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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/3561/2020

ACPR/590/2023 du 27.07.2023 sur OTMC/2028/2023 ( TMC ) , REFUS

Recours TF déposé le 14.08.2023, rendu le 05.09.2023, RETIRE, 7B_436/2023, 7B_436/23
Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE FUITE;PROPORTIONNALITÉ
Normes : CPP.221; CPP.237

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3561/2020 ACPR/590/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 27 juillet 2023

 

Entre

A______, actuellement détenue à la prison de B______, représentée par Me C______, avocat,

recourante,

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 10 juillet 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 20 juillet 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 10 juillet 2023, notifiée le même jour, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné sa mise en détention provisoire jusqu'au 8 septembre 2023.

La recourante conclut à l'annulation de l'ordonnance précitée et à sa mise en liberté immédiate sous mesures de substitution.

B.            a. Le 8 juillet 2023, A______ a été arrêtée, par exécution d'un avis de recherche et d'arrestation délivré par le Ministère public, au passage frontière de Genève-Aéroport alors qu'elle quittait la Suisse pour se rendre à D______ [Bulgarie]. Elle détenait notamment USD 4'114.-, EUR 800.-, CHF 13.10 ainsi que des billets russes.

Elle a été placée en détention provisoire par le TMC le 10 juillet 2023 pour une durée de deux mois.

b. Elle est prévenue d'obtention illicite de prestation d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (art. 148a CP), voire d'escroquerie (art. 146 CP), pour avoir, à Genève, de juillet 2012 à novembre 2018, bénéficié indûment de prestations de l'Hospice général, à hauteur de CHF 169'800.45, en indiquant résider dans un appartement sis no. ______ rue 1______, alors que ledit logement était en réalité sous-loué à une autre personne et qu'elle séjournait la majorité du temps à l'étranger durant la période en question.

c. Il ressort en particulier de la plainte de l'Hospice général que dans les documents signés par la prévenue, elle avait indiqué habiter à la rue 1______ no. ______, à E______ [GE]. Entendue le 6 novembre 2018 par les inspecteurs du Service des enquêtes, elle avait confirmé vivre, seule, dans cet appartement qu'elle avait toutefois refusé de faire visiter le jour même. En outre, le concierge avait déclaré que la précitée n'habitait plus l'appartement depuis longtemps et qu'elle le sous-louait. Enfin, les 14 et 22 novembre 2018, les inspecteurs avaient constaté que le nom de la prévenue était inscrit seulement sur la boîte aux lettres (pas sur la porte palière), qu'un homme avait refusé d'ouvrir la porte et qu'une femme de type asiatique était sortie de l'appartement, prenant la fuite lorsqu'elle avait été interpellée par les inspecteurs.

d. Lors de ses auditions à la police et au Ministère public, A______ a contesté les faits reprochés. Elle n'avait pas sous-loué l'appartement, même si elle n'y habitait pas. Elle avait, à deux ou trois reprises, donné la clé à des amis ("F______" et "G______"), sans les faire payer car elle savait que la sous-location était interdite. Son voisin de palier était alcoolique et bruyant. Comme elle souffrait de migraine, elle avait emménagé en 2017 dans l'appartement de sa fille, laquelle vivait en Espagne. Elle s'était rendue à plusieurs reprises à H______ [Russie] pour voir sa famille et obtenir les documents nécessaires à sa naturalisation suisse. Les loyers et charges des appartements étaient payés grâce à l'aide sociale, étant souligné que son assurance-maladie était prise en charge directement par l'Hospice général. Depuis janvier 2019, elle ne percevait plus de prestations sociales et n'avait pas d'adresse en Suisse.

e. S'agissant de sa situation personnelle, A______ dispose des nationalités suisse et russe. Elle est divorcée, mère de deux enfants, dont l'un (son fils) vit à Genève. En Russie, elle résidait soit chez sa sœur soit dans son propre appartement. Lors de son arrestation, elle était en train de déménager en Turquie en raison de la situation politique en Russie. Son casier judiciaire suisse ne mentionne aucune condamnation.

f. Devant le TMC, la recourante a contesté avoir sous-loué son appartement, admettant avoir temporairement hébergé des connaissances. Elle avait quitté la Suisse en juin 2019. Son départ avait été annoncé à l'Office cantonal de la population et des migrations. Il n'y avait pas de risque de fuite. Elle n'allait pas partir et resterait en Suisse.

C. Dans son ordonnance, le TMC a retenu l'existence de charges suffisantes et graves. Même si A______ contestait les faits reprochés, elle concédait avoir logé – à titre gracieux – des amis dans l'appartement payé par l'Hospice général alors qu'elle-même habitait chez sa fille. L'instruction ne faisait que commencer. L'inspecteur de l'Hospice général devait être entendu. Il fallait en outre obtenir les relevés des comptes I______ [banque] de la prévenue afin d'établir notamment ses dépenses en Suisse, identifier et auditionner le concierge ayant déclaré qu'elle n'habitait plus dans son appartement depuis longtemps. Le risque de fuite devait être retenu, vu le domicile de la prévenue en Russie, son projet de déménager en Turquie et la peine menace à laquelle elle s'exposait. Aucune mesure de substitution n'était apte à prévenir ce risque. Ses attaches en Suisse n'étaient pas suffisantes pour l'empêcher de partir.

D. Par courrier des 18 et 20 juillet 2023, la prévenue a indiqué qu'elle souffrait de migraine chronique. Elle avait besoin de médicaments et d'un régime spéciaux ainsi que de repos. La prison aggravait ses problèmes de santé.

E. a. Dans son recours, A______ soutient que le risque de fuite est limité. Elle entendait collaborer et non pas se soustraire aux autorités pénales. Elle était de nationalité suisse et avait vécu à Genève durant 22 ans, avant de retourner en Russie en 2019. Elle avait des liens de proximité et d'affection avec son fils qui vivait à Genève. Le cas échéant, ce risque pouvait être pallié par une caution de CHF 20'000.- (versée par son fils), la retenue de l'argent qu'elle détenait lors de son arrestation (USD 4'104), la saisie de ses documents d'identité, l'obligation de résider chez son fils, l'interdiction de quitter le canton de Genève, le port d'un bracelet électronique et la présentation régulière dans un poste de police.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance.

d. Dans sa réplique, la recourante considère que les charges ne sont pas suffisantes pour justifier sa mise en détention provisoire. Les mesures d'instruction sollicitées étaient inutiles. Elle ne contestait pas avoir mis son appartement à disposition de tiers dès 2017, ce que l'audition du concierge confirmerait vraisemblablement. Le relevé du compte I______ [banque] avait déjà été examiné par l'Hospice général, montrant qu'elle n'avait jamais perçu de loyer. En outre, le risque de fuite n'existait pas. Elle disposait d'un passeport suisse et n'avait aucun intérêt à s'enfuir, dès lors qu'elle s'exposait, au pire, à une peine avec sursis. Enfin, les mesures de substitution proposées étaient aptes à prévenir le risque de fuite retenu, étant souligné que son fils était prêt à verser, à titre de caution, l'entier de ses économies.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante ne s'exprime pas sur les charges retenues, même si elle les réfute. Il n'y a donc pas à s'y attarder, mais à renvoyer, en tant que de besoin, à la motivation adoptée par le premier juge (art 82 al. 4 CPP; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références).

3.             Elle conteste tout risque de fuite.

3.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier le placement ou le maintien en détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 145 IV 503 consid. 2.2; 143 IV 160 consid. 4.3).

3.2. En l'espèce, la recourante bénéficie des nationalités russe et suisse. Au moment de son arrestation, elle s'apprêtait à partir en Bulgarie et déménager de Russie en Turquie, soit autant de projets sans aucun lien avec la Suisse. Que son fils vive à Genève et ait l'intention de l'héberger, ne rend pas improbable tout risque de fuite à l'étranger, étant souligné que la présence de celui-ci ne l'avait pas empêchée de retourner en 2019 vivre en Russie. Qu'elle prétende n'avoir pas l'intention de fuir n'est à l'évidence pas suffisant, tout comme le fait qu'elle affirme vouloir collaborer dans le cadre de la procédure pénale alors même qu'elle conteste les charges à son encontre.

La présentation régulière auprès d'un service administratif, proposée par la recourante, ne constitue pas une mesure de substitution efficace en tant qu'elle n'empêcherait pas sa fuite mais ne permettrait que de la constater a posteriori. Il en est de même d'une assignation à résidence, de l'interdiction de quitter la Suisse, du port du bracelet électronique ou du dépôt des documents d'identité. Enfin le versement d'une caution fournie par un tiers – portant sur un montant largement inférieur aux prestations qui auraient été détournées – ne peut être considéré comme un frein suffisamment puissant pour écarter toute velléité de fuite, au vu de la situation de la recourante et ses projets.

4.             Le risque de fuite étant réalisé, l'autorité de recours peut se dispenser d'examiner si un autre risque – alternatif – l'est également (arrêt du Tribunal fédéral 1B_51/2021 du 31 mars 2021 consid. 3.1 et la jurisprudence citée).

5.             5.1. À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282 ; 125 I 60 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).

5.2. En l'occurrence, eu égard aux infractions reprochées à la prévenue, la durée de la mise en détention provisoire est proportionnée à la peine concrètement encourue, si les soupçons devaient être confirmés.

Par ailleurs, la durée de deux mois prononcée apparaît nécessaire pour permettre au Ministère public d'accomplir les actes d'instruction annoncés et se déterminer sur la suite de la procédure.

6.             Quand bien même la recourante n'a pas fait état de ses problèmes de santé dans son recours, aucun élément ne permet de retenir que ceux-ci seraient aggravés par la détention, étant relevé que tous soins utiles peuvent lui être prodigués, si besoin, dans ce cadre.

7.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

8.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

9.             La recourante plaide au bénéfice d'une défense d'office.

9.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

9.2. En l'occurrence, quand bien même la recourante succombe, on peut admettre que l'exercice de ce premier recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante (soit, pour elle, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/3561/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

 

-

CHF

 

 

Total

CHF

900.00