Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/872/2024 du 26.11.2024 sur OCL/161/2024 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/23412/2018 ACPR/872/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mardi 26 novembre 2024 |
Entre
A______, représenté par Me B______, avocat,
recourant,
contre l'ordonnance de classement rendue le 14 février 2024 par le Ministère public,
et
C______, domicilié c/o D______, ______, agissant en personne,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 4 mars 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 14 février précédent, notifiée le 22 suivant, par laquelle le Ministère public a classé la procédure à l'égard de C______ (chiffre 1 du dispositif) et alloué à Me B______ une indemnité de CHF 5'945.05, à titre de l'assistance judiciaire (ch. 4).
Le recourant conclut, en son nom propre et sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance, au renvoi de la cause au Ministère public pour le prononcé d'une ordonnance pénale à l'encontre de C______ pour lésions corporelles, subsidiairement pour l'établissement d'un acte d'accusation contre le précité, au versement d'une indemnité de CHF 15'000.- à titre de réparation "du préjudice moral subi", à ce que ses conclusions civiles soient réservées et au versement, à son conseil, d'une indemnité de CHF 15'831.90 pour l'activité déployée devant l'instance précédente, en particulier du 11 février 2020 au 11 décembre 2023.
Il sollicite encore d'être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours.
b. Le recourant a été dispensé de verser les sûretés (art. 383 CPP).
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 23 novembre 2018, A______, ressortissant Kosovar, a déposé plainte pénale contre le dénommé "C______", ainsi que contre trois inconnus, pour injures, lésions corporelles simples et graves, ainsi que pour menaces.
Il y exposait qu'alors qu'il se trouvait à la discothèque "E______", sise rue 1______ no. ______, dans la nuit du 14 octobre 2018, un agent de sécurité dénommé "C______" l'avait, sans raison, pris par le cou, lui avait fait une clef de bras et lui avait donné des coups sur l'arrière de la tête avec la main ouverte, afin de le faire sortir de l'établissement. Il avait bu de l'alcool cette nuit-là et était "légèrement éméché". Une fois dehors, le susnommé l'avait fait tomber par terre, sur le dos, puis s'était mis sur lui et lui avait asséné plusieurs coups de poing et de pied au visage et sur le corps, en lui répétant "je vais te tuer, fils de pute". D'autres personnes, dont il ignorait l'identité, l'avaient également frappé alors qu'il était au sol. Il avait perdu connaissance sous les coups. Cette agression l'avait particulièrement choqué sur le plan psychologique. Au jour de son dépôt de plainte, il se trouvait encore en incapacité de travailler.
À l'appui de sa plainte, il a versé au dossier un constat médical établi le 14 octobre 2018. L'examen médical avait mis en évidence "une plaie d'1 cm sur la lèvre supérieure droite, une ecchymose en regard du zygomatique droit et rétro-auriculaire gauche, des ecchymoses multiples en regard des épaules en antérieur et postérieur et en regard des dernières côtes et une tuméfaction et dermabrasion du coude gauche". Des photographies desdites lésions avaient également été prises et versées au dossier. Un second certificat médical attestait d'un arrêt de travail à 100% du 15 au 19 octobre 2018.
b. Selon le rapport d'interpellation de la police du 14 octobre 2018, une patrouille était intervenue, le même jour, devant "E______", à la suite d'une bagarre impliquant plusieurs personnes. Soumis à l'éthylotest, le plaignant avait présenté un résultat de 0.65 mg/l. Le responsable de la sécurité du dancing avait expliqué aux agents de police que A______ s'était, au cours de la soirée, montré désobligeant avec des "compatriotes Albanais". Il avait donc pris la décision de faire sortir tout le groupe afin d'éviter qu'il ne perturbe les autres clients. Une bagarre avait alors éclaté entre A______ et lesdits compatriotes, lesquels avaient quitté les lieux avant l'arrivée de la police, laissant le concerné ensanglanté. Les investigations policières n'avaient pas permis d'identifier le ou les auteur(s) des coups.
c. Entendu par la police le 27 mai 2019, C______, serveur au sein de la discothèque, a expliqué que A______ était arrivé vers 1:30. Il le connaissait uniquement de vue. Le concerné avait consommé énormément d'alcool, de sorte que les agents de sécurité avaient dû intervenir à quatre reprises pour lui demander de se calmer. A______ s'était, par la suite, rendu sur la piste de danse et avait approché une fille qui était avec un groupe de personnes d'origine albanaise. Il avait commencé à lui toucher les fesses. Une bagarre s'était alors ensuivie entre le groupe et A______. Les agents de sécurité avaient dû intervenir une nouvelle fois. Ils avaient ensuite évacué les personnes impliquées dans la bagarre par les sorties de secours du bar. Son employeur lui avait demandé de faire "l'interprète" et de calmer les personnes en cause. À l'extérieur, sept hommes rouaient A______ de coups. Ceux-ci avait pris la fuite en entendant la police arriver. Il ne l'avait lui-même à aucun moment frappé, injurié ou menacé. Il ne travaillait pas comme agent de sécurité, tel que l'avait déclaré le plaignant, mais comme serveur. Selon lui, il avait été désigné personnellement par le plaignant car il était également Kosovar. Après la fuite des Albanais, A______ lui avait d'ailleurs dit "Tu m'as trahi, tu n'as pas honte que je me fasse taper par des Albanais?" et lui avait fait plusieurs doigts d'honneur.
d. F______, propriétaire du E______ depuis 2014, a été auditionné par la police le 7 septembre 2019. Deux groupes d'origine kosovare et albanaise s'étaient empoignés à l'intérieur de la discothèque. Il avait pris la décision de les séparer. Il avait demandé l'aide de C______, serveur, pour la traduction en albanais. Ils étaient tous sortis de la discothèque par la porte de secours, C______ et lui-même escortant A______. Il avait ensuite demandé au premier cité de continuer son service. Pensant que la situation s'était calmée, il était lui-même rentré. Peu après, il avait entendu des cris et des hurlements venant de l'extérieur. Il était ressorti et avait vu les deux groupes se battre à nouveau. Il avait appelé la police mais le groupe d'origine albanaise avait pris la fuite avant l'arrivée de celle-ci. C______ n'avait à aucun moment injurié, menacé ou frappé A______. Il avait simplement fait des gestes avec les bras qui signifiaient "on se calme". L'établissement disposait de caméras de vidéosurveillance mais les images se détruisaient automatiquement après quatre jours, si on ne les bloquait pas avant.
e.a. Par arrêt du 23 juillet 2020 (ACPR/512/2020), la Chambre de céans a confirmé l'ordonnance de non-entrée en matière du Ministère public du 22 novembre 2019.
En substance, aucun indice concret ne laissait penser que C______ avait pris part à la bagarre, encore moins qu'il était l'auteur des lésions subies par A______. Une confrontation des protagonistes n'apparaissait pas susceptible d'apporter des éléments probants.
e.b. Sur recours interjeté par A______, le Tribunal fédéral a annulé cette décision (arrêt 6B_1058/2020 du 1er avril 2021).
Face aux circonstances établies – soit la survenance de la bagarre devant la discothèque, lors de laquelle plusieurs personnes avaient roué de coups le plaignant et la destruction des images de vidéosurveillance –, il était à tout le moins nécessaire d'entendre les personnes concernées sur les motifs du défaut de sauvegarde des images. En outre, la crédibilité des déclarations des protagonistes ne pouvait pas être appréciée à ce stade de la procédure, sur la seule base de l'alcoolémie que présentait A______ au moment des faits, alors même qu'il n'était pas fait état de déclarations contradictoires de ce dernier. La pertinence d'une confrontation entre les protagonistes ne pouvait également pas être d'emblée écartée, d'autant que les versions des collaborateurs de la discothèque différaient sur certains aspects.
f. À la suite du renvoi de la cause par la Chambre de céans, sur injonction du Tribunal fédéral, le Ministère public a, le 18 mars 2022, ouvert une instruction contre C______, pour lésions corporelles.
Il a, auparavant, accordé l'assistance judiciaire à A______, avec effet au 27 avril 2021.
g. Le 27 septembre 2022, le Ministère public a entendu A______ et C______.
Le premier a déclaré être certain que le second était son agresseur, lequel était venu le sortir de l'établissement en lui faisant une clef de bras avant de le frapper au niveau de la nuque et de la tête. Il se souvenait des faits "comme s'ils étaient arrivés hier soir". C______ n'était pas un serveur mais bien un videur, habillé comme tel, soit tout en noir avec un brassard orange comportant l'inscription "sécurité". Une fois dehors, d'autres personnes lui avaient asséné des coups. Les blessures subies avaient néanmoins toutes été causées par C______.
C______ a expliqué connaître A______ depuis "longtemps". Ils avaient même pris un verre ensemble en 2018 et le soir des faits, il lui avait offert l'entrée. Il ne faisait pas partie des personnes ayant escorté l'intéressé hors de la discothèque. Il s'agissait d'agents de sécurité, dont il ignorait le nom, travaillant pour une entreprise engagée par E______. Le soir en question, il portait un brassard sur lequel était écrit "staff". Il n'avait pas donné le moindre coup à A______, qui s'était fait "frapp[er] par plusieurs Albanais". Durant la soirée, alors qu'il fumait devant l'entrée, il avait entendu qu'une bagarre avait éclaté dans la discothèque. Il était alors rentré et avait suivi le groupe qui s'échangeait des coups jusqu'à la porte de secours. Là, il avait essayé de calmer les esprits. Sur ordre de son "patron", il était finalement retourné dans l'établissement alors que la bagarre continuait.
h. Lors de cette audience, F______ a confirmé ses déclarations à la police. Il avait demandé à C______ de rentrer pour éviter d'être mêlé à "ces histoires". La bagarre avait commencé au bar et la sécurité avait demandé aux deux groupes impliqués de sortir. Il avait sollicité C______, qui l'avait suivi à l'extérieur, pour faire la traduction. En général, les images de vidéosurveillance étaient enregistrées durant quatre ou cinq jours avant d'être effacées, sauf si la police les demandait. Le jour des faits, C______ travaillait comme serveur. À l'époque, il n'y avait pas de brassard sauf pour les agents de sécurité.
i. Le Ministère public a encore entendu les agents de police intervenus sur place le soir des faits.
G______ a déclaré qu'une fois sur place, F______ lui avait expliqué que les personnes impliquées dans l'altercation avaient fui en direction de H______. Sur le moment, il ne savait pas si l'établissement était équipé de caméras. Il avait immédiatement pris contact avec le "CVP" (Centre Vidéo Police), lequel avait confirmé que les agresseurs de A______ étaient partis en courant. Comme ils étaient de dos et qu'il faisait nuit, il était impossible de les identifier. Pour cette raison, il n'avait pas demandé le blocage des vidéos.
I______ a relaté n'avoir pas géré l'aspect lié aux vidéos de surveillance le soir des faits.
J______ a déclaré être arrivé sur les lieux en appui, alors que l'altercation avait déjà pris fin. En cas de bagarre sur la voie publique, il était fait appel au CVP pour savoir si des caméras étaient dirigées sur les lieux. Le cas échéant, une demande d'extraction pouvait être adressée avec l'accord du Commissaire. Il ignorait toutefois si tel avait été le cas le soir en question, étant surtout présent sur les lieux pour assurer la sécurité.
K______ a déclaré qu'en règle générale, le blocage des images était demandé en cas de bagarre, pour éviter leur destruction. Il ne s'était toutefois pas occupé de cet aspect lors de l'intervention.
j. Le 18 octobre 2022, F______ a transmis au Ministère public le nom de l'un des agents travaillant le soir des faits, soit L______. L'autre agence mandatée avait cessé d'exploiter depuis deux ans, de sorte qu'il n'avait pas pu trouver le nom du deuxième agent.
k. Entendu le 22 août 2023, L______ a confirmé avoir travaillé au E______ de janvier 2018 à janvier 2023, sans se souvenir en particulier de la nuit du 14 octobre 2018. Il n'avait jamais été témoin de coups échangés entre C______ et des clients. Le précité travaillait comme serveur.
l. À la suite de l'avis de prochaine clôture, A______ a requis une nouvelle audience de confrontation, ainsi que l'audition de F______, lequel s'était engagé à fournir la liste exhaustive des agents de sécurité présents le soir des faits.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public constate que, C______ ayant contesté avoir donné le moindre coup à A______, les déclarations des parties étaient contradictoires sur ce point. En l'absence d'autres moyens de preuve objectifs, il était impossible de privilégier une version plutôt que l'autre et les actes d'instruction n'avaient pas permis d'apporter d'éléments permettant de retenir que les coups allégués par A______ auraient été assénés par C______. Comme les faits étaient suffisamment établis, les réquisitions de preuve sollicitées par le premier nommé devaient être rejetées, surtout qu'elles n'étaient pas susceptibles d'apporter des éléments décisifs.
Pour le surplus, l'état de frais de Me B______ était réduit, de sorte à fixer l'indemnité due à CHF 5'945.05, TVA comprise.
D. a. Dans son recours, A______ reproche d'abord au Ministère public le rejet de ses réquisitions de preuve. Depuis six ans, il désignait "nommément et précisément" C______ comme son agresseur et l'auteur de ses lésions, sans jamais se contredire. Compte tenu de "l'étrange présence" du précité sur les lieux, il y avait lieu d'administrer les preuves sur cet élément de fait précis. En outre, le Ministère public devait "impérativement" entendre F______, qui s'était engagé à fournir la liste exhaustive des agents de sécurité présents le soir des faits. Or, tel n'avait pas été le cas.
Sur le fond, le Ministère public persistait à donner du crédit aux déclarations de F______, sans tenir compte du fait que celui-ci était l'employeur de C______. En cette qualité, il était "parfaitement responsable de tout dommage causé à un tiers par un acte illicite causé par l'un de ses employé (art. 55 CO)". L'intéressé avait en outre été entendu quatre mois après C______, ôtant toute valeur probante à ses déclarations au vu de "l'évidente collusion entre l'un et l'autre". Concernant le précité, il avait exercé en qualité d'agent de sécurité, sans la moindre autorisation valable. Comme ses lésions étaient établies médicalement, il était "totalement arbitraire et insoutenable" de ne pas retenir que C______ était "assurément le principal auteur et responsable de l'agression", surtout que ses accusations contre celui-ci étaient restées "claires, précises, constantes et inchangées". L'inexploitation – inexpliquée – des images de vidéosurveillance relevait de la responsabilité de F______, ainsi "que des autorités de police et de justice". La gestion du dossier par le Ministère public était "gravement fautive" puisqu'il avait tardé à entendre les parties concernées et n'avait entrepris "aucun acte d'instruction propre à ce genre d'affaire". En particulier, il n'avait pas mis en œuvre "les recherches des localisations des téléphones portables bornant le jour en question à proximité du lieu d'agression". Ces "faute[s] répétée[s]" du Ministère public constituaient un "argument de poids justifiant le renvoi de la procédure". Les agissements de C______ avaient "incontestablement occasionné, sans autre cause extérieure, les blessures constatées" et il appartenait à l'autorité intimée "d'ouvrir immédiatement une instruction pénale pour confirmer" ses déclarations.
Enfin, les heures retranchées de l'état de frais de Me B______ ne se justifiaient guère compte tenu de l'affaire en cause.
b. Le Ministère public conclut au rejet du recours, renonçant à soumettre des observations.
c. C______ ne s'est pas déterminé.
d. A______ persiste dans son recours.
EN DROIT :
1. 1.1. En tant qu'il conteste le classement de la procédure, le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
1.2.1. En revanche, l'art. 135 al. 3 CPP, applicable pour l'assistance judiciaire gratuite par renvoi de l'art. 138 al. 1 CPP, prévoit que le défenseur d'office peut former un recours contre la décision fixant son indemnité d'office. Ainsi, le prévenu – en l'occurrence la partie plaignante – n'a pas d'intérêt juridiquement protégé à obtenir l'augmentation de l'indemnisation fixée en faveur de son conseil d'office (arrêt du Tribunal fédéral 6B_259/2023 du 14 août 2023 consid. 4 et les références citées; ACPR/124/2024 du 19 février 2024 consid. 3.2.4).
1.2.2. En l'espèce, le recours est déposé au nom du recourant, seul désigné comme tel dans l'acte. Ses conclusions visant le chiffre 4 du dispositif de l'ordonnance querellée sont ainsi formulées qu'il sollicite le versement, à son conseil, d'une indemnité à titre d'assistance judiciaire gratuite pour l'activité devant l'instance précédente.
Ce volet du recours est dès lors irrecevable, seul Me B______ étant habilité à recourir contre son indemnisation.
2. Le recourant conteste le classement de la procédure à l'égard du prévenu.
2.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).
Le principe in dubio pro duriore découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP). Il signifie qu'en principe, un classement ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. Le ministère public doit être certain que les faits ne sont pas punissables (ATF 137 IV 285 consid. 2.3). La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, il n’appartient pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_635/2018 du 24 octobre 2018).
2.2. L'art. 123 al. 1 CP réprime les lésions corporelles simples, c'est-à-dire des atteintes physiques, voire psychiques, qui revêtent une certaine importance (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1064/2019 du 16 janvier 2020 consid. 2.2), telles que des blessures, meurtrissures, hématomes, écorchures ou des griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1283/2018 du 14 février 2019 consid. 2.1).
2.3. En l'espèce, il est établi que le recourant a reçu plusieurs coups le soir du 14 octobre 2018, lui causant les lésions constatées médicalement.
En revanche, malgré l'instruction, le déroulement exact de l'altercation n'a pas pu être retracé avec certitude. En particulier, le prévenu nie avoir été physiquement impliqué, s'étant selon lui limité à essayer de calmer les esprits et servir d'interprète. Il conteste surtout avoir asséné le moindre coup au recourant. Ces déclarations, sur ces aspects spécifiques, sont corroborées par celles de F______. Lors de son audition, L______ a également affirmé n'avoir jamais vu le prévenu impliqué dans une bagarre et que celui-ci travaillait comme serveur, et non comme agent de sécurité.
Cette version est toutefois fermement critiquée par le recourant, qui continue d'accuser le prévenu d'être son agresseur et l'auteur de ses lésions.
Toutefois, en l'absence d'élément objectif, il est impossible de privilégier une version au détriment d'une autre, ainsi que l'a retenu le Ministère public. Contrairement à ce que soutient le recourant, ses seules convictions personnelles, même si elles demeurent inchangées depuis son dépôt de plainte, ne sauraient suffire à fonder des soupçons à l'encontre du prévenu; ce d'autant qu'il s'obstine à accuser le prévenu alors que, selon les protagonistes présents sur les lieux, lui y compris, et au moins un policier intervenu; il aurait reçu, le soir en question, des coups de plusieurs personnes.
S'il omet totalement cet aspect dans son recours, il ressort pourtant du rapport d'interpellation que les premières explications immédiatement données à la police par F______ à propos des événements étaient que les auteurs de l'agression avaient couru en direction de H______. Le prévenu a également déclaré que sept hommes rouaient le recourant de coups, pour fuir ensuite les lieux avant l'arrivée de la police. Enfin, selon G______, son contact avec le CVP avait permis de confirmer que les agresseurs étaient partis en direction de H______, sans qu'il ne soit possible de les identifier. C'était d'ailleurs pour cette raison que les images n'avaient pas été bloquées.
Il existe ainsi un faisceau d'indices qui converge vers la possibilité que le(s) auteur(s) des lésions subies par le recourant se trouverait parmi ces inconnus, étant rappelé une nouvelle fois que l'intéressé ne remet pas en cause leur présence. On peine d'ailleurs à comprendre comment, tout en admettant avoir été roué de coups au sol, le recourant pourrait être en mesure d'attribuer avec certitude toutes ses blessures subies au seul fait du prévenu.
Cela étant, et compte tenu de tous les éléments qui précèdent, les seuls éléments objectifs – ou, à tout le moins concordants – ne permettent pas de retenir que les lésions auraient été causées par le prévenu.
Il s'ensuit que c'est à raison que le Ministère public a classé la procédure à son égard.
Les réquisitions de preuve ne sont pas de nature à infirmer ce qui précède. Une nouvelle audience de confrontation n'apparaît pas susceptible d'apporter des éléments nouveaux et probants, la version du prévenu et du recourant étant connues. Il en va de même pour F______, qui a, au surplus, essayé de trouver la liste des agents présents le soir en question mais s'est heurté à la disparition de l'une des sociétés mandatées. Enfin, on voit mal quelle information utile pourrait être retirée de la localisation du téléphone du prévenu, sa présence sur les lieux n'ayant jamais été contestée, et la localisation d'inconnus, par ce biais, étant irréalisable.
Les réquisitions de preuve du recourant pouvaient dès lors être rejetées.
3. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et, partant, le recours rejeté.
4. Le recourant sollicite l'assistance judiciaire gratuite pour le recours.
4.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 let. a CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l’assistance judiciaire gratuite, sur demande, à la partie plaignante, pour faire valoir ses prétentions civiles, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l’action civile ne paraît pas vouée à l’échec (let. a); à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas ressources suffisantes et que l'action pénale ne paraît pas vouée à l'échec (let. b).
L'assistance judiciaire comprend, notamment, l'exonération des frais de procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP).
4.2. La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. L'assistance judiciaire peut donc être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée ou que la procédure pénale est vouée à l'échec (arrêts du Tribunal fédéral 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.1 et 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1).
4.3. En l'espèce, quand bien même le recourant serait indigent, force est de retenir que le recours était voué à l'échec pour les motifs exposés plus haut, de sorte que les conditions pour l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours ne sont pas remplies. Dans ces circonstances, sa demande sera rejetée.
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).
Le refus d'octroi de l'assistance judiciaire gratuite est, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.
Rejette la demande d'assistance judiciaire gratuite.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, à C______, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/23412/2018 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 915.00 |
Total | CHF | 1'000.00 |