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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/4531/2023

ACPR/559/2023 du 21.07.2023 sur ONMMP/1268/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;RECEL;INTENTION
Normes : CPP.310; CP.160

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4531/2023 ACPR/559/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 21 juillet 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, Israël, comparant par Me Betsalel ASSOULINE, avocat, DN Avocats, rue Robert-Céard 6, 1204 Genève,

recourant

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 28 mars 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 24 avril 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 28 mars précédent, envoyée sous pli simple, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur les faits visés par la procédure.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et à l'ouverture d'une instruction.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 18 mars 2018, A______ a déposé plainte au commissariat de L______ (France) pour vol.

La voiture de son père, feu B______, décédé en ______ 2014, une C______/1______ [marque, modèle], avait été subtilisée alors qu'elle se trouvait dans le parking de la clinique D______, sise dans la commune française.

b. Le 25 septembre 2020, le Tribunal judiciaire de Nanterre a adressé au Ministère public une demande d'entraide en lien avec cette plainte, dès lors qu'il apparaissait que le véhicule avait été immatriculé en Suisse.

Des documents transmis à l'appui de cette demande, il ressort que E______, responsable de la clinique D______, signalait, depuis septembre 2016, aux polices locales et genevoises, ainsi qu'à l'Office cantonal des véhicules (ci-après: OCV), la présence dans le parking d'une C______/1______ [marque, modèle], immatriculée GE 2______, qui semblait abandonnée. Le 15 juin 2017, elle écrivait notamment à l'OCV un courriel dont la teneur était la suivante: "Le véhicule abandonné dans notre parking n'a plus de plaques d'immatriculation, cela est-il de votre initiative?". Le 22 suivant, le véhicule avait disparu. Avec l'aide du Centre de coopération policière et douanière franco-helvétique de Genève, la gendarmerie française avait pu établir qu'il avait été ré-immatriculé dans le canton de Vaud.

c. Les premières investigations de la police genevoise ont permis de découvrir que le véhicule était dorénavant détenu par F______.

d. Entendu le 22 janvier 2021, le précité a expliqué avoir acheté le véhicule en février 2019, pour CHF 68'000.-, par l'intermédiaire de G______, lequel représentait le détenteur d'alors, à savoir H______.

e. Le 27 janvier 2021, G______, domicilié en Suisse, a confirmé cette vente. Une connaissance, H______, avait informé ce dernier que cette voiture se trouvait sur le parking d'une clinique depuis plusieurs années. Elle n'avait plus de plaques d'immatriculation mais, sur les cadres de plaques, était inscrit le nom du garage I______. Il avait contacté celui-ci, qui lui avait appris que le détenteur du véhicule ainsi que sa femme étaient décédés. Il avait alors demandé une copie de la carte grise pour prouver que le véhicule était bien immatriculé en Suisse. Une fois les informations obtenues, il avait contacté l'OCV, qui l'avait informé que le détenteur devait plus de CHF 2'000.- d'impôts et de plaques non payées. À la demande de H______, il avait requis de l'OCV un duplicata de la carte grise pour pouvoir ré-immatriculer le véhicule. L'Office lui avait déclaré que s'il payait les dettes du détenteur, la carte grise serait annulée et une copie lui serait fournie pour pouvoir procéder à la ré-immatriculation. Sur la base de ces informations, il avait déduit que [le véhicule de marque] C______ était abandonnée. Dans ses souvenirs, H______ l'avait achetée entre EUR 20'000.- et EUR 25'000.-.

f. Le 8 mars 2021, H______, domicilié en France, a expliqué n'avoir pas acheté la C______; il l'avait vue alors qu'il se rendait à la clinique de L______. La voiture était "parquée, immatriculée avec une plaque genevoise" et semblait abandonnée. Un ami lui avait raconté que le véhicule était là depuis quatre à cinq ans mais que, n'ayant jamais été déclaré volé, la police n'allait pas intervenir pour l'enlever. Il avait alors demandé à G______ de se renseigner sur la possibilité de récupérer la voiture. Le précité avait reçu comme informations de l'OCV que la C______ n'était pas recherchée, ni signalée mais qu'il y avait des impôts non payés depuis 2015. G______ avait pu obtenir l'identité de l'ancien détenteur; celui-ci et son épouse étaient décédés et leurs deux enfants avaient quitté la Suisse sans laisser de traces. Avec le paiement des arriérés d'impôts, une carte grise au nom de l'ancien détenteur avait pu être obtenue, pour être ensuite annulée et remplacée par une à son nom à lui [H______]. À la suite de quoi, il avait envoyé la voiture à J______ [France] pour rénovation. Finalement, il avait vu une autre voiture dans le garage de G______ et avait proposé de l'échanger contre la C______. Le précité avait accepté quelques jours plus tard, ayant trouvé un acquéreur pour la reprendre.

g. Le 15 mars 2021, la police a contacté par téléphone K______, oncle de A______, qui a expliqué avoir stationné [le véhicule] C______ sur le parking de la clinique, après le décès de B______, car il louait une arcade professionnelle à cet endroit et pouvait ainsi surveiller le véhicule en attendant que des décisions quant à la succession soient prises.

h. La police a obtenu de l'OCV le formulaire "déclaration de perte ou de vol" rempli, le 30 mai 2017, par G______, pour le permis de circulation des plaques GE 2______. L'espace dédié au nom et à la signature du détenteur étaient laissés vides et celle du précité était apposée dans le cadre réservé au "mandataire", qui, "agissant au nom et pour le compte" du détenteur, "déclar[ait] avoir été dûment autorisé à demander le remplacement des pièces perdues/volées".

i. Le 3 mars 2023, le Ministère public a refusé la délégation de la poursuite, contre H______ et G______, pour vol en réunion et recel, sollicitée par les autorités françaises. L'infraction reprochée à G______ ayant été commise en Suisse, une copie du dossier était néanmoins levée pour "une ouverture d'instruction" à l'encontre du précité.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère qu'au vu des informations obtenues par G______ du garage I______ et de l'OCV, il n'avait aucune raison de penser que le véhicule en cause provenait d'une infraction contre le patrimoine. Les éléments constitutifs de l'infraction de recel n'étaient dès lors pas réunis.

D. a. Dans son recours, A______ allègue, dans sa partie en fait, avoir reçu comme information de l'OCV qu'il était impossible de remplir une déclaration de perte ou de vol de la carte grise d'un véhicule sans procuration des héritiers de la personne décédée. En droit, la motivation "lapidaire" du Ministère public concernant l'infraction de recel était erronée. G______ devait savoir que la C______ provenait d'une infraction contre le patrimoine puisqu'il avait "produit une fausse déclaration" auprès de l'OCV et "menti de manière éhontée lors de son audition". Il était "choquant" que l'autorité intimée ait ignoré cette "pièce essentielle" du dossier. G______ avait, en outre, déclaré que le véhicule ne possédait pas de plaques d'immatriculation alors qu'il avait été en mesure de donner le numéro dans le formulaire de perte ou de vol. Il ressortait d'ailleurs des courriels de E______ que le véhicule possédait bien des plaques. G______ avait également affirmé que H______ avait acheté la voiture pour une somme entre EUR 20'000.- et EUR 25'000.- alors que ce dernier avait déclaré l'avoir échangée contre une autre. De nombreuses différences et contradictions, ignorées par le Ministère public, justifiaient ainsi l'ouverture d'une instruction pour recel. Il en allait de même pour l'infraction de vol, sous forme de complicité de la part de G______. Sans son implication dans "la confection d'un faux destiné à l'OCV", H______ n'aurait pu faire enlever le véhicule. Les infractions d'escroquerie et de faux dans les titres devaient également être examinées. Enfin, la responsabilité de l'OCV était "pleinement engagée" dans la mesure où aucun document n'avait été demandé à G______ pour faire ré-immatriculer la [voiture] C______.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.


 

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

Ladite ordonnance ne concerne toutefois que le mis en cause et ne porte – en fait et en droit – que sur l'infraction de recel au sens de l'art. 160 CP, le Ministère public ayant, préalablement, refusé la délégation de la poursuite sollicitée par les autorités françaises.

L'autorité intimée ne s'est donc pas prononcée sur les infractions de vol (art. 139 CP), d'escroquerie (art. 146 CP) et de faux dans les titres (art. 251 CP). Partant, la Chambre de céans, faute de décision préalable, ne saurait se pencher sur les griefs soulevés par le recourant en lien avec ces infractions, de même que sur la responsabilité de l'OCV.

1.2. Par ailleurs, la situation successorale du défunt père du recourant apparaît, compte tenu du dossier et sans élément nouveau depuis les explications obtenues par la police de l'oncle ayant initialement stationné [le véhicule] C______, incertaine et confuse. Si l'on peut supposer que le recourant, en tant qu'il conteste la non-entrée en matière sur l'infraction de recel, intervient comme héritier au sens de l'art. 121 al. 1 CPP, cela ne suffit pas encore à lui octroyer la qualité pour agir (art. 382 al. 1 CPP).

Le recours s'avérant, de toute manière, infondé pour les motifs développés plus bas, cette question peut néanmoins souffrir de rester indécise.

2.             2.1. Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91).

2.2. Aux termes de l'art. 160 ch. 1 al. 1 CP, commet un recel quiconque acquiert, reçoit en don ou en gage, dissimule ou aide à négocier une chose dont il sait ou doit présumer qu’un tiers l’a obtenue au moyen d’une infraction contre le patrimoine.

Le comportement délictueux consiste à accomplir l'un des trois actes de recel énumérés limitativement par l'art. 160 ch. 1 al. 1 CP, à savoir l'acquisition, dont la réception en don ou en gage ne sont que des variantes, la dissimulation et l'aide à la négociation d'une chose dont l'auteur sait ou doit présumer qu'un tiers l'a obtenue au moyen d'une infraction contre le patrimoine (ATF 128 IV 23 consid. 3c p. 24). Cette dernière notion s'entend de manière large. Elle ne se limite pas aux seules infractions figurant au titre 2 de la partie spéciale du Code pénal, mais s'étend à toutes celles dirigées contre le patrimoine d'autrui (p. ex.: recel de la rançon d'un rapt: ATF 127 IV 79 consid. 2b, p. 83). Le point de savoir si l'auteur du délit préalable a été poursuivi ou puni est sans pertinence. Il suffit que l'acte initial réalise les conditions objectives d'un comportement pénalement répréhensible (ATF 101 IV 402 consid. 2 p. 405 et les références). Comme en matière de blanchiment (art. 305bis CP), la preuve stricte de l'acte préalable n'est pas exigée (cf. ATF 120 IV 323 consid. 3d p. 328; arrêt 6B_728/2010 du 1er mars 2011 consid. 2.2).

Sur le plan subjectif, l'art. 160 CP définit une infraction intentionnelle, mais il suffit que l'auteur sache ou doive présumer, respectivement qu'il accepte l'éventualité que la chose provienne d'une infraction contre le patrimoine. Il en va ainsi lorsque les circonstances suggèrent le soupçon de la provenance délictueuse (arrêts 6B_1124/2014 du 22 septembre 2015 consid. 2.1; 6B_728/2010 du 1er mars 2010 consid. 2.2.). 

2.3. En l'espèce, le dossier ne permet pas, en l'état, d'établir avec certitude si la voiture a été soustraite sans droit à son ou ses détenteur(s). Il n'est toutefois pas nécessaire d'examiner plus en avant si une infraction contre le patrimoine a préalablement été réalisée, dans la mesure où un autre élément constitutif du recel n'apparaît pas donné.

Le mis en cause a reçu comme instructions de se renseigner sur le véhicule en cause, qui lui a été, dès le début, présenté comme abandonné.

Les informations qu'il a récoltées ensuite, du garage de provenance du [véhicule] C______ et, plus particulièrement, de l'OCV, étaient de nature à le conforter dans cette idée. Pour lui, l'ancien détenteur était décédé, ses enfants introuvables et les impôts s'accumulaient. Enfin, il a pu effectuer les démarches auprès de l'OCV pour ré-immatriculer la voiture, sans que cela ne soulève de difficultés particulières.

En obtenant ainsi une nouvelle carte grise, émise formellement par l'OCV, dans le but spécifique de ré-immatriculer le véhicule au nom d'un tiers, le mis en cause pouvait valablement imaginer agir dans la légalité.

Toute intention délictuelle du mis en cause – même sous la forme du dol éventuel
– peut donc être exclue. Les contradictions soulevées par le recourant concernant les déclarations de celui-ci ne sont pas à même de renverser ce constat ou sont sans pertinence pour la cause.

Compte tenu de ce qui précède, les conditions du recel ne sont, dès lors, pas réunies.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à
CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/4531/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00