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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/20508/2021

ACPR/484/2023 du 26.06.2023 sur OTMC/1558/2023 ( TMC ) , REFUS

Recours TF déposé le 03.08.2023, rendu le 17.08.2023, REJETE, 7B_390/2023
Descripteurs : COMMERCE DE STUPÉFIANTS;DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE COLLUSION;RISQUE DE RÉCIDIVE
Normes : LStup.19; CPP.221; CPP.237

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20508/2021 ACPR/484/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 26 juin 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, comparant par Me H______, avocat

recourant,

contre l'ordonnance de refus de mise en liberté rendue le 30 mai 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 12 juin 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 30 mai 2023, notifiée le 1er juin 2023, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a refusé d'ordonner sa mise en liberté.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et à sa mise en liberté, subsidiairement sous mesures de substitution.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 24 novembre 2022, A______ a été arrêté à l'aéroport de Genève, à son retour d'Albanie, par exécution d'un mandat d'amener délivré par le Ministère public. Il détenait CHF 1'670.20 et un téléphone no +41_1______ dont il a refusé de donner les codes d'accès.

Il a été placé en détention provisoire par le TMC le 27 novembre 2022. Sa détention a ensuite été prolongée jusqu'au 25 juillet 2023.

b. Il était soupçonné d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 et 2 LStup) pour avoir, à Genève, à tout le moins depuis l'été 2020, de concert avec notamment C______, D______, E______ et avec l'épouse de ce dernier, F______, participé à un important trafic de stupéfiants portant sur plusieurs kilos de cocaïne et de produits cannabiques, en particulier d'avoir livré ou fait livrer à E______, entre 2 et 3 kg de cocaïne et 16 kg de cannabis, et, en avril 2022, organisé et réceptionné la livraison d'à tout le moins 1 kg de cocaïne.

c. Lors de ses auditions à la police et au Ministère public, A______ a reconnu s'adonner au trafic de stupéfiants, mais pour une quantité inférieure et seulement pour du cannabis. C______ et E______ étaient des amis. Il avait demandé au premier de livrer du haschich au domicile du deuxième (livraisons des 1er et 14 décembre 2021) et de chercher l'argent du haschich (le 19 janvier 2022). Lui-même n'avait jamais livré de drogue.

d. S'agissant de sa situation personnelle, A______ est de nationalité suisse, marié, sans enfant. Il est né en Albanie, pays dans lequel il a encore de la famille (des cousins). Il s'y rendait toutefois rarement car sa famille proche vivait en Suisse. Après avoir travaillé pendant plusieurs années comme surveillant-nettoyeur à la piscine de G______ (contrat de durée déterminée), il était au chômage et percevait environ CHF 3'000.- par mois. Il complétait ses revenus par l'achat et la revente de montres. L'argent qu'il détenait lors de son arrestation provenait d'un pari sportif.

À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné le 29 juin 2018 par le Ministère public de Genève à une peine pécuniaire de 120 jours-amende avec sursis et à une amende de CHF 300.-, pour infraction à l’art. 19 al. 1 let. c et d LStup, délit à la loi fédérale sur les armes et contravention à l'art. 19a LStup.

C.           Dans son ordonnance, le TMC a retenu l'existence de charges suffisantes et graves. Les dénégations du prévenu en lien avec le trafic de cocaïne étaient contredites par celles des co-prévenus, en particulier E______, ainsi que par les résultats des mesures de surveillance secrètes. L'instruction se poursuivait. Le prévenu, soupçonné d'avoir perçu d'importants revenus du trafic, devait être entendu le 14 juin 2023 notamment au sujet de sa situation financière. Une audience finale était également fixée le 5 juillet 2023. Il subsistait un risque de collusion vis-à-vis de ses co-prévenus et il convenait d'éviter qu'il prenne contact avec eux. Le risque de réitération était important dès lors qu'il avait déjà été condamné pour des faits similaires. Le risque de fuite ne pouvait être exclu, malgré sa nationalité suisse, puisqu'il lui était reproché des faits graves et s'exposait ainsi à une peine menace importante. Aucune mesure de substitution n'était susceptible d'atteindre les mêmes buts que la détention.

D.           a. Dans son recours, A______ soutient que le risque de collusion n'existe plus. Il n'avait aucune volonté de prendre contact avec ses co-prévenus, dont les déclarations – à ce stade – étaient figées et ne pouvaient plus être modifiées. Des mesures de substitution permettaient de pallier le risque résiduel, comme l'interdiction de les contacter. Il n'y avait pas de risque de réitération. Son antécédent spécifique n'était pas d'une gravité suffisante et la sécurité d'autrui n'avait pas été sérieusement compromise. En outre, le pronostic était favorable, considérant la longue détention déjà subie (près de 7 mois) et sa promesse d'emploi au restaurant de la piscine de G______ (avec un salaire mensuel de CHF 4'500.-). Le risque de fuite ne pouvait pas non plus être retenu, au vu de sa nationalité suisse et sa situation personnelle. Le cas échéant, ce risque pouvait être pallié par une caution de CHF 20'000.- (versée par sa cousine), le port d'un bracelet électronique et la présentation régulière dans un poste de police.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. L'interdiction de contacter les personnes impliquées dans la procédure – pas toutes identifiées – n'était pas suffisante au regard de l'intensité du risque de collusion, étant souligné les liens personnels entre certains prévenus et les déclarations divergentes de l'intéressé et de E______. Aucune mesure de substitution ne pouvait prévenir le risque de fuite – retenu dès le début de la détention provisoire – en raison des attaches que le prévenu conservait avec son pays d'origine et l'importance de la peine concrètement encourue.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance.

d. Dans sa réplique, le recourant souligne qu'il ne conteste pas "la réalité des charges", même s'il entend plaider l'acquittement, sous réserve de ses aveux en lien avec le cannabis. L'analyse des pièces bancaires n'accréditait pas le trafic de stupéfiants. Les risques de fuite et de collusion devaient être écartés à ce stade avancé de la procédure. Il en était de même du risque de réitération.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant ne s'exprime pas sur les charges retenues. Il n'y a donc pas à s'y attarder, mais à renvoyer, en tant que de besoin, à la motivation adoptée par le premier juge (art 82 al. 4 CPP; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références) qui expose les indices graves et concordants pesant sur le prévenu.

3.             Le recourant conteste le risque de collusion.

3.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

3.2. En l'espèce, les audiences de confrontation ont été effectuées. Le risque de collusion – même atténué – ne demeure pas moins concret, en particulier vis-à-vis de C______, lequel a procédé pour lui à des livraisons. Le recourant pourrait ainsi profiter de sa liberté pour entrer en contact avec son ami et accorder leurs versions en vue de l'audience de jugement, notamment sur les éléments issus des écoutes téléphoniques.

4.             Le recourant conteste le risque de réitération.

4.1. Pour admettre un risque de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, les infractions redoutées, tout comme les antécédents, doivent être des crimes ou des délits graves, au premier chef les délits de violence (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1 et les références). Plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences sont élevées quant au risque de réitération. Il demeure qu'en principe le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 143 IV 9 consid. 2.9). Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées (ATF 146 IV 326 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_668/2021 du 4 janvier 2022 consid. 4.1). Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné – avec une probabilité confinant à la certitude – de les avoir commises (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1).

4.2. En l'occurrence, les infractions reprochées au recourant, à savoir son implication dans un trafic d'envergure de cocaïne et de cannabis, sont suffisamment graves pour qu'un risque de récidive puisse être retenu.

À cela s'ajoute que le prévenu a déjà été condamné pour une affaire de stupéfiants en juin 2018 à une peine pécuniaire avec sursis, ce qui ne l'a pas pour autant dissuadé de se livrer à nouveau à un trafic de drogue, cette fois de plus grande ampleur.

Partant, il existe un risque de réitération concret, accentué par la situation financière précaire du recourant qui ne dispose en l'état d'aucun contrat de travail, la promesse d'emploi produite étant insuffisante.

5.             Ce qui précède rend superflu l’examen du risque de fuite (arrêt du Tribunal fédéral 1B_51/2021 du 31 mars 2021 consid. 3.1. et les références).

6.             Le recourant estime que les risques de collusion et de réitération pourraient être palliés par des mesures de substitution.

6.1. Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst., concrétisé par l'art. 237 al. 1 CPP), le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si elles permettent d'atteindre le même but que la détention, par exemple la fourniture de sûretés (al. 2 let. a), la saisie de documents d'identité et d'autres documents officiels (al. 2 let. b), l'assignation à résidence ou l'interdiction de se rendre dans un certain lieu ou un certain immeuble (al. 2 let. c), l'obligation de se présenter régulièrement à un service administratif (al. 2 let. d), l'obligation d'avoir un travail régulier (al. 2 let. e), l'interdiction d'entretenir des relations avec certaines personnes (al. 2 let. g). La liste des mesures de substitution énoncée à l'art. 237 CPP n'est pas exhaustive (arrêt du Tribunal fédéral 1B_654/2011 du 7 décembre 2011 consid. 4.2).

6.2. Aucune mesure de substitution n'est envisageable. La seule interdiction de contacter les autres participants au trafic est difficilement contrôlable et manifestement insuffisante pour écarter le risque de collusion retenu. En outre, il parait peu crédible qu'une obligation de travailler pourrait empêcher le recourant de récidiver, sachant qu'il avait déjà un emploi au moment de la commission des faits reprochés. Les autres mesures proposées (dépôt d'une caution, port du bracelet électronique, dépôt des papiers d'identité et obligation de se présenter dans un poste de police) se rapportent au risque de fuite, non examiné en l'état.

7.             La durée de la détention à ce stade ne paraît pas excéder la peine concrètement encourue par le recourant (art. 212 al. 3 CPP), s’il était reconnu coupable des infractions reprochées par le Ministère public. Ni lui ni son conseil d’office ne prétendent le contraire.

8.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

9.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

10.         Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

10.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

10.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président, Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges, Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/20508/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

 

-

CHF

 

 

Total

CHF

900.00