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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21865/2017

ACPR/4/2025 du 06.01.2025 sur DTCO/43/2024 ( TCO ) , REJETE

Descripteurs : DÉFAUT(CONTUMACE);RELIEF;TRAITE D'ÊTRES HUMAINS;NOTORIÉTÉ;CERTIFICAT MÉDICAL
Normes : Cst.29; CPP.366; CPP.368; CPP.114

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21865/2017 ACPR/4/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 6 janvier 2025

Entre

A______, représentée par Me Robert ASSAEL, avocat, MENTHA AVOCATS, rue de l'Athénée 4 - case postale 330, 1211 Genève 12,

recourante,

contre la décision rendue le 8 juillet 2024 par le Tribunal correctionnel,

et

LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.

 

 


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 22 juillet 2024, A______ recourt contre la décision du 8 juillet 2024 (DTCO/43/2024), notifiée le 10 suivant, par laquelle le Tribunal correctionnel (ci-après, le Tribunal) a rejeté la demande de nouveau jugement qu'elle avait formée, dit que le jugement rendu par défaut le 21 juin 2024 restait valable et mis les frais de la procédure à sa charge.

La recourante conclut à l'annulation de la décision querellée et à la fixation de nouveaux débats devant le Tribunal, subsidiairement au renvoi de la cause devant celui-ci, sous suite de frais judiciaires et dépens.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 12 avril 2018, A______, née le ______ 1948, ainsi que trois autres membres de sa famille d'origine indienne, ont été prévenus de traite d'êtres humains, usure et infractions aux art. 116 et 117 LEI.

Lors de la perquisition à son domicile le matin même, elle a été victime d'un malaise ayant nécessité son hospitalisation.

Elle a néanmoins été entendue par la police le jour même et a expliqué qu'elle résidait officiellement à Monaco, mais voyageait souvent, à Genève, B______ [VD], Cannes, Londres, en Inde et aux États-Unis. Elle était d'ailleurs à Cannes quelques jours auparavant.

b. Le lendemain, A______ a été amenée de la clinique genevoise où elle séjournait pour être entendue par le Ministère public.

c. Convoquée à une audience du Ministère public prévue le 13 juin 2018, A______ a demandé le 11 juin 2018 à être dispensée de comparaître. Elle a produit un certificat médical du 7 juin 2018 du Dr C______, spécialiste en médecine interne à l'Hôpital D______, selon lequel elle était dans l'incapacité médicale de comparaître aux audiences durant un mois, sans indication de motifs. Le Ministère public ayant maintenu l'audience, A______ a produit un nouveau certificat du Dr C______, également daté du 7 juin 2018, indiquant que l'état de stress subi au cours d'une audience "pourrait aggraver sa situation clinique". A______ a été considérée comme absente et non excusée lors de l'audience.

d. Convoquée à une audience du Ministère public le 26 septembre 2018, A______ a exposé qu'elle ne pourrait pas comparaître, car elle avait fait deux attaques durant la nuit du 18 au 19 septembre 2018. Selon un certificat du Dr E______, neurologue auprès du F______ à G______ [Inde], elle était suivie depuis le 18 septembre 2018 et présentait des troubles neurologiques avec contractions du visage et de la mâchoire, ainsi qu'une baisse de vigilance, mais sans perte de connaissance. Elle ne pouvait pas voyager durant trois semaines.

L'audience a été annulée.

e. Lors de l'audience du 16 novembre 2018, A______ a comparu, mais a exercé son droit au silence.

f. Convoquée pour le 11 juin 2019, A______ a demandé à être représentée par son conseil car elle était "à l'étranger". Compte tenu de l'indisponibilité alléguée des autres prévenus, l'audience a été annulée.

g. Lors des audiences ultérieures, soit A______ a été considérée comme excusée, soit les audiences ont été annulées.

h. Le dossier a été transmis au Tribunal par acte d'accusation du 14 février 2023, complété le 15 août 2023.

Au cours de la procédure, les prévenus ont déposé de nombreux incidents, pour la plupart rejetés.

i. Le 5 avril 2023, le Tribunal a convoqué A______ aux débats, fixés le 2 octobre 2023.

j. Le 6 septembre 2023, le conseil de A______ a sollicité un sauf-conduit valable du 22 septembre au 20 octobre 2023, période nécessaire pour rencontrer sa cliente avant les débats et pour permettre à celle-ci de repartir sans précipitation, compte tenu de son âge. Le sauf-conduit a été accordé.

k. En raison du changement d'avocat de l'un des prévenus, l'audience du 2 octobre 2023 a été annulée.

l. Les débats convoqués pour le 20 novembre 2023 ont dû être annulés, en raison d'un voyage d'agrément prévu par l'avocat de l'un des prévenus.

m. Le 23 novembre 2023, le Tribunal a cité A______ à comparaître aux débats fixés le 15 janvier 2024.

n. Le 1er décembre 2023, le conseil de A______ a sollicité un sauf-conduit pour la période du 1er au 31 janvier 2024, pour les mêmes raisons que celles avancées en septembre précédent. Le sauf-conduit a été accordé.

o. Le 11 janvier 2024, A______ a demandé le report de l'audience du 15 janvier 2024 pour raisons de santé.

Selon un certificat médical daté du 23 décembre 2023, la Dresse H______, médecin auprès du [centre médical] I______ à J______ [Émirats arabes unis], attestait que A______ se plaignait de toux avec fièvre et de douleurs abdominales intermittentes depuis deux semaines, devenues aiguës avec fièvre le 22 décembre 2023, sans vomissement ni nausée. À l'examen, l'abdomen était douloureux, il n'y avait pas de fièvre. Une radiographie et diverses analyses sanguines et d'urine ont été réalisées. Il était conseillé à la patiente d'éviter les aliments gras, de solliciter un deuxième avis médical et de ne pas voyager durant un mois. A______ a consulté le même médecin les 4 et 8 janvier 2024. Le diagnostic retenu était une bronchite due au mycoplasma pneumoniae, de la toux, une cholécystite aigüe et une douleur abdominale non spécifique. Sous "plan de soin", la médecin mentionne le 4 janvier 2024 que la patiente n'est pas apte à voyager durant deux ou trois semaines. Le 8 janvier 2024, la médecin a constaté un sifflement dans la poitrine, le reste de l'examen étant dans les limites normales ("WNL"), mis à part une légère sensibilité au niveau de l'abdomen. Elle recommandait un ultrason de la vésicule biliaire, la poitrine n'était pas encore dégagée ("Chest still not clear"), une pneumonie devant encore être exclue avant qu'elle ne voyage. La patiente n'était pas apte à voyager durant deux semaines ("Patient not fit to travel for 2 weeks"), un nouveau contrôle médical devant intervenir avant le voyage.

p. Par courrier du 12 janvier 2024, la direction de la procédure a informé les parties maintenir l'audience du 15 janvier 2024.

q. Par courriel du 14 janvier 2024, A______ a personnellement présenté ses excuses pour l'inconvénient causé par son absence, expliquant que son état de santé, sur avis de ses médecins, l'empêchait de voyager. Elle espérait se sentir mieux bientôt, car elle était déterminée à répondre aux questions du Tribunal et à se défendre d'accusations qu'elle contestait.

r. Lors de l'audience du 15 janvier 2024, le Tribunal a constaté l'absence de A______ et a notifié, le jour-même, en l'étude de son conseil, domicile élu pour la notification des mandats de comparution, un mandat de comparution pour de nouveaux débats, le 25 janvier 2024.

s. Par courriel du 24 janvier 2024 à 19h17, le conseil de A______ a écrit au Tribunal que sa mandante était dans l'incapacité médicale de se présenter à l'audience du lendemain et a demandé le report de celle-ci.

Selon un certificat daté du 20 janvier 2024 de la Dresse H______, A______ se plaignait toujours de toux et de douleurs abdominales ; les diagnostics étaient confirmés. L'échographie avait révélé la présence d'un calcul dans la vésicule biliaire et la patiente devait être revue deux semaines plus tard pour décider si elle devait être opérée. Elle souffrait d'anxiété et de palpitations et était inapte à voyager jusqu'au prochain contrôle deux semaines plus tard ; son état ne permettait pas une intervention chirurgicale pour l'instant. Le Prof. K______, chef de service de cardiologie du L______ à Monaco, a attesté le 23 janvier 2024 avoir pris note de la consultation médicale de A______ et confirmé que sa patiente présentait de façon chronique un tableau de douleurs abdominales quand il la voyait à Monaco et il paraissait tout à fait approprié de proscrire tout transport aérien avant stabilisation de la situation.

t. Lors de l'audience du 25 janvier 2024, la procédure par défaut contre A______ a été engagée : elle a été avisée que l'audience se poursuivrait du 11 au 22 mars et du 10 au 21 juin 2024. Les parties ayant comparu les 15 et 25 janvier 2024 ont été dispensées de comparaitre personnellement lors des jours d'audience prévus en mars 2024, à consacrer au traitement des questions préjudicielles.

u. En avril 2024, A______ s'est rendue à Monaco. Le 30 mai 2024, A______, "étant domiciliée à Monaco", a sollicité un sauf-conduit du 1er au 30 juin 2024, qui a été accordé.

v. Lors de la suite de l'audience des 11, 12 et 20 mars 2024, des questions préjudicielles ont été tranchées par le Tribunal. L'audience s'est poursuivie du 10 au 18 juin 2024 en l'absence de A______.

Le verdict a été rendu oralement, tous les prévenus étant absents. Dans le cadre de la demande de mise en détention du Ministère public, les conseils des enfants de A______, prévenus, ont fait valoir que leurs clients s'étaient rendus à Monaco pour l'anniversaire de leur père, lui aussi prévenu, et avaient prévu de revenir à Genève le 21 juin 2024 au matin en avion pour assister à la lecture du verdict. Toutefois, selon un certificat médical du Prof. K______ du 20 juin 2024, A______ avait été hospitalisée en urgence ce jour-là à la suite d'une réaction allergique aiguë lors d'une injection d'iode dans le cadre d'examens en cours et devrait probablement subir une intervention chirurgicale le 21 juin 2024, le médecin traitant préconisant à la famille de rester auprès d'elle.

w. Par jugement rendu par défaut le 21 juin 2024, le Tribunal a condamné A______ pour usure par métier (art. 157 ch. 1 et 2 CP), incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux sous la forme aggravée (art. 116 al. 1 et 3 let. a LEI) et emploi d'étrangers sans autorisation sous la forme aggravée (art. 117 al. 1 LEI) et l'a acquittée de traite d'êtres humains (art. 182 CP), d'usure s'agissant de l'une des parties plaignantes (art. 157 CP) et d'infraction à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (art. 87 al. 2 et 3 LAVS).

Ce jugement a été notifié au conseil de l'intéressée le 21 juin 2024.

x. Le 24 juin 2024, A______ a déclaré faire appel.

Elle a, parallèlement le 30 juin 2024, formé une demande de nouveau jugement, sollicitant la fixation de nouveaux débats, cas échéant la mise en œuvre d'un expert.

À l'appui de sa demande de relief, A______ produit un compte rendu du 28 juin 2024 du Prof. K______ de sa situation médicale de décembre 2023 à juin 2024. En substance, elle avait souffert de bronchite et de douleurs abdominales en décembre 2023 et janvier 2024 ; la présence de calculs biliaires avait été confirmée, mais elle n'avait pas souhaité se faire opérer à J______, préférant obtenir un second avis du F______ à G______. La Dresse H______ ne l'avait pas autorisée à voyager jusqu'au 16 février 2024, également à cause de ses antécédents d'embolie pulmonaire et de thrombose veineuse. Puis le 16 février 2024, elle l'y avait autorisée et A______ était rentrée le jour-même en Inde. Le 20 mars 2024, un scanner de l'abdomen effectué à G______ avait montré notamment de multiples calculs biliaires au maximum de 13x11mm, sans indication pour une intervention chirurgicale. À son retour à Monaco en avril 2024, elle avait présenté un déséquilibre tensionnel dans un contexte de stress et d'anxiété majeurs. Elle avait consulté le Dr M______ à Monaco le 15 mai 2024. Depuis le 26 mai 2024, le traitement contre l'hypertension avait été modifié plusieurs fois, entrainant de la fatigue. Le 19 juin 2024, une injection d'iode dans le cadre d'un scanner avait provoqué une grave réaction allergique l'obligeant à être admise aux soins intensifs. Finalement, l'intervention chirurgicale prévue le 21 juin 2024 n'avait pas eu lieu. A______ avait été transférée dans le service de cardiologie. Des examens complémentaires avaient montré une sténose bilatérale des artères rénales à 50% à droite et à gauche. A______ avait pu regagner son domicile avec un traitement médicamenteux.

C. La décision querellée consiste en deux parties : l'une contient le texte décisionnel lui-même et l'autre est un "chargé" de quinze pièces.

S'agissant du texte de la décision, elle retient que la recourante avait été valablement convoquée aux audiences de jugement successives. L'intéressée ne démontrait cependant pas que son état de santé fût un empêchement à sa capacité de voyager : l'examen des certificats médicaux ne révélait pas une incapacité durable de voyager. Elle avait, durant l'instruction, souvent demandé à être dispensée de comparaître, alors qu'elle voyageait parallèlement "à travers le monde". Les dates de consultations médicales coïncidaient opportunément avec les dates des audiences. Par ailleurs, elle n'avait jamais montré de volonté de participer aux débats, puisqu'elle ne réservait pas de vol pour se rendre à Genève et cumulait les actes de procédure pour reporter l'audience de jugement. Elle avait déjà agi précédemment ainsi devant les juridictions prud'homales et pénales. Choisissant de privilégier d'autres activités, notamment aux côtés de son époux, elle avait fautivement renoncé à se rendre à l'audience, étant précisé qu'elle n'avait pas demandé le moindre aménagement qui aurait pu rendre l'audience moins pénible pour elle.

Les pièces annexées sont des pages imprimées de sites Internet et de réseaux sociaux, censées établir des déplacements de A______.

D. a. À l'appui de son recours, A______ discute les éléments médicaux la concernant, griefs qui seront examinés dans la partie EN DROIT ci-après, et reproche au Tribunal d'avoir collecté des "pièces-surprises", soit le chargé annexé à la décision déjà mentionné. Elle invoque une violation de son droit d'être entendue, car les pièces susvisées ne lui avaient pas été soumises avant le prononcé de la décision. Elle se plaint aussi d'une violation du principe de la bonne foi : l'audience du 25 janvier 2024 avait été fixée alors que le Tribunal savait pertinemment qu'elle ne pourrait pas y participer. Les certificats médicaux qu'elle avait produits avaient été mal interprétés : elle ne pouvait pas voyager pour se rendre aux audiences prévues en janvier 2024. Il était ainsi démontré qu'elle était malade et ne pouvait pas se déplacer.

Elle a produit des pièces nouvelles, soit, notamment, un rapport médical de la Dresse H______ daté du 22 juillet 2024 et résumant ses précédentes constatations. Selon ce rapport, l'un de ses collègues l'avait reçue le 18 décembre 2023 pour une toux persistante et agressive. Après un examen radiologique, il était apparu que A______ souffrait de bronchite et d'une pneumonie. Des antibiotiques lui avaient été prescrits. Le 22 décembre suivant, elle avait été reçue pour des douleurs abdominales sévères. Elle avait fait l'objet d'un ultrason et de tests sanguins et urinaires. En raison de tests complémentaires qui devaient encore être réalisés, la doctoresse lui avait conseillé de ne pas voyager. Le 4 janvier 2024, elle toussait encore et était faible, mais aucun antibiotique ne lui avait été prescrit en raison de ses douleurs abdominales. Elle l'avait déclarée inapte à voyager, malgré le test négatif pour les mycoplasma pneumoniae, en raison de la situation clinique et du risque de thrombose, dû à son historique médical. Le 8 janvier, la situation n'avait pas fondamentalement changé : elle manquait en plus de sommeil en raison de la toux. Le 20 janvier, elle avait été déclarée incapable à voyager en raison de ses palpitations, de son anxiété et de sa toux persistante. Ce n'est que le 16 février 2024 qu'elle avait été déclarée libre de voyager, car la toux avait diminué, de même que son anxiété et ses palpitations.

b. Le Tribunal a renoncé à formuler des observations.

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours.

Il souscrit au raisonnement du Tribunal en soulignant que la recourante, d'une part, ne contestait pas les constatations de fait résultant des pièces qu'elle considérait comme recueillies en violation de son droit d'être entendue et, d'autre part, disposait d'un logement à Genève, mais avait pourtant choisi de se rendre à G______ ou à Monaco, alors qu'elle savait que l'audience allait se tenir.

d. A______ réplique et persiste dans ses conclusions.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b cum 80 al. 1 2e phr. CPP; ACPR/395/2024 du 27 mai 2024 consid. 2 et les références citées) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Les pièces nouvelles sont également recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2.             Par un grief formel, qu'il convient donc de traiter en premier, la recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue.

2.1. Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 146 IV 218 consid. 3.1.1; 142 II 218 consid. 2.3). Il garantit en particulier le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier et de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 136 V 118 consid. 4.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1296/2023 du 3 septembre 2024 consid. 4.2.1).  

2.2. Les faits notoires, qu'il n'est pas nécessaire d'alléguer ni de prouver, sont ceux dont l'existence est certaine au point d'emporter la conviction du juge, qu'il s'agisse de faits connus de manière générale du public ("allgemeine notorische Tatsachen") ou seulement du juge ("amtskundige oder gerichtskundige Tatsachen"). Pour être notoire, un renseignement ne doit pas être constamment présent à l'esprit ; il suffit qu'il puisse être contrôlé par des publications accessibles à chacun (art. 139 al. 2 CPP ; ATF 135 III 88 consid. 4.1 ; ATF 134 III 224 consid. 5.2), à l'instar par exemple des indications figurant au registre du commerce accessibles sur Internet (ATF 138 II 557 consid. 6.2). Il ressort cependant également de la jurisprudence que les innombrables renseignements figurant sur Internet ne peuvent pas être considérés comme notoires (ATF 138 I 1 consid. 2.4 in SJ 2012 I p. 351; dans ce sens également: ATF 134 III 534 consid. 3.2.3.3). Ainsi, certaines informations accessibles sur Internet constituent des faits notoires, tandis que d'autres n'en remplissent pas les critères (ATF 143 IV 380 consid. 1.1.1). En ce qui concerne Internet, seules les informations bénéficiant d'une empreinte officielle (par ex: Office fédéral de la statistique, inscriptions au registre du commerce, cours de change, horaire de train des CFF etc.) peuvent être considérées comme notoires au sens de l'art. 139 al. 2 CPP, car facilement accessibles et provenant de sources non controversées. Dans tous les cas, une certaine prudence s'impose dans la qualification d'un fait comme étant généralement connu du public, dans la mesure où il en découle une exception aux principes régissant l'administration des preuves en procédure pénale (ATF 143 IV 380 consid. 1.2).

L'autorité viole le droit d'être entendu des parties par exemple lorsqu'elle fonde sa décision sur des faits qu'elle a elle-même recherchés sur des sites Internet, sans en donner communication aux parties ni leur offrir la possibilité de s'exprimer à leur propos (arrêts du Tribunal fédéral 6B_974/2020 du 31 mars 2021 consid. 2.4.1 ; 6B_99/2020 du 21 avril 2020 consid. 1.1.1; 6B_103/2015 du 21 avril 2015 consid. 2 in SJ 2015 I 386).

2.3. La violation du droit d'être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée. Cela étant, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les arrêts cités). Par ailleurs, le droit d'être entendu n'est pas une fin en soi. Il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1296/2023 du 3 septembre 2024 consid. 4.2.1).

2.4. En l'espèce, en l'absence d'observations du Tribunal qui auraient permis de mieux comprendre sa démarche, il semble qu'il ait collecté, motu proprio, des données sur Internet concernant la recourante et sa famille, lesquelles ne revêtent, pour autant qu'on puisse en juger, aucune "empreinte officielle". N'ayant pas été soumises aux parties avant le prononcé de la décision querellée, elles pourraient donc avoir été utilisées comme moyens de preuve en violation du droit d'être entendu.

Les parties ayant eu amplement l'occasion de discuter l'origine et le contenu de ces données, il faudrait de toute manière considérer que toute éventuelle violation du droit d'être entendu sur ce point a été réparée par la procédure de recours.

Cela étant, il appert, au vu du raisonnement qui suit, que ces données litigieuses sont sans incidence sur l'issue de la cause.

3.             La recourante reproche au Tribunal d'avoir considéré qu'elle était capable de prendre part aux débats.

3.1. À teneur de l'art. 366 al. 1 CPP, si le prévenu, dûment cité, ne comparaît pas aux débats de première instance, le tribunal fixe de nouveaux débats et cite à nouveau le prévenu ou le fait amener. Si le prévenu ne se présente pas aux nouveaux débats ou ne peut y être amené, ils peuvent être conduits en son absence. Si le prévenu s'est lui-même mis dans l'incapacité de participer aux débats, le tribunal peut engager aussitôt la procédure par défaut, à la condition que le prévenu ait eu suffisamment l'occasion de s'exprimer auparavant sur les faits qui lui sont reprochés et si les preuves réunies permettent de rendre un jugement en son absence (art. 366 al. 3 et 4 CPP).

3.2. Une fois le jugement par défaut notifié, le condamné a la possibilité soit de demander un nouveau jugement, aux conditions de l'art. 368 CPP, soit de faire appel, soit de faire les deux (art. 371 al. 1 CPP). L'appel permet notamment de contester l'application de l'art. 366 CPP, tandis que la demande de nouveau jugement porte sur la réalisation des conditions de l'art. 368 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_562/2019 du 27 novembre 2019 consid. 1.1.2).

Afin d'éviter des jugements contradictoires, l'art. 371 al. 2 CPP prévoit que l'appel n'est recevable que si la demande de nouveau jugement a été rejetée. Ainsi, si la demande de nouveau jugement est admise, l'appel sera déclaré irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_203/2016 du 14 décembre 2016 consid. 1.1 et 1.2).

3.3. Dans sa demande de nouveau jugement, le condamné expose brièvement les raisons qui l'ont empêché de participer aux débats (art. 368 al. 2 CPP). Le tribunal rejette la demande lorsque le condamné, dûment cité, fait défaut aux débats sans excuse valable (art. 368 al. 3 CPP).

3.4. En dépit de sa formulation française pouvant prêter à confusion, l'art. 368 al. 3 CPP vise bien le défaut du condamné à l'audience de jugement lors de laquelle la procédure par défaut a été engagée (arrêts du Tribunal fédéral 7B_121/2022 du 18 juillet 2023 consid. 5.1.1 ; 6B_141/2013 du 18 avril 2013 consid. 1). Malgré les termes "sans excuse valable", c'est une absence fautive du condamné qui permet au tribunal de rejeter la demande de nouveau jugement. Le refus implique que le condamné se soit soustrait aux débats de façon manifestement fautive. Il doit être fait droit à la demande de nouveau jugement lorsqu'il n'est pas établi de manière indubitable que c'est volontairement que le prévenu ne s'est pas présenté aux débats (arrêts du Tribunal fédéral 7B_121/2022 du 18 juillet 2023 consid. 5.1.1 ; 6B_1165/2020 du 10 juin 2021 consid. 4.1). Selon le Message du Conseil fédéral, la réglementation devrait se rapprocher du régime des cantons les plus libéraux qui accordaient au prévenu le droit à un nouveau jugement sans poser aucune condition préalable, tout en permettant d'exclure les abus flagrants (arrêt du Tribunal fédéral 6B_931/2015 du 21 juillet 2016 consid. 1.2).

L'absence n'est pas fautive lorsqu'il y a impossibilité objective (cas de force majeure) ou subjective (maladie, accident, etc. ; arrêts du Tribunal fédéral 7B_121/2022 du 18 juillet 2023 consid. 5.1.1 ; 6B_1165/2020 du 10 juin 2021 consid. 4.1 ; cf. aussi ATF 126 I 36 consid. 1b). En revanche, fait défaut sans excuse valable le prévenu qui, ayant reçu la citation à comparaître, ne se présente pas, alors qu'il lui aurait été possible (en cas d'empêchement non fautif) de demander un report des débats ou, à tout le moins, de présenter un justificatif en temps utile. En effet, le prévenu est tenu de donner suite au mandat de comparution; en cas d'empêchement, il doit en informer l'autorité "sans délai" (art. 205 al. 1 et 2 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_453/2020 du 23 septembre 2020 consid. 2.3.1).

3.5. L'art. 6 CEDH garantit à l'accusé le droit d'être jugé en sa présence. Il s'ensuit qu'une procédure par défaut n'est compatible avec cette disposition que si le condamné a la possibilité de demander qu'une juridiction statue à nouveau, après l'avoir entendu, sur le bien-fondé de l'accusation, en fait comme en droit (arrêt de la CourEDH Sejdovic c. Italie du 1er mars 2006 [GC], § 81 s. et les arrêts cités). Ce principe supporte cependant quelques atténuations. Ainsi, la CEDH n'empêche pas une personne de renoncer de son plein gré, de manière expresse ou tacite, aux garanties d'un procès équitable, en particulier à son droit d'être jugé en contradictoire. Elle exige seulement que la renonciation au droit de participer à l'audience se trouve établie de manière non équivoque et qu'elle ait été entourée du minimum de garanties correspondant à sa gravité (arrêt de la CourEDH Sejdovic c. Italie précité, § 86 et les arrêts cités). Enfin, sous réserve que les sanctions procédurales prévues ne soient pas disproportionnées et que l'accusé ne soit pas privé du droit d'être représenté par un avocat, la CourEDH juge que le législateur national doit pouvoir décourager les absences injustifiées aux audiences (arrêt de la CourEDH Sejdovic c. Italie précité, § 92 et les arrêts cités). Dès lors, la CourEDH admet qu'une personne condamnée par défaut puisse se voir refuser la possibilité d'être jugée en contradictoire si les trois conditions cumulatives suivantes sont remplies: premièrement, il est établi que cette personne avait reçu sa citation à comparaître; deuxièmement, elle n'a pas été privée de son droit à l'assistance d'un avocat dans la procédure par défaut; et, troisièmement, il est démontré qu'elle avait renoncé de manière non équivoque à comparaître ou qu'elle avait cherché à se soustraire à la justice (cf. arrêts de la CourEDH Medenica c. Suisse du 14 juin 2001, § 55 ss; Sejdovic c. Italie précité, § 105 ss a contrario). A propos de cette dernière condition, la CourEDH a précisé qu'il ne devait pas incomber à l'accusé de prouver qu'il n'entendait pas se dérober à la justice ou que son absence s'expliquait par un cas de force majeure, mais qu'il était loisible aux autorités nationales d'évaluer si les excuses fournies par l'accusé pour justifier son absence étaient valables ou si les éléments versés au dossier permettaient de conclure que l'absence de l'accusé aux débats était indépendante de sa volonté (arrêt CourEDH Sejdovic c. Italie précité, § 88 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_121/2022 du 18 juillet 2023 consid. 5.2 ; cf. aussi arrêts 6B_496/2022 du 27 octobre 2022 consid. 4.7; 6B_561/2021 du 24 août 2022 consid. 1.1.2; 6B_562/2019 du 27 novembre 2019 consid. 1.1.3).

3.6. Conformément à l'art. 114 CPP, le prévenu est capable de prendre part aux débats s'il est physiquement et mentalement apte à les suivre (al. 1). Si le prévenu est temporairement incapable de prendre part aux débats, les actes de procédure qui ne souffrent pas de report sont exécutés en présence de son défenseur (al. 2). Si le prévenu est durablement incapable de prendre part aux débats, la procédure est suspendue ou classée. Les dispositions spéciales régissant la procédure contre les prévenus irresponsables sont réservées (al. 2).  

Selon la jurisprudence, le prévenu doit être en état physique et psychique de participer aux audiences et aux actes de la procédure ( Verhandlungsfähigkeit), en faisant usage de tous les moyens de défense pertinents ( Verteidigungsfähigkeit) et en étant apte à répondre normalement aux questions qui lui sont posées ( Vernehmungsfähigkeit). Les exigences pour admettre la capacité de prendre part aux débats ne sont pas très élevées, dans la mesure où le prévenu peut faire valoir ses moyens de défense par un défenseur. En principe, seul le jeune âge, une altération physique ou psychique sévère ou encore une grave maladie sont de nature à influencer cette capacité. La capacité de prendre part aux débats s'examine au moment de l'acte de procédure considéré (arrêts du Tribunal fédéral 7B_121/2022 du 18 juillet 2023 consid. 5.2 ; 6B_561/2021 du 24 août 2022 consid. 1.1.3 et les références citées).

3.7. Ont été par exemple tenues pour fautives, au vu des circonstances, l'absence d'un prévenu dont les certificats médicaux n'attestaient d'aucune incapacité à se déplacer d'Irlande en Suisse pour comparaître aux débats, alors qu'il avait voyagé ailleurs en Europe avant et après la date de ceux-ci, sans que sa santé n'eût connu d'évolution (arrêt du Tribunal fédéral 6B_205/2016 du 14 décembre 2016 consid. 2.4), celle d'un prévenu au bénéfice d'une attestation médicale lui déconseillant de voyager (arrêt du Tribunal fédéral 6B_946/2017 du 8 mars 2018 consid. 2.4), ou encore celle d'un prévenu ayant préféré se rendre à des conférences organisées par son employeur, dont il n'avait pas démontré le caractère obligatoire en vue de conserver son emploi (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1277/2015 du 29 juillet 2016 consid. 3.3.2). De la même manière, l'absence du prévenu pour des problèmes de santé causés par le décès de proches parents, sans autre certificat médical ni indications sur la nature des soins lui ayant été prodigués, n'a pas été considérée comme justifiée (arrêts du Tribunal fédéral 1P.1/2006 du 10 février 2006 consid. 2.2 ; 7B_121/2022 du 18 juillet 2023 consid. 5.1.3).

Dans une autre affaire, la prévenue avait produit plusieurs certificats médicaux, dont l'un, postérieur aux débats et émanant d'un praticien qui n'était pas son médecin traitant, exprimait une impossibilité de se déplacer à des audiences à partir d'une certaine date (antérieure aux débats). Il a été retenu que cette expression catégorique devait s'apprécier avec une certaine circonspection et qu'il convenait bien plutôt de s'attacher aux autres certificats du médecin traitant de la prévenue, qui étaient plus détaillés et nuancés sur la question de la mobilité. De manière générale, l'ensemble de ces pièces était orienté vers l'évaluation de l'aptitude professionnelle, et non vers un diagnostic péremptoire et univoque d'une impossibilité de se déplacer quelques jours de Paris à Genève pour assister à des débats (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1034/2017 du 26 avril 2018 consid. 1.2, 1.4 et 2.2). De même, l'existence d'une excuse valable au sens de l'art. 368 al. 3 CPP a été déniée à l'égard d'un prévenu ayant présenté un épisode dépressif, et dont le psychiatre avait établi un certificat médical disposant que son patient n'était pas en mesure de répondre aux questions du tribunal et qu'il ne pouvait pas être entendu "de façon optimale". Les juges cantonaux n'avaient pas versé dans l'arbitraire en estimant que, moyennant quelques aménagements pour pallier un éventuel état de fatigue du prévenu, les éléments du dossier ne permettaient pas de retenir qu'un tel état de fatigue, même conjugué à d'autres troubles, aurait temporairement entraîné une incapacité totale de prendre part à l'audience, le prévenu étant du reste assisté d'un défenseur apte à faire valoir ses droits et, le cas échéant, de s'interposer (arrêts du Tribunal fédéral 6B_561/2021 du 24 août 2022 consid. 1.3 ; 7B_121/2022 du 18 juillet 2023 consid. 5.1.3).

En revanche, une excuse valable à l'absence du prévenu a été retenue en présence de plusieurs certificats médicaux attestant qu'il n'était pas capable de voyager et qu'un grand risque de détérioration de son état de santé existait (arrêts du Tribunal fédéral 6B_268/2011 du 19 juillet 2011 consid. 1.4.4 ; 7B_121/2022 du 18 juillet 2023 consid. 5.1.3).

3.8. En soi, en tant que le certificat médical – qui consiste en une constatation écrite, relevant de la science médicale et se rapportant à l'état de santé d'une personne – est produit à l'initiative du prévenu, il s'apparente à bien des égards à une expertise privée. Or, de jurisprudence constante, les résultats d'une expertise privée, réalisée sur mandat du prévenu, sont soumis à la libre appréciation des preuves et considérés comme de simples allégués de parties (cf. ATF 142 II 355 consid. 6; 141 IV 369 consid. 6.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1271/2021 du 12 septembre 2022 consid. 1.3). Même si elle est établie par un spécialiste, l'expertise privée ne peut pas être assimilée à une expertise judiciaire et ne bénéficie pas de la même valeur probante (ATF 141 IV 369 consid. 6.2). Le juge n'en est pas moins tenu d'examiner si elle est propre à mettre en doute, sur les points litigieux importants, l'opinion et les conclusions de l'expert mandaté par l'autorité, ou si elle justifie la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire (le cas échéant complémentaire) sur ces mêmes points (ATF 141 IV 369 consid. 6.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_986/2015 du 23 août 2016 consid. 3.5.3). La direction de la procédure agit sans arbitraire si elle ne donne pas suite à une expertise privée lacunaire ou partiale (arrêts du Tribunal fédéral 7B_121/2022 du 18 juillet 2023 consid. 5.3 ; 6B_715/2011 du 12 juillet 2012 consid. 4.3.1).

3.9. Selon la jurisprudence, lorsque le prévenu est présent au moment de l'ouverture des débats, mais qu'il ne se présente pas pour la suite de l'audience, la procédure demeure contradictoire dans son ensemble : cette solution reprend le principe selon lequel l'absence du prévenu après l'ouverture des débats n'exclut pas la poursuite de la procédure pénale en contradictoire (olim praesens, semper praesens ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1269/2017 du 16 janvier 2019 consid. 1.2).

Autre est la question de savoir ce qu'il advient lorsque le prévenu, absent à l'ouverture des débats, se présente ultérieurement. Pour certains auteurs, il est exclu de recourir à une solution "panachée", à savoir que le défaut pourrait être relevé en cours de procédure si le prévenu se présente, dès lors que cette possibilité n'est pas prévue par la loi (B. STRÄULI, Commentaire de l'arrêt 6B_1269/2017 du 16 janvier 2019 in forumpoenale 5/2019 p. 360, p. 364). D'autres auteurs considèrent cette solution comme pouvant conduire à une issue pragmatique lorsque le prévenu apparaît à un stade où il peut encore faire valoir pleinement ses droits de participer au procès : il serait dérangeant que le procès doive être intégralement répété devant le même tribunal, alors que le prévenu était finalement présent durant la majorité des débats. Par exemple, le tribunal pourrait, avec l'accord de toutes les parties, interrompre les débats lorsque le prévenu se présente, puis reprendre ceux-ci ab initio et les conduire à terme sans engager la procédure par défaut (M. NIGGLI/ M. HEER/ H. WIPRÄCHTIGER (éds), Basler Kommentar StPO/JStPO, 3ème éd., Bâle 2023, n. 21 ad art. 366 CPP ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 26 ad art. 366 CPP).

3.10. En l'espèce, il s'agit de déterminer si le défaut de la recourante à l'audience de jugement du 25 janvier 2024, lors de laquelle la procédure par défaut a été engagée, a fait l'objet d'une excuse valable.

3.10.1. La validité de la convocation de la recourante est remise en cause en ce sens que le Tribunal aurait fixé l'audience prévue à l'art. 366 al. 1 1ère phr. CPP à une date trop proche de la première audience à laquelle elle n'avait pas comparu. Le Tribunal aurait ainsi violé le principe de la bonne foi, pour avoir pertinemment su que la recourante ne pourrait pas se présenter à si brève échéance au vu des excuses avancées.

En l'occurrence, le raisonnement de la recourante sur ce point est battu en brèche par la teneur du certificat médical daté du 8 janvier 2024 et qu'elle a elle-même produit. Selon la documentation, elle n'était pas apte à voyager pendant deux semaines, de sorte que la fixation de l'audience au 25 janvier 2024, soit plus de deux semaines après le 8 janvier 2024 ne contrevient en rien au principe de la bonne foi.

Ce grief sera donc rejeté.

3.10.2 Reste à examiner si la recourante disposait d'une excuse valable pour ne pas comparaître le jour même de l'audience.

Comme la recourante fait valoir une impossibilité subjective (soit des raisons de santé), il s'agit d'examiner si elle se trouvait dans une situation où elle n'était physiquement ou psychiquement pas capable de participer aux débats.

Elle s'appuie à cette fin sur des certificats divers, dont il faut d'emblée souligner qu'ils constituent des moyens de preuve à apprécier comme des expertises privées.

L'état de santé de la recourante antérieur à la fin décembre 2023 apparaît dénué de pertinence pour juger de sa capacité de prendre part à l'audience du 25 janvier 2024. Tout au plus peut-il être relevé que ni l'âge de la recourante, ni des problèmes de santé chroniques ou récurrents ne l'empêchaient absolument de participer à l'audience. Il n'est en effet pas plaidé que la recourante se trouvait dans la situation prévue à l'art. 114 al. 3 CPP, aucun élément du dossier ne permettant de retenir une impossibilité durable de prendre part aux audiences. Cette conclusion est encore confirmée par la demande de sauf-conduit déposée peu avant l'audience et les manifestations affichées par la recourante de sa volonté de participer à la procédure de jugement, sans oublier les nombreux voyages antérieurs et postérieurs à l'audience.

Le 23 décembre 2023, date du premier certificat médical, la recourante a été vue par un médecin qui n'a pas été en mesure d'objectiver les plaintes de sa patiente, ne constatant pas de fièvre, ni d'éléments anormaux dans les analyses sanguines et urinaires auxquelles il avait procédé. Aucune médication n'a été prescrite, étant précisé qu'une pneumonie avait été diagnostiquée et traitée quelques jours auparavant par des antibiotiques. Certes, le médecin a "conseillé" d'éviter de voyager, mais, selon la jurisprudence, un tel conseil est insuffisant à justifier une absence lors d'une audience pénale. Cela est d'autant moins le cas en l'occurrence que le certificat ne précise pas si la patiente a exposé à son médecin qu'elle était censée se déplacer pour comparaître à une audience de jugement la visant. Ainsi, le certificat du 23 décembre 2023 est manifestement insuffisant pour justifier l'absence de la recourante à une audience.

Il en va de même des certificats des 4 et 8 janvier 2024. Certes, le premier certificat contient des précisions sur le diagnostic, soit, pour le premier une bronchite, de la toux, une cholécystite aiguë, mais sans qu'aucun traitement ne soit envisagé. Quant au second, il ne contient que le constat d'un sifflement dans la poitrine et une légère sensibilité dans l'abdomen, le reste de l'examen étant normal. Aucune mesure n'étant envisagée, mis à part un ultrason de la vésicule biliaire, dont il s'avérera qu'il ne revêtait aucune urgence. Ici, le médecin a considéré que la patiente n'était pas apte ("fit") à voyager, ce jusqu'à ce qu'une pneumonie puisse être exclue, mais aucun examen n'était toutefois planifié à cette fin. Près d'une semaine avant l'audience, il faut partir du principe qu'il existait largement assez de temps pour exclure l'existence d'une pneumonie, maladie relativement courante et diagnostiquée trois semaines auparavant, le jour même de la consultation. En l'absence de nécessité du moindre traitement ou examen, il faut retenir que la recourante était apte à comparaître à la date prévue, rien ne permettant de conclure dans le certificat susdécrit qu'elle aurait été dans l'incapacité absolue de voyager dans le confort que lui permettaient ses moyens financiers – le trajet depuis J______ étant possible par un vol direct de quelques heures –, puis d'être entendue avec des aménagements que le Tribunal aurait pu lui accorder pour peu qu'elle les lui demandât. Ces certificats sont aussi antérieurs de plus d'une semaine à la date de l'audience et ne permettent ainsi pas d'attester d'une quelconque évolution de l'état de santé de la recourante au jour prévu pour l'audience. Comme elle l'expose dans son recours, il lui était possible de communiquer par voie électronique avec son avocat et de préparer l'audience par un ou deux rendez-vous juste avant celle-ci, de sorte qu'un déplacement plusieurs jours à l'avance n'était pas nécessaire. D'ailleurs, le médecin reste très vague sur les conséquences d'un éventuel voyage : s'il peut être inconfortable de voyager avec une bronchite, cela n'est pas pour autant un facteur d'aggravation sérieuse de l'état de santé.

Enfin, il faut relever l'absence de certificat médical actualisé lors de la transmission du courriel de la recourante le 14 janvier 2024.

Ainsi, l'état de santé de la recourante ne justifiait pas qu'elle ne comparaisse pas lors de l'audience du 15 janvier 2024.

Quant aux certificats médicaux produits le 24 janvier 2024, ils ne sont pas davantage de nature à excuser l'absence de la recourante à l'audience du lendemain. D'emblée, il n'est pas conforme à la bonne foi d'avoir attendu le soir précédant l'audience pour communiquer des éléments médicaux datant de plusieurs jours auparavant. Par ailleurs, ces certificats ne contiennent pas davantage d'éléments qui justifieraient une incapacité de voyager pour comparaître à une audience pénale, puisqu'ils "confirment" les diagnostics antérieurs. Or, on a vu qu'ils étaient insuffisants. S'agissant de la cholécystite, le certificat de la Dresse H______ démontre l'absence d'urgence au moindre traitement, puisqu'il fallait attendre encore deux semaines pour décider d'une opération. Il apparaît d'ailleurs que la recourante a choisi – et a été en mesure – de voyager en Inde pour confirmer le diagnostic. Une simple "anxiété" non qualifiée n'est pas de nature à justifier un refus de voyager pour comparaître à une audience de justice. Quant à l'attestation du Prof. K______, elle ne sert guère la thèse de la recourante dans la mesure où les douleurs abdominales dont elle se plaignait et qu'elle brandit pour justifier son absence sont chroniques et présentes depuis une période relativement longue, à savoir au moins depuis son dernier voyage à Monaco, ce qui démontre que ces douleurs ne sont pas de nature à justifier une interdiction de voyager, comme le soutient, de manière contradictoire, le médecin alors qu'il avait probablement connaissance des voyages effectués par sa patiente entretemps.

L'examen du certificat médical produit à l'appui de la demande de relief et résumant l'évolution de l'état de santé de décembre 2023 à juin 2024 ne fait que confirmer ce qui précède. La cholécystite ne justifiait pas une interdiction de voyage, puisque la recourante avait choisi d'obtenir un second avis en Inde – et a pu s'y déplacer. Ce certificat est ainsi révélateur que la recourante tente de se fonder sur des antécédents anciens (embolie pulmonaire et thrombose veineuse) pour justifier des incapacités de voyage lorsqu'une comparution à une audience est en jeu, mais qu'elle s'avère apte à voyager de longues distances pour son agrément.

Il n'en va pas différemment du rapport médical produit nouvellement à l'appui du recours. Au contraire, il démontre que la pneumonie avait déjà été diagnostiquée, et par conséquent soignée, depuis le 18 décembre 2023, soit le jour même où elle avait consulté. Cela ne justifie pas d'attendre plusieurs jours pour faire les examens nécessaires liés à cette maladie, comme cela ressort du certificat médical du 8 janvier 2024. Pour le surplus, ce rapport n'apporte aucun élément nouveau pertinent.

D'ailleurs, il faut relever que le Tribunal a d'emblée averti la recourante, par son conseil, que l'audience de jugement se poursuivrait aux mois de mars et de juin 2024. Or, la recourante a choisi de ne jamais se présenter, voyageant de J______ en Inde, puis d'Inde à Monaco et Cannes entre février et avril 2024, les problèmes médicaux invoqués antérieurement n'étant plus mentionnés. Cette chronologie affaiblit davantage la crédibilité des raisons avancées par la recourante pour justifier son absence. Le Tribunal et le Ministère public lui en font grief : la recourante aurait dû comparaître, même après avoir fait défaut lors de l'ouverture des débats. Il n'apparaît pas nécessaire de trancher ici, au vu de ce qui précède, la controverse doctrinale qui subsiste au sujet des cas où le prévenu, absent à l'ouverture des débats, comparaît par la suite au cours de ceux-ci. Il suffit de retenir qu'au vu de cette controverse, la recourante aurait dû proposer de bonne foi de comparaître et laisser le Tribunal apprécier les conséquences d'une comparution tardive. Elle n'en a rien fait, ce qui renforce encore la conviction qu'elle n'avait nulle intention de se présenter à son procès.

Certes, une hospitalisation en urgence le 20 juin 2024, à la suite d'une réaction allergique apparaît bien établie, mais cette excuse apparaît tardivement pour justifier en quelque sorte a posteriori les précédentes absences non excusées. Ce réel incident médical, documenté et attesté, montre, par comparaison, que les justifications précédentes relevaient de la convenance.

Par conséquent, le Tribunal a jugé à bon droit que les absences de la recourante n'étaient pas justifiées par des atteintes à sa santé suffisamment étayées et sérieuses, mais qu'elle avait manifestement tenté de se soustraire à son obligation de comparaître. Au vu des éléments susdécrits, il n'était pas nécessaire de recourir à une expertise judiciaire.

4.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

5.             5.1. Une décision rendue en violation du droit d'être entendu d'une partie (art. 29 al. 2 Cst.) est toujours entachée d'une erreur de droit, raison pour laquelle sa contestation est en principe justifiée. Si, comme en l'espèce, l'instance de recours remédie exceptionnellement à ce vice, elle statue en fait à la place de l'autorité de première instance. Ce n'est que par sa décision que le droit à une décision formellement correcte est satisfait. Si le recours n'a toutefois pas de succès sur le fond et que l'autorité de recours rend une nouvelle décision, les frais de la procédure de recours doivent être supportés par l'État, car le recourant n'a pas causé ces frais ; la réparation du vice doit également être prise en compte dans le cadre de l'indemnisation (arrêt du Tribunal fédéral 7B_512/2023 du 30 septembre 2024 consid. 3.1).

5.2. Dès lors que la décision était entachée d'une violation du droit d'être entendu de la recourante, réparée dans la procédure de recours, il y a lieu de laisser les frais de recours à la charge de l'État.

5.3. Reste à traiter l'indemnisation de la recourante, prévenue.

En vertu de l'art. 436 al. 1 CPP, les prétentions en indemnité dans les procédures de recours sont régies par les art. 429 à 434 CPP.

Le défenseur de la recourante a chiffré son activité à 18h00, représentant un montant de CHF 8'756.10, TVA incluse.

Au vu de l'ampleur limitée du recours et du fait qu'il est rejeté sur le fond, il sera alloué à l'intéressée une indemnité forfaitaire de CHF 3'000.-, la TVA n'étant pas due en raison du domicile à l'étranger de la recourante (ATF 141 IV 344 consid. 4.1).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'Etat une indemnité de CHF 3'000.-, exempte de TVA, pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, au Tribunal correctionnel et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).