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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21540/2022

ACPR/157/2024 du 01.03.2024 sur OMP/21815/2023 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 08.04.2024, 7B_406/2024
Descripteurs : SUSPENSION DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.314

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21540/2022 ACPR/157/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 1er mars 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,

recourant,

contre l'ordonnance de suspension de l'instruction rendue le 21 novembre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 1er décembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 21 novembre précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a suspendu l'instruction jusqu'à l'issue de la procédure P/1______/2022.

Le recourant conclut au constat de "la nullité" de cette ordonnance, subsidiairement, à son annulation. Il sollicite également d'être exempté "de tout éventuel frais de la procédure" (sic).

b. Le recourant a été dispensé du versement des sûretés (art. 383 al. 1 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 7 mars 2019, B______, propriétaire, a conclu un contrat de bail avec A______ et sa compagne, portant sur la location d'un appartement sis route 2______ no. ______.

La première nommée a intenté, le 5 février 2021, une procédure civile en évacuation après la résiliation du bail pour retards dans le paiement des loyers. Dans le cadre de ce litige, A______ a allégué, contrat à l'appui, avoir valablement sous-loué l'appartement à ses parents.

b. Le 29 avril 2022, B______ a déposé plainte contre A______, sa compagne et ses parents, des chefs d'atteinte astucieuse aux intérêts d'autrui et faux dans les titres.

Selon elle, le contrat de sous-location était un faux et le but recherché était de repousser l'évacuation.

Cette plainte a été enregistrée sous la référence P/1______/2022.

c. Le 2 octobre 2022, A______ a déposé plainte contre B______ du chef "[d']induire la justice en erreur".

Parmi les nombreuses allégations ayant trait au contexte – général – conflictuel autour de l'évacuation de sa famille, A______ soutient que la plainte de B______ avait été déposée postérieurement à "l'examen de la validité du contrat de sous-location" et qu'elle semblait "être formulée pour induire la justice en erreur" et "mettre abusivement de la pression sur [s]es parents pour qu'ils abandonnent le recours contre la procédure d'évacuation".

d. Le 19 décembre 2022, B______ a été entendue par la police. Elle a contesté les faits reprochés et maintenu les termes de sa propre plainte du 29 avril 2022.

e. Le 21 novembre 2023, le Ministère public a ouvert une instruction contre B______ pour dénonciation calomnieuse (art. 303 CP), lui reprochant d'avoir déposé plainte notamment contre A______, en accusant faussement celle-ci d'avoir établi un faux contrat de sous-location.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que A______ avait déposé plainte pour dénonciation calomnieuse et que l'issue de la procédure dépendait de la P/1______/2022, dont il paraissait utile d'attendre la fin.

D. a. Dans son recours, A______ rappelle que sa plainte avait été déposée du chef d'induction de la justice en erreur alors que le Ministère public faisait référence à une dénonciation calomnieuse. Ce vice devait faire annuler l'ordonnance de suspension. Le 21 novembre 2023, il avait déposé au Ministère public un document qui prouvait "la volonté ferme de la prévenue pour induire la justice en erreur". Cette preuve, la "mauvaise réputation de la régie immobilière" et le fait que lui et sa famille disposaient de "casiers judiciaires vierges" devaient "satisfaire la procureure pour considérer comme complète l'instruction de [s]a plainte". La "condamnation de la prévenue" confirmerait la nullité de la plainte de cette dernière. L'argument de la dépendance de l'issue de la procédure avec "un autre procès" était donc contesté. Enfin, cela faisait plus d'un an que lui et sa famille étaient "harcelés par un processus fallacieux qui a[vait] donné lieu à la procédure P/1______/2022", entamé après de nombreuses démarches pour prouver leur bonne foi et alors qu'ils vivaient dans une "précarité extrême". Une "condamnation immédiate" de B______ éviterait "plus de dégât sur [s]a vie privée et celle de [s]es proches" et le principe de célérité l'emportait "sur tout autre intérêt".

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – les réquisits de l'art. 85 al. 2 CPP n’ayant pas été respectés – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. La décision d'ouverture n'a qu'une valeur déclaratoire et une portée purement interne (ATF 141 IV 20 consid. 1.1.4). Elle ne peut pas lier le ministère public pour la suite de la procédure et n'acquiert dès lors pas d'effet de chose jugée (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 33 ad art. 309).

2.2. En l'espèce, que le Ministère public ait ouvert une instruction pour dénonciation calomnieuse et repris ce chef dans l'ordonnance querellée, alors que le recourant a déposé plainte du chef d'induction de la justice en erreur, ne porte pas préjudice au recourant en l'état. Ce dernier conserve la possibilité de faire valoir sa position quant à l'infraction alléguée en cause au cours de la suite de l'instruction.

Qu'il soit volontaire ou non, ce changement de qualification juridique ne saurait constituer un motif d'annulation de la décision entreprise.

Ce grief doit dès lors être rejeté.

3.             Le recourant s'oppose à la suspension de la procédure.

3.1. À teneur de l'art. 314 al. 1 let. b CPP, le ministère public peut suspendre une instruction, notamment, lorsque l'issue de la procédure pénale dépend d'un autre procès dont il paraît indiqué d'attendre la fin. Le ministère public dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour décider d'une éventuelle suspension, il doit examiner si le résultat de l'autre procédure peut véritablement jouer un rôle pour l'issue de la procédure pénale suspendue et s'il simplifiera de manière significative l'administration des preuves dans cette même procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_406/2017 du 23 janvier 2018 consid. 2).

La suspension d'une procédure pénale dans l'attente d'une autre procédure pénale peut notamment se justifier à la suite d'une contre-plainte du prévenu pour des infractions contre l'honneur (art. 173ss CP) ou en dénonciation calomnieuse (art. 303 CP). Il n'est en effet pas imaginable d'instruire ces infractions alors même que la dénonciation initiale est toujours en cours d'enquête, voire même en jugement (A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 14a ad art. 314).

3.2. La suspension ne doit pas avoir pour effet de retarder de manière injustifiée la procédure en cours (A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 13 ad art. 314).

Le principe de la célérité qui découle de l'art. 29 al. 1 Cst. et, en matière pénale, de l'art. 5 CPP, pose en effet des limites à la suspension d'une procédure. Ce principe est notamment violé lorsque l'autorité ordonne la suspension d'une procédure sans motifs objectifs. Pareille mesure dépend d'une pesée des intérêts en présence et ne doit être admise qu'avec retenue, en particulier s'il convient d'attendre le prononcé d'une autre autorité compétente qui permettrait de trancher une question décisive (arrêts du Tribunal fédéral 1B_406/2017 du 23 janvier 2018 consid. 2; 1B_163/2014 du 18 juillet 2014 consid. 2.2; 1B_421/2012 du 19 juin 2013 consid. 2.3). Dans les cas limites ou douteux, le principe de célérité prime (ATF 130 V 90 consid. 5; arrêts du Tribunal fédéral 1B_406/2017 du 23 janvier 2018 consid. 2; 1B_329/2017 du 11 septembre 2017 consid. 3).

3.3. En l'espèce, nonobstant la qualification juridique retenue, il est patent que le sort de la plainte déposée par le recourant est intimement lié à l'issue de la procédure P/1______/2022.

En effet, l'éventuelle culpabilité ou innocence du recourant dans ladite procédure est déterminante pour examiner la typicité des infractions visées aux art. 303 et 304 CP à l'égard de la prévenue dans la présente procédure. Il existe donc un motif objectif de suspendre l'instruction. Le principe de célérité ne saurait y faire obstacle et, de toute manière, on peut douter qu'il ne soit pas respecté en l'occurrence, la suspension a été prononcée dès l'ouverture de l'instruction, environ un an après le dépôt de la plainte.

Pour le surplus, les arguments invoqués par le recourant pour s'opposer à la suspension de l'instruction reposent principalement sur ses propres convictions sur le bienfondé des faits de la cause, qu'il y a donc lieu d'écarter.

4.             Le recours s'avère ainsi infondé et sera rejeté. Il pouvait dès lors être d'emblée traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

5.             Le recourant demande à être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire, limitée à l'exonération des frais judiciaires.

5.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). L'assistance judiciaire comprend, notamment, l'exonération des frais de procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP).

5.2. La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. L'assistance judiciaire peut donc être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée ou que la procédure pénale est vouée à l'échec
(arrêts du Tribunal fédéral 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.1 et 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1).

5.3. En l'espèce, quand bien même le recourant serait indigent, il a été jugé supra que ses griefs étaient juridiquement – et d'emblée – infondés. Dans ces circonstances, il ne saurait être exonéré des frais judiciaires.

6.             Le recourant assumera, par conséquent, les frais de la procédure de recours, qui seront réduits et fixés en totalité à CHF 300.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03) pour tenir compte de sa situation financière.

Le refus d'octroi de l'assistance juridique gratuite est rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance juridique gratuite.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 300.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/21540/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

215.00

Total

CHF

300.00