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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/26115/2023

ACPR/874/2024 du 26.11.2024 sur OTDP/741/2024 ( TDP ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/26115/2023 ACPR/874/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 26 novembre 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 3 avril 2024 par le Tribunal de police,

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 15 avril 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 3 avril 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal de police a refusé d'ordonner une défense d'office en sa faveur.

Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et à ce que Me B______ soit désigné à sa défense d'office.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Selon le rapport de renseignements du 7 novembre 2023, la Centrale d'engagement, de coordination et d'alarme a, le 21 juin 2023, vers 15h30, demandé l'intervention de la police à la route 1______ no. ______, à E______ [GE], en raison d'une agression.

Sur place, A______, né en 1976, a soutenu avoir été frappé, sans raison, par trois jeunes de son quartier, tandis que le concierge a déclaré avoir vu le prénommé poursuivre l'un de ces jeunes, identifié comme étant C______, né le ______ 2005, en le menaçant et l'injuriant. Ce dernier a expliqué que A______ était venu lui adresser la parole avant de lui porter deux coups de poing au visage.

b. Le 26 juin 2023, A______ s'est présenté à la police pour déposer plainte contre C______ et ses amis. À cette occasion, il a indiqué ne pas avoir besoin d'interprète ni d'avocat.

Il précisait avoir déjà été agressé, le 1er novembre 2022, par ces jeunes. La plainte pour lésions corporelles simples qu'il avait déposée par avocat, le 26 janvier 2023, était enregistrée sous la référence P/2______/2023.

c. Le 9 septembre 2023, C______, assisté de son conseil de choix, a été entendu par la police comme prévenu. Il a contesté les accusations de A______, ajoutant qu'après avoir été frappé au visage, il lui avait, par réflexe, "mis un crochet", avant de partir en courant car il avait vu un couteau dans la poche du précité. Ce dernier lui avait, en outre, causé du tort, en racontant faussement au concierge qu'il l'avait déjà agressé, avec d'autres jeunes, en novembre 2022.

À l'issue de son audition, il a déposé plainte contre A______ pour lésions corporelles simples, menaces et diffamation.

d. Entendu par la police le 9 octobre 2023 en tant que prévenu par suite de la contre-plainte de C______, A______ a, en présence d'un interprète et de sa nouvelle avocate, confirmé sa plainte pénale et démenti la version du plaignant.

e. Le 12 janvier 2024, le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur la plainte de A______ et, de ce fait, de lui accorder l'assistance judiciaire pour celle-ci. Ces décisions n'ont pas fait l'objet d'un recours.

f. Par ordonnance du même jour, A______ a été condamné à une peine pécuniaire de 50 jours-amende, avec sursis durant 3 ans, pour lésions corporelles simples et menaces au préjudice de C______. Dans la même décision, le Ministère public a renoncé à entrer en matière sur les faits susceptibles d'être constitutifs de diffamation.

g. Le 29 janvier 2024, sous la plume de son avocate, A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale.

h. Par lettre du 19 mars 2024, l'avocate a annoncé que son mandat avait pris fin et qu'elle ne défendait plus A______.

i. Le 22 mars 2024, A______ a été entendu par le Ministère public. Il était assisté d'un interprète et d'un nouvel avocat de choix, Me B______, excusé par Me D______. Il a contesté les faits, soutenant que C______ l'avait provoqué et giflé. Il s'était seulement défendu en levant "les bras pour enlever [la] main [de C______]".

j. Par ordonnance sur opposition du 22 mars 2024, le Ministère public a maintenu sa décision du 12 janvier 2024 et transmis la procédure au Tribunal de police pour qu'il statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition.

k. Le 2 avril 2024, A______, par son conseil, a demandé à bénéficier de l'assistance juridique.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal de police retient que la cause ne présentait aucune difficulté particulière, ni en fait ni en droit, et qu'elle était de peu de gravité, le prévenu n'étant passible que d'une peine privative de liberté maximale de 4 mois ou d'une peine pécuniaire de 120 jours-amende.

D. a. À l'appui de son recours, A______ considère que la cause revêt une certaine complexité puisque "chaque partie a nié ce qui lui était reproché". Au départ, il était "partie plaignante dans cette procédure, puis [s'était] retrouvé prévenu suite au dépôt de plainte de la personne contre laquelle il avait lui-même déposé plainte". Le Ministère public avait rendu trois décisions le même jour dans la même procédure et C______ était assisté d'un avocat. Il ne connaissait pas suffisamment la législation suisse ni ne maîtrisait complètement le français. Les conditions de l'art. 132 al. 3 CPP étaient réalisées, étant relevé qu'il était indigent.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

E. Par ordonnance du 30 avril 2024 rendue dans la cause P/2______/2023, le Ministère public a renoncé à entrer en matière sur la plainte de A______ en lien avec les faits de novembre 2022. Le recours formé par ce dernier a été rejeté par la Chambre de céans dans son arrêt du 26 novembre 2024 (ACPR/873/2024).

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant soutient que la sauvegarde de ses intérêts nécessite l'assistance d'un avocat.

3.1. En dehors des cas de défense obligatoire, la direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts (art. 132 al. 1 let. b CPP). Il s'agit de conditions cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_667/2011 du 7 février 2012 consid. 1.2).

3.2. La défense d’office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l’affaire n’est pas de peu de gravité et qu’elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n’est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d’une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d’une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).

3.3. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. En particulier, il convient de s'attacher à la peine concrètement encourue et non à la seule peine menace prévue par la loi (ATF 143 I 164 consid. 2.4.3 et 3; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit Commentaire du CPP, 2e éd., 2016, n. 30 ad art. 132).

Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut aussi tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1 publié in SJ 2014 I 273 et les références citées) et des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (ATF 115 Ia 103 consid. 4).

3.4. Il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs (comme l'indique l'adverbe "notamment"), en particulier dans les cas où cette mesure est nécessaire pour garantir l'égalité des armes ou parce que l'issue de la procédure pénale a une importance particulière pour le prévenu, par exemple s'il est en détention, s'il encourt une révocation de l'autorisation d'exercer sa profession ou s'il risque de perdre la garde de ses enfants (arrêts du Tribunal fédéral 1B_12/2020 du 24 janvier 2020 consid. 3.1; 1B_374/2018 du 4 septembre 2018 consid. 2.1). La désignation d'un défenseur d'office peut ainsi s'imposer selon les circonstances, lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté de quelques semaines à quelques mois si, à la gravité relative du cas, s'ajoutent des difficultés particulières du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, qu'il ne serait pas en mesure de résoudre seul. En revanche, lorsque l'infraction n'est manifestement qu'une bagatelle, en ce sens que son auteur ne s'expose qu'à une amende ou à une peine privative de liberté de courte durée, la jurisprudence considère que l'auteur n'a pas de droit constitutionnel à l'assistance judiciaire (ATF 143 I 164 consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 1B_360/2020 du 4 septembre 2020 consid. 2.1).

3.5. En l'espèce, l'indigence du recourant n'a pas été examinée, mais cette question peut toutefois rester ouverte vu ce qui suit.

Dans la mesure où la peine pécuniaire encourue par le recourant dans l'ordonnance pénale du 12 janvier 2024 s'élève à 50 jours-amende, la cause est de peu de gravité, au sens de l'art. 132 al. 3 CPP, ce que le recourant ne conteste au demeurant pas.

En outre, les infractions retenues sont clairement circonscrites et aisément compréhensibles. Le recourant s'est déjà exprimé à cet égard, contestant avoir frappé et menacé la partie plaignante. Même en l'absence de connaissances juridiques, il est ainsi à même de se défendre, avec l'aide d'un interprète, devant le Tribunal de police. La cause ne devient pas complexe au motif que le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte et de le condamner pour deux infractions, en renonçant à le poursuivre pour la troisième [ce dernier point étant au demeurant favorable à l'intéressé]. En outre, sa précédente avocate, de choix, a pu lui expliquer les tenants et aboutissants de la procédure, tant en qualité de plaignant que de prévenu puisqu'elle a renoncé à recourir contre la première décision et formé opposition à sa condamnation. L'absence de maitrise du français ne suffit pas à fonder la nécessité d'un avocat, dès lors qu'il est assisté d'un interprète.

Enfin, le fait que la partie plaignante soit assistée d'un avocat, de choix, n'est pas, à lui seul, de nature à démontrer une violation au niveau de l'égalité des armes puisque, comme retenu ci-dessus, la cause ne présente pas de complexité juridique, seuls les faits étant décisifs, sur lesquels le recourant peut se prononcer seul.

Partant, c'est à juste titre que la défense d'office a été refusée par le Ministère public.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour lui, son conseil, au Tribunal de police et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).