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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21431/2020

ACPR/442/2023 du 12.06.2023 sur OMP/20291/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : INTÉRÊT JURIDIQUE(PROCÉDURE CIVILE);MOTIVATION;CONSULTATION DU DOSSIER;PLAIGNANT;SECRET BANCAIRE;SPHÈRE PRIVÉE;SAUVEGARDE DU SECRET
Normes : CPP.382; Cst.29; CPP.102; CPP.108; CPP.73

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21431/2020 ACPR/442/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 12 juin 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ Monaco, comparant par Me David BITTON, avocat, MONFRINI BITTON KLEIN, place du Molard 3, 1204 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de restriction du droit de consulter le dossier et de refus d'obligation de garder le secret rendue le 21 novembre 2022 par le Ministère public,

 

et

B______ SA et C______ SA, dont les sièges sont sis ______ [GE], toutes deux comparant par Me K______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 2 décembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 21 novembre 2022, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a retiré du dossier les pièces 3'000'071 et 3'000'072 (classeur C.4.1) et refusé de restreindre l'accès des parties plaignantes au dossier ainsi que leur enjoindre de garder le secret sur la procédure et les personnes impliquées.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif, principalement, à l'annulation de cette ordonnance, à ce que l'accès des parties plaignantes au dossier soit limité aux pièces "strictement nécessaires à la protection de leurs droits", à l'exclusion de pièces dont la liste sera développée plus bas, subsidiairement au caviardage de ces mêmes pièces, et à ce qu'il leur soit fait, dans tous les cas, obligation de garder le silence sur la procédure, avec interdiction de remettre des pièces à des tiers, en particulier à D______.

b. Par ordonnance du 2 décembre 2022 (OCPR/58/2022), la Direction de la procédure a accordé l'effet suspensif au recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

Contexte et éléments procéduraux

a. D______, citoyen chypriote d'origine russe est, selon les formulaires A, l'ayant droit économique des sociétés suisses suivantes:

- B______ SA, inscrite au Registre du commerce de Genève le ______ 2018 et ayant pour but social "toutes activités de prise de participations directes et indirectes dans toutes sociétés ou entreprises, dans le sens d'une société holding";

- C______ SA, inscrite au Registre du commerce de Genève le ______ 2019 et ayant le même but social que la société précitée.

Il est également directeur et ayant droit économique de la société E______ LTD (anciennement E______ CORP; ci-après: E______), dont le siège est sis aux Seychelles.

b. Le 25 novembre 2020, D______, en son nom propre, et les sociétés B______ SA, C______ SA et E______ ont déposé plainte contre A______.

En substance, ce dernier avait reçu comme mandat de leur part, avec pleins pouvoirs de représentation, de leur sélectionner des immeubles de premier choix dans le centre de Genève, d'en négocier les prix d'acquisition puis de structurer les opérations d'achats, en y investissant lui-même, de manière minoritaire. Dans ce contexte, entre 2018 et 2019, il leur avait proposé d'acquérir des immeubles sis rue 2______ et un autre sis rue 1______. D______ avait découvert, après coup, que les montants versés pour l'achat de ces biens immobiliers étaient presque deux fois plus élevés que les prix payés par leur précédent acquéreur, F______, une société de holding luxembourgeoise, qui les avait pourtant achetés quelques mois seulement avant leur revente. A______ avait non seulement caché cette information, mais avait également perçu une importante rémunération de la part de I______ et G______, actionnaires de F______.

c. Le 12 novembre 2020, le Ministère public a ouvert une instruction contre A______ des chefs d'abus de confiance (art. 138 CP) et escroquerie (art. 146 CP).

d. Le 10 novembre 2021, le Ministère public a tenu une audience de confrontation des parties.

B______ SA, C______ SA et E______ y étaient toutes représentées par D______.

A______ a contesté la qualité de parties plaignantes de D______ et des sociétés susmentionnées. Un délai lui a été imparti pour faire valoir ses arguments à cet égard. Le procès-verbal note que "[d]ans l'intervalle, le prévenu est autorisé à consulter la procédure".

A______ a également sollicité que le procès-verbal de l'audience ne soit pas distribué aux autres parties ou, subsidiairement, qu'interdiction leur soit faite de le transmettre à des tiers. Selon le procès-verbal, les deux demandes ont été refusées par le Ministère public.

e. Par lettre du 15 décembre 2021, A______ a soutenu que D______ faisait l'objet de procédures à l'étranger, que la déchéance de sa nationalité était envisagée, que la provenance de sa fortune était douteuse et qu'il n'avait pas démontré être l'ayant droit économique des sociétés B______ SA, C______ SA et E______. Dans l'hypothèse où la qualité de partie plaignante devait néanmoins être reconnue à D______ ou à l'une des sociétés précitées, il y avait lieu d'ordonner des limitations d'accès au dossier au sens des art. 102 et 108 CPP. La procédure contenait en effet des informations bancaires le concernant lui et sa famille, appartenant à la sphère privée et devant être protégées. Il sollicitait qu'un délai soit imparti aux plaignants pour répondre à cette lettre et de pouvoir se déterminer sur ses explications par la suite.

f. Par ordonnance du 18 janvier 2022, le Ministère public a nié la qualité de partie plaignante de D______ et E______, mais reconnu celle de B______ SA et C______ SA.

g. Dans un arrêt du 12 août 2022 (ACPR/553/2022), la Chambre de céans a partiellement admis le recours formé par A______ contre cette décision.

La qualité de partie plaignante de B______ SA et C______ SA était confirmée. Le Ministère public avait toutefois commis un déni de justice en ne statuant pas sur la demande de A______ du 15 décembre 2021 visant l'interdiction d'accès au dossier des sociétés précitées.

Instruction

h.a. Sur ordre de dépôt du 20 novembre 2020, [la banque] H______ a communiqué au Ministère public une liste comprenant toutes les relations ouvertes en ses livres pour lesquelles A______, I______, G______ et F______ SA apparaissaient comme titulaires, ayants droit ou fondés de procurations (302'002 à 302'056).

h.b. Ladite liste, concernant A______, est référencée aux pièces de la procédure 302'003 à 302'017 et comprend:

- deux relations, aux noms de personnes physiques, pour lesquelles il dispose d'une procuration;

- sept relations, aux noms de personnes morales, où il est (ou était) autorisé à signer;

- deux relations, aux noms de personnes morales, où il est ayant droit économique;

- une relation, au nom de l'un de ses enfants, où il dispose de l'autorité parentale;

- deux relations dont il est directement titulaire.

i. Le 11 janvier 2021, H______ a transmis au Ministère public l'état des avoirs au 31 décembre 2020 des relations visées par l'ordre de dépôt susmentionné (pièces 3'000'001 à 3'000'646, classeurs C.2.1 et C.2.2).

Parmi ces documents figurent, notamment, le détail des comptes liés à A______, visés par la liste précitée, sous les références 3'000'025 à 3'000'036, 3'000'045 à 3'000'049 et 3'000'100 à 3'000'144.

j.a. Par demande d'entraide du 30 juin 2021, complétée le 4 août suivant, le Ministère public a requis des autorités pénales monégasques le blocage de comptes dont A______ était titulaire auprès de la banque J______ (MONACO) et la transmission de la documentation bancaire y relative.

j.b. Par retour du 19 décembre 2021, les autorités monégasques ont confirmé le séquestre des comptes visés par la demande d'entraide et remis les pièces sollicitées.

k. Parmi les pièces ainsi versées à la procédure, référencées au dossier entre 3'000'000 et 3'000'700 (classeurs C.4.1 et C.4.2), figurent, concernant A______:

- deux "Consolidated investment report" de comptes pour la période du 1er janvier au 13 août 2021 (3'000'057 à 3'000'070 [C.4.1]);

- une facture d'honoraires de son conseil, avec l'ordre de paiement y relatif (3'000'071 à 3'000'072 [C.4.1]);

- un second "Consolidated investment report" pour la période du 1er janvier au 4 novembre 2021 (3'000'083 à 3'000'086 [C.4.1]; idem: 3'000'106 à 3'000'109 [C.4.1]);

- des documents "KYC" de J______ (3'000'196 à 3'000'199 [C.4.1]);

- un arbre généalogique de sa famille (3'000'251 [C.4.1]);

- un bilan comptable au 31 décembre 2016 de l'une des sociétés pour laquelle il est autorisé à signer sur le compte (cf. B.d supra; 3'000'252 à 3'000'256 [C.4.1]);

- un décompte de charges, adressé à son attention, relatif à un appartement à Genève (3'000'257 [C.4.1]; idem: 3'000'468 [C.4.2]);

- des avis d'opérations entre 2018 et 2021 sur son compte chez J______ (3'000'258 à 3'000'461 [C.4.1]);

- le passeport d'un tiers (3'000'469 [C.4.2]);

- une facture des SIG et une autre de Swisscom, adressées à ce tiers, en lien avec des raccordements pour un appartement à Genève (3'000'470 et 3'000'471 [C.4.2]);

- une facture d'électricité adressée à A______, pour un appartement à Monaco (3'000'600 à 3'000'601 [C.4.2]).


 

l. En lien avec le blocage des avoirs à Monaco, le dossier comprend notamment:

- une première demande de A______ du 7 octobre 2021, avec son chargé de pièces, en levée partielle du séquestre, pour lui permettre, en substance, de s'acquitter de factures courantes (600'032 à 600'110; idem: 3'000'091 à 3'000'099 et 3'000'114 à 3'000'122 [C.4.1]);

- une lettre du 11 octobre 2021, adressée par le Ministère public au Parquet général de Monaco, ordonnant la levée partielle du séquestre frappant le compte courant de A______ chez J______ et autorisant un transfert unique de EUR 100'000.- et un transfert mensuel, durant six mois, de EUR 25'000.- (304'038; idem: 3'000'090 et 3'000'113 [C.4.1]);

- des correspondances d'accompagnement du Ministère public et du Parquet général de Monaco (3'000'087 à 3'000'089 [C.4.1]; idem: 3'000'110 à 3'000'112 [C.4.1]);

- des procès-verbaux de la Commandante de police de Monaco des 2 et 24 novembre 2021, ordonnant l'exécution des injonctions reçues du Ministère public (3'000'100 à 3'000'104 [C.4.1])

- un courriel de J______ du 5 novembre 2021 à la Commandante de Police de Monaco confirmant le déblocage du compte (3'000'082 à 3'000'083 [C.4.1]; idem: 3'000'105 [C.4.1]);

- une demande de A______ du 1er avril 2022, également accompagnée de son chargé de pièces, visant à compléter et prolonger, pour une durée de six mois, la levée partielle du séquestre ordonnée par le Ministère public (600'186 à 600'198);

- une lettre du 4 avril 2022, adressée par le Ministère public au Parquet général de Monaco, autorisant une gestion conservatrice des comptes de A______, le transfert unique de EUR 500'000.- et prolongeant de six mois le transfert mensuel de EUR 25'000.- (304'044 à 304'045);

- une lettre d'accompagnement du Ministère public au conseil de A______, transmettant copie de la lettre précitée (304'046 et 600'199);

- deux courriers de A______ du 17 juin 2022, adressés au Ministère public et au Procureur Général adjoint de Monaco, par lesquels il a fait part de son étonnement face à l'inexécution, par J______, des instructions données par l'autorité intimée (600'200 à 600'205);

- des échanges de courriels entre le Ministère public, J______ et le Procureur Général adjoint de Monaco, relatifs à l'inexécution des instructions ordonnées par ce premier (304'047 à 304'051);

- une nouvelle demande de A______, du 19 octobre 2022, en levée partielle du séquestre (304'052 à 304'057);

- une lettre du 24 octobre 2022, adressée par le Ministère public au Parquet général de Monaco, prolongeant de six mois le transfert mensuel de EUR 25'000.- (304'058 à 304'059).

m. Par suite de l'arrêt de renvoi de la Chambre de céans (cf. B.g. supra), A______ s'est déterminé, par courrier du 23 septembre 2022, sur les conditions d'accès au dossier de B______ SA et C______ SA, demandant l'exclusion d'un certain nombre de pièces, portant notamment sur des comptes sans relation avec la procédure car appartenant à des membres de sa famille. Il existait, en outre, un risque que D______ continuât d'exercer "illégitimement" les droits liés à la qualité de partie plaignante, eu égard à l'influence qu'il était en mesure d'exercer sur les deux sociétés précitées.

n. Le 4 octobre 2022, le Ministère public a répondu qu'il n'entendait pas retrancher du dossier les éléments bancaires liés aux sociétés commerciales comprises dans le complexe de faits ayant entouré l'achat des immeubles litigieux. Il était toutefois disposé "à caviarder les transactions personnelles liées aux membres de la famille" de A______ et, dans cette optique, a invité ce dernier à fournir une liste des pièces à caviarder et/ou à retirer.

o. Le 19 octobre 2022, A______ a requis que l'accès au dossier des parties plaignantes soit restreint aux pièces dont il a fourni la liste, celles-ci portant notamment sur sa vie privée, sur des comptes sans lien avec la procédure et/ou appartenant à des membres (ou des sociétés) de sa famille. Les frères G______/I______ devaient également être invités à se déterminer s'agissant des pièces les concernant. Le Ministère public devait, en tout état, prononcer une obligation de garder le silence afin de prévenir "l'accès abusif au dossier pénal d'un tiers dont la qualité de partie plaignante a[vait] été niée" et faire interdiction à B______ SA et C______ SA de remettre des pièces à des tiers, en particulier à D______.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public, dans un premier temps, reprend, in extenso, les pièces listées par A______, décrit brièvement leur obtention et leur contenu, en nommant les sociétés ou les tiers concernés.

Dans un deuxième temps, il souligne les agissements reprochés à A______ portaient sur plusieurs dizaines de millions de francs, que les faits comportaient des ramifications internationales et qu'ils concernaient de multiples personnes physiques et morales. L'instruction nécessitait ainsi une "vision globale et non tronquée" de la réalité, pour procéder à l'analyse des flux de fonds visés par la plainte pénale. Dans ce contexte, les pièces obtenues de H______ étaient circonscrites à la période concernée et ne concernaient que A______ et les frères G______/I______. La référence à des comptes appartenant à des sociétés ou des personnes tierces ne devait pas, à ce stade, faire l'objet d'une instruction approfondie mais ne justifiait pas, en l'état, de restreindre le droit des parties plaignantes de consulter le dossier. L'atteinte à un éventuel secret ne primait pas l'accès égalitaire des parties au dossier, aucun élément ne démontrant, par ailleurs, que B______ SA et C______ SA pouvaient utiliser les informations au détriment des tiers non concernés par la procédure.

Les pièces reçues des autorités monégasques faisaient suite à une demande d'entraide internationale licite. Si A______ souhaitait s'y opposer, il aurait dû recourir dans les dix jours suivant leur versement au dossier, ce qu'il n'avait pas fait. Les pièces étaient donc intégralement maintenues, sans restriction d'accès pour les parties plaignantes.

Pour le surplus, les autres pièces n'étaient "couvertes par aucun secret qui justifierait une restriction de l'accès au dossier" et aucun élément ne permettait de penser que B______ SA et C______ SA étaient animées par une volonté d'abuser de leurs droits, de sorte qu'une injonction de garder le silence ne devait pas être prononcée.

D. a. Dans son recours, A______ demande que l'accès au dossier de B______ SA et C______ SA soit restreint aux pièces strictement nécessaires à la protection de leurs droits, à l'exclusion notamment des pièces 302'003 à 302'017, 304'038, 304'044 à 304'059, 600'032 à 600'110, 600'186 à 600'205; des pièces 3'000'025 à 3'000'036, 3'000'045 à 3'000'049, 3'000'100 à 3'000'144 des classeurs C.2.1 et C.2.2; ainsi que des pièces 3'000'057 à 3'000'072, 3'000'082 à 3'000'122, 3'000'196 à 3'000'199, 3'000'251 à 3'000'257, 3'000'258 à 3'000'461, 3'000'468 à 3'000'471, 3'000'600 à 3'000'601 des classeurs C.4.1 et C.4.2.

Il soutient disposer de la qualité pour recourir, dans la mesure où le dossier pénal contenait des informations patrimoniales et bancaires concernant lui et sa famille, protégées par le droit au secret et à la sphère privée (art. 13 Cst.). Par ailleurs, l'ordonnance querellée était déjà susceptible de porter une atteinte illicite à ses intérêts puisqu'elle dévoilait les noms de certains membres de sa famille ou de sociétés leur appartenant, de même que l'adresse privée de l'un de ses logements, inscrit au nom d'un tiers.

Sur le fond, l'ordonnance querellée consacrait une violation du droit d'être entendu et des art. 73 al. 2, 102 al. 1 et 108 al. 1 CPP.

Le Ministère public n'avait pas développé la question du risque que, par l'accès au dossier par l'intermédiaire des parties plaignantes, D______, pourtant exclu de la procédure, pût obtenir des documents. La subsomption relative au refus d'enjoindre aux parties plaignantes de garder le silence était formulée de manière générale et l'ordonnance querellée ne disait mot sur l'interdiction sollicitée visant à empêcher celles-ci de remettre des pièces à des tiers. La motivation relative aux restrictions de l'accès au dossier était également insuffisante.

Les pièces visées par sa demande en restriction d'accès permettaient l'identification de personnes et de relations économiques en lien avec sa sphère privée au sens de l'art. 13 Cst. D'autres, comme ses lettres des 23 et 19 octobre 2022, n'avaient aucune pertinence pour l'issue de la procédure et devaient donc être exclues du dossier. Pour les pièces issues de la demande d'entraide auprès des autorités monégasques, le Ministère public confondait la problématique de l'accès au dossier avec celle du versement des pièces. En tout état, le Ministère public avait envisagé le caviardage de certains documents et cette mesure permettait de préserver l'anonymat de tiers et l'exclusion d'informations non pertinentes pour la cause.

Les conditions pour enjoindre aux parties plaignantes de garder le silence sur la procédure et pour leur faire interdiction de transmettre des pièces à des tiers étaient réunies. D______, "Personne Politiquement Exposée", s'était impliqué dans la procédure alors que sa qualité de partie plaignante avait été niée et alors qu'il n'était ni administrateur, ni actionnaire de B______ SA et C______ SA. Il existait ainsi un risque que le précité usât de son influence sur les administrateurs desdites sociétés pour bénéficier "de manière abusive" de prérogatives que la loi ne lui conférait pas.

b. Dans ses observations, le Ministère public explique avoir mis en évidence, dans son ordonnance, qu'aucun élément au dossier ne permettait de penser que les parties plaignantes cherchaient à abuser de leurs droits. La thèse de A______ selon laquelle D______ tentait d'obtenir un accès indu à la procédure n'était corroborée par aucun élément. Il n'y avait donc pas de violation du droit d'être entendu.

Pour le surplus, il s'est référé à sa décision.

c. Dans leurs observations communes, B______ SA et C______ SA concluent au rejet du recours. A______ tentait de contourner les règles de la procédure de mise sous scellés, qu'il aurait dû demander immédiatement après avoir pris connaissance des pièces au dossier. L'ordonnance querellée était suffisamment motivée et respectait les principes d'accès au dossier d'une procédure pénale, prévoyant une prépondérance de l'intérêt des parties plaignantes à exercer leur droit d'être entendues. Enfin, A______ n'expliquait pas en quoi elles ne pouvaient pas tenir informés leurs actionnaires et, "en bout de course", D______, lequel, en qualité de dénonciateur, possédait déjà "un droit d'avoir accès à certaines pièces du dossier".

d. Dans sa réplique, A______ conteste les développements du Ministère public et des parties plaignantes et souligne, pour ces dernières, que leurs explications en lien avec D______ confirmaient leur intention de faire circuler les informations avec celui-ci.

e. Les parties plaignantes ont dupliqué.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et émane du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP).

Il porte sur une décision par laquelle le Ministère public refuse, non pas de verser des pièces au dossier – cette incorporation étant acquise et licite pour toutes celles concernées – mais de poser des restrictions à leur consultation et d'imposer le silence sur la présente procédure pénale aux parties plaignantes et leur conseil. Le recours est ainsi ouvert (ACPR/38/2022 du 24 janvier 2022 consid. 2; ACPR/30/2019 du 10 janvier 2019 consid. 1).

Reste à examiner si le recourant dispose de la qualité pour agir.

1.2. Selon l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision, a la qualité pour recourir contre celle-ci.

1.2.1. Cet intérêt doit être actuel et pratique. De cette manière, les tribunaux sont assurés de trancher uniquement des questions concrètes et non de prendre des décisions à caractère théorique. Ainsi, l'existence d'un intérêt de pur fait ou la simple perspective d'un intérêt juridique futur ne suffit pas. Une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède donc pas la qualité pour recourir et son recours est irrecevable (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1 p. 84 s. et les arrêts cités).

Il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir lorsque celle-ci n'est pas d'emblée évidente (arrêts du Tribunal fédéral 1B_339/2016 du 17 novembre 2016 consid. 2.1; 1B_242/2015 du 22 octobre 2015 consid. 4.2 et les références citées).

1.2.2. Lorsque des participants à la procédure, parmi lesquels les tiers touchés par des actes de procédure (art. 105 al. 1 let. f CPP), sont directement touchés dans leurs droits, la qualité de partie leur est également reconnue, dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de leurs intérêts (art. 105 al. 2 CPP).

1.3. En l'espèce, la vaste majorité des pièces listées par le recourant le concernent lui directement, son nom étant à tout le moins mentionné, ou indirectement, au travers de comptes sur lesquels il dispose d'un pouvoir de disposition. Dans cette mesure, il dispose d'un intérêt juridiquement protégé à s'opposer à leur accès aux parties plaignantes.

En revanche, les pièces 3'000'469 à 3'000'471 (classeur C.4.2) font référence au passeport d'un tiers et à des factures adressées à ce dernier. Même si le recourant prétend que ces factures seraient relatives à un appartement lui appartenant, ce qu'il ne démontre au demeurant pas, force est de constater qu'il n'est pas visé par ces documents. Il s'ensuit que son recours est irrecevable les concernant, la qualité pour agir revenant en l'occurrence au tiers en question.

Il en va de même pour les pièces 3'000'251 à 3'000'256. Il s'agit d'un bilan comptable relatif à une société anonyme. Certes, il s'agit de l'une des sociétés pour lesquelles il bénéficie d'un droit de signature sur la relation bancaire auprès de H______. Cela étant, il n'est pas établi qu'il occuperait un rôle d'organe au sein de cette société, si bien qu'il ne saurait prétendre à un intérêt juridiquement protégé à l'égard de cette pièce.

Le recourant ne saurait non plus se prévaloir d'une atteinte à la sphère privée de membres de sa famille ou de sociétés, qui jouissent d'une personnalité juridique distincte.

Enfin, le Ministère public a d'ores et déjà retiré du dossier les pièces 3'000'071 et 3'000'072 [C.4.1], si bien que le recours, en tant qu'il porte sur celles-ci, est sans objet.

Pour le surplus, le recourant dispose d'un intérêt juridiquement protégé pour contester le refus d'obligation de garder le silence.

2.             Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, afférent à une motivation lacunaire de l'ordonnance querellée.

2.2. La garantie du droit d'être entendu, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 p. 41).

L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents. La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 143 III 65 consid. 5.2 p. 70; arrêt du Tribunal fédéral 6B_226/2019 du 29 mars 2019 consid. 2.1).

Dans tous les cas, une violation de ce droit peut toutefois être réparée. En effet, le Tribunal fédéral admet la guérison – devant l'autorité supérieure qui dispose d'un plein pouvoir d'examen – de l'absence de motivation, pour autant que l'autorité intimée ait justifié et expliqué sa décision dans un mémoire de réponse et que le recourant ait eu la possibilité de s’exprimer sur ces points dans une écriture complémentaire; il ne doit toutefois en résulter aucun préjudice pour ce dernier (ATF 125 I 209 consid. 9a p. 219; 142 II 218 consid. 2.8.1 p. 226). La Haute Cour admet également la réparation d’une violation du droit d’être entendu, y compris en présence d'un vice grave, lorsqu’un renvoi à l'instance inférieure constituerait une vaine formalité, respectivement aboutirait à un allongement inutile de la procédure, incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 145 I 167 consid. 4.4 p. 174; 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197).

2.3. En l'espèce, le Ministère public a refusé d'imposer aux parties plaignantes une obligation de garder le silence, dès lors qu'aucun élément au dossier ne permettait de penser qu'elles étaient animées par une volonté quelconque d'abuser de leurs droits.

Dans son acte, le recourant invoque l'existence d'un tel risque d'abus, ce qui permet de conclure qu'il a parfaitement compris la motivation, même succincte, de l'ordonnance querellée sur ce point.

Il est exact que cette décision n'examine pas la possibilité, pourtant évoquée par le recourant, d'interdire aux parties plaignantes de transmettre des pièces de la procédure à des tiers. Cela étant, cette hypothèse – non prévue expressément par le CPP – ne constitue qu'un éventuel prolongement de l'obligation de garder le silence et suppose, de ce fait, la réalisation des mêmes conditions.

Le Ministère public pouvait ainsi se limiter à nier la réalisation des conditions de la mesure principale sans s'attarder sur son extension.

Le Ministère public a refusé de restreindre l'accès au dossier des parties plaignantes, expliquant brièvement, pour les pièces listées par le recourant, pourquoi une telle mesure ne se justifiait pas. Là encore, il ressort de l'argumentation – principale – développée par le recourant qu'il a parfaitement compris les motifs ayant guidé l'autorité intimée.

Pour tous ces aspects, le grief lié à la motivation lacunaire de l'ordonnance querellée doit donc être rejeté.

Le Ministère public n'a, en revanche, consacré aucune ligne à la question – soulevée à réitérées reprises par le recourant – de l'éventuel risque que D______ puisse accéder à des informations contenues dans la procédure.

Cela étant, à supposer que cette absence de motivation consacre une violation du droit d'être entendu, ce vice aurait été réparé durant la procédure de recours. En effet, dans ses observations, le Ministère public a rejeté la thèse défendue par le recourant selon laquelle D______ tenterait d'obtenir un accès indu à la procédure, au motif qu'elle n'était corroborée par aucun élément. Le recourant a eu l'opportunité de répliquer à ces considérations par-devant la Chambre de céans, qui dispose d'un plein pouvoir de cognition (art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP).

À cela s'ajoute qu'un renvoi de la cause au Ministère public constituerait une vaine formalité, pour les raisons qui seront exposées aux points 3.5 et 3.6 infra.

Ces considérations scellent le sort du grief pris dans sa globalité.

3.             Le recourant soutient que l'accès des parties plaignantes au dossier de la procédure doit être restreint, en particulier pour des pièces dont il a produit une liste exhaustive.

3.1. Le droit d'être entendu, consacré à l'art. 29 al. 2 Cst., permet au justiciable de consulter le dossier avant le prononcé d'une décision. Il est concrétisé, en procédure pénale, par les art. 101 al. 1 et 107 al. 1 let. a CPP, qui fondent le droit des parties de consulter le dossier de la procédure pénale. Ce droit comprend la consultation des pièces au siège de l’autorité, la prise de notes et la délivrance de photocopies (ATF 122 I 109 consid. 2b p. 112). Il concrétise également le principe de l'égalité des armes, lequel suppose notamment que les parties aient un accès identique aux pièces versées au dossier (ATF 137 IV 172 consid. 2.6 p. 176; ATF 122 V 157 consid. 2b p. 163 s). Le droit de consulter les pièces du dossier n'est toutefois pas absolu et peut être limité pour la sauvegarde d'un intérêt public prépondérant, dans l'intérêt d'un particulier, voire même dans l'intérêt du requérant lui-même (ATF 122 I 153 consid. 6a p. 161 et les arrêts cités).

3.2. Des restrictions au droit de consulter le dossier doivent être ordonnées avec retenue et dans le respect du principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 1B_245/2015 du 12 avril 2016 consid. 5.1; 1B_315/2014 du 11 mai 2015 consid. 4.4).

Dans la mesure où l'accès au dossier – et, par conséquent, à des données personnelles – constitue un inconvénient potentiel inhérent à l'existence d'une procédure pénale (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1B_344/2019 du 16 janvier 2020 consid. 2.1; 1B_399/2018 du 23 janvier 2019 consid. 2.1; 1B_261/2017 du 17 octobre 2017 consid. 2), l'intérêt du prévenu doit en principe passer au second plan par rapport à celui de la partie plaignante à pouvoir valablement exercer son droit d'être entendue, garanti notamment par les art. 6 § 1 CEDH et 29 al. 2 Cst.

Il en va de même en tant que des documents versés au dossier sont couverts par le secret bancaire, celui-ci n'étant pas susceptible d'empêcher les parties d'exercer leur droit d'être entendues, à tout le moins lorsqu'il s'agit de la consultation de pièces versées à un dossier pénal (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_112/2019 du 16 octobre 2019 consid. 3.2.3 et les références).

La présence au dossier de pièces de cette nature présuppose que la mise en balance avec les intérêts de la poursuite pénale a déjà été effectuée par les autorités, de sorte que leur non-communication subséquente devrait s'avérer exceptionnelle (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 6 ad art. 108). Il appartient toutefois à celui qui se prévaut d'un intérêt au maintien du secret supérieur à celui à la manifestation de la vérité de le rendre vraisemblable (cf., en matière de scellés, ATF 145 IV 273 consid. 3.3. p. 277).

3.3. La direction de la procédure, lorsqu'elle statue sur la consultation des dossiers, doit prendre les mesures nécessaires pour prévenir les abus et les retards et pour protéger les intérêts légitimes au maintien du secret (art. 102 al. 1 CPP). Tel peut être notamment le cas lorsque les pièces de la procédure révèlent des éléments relevant du domaine secret d'une partie, d'un participant à la procédure ou d'un tiers, et qui sont sans pertinence directe pour l'issue de la procédure. Il s'agit là d'un cas particulier de restriction du droit d'être entendu tel qu'il est énoncé, de manière générale, à l'art. 108 al. 1 CPP, lequel permet aux autorités pénales de restreindre le droit d'une partie à être entendue lorsqu'il y a de bonnes raisons de soupçonner que cette partie abuse de ses droits ou lorsque cela est nécessaire pour assurer la sécurité de personnes ou pour protéger des intérêts publics ou privés au maintien du secret (G. PIQUEREZ / A. MACALUSO, Procédure pénale suisse, 2011, p. 162 n. 474 et 475). Le cas échéant, les autorités pénales devront prendre les mesures nécessaires au maintien de l'anonymat des clients, au moyen d'un tri ou d'un caviardage, total ou partiel, de certains documents (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 2 ad art. 102 et la référence).

3.4. La restriction prévue à l'art. 108 al. 1 CPP n'est toutefois admissible que si un abus a été constaté ou si des éléments concrets permettent d'en soupçonner l'existence. Une simple mise en danger des intérêts de la procédure ou du bon développement de l'enquête ne suffit pas (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 2 ad art. 108). À titre exemplatif, la doctrine considère comme abusif le fait de requérir l'accès au dossier pénal en vue de retarder la procédure, empêcher la manifestation de la vérité, orienter des participants à des procédures pénales ou civiles parallèles ou encore, rendre public les résultats de l'instruction (J.-P. GRETER / F. GISLER, Le moment de la consultation du dossier pénal et les restrictions temporaires à son accès, Forumpoenale 05/2013 301, p. 304). Il est toutefois discutable – et discuté – de savoir si le motif concret permettant de supposer qu'une partie autorisée à consulter le dossier utilise les informations ainsi obtenues pour les communiquer à des personnes impliquées dans des procédures pénales ou civiles parallèles constitue un abus de droit (cf.: M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd., Bâle 2014, n. 5 ad art. 108 et N. SCHMID / D. JOSITSCH, Handbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, 3e éd., Zurich, 2017). La Chambre de céans est plutôt favorable à une réponse affirmative à cette question, pour autant que le motif soit réalisé (cf. ACPR/38/2022 du 24 janvier 2022 consid. 5.1; ACPR/196/2020 du 13 mars 2020 consid. 2.2).

3.5. En l'espèce, le recourant ne cherche pas à empêcher l'autorité pénale d'accéder aux pièces, mais les parties plaignantes. La voie de droit suivie était adéquate, et la demande de restriction d'accès au dossier peut être formulée en tout temps.

Le recourant allègue que certaines pièces versées au dossier, en particulier celles listées dans son recours, contiennent des informations personnelles, patrimoniales et bancaires le concernant, ce qui n'est pas contesté. Sur cette base, il invoque la protection de la sphère privée (art. 13 Cst.) et du secret bancaire.

Il est inhérent à la procédure pénale que des documents comme ceux litigieux se retrouvent au dossier. Il est même indispensable à l'instruction d'avoir – en cas d'affaires financières, comme c'est le cas en l'occurrence – des états de comptes et des avis d'opération.

Le cas d'espèce ne fait pas exception. En effet, les pièces afférentes à des relations bancaires appartenant au recourant ou sur lesquelles il jouit (ou jouissait) d'un pouvoir de disposition apparaissent, en l'état, pertinentes pour identifier et retracer tout flux financier suspect qui aurait pu transiter sur l'un de ces comptes. Ces pièces (302'003 à 302'017, 3'000'025 à 3'000'036, 3'000'045 à 3'000'049 et 3'000'100 à 3'000'144 des classeurs C.2.1 et C.2.2, 3'000'057 à 3'000'070, 3'000'083 à 3'000'086 et 3'000'258 à 3'000'461 des classeurs C.4.1 et C.4.2) revêtent ainsi une importance toute particulière dans la recherche de la vérité.

En conséquence, l'intérêt des parties plaignantes à pouvoir les consulter librement prime toute forme de restriction à leur accès.

Parmi les autres pièces listées par le recourant, la plupart ont trait à des aspects de sa vie quotidienne et personnelle. Cela inclut l'arbre généalogique de sa famille (3'000'251 [C.4.1]), ses factures courantes (3'000'600 à 3'000'601 [C.4.2],


3'000'257 [C.4.1]), la documentation "KYC" le concernant (3'000'196 à 3'000'199 [C.4.1]) ou, plus globalement, ses demandes en levée partielle de séquestre, et les chargés de pièces les accompagnant, touchant essentiellement à sa situation financière (304'052 à 304'057, 600'032 à 600'110, 600'186 à 600'198). Les informations contenues par ces documents ne sont couvertes par aucun secret.

Il en va de même pour les dernières pièces, qui se rapportent à des échanges entre le recourant, le Ministère public et les autorités de poursuite monégasques en lien avec l'exécution des levées partielles de séquestre (304'038, 3'000'087 à 3'000'089 [C.4.1], 3'000'100 à 3'000'104 [C.4.1], 3'000'082 à 3'000'083 [C.4.1], 304'044 à 304'045, 304'046, 600'200 à 600'205, 304'047 à 304'051 et 304'058 à 304'059). Il s'agit d'actes – voire de prononcés – de nature, avant tout, procédurale.

En définitive, même si les pièces mises en exergue par le recourant sont, en partie, couvertes par le secret bancaire, cela ne constitue pas, per se, un obstacle à leur consultation par les parties plaignantes puisqu'elles s'avèrent pertinentes pour la cause. En conséquence, l'intérêt des parties plaignantes à pouvoir les consulter librement prime toute forme de restriction à leur accès. Pour l'autre partie, elles n'apparaissent pas comme étant essentielles dans la recherche de la vérité, mais ne sont couvertes par aucun secret. Le recourant ne peut donc faire valoir aucun secret justifiant la mise en œuvre d'une mesure au sens de l'art. 102 al. 1 CPP, comme un caviardage par exemple.

3.6. Seul l'existence d'un risque concret d'un abus du droit de consulter le dossier par les parties plaignantes, au sens de l'art. 108 al. 1 let. a CPP, permettrait alors de restreindre les droits de celles-ci.

Or, le recourant échoue dans cette démonstration.

Selon lui, le danger viendrait du fait que D______, une "Personne Politiquement Exposée", pourrait obtenir un accès "indu" aux pièces de la procédure par le biais des parties plaignantes, sur lesquelles il serait en position d'exercer une influence.

Ces développements sont purement conjecturaux. Certes, le précité a initialement porté plainte en son nom propre, avant de voir sa qualité de partie plaignante déniée. Il apparaît également comme ayant droit économique des deux sociétés intimées. Pour autant, aucun élément ne permet de démontrer qu'il s'immiscerait dans les affaires de ces dernières, ni qu'il chercherait à obtenir des pièces de la procédure.

Fût-il le cas, le risque d'un abus ne saurait malgré tout être retenu.

En effet, le recourant n'explique pas quel usage abusif les parties plaignantes – ou même D______ – feraient des pièces ainsi obtenues. En particulier, il n'est fait aucune mention d'une procédure civile ou pénale parallèle, en Suisse ou à l'étranger, impliquant le recourant dans laquelle les documents litigieux pourraient être utilisés en sa défaveur. Plus globalement, malgré les nombreuses écritures du recourant pour s'opposer à la consultation du dossier par les parties plaignantes, il n'en ressort aucun risque concret qu'un tel accès aurait pour conséquence de lui porter préjudice par la suite, hormis l'atteinte à sa sphère privée dont il a été rappelé qu'elle est inhérente à toute procédure pénale.

Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de restreindre l'accès au dossier aux parties plaignantes. Partant, l'ordonnance querellée peut être confirmée sur ce point et ne saurait également être critiquée du fait qu'elle contenait le nom des tiers visés.

4.             Le recourant demande qu'il soit enjoint aux parties plaignantes de garder le secret et de ne pas transmettre de pièces du dossier à des tiers.

4.1. Si l'art. 69 al. 3 let. a CPP dispose que la procédure préliminaire n'est pas publique, le régime est toutefois différent pour les personnes visées par l'art. 73 al. 2 CPP. Ces dernières ne sont en principe tenues de respecter le secret de l'enquête que si la direction de la procédure les y a enjoint, et pour autant que le but de la procédure ou un intérêt privé le requiert. La règle est donc que les parties et les autres participants à la procédure sont libres de s'exprimer sur une affaire sauf injonction contraire émanant de la direction de la procédure assortie de la commination prévue à l'art. 292 CP. Le CPP a ainsi renoncé à sanctionner la violation du secret de l'enquête par une contravention de procédure sui generis. L'art. 293 CP (publication de débats officiels secrets) est par ailleurs évidemment réservé, étant précisé que le champ d'application de cette disposition est plus restreint que celui de l'art. 73 CPP (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit, n. 9 ad art. 73).

Une obligation de garder le secret ne peut être imposée qu'avec retenue et en présence d'un motif concret, soit par exemple lorsqu'existe le danger que les destinataires de la décision ne parviennent, à défaut, à influencer des témoins non encore entendus (N. SCHMID / D. JOSITSCH, Schweizerische Strafprozess-ordnung : Praxiskommentar, 3e éd., Zurich 2017, n. 7 ad art. 73) ou ne fassent des révélations publiques avant l'administration des preuves essentielles (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 24 ad art. 73).

4.2. En l'espèce, comme développé supra (consid. 3.6), aucun motif concret ne permet, en l'état, de retenir un quelconque risque d'abus de la part des parties plaignantes.

Les injonctions requises par le recourant n'ont donc pas lieu d'être.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 2'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

7.             Les parties plaignantes, représentée par un avocat commun et qui obtiennent gain de cause, ont conclu au versement d'une indemnité de CHF 8'023.50, à charge du recourant (art. 433 al. 1 let. a CPP, applicable en procédure de recours par l'art. 436 al. 1 CPP).

Ce montant paraît excessif – même si les observations contiennent quarante pages, dont quinze sont consacrées aux développements juridiques, et une duplique de six pages – puisque les arguments auraient pu être développés de manière plus succincte.

L'indemnité sera donc ramenée à CHF 3'769.50 (TVA à 7.7% incluse).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 2'500.-.

Alloue à B______ SA et C______ SA, à la charge du recourant, une indemnité de CHF 3'769.50, TVA (7.7%) incluse.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et aux parties plaignantes, soit pour eux leurs conseils respectifs, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et
Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/21431/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

2'405.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

2'500.00