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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/25020/2022

ACPR/800/2023 du 13.10.2023 sur OTMC/2806/2023 ( TMC ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : MESURE DE SUBSTITUTION À LA DÉTENTION;PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : CPP.382; CPP.237; CST.5.al3

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/25020/2022 ACPR/800/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 13 octobre 2023

 

Entre

A______, représentée par Me B______, avocat,

recourante,

 

contre l'ordonnance rendue le 21 septembre 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève - case postale 3715, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.                Par acte expédié le 2 octobre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance rendue le 21 septembre 2023, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné, pour 6 mois, soit jusqu'au 4 avril 2024, diverses mesures de substitution à sa détention provisoire dont notamment sous ch. 1 "l'obligation de déférer à toute convocation du pouvoir judiciaire (let. a); la remise en mains du Procureur de son passeport et carte d'identité brésiliens (let. b) et l'interdiction de quitter le territoire suisse (let.c)" ainsi que contre le ch. 8 "Fixe l'émolument prévu par le règlement fixant le tarif des frais en matière pénale à la somme de CHF 150.- (art. 7 lit. a)".

Le recourant conclut, sous suite de frais, en substance, à l'annulation des mesures de substitution susmentionnées et à ce que l'émolument de première instance soit mis à la charge de l'État.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.        A______ (A______) [engagé dans un processus de changement de sexe], de nationalité brésilienne, titulaire d'un permis B et né le ______ 1998, est prévenu d'infractions aux art. 187 CP, 189 CP, 123 CP, 126 CP, 177 CP, 19a LStup et 144 CP, pour avoir, notamment à Genève :

-        durant sa relation avec C______ qui a duré du 28 septembre 2019 au 28 ou 29 janvier 2021 :

o      contraint celle-ci à subir des pénétrations vaginales avec un gode-ceinture, étant précisé qu'elle était âgée de 15 ans lors du premier rapport le 28 septembre 2019 et lui-même de 21 ans ;

o      régulièrement été violent avec elle, notamment durant les rapports sexuels, en la frappant et en la mordant de manière non consentie, étant précisé qu'en juillet 2020, il a été si violent durant un rapport sexuel qu'il lui a provoqué une déchirure et un important saignement vaginaux ;

o      parfois mis des doigts dans son anus sans son consentement durant les rapports sexuels ;

o      giflé celle-ci à de nombreuses reprises ;

o      régulièrement insulté celle-ci ;

o      au mois de septembre 2020, cassé une dent à celle-ci en lui lançant un téléphone portable ;

o      le 13 mars 2021, étranglé C______ lors d'une rave party ;


 

-        durant sa relation avec D______, qui a duré du mois d'octobre 2021 au mois de mai 2022:

o      contraint celle-ci à subir des pénétrations vaginales avec un gode-ceinture, à une centaine de reprises ;

o      à une occasion, contraint celle-ci à subir une pénétration anale avec un gode-ceinture sans qu'elle l'y autorise et sans la prévenir ;

o      régulièrement maltraité physiquement et psychologiquement celle-ci, en la mordant ou en la prenant par le bras et par le cou de force, lui occasionnant des hématomes importants ;

o      régulièrement insulté celle-ci ;

-        s'agissant de E______ :

o      la nuit du 5 au 6 mars 2022, dans son appartement à Genève, contraint la précitée à subir une pénétration vaginale au moyen d'un gode-ceinture, étant précisé qu'elle était vierge avant cet évènement ;

o      lors du rave-party au mois de septembre 2022 au F______ [France], touché E______ par-dessus les vêtements, notamment au niveau de la poitrine, du vagin et des fesses ;

o      à une date indéterminée en 2022, dans son appartement à Genève, étranglé E______ pendant environ une minute ;

-        le 29 janvier 2023 à 3h00, alors qu'il était en compagnie de G______, forcé la porte de l'agence [de la banque] H______, sise rue 1______ no. ______, occasionnant des dommages à la propriété pour un préjudice de CHF 12'585.93.- ;

-        concernant G______ :

o      le 29 janvier 2023 entre 02h00 et 03h00, sur le parking de la I______, sise rue 2______ no. ______, poussé G______, alors qu'ils se trouvaient tous les deux sur un skateboard, ce qui a entraîné la chute de cette dernière, dont la tête a heurté le sol; la concernée s'est cassé les dents et saignait de façon importante à différents endroits du visage, étant précisé que suite à cet évènement, le prévenu a rigolé et dit à G______ qu'elle était folle et fragile et l'a insultée en prononçant des termes dont elle ne se souvient pas;

o      suite à cet évènement, à son appartement à Genève, jeté des objets, notamment un livre et une canette de bière, en direction de G______ sans toutefois l'atteindre ;

o      en octobre 2022, à son appartement, giflé G______ à 5 ou 6 reprises ;

o      en décembre 2022, à son appartement, poussé G______ sans la blesser ;

-        régulièrement consommé des stupéfiants ("speed", cocaïne, ecstasy, MDMA, cannabis).

b.        Lors de l'audience du 3 juillet 2023, le Procureur l'a prévenu des faits pour lesquels C______, D______ et E______ ont déposé plainte, ainsi que pour consommation régulière de stupéfiants.

c.         Lors de l'audience du 20 septembre 2023, le Procureur l'a mis en prévention pour les faits pour lesquels G______ et la [banque] H______ ont déposé plainte (procédures P/5803/2023 et P/16720/2023 jointes à la présente procédure).

À l'issue de l'audience, le Procureur a informé A______ qu'il le mettait en liberté moyennant diverses mesures de substitution soit notamment : l'obligation de déférer à toute convocation du pouvoir judiciaire; la remise en mains du Procureur de ses passeport et carte d'identité brésiliens; l'interdiction de quitter le territoire suisse; l'obligation de se présenter, une fois par semaine, à un poste de police du canton.

Le prévenu a accepté de se soumettre à ces mesures, pour une durée de 6 mois. Il a renoncé à une audience orale devant le TMC et déclaré souhaiter déposer des conclusions écrites auprès du ce Tribunal.

Le Procureur l'a ainsi remis en liberté, dès la fin de l'audience.

d.        Dans ses observations du 21 septembre 2023 au TMC, A______, par son conseil, s'est opposé aux mesures de substitution décrites ci-dessus.

e.         A______ n'a pas d'antécédents judiciaires.

C. Dans l'ordonnance querellée, le TMC retient que les charges étaient graves et suffisantes pour justifier le prononcé de mesures de substitution à la détention provisoire, pour pallier les risques de fuite, collusion et réitération. Le premier évoqué par le Ministère public, même non étayé, ne pouvait être exclu, le prévenu étant originaire du Brésil, pays dans lequel sa famille résidait, son permis B étant en cours de renouvellement et donc, en l'état, échu. Ce risque était renforcé par la peine-menace et concrètement encourue ainsi que par la perspective d'une expulsion (obligatoire) de Suisse (art. 66a ss CP). Au vu toutefois des attaches du prévenu avec la Suisse, et Genève en particulier, et du fait qu'il avait jusqu'alors effectivement déféré aux convocations des autorités, ce risque pouvait être contenu par des mesures de substitution, auxquelles le prévenu avait expressément donné son accord lors de l'audience du 20 septembre 2023.

Il a pris acte de l'engagement du prévenu de se soumettre aux obligations et interdictions prévues par le Ministère public, lesquelles paraissaient aptes et adéquates pour diminuer les risques de fuite, de collusion et de réitération. Le TMC a ainsi ordonné les mesures de substitution prononcées par le Ministère public, à l'exception de l'obligation de se présenter hebdomadairement à un poste de police, laquelle n'apparaissait pas indispensable.

D. a. À l'appui de son recours, A______ précise s'être déclaré d'accord, au terme de l'audience du 20 septembre 2023, de se soumettre aux mesures de substitution proposées par le Ministère public uniquement "en raison de la perspective d'un placement en détention provisoire dans le cas contraire". Il retirait dès lors son consentement au prononcé desdites mesures.

Il précise ne pas revenir sur la question des charges. Il conteste tout risque de fuite propre à justifier le prononcé de telles mesures et s'oppose aux mesures de substitution ordonnées sous chiffre 1, lettres a à c, du dispositif. Toutes ses attaches se trouvaient à Genève, où il vivait depuis l'âge de 2 ans, et il n'en avait aucune au Brésil, pays dans lequel il n'avait plus de famille. Il était titulaire d'un permis B, certes en cours de renouvellement, processus ralenti en raison de la procédure pénale. Il s'était présenté à chacune des convocations des autorités pénales, se sachant accusé de faits graves. Il avait déposé plusieurs contre-plaintes pour dénonciation calomnieuse, non dans une optique de soustraction mais avec la détermination de contribuer activement à établir son innocence. Les mesures querellées portaient atteinte à sa liberté personnelle.

Dès lors que le TMC aurait dû refuser de faire droit à la demande du Ministère public s'agissant des mesures de substitution contestées, l'émolument fixé par l'autorité précédente au chiffre 8 devait être laissé à la charge de l'État à hauteur de moitié.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans débats ni échange d'écritures.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne des ordonnances sujettes à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émane du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP).

2.2. En revanche, son intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation des décisions querellées (art. 382 al. 1 CPP) fait défaut.

2.2.1. Le principe de la bonne foi, prévu à l'art. 5 al. 3 Cst. et concrétisé en procédure pénale à l'art. 3 al. 2 let. a CPP, ne concerne pas seulement les autorités pénales mais, le cas échéant, les différentes parties, y compris le prévenu (ATF 144 IV 189 consid. 5.1). On déduit en particulier de ce principe l'interdiction des comportements contradictoires (ATF 143 IV 117 consid. 3.2).

2.2.2. En vertu du principe de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 5 al. 3 Cst.), il n'est pas admissible de soulever ultérieurement, en cas d'issue défavorable, des griefs formels qui auraient pu être invoqués à un stade antérieur de la procédure (ATF 143 V 66 consid. 4.3; 135 III 334 consid. 2.2; arrêt 6B_626/2020 du 11 novembre 2020 consid. 1.1). Les parties doivent faire valoir les vices formels (réels ou supposés) le plus tôt possible, c'est-à-dire à la première occasion, et ne peuvent pas "économiser" ces griefs pour la procédure de recours, en cas d'issue de la procédure qui leur serait défavorable (cf. arrêt 1C_542/2011 du 3 octobre 2012 consid. 4.1 avec renvois). Tant la pratique du Tribunal fédéral que celle des organes juridictionnels de Strasbourg exigent en principe que le prévenu ou son avocat interviennent à temps et de manière appropriée pour exercer les droits de la défense. En l'absence d'une intervention raisonnablement exigible en conséquence, la bonne foi et les droits fondamentaux ne permettent pas d'attendre une intervention des autorités de justice pénale (arrêts 6B_967/2019 du 7 mai 2020 consid. 1; 6B_678/2013 du 3 février 2014 consid. 2.2; cf. aussi arrêt 6B_22/2010 du 8 juin 2010 consid. 2.2).

Le principe de la bonne foi englobe également le comportement contradictoire (venire contra factum proprium). Si quelqu'un se met en contradiction avec son comportement antérieur, il faut y voir une violation du principe de la bonne foi si le comportement antérieur a créé une confiance digne de protection qui serait déçue par les nouveaux actes (arrêts du Tribunal fédéral 6B_23/2021 du 20 juillet 2021 consid. 2.3; cf. 2C_872/2020 du 2 mars 2021 consid. 3.8.1 avec référence à l'arrêt 2C_334/2014 du 9 juillet 2015 consid. 2.5 ; 6B_22/2010 du 8 juin 2010 consid. 2.2; arrêt de la Chambre de céans ACPR/113/2023 du 14 février 2023 consid. 1.2).

2.2.3. En l'espèce, le Ministère public a proposé au recourant de le mettre en liberté, à l'issue de l'audience du 20 septembre, avec des mesures de substitution, dont celles contestées dans le recours. Le recourant s'est formellement engagé à les respecter et son conseil s'est abstenu de toute réaction. Ce n'est qu'une fois mis en liberté et devant le TMC qu'il a soutenu l'absence de risque de fuite.

Dans la mesure où le Procureur a agi conformément aux compétences que lui donne le CPP et où les mesures ordonnées ne sont pas illicites, l'attitude du recourant, qui n'a pas débattu de celles-ci devant le Ministère public, dans le but revendiqué dans son recours d'éviter une décision de refus de mise en liberté, viole le principe de la bonne foi et l'interdiction d'un comportement contradictoire.

Le recourant ne dispose ainsi d'aucun intérêt juridiquement protégé à contester ces mesures ordonnées avec son consentement.

Cette constatation scelle le sort du recours.

3.             Le recourant, qui succombe dans ses conclusions, assumera les frais de l'instance, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

4.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

4.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue (arrêts du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1 ; 1B_300/2019 du 24 juin 2019 consid. 4 ; 1B_164/2017 du 15 août 2017 consid. 2 ; 1B_488/2016 du 24 janvier 2017 consid. 2 ; 6B_705/2015 du 22 septembre 2015 consid. 2 ; 1B_272/2012 du 31 mai 2012 consid. 6.2 ; 1B_705/2011 du 9 mai 2012 consid. 2.3.2). La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 précité consid. 5.1).

4.2. En l'occurrence, le recours, irrecevable, n'avait aucune chance de succès; il n'y a dès lors pas lieu à indemnisation de l'avocat d'office

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Déclare le recours irrecevable.

Rejette la demande de défense d'office pour la procédure de recours.

Met les frais de l'instance, qui comprennent un émolument de CHF 900.-, à la charge de A______

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son défenseur, au Tribunal des mesures de contrainte et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 

P/25020/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

Total

CHF

985.00