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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/1323/2023

ACPR/61/2024 du 25.01.2024 sur JTPM/900/2023 ( TPM ) , REJETE

Descripteurs : LIBÉRATION CONDITIONNELLE;PRONOSTIC
Normes : CP.86

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/1323/2023 ACPR/61/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 25 janvier 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à Etablissement fermé B______, ______, agissant en personne,

recourant,


contre le jugement rendu le 21 décembre 2023 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève – case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy – case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 24 décembre 2023, A______ recourt contre le jugement du 21 précédent, par lequel le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a refusé sa demande de libération conditionnelle.

Il déclare faire recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.                      A______, né le ______ 1976, ressortissant algérien, se trouve actuellement en exécution de peine pour les condamnations suivantes :

-     peine pécuniaire (sursis révoqué) de 30 jours à CHF 30.- le jour, sous déduction de 1 jour de détention avant jugement, à une amende de CHF 300.-, ainsi qu'à une seconde amende de CHF 500.-, par ordonnance pénale du 13 janvier 2021, pour délit à la LArm et contravention à la LStup;

ces peines ont été converties en peines privatives de liberté de substitution de 29, 3 et 16 jours;

-     peine privative de liberté de 90 jours, sous déduction de 42 jours de détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de CHF 300.- laquelle a été convertie en peine privative de liberté de substitution de 3 jours, par ordonnance pénale du 14 octobre 2021, pour vol simple et consommation de stupéfiants au sens de la LStup;

-     peine pécuniaire (sursis révoqué) de 70 jours à CHF 20.- le jour, sous déduction de 28 jours de détention avant jugement, et une amende de CHF 500.-, par ordonnance pénale du 27 octobre 2021, pour utilisation frauduleuse d'un ordinateur, recel, délit et contravention à la LStup;

ces peines ont été converties en peines privatives de liberté de substitution de 42 et 5 jours;

-     peine privative de liberté de 60 jours par ordonnance pénale du 10 février 2022 pour vol simple, révoquant les sursis accordés les 13 janvier 2021 et 27 octobre 2021;

-     amende de CHF 100.-, convertie en peine privative de liberté de substitution de 1 jour, par ordonnance pénale du 6 mai 2022, pour contravention à la LStup;

-     peine privative de liberté de 180 jours, sous déduction de 1 jour de détention avant jugement, par ordonnance pénale du 4 février 2023 pour délit à la LStup;

-     peine privative de liberté de 3 mois, sous déduction de 1 jour de détention avant jugement, par ordonnance pénale du 21 mars 2023, pour entrée et séjour illégaux au sens de la LEI et contravention à la LStup.

b.                      Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse du 12 décembre 2023, A______ a, en outre, été condamné en novembre 2012 et juin 2013 à des peines privatives de liberté pour vol simple, dommages à la propriété, violation de domicile, recel et contravention à la LStup et séjour illégal au sens de la LEI ainsi que le 20 janvier 2023 à une peine privative de liberté, pour délit contre la LStup.

c.                       A______ est incarcéré depuis le 20 mars 2023; il est actuellement à B______ depuis le 13 octobre 2023.

d.                      Les deux tiers des peines que A______ exécute actuellement sont intervenus le 7 janvier 2024, tandis que la fin des peines est fixée au 8 juillet 2024.

e.                       Selon le plan d'exécution de la sanction pénale (PES), validé par le Service de l'application des peines et mesures (SAPEM) le 17 juillet 2023, seule est prévue une phase de milieu fermé, et les conditions générales à respecter sont l'évitement des comportements transgressifs, le travail régulier en atelier et le remboursement des frais de procédure. A______, qui s'est vu refuser l'asile par deux fois, logeait auprès de foyers de requérant d'asile suisses depuis 2001. Il déclare être dépendant au haschich et à la cocaïne depuis son arrivée en Europe. Ces consommations, qualifiées d'importantes, sont mises en lien avec des problématiques psychiques non immédiatement prises en charge. Depuis son incarcération, il se dit abstinent. Au vu de sa situation qui perdure depuis près de 30 ans, le risque de récidive est qualifié de présent. Une volonté de changement et un encadrement adéquat par des professionnels ainsi qu'un réseau prosocial, pourraient favoriser l'absence de récidive à long terme, ainsi que procurer un sentiment de bien-être.

f.                       Le 26 octobre 2023, la direction de [la prison de] C______ a rendu un préavis favorable à la libération conditionnelle; A______ s'était comporté correctement, avait donné satisfaction dans son travail.

g.                      Le 8 novembre 2023, la direction de B______ a également rendu un préavis favorable, précisant que les conditions générales du PES n'étaient que partiellement respectées. En effet, A______ travaillait en atelier où son comportement était décrit comme satisfaisant, faisait preuve d'une attitude exempte de reproche, mais il n'avait pas débuté le remboursement des frais de justice. Il n'avait fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire et avait été testé négatif lors d'un test toxicologique effectué le 3 novembre 2023. Il remboursait le SdC à hauteur de CHF 50.- par mois. Par ailleurs aucun document d'identité n'était déposé au greffe de l'établissement. Durant sa détention, A______ n'avait pas reçu de visite.

h.                      Selon le courriel de l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) du 24 mai 2023, A______ est au bénéfice d'une admission provisoire valable jusqu'au 14 mars 2024. Aucune perspective de renvoi n'est envisagée à ce jour.

i. Dans sa demande de libération conditionnelle, A______ déclare être célibataire, sans enfant et disposer d'un permis F. Il était en Suisse depuis 23 ans. Il voulait mettre sa vie en ordre en travaillant et en faisant du bénévolat; il avait travaillé pour l'Association D______.

j.                        Dans son préavis défavorable du 12 décembre 2023, le SAPEM relève que A______ avait fait l'objet de 9 condamnations pénales ces 10 dernières années, pour des affaires liées aux stupéfiants, des infractions au patrimoine, à la LArm ou en lien avec son statut administratif, dont certaines avaient été commises peu de temps avant son entrée en détention. Selon son PES, ce parcours délictuel était en lien avec son addiction aux stupéfiants et un profond mal-être, fruit de sa situation personnelle précaire; sa situation resterait globalement inchangée à sa libération. Par ailleurs, même s'il avait su rester abstinent durant son séjour carcéral, lequel se déroulait bien, cet état devait s'inscrire au long cours, pour réduire le risque de récidive. Dans ces conditions, le pronostic pénal apparaissait défavorable en ce qui concernait le risque de récidive. La poursuite du séjour carcéral devrait, quant à elle, permettre de renforcer son abstinence, de conserver une activité rémunérée et la poursuite du règlement de ses impayés auprès du SdC, ainsi que d'anticiper les démarches en vue de sa sortie.

k.                      Par requête du 18 décembre 2023, le Ministère public a fait siens le préavis et les conclusions du SAPEM.

l. Lors de l'audience devant le TAPEM, A______ a déclaré ne plus consommer de stupéfiants. À sa sortie, il comptait travailler bénévolement et rester tranquille; il était titulaire d'un permis F et l'Hospice l'aiderait à trouver un logement et le soutiendrait à hauteur de CHF 400.- par mois. Avec le bénévolat, il gagnait environ CHF 300.-. Il pourrait ainsi subvenir à ses besoins.

Il était conscient de ses antécédents; il voulait s'acquitter de ses amendes. Il avait besoin d'une autre vie, sans drogue. Il n'avait plus de contact avec sa famille en Algérie. Il était suivi au CAPPI [du quartier de] E______.

C. Dans son jugement querellé, le TAPEM considère que le pronostic se présentait sous un jour fort défavorable au vu des nombreux antécédents de A______ en son nom ou alias.

Sa situation personnelle demeurait inchangée; aucun effort concret pour la modifier n'était perçu. Aucun projet concret et étayé n'était présenté, de sorte qu'il se retrouverait à sa sortie dans la même situation personnelle que celle ayant mené à ses dernières condamnations, à savoir, dans une situation précaire en Suisse, sans travail, ni logement fixe. Ses importantes consommations de stupéfiants lorsqu'il était en liberté et son statut psychique fondaient d'autant plus un risque de récidive.

En l’état, rien n’indiquait que le concerné mettrait à profit une libération conditionnelle; le risque de nouvelles infractions apparaissait très élevé, étant précisé qu'à teneur des dernières condamnations figurant à son casier judiciaire, ce risque ne se limitait pas à des infractions à la LEI.

D. a. Dans son recours, A______ conclut à sa libération conditionnelle sans autre motivation ni explication.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. La décision rendue en matière de libération conditionnelle (art. 86 CP) constitue une "autre décision ultérieure" indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.3 et 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 30 ad art. 363).

Le recours au sens de l'art. 393 CPP est la voie de droit ouverte contre les prononcés rendus par le TAPEM en matière de libération conditionnelle (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1 et les références citées).

1.2. La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).

1.3. En l'espèce, le recours est recevable, pour avoir été déposé selon les forme et délai prescrits (art. 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP), par le condamné, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP). On comprend que le recourant, qui agit en personne, conteste l'appréciation du TAPEM.

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant estime remplir les conditions d'une libération conditionnelle.

3.1. Aux termes de l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits. La libération conditionnelle constitue la dernière étape de l'exécution de la sanction pénale. Elle est la règle et son refus l'exception, dans la mesure où il n'est plus exigé qu'il soit à prévoir que le condamné se conduira bien en liberté (cf. art. 38 ch. 1 al. 1 aCP), mais seulement qu'il ne soit pas à craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou délits. Autrement dit, il n'est plus nécessaire pour l'octroi de la libération conditionnelle qu'un pronostic favorable puisse être posé. Il suffit que le pronostic ne soit pas défavorable (ATF 133 IV 201 consid. 2.2). Le pronostic à émettre doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, le degré de son éventuel amendement, ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 et les références citées).

Un risque de récidive étant inhérent à toute libération, qu'elle soit conditionnelle ou définitive, pour déterminer si l'on peut courir ce risque, il faut, non seulement, prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors menacé (ATF
125 IV 113 consid. 2a). Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle de ses victimes que s'il a commis, par exemple, des infractions contre le patrimoine (ATF 133 IV 201 consid. 2.3). Il y a également lieu de rechercher si la libération conditionnelle, éventuellement assortie de règles de conduite et d'un patronage, ne favoriserait pas mieux la resocialisation de l'auteur que l'exécution complète de la peine (ATF
124 IV 193 consid. 4d/aa/bb).

3.2. En l'espèce, la condition objective d'une libération conditionnelle est réalisée depuis le 7 janvier 2024. Ce nonobstant, les préavis du SAPEM et du Ministère public sont défavorables.

Le recourant, qui était toxicomane depuis vingt-trois ans, semble être abstinent à la consommation de stupéfiants depuis fin mars 2023. Cette période favorable ne permet cependant pas de considérer qu'il ne retombera pas dans son addiction, ce d'autant plus qu'il se retrouvera à sa sortie dans la même situation qui était la sienne avant son incarcération, soit sans travail ni entourage lui permettant de l'aider dans son trouble psychique. Il ne propose aucun projet de vie suffisant à renverser le pronostic défavorable. Le solde des peines à purger jusqu'à début juillet 2024 est, par contre, de nature à renforcer son abstinence et à lui permettre à sa sortie de ne pas retomber dans la délinquance liée à la consommation de stupéfiants.

Les conditions d'une mise en liberté conditionnelle ne sont ainsi, en l'état, pas réalisées.

4. Justifié, le jugement querellé sera donc confirmé.

5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), étant précisé que même lorsque qu'il obtient l'assistance judiciaire, le recourant débouté peut être condamné à prendre à sa charge les frais de la procédure dans la mesure de ses moyens (arrêt du Tribunal fédéral 6B_380/2013 du 16 janvier 2014, consid. 5).

* * * * *



 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Tribunal d'application des peines et des mesures et au Ministère public.

Le communique pour information au Service de l'application des peines et mesures.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

 

 

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

 

 

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PM/1323/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00