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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/6200/2024

ACPR/600/2024 du 15.08.2024 sur ONMMP/1466/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;APPAREIL DE PRISE DE VUE ET/OU D'ENREGISTREMENT SONORE;DIFFAMATION;CALOMNIE;INJURE;MENACE(DROIT PÉNAL);CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);CHANTAGE
Normes : CPP.310; CP.179ter; CP.173; CP.174; CP.177; CP.180; CP.181; CP.156

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6200/2024 ACPR/600/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 15 août 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 28 mars 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 19 avril 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 28 mars 2024, notifiée le 10 avril 2024, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte contre B______.

Le recourant conclut à l'annulation de cette ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'200.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 24 novembre 2023, A______ a déposé plainte contre B______ pour injures, diffamation, calomnie, enregistrement illégal, menaces, contrainte, extorsion et chantage.

B______ l'avait contacté via Facebook à la fin du mois de novembre 2020 pour lui demander de gérer sa fortune, ce qu'il avait refusé. Il avait néanmoins accepté de lui donner des conseils sur sa société C______ SA. Ils étaient devenus amis, puis avaient entretenu une relation intime de manière intermittente.

Le 16 novembre 2023, il l'avait rencontrée dans un hôtel genevois, B______ étant désireuse de lui parler de ses affaires.

Lors de cette entrevue, elle avait tenté de lui faire signer un projet de contrat ("Agreement") entre leurs sociétés respectives, soit C______ SA et D______ AG, par lequel il aurait dû s'engager à lever des fonds pour une autre société appartenant à B______.

Lorsqu'il avait refusé de céder à ses "pressions" et de signer ce projet de contrat, elle lui avait soumis un autre document, sans titre ni entête, listant en onze points ce qui pouvait être compris comme des avantages à signer le contrat précité, par exemple : "participer à un grand projet", "se donner bonne conscience", "gagner davantage d'argent". Y figuraient également les trois points suivants : "5. Un avenir paisible et sûr pour ta famille", "10. Éviter toute perturbation de ta vie due à ton déménagement ou celui d'un membre de ta famille" et "11. Eviter de devoir recommencer ta vie à zéro, ce qui serait inévitable". À la lecture de ce document, il s'était senti menacé et avait demandé à B______ s'il pouvait enregistrer leur conversation, avec son téléphone à lui, ce qu'elle avait accepté. Elle en avait fait autant avec le sien.

Elle lui avait ensuite soumis un troisième document, soit un accord de confidentialité ("Pre-confidentiality Agreement Statement") entre leurs sociétés respectives, par lequel la société D______ AG confirmait ne pas avoir divulgué, et s'abstiendrait de divulguer à des tiers, les informations confidentielles qu'elle avait reçues de la première société. Il avait également refusé de le signer.

B______ l'avait alors insulté, puis lui avait montré une image sur laquelle était écrit "Gigolo on the Lake", à propos de laquelle elle avait fourni des explications "délirantes". Elle lui avait signifié que son refus de signer les documents présentés aurait de graves répercussions sur lui, sa famille et sa société, qu'il ne pourrait plus jamais travailler avec aucune banque, ni personne.

À un moment avancé de leur discussion, il avait compris que B______ avait, à son insu, enregistré leur conversation depuis le début de leur rendez-vous, au moyen d'un appareil enregistreur autre que leurs téléphones portables respectifs.

Quatre jours plus tard, le 20 novembre 2023, B______ avait publié, sur ses comptes publics Facebook et Instagram, un poste "incompréhensible" avec la même image intitulée "Gigolo on the Lake".

Il a joint, à l'appui de sa plainte, la capture d'écran de cette publication, dont il ressort ce qui suit : l. La première image accompagnant la publication représentait un paysage sur lequel était écrit "Gigolo on the Lake" ; la seconde affichait les mots "Attn: He is not a Gigolo" ; la troisième affichait les mots "A perfect set up of ______" ; et la quatrième affichait les mots "Run to catch and hold ______ by financial companies. Details analysis of...". Un texte capturé sur neuf pages accompagnait cette image. D'après A______, B______ y parlait notamment "d'escroc" et de "voleur", ainsi que des deux contrats qu'il avait refusé de signer, tout en invitant ses 9'000 abonnés à se rendre auprès de ses avocats à elle, à Genève, pour y consulter les documents qui prouveraient ses dires.

Il n'était pas nommément désigné mais se sentait visé par cette publication car elle lui avait montré la même photo, sur laquelle figurait le même "Gigolo on the Lake" après qu'il avait refusé de signer les contrats. L'image avait été prise à E______, un endroit qu'il fréquentait très régulièrement et où il était un client connu. La publication faisait également référence aux "______", terme qui figurait expressément au registre du commerce de sa société D______ AG, dont le but était de conseiller des entreprises et des personnes très fortunées (soit des "______").

À travers ses publications, B______ cherchait tant à noircir sa réputation qu'à tuer sa société pour le forcer à signer les contrats précités et lui présenter ses clients. Il était urgent d'arrêter ses calomnies qui iraient, selon lui, crescendo et seraient de plus en plus précises, pour lui éviter la mort sociale qu'elle lui destinait.

b. À l'appui de sa plainte, A______ a également produit l'enregistrement audio réalisé sur son propre téléphone portable lors de son entretien avec B______ à l'hôtel, dont il ressort ce qui suit :

-          B______ y explique que le document listant les onze points ne constituait pas une menace comme celui-ci le soutenait au moment de le lire (7:27), mais servait à la négociation (8:27), ce qu'elle entendait lui expliquer plus tard [sans jamais toutefois le faire].

-          B______ conteste avoir forcé A______ à travailler pour elle, respectivement à ce qu'il signe un contrat dans ce sens, se contentant de le lui proposer (34:24, 41:26). Elle avait préparé le contrat et l'accord de confidentialité, non pas pour le menacer (23:34s), mais parce qu'il ne l'avait pas fait de lui-même, car il ne faisait jamais rien (39:25).

-          B______, comprenant qu'il ne veut pas travailler avec elle, demande à A______ de signer un accord de confidentialité par lequel il attesterait qu'il n'a divulgué aucune information au sujet de sa société (à elle) (32:15). Elle soutient qu'il aurait eu accès à des informations confidentielles au sujet de sa société, tels ses états financiers et son brevet, ce que A______ conteste.

-          Face au refus de A______ de signer l'accord de confidentialité, B______ estime que celui-ci l'a piégée. Il ne souhaitait pas réellement l'aider dans son projet comme il le prétendait. Il était clair qu'il les avait utilisées, elle et sa société, comme un appât pour obtenir de nouveaux clients. Pour ces motifs, elle soutient que A______ est un "salaud" ("bastard", 16:33), un "gigolo" (20:29, 36:00), respectivement un "escroc intelligent" ("clever crook" 20:42, "a crook with three children" 28:31, "smart crook" 34:39) et qu'il se "prostitue" (37:15, 38:33).

-          Elle affirme qu'en la piégeant de la sorte et en lui "volant" les informations sur sa société (35:45, 38:35), il avait détruit son entreprise et sa réputation. Elle expose lui avoir proposé de réparer le dommage ainsi causé (20:47) en travaillant pour elle tout en étant payé pour cela, ce qu'il avait refusé ("I proposed you a deal. You damaged, you compensate through your work and getting paid. You don't want", 45:19, 47:47). Elle lui fait donc comprendre que s'il refuse de signer la clause de non confidentialité, la vérité à son sujet sortirait et tout le monde saurait qu'il l'avait piégée, tout comme il piégeait ses propres clients (42:53) ; il ne pourrait alors plus travailler avec aucune institution que ce soit (41:16). A______ qualife les déclarations de B______ de "fascinantes" et répète qu'elle invente des histoires. Il rit parfois de la situation. Il reproche à B______ de lui faire subir des pressions, dès lors qu'elle lui laisse pour seuls choix de travailler pour elle contre sa volonté, alternativement de voir sa réputation être mise à néant par elle (22:44s).

-          B______ admet qu'elle a enregistré A______ avec un appareil enregistreur depuis le début de leur conversation, sans son accord (32:47, 33:00, 40:42), car elle voulait démontrer qu'il était un "escroc", qu'il l'avait piégée dans le but de commettre une fraude financière (31:47) et qu'il avait menti en prétendant ne jamais avoir vu ses états financiers (32:40, 40:03).

A______ a en outre produit de nombreux échanges de courriels entre lui, les avocats genevois de B______ et le service client de Facebook.

c. Entendue par la police, B______ a expliqué que A______ lui avait laissé un message vocal, en septembre 2022, lui demandant de lui présenter son travail. Elle considérait qu'il s'agissait là d'un accord verbal aux termes duquel A______ acceptait d'ores et déjà de recevoir une commission lorsque son projet verrait le jour.

Elle avait informé A______ du lancement de nouveaux brevets en novembre 2023 et lui avait proposé de s'impliquer dans le projet en lui trouvant des investisseurs, contre rémunération. Comme il s'était dit intéressé, elle avait préparé, en vue de leur rencontre fixée le 16 novembre 2023, deux brochures présentant son activité, ainsi qu'un contrat au cas où A______ accepterait de collaborer avec elle, respectivement un accord de confidentialité. Elle n'avait nullement tenté de le contraindre à signer ces documents.

Ils s'étaient mutuellement mis d'accord pour enregistrer leur conversation. Le document que A______ prenait pour des menaces n'en était pas et n'avait aucun rapport avec son projet professionnel, ni les contrats qu'elle lui avait présentés. Elle avait compris qu'il ne signerait rien car la seule chose qui l'intéressait était d'avoir une relation intime avec elle. Par ce document, elle avait donc voulu lui signifier que s'il n'arrêtait pas de lui courir après, elle n'hésiterait pas à en parler directement avec sa femme et sa fille. Elle ignorait si ces dernières étaient au courant de leur liaison.

Elle n'avait jamais insulté A______, précisant qu'il n'y avait personne à proximité de leur table lors de leur entrevue. Elle ne lui avait pas non plus montré l'image intitulée "Gigolo on the Lake". Le texte qu'elle avait publié avec cette image ne concernait pas A______, mais se rapportait à une procédure pendante en Italie. Elle ne souhaitait pas en dire davantage, sachant que son procès-verbal d'audition serait lu par le précité.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public retient que les déclarations des parties étaient contradictoires s'agissant du déroulement des faits, faute de preuve neutre et objective venant corroborer leurs versions respectives. Le document par lequel A______ s'était senti menacé ne remplissait pas les exigences nécessaires pour être constitutif d'infraction à l'art. 180 CP. La publication par laquelle il se sentait concerné ne mentionnait ni son nom, ni un quelconque signe distinctif, de sorte qu'il n'était pas possible de déduire qu'il était directement visé par son contenu.

D. a. Dans son recours, A______ fait valoir que les faits dénoncés étaient entièrement confirmés par l'enregistrement audio produit, lequel prouvait notamment les menaces et moyens de contrainte employés par B______ à son égard pour l'obliger à lever des fonds pour sa société et permettre à l'intéressée d'accéder à ses clients les plus importants. Elle avait tenté de lui faire du chantage, utilisant leur liaison à cet égard.

La publication parue sur ses comptes Facebook et Instagram le visait directement, puisque B______ avait utilisé les mêmes images et les mêmes termes qu'au bar de l'hôtel. Le traiter de "gigolo" et affirmer qu'elle lui avait remis le document qu'il estimait menaçant pour qu'il cesse de lui courir après n'étaient que calomnies.

b. Par courriel du 10 mai 2024, A______ a complété son recours et produit ses échanges de courriels avec la police de janvier 2024 et antérieurs.

c. La cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1 Le recours daté du 19 avril 2024 est recevable pour avoir été déposé selon la forme dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. La motivation d'un acte de recours doit être entièrement contenue dans l'acte de recours lui-même, qui ne saurait dès lors être complétée ou corrigée ultérieurement (arrêts du Tribunal fédéral 7B_57/2022 du 27 mars 2024 consid. 7.3.1 ; 5A_357/2019 du 27 août 2021 consid. 4.1 ; 6B_510/2020 du 15 septembre 2020 consid. 2.2 ; 6B_120/2016 du 20 juin 2016 consid. 3.1 ; 1B_363/2014 du 7 janvier 2015 consid. 2.1).

Par conséquent, adressé postérieurement à l'échéance du délai de recours et en dehors de tout échange d'écritures ordonné par la direction de la procédure, le complément de recours adressé le 10 mai 2024 par le recourant est irrecevable, tout comme les pièces déposées à son appui, qui ne sont pas nouvelles – étant en outre précisé qu'un courriel ne saurait être considéré comme un échange valable au sens des art. 110 et 396 CPP –, et indépendamment du temps dont le recourant a concrètement disposé pour rédiger ses écritures.

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte
(ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; 138 IV 86 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_212/2020 du 21 avril 2021 consid. 2.2 ; 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1).

4.             Le recourant fait grief au Ministère public d'avoir écarté l'infraction d'enregistrement non autorisé d'une conversation.

4.1.       Contrevient à l'art. 179ter CP, quiconque, sans le consentement des autres interlocuteurs, enregistre sur un porteur de son une conversation non publique à laquelle il prenait part.

Le but est qu'un individu puisse s'exprimer verbalement en toute liberté, sans craindre que ses propos ne soient enregistrés contre sa volonté et qu'ainsi des paroles prononcées sans arrière-pensée se trouvent abusivement perpétuées (ATF 146 IV 126 consid. 3.5 ; 111 IV 63 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1299/2022 du 12 juillet 2023 consid. 4.1.3).

Pour pouvoir enregistrer, l'auteur doit avoir le consentement de tous les autres interlocuteurs. Ce consentement peut être exprès ou résulter d'un comportement concluant. Il y a notamment consentement tacite lorsque l’interlocuteur poursuit la conversation nonobstant son visible enregistrement (A. MACALUSO/L. MOREILLON/N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, 1ère éd. 2017, n. 7 ad art. 179ter CP ; M. DUPUIS/L. MOREILLON/C. PIGUET/S. BERGER/M. MAZOU, Petit commentaire du Code pénal, 2e éd. 2017, n. 6 ad art. 179ter CP et les réf. citées dans ce sens).

4.2.       En l'espèce, il ressort de l'enregistrement audio produit, et des déclarations concordantes des parties, que le recourant a demandé, et donc consenti à, l'enregistrement de sa conversation avec la mise en cause, à partir d'un certain point. Il ne peut dès lors pas être considéré que les propos recueillis en parallèle sur un autre support, certes dissimulé, auraient été enregistrés contre sa volonté à partir de ce moment-là.

Il en va de même des propos recueillis par la mise en cause avant que le recourant ne sollicite l'enregistrement de leur conversation. En effet, l'enregistrement audio démontre que le recourant, bien que manifestant son désaccord face à cette découverte, a poursuivi leur discussion en laissant ouvertement aller cet autre enregistrement, sans solliciter son effacement. Il a donc, de la sorte, conformément à la doctrine sus-évoquée, donné tacitement son consentement à cet enregistrement, peu importe à cet égard que l'intéressée ait reconnu l'avoir enregistré, au départ, sans son accord.

Il n'existe dans ces conditions pas d'élément suffisant permettant de retenir que les conditions posées par l'art. 179ter CP seraient réalisées.

Le recours est donc infondé sur ce point.

5.             Le recourant fait également grief au Ministère public d'avoir considéré que la publication, intitulée "Gigolo on the Lake" sur les réseaux sociaux, ne le visait pas directement.

5.1.       Se rend coupable de diffamation au sens de l'art. 173 ch. 1 CP quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, de même que celui qui propage une telle accusation ou un tel soupçon.

La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue par le fait que les allégations propagées sont fausses (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 3.1).

Ces dispositions protègent la réputation d'être un individu honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. Il faut donc que l'atteinte fasse apparaître la personne visée comme méprisable. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'être humain (ATF 148 IV 409 consid. 2.3 ; 137 IV 313 consid. 2.1.1 ; 132 IV 112 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1120/2023 du 20 juin 2024 consid. 1.1.1).

La personne dont l'honneur est visé n'a pas à être désignée nommément, il suffit qu'elle soit reconnaissable, soit identifiable (ATF 124 IV 262 consid. 2a, selon lequel la personne doit être "clairement reconnaissable" ; 117 IV 27 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1126/2020 du 10 juin 2021 consid. 3.1).

5.2. Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon la signification qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.3 ; 137 IV 313 consid. 2.1.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_15/2021, 6B_32/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.2). Les mêmes termes n'ont donc pas nécessairement la même portée suivant le contexte dans lequel ils sont employés (ATF 148 IV 409 consid. 2.3.2 ; 145 IV 462 consid. 4.2.3 ; 118 IV 248 consid. 2b). Selon la jurisprudence, un texte doit être analysé non seulement en fonction des expressions utilisées, prises séparément, mais aussi selon le sens général qui s'en dégage dans son ensemble (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1052/2023 du 4 mars 2024 précité consid. 1.1).

5.3. Se rend coupable d'injure quiconque attaque, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, autrui dans son honneur (art. 177 al. 1 CP).

L'injure peut consister dans la formulation d'un jugement de valeur offensant, mettant en doute l'honnêteté, la loyauté ou la moralité d'une personne de manière à la rendre méprisable en tant qu'être humain ou entité juridique, ou celui d'une injure formelle, lorsque l'auteur a, en une forme répréhensible, témoigné de son mépris à l'égard de la personne visée et l'a attaquée dans le sentiment qu'elle a de sa propre dignité. La marque de mépris doit revêtir une certaine gravité, excédant ce qui est acceptable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1052/2023 du 4 mars 2024 consid. 1.1 ; 6B_777/2022 du 16 mars 2023 consid. 2.2 et les arrêts cités ; 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 5.2 ; 6B_1254/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.1 et l'arrêt cité).

Le Tribunal fédéral a notamment relevé que le caractère intrinsèquement attentatoire à l'honneur des termes "escroc" et "voleur" n'était pas discutable en lui-même (arrêt du Tribunal fédéral 6B_870/2014 du 1er octobre 2015 consid. 1.1.). Il a également considéré que la référence à la prostitution n'était pas attentatoire à l'honneur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_572/2020 du 8 janvier 2021 consid. 5.1 et 5.2 ; ACPR/241/2024 du 12 avril 2024 consid. 3.4 ; ACPR/804/2021 du 23 novembre 2021 consid. 5.2.2).

L'injure est une infraction intentionnelle. L'auteur doit vouloir ou accepter que son propos soit attentatoire à l'honneur et qu’il soit communiqué à la personne lésée ou à un tiers (A. MACALUSO/L. MOREILLON/N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, op. cit., n. 15 ad art. 177 CP).

5.4. En l'espèce, peu importe que le recourant pense s'être reconnu dans la publication "Gigolo on the Lake", ou que les propos relayés par la mise en cause aient été identiques à ceux enregistrés le 16 novembre 2023. Pour constituer une atteinte à l'honneur, seule est en effet pertinente la question de savoir si la personne visée par la publication était reconnaissable par un tiers non averti, le cas échéant en tenant compte de la publication dans son ensemble.

Or, comme l'a relevé le Ministère public, le texte litigieux ne nomme pas expressément le recourant et ne contient aucun élément permettant de l'identifier spécifiquement, étant précisé qu'il n'est pas rare de croiser, à Genève, des individus titulaire d'un doctorat en droit, actif dans les affaires et s'occupant de clients très fortunés, à l'instar du recourant. Aussi, la photographie de la Perle du Lac n'est pas suffisamment spécifique pour désigner le recourant. Ce dernier a lui-même décrit la publication litigieuse comme étant "incompréhensible", éloignant plus encore la possibilité qu'un lecteur lambda puisse en comprendre le sens, a fortiori faire le rapprochement avec sa personne. Il a aussi justifié son dépôt de plainte par la crainte de voir apparaître d'autres publications attentatoires à son honneur "de plus en plus précises", admettant par-là qu'il existait bien une marge non négligeable avant qu'un observateur neutre puisse le reconnaître à la simple lecture du texte incriminé.

La personne visée par la publication litigieuse n'étant ainsi ni reconnaissable, ni identifiable par des tiers, les éléments constitutifs de diffamation (art. 173 CP) ou de calomnie (art. 174 CP) ne sont pas réalisés, rien ne permettant par ailleurs d'affirmer que le recourant ait concrètement été lésé par cette publication.

5.5. En outre, les propos tenus par la mise en cause ne sont pas constitutifs d'une injure (art. 177 CP).

S'il paraît douteux que le fait, pour le recourant, d'être qualifié de gigolo soit injurieux, au vu de l'évolution sus-rappelée de la jurisprudence, rien ne permet de retenir que les propos tenus par la mise en cause aient voulu être insultants. À bien la comprendre, la précitée voyait, dans le refus du recourant de signer l'accord de confidentialité, la preuve irréfutable qu'il aurait divulgué des informations confidentielles au sujet de sa société. Elle en a également déduit que le recourant se serait servi d'elle et des prétendues informations confidentielles sur sa société pour s'attirer de nouveaux clients, tout en lui faisant miroiter un partenariat qu'il semblait à l'évidence, selon elle, n'avoir jamais pris au sérieux. Il est ainsi manifeste que les mots litigieux n'ont pas été utilisés comme des interjections destinées à manifester du mépris, mais plutôt comme une expression de son ressenti face au comportement du recourant. Aussi, dans la mesure où la mise en cause n'est pas de langue maternelle anglaise, l'on ne peut exclure que celle-ci disposait d'un vocabulaire restreint ayant pu dépasser sa pensée.

Partant, le Ministère public pouvait refuser d'entrer en matière sur les faits dénoncés, faute de prévention pénale suffisante. Le fait que les termes litigieux aient pu être prononcés devant des tiers au bar de l'hôtel – ce qui n'est pas démontré vu les déclarations contradictoires des parties à ce sujet – n'y change rien.

6.             Le recourant estime que le comportement de la mise en cause réalise les éléments constitutifs de la menace et de la tentative de contrainte.

6.1.       L'art. 180 al. 1 CP réprime le comportement de quiconque, par une menace grave, alarme ou effraie une personne.

La menace suppose que l'auteur ait volontairement fait redouter à sa victime la survenance d'un préjudice, au sens large (ATF 122 IV 97 consid. 2b). Elle constitue un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 consid. 2b ; 106 IV 125 consid. 2a), ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 122 IV 322 consid. 1a). Toute menace ne tombe pas sous le coup de l'art. 180 CP. La loi exige en effet que la menace soit grave. C'est le cas si elle est objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime. Il convient à cet égard de tenir compte de la réaction qu'aurait une personne raisonnable face à une situation identique (ATF 122 IV 322 consid. 1a). Il faut en outre que la victime ait été effectivement alarmée ou effrayée. Celle-ci doit craindre que le préjudice annoncé se réalise. Cela implique, d'une part, qu'elle le considère comme possible et, d'autre part, que ce préjudice soit d'une telle gravité qu'il suscite de la peur
(ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2 ; 119 IV 1 consid. 5a ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_754/2023 du 11 octobre 2023 consid. 3.1 ; 6B_1254/2022 du 16 juin 2023 consid. 7.1 ; 6B_543/2022 du 15 février 2023 consid. 8.1).

Subjectivement, l'auteur doit avoir l'intention non seulement de proférer des menaces graves, mais aussi d'alarmer ou d'effrayer le destinataire. Le dol éventuel suffit (arrêts du Tribunal fédéral 6B_508/2021 du 14 janvier 2022 consid. 2.1 ; 6B_135/2021 du 27 septembre 2021 consid. 3.1 ; 6B_1314/2018 du 29 janvier 2019 consid. 3.2.1 ; 6B_787/2018 du 1er octobre 2018 consid. 3.1).

6.2.       Selon l'art. 181 CP, se rend coupable de contrainte quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

Lorsqu’une menace est utilisée comme moyen de pression pour obliger autrui à adopter un comportement, la contrainte (art. 181 CP) prime la menace (art. 180 CP), bien qu’il suffise alors d’une menace sérieuse et non d’une menace grave (A. MACALUSO/L. MOREILLON/N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, op. cit., n. 51 ad art. 181 CP).

6.3.       L'extorsion et le chantage, réprimés par l'art. 156 CP, sont une forme qualifiée de contrainte, caractérisée par la recherche d'un enrichissement illégitime.

6.4.       En l'espèce, l'enregistrement audio produit laisse entendre que le recourant et la mise en cause ont successivement abordé la conclusion de deux contrats distincts lors de leur conversation à l'hôtel.

L'enregistrement produit ne couvre pas le moment où l'intéressée aurait soumis le premier contrat au recourant, ni la manière dont elle le lui a présenté. Le recourant y mentionne à réitérées reprises que la mise en cause l'aurait forcé à signer ce document, ce que celle-ci dément. Elle répond, de manière constante, qu'elle ne l'a jamais forcé à travailler pour elle, qu'il s'agissait là d'une simple proposition d'entrer en relations d'affaires, que le recourant s'y était opposé et que cela ne lui posait pas de problème, points qu'elle a encore confirmés lors de son audition à la police. Rien ne laisse ainsi suggérer que l'intéressée aurait usé d'un quelconque moyen de pression pour forcer le recourant à signer ce premier contrat, contrairement à ce que celui-ci allègue.

L'enregistrement révèle au surplus que la discussion a été ponctuée par des mouvements d'humeur de la mise en cause et que la publication litigieuse ultérieure, qui en reprend a priori des éléments, en a été le simple prolongement. Il semble en effet que la précitée, croyant avoir paré à toute éventualité en préparant deux contrats, ait été désarçonnée par une situation qu'elle n'avait pas envisagée. Tant les termes employés ("escroc", "voleur", etc.), que l'évocation de dévoiler publiquement le prétendu mode opératoire du recourant, ne pouvaient qu'être compris comme une pure réaction de colère et de crainte de voir des informations entourant son projet être dévoilées, sans volonté avérée de lui causer un réel préjudice. Elle n'a d'ailleurs pas mis ses prétendues menaces à exécution, puisque ladite publication ne contient aucun élément objectif permettant de ternir la réputation du recourant (étant rappelé que celui-ci n'y était ni reconnaissable, ni identifiable). Le recourant n'indique pas non plus que la mise en cause aurait réitéré ses agissements.

À noter que l'enregistrement audio produit ne permet pas de remettre en question la lecture qu'a fait le Ministère public du document en onze points que le recourant tient pour menaçant. La mise en cause a en effet affirmé qu'il servait à la négociation et qu'elle en parlerait plus tard, même si elle ne l'a jamais fait. Le document lui-même ne permet pas non plus de comprendre quel était le but recherché par l'intéressée en le soumettant au recourant, le sens et la portée de son contenu demeurant opaque à ce stade. Quoi qu'il en soit, et sans autre explication, ce document ne contient pas de menace, les trois points mis en exergue par le recourant ne contenant aucune référence concrète à un quelconque danger (points 5, 10 et 11).

D'ailleurs, l'enregistrement audio ne laisse pas davantage apparaître que le recourant aurait été effrayé par les propos tenus par l'intéressée. Le recourant a en effet factuellement attiré l'attention de cette dernière sur le fait qu'elle commettait, selon lui, des délits pénaux, ayant pour le surplus lui-même eu des réactions empreintes de légèreté et de détachement manifestes, tels des rires et de l'ironie (décrivant souvent les explications de l'intéressée comme "fascinantes"). Il expliquera d'ailleurs plus tard à la police que les explications de l'intéressée au sujet de l'image publiée étaient, sur le moment, "délirantes", ce par quoi il fallait comprendre qu'elle était impropre à l'impressionner d'une quelconque façon. Il s'est en outre souvent contenté d'indiquer que l'intéressée inventait des histoires. Les moyens de pressions prétendument exercés par la mise en cause n'apparaissaient ainsi à l'évidence guère crédibles à ses yeux, le recourant n'ayant de surcroît réagi qu'après avoir vu sur les réseaux sociaux la publication intitulée "Gigolo on the Lake".

Au vu des circonstances, le seuil de gravité imposé par les art. 156, 180 ou 181 CP n'est ainsi, à l'évidence, pas atteint.

Le recours sera par conséquent rejeté sur ce point également, faute de prévention pénale suffisante.

7.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

8.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'200.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/6200/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'115.00

Total

CHF

1'200.00