rédigé le modèle de sommation et de reconnaissance de dette à faire figurer au verso du document.

Du côté du mandant, le contrat a été formalisé au moyen d'une procuration-type de l'ODAGe en 2007, reconduite en 2013 et 2014 (PP E - 43 ss).

C'est parce qu'il était inscrit au registre cantonal genevois des avocats que l'appelant C______ a pu représenter la partie plaignante auprès de l'OPF de ce canton. En effet, le législateur genevois avait réservé la représentation professionnelle auprès de l'OPF aux avocats (et avocats-stagiaires), notaires, huissiers judiciaires, agents d'affaires et mandataires autorisés (art. 1 de la loi réglementant la profession d'agent d'affaires du 2 novembre 1927 [LPAA - E 6 20]), ainsi que l'art. 27 LP l'autorisait (ATF 135 I 106 consid. 2.4 et 2.6), jusqu'à sa récente modification, postérieure à la fin du mandat (RO 2016 3643 ; FF 2014 8505). Le Canton de Vaud avait fait de même (ATF 124 III 428 consid. 2). Dès lors, toute l'activité de l'appelant C______ (signature des RP et RCP, versement en ses mains des montants payés par les débiteurs poursuivis, remise des ADB rachetés et encaissement du montant du rachat) auprès des OPF de ces deux cantons, qui ont certainement représenté le bassin principal de domicile des patients-débiteurs en Suisse s'agissant du canton du siège de la partie plaignante et de l'unique canton voisin, relevait-elle du monopole de l'avocat.

Comme déjà évoqué, il n'est à raison pas contesté que l'activité exercée au-travers de Mes V______ et W______, mis en oeuvre et instruits par, et substitués à, l'appelant C______, relevait de l'activité typique de l'avocat.

3.2.3.2. Pour le surplus, il est vrai qu'entre ou parallèlement à ces diverses diligences qu'il a déployées comme avocat, le second prévenu s'est également acquitté de tâches qui ne relevaient pas de l'activité typique, soit la conception et la conduite des flux du recouvrement, notamment grâce aux bases de données. Néanmoins ce flux était celui généré par les sommations envoyées par l'avocat C______, les actes de poursuites signés par ledit prévenu en cette qualité (à tout le moins auprès des OP de Genève et Vaud) et les procédures diligentées par ses sous-mandataires. L'imbrication entre les activités typiques et atypiques était dès lors telle que les deux types d'opérations en deviennent indissociables.

3.2.3.3. Cette imbrication s'est d'ailleurs traduite dans l'articulation de la rémunération du second prévenu.

D'entrée de cause, dite rémunération a pris la forme d'un pactum de palmario, soit un mode propre à la profession d'avocat en Suisse. A cet égard, l'objection de l'appelant A______ selon laquelle le pactum de palmario ne concernait que ce qu'il appelle la « phase judiciaire », le volet précédent, dit « pré-judiciaire », donnant lieu à une « success fee » revient à jouer avec les mots, et se heurte au fait que la prime de 8% (ou moins pour les assurances, dans un second temps) s'appliquait à l'ensemble des encaissements obtenus grâce à l'activité du mandataire, aucune distinction ne pouvant être faite lorsque la sommation était suivie d'une poursuite diligentée par l'avocat C______, voire d'une procédure judiciaire menée par ses sous-traitants. Au contraire, comme aussi soutenu par les intéressés, il s'agissait d'un mode de rémunération « global » consistant en forfait + rémunération au taux horaire + prime d'encaissement.

Dans un second temps, les forfaits pour les TAF sont venus s'ajouter, mais ces tâches étaient facturées par le biais des notes d'honoraires « contentieux », qui servaient également à facturer une activité typique et qui ont d'ailleurs toutes été émises sur papier à en-tête de l'Etude.

3.2.3.4. Dans ces circonstances, malgré le caractère atypique d'une partie du mandat confié, il appert que l'ensemble de l'activité du second prévenu était intimement liée à sa qualité d'avocat. Il est ainsi retenu que le contrat était, dans son ensemble, un contrat d'avocat, régi partant non seulement par les art. 393 ss CO, mais aussi par les dispositions spéciales propres à la profession d'avocat, telles celles de la LLCA.

4. Faux dans les titres commis dans l'exercice des fonctions publiques (art. 317 CP) reproché à l'appelant A______

4. 4.1. Selon l'art. 317 CP, les fonctionnaires qui auront intentionnellement constaté faussement dans un titre un fait ayant une portée juridique, seront punis d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. La peine sera l'amende si le délinquant a agi par négligence.

Cette disposition se présente comme une lex specialis par rapport à l'art. 251 CP et prime donc sur celle-ci (ATF 121 IV 219 consid. 2 ; B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, Vol. II, 2010, n. 15 ad art. 317 ; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER [éds], Basler Kommentar Strafrecht II : Art. 137-392 StGB, Jugendstrafgesetz, 4e éd., Bâle 2019, n. 24 ad art. 317 ; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], Commentaire romand, Code pénal II, Bâle 2017, n. 34 ad art. 317). Ses éléments constitutifs objectifs correspondent à ceux du faux matériel au sens propre et du faux intellectuel selon l'art. 251 ch. 1 CP (ATF 117 IV 286 consid. 6b ;
131 IV 125 consid. 4.1).

4.1.1. L'infraction peut être commise intentionnellement, y compris par dol éventuel. L'auteur doit alors avoir la volonté de tromper autrui dans les relations d'affaires ou tout au moins de consentir à ce résultat pour le cas où il se produirait (ATF
121 IV 216 consid. 4 ; 100 IV 180 consid. 3a ; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER [éds], op. cit., n. 18 s. ad art. 371 ; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Code pénal - Petit commentaire,
2e éd., Bâle 2017, n. 14 ad art. 317).

L'infraction peut aussi être consommée par négligence. Il s'agit alors d'une imprévoyance coupable commise par celui qui, ne se rendant pas compte des conséquences de son acte, agit sans user des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle (art. 12 al. 3 CP).

4.1.2. Le faux intellectuel vise l'établissement d'un titre qui émane de son auteur apparent, mais qui est mensonger dans la mesure où son contenu ne correspond pas à la réalité. Il est admis qu'un simple mensonge écrit ne constitue pas un faux intellectuel punissable. La confiance que l'on peut avoir à ne pas être trompé sur la personne de l'auteur est plus grande que celle que l'on peut avoir à ce que l'auteur ne mente pas par écrit. Pour cette raison, même si l'on se trouve en présence d'un titre, il est nécessaire, pour que le mensonge soit punissable comme faux intellectuel, que le document ait une capacité accrue de convaincre, parce qu'il présente des garanties objectives de la véridicité de son contenu. Pour que le mensonge soit punissable comme faux intellectuel, il faut que le document ait une valeur probante plus grande que dans l'hypothèse d'un faux matériel. Sa crédibilité doit être accrue et son destinataire doit pouvoir s'y fier raisonnablement. Une simple allégation, par nature sujette à vérification ou discussion, ne suffit pas. Il doit résulter des circonstances concrètes ou de la loi que le document est digne de confiance, de telle sorte qu'une vérification par le destinataire n'est pas nécessaire et ne saurait être exigée (ATF
142 IV 119 consid. 2.1 et les références ; 138 IV 130 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_55/2017 du 24 mars 2017 consid. 2.2 ; 6B_117/2015 du 11 février 2016 consid. 2.4.1).

4.1.3. Il y a valeur probante accrue lorsque certaines assurances objectives garantissent aux tiers la véracité de la déclaration. Il peut s'agir, par exemple, d'un devoir de vérification qui incombe à l'auteur du document ou encore de l'existence de dispositions légales qui définissent le contenu du document en question (ATF
132 IV 12 consid. 8.1 ; 129 IV 130 consid. 2.1).

La comptabilité commerciale et ses éléments (pièces justificatives, livres, extraits de compte, bilans ou comptes de résultat) sont, en vertu de la loi (art. 662a ss aCO et art. 957 ss CO, en vigueur au 1er janvier 2013), propres et destinés à prouver des faits ayant une portée juridique (ATF 141 IV 369 consid. 7.1 ; 138 IV 130 consid. 2.2.1 ; 132 IV 12 consid. 8.1). Ils doivent permettre aux personnes qui entrent en rapport avec une entreprise de se faire une juste idée de la situation financière de celle-ci et font donc office de preuve de la situation et des opérations présentées. Ils offrent ainsi une garantie spéciale de véracité (ATF 132 IV 12 consid. 8.1 ; 129 IV 130 consid. 2.2 et 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_367/2007 du 10 octobre 2007 consid. 4.2, non publié in ATF 133 IV 303 ; 6S_156/2006 du 24 novembre 2006 consid. 4.1, non publié in ATF 133 IV 36).

Il y a donc faux dans les titres lorsque la comptabilité ne satisfait pas aux exigences légales requises pour assurer sa véracité et la confiance en celle-ci. Cela vaut même si la comptabilité n'a pas encore été soumise à l'organe de révision et à l'assemblée générale (ATF 114 IV 32 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_142/2016 du 14 décembre 2016 consid. 6.2.1).

4.1.4. Les personnes morales, notamment, doivent tenir une comptabilité et présenter des comptes (art. 957 al. 1 ch. 2 CO).

Par ailleurs, si une comptabilité est tenue volontairement, elle est nécessairement commerciale. Tel est le cas lorsque la comptabilité est gérée selon le but de l'art. 957 aCO, comprend les justificatifs complets et les livres et permet l'établissement de la situation financière avec l'état des dettes et des créances, ainsi que le résultat d'exploitation des exercices annuels. Une telle comptabilité commerciale et ses composantes constituent des titres, indépendamment du fait de savoir si l'entreprise en question doit, selon la loi, tenir ou non une comptabilité (ATF 129 IV 130 consid. 2.2).

Dans le canton de Genève, les établissements cantonaux sont soumis, depuis le 1er janvier 2008, aux normes comptables internationales pour le secteur public, à savoir les International Public Sector Accounting Standards (normes IPSAS) et à leurs directives d'application (DiCo-GE ; arrêté du Conseil d'Etat du 9 mai 2007), ainsi qu'aux normes comptables internationales pour le secteur privé, à savoir les International Financial Reporting Standards (normes IFRS) (art. 1 al. 2 et 72 de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat [LGAF ; D 1 05 en l'état au 13 novembre 2007]). Ainsi, les comptes doivent être établis dans le respect des principes prévus par les normes IPSAS ou IFRS et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière, ainsi que des résultats. Le respect desdites normes doit permettre de garantir la transparence à travers une information immédiatement compréhensible et complète tout en fournissant une présentation fidèle de la situation financière, afin de faciliter la prise de décision. Les caractéristiques qualitatives des comptes sont notamment l'intelligibilité, la pertinence, la comparabilité et la fiabilité qui se basent sur les principes de l'image fidèle, de la prééminence de la substance sur la forme, de la neutralité, de la prudence et de l'exhaustivité (art. 11 al. 1 à 4 LGAF). Les modifications ultérieures de la LGAF n'ont apporté aucune modification à cette situation, à l'instar de l'entrée en vigueur du règlement sur l'établissement des états financiers (REEF - D 1.05 15), le 17 décembre 2014.

La norme IPSAS 1 « Présentation des Etats financiers » consacre, en son chiffre 48, le principe de non-compensation entre les actifs, les passifs, les revenus et les charges, sauf si cette compensation est imposée ou autorisée par une norme comptable internationale du secteur public. La norme précise, en son chiffre 49, qu'il est important de fournir des informations séparées sur les écritures susmentionnées. La compensation dans l'état de la performance financière ou dans l'état de la situation financière ne permet aux utilisateurs ni de comprendre les transactions ou les autres événements qui se sont produits, ni d'évaluer les flux de trésorerie futurs de l'entité. Une exception peut intervenir lorsque la compensation traduit la nature de la transaction ou des autres événements. L'évaluation d'actifs nets de réduction de valeur (par exemple des dépréciations au titre de l'obsolescence des stocks et de créances douteuses) n'est pas considérée comme une compensation.

4.1.5. La qualité de force probante accrue de la comptabilité, notamment celle de la partie plaignante, établissement public genevois, étant ainsi acquise, et au demeurant non contestée par l'appleant A______, il reste à déterminer à partir de quel degré d'inexactitude une comptabilité devient mensongère (C. REMUND / S. BOSSARD / O. THORMANN, Le faux intellectuel dans le droit pénal économique, in : J. HURTADO POZO, Droit pénal économique, 2011, p. 321).

La comptabilité doit donner une image exacte et complète de la situation économique réelle de la société. Le bilan doit rendre correctement compte des rapports financiers d'une entreprise à une date déterminée. Une fausse écriture constitue un faux intellectuel dans les titres lorsqu'elle donne une fausse image globale de la comptabilité et viole de cette manière les règles et les principes de comptabilité qui ont été institués pour garantir la véracité de la déclaration et la crédibilité accrue de la comptabilité. De tels principes ont été expressément prévus dans les dispositions légales relatives à l'établissement régulier des comptes annuels du droit de la société anonyme (art. 662a ss et 958 aCO, ainsi qu'art. 957a ss CO). Des violations minimes des règles civiles en matière de comptabilité ne suffisent cependant pas (ATF
141 IV 369 consid. 7.1 ; 132 IV 12 consid. 8.1 ; 129 IV 130 consid. 2.3 ;
M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER [éds], op. cit., n. 87 et 89 ad art. 251 ;
A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], op. cit., n. 88 et 95 ad
art. 251 ; C. REMUND / S. BOSSARD / O. THORMANN, op. cit., p. 312).

La comptabilité doit par conséquent être exacte tant du point de vue formel que matériel (ATF 116 IV 52 consid. 2a). La vérité formelle correspond à la conformité des opérations comptables inscrites et celles effectivement survenues dans la réalité (C. REMUND / S. BOSSARD / O. THORMANN, op. cit., p. 310). Un faux intellectuel intervient notamment lorsqu'un événement comptable est enregistré sur un compte inapproprié, comme la comptabilisation en charges de prestations bénéficiant à un actionnaire, même si cela n'a pas d'influence sur le résultat d'exploitation ou l'actif net (ex. : comptabilisation de frais de personnels dans un autre compte de frais généraux ; ATF 122 IV 25 consid. 2b et c ; C. REMUND / S. BOSSARD / O. THORMANN, op. cit., p. 311). Selon la doctrine, une contravention au principe de non-compensation des actifs et passifs (art. 662a al. 2 ch. 6 aCO et 958c al. 1 ch. 7 CO) peut également constituer une fausse comptabilisation, pour autant que l'image d'ensemble soit considérablement affectée (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER [éds], op. cit., n. 91 ad art. 251 ; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], op. cit., n. 96 ad art. 251).

4.2.1. En l'espèce, à teneur de l'expertise, les annulations d'abandons de créances et les crédits prescrits étaient des « produits exceptionnels sur exercices antérieurs ». Leur comptabilisation au crédit du compte de charge « Frais & honoraires de recouvrement » constituait dès lors une violation du principe de non-compensation des charges et des produits. Il n'y a pas lieu de s'écarter de cette conclusion car la substance des opérations n'est effectivement pas liée aux mêmes flux financiers (PP C - 7'736 s.). Partant, ce procédé viole le principe « true and fair view » (PP C - 7'742). L'appelant A______ ne le conteste d'ailleurs pas, s'abritant derrière le fait que le procédé correspondait à une pratique institutionnelle.

4.2.2. En ce qui concerne les paiements en capital, les intérêts moratoires et les indemnités selon l'art. 106 CO, il faudrait en réalité distinguer :

4.2.2.1. Comme déjà rappelé, les intérêts moratoires n'ont aucun lien avec la charge que représente le recouvrement, dans la mesure où ils tendent à dédommager le créancier du préjudice subi du fait de l'indisponibilité de l'argent de la dette durant cette phase. Ici encore, une violation des normes IPSAS est donc effectivement réalisée, comme retenu par les experts. A fortiori, en va-t-il de même des paiements en capital attribués au crédit du compte de charges, évoqués dans l'expertise.

4.2.2.2. En ce qui concerne, les indemnités selon l'art. 106 CO, la question est plus délicate. Ces indemnités sont bien des sommes réclamées pour indemniser le créancier des montants engagés dans une procédure de recouvrement. De par leur nature, ces encaissements pourraient donc être considérés comme correspondant à des « frais refacturés à des tiers », susceptibles à ce titre d'être comptabilisés au crédit du compte « Frais & honoraires de recouvrement ». Le rapport détaillé 2009, en son point 2.4.4, page 10, (P E - 1'780) précise à ce sujet : « Conformément au principe de non compensation à la norme DiCo-GE 2, les frais refacturés à des tiers, tels que les salaires refacturés à l'université, devraient être présentés en produit pour le montant refacturé et en charge pour la dépense effective. La Direction a toutefois mentionné le principe comptable consistant à compenser des charges refacturées [...] dans le but de privilégier l'information budgétaire au point g.4 à la page 10 des états financiers relatifs aux comptes de l'exercice 2009. [...] A noter que les compensations ci-dessus n'ont pas une incidence significative sur les états financiers par rapport au total de la charge de fonctionnement des HUG ».

Certes, interrogé précisément sur ce point lors des débats d'appel, l'expert a réitéré que la compensation avec les frais de recouvrement n'était pas autorisée pour les indemnités selon l'art. 106 CO, parce que - c'est ce que comprend la CPAR - il s'agissait précisément d'une indemnité, non du remboursement de frais effectifs. Cette réponse ne convainc cependant pas, dans la mesure où la nature de ce qui est facturé au débiteur récalcitrant ne change pas : dans les deux hypothèses, il s'agit de couvrir le créancier d'une part, forfaitaire pour l'indemnité, correspondante pour les frais effectifs, du coût engendré par le recouvrement.

Par ailleurs, force est de constater que contrairement à ce qu'a affirmé l'expert, la distinction n'est pas évidente pour un expert-comptable puisque l'un des réviseurs de la partie plaignante, AM______, parait avoir compris que des frais de recouvrement (et même les intérêts) étaient passés au crédit du compte de charge sans que lui-même et son collègue n'y trouvent à redire. De même, AD______, alors qu'il n'était certes pas encore auditeur interne, n'a pas réagi lorsqu'il s'est agi de paramétrer le logiciel X______.

Aussi pourrait-on, en s'écartant sur ce point de l'expertise, admettre que la part des OD passées au crédit du compte « Frais & honoraires de recouvrement » concernant exclusivement l'indemnité selon l'art. 106 CO (mais non le remboursement de capital ou les intérêts moratoires) ne l'était pas en violation du principe de non-compensation des charges et produits. Néanmoins, la question souffre de demeurer ouverte, pour le motif qui suit.

4.3.1. Le reproche fait à l'appelant A______ n'est pas d'avoir matériellement falsifié la comptabilité. A raison, car toutes les écritures considérées ici correspondaient à une réalité et si le procédé utilisé avait pour but de diminuer le solde du compte de charges afin qu'il ne dépasse pas trop l'enveloppe budgétaire, il demeure que rien n'était effacé dans la mesure où les écritures litigeuses permettaient de reconstituer l'évolution du compte et d'identifier quelle était la charge brute, sans déduction des produits, inscrits clairement à tort (annulations d'abandons de créances, crédit prescrits, intérêts moratoires et capital) ou peut-être pas (indemnités 106 CO). D'ailleurs, tant les experts que le successeur de l'appelant A______ ont été en mesure d'identifier l'intégralité des charges liées au recouvrement dans le compte en question et, à défaut, AD______ n'aurait guère été capable, lors de l'audit publié en janvier 2012, d'identifier le solde du compte hors compensations au 30 juin 2011.

4.3.2. En revanche, on a vu qu'à tout le moins les OD « annulations abandons de créances », « crédits prescrits » et la part des OD « capital/intérêts/106 CO » afférente aux deux premiers postes constituaient des contraventions formelles du cadre conceptuel IPSAS « true and fair view » entrainant un trouble dans l'appréciation et la présentation des comptes.

L'appelant A______ soutient que les contraventions reprochées n'ont pas eu pour résultat d'affecter considérablement l'image globale de la comptabilité de la partie plaignante, étant souligné que cette question n'a pas été abordée par l'expertise. Au contraire, l'expert BF______ a déclaré ne pas s'être prononcé sur des éléments de matérialité, mais sur des éléments de principe.

Les écritures en cause (y compris les OD relatives à l'indemnité selon l'art. 106 CO) ont représenté, pour les années 2008 à 2014, une réduction artificielle des
frais de recouvrement par CHF 35'172'841.60, soit une moyenne annuelle de CHF 5'024'691.65. Par référence aux dépenses annuelles de la partie plaignante, estimées par les réviseurs (PP E - 1'736) et la CdC à CHF 1'700'000'000.-, la comptabilité a été altérée à hauteur de 0.3% seulement. En outre, le trouble dans l'appréciation et la présentation des comptes touche un seul compte de charges, dont le budget annuel représente environ 0.15% de celui global des HUG (CHF 3'000'000.- environ versus CHF 1'700'000'000.-). Un indice important de l'absence d'impact significatif sur la comptabilité des mouvements en cause réside d'ailleurs dans le seuil de matérialité de référence pour les réviseurs, pertinent pour identifier « les risques qui ont un impact significatif sur les résultats et sur les processus » (PP E - 1'736 et E -1'738) qui était de 0.5% des charges, à savoir CHF 8'500'000.-. En prolongement, il est observé aussi que le compte en question était considéré comme ne nécessitant pas le contrôle du Directeur administratif et financier ou lors des bouclements mensuels selon les dires de J______ et M______, ces contrôles s'arrêtant aux comptes à quatre chiffres.

Dans ces circonstances, il faut admettre qu'en effet, si, au moins pour partie, elles n'étaient pas formellement conformes aux normes comptables, les écritures litigeuses n'ont pas atteint un volume suffisant pour affecter considérablement l'image d'ensemble de la comptabilité, de sorte qu'une infraction à l'art. 317 CP ne peut être retenue.

4.4. L'appelant A______ doit donc être acquitté de ce reproche, sans qu'il soit nécessaire d'examiner au stade de la culpabilité les autres moyens de défense articulés par lui. Son appel est admis dans cette mesure et le jugement entrepris réformé en conséquence.

5. Faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) reproché à l'appelant C______

5. 5.1. L'art. 251 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura, notamment, constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre. Cette disposition vise tant le faux matériel que le faux intellectuel. La définition du faux intellectuel a déjà été rappelée supra sous consid. 4.1.2.

5.1.1. La notion de titre selon l'art. 251 CP correspond à celle de l'art. 110 ch. 4 CP. Selon cette disposition, sont des titres tous les écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique et tous les signes destinés à prouver un tel fait.

Le caractère de titre d'un écrit est relatif. Un même document peut revêtir la qualité de titre à l'égard de certains des faits qu'il évoque et ne pas revêtir cette qualité à l'égard d'autres. La destination et l'aptitude d'un écrit à prouver un fait peut résulter directement de la loi, mais aussi du sens ou de la nature du document ou des usages commerciaux (ATF 142 IV 119 consid. 2.2 ; 138 IV 130 consid. 2.2.1 ; 132 IV 57 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_496/2017 du 24 janvier 2018 consid. 2.2 ; 6B_55/2017 du 24 mars 2017 consid. 2.2). Peu importe, à cet égard, l'usage particulier que l'auteur, avant de l'émettre, prévoyait de faire du titre (ATF
120 IV 122 consid. 4 d/bb).

5.1.2. De jurisprudence constante, même munies d'une quittance, les factures ne sont pas des titres, dès lors qu'elles ne contiennent en règle générale que de simples allégations de l'auteur concernant la prestation due par le destinataire (ATF
142 IV 119 consid. 2.2 ; 138 IV 130 consid. 2.2.1 ; 125 IV 17 consid. 2/aa ;
121 IV 131 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1096/2015 du 9 décembre 2015 consid. 3.3.2).

5.1.2.1. Une valeur probante accrue peut cependant exceptionnellement être reconnue à une facture au regard de l'usage concret auquel elle est destinée. Ainsi, une facture acquiert le caractère de titre non seulement après la comptabilisation de ses données, et donc son introduction dans la comptabilité commerciale en tant que pièce comptable, mais déjà par son établissement. En d'autres termes, une facture devient un faux intellectuel lorsqu'elle est principalement destinée à servir de preuve pour la comptabilité (aspect objectif) et que son auteur souhaite explicitement falsifier la comptabilité par ce moyen ou l'utiliser comme partie intégrante de sa propre comptabilité (aspect subjectif). Il serait néanmoins erroné de qualifier de titre une facture uniquement parce que son destinataire a l'obligation de tenir une comptabilité et qu'elle fera donc office de pièce comptable. Il faut plutôt prendre en considération qu'en principe une facture n'est érigée en pièce comptable qu'après qu'un examen ait eu lieu. Cet examen incombe au destinataire ou, pour lui, à la personne responsable de la comptabilité. La situation n'est différente que si la fausse facture vise principalement à falsifier la comptabilité du destinataire de la facture (ATF 138 IV 130 consid. 2.2.1, 2.3, 2.4.2 et 2.4.3 ; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER [éds], op. cit., n. 153 ad art. 251 ; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], op. cit., n. 84 et 91 ad art. 251).

5.1.2.2. Une valeur probante accrue est également reconnue à une facture lorsque celui qui l'a émise revêt à l'égard du destinataire une position assimilable à celle d'un garant. Il doit alors résulter des circonstances concrètes que le document est censé être digne de confiance de telle sorte qu'une vérification par le destinataire ne saurait être exigée. Tel sera notamment le cas lorsqu'un rapport de confiance particulier existe entre l'auteur et le destinataire (ATF 138 IV 130 consid. 2.2.1 ;
117 IV 165 consid. 2c ; 103 IV 178 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_589/2009 du 14 août 2008 consid. 2.1.1, ainsi que 6B_50/2017 du 17 octobre 2017 consid. 2.3 [médecin par rapport à l'assurance-maladie] ; 119 IV 54
consid. 2d/dd [architecte en charge de vérifier les factures] ; 120 IV 361 consid. 2c [organe dirigeant d'une succursale bancaire] ; pour d'autres exemples cf. ATF
125 IV 273 consid. 3a/bb). Les obligations de diligence, d'avis ou de rendre des comptes, ou les obligations découlant du principe de la bonne foi ne fondent pas une position analogue à celle d'un garant, à moins qu'il existe entre les intéressés une relation particulièrement étroite, de longue durée ou basée sur une confiance accrue (arrêt du Tribunal fédéral 6B_844/2011 du 18 juin 2012 consid. 3.2.3 ; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], op. cit., n. 71 ad art. 251).

Les attestations émises par un avocat à l'attention d'une banque étrangère sur l'état d'un compte et sur des papiers-valeurs qu'il détiendrait à titre de garantie ont été jugées nanties d'une valeur probante accrue, dès lors que l'avocat exerce une activité soumise à autorisation et à un contrôle disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 6S.295/2001 du 24 août 2001 consid. 2b ; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], op. cit., n. 69 ad art. 251). En revanche, la note d'honoraire d'un avocat ne prouve pas en elle-même la réalité des opérations qu'elle énumère. S'il a tenu un décompte détaillé de ses activités et du temps consacré à celles-ci, l'avocat parviendra à prouver la réalité de la plupart des opérations facturées, ce qui ne signifie pas encore qu'un décompte produit par l'avocat est doté d'une force probante particulière ; au contraire, en cas de litige, la liste des opérations doit être confrontée au dossier produit par l'avocat (arrêts du Tribunal fédéral 4A_212/2008 du 15 juillet 2008 consid. 3.1 ; 4A_2/2013 du 12 juin 2013 consid. 3.2.1.3 ; 4D_30/2016 du 20 octobre 2016 consid. 4 ; avis de droit produit par la partie plaignante avec ses conclusions civiles devant le TCO, pièce 3, p. 9, n. 18).

5.2.1. A lire l'acte d'accusation, les faux intellectuels reprochés à l'appelant C______ ont consisté dans le fait d'avoir adressé à la partie plaignante 345 notes d'honoraires « contentieux » facturant le travail prétendument effectué par ledit prévenu tel que comptabilisé sous la rubrique « C______ » dans ses time-sheets, alors que ces heures de travail n'avaient pas été effectuées. Or, ces factures et time-sheets auraient eu une valeur probante accrue dès lors qu'ils étaient destinés à justifier les dépenses de la partie plaignante, établissement public, notamment pour le Service des comptabilités, les réviseurs internes et externes ou encore la CdC, ce d'autant plus que les time-sheets n'étaient que rarement joints aux factures. Sans le dire expressément, l'acte d'accusation parait ainsi retenir que les notes d'honoraires de l'appelant C______ étaient destinées à servir de pièces comptables.

Dans sa plaidoirie en appel, le MP a rappelé la casuistique relative à la position, assimilable à celle d'un garant, de certains auteurs de fausses factures et a soutenu qu'un avocat revêt bien une telle position à l'égard de son client. Ce faisant, le MP s'est rapproché de l'analyse des premiers juges qui avaient retenu que les notes d'honoraires en question, assorties des time-sheets, étaient des titres parce qu'elles émanaient d'un avocat, auxiliaire de la justice, et en raison d'un « lien particulier » ayant existé entre ledit avocat et l'appelant A______, lequel jouissait lui-même de la confiance de son employeur, circonstances, considérées conjointement, de nature à dissuader ce dernier de vérifier une seconde fois les factures litigieuses (jugement TCO, consid. 2.5.2).

5.2.2. En effet, l'appelant C______ a fait figurer dans ses time-sheets, sous les initiales « C______ », comme des prestations d'avocat, les forfaits convenus pour les TAF, convertis en minutes pour que le montant dudit forfait corresponde au taux horaire de CHF 220.- (indexés). Outre que l'activité des TAF n'avait rien de contentieux et qu'elle a, pour l'essentiel à tout le moins, été réalisée par du personnel administratif et non l'avocat lui-même, le nombre d'heures résultant de cette conversion dépasse l'entendement.

Néanmoins, le résultat ainsi obtenu se trouvait dans les time-sheets, et non dans les factures ou les listes d'opérations (relevés de prestations) qui seules étaient adresséebs à la partie plaignante. La situation est similaire à celle à l'origine de l'arrêt 6B_589/2009 du 14 août 2008 consid. 2.2.2, dans lequel le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si des protocoles d'opération qui n'étaient pas transmis aux assureurs-maladie avec les factures, mais conservés dans les dossiers des patients, constituaient des titres. Or, on ne voit pas comment les time-sheets pourraient être tenus pour destinés à prouver les faits qu'ils constataient s'ils n'étaient pas censés être communiqués à la partie plaignante (ou aucun tiers d'ailleurs). Faute d'avoir été communiqués à la partie plaignante, on ne peut ni retenir qu'ils étaient destinés à servir de justificatifs de ses dépenses - autrement dit, être intégrés à la comptabilité, après vérification - comme décrit dans l'acte d'accusation, ni que celle-ci se fiait légitimement à leur contenu sans vérification, eu égard à la qualité de leur auteur.

Tout au plus aurait-il pu arriver que, sur demande, l'appelant C______ fût amené à justifier d'une ou plusieurs notes d'honoraires et, dans ce contexte, à remettre des time-sheets, mais, indépendamment du fait que cette hypothèse n'est pas envisagée dans l'acte d'accusation, rien ne permet d'exclure que dans ce cas il n'aurait pas simultanément expliqué comment il fallait les lire, d'autant plus que l'impossibilité matérielle qu'il ait personnellement travaillé autant d'heures que comptabilisé aurait sauté aux yeux. L'appelant C______ aurait ainsi vraisemblablement expliqué que le nombre d'heures facturées n'était qu'apparent.

Ainsi, les time-sheets du prévenu C______ targués de faux dans cette procédure ne sont pas des titres.

5.2.3. Restent les 345 notes d'honoraires « contentieux » considérées indépendamment des time-sheets.

5.2.3.1. Comme rappelé ci-dessus, l'acte d'accusation parait en définitive retenir que les notes d'honoraires litigeuses étaient destinées à devenir des pièces comptables. Selon la jurisprudence et la doctrine sus-évoquées (cf. supra consid 5.1.2.1), une facture destinée à servir de pièce comptable peut être qualifiée de titre, pour autant qu'elle fasse l'objet d'une forme de vérification. En l'occurrence, un examen n'est pas intervenu, étant notamment rappelé que l'appelant C______ n'a jamais été requis de produire ses time-sheets pour vérification et que la procédure de la double signature en vigueur auprès de la partie plaignante n'a jamais été appliquée, sans que personne ne s'en émeuve apparemment (hormis l'auditeur interne), notamment pas l'Administrateur du département censé apposer la seconde signature.

En tout état, l'acte d'accusation ne décrit pas en quoi l'appelant C______ aurait eu le dessein de falsifier la comptabilité de la partie plaignante par ce moyen, et rien de tel ne ressort du dossier. Le même raisonnement serait du reste valable pour les time-sheets.

5.2.3.2. Il a été retenu précédemment que l'appelant C______ était intervenu en qualité d'avocat et était dès lors soumis aux règles propres à cette profession (cf. supra consid. 3.2). S'il est constant qu'avocat et client sont liés par un rapport de confiance particulier en ce qui concerne les prestations fournies par le premier, tel n'est pas le cas de sa facturation, à laquelle le Tribunal fédéral ne reconnait aucune force probante accrue. Ni une note d'honoraires ni un relevé de prestations ne prouvent la réalité des opérations facturées/énumérées. En cas de litige, de tels documents doivent au contraire être confrontés au dossier produit par l'avocat (cf. supra consid. 5.1.2.2). Aussi, un avocat n'assume-t-il pas une position de garant lorsqu'il demande le paiement de ses honoraires à son client, position qui serait de nature à détourner ce dernier de vérifier le bien-fondé de la prétention.

Les premiers juges ont certes estimé qu'en l'occurrence, la confiance de la partie plaignante en son avocat était doublée de celle qu'elle avait dans son Chef du Service des comptabilités, lequel recevait et faisait payer les factures, mais cette circonstance n'est pas de nature à influer sur la qualité de titre des notes d'honoraires ; tout au plus pourrait-elle entrer en considération sous l'angle de l'escroquerie en coactivité, également retenue par les premiers juges, en ce sens que les prévenus auraient escompté qu'en raison de cette confiance dans son Chef du Service des comptabilités, la partie plaignante n'allait pas vérifier les notes.

5.2.3.3. En tout état, il demeure que les notes d'honoraires « contentieux » et relevés de prestations adressés à la partie plaignante ne contenaient pas l'affirmation trompeuse que « C______ » [initiales] avait travaillé un certain nombre d'heures durant la période considérée. Cette indication se trouvait exclusivement dans les time-sheets. Les notes d'honoraires mentionnaient pour leur part le montant total facturé et les relevés de prestations présentaient une liste d'opérations dont la véracité n'est pas discutée dans l'acte d'accusation. Aussi, considérées séparément des time-sheets, que l'appelant C______ conservait par devers lui, les notes d'honoraires ne contenaient aucun mensonge, seulement l'allégation d'une créance, d'une prétention en paiement, dont les modalités de calcul n'étaient pas explicitées, que ce fût de façon mensongère ou correctement.

5.3. En conclusion, l'appelant C______ doit être acquitté de faux dans les titres. Son appel est admis sur ce point et le jugement entrepris réformé en conséquence.

6. Escroquerie simple ou par métier (art. 146 ch. 1 et 2 CP)

6.1. L'escroquerie (art. 146 CP) suppose, sur le plan objectif, que l'auteur ait usé de tromperie, que celle-ci ait été astucieuse, que l'auteur ait ainsi induit la victime en erreur ou l'ait confortée dans une erreur préexistante, que cette erreur ait déterminé cette dernière à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, dont a découlé un préjudice patrimonial (ATF 119 IV 210 consid. 3).

Si l'auteur fait métier de l'escroquerie, il encourra une peine privative de liberté de dix ans au plus ou une peine pécuniaire de 90 jours-amende au moins.

6.1.1. La tromperie peut consister soit à induire la victime en erreur, en particulier par la dissimulation de faits vrais, soit à conforter la victime dans son erreur. Pour qu'il y ait tromperie par dissimulation de faits vrais, il faut que l'auteur s'emploie, par ses propos ou par ses actes, à cacher la réalité. S'il se borne à se taire et à ne pas révéler un fait, une tromperie ne peut lui être reprochée que s'il se trouvait dans une position de garant avec une obligation qualifiée de renseigner le lésé. Un tel devoir peut découler de la loi, d'un contrat ou d'un rapport de confiance spécial. Un simple devoir légal ou contractuel ne suffit toutefois pas à fonder une position de garant, pas plus qu'un devoir découlant du principe général de la bonne foi. Il faut au contraire que l'auteur se soit trouvé dans une situation qui l'obligeait à ce point à protéger les intérêts du lésé que son omission puisse être assimilée à une tromperie résultant d'un comportement actif. Une configuration de ce type suppose en principe que le devoir de protéger les intérêts du lésé et de le renseigner constitue une obligation principale ou du moins spécifique de l'auteur. Elle se conçoit notamment lorsque ce dernier est censé bénéficier d'une confiance accrue en raison de ses qualités particulières. De même, afin de conforter la victime dans son erreur, il ne suffit pas que l'auteur reste purement passif et bénéficie ainsi de l'erreur d'autrui. Il doit, par un comportement actif, c'est-à-dire par ses paroles ou par ses actes, avoir conforté la dupe dans son erreur. Cette hypothèse se distingue de la précédente en ce sens que l'erreur est préexistante (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.1.2 ; 140 IV 11 consid. 2.3.2 et 2.4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_718/2018 du 15 mars 2019 consid. 4.3.1; 6B_817/2018 du 23 octobre 2018 consid. 2.3.1 ; 6B_530/2008 du 8 janvier 2009 consid. 3.2 [devoir du notaire de renseigner sur les aspects formels et matériels importants d'un acte juridique]).

6.1.2. Au plan civil, les obligations d'information et de conseil ont une importance pratique conséquente, notamment pour les avocats, dès le stade de la formation du contrat. Les devoirs de renseigner sont extrêmement divers et varient en fonction du contenu de la relation contractuelle. Ils ont notamment trait à toutes les circonstances qui peuvent influer sur le succès du mandat et donc sur la décision du client de révoquer ou au moins de modifier le mandat. L'avocat doit renseigner son mandant sur les risques, y compris financiers, et les avantages des mesures envisagées. Plus précisément, il doit rendre son client attentif aux risques inhérents à tout procès, sur ses modalités de facturation et, à intervalle régulier, sur les honoraires dus. Ainsi, il fera part à son client du mode de rémunération envisagé, de la fréquence de la facturation, des délais de paiements et de son souhait de bénéficier de provisions. L'avocat doit également renseigner sur le montant présumable de ses honoraires lorsque ceux-ci dépendent du travail fourni : plus l'activité est aléatoire, moins le montant doit être précis (L. THEVENOZ / F. WERRO [éds], op. cit., n. 16 ss ad art. 398 CO ; F. BOHNET / V. MARTENET, op. cit., N 1776 s. ; W. FELLMANN / G. G. ZINDEL [éds], op. cit., n. 157 ad art. 12 LLCA ; W. FELLMANN, Anwaltsrecht, 2e éd., Berne 2017, N 1293 ; M. VALTICOS / C. M. REISER / B. CHAPPUIS [éds], op. cit., n. 18, 22 et 282 ad art. 12). Plus le contrat d'honoraires concret s'écarte de la rémunération normalement due, plus l'avocat doit informer le client avec précision sur les effets du contrat et sur la différence qu'il entraîne. Les dépassements de grande ampleur ne sont autorisés que dans des cas exceptionnels et nécessiteraient une clarification méticuleuse du client et un consentement sans équivoque (B. HESS, Das Anwaltsgesetz des Bundes und seine Umsetzung durch die Kantone am Beispiel des Kantons Bern, ZBJV 2004, p. 119).

L'art. 12 let. i LLCA vise l'information du client sur les modalités de facturation et de paiement des honoraires. L'étendue de ce devoir peut varier selon la nature du mandat ou le degré de connaissance du client, mais les modalités essentielles de facturation doivent être communiquées au client, à savoir avant tout la forme (forfaitaire ou selon un tarif horaire), le montant du forfait ou du tarif fixé, les frais accessoires, le moment de l'établissement de la ou des factures, ainsi que les termes du règlement (W. FELLMANN / G. G. ZINDEL [éds], op. cit., n. 157 ad art. 12 LLCA ; W. FELLMANN, op. cit., N 490 ss ; M. VALTICOS / C. M. REISER / B. CHAPPUIS [éds], op. cit., n. 273 s. ad art. 12 ; A. BRUNNER / M.-C. HENN / K. KRIESI, Anwaltsrecht, Zurich 2015, Kap. 4 N 350). Le devoir d'information peut être respecté par un simple avis oral, voire même en l'absence de tout avis pour les clients bénéficiant d'une connaissance suffisante du mécanisme de calcul concret des honoraires. En fonction de la durée et de la nature de la relation avec le client, l'avocat peut déterminer son degré de connaissance en la matière, mais sous réserve de situations particulières, une telle connaissance ne peut être présumée lors de l'acceptation d'un nouveau mandat (M. VALTICOS / C. M. REISER / B. CHAPPUIS [éds], op. cit., n. 281 ad art. 12).

Si l'avocat assume le risque d'une activité plus importante que prévue, il ne saurait s'en affranchir en surévaluant le montant des honoraires forfaitaires par rapport aux prestations qu'il devrait en principe être appelé à fournir. L'avocat doit en effet éviter de profiter de sa position de force et veiller à fixer avec son client des honoraires demeurant dans un rapport raisonnable avec son activité. Toutefois, les honoraires peuvent être fixés en fonction de la seule valeur litigieuse. Ainsi, même si le tarif horaire de base est fixé entre CHF 400.- et CHF 450.-, il est susceptible d'être sensiblement majoré (M. VALTICOS / C. M. REISER / B. CHAPPUIS [éds], op. cit., n. 284 ss ad art. 12).

6.1.3. Si l'auteur est un fonctionnaire, une tromperie ne peut intervenir que si celui-ci ne disposait pas de la possibilité d'accomplir lui-même les actes préjudiciables aux intérêts de son employeur. Si ces actes ont été commis par le fonctionnaire dans le cadre des pouvoirs dont il disposait, une escroquerie n'est envisageable que si ces pouvoirs ont été obtenus à la faveur d'une tromperie astucieuse. A défaut, seul l'art. 314 CP, punissant la gestion déloyale des intérêts publics, peut entrer en considération (ATF 111 IV 60 consid. 3a ; arrêt du Tribunal pénal fédéral SK.2005.10 du 20 février 2006 consid. 4.2).

6.1.4. Une simple tromperie ne suffit pas pour que l'infraction soit réalisée ; il faut qu'elle soit astucieuse. L'astuce survient, en particulier, lorsque l'auteur recourt à une mise en scène comportant des documents ou des actes ou à un édifice de mensonges qui se recoupent de façon si raffinée que même une victime critique se laisserait tromper. Il y a manoeuvre frauduleuse, par exemple, si l'auteur emploie un document faux ou fait intervenir, à l'appui de sa tromperie, un tiers participant ou manipulé. L'utilisation abusive de documents appartient aux manoeuvres frauduleuses, qui constituent la tromperie astucieuse, du moins lorsqu'un contrôle n'est pas possible ou qu'il paraît probable que la victime n'y procèdera pas (ATF 142 IV 153 consid. 2.2.2 ; 135 IV 76 consid. 5.2 ; 122 IV 197 consid. 3d ; 120 IV 122 consid. 6b).

Le juge pénal n'a pas à accorder sa protection à celui qui est tombé dans un piège qu'un peu d'attention et de réflexion lui aurait permis d'éviter. L'astuce n'est ainsi pas réalisée en pareilles circonstances. Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait escroquerie, que la dupe ait fait preuve de la plus grande diligence et qu'elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles. En effet, le devoir de vérification de la dupe n'est pas illimité, même lorsque celle-ci est une entité supposée disposer de connaissances professionnelles accrues et faire preuve d'une attention plus élevée dans le traitement de ses affaires. Une coresponsabilité de la dupe n'exclut l'astuce quand dans des cas exceptionnels, à savoir si cette dernière n'a pas procédé aux vérifications élémentaires, exigibles de sa part au vu des circonstances. Même un degré de naïveté important ne conduit pas, en tous les cas, à l'acquittement du prévenu. Pour apprécier si l'auteur a usé d'astuce et si la dupe a omis de prendre des mesures de prudence élémentaires, il ne suffit pas de se demander comment une personne raisonnable et expérimentée aurait réagi à la tromperie. Il faut, au contraire, prendre en considération la situation particulière de la dupe, telle que l'auteur la connaît et l'exploite. L'hypothèse dans laquelle aucune vérification ne peut être attendue de la dupe vise en particulier les opérations courantes, de faible valeur, pour lesquelles un contrôle entraînerait des frais ou une perte de temps disproportionnés ou ne peut être exigée pour des raisons commerciales. Pour songer à opérer une vérification aussi aisée soit-elle (par exemple : un appel téléphonique), la dupe doit également déjà avoir une raison particulière de se méfier (ATF 142 IV 153 consid. 2.2.2 ; 135 IV 76 consid. 5.2 ; 128 IV 18 consid. 3a ; 126 IV 165 consid. 2a ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_136/2017 du 17 novembre 2017 consid. 3.4 ; 6B_501/2014 du 27 octobre 2014 consid. 2.1 ; 6B_783/2009 du 12 janvier 2010 consid. 3.1).

6.2.1. L'acte d'accusation appréhende séparément le cas des deux prévenus.

D'une part, il est reproché à l'appelant A______ d'avoir dissimulé à la partie plaignante le fonctionnement et le coût du recouvrement (CHF 50'297'302.57 au lieu de CHF 20'820'280 entre 2007 à 2015), en compartimentant la transmission des informations y afférentes et au moyen d'une fausse comptabilité. De la sorte, il a conforté l'établissement public dans l'idée fausse que le budget du recouvrement était respecté, alors qu'il était amplement dépassé, causant un dommage minimum de CHF 22'211'684.-.

D'autre part, l'appelant C______ est censé avoir trompé la partie plaignante en lui laissant croire que les montants versés à titre d'honoraires - et donc les modalités de leur calcul - étaient raisonnables, alors qu'il a été très rapidement conscient que les différents accords l'amenaient à percevoir plus de CHF 5-6 millions d'honoraires par année pour un travail essentiellement administratif, sans collaborateur juridique, et auquel il ne consacrait qu'environ 50% de son temps. A cette fin, il a présenté des factures en les libellant faussement en heures de travail selon le tarif avocat formellement convenu avec la partie plaignante. Il est parti du principe que la partie plaignante limiterait les contrôles, vu aussi la confiance qu'elle avait en son Chef du Service des comptabilités qui avait négocié avec lui, ou que les contrôles effectués seraient inefficaces, ce d'autant que le relevé détaillé des prestations (time-sheet) n'était pas systématiquement remis. Les éventuels contrôles seraient également déjoués par la falsification du compte de charge où ses factures n'apparaissaient pas, en raison des compensations opérées indûment. Le prévenu C______ escomptait ainsi que, sur un budget annuel de CHF 1.7 milliard, ses manoeuvres ne seraient pas détectées. Il ne s'est en outre pas limité à présenter des factures surfaites, mais a encore faussement convaincu la partie plaignante, à savoir l'appelant A______, que ses services valaient cette rémunération.

6.2.2. Pour sa part le TCO (jugement, consid. 3.2 ss) a retenu que les faits décrits dans l'acte d'accusation relevaient de la coactivité. Pour les premiers juges, les prévenus ont agi ensemble, tout d'abord, en n'annonçant pas dans le courrier formel du 24 janvier 2007, le forfait de CHF 42.- (indexés) appliqué dès la première facture « sommations » du 31 janvier 2007, dans laquelle il n'est pas décelable ; ce forfait a continué d'être occulté dans la note du 26 février 2007, alors que CHF 186'000.- avaient déjà été payés au prévenu C______, puis l'introduction des forfaits liés aux TAF a également été dissimulée par les prévenus au moyen des factures « contentieux » dès octobre 2007. Or, le prévenu C______ n'avait pas renseigné son mandant sur la différence importante entre sa facturation et les conditions tarifaires annoncées par écrit. Avoir été convenu de ces forfaits avec le représentant autorisé de la partie plaignante ne l'en dispensait pas. Enfin, la facturation « au net » a permis de réduire artificiellement les montants facturés, puis déboursés par la partie plaignante. Aussi, pour le TCO, les prévenus ont mis en place un processus compliqué de facturation, dont ils étaient les seuls à avoir une vision globale (intervention de deux services ; contrôle et validation par le premier prévenu), pour empêcher la partie plaignante de se rendre compte des tarifs appliqués et du coût global du recouvrement.

6.3. A supposer que l'acte d'accusation permette un examen sous l'angle de la coactivité, aucun indice concret n'a été apporté à la procédure démontrant que les prévenus se sont concertés pour conforter la partie plaignante dans l'idée erronée qu'elle rémunérait raisonnablement l'avocat C______. En particulier, si un fort soupçon au sujet du motif de l'omission initiale de communiquer le forfait de CHF 42.- dans le courrier du 24 janvier 2007 de l'appelant C______ se conçoit, il n'y a pas de preuve ou d'indices suffisants pour l'étayer (cf. infra consid. 6.5.1.1). De plus, rien n'établit que l'appelant C______ savait comment ses factures étaient traitées, notamment au plan comptable, ou quelles étaient les informations fournies à sa hiérarchie par le prévenu A______, celui-ci n'ayant jamais dit lui avoir donné la moindre explication. Au contraire, l'acte d'accusation part de l'idée que l'avocat C______ aurait manipulé non pas l'établissement public, mais son représentant en la personne du prévenu A______, ce qui exclurait la concertation entre les deux protagonistes. Partant, la CPAR ne suivra pas le raisonnement du TCO et s'en tiendra à l'hypothèse, présentée dans l'acte d'accusation, de deux infractions, certes connexes mais néanmoins distinctes, chacune à charge de l'un des prévenus.

6.4.1. Un premier obstacle à la qualification juridique d'escroquerie pour les faits reprochés au prévenu A______ tient au fait que celui-ci a agi en sa qualité de représentant autorisé de la partie plaignante et qu'il n'est pas soutenu que ses pouvoirs auraient été obtenus par le biais d'une tromperie astucieuse. Au contraire, il lui est en définitive reproché d'avoir, sous le couvert desdits pouvoirs, négocié avec le prévenu C______ des accords contraires aux intérêts de son employeur et d'avoir mis en place un système permettent de déjouer la découverte de cette situation, faits relevant de la gestion déloyale (des intérêts publics, cas échéant), et non de l'escroquerie.

6.4.2. A cette première difficulté s'ajoute ce qui suit :

6.4.2.1. Les conditions communiquées par l'appelant A______ à sa hiérarchie étaient incomplètes, que ce soit à propos de l'existence-même du forfait de CHF 42.-, puis des TAF ou des modalités de calcul de ces dernières, à partir du taux horaire de CHF 200.-. Pourtant, dans sa note à fin février 2007, le prévenu A______ était déjà en mesure de respecter son devoir d'information envers son employeur s'agissant du premier forfait puisqu'à cette date à tout le moins celui-ci était convenu et pratiqué. En lieu et place, il a choisi de le passer sous silence, tout en mentionnant les « débours » de CHF 35.- à 45.-, élément correspondant de la rémunération de O______ SA, ce qui donnait à croire qu'il n'y avait pas de « taxe d'entrée » avec le système C______. Rien au dossier ne démontre que la rémunération de l'avocat ait été abordée et éclaircie avec des supérieurs de l'appelant A______ plus tard au cours de cette première année de collaboration ou durant l'année 2008. En mars 2009, celui-ci a été interpelé par J______, son supérieur direct, avec une allusion évidente audit forfait, et il a expressément été requis de fournir un rapport, lequel devait mentionner, en particulier, le « coût unitaire » du processus instauré, le comparer avec le précédent, en dresser le bilan financier et en estimer la performance. Dans sa note, rendue après trois jours de réflexion, il a pourtant occulté totalement la problématique du forfait de CHF 42.-, tout en renseignant sur les honoraires versés au mandataire au moyen de chiffres erronés, bien inférieurs à la réalité. Par la suite, il s'est abstenu de rendre le rapport requis par son supérieur, puis a continué d'éluder les interpellations qui ont suivi, y compris les nouvelles demandes, en novembre 2011 et mai-juin 2013, de rapports censés mettre notamment en exergue le ratio coût-résultat du recouvrement.

En outre, en sa qualité de Chef du Service des comptabilités, l'appelant A______ s'est assuré la maîtrise exclusive de toutes les phases du recouvrement et, faisant fi de l'incompréhension générale face à son investissement personnel ainsi qu'à l'absence de toute délégation, il a continué de se rendre, en personne et quasi hebdomadairement, à l'Etude du mandataire, empêchant de la sorte tout autre intervenant d'apprécier la manière dont le recouvrement était traité, ce qui aurait pu susciter des questions au regard des montants facturés.

Ces actions et omissions sont constitutives de mensonges au sens de l'art. 146 CP.

Toutefois, encore faudrait-il que la tromperie fût astucieuse.

6.4.2.2. Selon le chapitre de son rapport, rendu début 2012, consacré aux CFAC, l'auditeur interne est parvenu à extraire de la comptabilité le montant réel des honoraires versés, à savoir CHF 3.6 millions au 30 juin 2011. Le seul reproche soulevé dans ce rapport tient au non-respect de l'exigence d'une seconde signature par un responsable, en l'occurrence l'Administrateur du département. Il a été retenu ci-dessus (cf. supra f'.f) que cette contravention à la règle pouvait relever d'une pratique courante. Aussi, de deux choses l'une : soit la règle était en effet couramment ignorée, auquel cas on ne saurait imputer une tromperie à ce titre, qui plus est astucieuse, à l'appelant A______ ; soit la règle était connue et respectée, mais alors on ne comprend pas que tout au long de la période pénale, et en particulier après la recommandation de l'auditeur, personne ne se soit soucié de ce qu'elle continuait de ne pas être appliquée, à tout le moins pas correctement, au sein du Service des comptabilités, ce qui exclurait le caractère astucieux de la manoeuvre. Certes, l'auditeur n'a, à l'époque, pas identifié les critères de facturation, soit les divers forfaits, mais ce n'était pas sa mission qui était d'analyser les processus des commandes, pas les coûts. Cette mission sera celle de l'audit suivant, lequel a bien repéré le forfait de CHF 42.- (pas les TAF, il est vrai), outre les montants totaux facturés.

La manière de tenir la comptabilité ne peut pas non plus être retenue à charge du prévenu A______. D'une part, il a été établi (cf. supra r') que les corrections opérées sur la facturation « au net » sont conformes aux principes comptables, à teneur d'expertise, et l'acte d'accusation ne soutient d'ailleurs pas le contraire. Ce procédé est du reste plutôt signe d'une volonté de transparence puisque la totalité des sommes facturées par l'avocat C______ a de la sorte été intégrée dans le compte de charges « Frais & honoraires de recouvrement ». D'autre part, la charge figurant au solde du compte était certes incomplète en raison des compensations opérées, ce qui empêchait le lecteur de connaître le coût réel du recouvrement. Néanmoins, et contrairement à ce qu'a estimé le TCO (jugement, consid. 3.2.6, p. 84), le dépassement du budget du recouvrement était visible dans le Grand livre et la Balance comptable. Il suffisait de lire le compte pour constater qu'il y avait non seulement des écritures au débit, mais aussi au crédit, pour des montants importants. Comme déjà souligné, c'est nécessairement ce qu'a fait l'audit interne, sans évoquer de difficulté, lorsqu'il a déterminé le montant correct de la charge au 30 juin 2011. En outre, la pratique consistant à opérer ces compensations pour « coller » au budget était connue (cf. supra s' et t').

Autrement dit, la tromperie pouvait être déjouée relativement aisément.

6.4.2.3. La partie plaignante a, de plus, négligé des signaux d'alerte, et ce dès début 2009 au plus tard.

La gestion du Service des comptabilités, en particulier la collaboration avec l'avocat C______ et son prix, a essuyé des critiques répétées et de plus en plus insistantes, notamment, d'employés dudit service. Si J______ a interpelé le prévenu A______ en mars 2009 à ce sujet, il s'est contenté d'une réponse lénifiante sans tenter de vérifier les informations reçues, ni d'obtenir des précisions.

En novembre 2011 et mai-juin 2013, de nouvelles demandes d'explications ont été formulées par J______, sous l'impulsion de son adjointe N______, mais en vain. Cette dernière revenait régulièrement sur le sujet des frais de recouvrement, toujours sans succès. Outre que l'absence de toute réaction du responsable hiérarchique face à l'insubordination de l'appelant A______ est incompréhensible, des séances annuelles ont été tenues, y compris en présence de l'avocat C______, dès 2011. La direction n'a jamais jugé opportun de profiter de ces occasions pour questionner le mandataire, à l'instar de ce qu'elle omettait déjà de faire à l'égard des collaborateurs directs de A______, en particulier S______.

La défense y voit la démonstration de ce que le coût du recouvrement n'était pas un objectif en soi pour la partie plaignante, seule la performance important. On ne saurait la suivre : si le focus était mis sur les encaissements, la performance ne pouvait être pleinement appréhendée que par référence au coût du système, une performance étant précisément le produit de deux facteurs : les résultats obtenus mais aussi les coûts exposés pour y parvenir. D'ailleurs, un budget avait été fixé, avec pour objectif nécessaire de limiter et contrôler les dépenses. La demande de l'ancien Directeur général T______ de mettre en place un système fiable économiquement va dans le même sens. Contrairement à ce qui a été plaidé, la maîtrise des coûts était donc bien un objectif. Paradoxalement, ce constat est, sous le prisme de l'escroquerie, favorable à la défense dans la mesure où, par définition, la responsabilité de veiller au respect de l'objectif de compression des coûts incombait tout particulièrement à la Direction des finances, laquelle aurait dû s'y intéresser de plus près. Confronté à l'obstruction pour le moins suspecte du Chef du Service des comptabilités, J______ aurait pu aisément la déjouer en demandant à son adjoint en charge des finances de vérifier quel était ce coût.

Plus : depuis à tout le moins janvier 2012 et la publication du rapport d'audit 2012, J______ ne pouvait qu'être conscient de ce que le coût du recouvrement dépassait deux fois le budget alloué. Contrairement à ce qu'a retenu le TCO (jugement,
consid. 3.2.5, p. 83), il était aisé de comprendre que l'analyse des comptes avait été réalisée sur le premier semestre 2011 seulement, tant cette information était réitérée dans ce document, sans préjudice du simple raisonnement logique selon lequel un rapport d'audit publié en début d'année ne peut porter sur la comptabilité afférente à l'intégralité de l'année précédente. Par ailleurs, le poste de CHF 3.6 millions apparaissait sous la rubrique « 3-Direction administrative et financière - Service de recouvrement » (p. 5), ce qui exclut que J______ ait pu ne pas comprendre quel était le compte concerné, comme il l'a soutenu. Loin de s'alarmer du chiffre articulé dans le rapport d'audit, alors qu'il était, de son propre aveu, responsable du budget lié au recouvrement (PP E - 278), J______ a apparemment continué de ne pas se soucier de la question du coût du recouvrement jusqu'au printemps 2013, sous une nouvelle impulsion de N______.

Au vu de ce qui précède, la hiérarchie de l'appelant A______ n'a pas fait preuve de toute l'attention que les circonstances exigeaient d'elle. Dans le cas contraire, elle aurait été en mesure de déjouer bien plus tôt, les omissions et comportements trompeurs de son Chef du Service des comptabilités.

6.4.3. En conclusion, les tromperies, avérées, de l'appelant A______ ne lui ont, d'une part, pas servi à obtenir frauduleusement le pouvoir de représenter la partie plaignante ; elles ne peuvent, d'autre part, être qualifiées d'astucieuses. Ces deux motifs conduisent à écarter la qualification juridique d'escroquerie, sans qu'il soit nécessaire de se demander quel a pu être le dessein de ce prévenu sachant qu'il ne s'est lui-même pas enrichi, ce qui, vu notamment l'énergie dépensée par lui et les risques encourus, peut en effet « déranger intellectuellement », comme concédé par le MP lors des débats d'appel.

Le jugement entrepris doit donc être reformé en ce qu'il reconnaît l'appelant A______ coupable du chef d'escroquerie, sans que cela n'entraine un acquittement, les faits reprochés à ce titre revêtant néanmoins un caractère pénal, ainsi qu'il sera jugé ci-après (cf. 144 IV 362 consid. 1.3.1).

6.5. Le TCO a retenu à charge du prévenu C______ trois actes de tromperie : le premier a trait à son silence concernant le forfait de CHF 42.- par créance remise que ce soit dans le courrier du 24 janvier 2007 formalisant les conditions initiales du mandat ou par la suite ; le deuxième consiste en la mise en oeuvre d'une fausse facturation « contentieux » afin de dissimuler les TAF ; le dernier relève de l'omission, soit de n'avoir rien dit à son client de ce que son mode de facturation n'était pas conforme aux règles sur la profession d'avocat, ce qui rejoint, sans se confondre avec lui, le grief fait dans l'acte d'accusation d'avoir conforté la cliente dans l'idée fausse que la facturation était raisonnable.

6.5.1. Il a été retenu ci-dessus, au chapitre des faits (cf. j.c.b), que la non-évocation du forfait de CHF 42.- dans la lettre formelle de confirmation des conditions de la rémunération de l'appelant C______ du 24 janvier 2007 ne pouvait s'expliquer que par trois hypothèses :

-       le forfait de CHF 42.- était déjà convenu entre les deux protagonistes le 24 janvier 2007 et il a été sciemment passé sous silence dans la communication précitée ;

-       les prévenus ont initialement bien discuté de l'activité de C______ dès la remise des factures, mais pas de la rétribution y relative, puis, s'en rendant compte, ont très rapidement décidé de lui appliquer le forfait de CHF 42.-, s'inspirant de l'articulation de la rémunération proposée par les bureaux de recouvrement ;

-       ils estimaient initialement que cette activité était soumise au taux horaire de CHF 220.- (+ success fee), puis ont très rapidement décidé de lui appliquer le forfait au lieu de la rétribution au taux horaire.

6.5.1.1. La première hypothèse comporterait que le mandataire se soit entendu avec son coprévenu pour taire un élément pourtant très important de sa facturation[24]. Or, si, au regard de l'ensemble des circonstances, un fort soupçon peut être nourri à cet égard, un doute sérieux subsiste. Pour pouvoir tromper la partie plaignante en comptant sur la confiance qu'elle mettait dans le prévenu A______, il eût fallu que l'appelant C______ sache comment ses factures allaient être traitées à l'interne et qui les contrôlerait, voire également quelle faille du processus de vérification serait exploitée pour éviter les contrôles. Or, il n'y a aucune preuve de ce que le prévenu C______ ait disposé d'une telle information. On peut même se demander si, à ce stade initial de la relation, le prévenu A______ avait déjà lui-même tout envisagé. D'ailleurs, il n'a jamais été soutenu par aucune des parties que le prévenu A______ aurait donné la moindre explication, ni une quelconque information sur la stratégie qui pourrait être, et a été concrètement, adoptée pour tromper son employeur. En prolongement, il est difficile de cerner les raisons qui auraient conduit le prévenu A______ à soutenir le procédé du mandataire, en l'absence de tout avantage financier pour lui-même.

Il est tout autant délicat de retenir que le mandataire aurait manipulé le Chef du Service des comptabilités pour obtenir son silence, escomptant que la partie plaignante ne procéderait, par la suite, à aucune vérification. L'hypothèse devrait alors être posée que l'avocat C______ serait parvenu à convaincre un comptable chevronné que ses services valaient une telle rémunération : fort de l'expérience avec des instituts de recouvrement et averti de l'explosion à venir du nombre de factures suite à l'abandon du système du tiers-payant, le prévenu A______ ne peut pas avoir été conforté dans l'idée que le service fourni par l'avocat - aussi bon fût-il - pourrait valoir la rémunération qui en découlerait, aisément estimable au moyen d'une simple multiplication du nombre de factures escompté par le forfait de CHF 42.- (indexés). L'hypothèse d'une manipulation par le prévenu C______ est d'autant moins plausible que c'est le prévenu A______ qui l'a sollicité, non l'inverse, et que celui-ci dément avoir été manipulé, alors même qu'il aurait pu y voir un moyen de défense. L'acte d'accusation, qui formule ce reproche, ne décrit du reste aucun fait permettant de déterminer de quelle façon, concrètement, l'appelant C______ aurait créé cette conviction dans l'esprit de son interlocuteur. Le dossier ne permet pas davantage de le retenir (cf. aussi infra consid. 6.5.3.2).

Dans le doute, il faut partant privilégier les deux autres thèses.

6.5.1.2. Celles-ci, proches, n'impliquent pas nécessairement une tromperie à l'encontre de la partie plaignante, à tout le moins pas par cet appelant, lors de l'établissement du courrier du 24 janvier 2007, puisqu'à cette date, le forfait n'était pas encore envisagé. En revanche, elles interpellent sur le respect par l'avocat C______ de ses obligations civiles et, en prolongement, sur sa participation à une violation du devoir de gestion loyale par le Chef du Service des comptabilités.

6.5.2. Selon le raisonnement supra (cf. consid. 5.2.3.3), les factures « contentieux » ne contenaient aucun mensonge, dans la mesure où elles mentionnaient seulement une prétention en paiement, accompagnée d'une liste d'opérations effectuées. L'affirmation trompeuse au sujet du nombre d'heures travaillées de l'avocat C______ se trouvait uniquement dans les time-sheets. Or, ceux-ci n'ont jamais été transmis à la partie plaignante, sauf deux exceptions. Aussi, sans communication du mensonge, la mandante ne peut pas avoir été trompée.

L'argument - développé tant par le MP que par le TCO -, selon lequel l'appelant C______ aurait tablé sur l'absence de contrôle en raison de la confiance de la partie plaignante en son Chef du Service des comptabilités, ne peut pas plus être suivi. En effet, comme il vient d'être retenu, il n'est pas établi que l'appelant C______ savait quelles mesures l'appelant A______ allait prendre et a concrètement pris pour déjouer le contrôle ou en exploiter les failles. Or, en professionnel expérimenté, il devait bien escompter que des contrôles existaient, dans un établissement public d'une telle importance, peu importe la confiance dont peut jouir tel ou tel haut cadre.

6.5.3. Enfin, il est reproché au prévenu C______ d'avoir tu la divergence flagrante entre les modalités de sa facturation et les règles propres à la profession d'avocat, afin d'obtenir une rémunération exorbitante, ou encore d'avoir conforté sa cliente dans l'idée fausse que dite rémunération était raisonnable.

6.5.3.1. Sans qu'il soit nécessaire de rappeler ici le détail des principes régissant la fixation des honoraires d'avocat en Suisse, il peut être affirmé que la rémunération dont a bénéficié l'appelant C______ s'en écarte de façon tout à fait notable, en sa très grande faveur. L'intéressé ne le conteste au demeurant pas, soutenant, pour éviter cet écueil, que lesdits principes ne s'appliqueraient pas à une grande partie de son activité, moyen qui a déjà été écarté (cf. supra consid. 3.2).

A tout le moins à la fin de la première année de son mandat, l'avocat C______ a nécessairement pris conscience de l'explosion de ses honoraires : alors qu'il réalisait auparavant un revenu annuel brut de l'ordre de CHF 700'000.- - montant en phase avec le chiffre d'affaire moyen en Suisse d'une Etude d'avocats employant plusieurs collaborateurs (environ CHF 1'500'000.-) -, il a facturé plus de CHF 6 millions annuels en moyenne sur toute la période pénale, pour un total de CHF 50'297'302.57. Par ailleurs, le prévenu C______ aurait été en mesure de pratiquer le même calcul que celui opéré par le MP, soit qu'en facturant ses prestations CHF 500.- par heure, dix heures par jours, 365 jours par an, durant toute la période pénale, il aurait déjà pu encaisser plus de CHF 3 millions par an, TVA comprise, autrement dit le double du chiffre d'affaires de l'Etude moyenne susmentionnée, présumée respecter les règles de la profession. La CPAR est du reste parvenue à un résultat relativement proche, en faisant un autre calcul, soit en retenant, au titre de l'hypothèse la plus favorable à la défense tout en restant dans la limite du plausible, un bénéfice annuel de l'ordre de CHF 2 millions, pour une activité à temps partiel, et en y ajoutant le montant des charges de la structure C______ et les honoraires des sous-traitants, d'où un total annuel de CHF 3'630'000.-.

Vu le caractère totalement exorbitant de cette rémunération et - ce n'est pas anodin - la qualité d'établissement public de sa cliente, l'appelant C______ ne saurait se retrancher derrière le fait que le représentant autorisé de celle-ci était très précisément informé des modalités de calcul de ses honoraires, les ayant lui-même proposées, comme du montant découlant de ce calcul, très régulièrement facturé. Il est à cet égard renvoyé aux développements qui suivront, au chapitre de la gestion déloyale ([des intérêts publics ou simple] cf. infra consid. 7). Au plan du droit civil, il est ainsi indéniable que l'appelant C______ aurait dû, conformément aux règles régissant la profession d'avocat, s'assurer que, au-delà du prévenu A______, la hiérarchie de ce dernier était bien informée des conditions de sa rémunération et les acceptait nonobstant leur caractère et importance tout à fait inusuels. Il pouvait d'ailleurs d'autant moins rester passif qu'il savait que sa lettre du 24 janvier 2007 était incomplète et ses factures indécryptables pour d'autres que lui-même et son unique interlocuteur, hormis le montant réclamé.

Pour autant, l'obligation de renseigner le client en ce qui concerne la rémunération, telle que consacrée par le code des obligations, la LLCA et les usages, ne trouve pas son pendant en droit pénal : comme rappelé supra (cf. consid. 5.2.3.2), l'avocat C______ ne gérait pas le patrimoine de sa cliente lorsqu'il facturait ses honoraires et n'en était donc pas le garant. En se bornant à taire la discrépance entre les modalités de sa rémunération et les règles de la profession, l'appelant C______ n'a en conséquence pas commis une tromperie par omission. Autre est la question de savoir si, ce faisant, il a prêté assistance à une violation du devoir de gestion par le prévenu A______ (cf. infra consid. 7.9.3 ss).

6.5.3.2. N'ignorant pas cette difficulté, le MP évoque plutôt une action, soit le fait d'avoir conforté le lésé dans une idée fausse. Les moyens évoqués (fausse facturation, avoir présumé qu'il n'y aurait pas de contrôle efficace ou qu'il serait déjoué par les manoeuvres comptables de son comparse) à l'appui ont cependant déjà été discutés et écartés. Au-delà de ce qui a également déjà été dit à ce sujet, le dossier ne contient aucun élément en faveur de fausses représentations faites par l'avocat à la partie plaignante, cas échéant au travers de son coprévenu, sur la conformité de ses tarifs aux règles propres à la profession d'avocat et/ou sur le caractère raisonnable de ses honoraires eu égard à la qualité et l'efficacité de ses prestations. L'acte d'accusation ne décrit d'ailleurs pas de quelle manière l'appelant C______ aurait créé ou entretenu cette idée fausse dans l'esprit de l'appelant A______, lequel pour sa part réfute avoir été manipulé.

6.5.4. En conclusion, le jugement querellé est réformé dans la mesure où il comporte un verdict de culpabilité de l'appelant C______ du chef d'escroquerie par métier, faute de tromperie active ou par omission. Dans son cas également, cela n'entrainera cependant pas le prononcé d'un acquittement, les faits étant néanmoins constitutifs d'une infraction, selon les considérants qui suivent (cf. 144 IV 362 consid. 1.3.1).

7. Gestion déloyale des intérêts publics (art. 314 CP), subsidiairement gestion déloyale simple (art. 158 ch. 1 al. 1 CP)

7. 7.1. Selon l'art. 314 CP, les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, auront lésé dans un acte juridique les intérêts publics qu'ils avaient mission de défendre seront punis d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. En cas de peine privative de liberté, une peine pécuniaire est également prononcée.

7.1.1. Le fonctionnaire doit léser les intérêts publics par un acte juridique, soit un acte de gestion, ou en raison des conséquences induites par celui-ci (ATF 109 IV 168 consid. 1 ; 101 IV 407 consid. 2). Un acte juridique est conclu en particulier lorsque le fonctionnaire agit comme représentant de la collectivité dans un contrat de droit privé (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER [éds], op. cit., n. 19 ad art. 314 ; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], op. cit., n. 14 ad art. 314 ; S. TRECHSEL / M. PIETH [éds], Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 3e éd., Zurich 2018, n. 2 ad art. 314).

7.1.2. Le comportement illicite doit entrainer une lésion des intérêts publics. Elle est, en principe, de nature patrimoniale. Le dommage matériel s'analyse de la même manière que celui induit par une escroquerie. Même une équivalence objective entre la prestation et la contreprestation n'exclut pas l'éventualité d'une atteinte au patrimoine, lorsque la contreprestation obtenue est d'une valeur inférieure à celle qui a été promise (ATF 109 IV 168 consid. 2 ; 117 IV 286 consid. 4b ; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER [éds], op. cit., n. 26 ad art. 314 ; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], op. cit., n. 21 s. ad art. 314 ; S. TRECHSEL / M. PIETH [éds], op. cit., n. 3 ad art. 314).

7.1.3. Le comportement illicite du fonctionnaire se conçoit comme une violation de son devoir de défendre les intérêts publics. Il faut dès lors déterminer le pouvoir d'appréciation dont l'auteur disposait lors de la conclusion de l'acte juridique. Le fonctionnaire peut en effet être amené à choisir entre plusieurs possibilités, lesquelles comportent des avantages et des inconvénients. Lors de cette évaluation, l'offre la moins chère n'est pas nécessairement la meilleure selon les circonstances : le prix n'est qu'un des éléments avec, entre autres, les garanties offertes par les concurrents. Les intérêts publics ne sont lésés que lorsque l'auteur dépasse sa marge d'appréciation d'une façon manifestement arbitraire, à savoir que le choix ne peut se justifier par aucun motif soutenable (ATF 101 IV 407 consid. 2 ; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER [éds], op. cit., n. 26 ad art. 314 ; B. CORBOZ, op. cit., n. 28 ad art. 314 ; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], op. cit., n. 29 et 32 ad art. 314).

Il est admis, au regard de l'art. 158 CP, que les risques inhérents à la gestion doivent être pris en considération. Le droit pénal n'a pas pour objectif de réprimer n'importe quelle opération à risque, même si celle-ci a en définitive induit un dommage. Une distinction doit donc être posée entre la violation d'un devoir de gestion et une simple décision inopportune. Une évaluation ex ante doit ainsi intervenir au cas par cas pour déterminer si le risque pris était admissible, notamment au regard du comportement du gérant averti, ou s'il était conforme à un accord ou aux instructions du titulaire du patrimoine (arrêts du Tribunal fédéral 6S_430/2006 consid. 3.2 ; 6B_446/2010 consid. 8.4.1 ; 6B_1020/2015 consid. 1.3.2 ; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER [éds], op. cit., n. 46 ad art. 158 ; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], op. cit., n. 46 ad art. 158). Par exemple, dans le récent arrêt Swissair, le Tribunal fédéral a relevé que les prêts litigieux aux entités du groupe auraient pu être utilisés dans son intérêt et, indirectement, dans celui de Swissair. Comme pour toute décision commerciale, une certaine retenue s'impose lors de l'examen a posteriori des investissements. Il faut également démontrer dans quelle mesure la situation patrimoniale de la société aurait évolué de manière plus favorable si d'autres décisions avaient été prises que celles incriminées (arrêt du Tribunal fédéral 4A_268/2018 du 18 novembre 2019 consid. 6.5.4.3 s. et 7.2).

7.1.4. S'agissant des éléments constitutifs subjectifs, l'infraction de gestion déloyale des intérêts publics est une infraction intentionnelle, le dol éventuel suffisant. Néanmoins, le fonctionnaire doit avoir agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite. Il s'agit d'un mobile spécifique, qui ne peut être réalisé par dol éventuel (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER [éds], op. cit., n. 31 ad art. 314 ; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], op. cit., n. 39 ad art. 314 ; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], op. cit., n. 38 ad art. 314).

Aussi, l'art. 314 CP s'applique comme lex specialis lorsque les membres d'une autorité et les fonctionnaires lèsent, dans un acte juridique, les intérêts publics qu'ils avaient mission de défendre, pour se procurer ou procurer à un tiers un avantage illicite, alors que si l'élément constitutif subjectif du dessein spécial de l'art. 314 CP n'est pas réalisé, la gestion déloyale simple selon l'art. 158 CP peut réprimer l'acte délictueux commis dans l'exercice d'une fonction publique (ATF 113 Ib 175 consid. 7a).

7.2. L'art. 158 CP punit celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ses intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés (ch. 1 al. 1). Cette infraction suppose quatre conditions : il faut que l'auteur ait eu une position de gérant, qu'il ait violé une obligation lui incombant en cette qualité, qu'il en soit résulté un préjudice et qu'il ait agi intentionnellement (ATF 120 IV 190 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_136/2017 du 17 novembre 2017 consid. 4.1 ; 6B_949/2014 du 6 mars 2017 consid. 12.1). Dans le cas simple de l'art. 158 ch. 1 al. 1 CP, aucun dessein spécifique n'est requis, à l'inverse du cas aggravé (ch. 1 al. 3).

7.3. Les art. 158 et 314 CP sont des délits propres, seul un gérant dans la première hypothèse, un membre d'une autorité ou un fonctionnaire dans la seconde, pouvant en être l'auteur. Néanmoins, la participation par un extraneus est possible, conformément à l'art. 26 CP. Aussi, même si sa collaboration a été essentielle, l'extraneus ne peut être tenu pour auteur ou coauteur de l'infraction ; il peut en revanche être un instigateur ou un complice, et sa peine sera obligatoirement atténuée (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER [éds], Basler Kommentar Strafrecht I : Art. 1-136 StGB, 4e éd., Bâle 2019, n. 19 et 32 ad vor art. 24 et n. 1 ss ad art. 26 ; G. STRATENWERTH, Schweizerisches Strafrecht, Allgemeiner Teil I : Die Straftat, 4e éd., Berne 2011, §13 N 65 et 141 ; S. TRECHSEL / M. PIETH [éds], op. cit., n. 3 ad art. 26 ; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], op. cit., n. 43 ad art. 314 ; M. KILLIAS / A. KUHN / N. DONGOIS, Précis de droit pénal général, 4e éd., Berne 2016, N 627 ; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], op. cit., n. 2 ad art. 26 et n. 4 ad Rem. prél. aux art. 312 à 322bis).

7.4.1. Le prévenu A______ était un haut cadre oeuvrant à la tête du Service des comptabilités de la partie plaignante. Sa charge liée au recouvrement devait être exécutée dans l'objectif de sauvegarder les intérêts de l'établissement, étant observé que si cette notion est mentionnée expressément dans le cahier des charges de 2012, elle n'en était pas moins implicite dans le précédent et de toute façon inhérente à la qualité de fonctionnaire, qui plus est s'agissant d'un haut cadre. Il lui incombait ainsi non seulement de mettre en place un système de recouvrement efficace en termes de résultats, mais aussi de veiller à ce que le coût en fût raisonnable.

7.4.2. En mettant en oeuvre le prévenu C______, avec l'assentiment de principe de son employeur, le prévenu A______ a, pour le compte de ce dernier, conclu un acte juridique, complété d'autant d'actes ultérieurs au fur et à mesure que les conditions du mandat ont été adaptées.

Or, s'il ne lui est pas reproché, à tout le moins par l'acte d'accusation, la position de la partie plaignante étant plus réservée, d'avoir fait de mauvais choix en ce qui concerne le système mis en place, dont il a été retenu ci-dessus qu'il était efficace en termes de résultats (cf. h''), il reste que le coût en a été totalement exorbitant et que les mêmes résultats auraient pu être obtenus pour une charge nettement inférieure. Il sied à cet égard de rappeler que le prévenu A______ avait une idée claire de tous les éléments pertinents pour apprécier le volume du travail effectué par l'avocat C______ et la structure que ce dernier a dû mettre en place pour s'en acquitter, étant relevé qu'il remettait, personnellement, à son coprévenu les listes de factures et sommations, puis les RP à signer, au cours de séances d'une demi-journée quasi hebdomadaires, dans les locaux mêmes du mandataire. De la sorte, le prévenu A______ pouvait aisément en observer la taille, l'agencement, de même que le personnel y circulant. Par ailleurs, il connaissait l'ensemble de la facturation, dès lors qu'il contresignait toutes les notes d'honoraires avant règlement. Il connaissait ainsi nécessairement la disproportion énorme entre cette facturation et les moyens engagés par l'avocat pour s'acquitter de sa mission.

Comme retenu en fait (cf. supra j''. ss), le prévenu A______ aurait sans doute pu obtenir du prévenu C______ que celui-ci se contente d'une rémunération brute inférieure d'environ CHF 20.5 millions à ce qu'elle a été pour toute la période considérée, soit une rémunération, nette de frais généraux et des honoraires des sous-traitants, de l'ordre de CHF 2'000'000.-/an. Une telle rémunération aurait déjà été considérable eu égard à la responsabilité assumée par le mandataire, mais aussi à la charge de travail, et certainement excessive au plan civil, soit au regard des principes applicables à la rémunération des avocats.

7.4.3. Aucun des arguments articulés par la défense des deux intéressés ne permet de remettre en cause cette appréciation.

L'objection selon laquelle la partie plaignante n'aurait subi aucun dommage, le travail effectué par le prévenu C______ ayant permis le recouvrement de plus de CHF 200'000'000.- sur CHF 300'000'000.- de créances en souffrance est spécieux. Il consiste à déplacer le débat sur la bonne exécution de la prestation incombant au mandataire, alors que la question n'est pas celle-là, mais celle de la contreprestation, exorbitante, pratiquée.

Le simple fait que les sociétés de recouvrement auraient coûté davantage et que le « benchmark » était dépassé n'est pas déterminant D'une part, il n'était plus question, en janvier 2007, de mandater l'une de ces entreprises, jugées trop chères, peu efficaces, et qui auraient dû mandater à leur tour des avocats pour toute activité relevant de la représentation (y compris auprès des OP de Genève et Vaud), suite à l'arrêt de la Cour de justice rendant impossible la cession de créances aux fins de recouvrement. D'autre part, le devoir de sauvegarder les intérêts publics comportait de mettre en place non pas une solution moins coûteuse mais efficace, mais bien la solution la moins coûteuse possible en restant dans un rapport raisonnable coût/efficacité. Autrement dit, le prévenu A______ avait le devoir de négocier des honoraires certes acceptables pour le mandataire, mais néanmoins raisonnables pour le mandant, au lieu de se contenter de s'inspirer du système de facturation pratiqué par les sociétés de recouvrement, en veillant à rester en-deçà s'agissant du coût, le critère de l'efficacité étant par ailleurs satisfait.

En prolongement, ainsi que déjà évoqué (cf. supra consid. 6.4.2.3), on ne saurait suivre la thèse selon laquelle la maîtrise des coûts n'était pas un objectif. S'il est vrai que la partie plaignante a manqué de vigilance à cet égard, cela ne dispensait pas l'appelant A______ d'y veiller.

Comme constaté supra (cf. k''.a.d), l'urgence n'était que relative et rien ne permettait de supposer qu'aucun autre avocat de la place n'aurait été susceptible, ni capable d'accepter le mandat (ou une partie de celui-ci, plusieurs pouvant collaborer) dans le cas où le prévenu C______ eût refusé de négocier. Aucune autre piste n'a d'ailleurs été sérieusement envisagée hormis, peut-être, celle de Me Q______. Au contraire, tout permet de penser que le prévenu C______ aurait accepté le niveau de rémunération estimé par la Cour, déjà extrêmement intéressant, pour ne pas dire inespéré, pour lui. De même, le fait qu'il était supposé que le contrat ne durerait pas plus de deux ou trois ans, le temps d'internaliser le processus, n'empêchait pas d'en négocier des conditions aussi bonnes que possible pour le mandant. Du reste, rien n'a été entrepris en ce sens lorsqu'il s'est avéré que ces prévisions n'étaient pas réalistes.

7.4.4. Ainsi, même en faisant preuve de retenue, s'agissant de se replacer ex ante, force est de constater que l'appelant A______ a conclu, pour le compte de la partie plaignante, un contrat qui a entrainé, dès 2008, une lésion des intérêts publics. Celle-ci consiste dans la différence entre ce que ledit contrat aurait, au plus, sous l'angle du droit pénal, dû générer comme coûts externes et ce qui a été effectivement convenu et payé. Cette lésion était d'emblée prévisible, étant rappelé que, pour le seul exercice 2007, la facturation « sommations » a représenté plus de CHF 2.2 millions (la première facture « contentieux » date du mois d'octobre 2007), charge aisément identifiable à l'avance, puisqu'elle était le résultat de la multiplication du nombre de factures remises par le forfait de CHF 42.-, et qui ne pouvait que croître.

La CPAR parvient ainsi à la même conclusion que celle énoncée dans l'acte d'accusation : si le versement d'environ CHF 30 millions d'honoraires peut encore - sous l'angle pénal - être admis, tel ne saurait être le cas de plus de CHF 50 millions, pour le travail de recouvrement effectué par le prévenu C______, un tel montant étant totalement disproportionné et injustifiable économiquement, ce que l'appelant A______ savait (cf. notamment supra consid. 6.5.1.1), comme cela se déduit au demeurant de ses efforts et manoeuvres pour occulter la situation.

7.4.5. Enfin, au sens de l'art. 314 CP, il importe peu que la hiérarchie de l'appelant A______ n'ait pas fait preuve de toute l'attention nécessaire, ce qui lui aurait permis de déjouer bien plus rapidement les manipulations comptables et informations ou omissions mensongères de son Chef du Service des comptabilités et partant d'identifier l'ampleur des sommes payées au titre de frais de recouvrement, dans la mesure où cela n'enlève rien au caractère lésionnaire et donc déloyal des actes de gestion commis.

7.4.6. Selon l'acte d'accusation, le prévenu A______ aurait agi dans le dessein, d'une part, de montrer à sa hiérarchie qu'il était efficient en matière de recouvrement, alors que le modèle mis en place était, du point de vue des coûts, économiquement irrationnel et dommageable pour la partie plaignante et, d'autre part, afin de permettre à son ami C______, au demeurant ancien avocat personnel et ancien camarade d'étude, de s'enrichir indûment.

Ces desseins ne sont cependant pas établis au regard des éléments du dossier. Le prévenu A______ jouissait de la confiance de son employeur, qui était satisfait de lui. Il n'y a aucune indication au dossier selon laquelle son poste était en péril et rien ne permet de supposer qu'il aurait ressenti le besoin de mettre en place le système en cause pour sauvegarder cette considération dont il jouissait, ce d'autant moins d'ailleurs que, comme certains représentants de la partie plaignante et lui-même ont souligné, il n'était pas dans sa nature de tenter de plaire à ses supérieurs. De même, le dossier n'établit pas que les prévenus étaient des amis. Apparemment, leur lien relevait d'une simple fréquentation, certes ancienne et sans doute empreinte d'une forme de respect, à tout le moins du prévenu A______ pour les compétences du second protagoniste, mais pas particulièrement étroite. Le seul fait que, dans un lointain passé, à une reprise, le prévenu C______ ait été son avocat n'est pas un indice suffisant de proximité et, du moins sur la base du dossier, rien ne permet de retenir que le prévenu A______ en aurait conçu une reconnaissance si profonde qu'il en aurait nourri le désir de procurer à son ancien conseil un avantage patrimonial indu. Les raisons pour lesquelles le prévenu A______ aurait choisi de violer son devoir de fidélité, avec tous les risques que cela pouvait comporter, pour enrichir une connaissance, qui ne l'avait d'ailleurs pas sollicité, sans contrepartie aucune pour lui-même, étant rappelé que l'instruction n'a pas permis d'identifier le moindre bénéfice octroyé par le prévenu C______, ne sont ni démontrées, ni même identifiées.

Certes, on ne parvient pas davantage à comprendre quelle autre motivation a pu conduire le prévenu A______ à agir comme il l'a fait. Quoi qu'il en soit, faute de pouvoir déterminer avec certitude un mobile spécifique relevant de l'art. 314 CP, il faut retenir que cet élément constitutif subjectif n'est pas réalisé, avec pour conséquence que, malgré tout ce qui précède, un verdict de culpabilité de gestion déloyale des intérêts publics ne peut être retenu.

7.5. En revanche, tous les éléments constitutifs de la gestion déloyale simple, au sens de l'art. 158 ch. 1 al. 1 CP, sont réalisés, les développements qui précèdent étant valables mutatis mutandis. En particulier, le prévenu A______ avait bien, en sa qualité de fonctionnaire, Responsable puis Chef du Service des comptabilités, une position de gérant à l'égard de la partie plaignante, comportant le devoir de veiller sur ses intérêts pécuniaires, notamment dans le cadre de la supervision, organisation et gestion du recouvrement. Il a, intentionnellement, violé ce devoir en proposant de payer à l'avocat qu'il avait mandaté pour le compte de la partie plaignante des honoraires totalement exorbitants et disproportionnés, puis en s'assurant de la poursuite du mandat, cause de dite rémunération, comme de son paiement d'où un dommage d'au moins CHF 20.5 millions, encouru de 2008 à mi-2015 (en 2007, la rémunération brute versée est restée en deçà du seuil retenu de sorte que le résultat lésionnaire ne s'est pas produit ; cf. supra c'.a et k''.a.c).

7.6. L'appelant A______ fait valoir que les faits sont en partie prescrits, soit ceux commis plus de sept ans avant le prononcé du présent arrêt (dies ad quem). Il plaide en effet que le jugement de première instance n'a pas interrompu la prescription en ce qui le concerne, dès lors qu'il ne l'a ni jugé coupable ni acquitté de gestion déloyale (des intérêts publics) et qu'il y a autant de dies a quo qu'il y a eu de facturation mensuelle par l'appelant C______, ce qui exclut, vu le long laps de temps séparant chacune de ces factures, la notion jurisprudentielle d'unité juridique ou naturelle d'actions.

7.6.1. La gestion déloyale simple de l'art. 158 ch.1 al. 1 CP est passible au plus d'une peine privative de liberté de trois ans. Le délai de prescription était donc de sept ans jusqu'au 31 décembre 2013 (art. 97 al. 1 let. c aCP) alors qu'il est de 10 ans depuis le 1er janvier 2014 (RO 2013 4417 ; Message concernant la modification du code pénal et du code pénal militaire (Allongement des délais de prescription) du 7 novembre 2012, FF 2012 8533 ss).

Selon l'art. 2 al. 1 CP, la loi pénale ne s'applique qu'aux faits commis après son entrée en vigueur (principe de la non-rétroactivité de la loi pénale). Cependant, en vertu de l'art. 2 al. 2 CP, une loi nouvelle s'applique aux faits qui lui sont antérieurs si, d'une part, l'auteur est mis en jugement après son entrée en vigueur et si, d'autre part, elle est plus favorable à l'auteur que l'ancienne (exception de la lex mitior). Il en découle que l'on applique en principe la loi en vigueur au moment où l'acte a été commis, à moins que la nouvelle loi ne soit plus favorable à l'auteur. La règle de la lex mitior constitue une exception au principe de non-rétroactivité. Elle se justifie par le fait qu'en raison d'une conception juridique modifiée le comportement considéré n'apparaît plus ou apparaît moins punissable pénalement (ATF 134 IV 82 consid. 6.1).

L'art. 389 CP est une concrétisation du principe de la lex mitior s'agissant de la prescription. Selon cet article, les dispositions du nouveau droit concernant la prescription de l'action pénale sont applicables aux infractions commises avant l'entrée en vigueur du nouveau droit si elles sont plus favorables à l'auteur que celles de la loi ancienne (principe de la lex mitior). Si, au contraire, la loi nouvelle fixe un délai de prescription plus long, on appliquera la loi ancienne à une infraction commise sous son empire (principe de la non-rétroactivité ; cf. ATF 129 IV 49 consid. 5.1).

L'ancien et le nouveau droit ne peuvent cependant être combinés. Ainsi, on ne saurait, à raison d'un seul et même état de fait, appliquer l'ancien droit pour déterminer quelle infraction a été commise et le nouveau droit pour décider si et comment l'auteur doit être puni. En revanche, si l'auteur a commis plusieurs infractions indépendantes qui sont punissables pénalement, il convient d'examiner séparément, en relation avec chacune des infractions, lequel de l'ancien ou du nouveau droit est le plus favorable (ATF 134 IV 82 consid. 6.2.3 et l'arrêt cité ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_496/2012 du 18 avril 2013 consid. 8.1 à 8.3).

En particulier, lorsqu'une nouvelle loi entre en vigueur pendant l'exécution d'un délit continu, il convient de prendre en compte le nouveau droit uniquement (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], op. cit, n. 19 ad art. 2 CP ; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER [éds], op. cit., n. 9 ad art. 2).

7.6.2. Aux termes de l'art. 97 al. 3 CP, la prescription ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu. Sont des jugements de première instance au sens de cette disposition, non seulement les prononcés de condamnation, mais également ceux d'acquittement (ATF 139 IV 62 consid. 1.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_92/2014 du 8 mai 2014 consid. 2.2).

7.6.3. Selon l'art. 98 CP, la prescription court du jour où l'auteur a exercé son activité coupable (let. a), dès le jour du dernier acte si cette activité s'est exercée à plusieurs reprises (let. b) ou dès le jour où les agissements coupables ont cessé s'ils ont eu une certaine durée (let. c).

La jurisprudence relative à la seconde hypothèse a évolué au fil du temps, le Tribunal fédéral abandonnant la notion de délit successif au profit de celle d'unité du point de vue de la prescription. Cette dernière notion a ensuite été remplacée par la figure de l'unité juridique ou naturelle d'actions. L'unité juridique d'actions existe lorsque le comportement défini par la norme présuppose, par définition, la commission d'actes séparés, tel le brigandage (art. 140 CP), mais aussi lorsque la norme définit un comportement durable se composant de plusieurs actes, par exemple les délits de gestion fautive (art. 165 CP), ou de services de renseignements politiques ou économiques (art. 272 et 273 CP).

L'unité naturelle d'actions existe lorsque des actes séparés procèdent d'une décision unique et apparaissent objectivement comme des événements formant un ensemble en raison de leur relation étroite dans le temps et dans l'espace. Elle vise ainsi la commission répétée d'infractions - une volée de coups - ou la commission d'une infraction par étapes successives - le sprayage d'un mur avec des graffitis pendant plusieurs nuits successives - une unité naturelle étant cependant exclue si un laps de temps assez long s'est écoulé entre les différents actes, quand bien même ceux-ci seraient liés entre eux. Cette notion doit être interprétée restrictivement, pour éviter de réintroduire sous une autre forme la figure du délit successif ou celle d'unité du point de vue de la prescription. Elle ne sera donc admise qu'à la double condition que les faits punissables procèdent d'une décision unique et se traduisent, dans le temps et dans l'espace, par des actes suffisamment rapprochés pour former un tout (ATF
132 IV 49 consid. 3.1.1-3.1.2.2 ; 131 IV 83 consid. 2.1.2-2.4.5 ; 119 IV 216
consid. 2f ; 118 IV 91 consid. 4a ; 111 IV 144 consid. 3b ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_310/2014 du 23 novembre 2015 consid. 4.2 in SJ 2016 I 414 et 6S_397/2005 du 15 novembre 2005 consid. 2.3.2.).

Pour déterminer si différents actes délictueux peuvent constituer un tout, il faut s'en remettre à des critères objectifs. L'unité entre les actes incriminés est suffisante lorsque ceux-ci procèdent d'un comportement durablement contraire à un devoir permanent de l'auteur (« andauerndes pflichtwidriges Verhalten »), sans que l'on soit toutefois en présence d'un délit continu. Cet élément de durée existe notamment en matière de gestion déloyale (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], op. cit. n. 115 ad art. 158 CP ; ATF 118 IV 309 consid. 2c certes antérieur à la dernière évolution jurisprudentielle consacrant l'unité naturelle d'actions mais encore rappelé par S. TRECHSEL / M. PIETH [éds], op. cit., n. 15 ad art. 158).

7.7.1. L'argumentation de l'appelant A______ relative au dies ad quem ne saurait être suivie : comme retenu supra (cf. consid. 2.1.3), et nonobstant les termes du jugement de première instance, les premiers juges ont bien connu des faits dont il vient d'être retenu qu'ils sont constitutifs de gestion déloyale. Ils ont certes écarté cette qualification juridique au profit de celle d'escroquerie, mais il n'en demeure pas moins qu'un verdict, de culpabilité, a été rendu à cet égard. La prescription a partant été interrompue à la date du prononcé dudit jugement, soit le 21 décembre 2018, si bien que les faits susceptibles d'être couverts par le supposé délai de prescription de sept ans invoqué par le prévenu A______ sont ceux commis au plus tard le
21 décembre 2011.

7.7.2. Pour autant, même dans cette mesure réduite, la seconde branche de la thèse dudit appelant doit également être écartée. Les faits ont en effet été commis dans le cadre d'un seul et même mandat, qui s'est poursuivi durant toute la période pénale, sous réserve de certaines adaptations. Il s'est agi pour les prévenus de concevoir le nouveau système de recouvrement puis de le mettre en oeuvre, moyennant une rémunération composée de plusieurs éléments mais qui doit être considérée comme un tout, point sur lequel ils insistent tous deux, encore lors des seconds débats d'appel s'agissant de la défense de l'appelant, et qui, à compter de 2008 à tout le moins, s'est avérée lésionnaire. Les deux prévenus (cf. infra consid. 7.9.1 ss s'agissant du caractère pénalement relevant de l'intervention de l'avocat) ont déployé, personnellement ou au travers de leurs collaborateurs, quotidiennement, plusieurs fois par jour, les activités nécessaires tant à l'exécution des prestations du mandataire, fondant en apparence ses diverses notes d'honoraires, qu'à l'exécution de celles du mandant, soit le paiement (effectif ou par compensation). De même, c'est tout au long de la période en cause que l'appelant A______ a veillé à dissimuler à son employeur, profitant certes de manquements ou lacunes internes, la réalité du coût du recouvrement. Vu ces circonstances, on peut se demander si les actes reprochés ne relèvent pas d'un délit continu, au sens de l'art. 98 let. c CP, question laissée ouverte, pour une hypothèse de gestion déloyale, dans l'arrêt 6B_90/2014 du 29 janvier 2015, c. 6.2. A supposer que tel ne soit pas le cas, les agissements des prévenus procèdent à tout le moins bien d'une décision unique et se traduisent, dans le temps et dans l'espace, par des actes suffisamment rapprochés pour former un tout, au sens de la notion d'unité naturelle d'actions.

Sur ce dernier élément de proximité temporelle, indépendamment du fait qu'il est factuellement faux que la facturation de l'avocat aurait été mensuelle, comme plaidé par l'appelant A______ lors des seconds débats, c'est de toute façon à tort que celui-ci déduit de l'arrêt dans les causes 6P_184/2004 et 6S_480/2004 consid. 8.3.3 du 9 mars 2005 que le Tribunal fédéral aurait estimé qu'une trentaine d'importations frauduleuses de tomates effectuées entre le 30 juin et le 21 août 1995 n'auraient pas été suffisamment rapprochées pour répondre aux exigences d'unité d'actions. Dans ledit arrêt, le Tribunal fédéral n'a en effet pas écarté ladite notion en raison du laps de temps s'étant écoulé entre chaque importation mais bien du fait que chacune d'elles constituait un acte séparé et ponctuel, accompli à un moment différent. Selon le Tribunal fédéral, il s'agissait d'actes identiques ou analogues, mais distincts. Ce cas de figure est totalement différent du présent, où les multiples actes accomplis par les deux prévenus en exécution d'un seul et même mandat se sont suivis, quotidiennement, durant toute la durée du contrat. Dans ce contexte, c'est l'addition des montants facturés, avec l'accord du Chef du Service des comptabilités mais à l'insu de sa hiérarchie, maintenue dans l'ignorance par les diverses manoeuvres déjà abondamment discutées, qui fait que ledit contrat était lésionnaire. Si les importations objet de la jurisprudence précitée doivent être considérées chacune pour elle-même - logiquement, si une importation n'avait pas eu lieu, les autres n'en auraient pas moins été illicites - telle n'est pas du tout la situation du cas d'espèce.

7.7.3. En conclusion, que l'on retienne l'hypothèse de l'art. 98 let. c CP ou celle de la let. b de cette même disposition, le délai de prescription a commencé de courir à la fin du mois de juin 2015 et a été interrompu le 21 décembre 2018 par le prononcé du jugement de première instance. Ce délai, décennal vu la teneur de l'art. 97 al. 1 let. c CP tel qu'en vigueur en juin 2015, n'était, de loin, pas atteint au moment où il a cessé de courir.

7.8. Aussi, les appels et appels joints seront-ils partiellement admis, au bénéfice d'une appréciation juridique différente ainsi que d'une période pénale légèrement réduite, et le prévenu A______ sera-il reconnu coupable de gestion déloyale au sens de l'art. 158 ch. 1 al. 1 CP.

7.9.1. Le prévenu C______ n'a pour sa part pas revêtu une position de gérant à l'égard de la partie plaignante. Il était certes son avocat, et à ce titre investi de l'obligation de veiller sur ses intérêts dans le cadre des services qu'il a été amené à lui rendre. En revanche, il n'était pas le gérant de son patrimoine s'agissant de la contreprestation qu'il lui réclamait. Il est à cet égard renvoyé aux consid. 5.2.3.2 et 6.5.3.1 supra. Ce prévenu est donc un extraneus dont le rôle doit être apprécié au regard des art. 24 à 26 CP.

7.9.2. Il ne sera pas retenu que le prévenu C______ aurait été l'instigateur du prévenu A______. En effet, rien ne vient démentir la version constante et commune des deux hommes selon laquelle l'avocat a été approché par le prévenu A______ et s'est contenté d'accepter les tarifs proposés par celui-ci, sans les discuter. Il n'a ainsi d'aucune manière exercé une influence sur la formation de la volonté du prévenu A______ d'agir.

7.9.3. Il n'en demeure pas moins que le prévenu C______ a adhéré aux décisions prises par le représentant de son mandant s'agissant des modalités de sa facturation et qu'il a déployé l'activité convenue, concevant et concrétisant le recouvrement des créances de la partie plaignante, dite activité étant un élément indispensable de la gestion déloyale commise par l'appelant A______. De la sorte, l'avocat C______ a été en mesure de facturer selon les tarifs proposés par l'autre protagoniste, avec pour conséquence singulière qu'il est, des deux comparses, celui qui a bénéficié de la gestion déloyale commise par ce dernier.

7.9.4. Même sans connaître le cahier des charges du prévenu A______, le second protagoniste ne pouvait que constater que celui-là avait le pouvoir de le mettre en oeuvre et savait nécessairement que l'intéressé était censé agir dans l'intérêt de son employeur, établissement public. Il découlait en effet de la simple fonction du Chef du Service des comptabilités que celui-ci revêtait des responsabilités importantes au sein dudit établissement public, avec, pour corollaire indissociable, un devoir d'exercer ses prérogatives dans les intérêts de son employeur et, in fine, de la collectivité. Or, il sautait aux yeux que la rémunération proposée était exorbitante.

Bien qu'il ait soutenu que son activité n'avait été celle, typique, d'un avocat que pour une partie moindre, le prévenu C______ ne pouvait en vérité ignorer que celle-ci était régie dans son ensemble par les règles applicables à la fixation des honoraires d'avocat (à cet égard, il est renvoyé aux développements sous consid. 3.2.3.1 ss et 6.5.3.1 supra), règles dont le mode de facturation convenu s'écartait très considérablement, au détriment du client. Indépendamment de ces règles, il ne pouvait pas ne pas réaliser que dite rémunération était totalement disproportionnée et injustifiable économiquement, par rapport au travail qu'il allait être et a été concrètement appelé à effectuer, et qui ne l'a occupé, en moyenne, qu'à 50%, lui permettant de réaliser une marge très excessive après couverture de ses charges, telles que chiffrées par lui-même, et des honoraires des sous-traitants. Dans l'hypothèse la plus favorable, il ne pouvait à tout le moins plus l'ignorer passés les premiers mois de la collaboration.

Aussi, le prévenu C______ savait-il que la rémunération proposée était incompatible avec les obligations de gérant du prévenu A______. En conséquence, il était en mesure de comprendre qu'il concourrait au dommage causé à la partie plaignante par son représentant. Ce nonobstant, il a accepté d'intervenir à ces conditions et a persisté à le faire, tout au long de la période pénale retenue, soit de 2008 à la mi-2015.

7.9.5. Le prévenu C______ objecte en vain qu'il ignorait tout de la façon dont le prévenu A______ avait présenté la situation à l'interne et comment étaient traitées et comptabilisées ses factures, de sorte qu'il pouvait de bonne foi supposer que les supérieurs de la partie plaignante avaient pleinement consenti aux accords passés. Il faut en effet rappeler que le forfait de CHF 42.-/facture remise, soit un élément particulièrement important de sa rémunération, n'était pas mentionné dans son courrier du 24 janvier 2007 formalisant les conditions initiales du mandat. L'avocat C______ savait par ailleurs que ce courrier formel lui était demandé par les « services » du prévenu A______.

Il faut ici derechef revenir sur les deux hypothèses encore envisageables et susceptibles d'expliquer ce silence, la première ayant été écartée (cf. supra consid. 6.5.1.1) :

-       les prévenus ont initialement bien discuté de l'activité de C______ dès la remise des factures, mais pas de la rétribution y relative, puis, s'en rendant compte, ont très rapidement décidé de lui appliquer le forfait de CHF 42.-, s'inspirant de l'articulation de la rémunération proposée par les bureaux de recouvrement ;

-       ils estimaient initialement que cette activité était soumise au taux horaire de CHF 220.- (+ success fee), puis ont très rapidement décidé de lui appliquer le forfait au lieu de la rétribution au taux horaire.

Il a été dit supra (cf. consid. 6.5.1.2) que ces deux versions n'impliquent pas nécessairement une tromperie à l'encontre de la partie plaignante, à tout le moins de la part de ce prévenu, lors de l'établissement du courrier du 24 janvier 2007, puisqu'à cette date, le forfait n'était apparemment pas encore envisagé. Pour autant, celui-ci savait que son client n'était pas informé selon les formes qu'il avait exigées et il n'a pas aussitôt complété ledit courrier, pas plus qu'il ne l'a fait ultérieurement, lorsque les TAF ont été introduites. Dans ces circonstances, contrairement à ce qu'il soutient, l'appelant C______ ne pouvait pas partir de l'idée que, dès lors que son unique interlocuteur était, à tout le moins en apparence, un représentant autorisé de l'institution et que ses factures étaient reçues et payées sans discussion, les organes supérieurs de celle-ci étaient bien informés des modalités de sa facturation, ainsi que de son volume. Le prévenu C______ ne pouvait en effet en aucun cas supposer que le Conseil d'administration ou la Direction générale d'un hôpital universitaire cantonal au budget annuel de l'ordre de CHF 1.7 milliard, ni même les réviseurs, se pencheraient à ce niveau des dépenses. A cela s'ajoute l'opacité de ses factures : les notes d'honoraires « sommations » ne mentionnaient pas le forfait de CHF 42.- et ne permettaient pas de comprendre comment le montant facturé était calculé ; les notes « contentieux » et les relevés de prestations joints n'incluaient aucune référence aux TAF, celle-ci ressortant exclusivement des time-sheets - pour autant que l'on connût le système de la conversion du forfait en minutes -, time-sheets qu'il ne communiquait pas. L'intéressé ne pouvait pas même partir de l'idée que le supérieur direct du prévenu A______ était dûment informé, ayant constaté que, lors des séances consacrées à l'examen de son activité, la question du coût n'était pas abordée. C'est sans préjudice du fait qu'il est douteux que l'assentiment de J______ eût suffi, eu égard à l'importance des frais engagés. L'appelant C______ pouvait d'autant moins se satisfaire de l'apathie de la partie plaignante à l'égard du côut qu'il était nécessairement conscient, comme déjà dit, de ce que les modalités de sa rémunération s'écartaient très sensiblement, et sans doute de manière non admissible au plan civil, des règles propres à la profession d'avocat, auxquelles elles étaient pourtant bien soumises, et que le bénéfice qu'il en retirait était totalement exorbitant. A cet égard, il est aussi rappelé que ce prévenu se dit soucieux des intérêts des contribuables et a affirmé avoir bien eu à l'esprit, lorsqu'il a accepté le mandat, que c'était cette collectivité qui supportait, in fine, la charge du recouvrement.

Il est difficile de trancher entre les deux hypothèses en cause, mais cela n'est pas indispensable, dans la mesure où il résulte de ce qui précède que le prévenu C______ a nécessairement au moins envisagé que la partie plaignante n'était en réalité pas au courant ou consciente des modalités et du volume de sa rémunération, et ne les avait donc pas approuvés, autrement dit que, sur ce point, le prévenu A______ avait violé son devoir de gérer le recouvrement dans l'intérêt de la partie plaignante. Le prévenu C______ a néanmoins accepté ces conditions, concourant partant au moins par dol éventuel à la gestion déloyale commise par son interlocuteur, à son propre profit.

7.9.6. Le prévenu C______ a ainsi, au moins par dol éventuel, participé à l'infraction. Vu le caractère indispensable de sa participation et dès lors qu'il était, des deux protagonistes, le seul à en retirer un - considérable - avantage, le degré de l'implication du prévenu C______ relèverait de la coactivité. Néanmoins, sa qualité d'extraneus entraine que seule une participation accessoire peut être retenue à son encontre. Il sera donc reconnu coupable de complicité de gestion déloyale.

Dans cette mesure également, les appels joints sont admis, mais ici encore au bénéfice d'une appréciation juridique divergente et sur une période pénale légèrement réduite. Le verdict de culpabilité est réformé en conséquence.

8. Peine

8. 8.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la
lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

8.2.1. La réforme du droit des sanctions entrée en vigueur le 1er janvier 2018 marque, globalement, un durcissement du droit des sanctions (Message relatif à la modification du Code pénal et du Code pénal militaire du 4 avril 2012, FF 2012 4385 ss ; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], op. cit., Rem. prél. ad art. 34 à 41, n. 2 ss). En effet, la peine pécuniaire est désormais de trois jours au moins et jusqu'à 180 jours (art. 34 al. 1 CP). Le montant du jour-amende est arrêté à CHF 30.- au moins et à CHF 3'000.- au plus, sous réserve de circonstances exceptionnelles justifiant la réduction à CHF 10.- (art. 34 al. 2 CP). La peine privative de liberté est de trois jours au moins et de vingt ans au plus, sous réserve d'une peine privative de liberté à vie lorsque la loi le prévoit expressément (art. 40 CP). Si le sursis n'est guère remanié pour ce qui concerne la peine privative de liberté, il ne s'applique plus, à titre de sursis partiel, pour ce qui concerne la peine pécuniaire et ne s'applique plus au travail d'intérêt général, qui devient une modalité d'exécution d'une peine privative de liberté de six mois au plus, d'un solde de peine de six mois au plus après imputation de la détention avant jugement, ou d'une peine pécuniaire ou d'une amende (art. 79a CP). À titre de sanction immédiate, le juge peut, en sus du sursis, prononcer une amende (art. 42 al. 4 CP). Le Code pénal contient en outre une disposition transitoire qui précise qu'il ne peut y avoir de sursis à l'exécution de la peine qu'en cas de circonstances particulièrement favorables si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine pécuniaire de plus de 180 jours-amende en vertu de l'ancien droit (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], op. cit., Rem. prél. ad art. 34 à 41 CP, n. 5 et 6).

À l'aune de l'art. 2 CP, cette réforme du droit des sanctions est en règle générale moins favorable à la personne condamnée (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], op. cit., Rem. prél. ad art. 34 à 41 CP, n. 6), sauf notamment en ce qui concerne les conséquences d'une révocation de sursis, l'art. 46 al 1 nouveau CP prévoyant que si la peine dont le sursis est révoqué et la nouvelle peine prononcée sont du même genre, le juge fixe une peine d'ensemble en appliquant par analogie l'art. 49 al. 1 CP.

8.2.2. En l'occurrence, ainsi qu'il sera développé ci-après, une peine d'une quotité inférieure ou égale à une année n'entre en considération pour aucun des deux condamnés et les conditions du sursis sont réalisées en toute hypothèse, de sorte que l'ancien droit ne leur serait pas plus favorable ; il sera fait application de celui actuellement en vigueur.

8.3. La faute du condamné A______ est assurément lourde. Durant une très longue période de sept ans et demi (2008 à mi-2015), il a par ses actes de gestion, agi au détriment des intérêts de son employeur, établissement public, et partant, en définitive, de la collectivité, alors qu'il avait, en sa qualité de Responsable puis Chef du Service des comptabilités, la tâche d'organiser le recouvrement au mieux desdits intérêts. Ce faisant, il a trahi la confiance de son employeur et abusé de ses prérogatives, se concentrant exclusivement sur l'objectif d'encaissement, au détriment de la question, pourtant essentielle, du coût. Dans ce contexte, il a tiré parti des défaillances internes et fait obstruction aux quelques tentatives, il est vrai molles, à tout le moins de la part de ses supérieurs, d'identifier ladite charge.

Le dommage qu'il a causé est important, pouvant être estimé - au plan pénal - à env. CHF 20.5 millions au moins, sous déduction des derniers montants facturés par son complice, que la partie plaignante n'a pas payés (cf. infra consid. 9.2.1).

La volonté délictuelle était intense, l'intéressé ayant eu à tout moment le moyen de mettre fin à ses agissements, ce qu'il n'a pas fait. Au contraire, comme relevé par les premiers juges, il a agi de manière répétée et systématique, notamment en se rendant personnellement et quasiment toutes les semaines chez son coprévenu gardant ainsi la maîtrise du système mis en place. En définitive, seule l'action parallèle et coordonnée de l'audit interne et de la CdC a posé un terme à ses agissements.

Pourtant, le condamné A______ aurait aisément pu agir autrement, notamment proposer d'autres solutions, cas échéant l'internalisation du processus, en fournissant une comparaison entre les frais effectifs encourus par l'institution avec le budget dont elle aurait besoin pour mettre en place un autre système. S'il a effectivement sollicité des moyens supplémentaires, qui lui ont été pour l'essentiel refusés, il n'a jamais procédé à une telle comparaison. A tout le moins, il aurait pu et dû, d'entrée de cause, négocier une meilleure solution avec le condamné C______ quitte, en cas de refus dont on a vu qu'il ne serait pas intervenu, à s'ouvrir de la situation à sa hiérarchie.

Sa motivation demeure un mystère. Il a été retenu que la préoccupation de faire la démonstration de ses compétences, ainsi qu'allégué dans l'acte d'accusation, relève de la spéculation, et que ses liens avec son comparse, qu'il a grassement enrichi par ses actes, n'étaient pas suffisamment étroits pour que l'on puisse retenir que tel était son objectif, alors que l'instruction de la cause n'a pas permis d'établir qu'il a lui-même obtenu des avantages ou qu'il l'aurait escompté en vain. Cela étant, on ne saurait retenir qu'il a agi dans un mobile altruiste, dont il ne dit d'ailleurs rien.

La situation personnelle et financière du condamné A______ était bonne, ce qui justifie d'autant moins les actes commis. Néanmoins, il convient de tenir compte de ce qu'il s'agit du seul manquement, certes grave, dans un long parcours personnel et professionnel apparemment sans incident.

La prise de conscience est nulle. Tout au long de la procédure, le condamné A______ a persisté à affirmer que son comportement était en tout point conforme à ce qui était attendu de lui, invoquant, pour l'hypothèse où faute il y aurait, les défaillances, supposées ou réelles de la partie plaignante. Néanmoins, la collaboration doit être qualifiée de moyenne, plutôt que mauvaise, dans la mesure où l'intéressé, à l'instar de son coprévenu, a activement participé à la procédure, contribuant à l'enquête en répondant aux questions posées - même si pas toujours de façon très claire et avec certaines contradictions - et fournissant moult pièces et prises de position. Certes, il l'a fait dans l'idée de faire prévaloir sa thèse, mais il est resté dans les limites d'une défense loyale.

Il n'y a pas de circonstance atténuante.

En définitive, au-delà du parcours de l'intéressé, le seul élément favorable réside dans l'absence d'enrichissement ou autre bénéfice tiré de l'infraction.

Les premiers juges ont tenu pour appropriée une peine privative de liberté de 30 mois pour un verdict plus lourd (escroquerie et faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques). Le MP a cependant interjeté appel contre cette peine, de même que celle infligée à l'autre condamné, qu'il considère excessivement clémentes, évoquant même, dans son réquisitoire, une justice de classe. La juridiction d'appel est ainsi libérée du carcan de l'interdiction de la reformatio in pejus.

Compte tenu de son propre verdict et des éléments qui précèdent, elle parvient à la conclusion que la peine adéquate, pour le condamné A______, est une peine privative de liberté de deux ans.

8.4. L'essentiel des considérations qui précèdent s'applique, mutatis mutandis, au condamné C______, de sorte qu'il y est renvoyé. Si ce prévenu n'était pas un gérant des intérêts de la partie plaignante, son comportement doit être tenu pour d'autant plus perfide qu'il était son avocat et qu'il se targue d'avoir eu, tout au long de sa carrière et encore lorsqu'il a reçu le représentant de l'hôpital, particulièrement à l'esprit la défense des intérêts des contribuables.

Surtout, à la différence de son comparse, le condamné C______ s'est enrichi, de façon éhontée, ce qui est d'autant plus inexcusable qu'en facturant ses prestations de manière plus raisonnable, il aurait néanmoins pu bénéficier d'une considérable rétribution, générant un revenu déjà bien supérieur à celui qui était le sien précédemment et dont il paraissait, à raison, satisfait. Pourtant jusqu'alors mû essentiellement par l'intérêt intellectuel et par ailleurs habité de valeurs morales, comme en ont témoigné ses amis et connaissances, il a crûment cédé à l'appât du gain.

Aussi, s'il n'était, juridiquement, qu'un complice, ce protagoniste aurait dû se voir infliger une peine privative de liberté de l'ordre de trois ans. Celle-ci sera ramenée à deux ans conformément aux art. 25 et 26 CP.

8.5.1. Aux termes de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Conformément à l'art. 44 al. 1 CP, s'il suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, le juge impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans. Dans le cadre ainsi fixé par la loi, la durée du délai d'épreuve est à déterminer en fonction des circonstances du cas, en particulier selon la personnalité et le caractère du condamné, ainsi que du risque de récidive. Plus celui-ci est important plus long doit être le délai d'épreuve et la pression qu'il exerce sur le condamné pour qu'il renonce à commettre de nouvelles infractions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1339/2016 du 23 mars 2017 consid. 1.1.2 et les références).

8.5.2. Vu l'absence d'antécédents et le fait que les agissements reprochés sont circonstanciels au contexte, il peut être retenu que le risque de récidive est quasiment nul, de sorte que les deux protagonistes seront mis au bénéficie du sursis, durant un délai d'épreuve de deux ans.

8.6. Une peine privative de liberté avec sursis peut être assortie d'une amende, au titre de sanction immédiate (art. 42 al. 4 et art. 106 CP).

8.6.1. Dans le cas du premier condamné, il est considéré que le prononcé d'une telle amende ne se justifie pas, dès lors qu'il n'a pas personnellement bénéficié de l'infraction, que sa situation professionnelle parait désormais compromise, à un âge où il est difficile de se relancer, et qu'il est préférable qu'il mobilise ses forces pour tenter de réparer le dommage qu'il a causé.

8.6.2. La position du condamné C______ est plus incertaine dans la mesure où il a, pour sa part, bien profité de l'infraction et que, par ailleurs, il continue de réaliser des revenus confortables. Néanmoins, des éléments importants de son patrimoine font l'objet de séquestres et serviront à couvrir une partie de la créance compensatrice (cf. infra consid. 10) ; dite fortune ne suffisant pas à éteindre la totalité de la dette, il est dans son cas également préférable qu'il puisse se consacrer à réparer le solde du dommage de sorte qu'il est pareillement renoncé au prononcé de l'amende.

9. Conclusions civiles

9.1. L'art. 122 al. 1 et 2 CPP permet à la victime d'une infraction à élever dans le procès pénal ses prétentions civiles contre l'auteur.

9.2.1. La méthode proposée par le MP et le TCO pour déterminer s'il y avait un dommage et le quantifier consiste à faire abstraction du forfait de CHF 42.- et des TAF et à recalculer les honoraires y afférents de l'appelant C______ en appliquant le taux horaire convenu de CHF 220.- (indexés) à un nombre d'heures de travail putatif, déduit de ses déclarations soit, selon le MP, huit heures par jour, quatre jours par mois pour l'activité sommations et 1'200 heures facturables par année pour une activité à 50% s'agissant des TAF. Dans une démarche similaire, le TCO a retenu ces mêmes huit heures par jour, quatre jours par mois pour l'activité sommations et huit heures par jour, deux jours et demi par semaine pour les TAF. La partie plaignante adhère à cette méthode dans son principe, mais estime que le nombre annuel d'heures facturables pour une activité à 50% est de 800 et observe qu'en définitive le TCO a retenu un nombre de jours total travaillés par semaine de trois et demi, ce qui ne correspond pas à une activité à 50%, raison pour laquelle elle articule un montant surfacturé de CHF 28'037'230.28[25] au lieu des CHF 22'313'750.90 calculés par le TCO.

Indépendamment du fait qu'il est constant qu'il n'y a pas quatre semaines dans un mois[26] et que la journée de travail d'un indépendant, plus particulièrement d'un avocat, ne compte pas huit heures de façon aussi rigide que pour un employé, ce qui fausse déjà les calculs, la juridiction d'appel estime que le procédé, quelle que soit la variante choisie, n'est pas cohérent avec le fait que le système de rémunération pratiqué par les prévenus s'entendait comme un tout.

Plutôt que d'en retrancher tel ou tel élément (les forfaits) et de reconstituer a posteriori une sorte de time-sheet, il faut plutôt chercher quelle aurait été la commune volonté des parties si elles avaient mené une négociation tenant compte des intérêts légitimes du mandant, mais ce dans les limites plus larges du droit pénal, qui n'a pas pour vocation de sanctionner tout écart aux règles de droit civil. Cette approche trouve du reste son écho dans l'affirmation contenue dans l'acte d'accusation selon laquelle, globalement, « CHF 30 millions d'honoraires [peuvent] encore - sous l'angle de l'admissibilité du point de vue pénal - être admis, mais en aucun cas plus de CHF 50 millions ».

Au regard des faits tels qu'établis par la juridiction d'appel (cf. supra g'' à k''.a.e) et tenus pour pénalement relevants, le dommage causé par les condamnés à la partie plaignante peut être estimé à CHF 20'460'487.- (CHF 20'545'521.- ./. le montant, par CHF 85'033.56, des dernières factures du prévenu C______, demeurées impayées [cf. b'.g.]). Le montant que les prévenus sont condamnés à payer, conjointement et solidairement (art. 50 CO), à leur victime sera partant ramené à cette somme.

La période pénale ayant été réduite, la date à laquelle courent les intérêts au taux de 5% sera modifiée en conséquence, et arrêtée au 1er novembre 2012.

9.2.2. La partie plaignante a pour le surplus, à raison, reconnu dans ses dernières conclusions déposées le 7 novembre 2019 (p. 9) qu'il n'appartenait pas à l'autorité pénale saisie d'une Adhäsionklage de connaître de ses ultérieures prétentions en couverture du dommage qu'elle estime avoir subi au plan civil uniquement. En prolongement, il n'y a pas non plus lieu de réserver ces prétentions, qui existent, ou pas, indépendamment d'un tel prononcé. Il est d'ailleurs supposé que la partie plaignante y a renoncé, n'ayant pas repris sa conclusion relative à la réserve de ses droits dans sa dernière écriture.

10. Mesures confiscatoires ou de séquestre et créance compensatrice

10.1.1. L'art. 70 al. 1 CP autorise le juge à confisquer des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits.

Lorsque les valeurs à confisquer ne sont plus disponibles, il ordonne, selon l'art. 71 CP, leur remplacement par une créance compensatrice (et peut, dans ce but, ordonner, en vertu de l'art. 71 al. 3 CP, le séquestre d'éléments du patrimoine).

Enfin, l'art. 73 al. 1 CP autorise le juge à allouer au lésé, jusqu'à concurrence des dommages-intérêts fixés judiciairement, le montant de l'amende payée par le condamné, les objets et valeurs confisqués et les créances compensatrices. Le juge ne pourra ordonner cette mesure que si le lésé cède à l'État une part correspondante de sa créance (art. 73 al. 2 CP), la jurisprudence récente ayant toutefois consacré une exception notable à ce principe (cf. infra consid 10.1.3).

10.1.2. L'infraction doit être la cause essentielle et adéquate de l'obtention des valeurs patrimoniales et celles-ci doivent typiquement provenir de l'infraction en question. Il doit donc exister, entre l'infraction et l'obtention des valeurs patrimoniales, un lien de causalité tel que la seconde apparaisse comme la conséquence directe et immédiate de la première. Tel est le cas lorsque l'obtention des valeurs patrimoniales est un élément objectif ou subjectif de l'infraction ou lorsqu'elle constitue un avantage direct découlant de la commission de l'infraction (ATF 145 IV 237 consid. 3.2.1 ; 144 IV 1 consid. 4.2.1 ; 141 IV 155 consid. 4.1 ; 141 IV 305 consid. 6.3.2). En présence d'une pluralité d'infractions, les exigences ne doivent pas être fixées avec une rigueur excessive ; il suffit d'établir un lien de connexité avec l'activité délictueuse considérée dans son ensemble, dès lors que les infractions en cause forment une unité, sans qu'il faille établir un tel lien pour chaque acte particulier qu'elle englobe (arrêt du Tribunal fédéral 6B_474/2016 du 6 février 2017 consid. 3.1).

La confiscation peut également porter sur le produit indirect de l'infraction. Ce dernier peut prendre la forme d'un remploi improprement dit (unechtes Surrogat), à savoir lorsque le produit de l'infraction est une valeur destinée à circuler et qu'elle est réinvestie sur un support du même genre (billets de banque, devises, chèques, avoirs en compte ou autres créances), mais également en cas de remploi proprement dit (echtes Surrogat), à savoir lorsque le produit du délit sert à acquérir un objet de remplacement (par exemple de l'argent sale finançant l'achat d'une maison). L'essentiel, dans un cas comme dans l'autre, est que le mouvement des valeurs puisse être reconstitué de manière à établir leur lien avec l'infraction (paper trail ; ATF
129 II 453 consid. 4.1 ; 126 I 97 consid. 3c/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 6S_298/2005 du 24 février 2006 consid. 3.1). Il en va ainsi des valeurs patrimoniales issues de l'exécution d'un contrat dont la conclusion n'a été rendue possible que par une infraction. Un rapport de connexité étant maintenu, la confiscation peut porter sur les gains réalisés (ATF 137 IV 79 consid. 3.2 ; 141 IV 305 consid. 6.3.2 ;
SJ 2019 281, 289 s.). En revanche, les valeurs patrimoniales ne peuvent pas être considérées comme le résultat de l'infraction lorsque celle-ci a seulement facilité leur obtention au moyen d'un acte objectivement légal subséquent sans lien de connexité immédiat avec l'infraction (ATF 137 IV 305 consid. 3.1 ; 141 IV 155 consid. 4.1 ; 144 IV 285 consid. 2.2).

Les valeurs délictueuses sont souvent versées sur un compte bancaire, de sorte qu'elles seront mélangées avec des valeurs de provenance licite appartenant à l'auteur ou à un tiers. Dans ce cas, la confiscation directe d'un montant équivalent à celui des valeurs délictueuses reste possible tant qu'un lien de connexité peut être établi entre le compte et l'infraction. Le recours à une créance compensatrice ne sera nécessaire que si le mouvement des valeurs ne peut pas être identifié (arrêt du Tribunal fédéral 6S_298/2005 du 24 février 2006 consid. 3.1 ; SJ 2006 I 461 ; SJ 2019 II 281, 286).

Par ailleurs, si l'appréciation de la valeur à confisquer doit prendre en compte la variation entre le moment de son obtention et le moment du jugement, la confiscation vise aussi les avantages futurs, dont des créances futures (par exemple des loyers non encore échus) suffisamment déterminables d'un point de vue temporel et quantitatif, y compris par le biais d'une estimation (art. 70 al. 5 CP). En revanche, de simples espérances ou expectatives de gain ne sauraient être prises en considération dans le cadre d'une mesure de confiscation (ATF 144 IV 1 consid. 4.2.3 et 4.2.4).

10.1.3. En présence d'infractions dirigées contre des intérêts individuels, la confiscation n'entre en ligne de compte, conformément au texte clair de l'art. 70 al. 1 in fine CP, que si les valeurs patrimoniales ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits. Cette disposition prévoit ainsi la restitution directe des valeurs patrimoniales, sans confiscation ni dévolution à l'Etat, et sans recours au mécanisme d'allocation prévu par l'art. 73 CP. La restitution directe prime par conséquent une éventuelle confiscation, de même qu'une allocation ultérieure au lésé en réparation du dommage subi (ATF 145 IV 237 consid. 3.2.2 et les références citées).

Si la confiscation a toutefois déjà été prononcée, l'article 73 al. 1 let. b CP permet, à titre subsidiaire, l'allocation au lésé des objets et valeurs patrimoniales confisqués ou le produit de leur réalisation, sous déduction des frais (ATF 145 IV 237 consid. 3.3). Cette allocation peut avoir lieu si le dommage n'est pas couvert par une assurance et si l'auteur ne le réparera pas selon toute vraisemblance (al. 1). De plus, cette mesure ne peut être ordonnée que si le lésé cède à l'Etat une part correspondante de sa créance (al. 2). Cette cession se conçoit sans difficulté lorsque l'allocation se rapporte au montant d'une amende ou d'une peine pécuniaire (art. 73 al. 1 lit. a CP) puisqu'elle permet d'éviter que l'allocation du montant payé par l'auteur le libère de son obligation de réparer le dommage. En revanche, elle s'avère dénuée de sens lorsque l'allocation s'articule avec une mesure de confiscation réputée intervenir dans l'intérêt du lésé en réparation de son dommage (art. 73 al. 1 lit. b CP). Il faut donc faire abstraction de la condition de la cession consacrée par l'art. 73 al. 2 CP dans ce contexte spécifique, afin de ne pas exposer l'auteur à un double devoir de restituer l'avantage illicite (ATF 145 IV 237 consid. 5.2.2).

10.1.4. Lorsque les valeurs à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne, selon l'art. 71 CP, leur remplacement par une créance compensatrice. Il peut ordonner le séquestre d'éléments patrimoniaux en vue de l'exécution de ladite créance (al. 3).

Le but de la créance compensatrice est d'éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit privilégié par rapport à celui qui les a conservés (ATF
140 IV 57 consid. 4.1.2 ; 144 IV 1 consid. 4.2.4).

La créance compensatrice ne joue qu'un rôle de substitution de la confiscation en nature et ne doit donc, par rapport à celle-ci, engendrer ni avantage ni inconvénient. En raison de son caractère subsidiaire, elle ne peut être ordonnée que si, dans l'hypothèse où les valeurs patrimoniales auraient été disponibles, la confiscation eût été prononcée : elle est alors soumise aux mêmes conditions que cette mesure. Néanmoins, un lien de connexité entre les valeurs saisies et l'infraction commise n'est pas requis (ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2 ; SJ 2019 II 281, 283 et 285).

L'art. 71 al. 2 CP prévoit que le juge peut renoncer totalement ou partiellement à la créance compensatrice s'il est à prévoir qu'elle ne sera pas recouvrable ou qu'elle entravera sérieusement la réinsertion de la personne concernée. Le juge doit procéder à une appréciation globale de la situation personnelle et financière de l'intéressé et respecter le principe de proportionnalité (ATF 122 IV 299 consid. 3b ; SJ 2019 II 281, 296). On ne doit par ailleurs pas attendre que l'intéressé fasse passer la créance compensatrice avant ses obligations découlant du droit de la famille (ATF
119 IV 117 consid. 2a/bb). Une réduction, voire une suppression de la créance compensatrice n'est cependant admissible que dans la mesure où l'on peut réellement penser que celle-ci mettrait concrètement en danger la situation sociale de l'intéressé sans que des facilités de paiement permettent d'y remédier (ATF 119 IV 17 consid. 2a/bb ; 106 IV 9 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6P_138/2006 du 22 septembre 2006 consid. 5.2 ; 6S_59/2003 du 6 juin 2003 consid. 5.2).

10.1.5. Selon l'art. 70 al. 2 CP, la confiscation ou une créance compensatrice ne peut être prononcée à l'encontre d'un tiers désormais en possession de valeurs patrimoniales illicites si celui-ci les a acquises de bonne foi, dans la mesure où il a fourni une contreprestation adéquate voire la confiscation se révèle d'une rigueur excessive.

10.1.6. Selon l'art. 71 al. 3 CP, l'autorité d'instruction peut placer sous séquestre, en vue de l'exécution d'une créance compensatrice, des éléments du patrimoine de la personne concernée. Le séquestre ne donne pas de droit de préférence en faveur de l'Etat lors de l'exécution forcée de la créance compensatrice.

Dans le cadre de l'examen d'un séquestre conservatoire, l'autorité statue sous l'angle de la vraisemblance, examinant des prétentions encore incertaines. Le séquestre pénal est en effet une mesure conservatoire provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs qui peuvent servir de moyens de preuve, que le juge du fond pourrait être amené à confisquer ou à restituer au lésé (art. 263 al. 1 CPP ; ATF 140 IV 57 consid. 4.1.1 ; 141 IV 360 consid. 3.2). Il en va de même dans l'hypothèse particulière où le séquestre tend uniquement à garantir une créance compensatrice. C'est devant le juge du fond au moment du prononcé de la créance compensatrice que la situation personnelle, notamment financière, du prévenu sera prise en considération (art. 71 al. 2 CP). Tel sera aussi le cas au moment de l'exécution de la créance. En effet, le séquestre est maintenu une fois le jugement entré en force jusqu'à son remplacement par une mesure du droit des poursuites. La poursuite de la créance compensatrice, la réalisation des biens séquestrés et la distribution des deniers interviennent donc conformément à la LP et auprès des autorités compétentes en la matière (ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2 ; 141 IV 360 consid. 3.2 et 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_530/2017 du 1er mai 2018 consid. 3.5).

Contrairement au séquestre de valeurs confiscables en vertu de l'art. 263 al. 1 let. d CPP, le séquestre en garantie de la créance compensatrice présuppose que les biens soient saisissables. Alors que, dans les limites de l'art. 93 al. 1 LP, les rentes et les indemnités en capital versés au titre de la prévoyance professionnelle sont saisissables, tel n'est pas le cas des droits aux prestations de prévoyance et de libre passage non encore exigibles à l'égard d'une institution de prévoyance professionnelle, de même que des droits aux prestations découlant de contrats de prévoyance « liée » relevant du troisième pilier A (ATF 121 III 285 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_28/2018 du 7 août 2018 consid. 12.4 ; L. DALLEVES / B. FOËX / N. JEANDIN [éds], Commentaire romand : Poursuite et faillite, Bâle 2005, n. 166 s. ad art. 92 ; J. KREN KOSTIEWICZ / D. VOCK, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, SchKG, 4e éd., Zurich 2017, n. 66 ad art. 92 ; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], op. cit, n. 18a ad art. 71 ; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER [éds], op. cit., n. 45 ad art. 263 ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds], op. cit., n. 28b ad art. 263 ; A. DONATSCH / T. HANSJAKOB / V. LIEBER [éds], op. cit., n. 13 s. ad art. 268 ; J.-B. ACKERMANN [éds], Kommentar, Kriminelles Vermögen, Kriminelle Organisationen, Band I, Zurich 2018, n. 156 ss ad art. 73).

10.2. La partie plaignante critique le jugement dont est appel dans la mesure où il a uniquement prononcé, au sens de l'art. 71 al. 3 CP, le séquestre des valeurs patrimoniales et autres biens du condamné C______ en garantie de la créance compensatrice, par ailleurs allouée, plutôt que de les confisquer, en sa faveur. Le TCO a en effet retenu qu'il ne pouvait être établi que ces avoirs avaient été acquis uniquement grâce au produit de l'infraction commise.

En effet, si sans doute une partie de ces avoirs est le produit direct ou indirect, par le jeu de remplois, de dite infraction, il demeure qu'il est impossible de déterminer dans quelle mesure tel est le cas, étant rappelé que le prévenu C______ a eu une longue carrière avant 2007 et que même lorsqu'il exerçait l'activité, objet de la présente procédure, il ne le faisait qu'à temps partiel, ayant conservé quelques autres mandats, de sorte que son patrimoine a été alimenté, avant et pendant les faits, par d'autres sources que la partie plaignante. De surcroit, une part importante de ses honoraires facturés à cette dernière n'a pas été tenue pour illicite au plan pénal. Aussi, les premiers juges ont constaté, à raison, que les valeurs encaissées de la partie plaignante n'étaient plus disponibles, au sens de l'art. 71 al. 1 CP.

10.3. La partie plaignante requiert que les avoirs au crédit des comptes bancaires dont le titulaire est la personne morale CABINET C______ SA - recte : CABINET C______ & ASSOCIES SA depuis le 7 juillet 2015 -, soient confisqués, subsidiairement séquestrés en garantie de la créance compensatrice, retenant des bilans et comptes de celle-ci que le chiffre d'affaires de cette société, dont les seuls employés avaient été le prévenu et son épouse, avait été exclusivement réalisé auprès d'elle. Les considérations qui précèdent sont valables pour ces valeurs également, s'agissant de la confiscation. L'impossibilité d'établir un lien entre ces comptes, à supposer qu'ils seraient encore créanciers, et l'infraction est d'autant plus grande ici que les séquestres prononcés par le MP sur des avoirs de la société ont été levés en cours de procédure, de sorte que des mouvements supplémentaires sont sans doute intervenus.

Un séquestre en garantie de la créance compensatrice doit également être refusé, dès lors qu'il n'est pas établi que le prévenu serait actuellement l'unique actionnaire de cette société, apparemment active, au sein de laquelle exercent, selon ses déclarations de première instance, sa fille et un tiers, de sorte que la question de la levée du voile social plaidée par la partie plaignante ne se pose pas.

10.4. Sont également visés par les conclusions civiles un compte bancaire au nom de F______[27] ainsi qu'un compte joint du prévenu C______ et de son (ex-)épouse au solde positif de CHF 15'000.- selon l'annexe 6 du jugement, dont le TCO n'a pas prononcé le séquestre.

Les développements qui précèdent valent mutatis mutandis en ce qui concerne ces comptes, avec l'obstacle supplémentaire qu'il n'est ni établi ni même plaidé que F______ ne serait pas dans la situation du tiers de bonne foi selon l'art. 70 al. 2 CP. D'ailleurs, la question de la contreprestation adéquate ne saurait se poser véritablement qu'en présence de fonds beaucoup plus importants vu la longue relation matrimoniale qui a priori pourrait justifier d'éventuels mouvements relativement modestes d'un conjoint en faveur de l'autre.

10.5. Restent les avoirs de 2ème et 3ème pilier lié du prévenu C______, dont les premiers juges ont relevé qu'ils n'étaient pas saisissables en l'état, mais en ont néanmoins prononcé le séquestre estimant qu'il appartiendrait à l'autorité d'exécution de déterminer si tel était encore le cas lors de l'exécution forcée de la créance compensatrice. La partie plaignante requiert la confiscation et l'allocation de l'intégralité de la prestation de sortie, subsidiairement le maintien de la mesure de séquestre, alors que F______ en demande la levée à concurrence de la part lui revenant suite au prononcé du divorce. Quant à lui, l'appelant C______ n'a certes développé aucun motif à l'encontre des divers séquestres qui le frappent pour l'hypothèse où un verdict de culpabilité assorti d'une condamnation à réparer le dommage serait maintenu ; néanmoins, dès lors qu'il entreprend le jugement dans son intégralité, la juridiction d'appel ne peut faire l'économie de se demander si un autre motif que l'acquittement plaidé s'oppose au séquestre (art. 398 al. 2 CPP ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_48/2020 et 49/2020 du 26 mai 2020, consid. 2.4, 6B_547/2012 du 26 mars 2013 consid 3.3).

Or, ainsi que rappelé au consid. 10.1.6 supra, les valeurs non saisissables au sens de la LP, telles les prestations non échues de prévoyance professionnelle obligatoire ou liées, peuvent certes faire l'objet d'un séquestre conservatoire au sens de l'art. 263 al. 1 let. d CPP, mais non d'un séquestre en garantie de la créance compensatrice selon l'art. 71 al. 3 CP. Contrairement à ce qu'a retenu le TCO, la question doit être examinée déjà devant le juge du fond et non seulement au moment de l'exécution forcée de la créance. Aussi, et bien que ce résultat puisse paraître choquant, d'autant plus au regard de l'ampleur des sommes en cause, la juridiction d'appel n'a d'autre choix que de lever le séquestre sur les avoirs dudit appelant auprès [des fondations de prévoyance] I______ et BD______. Ce résultat règle le sort des prétentions de l'ex-épouse, étant observé qu'en tout état, le séquestre n'aurait pu être maintenu sur la part lui revenant aux termes du jugement de divorce, dans la suite logique de ce qui a déjà été dit au sujet de sa qualité de tiers de bonne foi et les droits consacrés par le système légal pour protéger les expectatives en matière de prévoyance professionnelle du conjoint en cas de divorce devant être assimilés à la notion de contreprestation adéquate au sens de l'art. 70 al. 2 CP.

10.6. Le condamné C______ n'a pas discuté le principe et le montant de la créance compensatrice prononcée par les premiers juges, pour l'hypothèse où un verdict de culpabilité serait prononcé.

Dans ces circonstances, il sera pour l'essentiel renvoyé aux considérants des premiers juges, que la Cour fait siens (art. 82 al. 4 CPP).

Dès lors que les valeurs patrimoniales résultant de l'infraction retenue ne sont plus disponibles, il convient de prononcer une créance compensatrice à l'encontre du prévenu C______, seul à avoir profité financièrement des circonstances à hauteur de son enrichissement illégitime afin que, selon l'adage, le crime ne paie pas. Cette créance doit être allouée à la partie plaignante à concurrence des prétentions civiles admises.

Aucune réduction du montant de la créance compensatrice, au sens de l'art. 71 al. 3 CP, ne se justifie en l'espèce. En effet, la situation personnelle du prévenu C______ est très bonne puisqu'il continue son activité professionnelle et perçoit des revenus qui sont plus que conséquents. Ceux-ci s'élevaient à environ CHF 500'000.- en 2016 (CHF 243'257.- de bénéfice net dont il avait déjà déduit CHF 271'970.- pour les honoraires versés à ses avocats liés à sa défense dans le cadre de la présente procédure) et CHF 350'000.- à l'heure actuelle, selon ses déclarations en appel, pour une activité à temps partiel vu son investissement personnel dans sa défense. De plus, la valeur des biens séquestrés s'élevait, au jour du prononcé du jugement, à plus de CHF 14'000'000.- (jugement, annexe 6), sans compter des prêts sans intérêts octroyés à ses enfants et versés directement au vendeur pour acquérir le _____ de BE______ (France).

En revanche, la créance compensatrice prononcée par les premiers juges doit être ramenée à hauteur du dommage, tel que présentement arrêté à CHF 20'460'487.- (cf. supra consid. 9.2.1).

Enfin, conformément à la jurisprudence récente déjà citée (ATF 145 IV 237 consid. 5.2.2), la cession à l'Etat de la créance de la partie plaignante ne s'impose pas, de sorte qu'il ne lui en sera pas donné acte, le dispositif du jugement de première instance étant modifié sur ce point également.

10.7. Les séquestres prononcés par les premiers juges en garantie de la créance compensatrice sont partiellement maintenus, dans le prolongement des consid. 10.2 à 10.5 supra. La levée de ceux qui ne le sont pas ne prendra effet que 40 jours après la notification de l'arrêt, afin de permettre à la partie plaignante de requérir, si elle l'estime utile, l'effet suspensif devant le Tribunal fédéral (art. 388 CPP ; art. 103 al. 1 let b et al. 3 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 [LTF - RS 173.110]).

11. Frais de la procédure

11.1.1. Selon l'art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné.

Si sa condamnation n'est que partielle, les frais ne doivent être mis à sa charge que de manière proportionnelle, en considération à ceux liés à l'instruction des infractions pour lesquelles un verdict de culpabilité a été prononcé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_753/2013 du 17 février 2014 consid. 3.1 et les références). Il s'agit de les réduire, sous peine de porter atteinte à la présomption d'innocence, si le point sur lequel le prévenu a été acquitté a donné lieu à des frais supplémentaires et si le prévenu n'a pas, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci (cf. art. 426 al. 2 CPP). Il convient de répartir les frais en fonction des différents états de fait retenus, non selon les infractions visées. Comme il est difficile de déterminer avec exactitude ceux qui relèvent de chaque fait imputable ou non au condamné, une certaine marge d'appréciation doit être laissée au juge (arrêts du Tribunal fédéral 6B_136/2016 du 23 janvier 2017 consid. 4.1.1 et les références ; 6B_1085/2013 du 22 octobre 2014 consid. 6.1.1 et les références).

Afin de déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme en question (ATF
144 IV 202 consid. 2.2 ; 119 Ia 332 consid. 1b), sans égard aux intérêts que celle-ci vise à protéger (arrêts du Tribunal fédéral 6B_886/2018 du 31 octobre 2018 consid. 2.1.1 ; 6B_156/2017 du 22 décembre 2017 consid. 4.4).

11.1.2. Selon l'art. 428 al. 1ère phrase CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. Selon l'al. 3, si l'autorité de recours rend elle-même une nouvelle décision, elle se prononce également sur les frais fixés par l'autorité inférieure (arrêt du Tribunal fédéral 6B_136/2016 du 23 janvier 2017 consid. 4.1.2).

Pour déterminer si une partie succombe ou obtient gain de cause, il faut examiner dans quelle mesure ses conclusions sont admises en deuxième instance (arrêts du Tribunal fédéral 6B_620/2016 du 17 mai 2017 consid. 2.1.2 ; 6B_136/2016 du 23 janvier 2017 consid. 4.1.2).

11.2.1. En l'espèce, s'agissant des frais de la procédure préliminaire et de première instance :

-       le prévenu A______ se voyait reprocher deux complexes de faits. Il est reconnu coupable du second, même si au bénéfice d'une qualification juridique moins lourde et d'une période pénale légèrement réduite, et acquitté du premier, soit du chef d'accusation de faux dans les titres commis dans l'exercice des fonctions publiques. Toutefois, il a été constaté qu'à tout le moins une partie importante des écritures passées sous sa responsabilité contrevenait bien, comme soutenu dans l'acte d'accusation, aux principes régissant la comptabilité. Peu importe à cet égard que la pratique en était, partiellement, préexistante au début du mandat de recouvrement en cause, et institutionnalisée, dès lors qu'il relevait du cahier des charges du Chef du Service des comptabilités de veiller au respect de ces principes, quitte à prendre l'initiative d'exiger qu'il soit mis fin à une telle pratique, plutôt que de l'amplifier. Il s'ensuit que ce prévenu se trouve dans la position de celui qui, pour avoir violé une norme de comportement - en l'espèce respecter les devoirs de sa charge - a fautivement provoqué l'ouverture de la procédure pénale, même pour le chef d'accusation dont il est libéré ;

-       le prévenu C______ a également été acquitté d'un grief et reconnu coupable de l'autre, peu importe la qualification juridique plus favorable retenue, ce sur une période pénale légèrement réduite. En revanche, il ne peut lui être reproché de faute en lien avec l'ouverture d'une procédure pénale en ce qui concerne le chef de culpabilité écarté en appel. Ce volet de l'accusation, limité à la facturation des TAF, d'un montant total de presque CHF 4 millions, était d'une importance secondaire eu égard à l'autre complexe de fait. De surcroit, cet appelant est condamné à réparer le dommage causé et une créance compensatrice est mise à sa charge, partiellement garantie par des séquestres. Il est partant retenu qu'il a succombé à 80%.

Aussi, convient-il de revoir la répartition des frais de première instance, d'un montant total de CHF 114'122.- : la moitié en incombant au prévenu A______ sera entièrement mise à sa charge alors que le condamné C______ ne supportera que 80% de l'autre moitié soit, en définitive, 40% de la totalité.

11.2.2. En appel :

-       les appelants A______ et C______ obtiennent partiellement gain de cause, soit un acquittement chacun et une qualification juridique plus favorable, ces deux facteurs entrainant une réduction de la peine ; ils obtiennent aussi une réduction, certes faible puisque de l'ordre de 8%, du montant du dommage. Une condamnation demeure néanmoins, avec ses conséquences en termes de peine et de réparation dudit dommage, mais les séquestres prononcés par les premiers juges visant à garantir la créance compensatrice sont partiellement levés (certes pour un motif non plaidé) ;

-       le MP succombe sur l'appel des prévenus s'agissant des deux acquittements prononcés et sur son appel principal, relatif à la peine. Son appel joint est admis, bien qu'au bénéfice d'une qualification juridique divergente, de sorte que la condamnation, comme déjà souligné, subsiste, avec ses conséquences ;

-       la partie plaignante se trouve dans une position comparable, obtenant un verdict de culpabilité partiel, la réparation du dommage, dans une mesure moindre de celle requise, et pas l'allocation mais bien uniquement le séquestre de certains avoirs.

Il sera partant retenu que chaque partie a succombé à raison de 75% de sorte que les prévenus et la partie plaignante supporteront 75% du quart des frais de la procédure d'appel, comprenant dans leur totalité un émolument d'arrêt de CHF 10'000.-, soit 18.75%[28] desdits frais, le solde (43.75%[29]) restant à la charge de l'Etat.

12. Indemnités au sens des art. 429, 433 et 436 CPP

12.1.1. L'art. 429 al. 1 let. a CPP prévoit que, s'il est acquitté partiellement, le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'indemnité concerne les dépenses pour un avocat de choix. Cette disposition s'applique aux voies de recours (y inclus l'appel) en vertu de l'art. 436 al. 1 CPP (ATF 138 IV 205 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_74/2017 du 21 avril 2017 consid. 2.1).

En cas d'acquittement partiel, les autorités pénales doivent avoir renoncé à poursuivre le prévenu ou à le condamner pour une partie des infractions envisagées ou des faits retenus dans l'acte d'accusation et ceux-ci doivent être à l'origine des dépenses et des dommages subis par le prévenu. L'indemnité sera due si les infractions abandonnées par le tribunal revêtent, globalement considérées, une certaine importance et que les autorités de poursuite pénale ont ordonné des actes de procédure en relation avec les accusations correspondantes. En cas d'acte à « double utilité », il y a lieu de procéder à une répartition équitable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_80/2016 du 7 mars 2017 consid. 2.1 et les références ; 6B_187/2015 du 28 avril 2015 consid. 6.1.2 ; C. GENTON / C. PERRIER, Les prétentions du prévenu en indemnités et en réparation du tort moral, in Jusletter du 13 février 2012, p. 3, n. 11).

Les honoraires d'avocat se calculent selon le tarif local, à condition qu'ils restent proportionnés (N. SCHMID / D. JOSITSCH, op. cit., n. 7 ad art. 429). Le juge dispose d'une marge d'appréciation à cet égard, mais ne devrait pas se montrer trop exigeant dans l'appréciation rétrospective qu'il porte sur les actes nécessaires à la défense du prévenu (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER [éds], op. cit., n. 19 ad art. 429). Le Tribunal fédéral considère que, avec la doctrine majoritaire, l'indemnité visée par l'art. 429 al. 1 let. a CPP doit correspondre au tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule et englober la totalité des coûts de défense (ATF 142 IV 163 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3). En effet, l'indemnisation prévue à l'art. 429 al. 1 let. a CPP tend à ce que l'État répare la totalité du dommage en relation avec la procédure pénale (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1057 ss, p. 1313). Bien que le canton de Genève ne connaisse pas de tarif officiel des avocats, il n'en a pas moins posé, à l'art. 34 de la loi sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 (LPAv - RS E 6 10), les principes généraux devant présider à la fixation des honoraires, qui doivent en particulier être arrêtés compte tenu du travail effectué, de la complexité et de l'importance de l'affaire, de la responsabilité assumée, du résultat obtenu et de la situation du client.

La CPAR applique au chef d'étude un tarif horaire de CHF 450.- (arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 ; ACPR/279/2014 du 27 mai 2014) ou de CHF 400.- (ACPR/282/2014 du 30 mai 2014), notamment si l'avocat concerné avait lui-même calculé sa prétention à ce taux-là (ACPR/377/2013 du 13 août 2013). Elle retient un taux horaire de CHF 350.- pour les collaborateurs (AARP/65/2017 du 23 février 2017) et de CHF 150.- pour les avocats stagiaires (ACPR/89/2017 du 23 février 2017).

L'allocation d'une indemnité pour frais de défense selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP n'est pas limitée aux cas de défense obligatoire visés par l'art. 130 CPP. Dans le cadre de l'examen du caractère raisonnable du recours à un avocat, il doit être tenu compte, outre de la gravité de l'infraction et de la complexité de l'affaire en fait ou en droit, de la durée de la procédure et de son impact sur la vie personnelle et professionnelle du prévenu. Le recours à plusieurs avocats peut, en cas de procédure volumineuse et complexe, procéder d'un exercice raisonnable des droits de procédure (ATF
138 IV 197 consid. 2.3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_875/2013 du 7 avril 2014 consid. 4.3 et 4.5).

Le prévenu peut faire valoir tous les frais liés à la défense de ses intérêts, et pas uniquement les honoraires de son avocat. On pense en particulier aux débours pour autant qu'ils s'avèrent nécessaires (photocopies et frais de port ; TC VD, Cour d'appel pénale, décision n. 85 du 7 juillet 2011). En revanche, les coûts afférents à un avis juridique portant sur du droit suisse n'entrainent aucune indemnisation (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER [éds], op. cit., n. 17 ad art. 429 ; N. SCHMID / D. JOSITSCH, Handbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, 3e éd., Zurich 2017, n. 1812 ad art. 429 et n. 1830 ad art. 433).

12.1.2. Selon l'art. 429 al. 1 let. b CPP, le prévenu acquitté en partie a le droit d'obtenir une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale.

Cette disposition vise essentiellement des pertes de salaires et de gains liées à l'impossibilité de réaliser une activité lucrative en raison du temps consacré à la participation aux audiences ou d'une mise en détention avant jugement. Elle concerne également l'éventuelle atteinte à l'avenir économique consécutif à la procédure, de même que les autres frais liés à la procédure, comme les frais de déplacement ou de logement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 4.1.1 non reproduit in ATF 142 IV 163 et les références). Même le dommage résultant de la perte d'une place de travail doit, en principe, être indemnisé. En revanche, les dépenses privées et les pertes de temps, par exemple pour l'étude du dossier, ne sont en règle générale pas indemnisées. Il n'est pas nécessaire que le préjudice économique du prévenu puisse être rapporté à un acte de procédure déterminé (ATF 142 IV 237 consid. 1.3.3 et 1.3.4).

Le droit à des dommages et intérêts suppose l'existence d'un lien de causalité adéquat entre le dommage subi et la procédure pénale (FF 2006 1057 ss, p. 1313). Les autorités pénales ne répondent pas du comportement fautif d'autres autorités (ATF 142 IV 237 consid. 1.5.3 [rapport de causalité adéquate nié entre la procédure pénale et le licenciement matériellement injustifié d'un enseignant]). Ainsi, le responsable n'est tenu de réparer que le dommage qui se trouve dans un rapport de causalité naturelle et adéquate avec l'acte qui fonde sa responsabilité (ATF
142 IV 237 consid. 1.3.1). Il appartient au lésé de prouver non seulement l'existence et l'étendue du dommage, mais aussi le lien de causalité entre celui-ci et l'événement à la base de son action (arrêts du Tribunal fédéral 6B_118/2016 du 20 mars 2017 consid. 5.1 ; 6B_1026/2013 du 10 juin 2014 consid. 3.1).

12.1.3. En vertu de l'art. 429 al. 1 let. c CPP, le prévenu acquitté totalement ou en partie a droit à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, au sens des art. 28 al. 2 CC ou 49 CO, du fait de la procédure. L'intensité de l'atteinte à la personnalité doit être analogue à celle requise dans le contexte de l'art. 49 CO (arrêt du Tribunal fédéral 6B_928/2014 précité consid. 5.1, non publié in ATF 142 IV 163 et la référence citée).

Outre la détention, peut constituer une grave atteinte à la personnalité, par exemple une durée très longue de la procédure ou une importante exposition dans les médias, ainsi que les conséquences familiale ou professionnelle d'une procédure pénale. En revanche, il n'y a pas lieu de prendre en compte les désagréments inhérents à toute poursuite pénale comme la charge psychique que celle-ci est censée entraîner normalement chez une personne mise en cause (ibidem).

La gravité objective de l'atteinte doit être ressentie par le prévenu comme une souffrance morale. Pour apprécier cette souffrance, le juge se fondera sur la réaction de l'homme moyen dans un cas pareil, présentant les mêmes circonstances (ATF
128 IV 53 consid. 7a). Il incombe au prévenu de faire état des circonstances qui font qu'il a ressenti l'atteinte comme étant subjectivement grave (ATF 120 II 97
consid. 2b). La fixation du tort moral procède d'une appréciation des circonstances et l'autorité compétente bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation en la matière (ATF 130 III 699 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_928/2014 précité).

12.2.1. La question de l'indemnisation du prévenu (art. 429 CPP) doit être traitée en relation avec celle des frais (art. 426 CPP). Si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_187/2015 du 28 avril 2015 consid. 6.1.2). Lorsque la condamnation aux frais n'est que partielle, la réduction de l'indemnité devrait s'opérer dans la même mesure (arrêts du Tribunal fédéral 6B_548/2018 du 18 juillet 2018 consid. 1.1.2 ; 6B_1238/2017 du 12 avril 2018 consid. 2.1). En revanche, si l'État supporte les frais de la procédure pénale, le prévenu dispose d'un droit à une indemnité pour ses frais de défense et son dommage économique ou à la réparation de son tort moral selon l'art. 429 CPP. Dans ce cas, il ne peut être dérogé au principe du droit à l'indemnisation qu'à titre exceptionnel. La question de l'indemnisation doit dès lors être tranchée après celle des frais, la décision sur les frais préjugeant de la question de l'indemnisation (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_548/2018 du 18 juillet 2018 consid. 1.1.2 ; 6B_1238/2017 du 12 avril 2018 consid. 2.1 ; 6B_385/2017 du
5 décembre 2017 consid. 2.1).

12.2.2. Toutefois, en vertu de l'art. 430 al. 1 let. a CPP, l'autorité pénale peut réduire ou refuser l'indemnité ou la réparation du tort moral lorsque le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci. De façon générale, si un comportement contraire à la seule éthique ne peut justifier le refus d'indemniser le prévenu libéré des fins de la poursuite pénale, la jurisprudence rendue sous l'ancien droit a étendu la notion de comportement fautif à la violation de toute norme de comportement, écrite ou non, résultant de l'ordre juridique suisse dans son ensemble (ATF 119 Ia 332 consid. 1b ; 116 Ia 162 consid. 2c). Le droit civil non écrit interdit de créer un état de fait propre à causer un dommage à autrui, sans prendre les mesures nécessaires afin d'en éviter la survenance. Celui qui contrevient à cette règle peut être tenu, selon l'art. 41 CO, de réparer le dommage résultant de son inobservation (ATF 126 III 113 consid. 2a/aa). Or, les frais directs et indirects d'une procédure pénale, y compris l'indemnité qui doit éventuellement être payée au prévenu acquitté, constituent un dommage pour la collectivité publique. De même, le droit de procédure pénale interdit implicitement de créer sans nécessité l'apparence qu'une infraction a été ou pourrait être commise, car un tel comportement est susceptible de provoquer l'intervention des autorités répressives et l'ouverture d'une procédure pénale et, partant, de causer à la collectivité le dommage que constituent les frais liés à une instruction pénale ouverte inutilement. Il y a comportement fautif, dans ce cas, lorsque le prévenu aurait dû se rendre compte, sur le vu des circonstances et de sa situation personnelle, que son attitude risquait de provoquer l'ouverture d'une enquête pénale (arrêt du Tribunal fédéral 1P_553/1993 du 31 mai 1994, cité par Antoine THÉLIN, L'indemnisation de prévenu acquitté en droit vaudois, JdT 1995 III 103 s.).

La violation des devoirs du mandataire envers le mandant (art. 398 al. 2 CO) peut justifier que soient mis à la charge du mandataire les frais afférents à une procédure pénale ouverte contre lui (arrêt du Tribunal fédéral 6B_795/2017 du 30 mai 2018 consid. 1.2). Cette jurisprudence est applicable, mutatis mutandis, à d'autres contrats. De même, un prévenu, exerçant l'activité d'avocat, violant ses obligations professionnelles telles quelles découlent de la LLCA, peut se voir mettre à charge les frais de procédure (arrêt du Tribunal fédéral 6B_675/2016 du 9 juin 2017 consid. 2).

12.3. L'art. 433 al. 1 CPP, applicable en instance de recours (art. 436 al. 1 CPP), permet à la partie plaignante de demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu'elle obtient gain de cause (let. a) ou lorsque le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 CPP (let. b). L'al. 2 prévoit que la partie plaignante adresse ses prétentions à l'autorité pénale ; elle doit les chiffrer et les justifier.

La partie plaignante obtient gain de cause au sens de l'art. 433 al. 1 CPP lorsque le prévenu est condamné et/ou si les prétentions civiles sont admises (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER [éds], op. cit., n. 10 ad art. 433). Dans ce dernier cas, la partie plaignante peut être indemnisée pour les frais de défense privée en relation avec la plainte pénale (ATF 139 IV 102 consid. 4.1 et 4.3). Lorsque plusieurs personnes sont astreintes au paiement des frais et que ces derniers sont répartis proportionnellement entre elles, il convient de ventiler les indemnités mises à leur charge dans des proportions identiques aux frais (ATF 145 IV 268 consid. 1). De la même manière, lorsqu'un prévenu est condamné au paiement de la moitié des frais de procédure et que l'autre se voit libéré du paiement de tels frais, il se justifie de mettre uniquement, à la charge du premier, une part proportionnelle de l'indemnité allouée à la partie plaignante au titre de l'art. 433 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_565/2019 du 12 juin 2019 consid. 7).

La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante dans la procédure pénale. Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat. Il faut prendre en considération tant l'activité ayant contribué à la condamnation du prévenu que celle ayant servi à l'obtention de la réparation du dommage, pour autant que la partie plaignante n'ait pas été renvoyée à faire valoir cette dernière devant le juge civil. Les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates pour la défense du point de vue de la partie plaignante raisonnable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_864/2015 du 1er novembre 2016 consid. 3.2 ; 6B_549/2015 du 16 mars 2016 consid. 2.3 ; 6B_495/2014 du 6 octobre 2014 consid. 2.1 ; 6B_965/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.1.1 ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds.], op. cit., n. 10 ad art. 433 CPP).

L'évaluation des honoraires d'avocat d'une partie plaignante s'effectue selon les mêmes critères que ceux de l'art. 429 CPP.

i. Conclusions de l'appelant A______

12.4. L'appelant A______ requiert une indemnité pour ses dépenses obligatoires pour un total de CHF 701'121.50 (TVA comprise), à laquelle doit encore être ajoutée l'actiivté durant l'audience du 8 mai 2020, ainsi que la réparation du dommage économique subi pour CHF 1'182'000.- et de son tort moral pour CHF 15'000.-.

12.5. Aucune indemnité pour ses honoraires d'avocat jusqu'au jugement de première instance ne saurait lui être allouée, puisque les frais de la procédure le concernant ont été entièrement mis à sa charge.

12.6.1. En appel, ce prévenu bénéficie certes d'un acquittement s'agissant de l'infraction de faux dans les titres commis dans l'exercice des fonctions publiques (art. 317 CP), la condition de la matérialité n'ayant pas été tenue pour réalisée. Il a cependant été admis qu'une grande partie au moins des écritures passées sous sa responsabilité et selon ses instructions, ou à tout le moins selon une pratique à laquelle il n'a pas mis fin, à supposer qu'il ne l'ait pas mise en place, contrevenait aux règles et principes comptables qu'il devait, selon son cahier des charges respecter et faire respecter. L'appelant A______ a, dans cette mesure, violé ses devoirs de fonction et créé l'apparence que l'infraction à l'art. 317 CP pouvait avoir été commise. Aussi, il ne saurait prétendre à la couverture de ses frais de défense, même limitée à une part afférente à ce chef d'accusation.

12.6.2. Il ne peut pas davantage prétendre à une couverture partielle du dommage économique et du tort moral allégués, dès lors qu'il est reconnu coupable de gestion déloyale, de sorte que même en l'absence de poursuite du chef de violation de l'art. 317 CP, le préjudice aurait été identique. Par surabondance, il peut encore être relevé qu'en tout état, l'appelant A______ n'a en réalité, et pour l'heure, subi aucune perte de gain, la procédure de résiliation des rapports de services étant suspendue. Ce n'est qu'à l'issue de la présente procédure, et de la procédure administrative, que lesdits rapports seront résiliés, ou pas, ce qui lui donnerait alors droit au paiement rétroactif de son traitement.

ii. Conclusions de l'appelant C______

12.7. La somme totale de l'indemnité réclamée par C______ pour les honoraires de ses avocats est de CHF 950'339.69[30], TVA comprise. Il prend des conclusions en indemnisation par CHF 1'111'648.- au titre de dommage économique, dont la moitié destinée à [l'association] BG______, ainsi que CHF 10'000.- au titre de tort moral.

12.7.1. En première instance, C______ a sollicité le paiement de CHF 727'032.43, TVA comprise, à titre d'indemnité fondée sur l'art. 429 al. 1 let. a CPP, soit :

-       CHF 228'492.20, TVA à 8% comprise, d'honoraires facturées par l'Etude BH______, pour l'activité déployée de septembre 2015 à mars 2016, représentant 463h05, ainsi réparties :

·      51h48 par le chef d'étude au taux horaire de CHF 550.-, voire CHF 650.-, dont 42 minutes concernant le « Dossier BI______ » et environ 2h30 d'activité en relation avec la couverture médiatique du dossier ;

·      237h21 par un collaborateur au taux horaire de CHF 550.-, dont 7h33 en relation avec le « Dossier BI______ » et environ 5h48 avec la couverture médiatique de l'affaire ;

·      92h41 par un second collaborateur au taux horaire variant entre CHF 225.- et CHF 320.-, dont 8h12 consacrées au « Dossier BI______ » ;

·      76h00 par les avocats-stagiaires au taux horaire de CHF 220.-, dont 1h48 pour le « Dossier BI______ » et environ 1h30 pour la couverture médiatique ;

·      5h15 par un stagiaire d'été au taux horaire de CHF 100.-.

Le montant facturé par l'Etude précitée comprend aussi CHF 9'120.15 sous rubrique « Divers » et « Taxes et contributions publiques (non assujetties à TVA) ».

-       CHF 498'540.23[31], TVA comprise (CHF 36'005.63[32]), dont CHF 4'854.10 de débours, d'honoraires et frais de Me D______, pour son activité entre mars 2016 et décembre 2018. Vu le taux pratiqué par cet avocat de CHF 450.-, 1'017h05[33] ont été effectuées, parmi lesquelles[34] :

·      7h45[35] en relation avec la couverture médiatique de l'affaire ;

·      2h55[36] concernant une procédure devant la Commission du barreau ;

·      1h00[37] pour traiter des questions auprès du Conseil d'Etat ;

·      21h40[38] de participation aux audiences devant le TCO.

La TVA est calculée à un taux de 8% pour les opérations effectuées en 2016-2017, ce qui représente 516h50[39], et 7.7% pour celles réalisées en 2018, soit 500h15[40].

12.7.2. Les honoraires facturés par Me D______ pour la procédure d'appel, toujours au taux horaire de CHF 450.-, s'élèvent à CHF 223'307.26, TVA à 7.7% comprise (CHF 15'962.76), dont CHF 36.- de débours, ce qui permet de déduire un nombre d'heures de travail de 460h40[41], incluant en particulier[42] :

-       3h50[43] pour des recherches de jurisprudence et une requête de mise en liberté ;

-       0h10[44] concernant une procédure devant la Commission du barreau ;

-       1h00[45] pour la participation à l'audience de verdict en première instance ;

-       219h15[46] pour la préparation de l'audience d'appel de novembre 2019 ;

-       51h00[47] pour la préparation de l'audience en appel de mai 2020 ;

-       25h20[48] pour la participation auxdites audiences, dont la durée a été de 25h40.

12.7.3. S'agissant de l'activité déployée par l'Etude BH______ de septembre 2015 à mars 2016, le recours à plusieurs avocats n'était pas déraisonnable à ce stade d'une procédure qui s'annonçait complexe.

Toutefois, certains postes doivent être retranchés. Il en va ainsi des 18h15 d'activité (42 minutes pour le chef d'étude, 7h33 pour un premier collaborateur, 8h12 pour un second et 1h48 pour un avocat-stagiaire) en relation avec une procédure certes connexe, mais différente, opposant l'appelant C______ à BI______. De même, la couverture médiatique de l'affaire, pour 9h48 d'activité, n'a aucun rapport avec la défense au pénal de l'intéressé. Aucune indemnisation ne doit donc être octroyée à cet égard, ce qui représente environ 2h30 d'activité du chef d'étude, 5h48 par le premier collaborateur et 1h30 par l'avocat-stagiaire. Enfin, les 5h15 effectuées par un stagiaire d'été relèvent des frais généraux de l'Etude, cet employé n'étant ni un avocat breveté ni un avocat-stagiaire. En conséquence, sur les 463h05 facturées, seules 429h45[49] peuvent entrer en considération, ce qui est considéré excessif, malgré la complexité de l'affaire, laquelle n'avait pas encore la volumétrie actuelle. Il sera procédé à une réduction de 30% des heures de chaque intervenant d'où un solde de 300h50[50].

Par ailleurs, les tarifs horaires pratiqués par l'Etude BH______ ne sont pas conformes à la jurisprudence de la Cour et doivent, en conséquence, être revus à la baisse. Ainsi, CHF 450.-/heure sont appliqués au chef d'étude, CHF 350.-/heure au premier collaborateur et CHF 150.- à l'avocat-stagiaire. Le taux horaire pratiqué pour le second collaborateur ayant varié entre CHF 225.- et CHF 320.-, un tarif moyen de CHF 300.-/heure sera retenu.

Ainsi, le calcul est le suivant :

-       Sur les 51h48 facturées par le chef d'étude, 42 minutes (procédure BI______) et 2h30 (média) doivent être soustraites, portant le nombre d'heures d'activité à 48h36[51], dont seules 34h00[52] seront admises pour un montant de CHF 16'524.-, au taux horaire de CHF 450.- (CHF 15'300.-), plus la TVA à 8% (CHF 1'224.-).

-       Sur les 237h21 facturées par le premier collaborateur, 7h33 (procédure BI______) et 5h48 (média) doivent être déduites, portant le nombre d'heures d'activité à 224h00[53], dont seules 156h50[54] seront admises, pour un montant de CHF 59'283.-, au taux horaire de CHF 350.- (CHF 54'891.65), plus la TVA à 8% (CHF 4'391.35).

-       Sur les 92h41 facturées par le second collaborateur, 8h12 consacrée à la procédure BI______ ne doivent pas être prises en compte, ce qui induit 84h29[55], réduites à 59h10[56] admissibles. Le taux horaire étant fixé à CHF 300.- (CHF 17'750.-), d'où un montant de CHF 19'170.-, TVA à 8% incluse (CHF 1'420.-).

-       Les 76h00 effectuées par l'avocat-stagiaire sont ramenées à 72h42[57] après déduction de 1h48 (procédure BI______) et 1h30 (média), mais seules 50h50[58] seront admises, pour un montant CHF 8'235.-, au taux horaire de CHF 150.- (CHF 7'625.-), plus la TVA à 8% (CHF 610.-).

En conséquence, la part totale des honoraires des précédents conseils de l'appelant C______ susceptible d'être prise en charge au titre de l'art. 429 al. 1 let. a CPP s'élève à CHF 103'212.-[59], à l'exclusion des CHF 9'120.15 de frais. En effet, ce montant est facturé sous des libellés ne permettant pas de l'associer à des débours et rien ne démonte la nécessité. Dans le prolongement de la décision prise sur la répartition des frais de la procédure, le prévenu C______ peut prétendre à 20% de ce montant, soit CHF 20'642.40.

12.7.4. Sur les 1'017h05 mobilisées par Me D______ à partir de mars 2016, certaines sont étrangères à la défense pénale. Ainsi, en est-il des 7h45 (média), 2h55 (procédure devant la Commission du barreau) et 1h00 (questions auprès du Conseil d'Etat). En revanche, seules 21h40 ont été facturées pour la participation aux audiences de première instance, alors que le TCO a retenu à ce titre un total de 36h15, y compris la lecture du verdict. Il s'agit donc de compléter l'état de frais par 14h35. Dès lors, les 1'017h05 d'activité sont in fine 1'020h00[60].

Certes, le nouveau défenseur, intervenant seul, reprenait une procédure complexe, et ce plusieurs mois après son commencement. Cependant, il n'incombe pas à l'Etat de supporter les conséquences d'un changement d'avocat en cours de procédure. Ainsi, une réduction de la totalité des heures retenues doit être opérée. Pour tenir compte des difficultés et de l'ampleur de ladite procédure, mais aussi du fait que le nouvel avocat a, comme déjà dit, dû se l'approprier seul, dite réduction sera limitée à 15%.

De la sorte, 867h00[61] seront retenues au titre des dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de la défense de l'appelant, au tarif horaire de CHF 450.- (CHF 390'150.-), sur la moitié desquelles un taux de TVA à 8% sera appliqué (CHF 15'606.-), et de 7.7% pour l'autre moitié (CHF 15'020.78), d'où un montant admissible de CHF 425'630.88[62], y inclus les débours (CHF 4'854.10). 20% en sont mis à la charge de l'Etat, vu la répartition des frais de la procédure de première instance, liée à son issue, soit CHF 85'126.18.

12.7.5. En conclusion, une indemnité de CHF 105'768.60, TVA comprise[63], pour 1'167h50[64] d'activité est allouée à l'appelant C______ en application de l'art. 429
al. 1 let. a CPP pour la procédure de première instance.

12.8. En appel, l'activité facturée représente 460h40, auxquelles 0h20 doit être ajoutée pour la participation aux débats. L'heure consacrée à l'audience de lecture du verdict de première instance a déjà été prise en considération supra. L'activité relative à une potentielle requête de mise en liberté n'était pas nécessaire (3h50), une mise en détention n'étant pas hypothèse sérieuse à ce stade de la procédure dans le présent dossier, et les 10 minutes relatives à une procédure devant la Commission du barreau ne relèvent pas de la défense au pénal.

Ces 456h00[65] pour la seule procédure d'appel comprennent en particulier près de 220h00 pour la préparation des audiences de novembre 2019, ainsi que 51h00 pour celle de l'audience complémentaire en mai 2020. Une telle activité est excessive pour un dossier certes complexe, mais supposé connu, étant souligné que la ligne de défense est demeurée la même qu'en première instance, aucun argument fondamentalement nouveau en fait ou en droit n'ayant été articulé et que ce qui avait déjà été longuement plaidé au titre de la gestion déloyale des intérêts publics était applicable mutatis mutandis à la gestion déloyale de sorte qu'un important travail consécutif à la question soulevée par la Cour après interruption de sa première délibération n'était nullement nécessaire. La conclusion que l'activité de préparation des audiences d'appel pour la défense de l'appelant C______ est excessive est du reste confirmée par le fait que, comme développé infra (cf. consid. 12.11.6), un peu plus de 200h00 seront admises pour les conseils de la partie plaignante, lesquels étaient pourtant confrontés à deux volets du dossier, connexes mais qui ne se recouvrent pas, soit un par prévenu. Dans ces circonstances, il se justifie de retenir que 50% des 456 heures facturables pour la procédure d'appel relèvent de l'exercice raisonnable des droits de procédure, soit CHF 110'536.20[66], correspondant à 228h00 d'activité à CHF 450.-/heure (CHF 102'600.-), plus la TVA à 7.7% (CHF 7'900.20), ainsi que les débours (CHF 36.-).

Dans la logique de la répartition des frais de la procédure d'appel, une indemnité de 25% de ce montant sera allouée, soit CHF 27'634.05[67] TVA comprise.

12.9. La créance totale de l'appelant C______ fondée sur l'art. 429 al. 1 let. a CPP est ainsi arrêtée à CHF 133'402.65[68]. Conformément à l'art. 442 al. 4 CPP, cette créance sera compensée, à due concurrence, avec celle de l'Etat en paiement des frais de la procédure mis à charge de ce condamné.

Le solde sera, à l'instar des autres actifs dudit appelant, séquestré en garantie de la créance compensatrice allouée à la partie plaignante.

12.10. Si une indemnité pour les frais de défense se justifie, une partie de l'activité déployée par la défense de l'appelant C______ pouvant être attribuée au chef d'accusation dont il est acquitté (soit dans la même mesure qu'une partie des frais n'a pas été mise à sa charge), il en va différemment des prétentions en réparation des dommages économique ou moral allégués. Une condamnation subsiste, en effet, d'une gravité certaine, de sorte qu'il peut être retenu que la procédure, si elle avait été d'emblée limitée à l'infraction de complicité de gestion déloyale, n'aurait pas causé une atteinte moindre aux intérêts économiques de l'intéressé ou à son bien-être. Du reste, la mise en prévention du chef de faux dans les titres n'est intervenue que tardivement, soit lors de l'audience finale du 8 décembre 2017. Les prétentions de l'appelant C______ à cet égard doivent donc être rejetées.

iii. Conclusions de la partie plaignante

12.11. Les HUG requièrent la condamnation des prévenus, conjointement et solidairement, à les couvrir de leurs honoraires et frais d'avocat par CHF 714'126.-, TVA comprise, au taux de 8%, puis 7.7% pour les activités effectuées dès 2018.

Les tarifs horaires pratiqués par l'Etude BJ______ sont de CHF 550.- pour le chef d'étude, CHF 425.- pour les collaborateurs, y compris « ceux devenus associés en cours de mandat », soit Me BK______, associée en septembre 2016[69], et CHF 180.- pour les stagiaires.

12.11.1. En première instance, leurs prétentions s'élevaient à CHF 608'175.60[70] :

- CHF 424'755.30, dont CHF 1'903.35 de débours, pour 876h45 d'activité de juillet 2015 à octobre 2018 :

·      CHF 5'642.95 pour 9h30 d'activité de chef d'étude (note d'honoraires du 18 août 2015) ;

·      CHF 11'587.10 pour 22h10 d'activité, dont 12h45 par le chef d'étude, 8h15 par la collaboratrice et 1h10 par le stagiaire (note d'honoraires du 12 octobre 2015) ;

·      CHF 26'215.02, dont CHF 25.- de débours, pour 52h40 d'activité, dont 17h40 par le chef d'étude, 33h30 par la collaboratrice et 1h30 pour le stagiaire (note d'honoraires du 16 novembre 2015) ;

·      CHF 22'846.50 pour 45h15, dont 17h50 par le chef d'étude, 26h10 par la collaboratrice et 1h15 par le stagiaire (note d'honoraires du 16 décembre 2015) ;

·      CHF 9'796.50, dont CHF 45.- de débours, pour 19h15 d'activité, dont 7h05 par le chef d'étude, 12h00 par la collaboratrice et 10 minutes par le stagiaire (note d'honoraires du 11 janvier 2016) ;

·      CHF 11'980.80 pour 23h55 d'activité, dont 8h05 par le chef d'étude, 15h30 par la collaboratrice et 20 minutes par le stagiaire (facture du 8 février 2016) ;

·      CHF 12'243.60 pour 26h20 d'activité, dont 9h00 par le chef d'étude, 13h20 par la collaboratrice et 4h00 par le stagiaire (note d'honoraires du 11 janvier 2016) ;

·      CHF 33'691.80 pour 66h28 d'activité, dont 32h30 par le chef d'étude, 29h25 par la collaboratrice et 4h33 par le stagiaire (note d'honoraires du 13 avril 2016) ;

·      CHF 13'776.85, dont CHF 8.- de débours, pour 27h55 d'activité, dont 10h30 par le chef d'étude, 15h40 par la collaboratrice et 1h45 par le stagiaire (note d'honoraires du 9 mai 2016) ;

·      CHF 6'064.75, dont CHF 26.- de débours, pour 12h50 d'activité, dont 1h05 par le chef d'étude et 11h45 par la collaboratrice (note d'honoraires du 7 juillet 2016) ;

·      CHF 5'380.65 pour 11h25 d'activité, dont 3h00 par le chef d'étude, 7h25 par la collaboratrice et 1h00 par le stagiaire (note d'honoraires du 19 septembre 2016) ;

·      CHF 17'300.70, dont CHF 60.- de débours (non soumis à TVA), pour 40h08 d'activité, dont 8h40 par le chef d'étude, 22h35 par la collaboratrice et 8h53 par le stagiaire, comprenant la participation commune à l'audience devant le MP du 15 septembre 2016 (2h30 pour le chef d'étude, de même que le stagiaire et 2h00 pour la collaboratrice) (note d'honoraires du 11 octobre 2016) ;

·      CHF 2'172.25 pour 6h51 d'activité, dont 1h00 par le chef d'étude, 1h40 par la collaboratrice et 4h11 par le stagiaire (note d'honoraires du 7 novembre 2016) ;

·      CHF 12'352.70 pour 29h38 d'activité, dont 3h45 par le chef d'étude, 19h45 par la collaboratrice et 6h38 par le stagiaire (note d'honoraires du 6 décembre 2016) ;

·      CHF 8'984.20, dont CHF 21.- de débours, pour 19h03 d'activité, dont 3h50 par le chef d'étude, 14h05 par la collaboratrice et 1h08 par le stagiaire (note d'honoraires du 11 janvier 2017) ;

·      CHF 11'446.55 pour 25h49 d'activité, dont 8h15 par le chef d'étude, 11h50 par la collaboratrice et 5h44 par le stagiaire (note d'honoraires du 16 février 2017) ;

·      CHF 2'304.65, dont CHF 12.- de débours, pour 4h48 d'activité, dont 55 minutes par le chef d'étude, 3h45 par la collaboratrice et 8 minutes par le stagiaire (note d'honoraires du 7 mars 2017) ;

·      CHF 9'409.- pour 20h20 d'activité, dont 7h45 par le chef d'étude, 8h55 par la collaboratrice et 3h40 par le stagiaire (note d'honoraires du 5 avril 2017) ;

·      CHF 3'470.40 pour 8h25 d'activité, dont 1h30 par le chef d'étude, 4h40 par la collaboratrice et 2h15 par le stagiaire (note d'honoraires du 9 mai 2017) ;

·      CHF 6'905.25 pour 14h40 d'activité, dont 7h00 par le chef d'étude, 4h45 par la collaboratrice et 2h55 par le stagiaire (note d'honoraires du 13 juin 2017) ;

·      CHF 14'960.-, dont 39.70 de débours, pour 37h40 d'activité, dont 7h35 par le chef d'étude, 17h15 par la collaboratrice et 12h50 par le stagiaire, comprenant la participation commune à une audience devant le MP (28 juin 2017 : 3h00 pour le chef d'étude, 3h40 pour la collaboratrice et 3h50 pour le stagiaire), ainsi que 2h30 par la collaboratrice et 2h00 par le stagiaire pour des opérations liées à la « Question écrite urgente ; Scandale aux HUG - Des dizaines de millions de pertes à cause des créances laissées prescrites pour les assureurs » déposée au Secrétariat du Grand Conseil (note d'honoraires du 11 juillet 2017) ;

·      CHF 3'150.- pour 11h50 d'activité, dont 15 minutes par le chef d'étude, 2h50 par la collaboratrice et 8h45 par le stagiaire (note d'honoraires du 9 août 2017) ;

·      CHF 3'129.80 pour 6h05 d'activité, dont 2h30 par le chef d'étude et 3h35 par la collaboratrice (note d'honoraires du 5 janvier 2018) ;

·      CHF 7'135.10 pour 13h45 d'activité, dont 6h15 par le chef d'étude et 7h30 par la collaboratrice (note d'honoraires du 1er mars 2018) ;

·      CHF 19'040.45 pour 39h25 d'activité, dont 7h25 par le chef d'étude et 32h00 par la collaboratrice (note d'honoraires du 10 avril 2018) ;

·      CHF 4'584.- pour 9h05 d'activité, dont 3h10 par le chef d'étude et 5h55 par la collaboratrice (note d'honoraires du 3 mai 2018) ;

·      CHF 3'289.35 pour 6h30 d'activité, dont 2h20 par le chef d'étude et 4h10 par la collaboratrice (note d'honoraires du 4 juin 2018) ;

·      CHF 1'902.20, dont CHF 1'666.65 de débours (non soumis à TVA), pour 20 minutes d'activité par le chef d'étude et 5 minutes par la collaboratrice (note d'honoraires du 3 juillet 2018) ;

·      CHF 7'848.65 pour 17h00 d'activité, dont 30 minutes par le chef d'étude et 16h30 par la collaboratrice (note d'honoraires du 2 août 2018) ;

·      CHF 26'541.35 pour 48h05 d'activité, dont 33h40 par le chef d'étude - comprenant 31h30 pour l'étude du dossier - et 14h25 - comprenant 10h15 pour l'étude du dossier - par la collaboratrice (note d'honoraires du 10 septembre 2018) ;

·      CHF 41'595.45 pour 78h10 d'activité, dont 45h10 - comprenant 40h20 pour l'étude du dossier - par le chef d'étude, 32h00 - comprenant 26h00 pour l'étude du dossier - par la collaboratrice et 1h00 par le stagiaire (note d'honoraires du 5 octobre 2018) ;

·      CHF 58'006.75 pour 121h20 d'activité, dont 47h25 - comprenant 42h10 (dont 4h45 pour l'étude du dossier physique au greffe du TCO) pour l'étude du dossier - par le chef d'étude, 59h05 - comprenant 52h30 (dont 5h30 pour la consultation du dossier au TCO) pour l'étude du dossier - par la collaboratrice, et 14h50 - comprenant 11h25 pour l'étude du dossier - par le stagiaire (note d'honoraires du 8 novembre 2018).

- CHF 100'654.45 pour 199h23 d'activité, dont 91h35 - comportant 46h30, pour l'étude du dossier - par le chef d'étude, 96h40 - dont 85h45, y inclus 11h30 pour la consultation du dossier au TCO et d'autres activités, pour l'étude du dossier - par la collaboratrice et 11h08 - comprenant 3h40 pour l'étude du dossier - par le stagiaire (note d'honoraires du 5 décembre 2018) ;

- le travail, ainsi que des débours pour CHF 1'058.50 liés à l'audience de jugement ont été facturés CHF 82'765.85, ce qui comprenait 161h20 d'activité, réparties entre 80h00 pour le chef d'étude, 70h00 pour la collaboratrice et 11h20 pour le stagiaire (note d'honoraires du 7 janvier 2019), dont :

·      la préparation de l'audience, soit 24h00 par la collaboratrice et 44h15 par le chef d'étude ;

·      la présence aux débats, soit 46h00 par la collaboratrice (y compris de la préparation des plaidoiries) et 35h45 par le chef d'étude.

En définitive, les honoraires et frais par CHF 608'175.60 demandés pour un total de 1'237h28 consacrées à la procédure préliminaire et de première instance se répartissent ainsi :

- 499h55 pour le chef d'étude, dont 179h30 avec une TVA au taux de 8% et 320h20 avec une TVA à 7.7% ;

- 626h30 pour Me BK______, dont 165h35 effectués en qualité de collaboratrice avec une TVA au taux de 8%, mais 119h00 en qualité d'associée (TVA à 8%), puis 341h55 (TVA à 7.7%) ;

- 111h08 pour les stagiaires, dont 72h50 avec une TVA au taux de 8% et 38h18 avec une TVA à 7.7%.

12.11.2. Le TCO a réduit les prétentions de la partie plaignante dans la mesure et pour les motifs qui suivent.

La présence de deux, voire trois avocats en comptant le stagiaire, durant les audiences d'instructions ne se justifiait pas, seul le temps de l'avocat le plus expérimenté devant être pris en compte. Les conférences internes ne donnaient pas non plus droit à une indemnisation, ce qui justifiait un abattement de 3h55 pour le chef d'étude, 48h40 pour la collaboratrice et 24h55 pour le stagiaire.

L'activité déployée dans le contexte d'une procédure en France (4h30 pour le chef d'étude, 4h55 pour la collaboratrice et 50 minutes pour le stagiaire) ne concernait pas la présente cause. De même, la communication avec les médias (2h00 pour le chef d'étude et 45 minutes pour la collaboratrice) ne faisait pas partie des frais nécessaires à la défense des intérêts de la partie plaignante au pénal L'activité des avocats en relation avec la confection d'un avis de droit suisse (11h25 pour le chef d'étude, 17h20 pour la collaboratrice et 50 min pour les stagiaires) n'était pas non plus justifié selon la doctrine.

Le temps de préparation de l'audience de jugement, entre juillet et novembre 2018 était également excessif, compte tenu de la maîtrise approfondie du dossier par ces avocats. Le TCO l'a ainsi réduit à 150 heures réparties par moitié entre le chef d'étude et la collaboratrice. Il a également constaté que la durée effective des audiences, y compris celle de lecture du verdict, avait été de 36h15. Seul le chef d'étude pouvait être indemnisé à ce titre puisque la présence d'un second avocat ne se justifiait pas.

Les tarifs horaires appliqués n'étaient pas conformes à la jurisprudence et devaient être ramenés à CHF 450.- pour le chef d'étude, CHF 350.- pour la collaboratrice et CHF 150.- pour les stagiaires.

Aussi le TCO a-t-il retenu des honoraires et frais selon l'art. 433 al. 1 CPP pour un total CHF 298'268.-.

12.11.3. En appel, les HUG font valoir les prétentions supplémentaires suivantes, pour un total de CHF 105'950.40, TVA comprise :

- CHF 1'644.20 pour 2h40 par le chef d'étude et 20 minutes par le stagiaire (note d'honoraires du 6 mars 2019) ;

- CHF 1'234.05 pour 2h05 par le chef d'étude (note d'honoraires du 3 avril 2019) ;

- CHF 5'133.75 pour 8h40 par le chef d'étude (note d'honoraires du 13 mai 2019) ;

- CHF 2'100.15 pour 3h25 par le chef d'étude, dont une vingtaine de minutes en relation avec la procédure française, et 10 minutes par la collaboratrice (note d'honoraires du 2 juillet 2019) ;

- CHF 35'704.40 pour 68h27, réparties en 48h05 par le chef d'étude et en 20h22 par la collaboratrice (note d'honoraires du 6 novembre 2019) ;

- CHF 48'199.80 pour 91h15, soit 49h15 par le chef d'étude, dont 25h00 de participation de l'audience de novembre 2019, 41h15 par la collaboratrice, dont 23h50 de participation aux audiences en appel, ainsi que 45 minutes par le stagiaire (note d'honoraires du 14 novembre 2019) ;

- CHF 4'280.65 pour 8h50, réparties en 2h25 pour le chef d'étude et en 6h05 pour la collaboratrice, ainsi que 20 minutes par le stagiaire (note d'honoraires du 4 mars 2020 ;

- CHF 3'197.30 pour 6h15, réparties en 2h30 pour le chef d'étude et en 3h45 pour la collaboratrice (note d'honoraires du 1er avril 2020) ;

- CHF 4'456.10 pour 9h00, soit 2h30 pour le chef d'étude et 6h30 pour la collaboratrice en vue de l'audience du 8 mai 2020 (note d'honoraires du 7 mai 2020).

En définitive, CHF 105'950.40 sont demandés pour un total de 201h07 durant la procédure d'appel, soit 121h35 pour le chef d'étude, 78h07 pour la collaboratrice - devenue associée - et 1h25 pour le stagiaire, auxquelles il faut encore ajouter le temps consacré par les deux associés à l'audience du 8 mai 2020 (2h50).

12.11.4. Il convient tout d'abord d'apprécier les honoraires et frais facturés par les conseils de la partie plaignante pour la procédure préliminaire et de première instance, ainsi que les abattements opérés par le TCO.

A juste titre, au regard de la jurisprudence, la première instance a diminué le tarif horaire appliqué par le chef d'étude de CHF 550.- à CHF 450.-, de même que pour le stagiaire de CHF 180.- à CHF 150.-. En revanche, s'il est justifié de diminuer le tarif horaire de la collaboratrice de CHF 425.- à CHF 350.- pour le début de la procédure préliminaire, il ne saurait être fait abstraction de son changement de statut à partir de septembre 2016. Pour la période postérieure, son activité doit donc être indemnisée comme celle d'une associée, mais au tarif horaire demandé dans les états de frais, soit CHF 425.-.

La présence de deux avocats durant les audiences devant le MP se justifiait au regard du principe de l'égalité des armes dans une procédure complexe, avec deux prévenus, eux-mêmes assistés de cabinets mobilisant plusieurs avocats, à tout le moins durant une première partie de la procédure s'agissant de l'appelant C______, dont les actes reprochés étaient certes connexes mais pas identiques et n'appelaient pas la même qualification juridique. Du reste, le recours à cette double défense a été raisonnable, un seul conseil s'étant rendu à certaines audiences ou accompagné du stagiaire. En conséquence, les heures supprimées par le TCO à ce titre seront retenues en plein, à l'exception de 2h30 le 15 septembre 2016 et 3h50 le 28 juin 2017 pour la présence du stagiaire puisque deux avocats étaient présents.

L'activité déployée en relation avec une procédure menée en France pour saisir le bien immobilier du prévenu C______ (ou de sa famille) relève en revanche d'une procédure civile séparée. Il appartiendra à la partie plaignante de faire valoir son droit à indemnisation devant la juridiction concernée, dans la mesure prévue par le droit applicable devant elle, de sorte que la décision du TCO d'écarter cette activité doit être confirmée. Ainsi, 4h30 pour le chef d'étude, 4h55 pour la collaboratrice - en majorité effectuées en qualité d'associée - et 50 minutes pour le stagiaire seront déduites. La communication avec les médias n'a également aucun rapport avec la défense des intérêts de la partie plaignante dans la procédure pénale, de sorte que les postes y afférents doivent être écartés (2h00 pour le chef d'étude et 45 minutes pour la collaboratrice, selon le jugement du TCO). Il en va de même du temps consacré à répondre à la question déposée au Secrétariat du Grand Conseil, qui portait sur les pertes engendrées par les « créances laissées prescrites » auprès des assureurs. Dès lors, 2h30 pour la collaboratrice et 2h00 pour le stagiaire doivent être retranchées. Le taux de la TVA de 8% et un tarif horaire « associée » pour la collaboratrice seront appliqués puisque la majorité de ces activités a été réalisée avant 2018, mais après son accession au statut d'associée.

Le TCO a également à raison refusé d'indemniser les activités en relation avec l'établissement d'un avis de droit suisse, matière censée connue du juge du fond ou du moins explorable par lui sans recours à un tel guide à la réflexion, soit 11h25 pour le chef d'étude, 17h20 pour sa collaboratrice - en majorité effectuées en qualité d'associée - et 50 minutes pour les stagiaires. Le taux de la TVA de 7.7% sera retenu, par esprit de simplification, étant donné que la majorité des heures ont été exécutées après le 1er janvier 2018.

Le temps affecté à l'étude du dossier et à la préparation des audiences est de 204h45 pour le chef d'étude, 198h30 pour la collaboratrice - au tarif d'associée - et à 15h05 pour le stagiaire, à partir de la facture du 10 septembre 2018. Par ailleurs, comme le TCO a retenu un temps d'audience effectif de 36h15, les 46h00 facturées par la collaboratrice mêlant participation à et préparation de l'audience comportent - mathématiquement - 9h45 d'activité à ce second titre. Si le présent dossier de par sa complexité et son volume exige sans doute un important travail, les avocats de la partie plaignante en avaient déjà une connaissance approfondie, ayant suivi la procédure depuis ses prémices. Par ailleurs, ils sont tous deux expérimentés. Il sera en définitive retenu qu'une réduction se justifiait, mais dans une mesure moindre que celle opérée par le TCO : au lieu des 75h00 retenues pour chacun des avocats, ce seront 150h00 qui seront admises[71]. En revanche, les 15h05 consacrées par des stagiaires successifs à prendre connaissance du dossier ne seront pas indemnisées, ce d'autant qu'il est impossible de les rattacher à des tâches spécifiques.

La présence de deux avocats se justifiait également à l'audience de jugement. Rien ne sera donc retranché à ce titre. Au contraire, 30 minutes seront ajoutées aux 35h45 facturées par le chef d'étude.

Dès lors que l'activité de plusieurs avocats est admise, il faut retenir aussi que des conférences internes de coordination s'imposaient, dans une mesure raisonnable, s'agissant des principaux intervenants (chef d'étude et collaboratrice devenue associée). En revanche, pour les avocats-stagiaires, leur participation à des conférences internes relève essentiellement de la formation, à tout le moins dans le présent dossier, où les avocats brevetés étaient très impliqués, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'en tenir compte au titre de la défense du client.

En conclusion, l'activité pouvant être tenue pour nécessaire à la défense de la partie plaignante durant la procédure préliminaire et de première instance doit être ainsi arrêtée :

-       sur les 499h50 facturées par le chef d'étude, 4h30 (procédure française) et 2h00 (communication avec des médias) doivent être retirées aux 179h30 effectuées avant le 1er janvier 2018, tandis que 11h25 (avis de droit) et 54h45 (étude du dossier) doivent l'être aux 320h20 réalisées après le passage au nouveau taux de TVA, mais avec un ajout de 30 minutes pour l'audience de jugement. Par ailleurs, le TCO a retranché 3h55 au titre des conférences internes. Toutefois, ce poste représente moins de 1%[72] de son activité globale. Aucune diminution ne doit donc intervenir. Les honoraires retenus sont de CHF 207'502.20 pour 173h00[73] d'activité au tarif de chef d'étude (CHF 77'850.-), plus la TVA au taux de 8% (CHF 6'228.-), ainsi que 254h40[74] d'activité au même tarif (CHF 114'600.-), plus la TVA au taux de 7.7% (CHF 8'824.20) ;

-       sur les 626h30 facturées par la collaboratrice/associée :

·      avant le 1er janvier 2018, 165h35 peuvent être retenues intégralement au tarif horaire de CHF 350.-, tandis que 4h55 (procédure française), 45 minutes (communication avec des médias) et 2h30 (activité en relation avec la question au Grand Conseil) doivent être retranchées aux 119h00 effectuées en qualité d'associée ;

·      sur les 341h55 réalisées avec le nouveau taux à 7.7% pour la TVA, 17h20 (avis de droit) et 58h15 (étude du dossier) doivent être retranchées ;

·      les 48h40 soustraites par le TCO au titre des conférences internes représentant moins de 9%[75] de l'activité globale de cette avocate, aucune diminution ne doit intervenir.

Des honoraires de CHF 235'370.35 sont ainsi admis, pour 165h35 au tarif collaboratrice (CHF 57'954.15) et 110h50[76] à celui de cheffe d'étude, mais ramené à CHF 425.-/heure facturés en qualité d'associée (CHF47'104.15), plus la TVA au taux de 8% (CHF 8'404.65), ainsi que 266h20[77] au même tarif (CHF 113'191.65), mais soumis à la TVA de 7.7% (CHF 8'715.75) ;

-       sur les 111h08 facturées par les stagiaires, les 72h50 effectuées avant 2018 doivent être amputées de 2h30 (audience au MP du 15 septembre 2016), 3h50 (audience au MP du 28 juin 2017), 50 minutes (procédure française) et 2h00 (activité en relation avec la question au Grand Conseil), tandis que les 38h18 postérieures au changement de taux pour la TVA seront réduites de 50 minutes (avis de droit) et de 15h05 (étude du dossier). Le temps consacré par les stagiaires aux conférences internes, soit 24h55, est également écarté, à parts égales, des heures effectuées avant et après 2018.

Ainsi, les honoraires facturés pour l'activité des stagiaires sont retenus théoriquement à concurrence de CHF 9'901.85, soit 51h13[78] au tarif d'avocat-stagiaire (CHF 7'682.50), plus la TVA au taux de 8% (CHF 614.60), ainsi que 9h56[79] au tarif d'avocat stagiaire (CHF 1'490.-), plus la TVA au taux de 7.7% (CHF 114.75).

Le montant total des dépenses obligatoires au sens de l'art. 433 CPP pour la procédure préliminaire et de première instance est ainsi de CHF 455'736.25[80], y compris des débours pour CHF 2'961.85[81].

12.11.5. Vu la répartition des frais pour 50% à charge de l'appelant A______ et 40% pour son comparse, ces derniers seront condamnés à couvrir la partie plaignante dans la même proportion. Ainsi, le premier devra payer CHF 227'868.10[82] et le second CHF 182'294.50[83]. Le solde de 10% reste à la charge de la partie plaignante, réputée avoir succombé dans cette mesure.

12.11.6. Pour la procédure d'appel :

-       Sur les 121h35 facturées par le chef d'étude, 25h00 le sont au titre de participation à l'audience de novembre 2019. Cependant, celle-ci a duré 22h50. S'il convient partant de retirer 2h10, il faut en revanche ajouter les 2h50 pour l'audience supplémentaire tenue en mai 2020, ce qui conduit à un total de 121h55. Le solde de 96h15[84] correspond en majorité au suivi de la procédure en appel et ne paraît pas excessif dans son ensemble au regard de la complexité du dossier, sous précision que les 20 minutes afférentes à la procédure française doivent être retranchées pour les raisons déjà exposées. En définitive, un montant de CHF 59'086.90 pour 121h55[85] d'activité au tarif horaire de CHF 450.- (CHF 54'862.50), plus la TVA au taux de 7.7% (CHF 4'224.40).

-       Sur les 78h07 facturées par l'associée, 23h50 le sont au titre de la participation aux débats de novembre 2019. Si 1h00 est ainsi de trop, il convient d'ajouter 2h50 pour la participation à l'audience supplémentaire de mai 2020, ce qui aboutit à un total arrondi de 79h55. A l'instar du chef d'étude, le solde d'environ 54h15[86] correspond au suivi de la procédure en appel et est globalement justifié. En conséquence, les honoraires s'élèvent à CHF 36'579.85, correspondant à 79h55[87] au tarif horaire facturé de CHF 425.- (CHF 33'964.60), plus la TVA au taux de 7.7% (CHF 2'615.25) ;

-       Les 1h25 d'activité réalisée par le stagiaire seront également retenus, au tarif horaire reconnu par la jurisprudence de CHF 150.- (CHF 212.50), plus la TVA au taux de 7.7% (CHF 16.35), pour un montant total de CHF 228.85.

12.11.7. Le principe de la couverture des dépenses de la partie plaignante n'est néanmoins acquis qu'à hauteur de 25%, soit dans une proportion inverse à celle de sa participation aux frais de la procédure d'appel. En conséquence, seuls CHF 23'973.90[88] sont dus par les prévenus, pour moitié chacun.

12.11.8. En conclusion, le condamné A______ sera condamné à payer à la partie plaignante CHF 239'855.05 (= CHF 227'868.10 + CHF 11'986.95) et le condamné C______ CHF 194'281.45 (= CHF 182'294.50 + CHF 11'986.95) en couverture partielle de ses dépenses obligatoires pour l'ensemble de la procédure.

 

* * * * *

III. DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit les appels ou appels joints formés par C______, A______, le Ministère public et les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE contre le jugement JTCO/154/2018 rendu le 21 décembre 2018 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/13897/2015, sous réserve de l'irrecevabilité partielle des dernières conclusions de la partie plaignante.

Les admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ du chef d'accusation de faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques (art. 317 ch. 1 CP).

Le déclare coupable de gestion déloyale (art. 158 ch. 1 al. 1 CP).

Le condamne à une peine privative de liberté de deux ans, sous déduction de deux jours de détention avant jugement.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à deux ans.

L'avertit de ce que, s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine.

Acquitte C______ de faux dans les titres (art. 251 CP).

Le déclare coupable de complicité de gestion déloyale (art. 25 et 158 ch. 1 al. 1 CP).

Le condamne à une peine privative de liberté de deux ans, sous déduction de deux jours de détention avant jugement.

Met C______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à deux ans.

L'avertit de ce que, s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine.

Condamne A______ et C______, conjointement et solidairement, à payer aux HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE la somme de CHF 20'460'487.-, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 2012, à titre de réparation du dommage matériel.

Prononce à l'encontre de C______ en faveur de l'Etat de Genève une créance compensatrice de CHF 20'460'487.- avec intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 2012, celle-ci s'éteignant automatiquement dans la mesure du paiement par C______.

Alloue ladite créance compensatrice aux HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE.

Ordonne le maintien, en vue de l'exécution de la créance compensatrice, des séquestres portant sur les valeurs suivantes :

-       le compte n° 9______ au nom de C______ auprès de [la banque] BA______ ;

-       le compte n° 11______ au nom de C______ auprès de [la banque] BB______ ;

-       le compte de dépôt de titres n° 10______ au nom de C______ auprès de BB______ ;

-       le compte n° 13______ au nom de C______ auprès de [la banque] Y______ ;

-       le compte épargne n° 14______ au nom de C______ auprès de Y______ ;

-       le compte commercial n° 15______ au nom de l'Etude de C______ auprès de Y______ ;

-       le compte commercial n° 16______ au nom de l'Etude de C______ auprès de Y______ ;

-       le compte personnel n° 12______ au nom de C______ auprès de [la banque] BC______ ;

-       le solde des acomptes provisionnels 2013 et 2015 détenus par l'Administration fiscale cantonale, après imputation des taxations 2013 et 2015.

Ordonne le maintien du séquestre des parts de PPE 1______, PPE 2______, PPE 3______ et PPE 4______ de la commune de H______ [GE], sises chemin 5______ [no.] ______ appartenant à C______, ainsi que de la restriction au droit d'aliéner de l'immeuble séquestré et de sa mention au Registre foncier, en vue de l'exécution de la créance compensatrice.

Ordonne la levée, au plus tôt 40 jours après la notification du présent arrêt, des séquestres portant sur :

-       le compte bancaire n° 18______ au nom de C______ auprès de BC______ ;

-       le compte de crédit hypothécaire n° 19______ au nom de C______ auprès de BB______ ;

-       le compartiment de coffre-fort n° 20______ au nom de C______ auprès de BB______ ;

-       le compte joint n° 21______ au nom de C______ et F______ auprès de Y______ ;

-       le compte de prévoyance 3ème pilier A n° 17______ au nom de C______ auprès de BD______ ;

-       la prestation de sortie de C______ auprès de [la fondation de prévoyance] I______.

Confirme la levée des séquestres portant sur :

-       le compte bancaire n° 22______ au nom de F______ auprès de BB______ ;

-       le compte de crédit hypothécaire n° 23______ au nom de F______ auprès de BB______.

Ordonne la confiscation et l'apport à la procédure des documents figurant sous chiffres 1 à 17 de l'inventaire du 15 septembre 2015 et sous chiffres 1 et 2 du second inventaire du
15 septembre 2015.

Condamne A______ à la moitié des frais de la procédure de première instance, qui s'élèvent à CHF 114'122.-, y compris un émolument de CHF 10'000.-, soit CHF 57'061.-.

Condamne C______ à 80% de la moitié des frais de la procédure de première instance, qui s'élèvent à CHF 114'122.-, y compris un émolument de CHF 10'000.-, soit CHF 45'648.80.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 23'305.-, qui comprennent un émolument de CHF 10'000.-.

Met 18.75% de ces frais, soit CHF 4'369.70, à la charge de A______

Met 18.75% de ces frais, soit CHF 4'369.70, à la charge de C______.

Met 18.75% de ces frais, soit CHF 4'369.70, à la charge des HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE.

Alloue à C______ une indemnité, à la charge de l'Etat de Genève, de CHF 133'402.65 (TVA comprise) en couverture partielle de ses frais de défense.

Compense, à due concurrence, soit à concurrence de CHF 50'018.50, la créance de l'Etat de Genève en paiement des frais de procédure mis à la charge de C______ avec sa créance en paiement de la susdite indemnité de CHF 133'402.65.

Ordonne le séquestre du solde de la créance de C______ en CHF 83'384.15 en vue de l'exécution de la créance compensatrice allouée aux HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE.

Condamne A______ à payer aux HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE
CHF 239'855.05, en couverture partielle de leurs frais et honoraires d'avocats.

Condamne C______ à payer aux HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE
CHF 194'281.45, en couverture partielle de leurs frais et honoraires d'avocats.

Notifie le présent arrêt aux parties et à F______.

En notife un extrait du dispositif, expurgé des mentions ne concernant pas les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE, C______ et F______, aux tiers séquestres, soit : [les banques] BA______, BB______, Y______, BC______, [les fondations de prévoyance] BD______ et I______ et l'Etat de Genève, soit pour lui l'Administration fiscale cantonale et le Secrétariat général du Pouvoir judiciaire, ainsi qu'au Registre foncier.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel, au Service d'application des peines et des mesures et à la Commission du barreau (version anonymisée sauf de l'identité de C______ pour cette dernière).

Siégeant :

Madame Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE, présidente ; Monsieur Pierre BUNGENER et Madame Catherine GAVIN, juges ; Madame Philomène MAY, greffière-juriste.

 

La greffière :

Andreia GRAÇA BOUÇA

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

P/13897/2015

ÉTAT DE FRAIS

AARP/188/2020

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

114'122.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

Facture n° 24______ intitulée précisions au rapport d'expertise du 6.04.17

CHF

CHF

820.00

12'000.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

410.00

État de frais

CHF

75.00

Émolument de décision

CHF

10'000.00

Total des frais de la procédure d'appel : (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

23'305.00

Total général (première instance + appel) : (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9. Attention, calculer d'abord le « Total des frais de la procédure d'appel » avant le « Total général (première instance + appel »)

CHF

137'427.00

 



[1] (220 / 60) x 12.

[2] Formelle pour les premières, physique pour les secondes.

[3] Ce poste ne devant pas être confondu, selon lui, avec le travail de saisie lié à la gestion de ces titres, de même qu'à leur conservation (PP E - 426).

[4] Ce travail s'est notamment traduit par l'établissement, puis la mise à jour d'un manuel décrivant
en détail tout le processus. Ce document a été mis à disposition des collaborateurs des HUG (en particulier PP E - 119 ss et dossier CPAR, pièce no 38.4).

[5] Après déduction des salaires de C______ et son épouse, celle-ci ne travaillant pas sur le dossier des HUG (PP F - 579).

[6] Pour un salaire approximatif de CHF 6'000.- x 13 = CHF 78'000.- emprunté aux déclarations du collaborateur Z______ (PP E - 1'420).

[7] Se fondant sur les propres déclarations de A______, qui ne manquaient pas d'ambiguïté, le TCO a certes retenu que le premier prévenu avait obtenu la résiliation du mandat en invoquant un prétexte (PV TCO 11.12.2018, p. 43 ; jugement, p. 21). Cependant, l'intéressé a pu démontrer en appel que AA______ ne donnait pas satisfaction (dossier CPAR, pièces nos 34.12 et 13), étant précisé qu'il résulte également de divers courriels produits à cette occasion que A______ et ses services ne collaboraient guère avec lui.

[8] Soit CHF 2'965'982.25 facturés par CABINET [C______ SA] + CHF 16'047'219.- par l'Etude.

[9] Soit CHF 875'500.- facturés par CABINET [C______ SA] + CHF 843'447.40 par l'Etude.

[10] Selon C______, le forfait pour « travail sur dossier » (code 255) est lié au suivi des encaissements, à compter de 2010, et a été fixé en prenant pour base une moyenne de 10 heures de travail hebdomadaire par un collaborateur au salaire de CHF 8'000.-/mois brut (PP E - 1'381).

[11] L'addition des honoraires, TVA comprise, facturés par Me W______ selon les notes produites par son conseil équivaut à ce montant, et non à celui de CHF 297'392.35 évoqué dans le courrier dudit conseil
(PP F - 713 ; la différence pourrait s'expliquer, à CHF 0.50 près, par le fait que la première facture n'aurait pas été prise en compte, étant classée après la pièce F - 793, mais avant l'onglet 18 regroupant les notes de cette avocate, ce que la CPAR a rectifié ; cf. note au dossier PP F - 793bis).

[12] Et non CHF 5'730'000.- comme articulé par C______ dans ses tableaux T5, T5bis, et T6 aux termes d'un calcul qu'il n'explicite pas.

[13] Annulation d'une perte constatée dans le calcul d'adaptation de la provision pour pertes sur créances
(par exemple, l'encaissement rétroactif d'une facture considérée irrécouvrable et provisionnée à 100% ;
PP C - 7'729).

[14] Les postes débiteurs présentant un solde négatif sont soldés dans les dix ans et comptabilisés à titre de produit exceptionnel sur prescription (PP C - 7'729).

[15] Selon les balances comptables [PP E - 1'825 ss] et la note du MP du 13.10.16 [PP C - 7'000].

[16] Selon l'expertise [PP C - 7'733].

[17] La consultation du site Internet mentionné dans la note enseigne qu'il s'agit d'une multinationale du recouvrement.

[18] Ndr : il y a aussi un mail de J______ évoquant l'instruction de T______ d'être plus « punschy » dans l'encaissement et le recouvrement, en particulier à l'égard des assurances (PP A - 14).

[19] Par exemple : tentatives de recouvrer des factures au montant dérisoire, opportunité d'agir contre les assurances qui selon certains étaient de bons payeurs.

[20] Dans le calcul proposé en audience (PV, p. 21 s.), la CPAR s'est fondée sur le montant articulé par la défense de C______ de CHF 5'730'000.- alors qu'en réalité, le montant payé à ces derniers a été de CHF 3'429'391.01 comme retenu supra (c'.c).

[21] Soit CHF 3'429'391.01 / 8.5 ans.

[22] = (CHF 3'630'000 / 12) x 11, l'activité n'ayant débuté que le 31 janvier 2007.

[23] = CHF 3'630'000.- / 2.

[24] Sur l'ensemble de la période : CHF 19 millions sur le total de CHF 50 millions.

[25] En vérité, CHF 28'667'108.75, mais les conclusions de la partie plaignante ont été réduites (cf. supra consid. 1.3.2).

[26] 52/12 = 4.33.

[27] Etant rappelé que la Présidente de la CPAR a levé la mesure, toujours en vigueur vu l'effet suspensif de l'appel, sur ce compte présentant, au 25 mars 2019, un solde positif de CHF 3'728.04 (Dossier CPAR, pièces B - 10 et 7).

[28] = 1/4 x 75%.

[29] = 100 ./. (18.75 x 3).

[30] CHF 869'666.47 + CHF 80'673.22 (cf. notes d'honoraires de janvier à mai 2020).

[31] CHF 480'559.71 (cf. doc. « total notes honoraires Me D______ ») + CHF 17'980.52 (cf. note d'honoraires du 12 décembre 2018).

[32] CHF 34'720.11 (cf. doc. « total notes honoraires Me D______ ») + CHF 1'285.52 (cf. note d'honoraires du 12 décembre 2018).

[33] (CHF 498'540.23 ./. CHF 36'005.63 [TVA] ./. CHF 4'854.10 [débours]) / CHF 450.-.

[34] Les montants infra ont été obtenus à partir du « Décompte du temps » produit par Me D______. Ce décompte s'entend hors TVA.

[35] CHF 3'484.50 / CHF 450.-.

[36] CHF 1'296.- / CHF 450.-.

[37] CHF 477.- / CHF 450.-.

[38] CHF 9'747.- / CHF 450.-.

[39] CHF 232'577 [selon le document « total notes honoraires Me D______ »] / CHF 450.-.

[40] (CHF 208'408.50 + CHF 16'695.- [note d'honoraires du 12 décembre 2018]) / CHF 450.-.

[41] (CHF 223'307.26 ./. 15'962.76 [TVA] ./. 36.- [débours]) / CHF 450.- (cf. notes d'honoraires de janvier 2019 à mai 2020).

[42] Les montants infra ont été obtenus à partir du « Décompte du temps » produit par Me D______. Ce décompte s'entend hors TVA.

[43] CHF 1'710.- / CHF 450.-.

[44] CHF 75.- / CHF 450.-.

[45] CHF 450.- / CHF 450.-.

[46] CHF 98'649.- / CHF 450.-.

[47] CHF 22'940.50 / CHF 450.-.

[48] CHF 11'403.- / CHF 450.-.

[49] 463h05 ./. 18h15 ./. 9h48 ./. 5h15.

[50] 429h45 x 70%.

[51] 51h48 ./. 0h42 ./. 2h30.

[52] 48h36 x 70%.

[53] 237h21 ./. 7h33 ./. 5h48.

[54] 224h00 x 70%.

[55] 92h41 ./. 8h12.

[56] 84h29 x 70%.

[57] 76h00 ./. 1h48 ./. 1h30.

[58] 72h42 x 70%.

[59] CHF 16'524.- + 59'283.- + 19'170.- + 8'235.-.

[60] 1'017h05 ./. 7h45 ./. 2h55 ./. 1h00 + 14h35.

[61] 1'020h00 x 85%.

[62] CHF 390'150.- + CHF 15'606.- + CHF 15'020.78 + CHF 4'854.10.

[63] CHF 20'642.40 [Etude BH______] + 85'126.18 [Me D______].

[64] 300h50 + 867h00.

[65] 460h40 ./. 1h00 ./. 3h50 ./. 0h10 + 0h20.

[66] CHF 102'600.- + CHF 7'900.20 + CHF 36.-.

[67] CHF 110'536.20 x 25%.

[68] CHF 105'768.60 + CHF 27'634.05.

[69] Cf. profil BL______ [réseau social professionnel] de l'intéressée.

[70] CHF 424'755.30 + 100'654.45 + 82'765.85

[71] Soit 54h45 à retrancher pour le chef d'étude (204h45 ./. 150h00) et 58h15 pour la collaboratrice [(198h30
+ 9h45) ./. 150h00].

[72] [3h55 (soit 235 minutes) x 100] / (173h00 + 254h40) (soit 25'660 minutes).

[73] 179h30 ./. 4h30 ./. 2h00.

[74] 320h20 ./. 11h25 ./. 54h45 + 0h30.

[75] [48h40 (soit 2'920 minutes) x 100] / (165h35 + 110h10 + 266h20) (soit 32'525 minutes).

[76] 119h00 ./. 4h55 ./. 0h45 ./. 2h30.

[77] 341h55 ./. 17h20 ./. 58h15.

[78] 72h50 ./. 2h30 ./. 3h50 ./. 0h50 ./. 2h00 ./. 12h27.

[79] 38h18 ./. 0h50 ./. 15h05 ./. 12h27.

[80] CHF 207'502.20 + 235'370.35 + 9'901.85 + 2'961.85.

[81] CHF 1'903.35 + 1'058.50.

[82] CHF 455'736.25 x 50%.

[83] CHF 455'736.25 x 40%.

[84] 121h55 ./. 22h50 ./. 2h50.

[85] 121h35 ./. 2h10 + 2h50 ./. 0h20.

[86] 79h55 ./. 22h50 ./. 2h50.

[87] 78h07 ./. 1h00 + 2h50.

[88] (CHF 59'086.90 + CHF 36'579.85 + CHF 228.85) x 25%.