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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/23690/2021

ACPR/973/2023 du 13.12.2023 sur OMP/20029/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PLAINTE PÉNALE;PARTIE CIVILE;DÉLAI;REPRÉSENTATION;DROIT DE SUPERFICIE;AYANT DROIT;DOMMAGES À LA PROPRIÉTÉ(DROIT PÉNAL)
Normes : CPP.118; CPP.115; CP.144; CC.675; CP.30; CP.31

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23690/2021 ACPR/973/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 13 décembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, représenté par Me Camille MAULINI, avocate, Collectif de défense, boulevard de Saint-Georges 72, 1205 Genève,

B______, domicilié ______, représenté par Me C______, avocat,

recourants,


contre l'ordonnance de reconnaissance de qualité de partie plaignante rendue le 25 octobre 2023 par le Ministère public,


et


LE MINISTÈRE PUBLIC
de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié par messagerie sécurisée le 6 novembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 25 octobre 2023, notifiée le surlendemain, par laquelle le Ministère public a octroyé la qualité de partie plaignante à D______ AG.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance entreprise, cela fait à la constatation de l'absence de qualité de partie plaignante de D______ AG et au renvoi de la cause au Ministère public pour nouvelle décision, sous suite de frais et dépens.

b. Par acte expédié le 6 novembre 2023, B______ recourt contre la même ordonnance.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance entreprise, cela fait à ce que la Chambre de céans constate que D______ AG ne possède pas la qualité de partie plaignante, sous suite de frais.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 3 décembre 2021, une plainte pénale a été déposée par E______ SA, représentée par F______, agissant pour son "mandant", du chef de dommages à la propriété, soit des graffitis apposés sur la façade du centre commercial de G______ à Genève, dont le texte est : "H______ COLLABO / GENEVE ANTIFA".

À cette plainte pénale était jointe une procuration du 29 novembre 2021 émanant de J______ SA, représentante "du propriétaire D______ AG", donnant pouvoirs à F______ de E______ SA de, notamment, déposer des "plaintes", "délivrer toutes déclarations" et accomplir tous actes utiles ou requis en vue de la sécurité des bâtiments commerciaux et administratifs situés no. ______, route 1______ à I______ [GE], soit l'adresse du centre commercial de G______. Entre les deux signatures des représentants de J______ SA figure le timbre humide suivant :

"D______ AG, K______ [SO]
p.a. J______ SA
G______, Centre Commercial & de Loisirs
Route 1______ no. ______
[code postal] I______
".

b. Les deux personnes visibles sur les images de surveillance produites à l'appui de la plainte précitée ont été identifiées comme étant A______ (peignant le graffiti) et B______ (se tenant à proximité). Une instruction pénale a été ouverte contre eux pour ces faits.

c. Dès les débuts de la procédure, E______ SA a été inscrite comme partie plaignante par le Ministère public. Elle figure à ce titre dans l'ordonnance pénale prononcée à l'encontre de B______ le 11 mars 2022, qui a été frappée d'opposition, sous la précision qu'elle agissait "pour le compte de J______ SA et D______ AG". Elle a aussi été convoquée à une audience par le Ministère public ès qualité le 8 juin 2023, sans que les autres parties ne soulèvent de questions à ce sujet.

d. À la suite des recours émanant de A______ et B______ et concernant des images de surveillance susévoquées, la Chambre de céans a invité E______ SA à se prononcer.

B______ a alors, dans une détermination du 13 juillet 2023, soulevé la question de la qualité de partie à la procédure de E______ SA.

La Cour, dans son arrêt du 1er septembre 2023 (ACPR/685/2023) admettant les recours, a estimé qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur la question de la qualité de partie plaignante de la susnommée en l'absence de décision formelle du Ministère public et étant donné que cette question était sans incidence sur l'issue du litige.

e. Par pli du 6 septembre 2023, B______ a interpellé le Ministère public à ce sujet, soulignant que E______ SA n'était pas propriétaire de la façade endommagée. Il a requis le prononcé d'une décision formelle sur ce point.

A______ a, par pli du 18 septembre 2023, adopté la même position.

f. Le Ministère public s'est donc adressé à Me L______, qui était intervenu pour E______ SA dans la procédure de recours (l'avocat soulignant que celle-ci agissait pour le compte de J______ SA et D______ AG), en l'invitant à préciser s'il agissait aussi pour D______ AG, "propriétaire de G______". Selon l'appréciation du Ministère public, la qualité de partie plaignante devrait être reconnue à D______ AG.

g. Le 9 octobre 2023, Me L______ a écrit au Ministère public pour lui transmettre la procuration de "D______ AG" (sic).

Ladite procuration, datée des 5 et 8 octobre 2023, est pourtant libellée au nom de "D______ AG bei D______ AG, Rue 2______ no. ______, [code postal] K______, représentée par J______ SA, Centre commercial G______ & ______, no. ______ Route 1______, [code postal] M______ [GE]".

La procuration est signée par N______ et O______, lesquels disposent chacun d'un droit de signature collective à deux, tant pour D______ AG que pour D______ AG.

h. Se déterminant sur ce courrier, B______ a relevé que D______ AG et D______ AG étaient deux personnes morales distinctes.

Il ressortait des extraits du Registre du commerce que D______ AG a pour but, en substance, de mener des activités immobilières, alors que D______ AG a pour but de détenir des participations dans des entreprises. Les personnes inscrites comme organes ou ayants droit de signature sont, pour la plupart, communes aux deux sociétés, qui partageaient le même siège jusqu'en 2022.

B______ a relevé avoir consulté le Registre foncier, qui mentionnait l'État de Genève comme propriétaire de la parcelle, un droit de superficie y étant inscrit. Il en concluait, se référant notamment au site Internet du centre commercial concerné, que D______ AG était propriétaire du bâtiment, mais non D______ AG. Or, Me L______ avait déclaré agir pour celle-ci.

La plainte ayant été déposée au nom de D______ AG était donc invalide, car n'émanant pas de la partie lésée. Une ratification serait tardive : il fallait donc classer la procédure.

A______ a fait siennes les conclusions de B______.

i. Me L______ a confirmé, documents à l'appui, que D______ AG était titulaire du droit de superficie susmentionné, donc lésée dans la présente procédure. La plainte avait été déposée en son nom, mais elle la ratifiait à toutes fins utiles. La procuration envoyée précédemment était donc conforme.

C. À l'appui de l'ordonnance querellée, le Ministère public a constaté que D______ AG était lésée et appartenait au groupe de D______ AG. Or, la procuration conférée à E______ SA portait le timbre humide de D______ AG. Ainsi, dite société de sécurité s'occupait de la sauvegarde du bâtiment visé et était habilitée à déposer plainte, cette démarche n'étant pas contraire à la volonté de D______ AG. Le simple fait que le nom de D______ AG figure dans la procuration ne pouvait conduire à refuser la qualité de partie plaignante à D______ AG, sans violer l'interdiction du formalisme excessif. Il était donc inutile de ratifier la plainte, celle-ci étant valable dès son dépôt.

D. a. Dans son recours, A______ se prévaut du fait que le nom de D______ AG avait été employé à plusieurs reprises par E______ SA et l'avocat Me L______ pour désigner la partie lésée. Le Ministère public avait même prévu de lui conférer la qualité de partie plaignante dans son courrier du 20 septembre 2023. Il n'était pas contesté que les deux entités appartenaient au même groupe, mais elles étaient indépendantes. Il fallait faire preuve de diligence en désignant précisément laquelle était propriétaire du bien, donc lésée et partie plaignante. Le résultat en était de "graves vices entachant la plainte pénale" laquelle était ainsi interprétée en défaveur du prévenu. Il était donc abusif et contraire à la bonne foi de modifier la plainte après deux ans et demi d'instruction. De plus, la question de la validité de la plainte était de nature matérielle, donc soustraite à un éventuel formalisme excessif.

b. Le recours de B______ contient un argumentaire identique à celui de A______ et qui vient d'être résumé.

c. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

1.2. Vu la connexité évidente des deux recours, ils seront joints et traités par un seul arrêt.

2.             2.1. Les recours ont été interjetés dans le délai utile, par le prévenu, partie à la procédure (art. 385 al. 1, 396 al. 1 et 104 al. 1 let. a CPP)

2.2. L'art. 382 al. 1 CPP soumet la qualité pour recourir à l'existence d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision litigieuse.

2.2.1. Le recourant est tenu d'établir (cf. art. 385 CPP) l'existence d'un tel intérêt, en particulier lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (arrêt du Tribunal fédéral 1B_55/2021 du 25 août 2021 consid. 4.1).

2.2.2. Dit intérêt doit être actuel et pratique (arrêt du Tribunal fédéral 1B_55/2021 du 25 août 2021 consid. 4.1).

Dans sa pratique, la Chambre de céans se prononce au cas par cas sur la recevabilité du recours exercé par un prévenu contre l'admission d'une partie plaignante. Ainsi entre-t-elle en matière lorsque des inconvénients juridiques pourraient en résulter pour le prévenu, par exemple lorsqu'il s'agit de protéger des secrets d'affaires (ACPR/855/2023 du 6 novembre 2023 consid. 2.2.2 et les références citées).

Le prévenu se doit de démontrer que, si la partie plaignante était écartée de la procédure, celle-ci s'en trouverait considérablement simplifiée, dans son intérêt (juridiquement protégé). Si on admet que la situation du prévenu puisse être péjorée par la présence d'une partie plaignante autorisée à exercer ses droits procéduraux, à prendre des conclusions, tant civiles que pénales, contre lui et à faire appel d'un éventuel acquittement, il n'en demeure pas moins que de simples inconvénients de fait, tels que l'allongement de la procédure et/ou l'augmentation de son degré de complexité, ne suffisent pas (Ibid. et les références citées).

Les circonstances pouvant néanmoins entrer en ligne de compte sont, notamment, la présence à la procédure d'autres parties plaignantes dont le statut n'est pas ou plus remis en question, voire le mode de poursuite – d'office ou sur plainte – des infractions dont la partie plaignante se prévaut (ACPR/855/2023 du 6 novembre 2023 consid. 2.2.2 ; ACPR/302/2018 du 31 mai 2018, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1B_317/2018 du 12 décembre 2018 ; ACPR/407/2019 du 4 juin 2019, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1B_334/2019 du 6 janvier 2020).

2.3. En l'espèce, les deux recourants ne consacrent pas de développements particuliers à la recevabilité de leur recours. Ils soutiennent cependant dans leur partie "au fond" que l'admission de leur moyen de droit par la Chambre de céans conduirait à constater l'invalidité de la plainte à l'origine de la procédure dirigée contre eux et donc au classement de celle-ci.

Il est envisageable, dans cette configuration où l'infraction présumée est poursuivie sur plainte et où une seule personne est susceptible d'endosser la qualité de partie plaignante, que le recours du prévenu contestant l'admission de dite partie plaignante soit recevable. Cela étant, au vu des considérations qui suivent, les recours sont de toute manière mal fondés et doivent être rejetés. Leur recevabilité peut donc demeurer indécise.

3.             La question juridique à examiner est celle de savoir si l'autorité précédente a, à bon droit, admis D______ AG à la procédure en qualité de partie plaignante.

3.1.1. À teneur de l'art. 118 al. 1 CPP, seul peut se constituer partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil.

La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP; il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction, c’est-à-dire le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 147 IV 269 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_418/2022 du 17 janvier 2023 consid. 3.1).

3.1.2. Les constructions et autres ouvrages établis au-dessus ou au-dessous d’un fonds, ou unis avec lui de quelque autre manière durable, peuvent avoir un propriétaire distinct, à la condition d’être inscrits comme servitudes au registre foncier (droit de superficie ; art. 675 al. 1 CC).

3.1.3. Quiconque, sans droit, endommage, détruit ou met hors d’usage une chose appartenant à autrui ou frappée d’un droit d’usage ou d’usufruit au bénéfice d’autrui, est, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (art. 144 al. 1 CP).

3.1.4. En vertu de l'art. 30 CP, si une infraction n'est punie que sur plainte, toute personne lésée peut porter plainte contre l'auteur.

Le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. Le délai court du jour où l’ayant droit a connu l’auteur de l’infraction (art. 31 CP).

Selon la jurisprudence, a qualité pour porter plainte au sens de l'art. 30 CP, en cas de violation de domicile mais également de dommages à la propriété commis à l'encontre d'une entreprise, la personne dont la fonction consiste précisément à veiller à la sauvegarde du bien juridiquement protégé et lésé par l'infraction, ce pour autant qu'une telle démarche ne soit pas contraire à la volonté de l'entreprise – respectivement de ses organes si celle-ci est une personne morale – et puisse être approuvée par cette dernière (cf. ATF 118 IV 167 consid. 1c ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_295/2020 du 22 juillet 2020 consid. 1.4.4 ; 6B_972/2009 du 16 février 2010 consid. 3.4.1; 6B_762/2008 du 8 janvier 2009 consid. 3.5). Le dépôt d'une plainte pénale ne nécessite pas de pouvoirs particuliers au sens de l'art. 462 al. 2 CO, lorsque la plainte vise à permettre l'ouverture d'une procédure pénale (arrêt du Tribunal fédéral 6B_295/2020 du 22 juillet 2020 consid. 1.4.4). Il s'ensuit que le gestionnaire d'un bien immobilier peut aussi, sans pouvoirs conférés par écrit par le propriétaire lésé, déposer plainte pénale, car il ressort de ses fonctions qu'il doit protéger le bien en question (ATF 118 IV 167 consid. 1c ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_295/2020 du 22 juillet 2020 consid. 1.4.5). Est ainsi habilité à déposer plainte pénale pour violation de domicile le représentant d'une société immobilière disposant d'un pouvoir général conféré tacitement par actes concluants (cf. ATF 118 IV 167 consid. 1c) ou la personne, non inscrite au registre du commerce, chargée pour une société d'exploiter un night-club (arrêt du Tribunal fédéral 6B_762/2008 du 8 janvier 2009 consid. 3.5) ou encore l'employé, sans droit de signature pour l'entreprise, mais chargé d'assurer la sécurité des clients, des employés et du stock d'un magasin (arrêt du Tribunal fédéral 6B_295/2020 du 22 juillet 2020 consid. 1.6). Dans la mesure où la plainte a été déposée par un représentant sans pouvoir, la ratification par le lésé doit intervenir dans le délai de l'art. 31 CP (ATF 122 IV 207 consid. 3a).

Il en va différemment si le représentant du propriétaire de l'immeuble (en l'occurrence une régie) dépose plainte en son nom propre : dans ce cas, la plainte n'est pas valable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_960/2017 du 2 mai 2018 consid. 1.3 publié in DB 2018 p. 77).

3.1.5. Conformément au principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.), les déclarations d'une partie en justice doivent être interprétées selon le sens que l'on peut raisonnablement leur prêter et sans s'arrêter aux formulations manifestement inexactes dont peut user le justiciable, en particulier lorsqu'il n'est pas assisté d'un avocat (ATF 124 II 265 consid. 4 ; 116 Ia 56 consid. 3b ; 113 Ia 94 consid. 2 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_515/2020 du 10 février 2021 consid. 2.2 et 6B_1299/2022 du 12 juillet 2023 consid. 3.1.2).

3.2. En l'espèce, les recourants font essentiellement grief au Ministère public, à la partie plaignante et à l'avocat de celle-ci d'avoir entretenu la confusion sur l'identité exacte de la lésée.

À suivre le déroulement chronologique de la procédure pourtant, la plainte pénale a valablement été déposée par un représentant autorisé au vu de son texte. En effet, il n'est pas remis en cause, ni contestable, que la société de sécurité rédactrice de la plainte était habilitée à assurer la sécurité des biens et des personnes dans le cadre de l'exploitation du centre commercial, comme le démontre la gestion des caméras de surveillance dont les images ont été produites à la présente procédure. Ces tâches avaient de toute évidence été déléguées par le propriétaire ou un ayant droit de celui-ci. Il n'était ainsi pas nécessaire que la société de sécurité produise une procuration écrite, puisque les pouvoirs peuvent être confiés par actes concluants, conformément à la jurisprudence. Il découlait donc des fonctions de la société de sécurité qu'elle pouvait déposer plainte pénale pour des dommages occasionnés sur le bâtiment dont elle avait la surveillance, ce qui était dans l'intérêt du propriétaire.

De plus, la société de sécurité, qui agissait sans l'aide d'un conseil juridique, a expressément énoncé qu'elle agissait pour des tiers, soit une régie de la place elle-même représentante du propriétaire. Sous cet angle encore, la plainte est valable, car la société de sécurité n'a pas agi en son nom propre, mais a expressément fait référence au propriétaire des lieux.

Ainsi, de bonne foi, il ne peut être retenu, à la suite des recourants, que la plainte pénale était entachée d'un quelconque vice au moment de son dépôt.

Reste donc à examiner si le fait que la mention d'une société du même groupe que D______ AG plutôt que de celle-ci au moment de déposer plainte et par la suite dans la procédure, de même que la désignation par le Ministère public de la société de sécurité comme partie plaignante durant une partie de l'instruction, ont une influence sur la constitution de partie plaignante de D______ AG.

Il est tout d'abord manifeste que l'inscription de la société de sécurité comme partie plaignante était une erreur du Ministère public, aisément identifiable par les parties, car la plainte de la société, et la procuration jointe, démontraient clairement que la société de sécurité intervenait en qualité de représentante "du propriétaire", mais non pour elle-même. Cette erreur n'a été relevée par un des prévenus qu'après plus de deux ans d'instruction, ce qui démontre qu'elle n'avait jusque-là qu'une importance secondaire. Il ne saurait être question de péjorer la position procédurale d'une partie uniquement parce qu'elle n'a pas été formellement désignée comme partie plaignante, sans que personne ne le remarque.

Dans le cadre de la procédure de recours ayant conduit à l'arrêt ACPR/685/2023, la problématique a été soulevée pour la première fois. La Chambre de céans, comme elle l'a souligné dans son arrêt, s'est abstenue de régler cette question qui n'avait fait l'objet d'aucun débat devant le Ministère public et s'en est tenue à la désignation des parties résultant du dossier. Il n'est donc pas justifié de reprocher à la partie plaignante de n'avoir pas d'elle-même demandé à corriger l'erreur de désignation du Ministère public ou d'avoir comparu dans la procédure de recours par l'entremise de la société de sécurité, puisque c'est celle-ci qui avait été interpellée.

Enfin, il faut déterminer si le fait d'avoir désigné successivement et dans une certaine confusion D______ AG et/ou D______ AG comme partie plaignante dans plusieurs documents porte à conséquence. La réponse est négative, dès lors que dans l'esprit de toutes les parties, il s'est toujours agi de se référer au propriétaire des locaux salis par les graffitis. Or, il est incontesté que D______ AG est seule titulaire du droit de superficie. Certes, dans la procuration produite à l'appui de la plainte, il est mentionné D______ AG, mais c'est le timbre humide de D______ AG qui est apposé et la plainte était expressément déposée pour le "propriétaire", de sorte que cette désignation erronée par une partie non assistée est sans portée. Il est vrai que tant dans les écrits de l'avocat que dans ceux du Ministère public, le nom de D______ AG a figuré. Cependant, ces mentions sont intervenues après que les prévenus s'étaient rendu compte que la société de sécurité n'était pas le propriétaire et que seul celui-ci pouvait revêtir la qualité de partie. La procuration de l'avocat produite dans la foulée était établie au nom de D______ AG. Interprétées de bonne foi, ces différentes manifestations de volonté ne pouvaient être comprises que comme se référant à la propriétaire des lieux, soit D______ AG, dont les droits sont de surcroît inscrits au Registre foncier. Les prévenus l'avaient d'ailleurs compris puisqu'ils ont d'eux-mêmes désignés D______ AG comme propriétaire. Ainsi, les manifestations de volonté des différents intervenants étaient, bien qu'imprécises, compréhensibles de bonne foi, de sorte que les mentions intempestives de D______ AG sur la procuration ou des courriers ne portent pas à conséquence.

L'interprétation univoque des déclarations de volonté ne laisse ainsi pas de place à un examen sous l'angle du formalisme excessif.

Ainsi, les griefs des recourants seront écartés

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Les recourants, qui succombent, supporteront chacun les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 450.- par recours (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Ordonne la jonction des recours de A______ et B______.

Les rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure de son recours, qui comprennent un émolument de CHF 450.-.

Met à la charge de B______ les frais de la procédure de son recours, qui comprennent un émolument de CHF 450.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants, soit pour eux leurs conseils, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/23690/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

-

CHF

Total

CHF

995.00