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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11842/2017

ACPR/38/2022 du 24.01.2022 sur OMP/14191/2021 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.02.2022, rendu le 14.07.2022, REJETE, 1B_55/2022
Recours TF déposé le 03.02.2022, rendu le 14.07.2022, IRRECEVABLE, 1B_53/2022
Recours TF déposé le 01.03.2022, rendu le 14.07.2022, IRRECEVABLE, 1B_90/2022
Recours TF déposé le 08.02.2022, rendu le 14.07.2022, IRRECEVABLE, 1B_63/2022
Descripteurs : ADMINISTRATION DES PREUVES;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;SECRET BANCAIRE;SECRET D'AFFAIRES;INTÉRÊT PUBLIC;PESÉE DES INTÉRÊTS;RECTIFICATION DE LA DÉCISION;CONSULTATION DU DOSSIER;ANONYMAT
Normes : CPP.102; CPP.108; CPP.139; LB.47; LFINMA.38

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11842/2017 ACPR/38/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 24 janvier 2022

Entre

A______ AG, ayant son siège ______, comparant par Me Clara POGLIA, avocate,
Étude Schellenberg Wittmer S.A., rue des Alpes 15bis, case postale 2088, 1211 Genève 1,

B______, C______ SA, D______ Ltd et E______ Ltd, comparant par
Mes Sandrine GIROUD et Nicolas OLLIVIER, avocats, Etude LALIVE SA, rue de la Mairie 35, 1207 Genève,

F______, comparant par Me Marc HASSBERGER, avocat, Chabrier Avocats S.A.,
rue du Rhône 40, case postale 1363, 1211 Genève 1,

G______, H______ Inc., I______, J______ Inc. et la S.C.I. K______, comparant par Me Giorgio CAMPA, avocat, avenue Pictet-de-Rochemont 7, 1207 Genève,

recourants et intimés

 

contre l'ordonnance rendue le 15 septembre 2021 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé

 


EN FAIT :

A. a. F______ (par acte expédié le 24 septembre 2021), A______ AG (par acte expédié le 27 septembre 2021), B______, C______ SA, D______ Ltd et E______ Ltd (par acte expédié le 27 septembre 2021), G______, H______ Inc., I______, J______ Inc. et la S.C.I. K______ (par acte expédié le 27 septembre 2021) recourent contre l'ordonnance du 15 précédent, qui leur a été notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public décide de verser au dossier un rapport (ci-après, le rapport L______) transmis à l'Autorité de surveillance des marchés financiers (ci-après, FINMA), sous réserve de certains chapitres ou sous-chapitres.

b. Les recourants concluent tous, principalement, à l'annulation de cette décision.

b.a. F______, qui a payé les sûretés en CHF 1'000.- réclamées par la Direction de la procédure, conclut à ce que le rapport susmentionné soit accessible sans restriction ni caviardage ou, à tout le moins, que certains chapitres, qu'elle désigne, soient accessibles.

b.b. A______ AG conclut à ce que, seule, une version déjà caviardée par elle-même dudit rapport soit versée au dossier ou, subsidiairement, à ce que le Ministère public caviarde le document selon la méthode qu'elle préconise dans son recours. Elle demande, à titre provisionnel, que le droit de consultation du rapport par les parties plaignantes soit suspendu.

b.c. B______, C______ SA, D______ Ltd et E______ Ltd, qui ont payé les sûretés en CHF 2'500.- réclamées par la Direction de la procédure, concluent à ce qu'un accès intégral au rapport L______ soit autorisé ou, à tout le moins, à certains chapitres, qu'ils désignent.

b.d. G______, H______ Inc., I______, J______ Inc. et la S.C.I. K______, qui ont payé les sûretés en CHF 2'500.- réclamées par la Direction de la procédure, concluent à ce qu'aucun caviardage ne soit pratiqué. Ils demandent par avance que toute demande d'effet suspensif émanant de A______ AG soit rejetée.

À titre liminaire, I______ déclare, documents apostillés à l'appui, avoir seul succédé, à l'exclusion de sa sœur N______, à son père, I______, mort le 16 février 2021, dans tous les comptes que le défunt détenait auprès de A______ AG, ainsi que dans la société J______ Inc.

c. Les mesures provisionnelles demandées par A______ AG ont été accordées, respectivement maintenues, par la Direction de la procédure les 29 septembre 2021 (OCPR/41/2021) et 25 octobre 2021 (OCPR/48/2021). Le recours interjeté contre ces décisions par B______, C______ SA, D______ Ltd et E______ Ltd a été déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral le 8 décembre 2021 (arrêt 1B_594/2021).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.             Le 9 février 2018, M______, employé de A______ AG en qualité de chargé des relations clientèle ("relationship manager") pour le comptoir Russie/Ukraine/Asie centrale, avec en dernier lieu le titre de directeur, à Genève, a été condamné par le Tribunal correctionnel à une peine privative de liberté de cinq ans, confirmée le 26 juin 2019 par la juridiction d'appel (AARP/217/2019), pour avoir commis des détournements répétés, notamment au préjudice de A______ AG et des recourants.

Les recours interjetés au Tribunal fédéral ont, pour la plupart, été rejetés dans la mesure de leurs recevabilités, le 19 février 2020; deux ont été partiellement admis, la cause ayant été renvoyée à l'autorité cantonale pour acquitter M______ de certains chefs d'accusation d'escroquerie par métier et d'abus de confiance aggravé et pour revoir le prononcé de certaines créances compensatrices.

Les biens immobiliers que la S.C.I. K______ détenait en France pour G______ ont été confisqués, pour avoir été le remploi de fonds détournés (cf. les arrêts AARP/217/2019, consid. 9.2., et 6B_1002/2019, consid. 13.2.1.).

b.             Pendant la procédure préliminaire, la responsabilité pénale de A______ AG a été mise en cause par des parties plaignantes. Le 7 juin 2017, le Ministère public a créé, par disjonction, une nouvelle procédure, considérant que cette question devait être instruite séparément.

c.              Après avoir consulté au printemps 2019 les parties plaignantes (qui se sont déterminées les 29 avril, 31 mai et 7 juin 2019) et A______ AG sur les faits qui seraient constitutifs de blanchiment d'argent ou de corruption, chefs d'accusation dont l'imputation à la banque était seule possible (art. 102 al. 2 CP) conjointement aux accusations déjà portées contre M______, le Ministère public s'est tourné vers la FINMA, le 30 juillet 2019, pour lui demander copie du rapport L______, que cette autorité avait fait établir par suite des événements imputés au prénommé et qui avait donné lieu à un communiqué de presse, le 17 septembre 2018 ("La FINMA constate des manquements dans la lutte contre le blanchiment d’argent chez A______ AG"; cf. https://www.finma.ch/fr/______/).

La FINMA s'est exécutée le 11 septembre 2019.

d.             Le 3 octobre 2019, le Ministère public a avisé les parties plaignantes et A______ AG qu'il avait reçu le rapport de la FINMA. La banque a réagi par retour du courrier, rappelant avoir demandé à la FINMA une mise sous scellés du rapport, à titre préventif. Le Ministère public lui a répondu le 7 octobre 2019 que le document était scellé "ce jour". Le recours interjeté contre cette décision par des parties plaignantes a été rejeté le 12 décembre 2019 (ACPR/984/2019).

e.              Les scellés ont été levés par le Tribunal des mesures de contrainte le 13 décembre 2019, avec la précision que le rapport serait remis au Ministère public à l'issue d'un éventuel recours au Tribunal fédéral.

f.              Le 19 juin 2020, le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par A______ AG contre cette décision (arrêt 1B_59/2020). Le Tribunal fédéral retient que les autorités pénales du canton étaient saisies de faits proches de ceux examinés par la FINMA "pour le moins dès l'ordonnance de disjonction du 7 juin 2017" et que le statut d'employé de A______ AG revêtu par M______, les infractions retenues contre lui et l'absence de traçabilité des fonds suffisaient sous l'angle de l'art. 102 al. 2 CP (consid. 5.2.).

g.             Le consid. 6 de l'arrêt se lit comme suit :

"La recourante reproche [ ] à l'autorité précédente d'avoir considéré que le Rapport en question pourrait être utile à la procédure et que le secret des affaires ne primerait pas la recherche de la vérité [ ].

Dans la mesure où une motivation contenue principalement dans une note de bas de page suffirait à remettre en cause l'utilité potentielle de la pièce litigieuse [ ], la recourante reconnaît toutefois aussi que son contenu porte notamment sur sa structure organisationnelle, sur sa stratégie commerciale en matière de gestion de fortune ainsi que sur ses mécanismes de contrôle interne [ ], soit des questions pouvant entrer en considération dans le cadre d'une éventuelle application de l'art. 102 al. 2 CP.

Pour ces mêmes motifs (utilité du contenu et infraction visée), le secret des affaires invoqué par rapport à ces mêmes problématiques ne saurait primer la recherche de la vérité. Cette appréciation est également conforme au principe de proportionnalité dès lors que toute mesure de protection au sens des art. 102 et 108 CPP ne paraît pas d'emblée exclue en cas de demande de consultation de la part des parties plaignantes; un caviardage ou une limitation de consultation peut entrer en considération indépendamment du volume de la pièce en cause (cf. les 272 pages du Rapport)."

h.             Le 4 août 2020, A______ AG a demandé au Ministère public que le rapport L______ ne soit pas versé à la procédure, au motif que le volet "régulatoire" de l'affaire ne concernait pas les autres intervenants et que la divulgation de cet aspect pourrait porter atteinte à son intérêt privé, notamment par une médiatisation "incontrôlée et abusive" de "ses contours"; subsidiairement, seule une version caviardée devrait être versée au dossier.

i.               Le 19 août 2020, le Procureur a décidé de verser le rapport à la procédure, tout en en limitant la consultation [intégrale] au siège du Ministère public, avec interdiction d'en prélever des copies ou d'en faire des photographies.

j.               Le 11 juin 2021, la Chambre de céans a partiellement admis le recours interjeté par A______ AG contre cette décision (ACPR/395/2021) et a invité le Ministère public à caviarder les passages "sans pertinence pour l'issue du litige, tout en revêtant un caractère secret", qui justifierait l'intérêt privé prépondérant de la banque à ce que les autres parties n'en prissent pas connaissance (consid. 3.6.). Elle a simultanément rejeté le recours formé contre la même décision par B______, C______ SA, D______ Ltd et E______ Ltd.

k.             Le 8 décembre 2021, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevables les recours formés contre cette décision par F______ (1B_388/2021), G______, H______ Inc., I______ (fils), N______, J______ Inc. et la S.C.I. K______ (1B_396/2021), ainsi que par B______ (1B_428/2021).

l.               Le 6 juillet 2021, le Ministère public a enjoint aux parties plaignantes, pour une durée de six mois, de garder le silence sur le contenu du rapport L______ et de ne pas le divulguer, sous menace de la peine prévue à l'art. 292 CP. Des recours sont pendants contre cette décision, dont les effets ont été prorogés pour une nouvelle durée de six mois, le 21 décembre 2021. Cette prolongation a également été frappée d'un recours.

m.           Le 13 août 2021, consultée par le Ministère public, A______ AG a remis à cette autorité, un exemplaire du rapport L______ caviardé selon ses desiderata, soit la version qu'il conviendrait selon elle de verser au dossier.

C. a. Dans la décision attaquée, le Ministère public rappelle que l'intérêt à la manifestation de la vérité l'emporte sur le secret des affaires.

Étaient, dès lors, pertinents tous les passages du rapport L______ qui analysaient : le comportement de M______; la surveillance de celui-ci et l'organisation du service auquel il était rattaché; ainsi que le système de lutte anti-blanchiment, conformité, contrôle et gestion des risques au sein de la banque. Ces passages correspondaient aux ch. 3.3., 3.5, 4. (sauf 4.4., 4.6. et 4.7.), 5 à 7 et 9 et 10.

Le résumé introductif, la table des matières, la liste des abréviations, l'index des tableaux et la liste des annexes ne seraient pas caviardés, car ne comportant aucun secret digne de protection.

En revanche, les chapitres 2 (méthodologie), 3.1. et 3.2. (stratégie globale de la banque), 3.4. (stratégie commerciale de la banque), 4.4. (processus internes et "IT"), 4.6. (analyse globale des directives internes), 4.7. (niveaux hiérarchiques et système global de rémunération) et 8 (mesures organisationnelles faisant suite au rapport) seraient caviardés, à l'exception de ce qui concernait M______ à la section 3.4.4.1. du chapitre 3. Ces passages n'étaient pas pertinents pour la procédure et contenaient des informations couvertes par "un" secret.

b. Par pli du même jour que l'ordonnance attaquée, le Ministère public a transmis à A______ AG le rapport L______ dans la version correspondant au caviardage qu'il a décidé.

D. a. À l'appui de son recours, A______ AG rappelle avoir déjà indiqué au Ministère public, à la demande de cette autorité, quels étaient précisément les passages du rapport L______ qui ne concernaient pas la procédure. Il convenait que l'autorité de recours s'y reportât. Or, une "grande partie" des informations que la décision querellée rendait accessibles comportait toujours des secrets. La pesée d'intérêts entre la restriction souhaitée et le droit d'être entendu des autres parties devait conduire à caviarder tout ce qui n'était pas en lien avec un prétendu défaut d'organisation, au sens de l'art. 102 al. 2 CP, et pour autant qu'un éventuel blanchiment d'argent fût concerné.

Si ces limitations étaient trop extensives, un seuil ne saurait en tout cas pas être franchi, soit l'accès aux chapitres 3.4.4.1. (masse sous gestion de M______ et nombre de relations à lui confiées), 4.3. (audits externes sans lien avec la procédure pénale; audits internes, sauf "rares éléments"), 6.1. (à l'exception des ch. 6.1.3. et 6.1.5.), 6.5. (performances réalisées au profit de B______) et 6.6. (système anti-fraude, et non système anti-blanchiment, à l'exception éventuelle du ch. 6.6.7.), 6.8. à 6.12. (investissements P______; méthodes de communication avec la clientèle; prêts et appels de marge relatifs à B______; risques, conflits et conseils en matière d'investissement; conformité des investissements discrétionnaires touchant B______), 7.2. (collaborateurs non concernés de la banque, à l'exception du ch. 7.2.6.) et 7.3.2. à 7.3.4. (surveillance du négoce; surveillance et "reporting" de "shareholdings"; sanctions disciplinaires contre M______).

Il devrait en aller de même des résumés du rapport, de la table des matières, de la liste des abréviations, de l'index des tableaux et de la liste des annexes, puisqu'ils étaient tous consacrés à des passages tenus pour confidentiels par le Ministère public lui-même.

En définitive, seule, sa proposition de caviardage soumise au Procureur avant qu'il ne statue était conforme à la décision rendue le 11 juin 2021 par la Chambre de céans.

b. À l'appui de son recours, F______ relève, tout au contraire, que la banque avait obtenu un caviardage très étendu, sans qu'elle-même n'eût été consultée. Son droit d'être entendu avait en conséquence été violé. Par ailleurs, la décision attaquée consacrait une violation du principe de l'égalité des armes et n'était ni apte ni nécessaire à atteindre son but, puisqu'une copie du rapport avait déjà été diffusée aux parties [cf. ACPR/395/2021]. Le Ministère public avait appliqué l'art. 108 al. 1 let. b CPP "à l'envers", en ce sens qu'il n'avait pas préalablement déterminé quel secret concret il s'agissait de préserver.

Pour le surplus, F______ prend, point par point, le contre-pied des choix énoncés par le Ministère public dans l'ordonnance attaquée.

c. À l'appui de leur recours, B______, C______ SA, D______ Ltd et E______ Ltd se plaignent, eux aussi, de n'avoir pas été consultés avant le prononcé de l'ordonnance attaquée, en violation de leur droit d'être entendus. Le caviardage mis en œuvre les empêchait d'établir la responsabilité pénale de la banque. Ainsi, la description des systèmes informatiques de celle-ci était nécessaire à la vérification de la conformité aux exigences de l'OBA-FINMA à ce sujet. Le chapitre 3.1. avait trait aux restructurations drastiques de la banque. Or celles-ci n'avaient pas permis de "traiter correctement" les infractions commises par M______. Le chapitre 3.2. s'attachait à la ségrégation des clients privés qui était intrinsèquement liée aux obligations de lutte anti-blanchiment. Le chapitre 3.4. concernait non seulement le prénommé, mais aussi la possible responsabilité pénale d'autres employés en matière de blanchiment d'argent. Le chapitre 4.4. portait sur la détection des risques accrus, pour lesquels l'OBA-FINMA exigeait un instrument de dépistage et de filtrage, sauf à encourir une organisation inadéquate au sens de l'art. 102 CP : ce chapitre avait donc sa place au dossier, tout comme celui consacré aux directives internes (chapitre 4.6.). La description du système de rémunération (chapitre 4.7.) n'avait rien de secret. Quant au chapitre 8, son objet avait été cité à de nombreuses reprises par le Tribunal correctionnel dans son jugement de M______. Le Ministère public n'expliquait pas en quoi les passages caviardés étaient secrets, privés ou sans pertinence, alors que sa décision empêchait de se préparer de manière complète et efficace pour les auditions de témoins à venir.

B______, C______ SA, D______ Ltd et E______ Ltd estiment par avance, mais sans y conclure formellement, que toute demande d'effet suspensif devrait être rejetée.

d. À l'appui de leur recours, G______, H______ Inc., I______, J______ Inc. et la S.C.I. K______ estiment que l'autorité de recours avait retenu "de façon invraisemblable", dans sa décision du 11 juin 2021, que des passages du rapport L______ pussent encore être sans pertinence ou secrets, puisque le document avait été divulgué par suite d'une erreur de la banque elle-même, à l'occasion d'une écriture judiciaire [cf. ACPR/395/2021]. Dès lors, le recours propre de la banque devenait sans objet. Pour le surplus, il suffisait de se reporter à l'intitulé des chapitres caviardés pour asseoir l'utilité potentielle de ceux-ci.

e. À réception des recours et sûretés, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             Tous les recours, s'en prenant à une même ordonnance, le cas échéant pour des motifs diamétralement opposés, seront joints pour être tranchés dans une seule décision.

2.             Les parties recourantes, tant la prévenue (art. 104 al. 1 let. a CPP) que les parties plaignantes (art. 104 al. 1 let. b CPP), ont qualité pour contester une décision qui a pour effet, non pas de verser une pièce au dossier – cette incorporation étant acquise (ACPR/395/2021 consid. 1.1.) –, mais de poser des restrictions à la consultation de cette pièce (arrêt précité consid. 1.2. et les références). En d'autres termes, ces restrictions s'appliquent à des pièces constituant le dossier, i.e. qui y ont été préalablement versées (cf. ACPR/263/2020 consid. 4.1.). Le recours est ouvert contre pareilles décisions (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019; N. SCHMID / D. JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung : Praxiskommentar, 3e éd., Zurich 2018, n. 5 ad art. 102).

Pour ce qui est de la S.C.I K______, elle apparaît – à teneur des décisions judiciaires définitives et exécutoires rendues par suite de l'acte d'accusation dirigé contre M______ – avoir bénéficié de fonds détournés par ce prévenu au préjudice de parties plaignantes, mais n'apparaît pas être partie à la procédure créée contre la banque par disjonction. La question de sa qualité pour recourir peut demeurer indécise, au vu du sort de son recours sur le fond.

À cet égard, il n'y a pas de raison de mettre en doute les documents par lesquels I______ atteste être seul substitué à son père, décédé avant la décision attaquée. Dès lors, il dispose, comme tel, d'un intérêt juridiquement protégé à recourir (art. 382 al. 3 CPP).

Quant à l'intérêt juridique actuel de A______ AG – que G______, H______ Inc., I______, J______ Inc. et la S.C.I. K______ mettent en doute, au motif que le rapport L______ a été intégralement divulgué à toutes les parties dans une précédente instance (cf. ACPR/395/2021), voire selon eux traduit et produit en justice à l'étranger (mémoire de recours p. 12) –, il n'a pas disparu et le recours n'a pas perdu son objet, puisque l'enjeu de la présente instance n'est pas la diffusion et l'utilisation du rapport hors procédure, mais sa place comme preuve dans le cadre de l'instruction pénale ouverte contre la banque. L'objection de ces recourants a déjà été réfutée dans la décision précitée (ACPR/395/2021 consid. 1.3.).

3.             Le Ministère public ne motive pas sa décision uniquement par la préservation des secrets invoqués par la banque, mais aussi par la non-pertinence de certaines portions du rapport qu'il caviarde, se fondant sur le considérant 3.6. de l'arrêt de la Chambre de céans du 11 juin 2021, visant les passages du rapport "sans pertinence pour l'issue du litige, tout en revêtant un caractère secret" : ainsi, le Ministère public occulte les parties du texte qui revêtent un caractère secret "et" celles qui sont sans pertinence pour l'instruction en cours (ordonnance attaquée, p. 2, let. B).

Cette approche entraîne deux conséquences.

En premier lieu, on doit considérer que le Ministère public a admis des réquisitions de preuve présentées par les parties plaignantes, lorsqu'il retient comme "pertinents pour le traitement de la présente procédure" – i.e. sans considération de secret – les chapitres 3.3, 3.5, 4 (partiellement), 5, 6, 7, 9 et 10. La banque n'est donc pas recevable à en remettre en cause la pertinence, de la même façon que le recours n'est pas ouvert contre l'administration des preuves (sauf dans certains cas de refus; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 15 ad art. 393 p. 2486).

Par corollaire, le fait que le Ministère public ne se soit pas systématiquement prononcé sur – ou n'ait pas systématiquement retenu – le caractère secret des informations qu'il caviarde ne saurait être compris comme un défaut de motivation de l'ordonnance attaquée, comme l'allèguent les recourants B______, C______ SA, D______ Ltd et E______ Ltd.

4.             Les parties plaignantes recourantes invoquent une violation de leur droit d'être entendues, au motif que leurs déterminations auraient dû être recueillies avant que ne soit rendu le prononcé querellé. À tort.

Avant de séquestrer la pièce sur laquelle ont été levés les scellés, l'examen du contenu du document doit se faire en présence du détenteur ou de son conseil juridique, à l'exclusion des autres parties (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd., Bâle 2014, n. 60 ad art. 248), puisqu'il s'agit de déterminer quels passages du document précédemment scellé n'ont pas à leur être divulgués, sauf à vider la protection légale de son sens. Les consulter au stade de la saisie subséquente sur l'étendue de celle-ci reviendrait à leur conférer l'immixtion à laquelle elles n'avaient pas droit pendant la procédure de scellés.

Pour le surplus, le droit d'être entendu se rapporte surtout à la constatation des faits. Le droit des parties d'être interpellées sur des questions juridiques n'est reconnu que de manière restreinte (ATF 145 I 167 consid. 4.1 p. 171). L'autorité n'a en principe pas à soumettre par avance aux parties, pour prise de position, le raisonnement qu'elle entend tenir (ibid.).

5.             Les recourants font valoir que l'ordonnance querellée viole les art. 102 al. 1 et 108 al. 1 CPP.

5.1.       Le droit d'être entendu, consacré à l'art. 29 al. 2 Cst., permet au justiciable de consulter le dossier avant le prononcé d'une décision. Il est concrétisé, en procédure pénale, par les art. 101 al. 1 et 107 al. 1 let. a CPP, qui fondent le droit des parties de consulter le dossier de la procédure pénale. Ce droit comprend la consultation des pièces au siège de l’autorité, la prise de notes et la délivrance de photocopies (ATF 122 I 109 consid. 2b p. 112). Il concrétise également le principe de l'égalité des armes, lequel suppose notamment que les parties aient un accès identique aux pièces versées au dossier (ATF 137 IV 172 consid. 2.6 p. 176; ATF 122 V 157 consid. 2b p. 163 s). Le droit de consulter les pièces du dossier n'est toutefois pas absolu et peut être limité pour la sauvegarde d'un intérêt public prépondérant, dans l'intérêt d'un particulier, voire même dans l'intérêt du requérant lui-même (ATF 122 I 153 consid. 6a p. 161 et les arrêts cités).

La direction de la procédure, lorsqu'elle statue sur la consultation des dossiers, doit ainsi prendre les mesures nécessaires pour prévenir les abus et les retards et pour protéger les intérêts légitimes au maintien du secret (art. 102 al. 1 CPP). Tel peut être notamment le cas lorsque les pièces de la procédure révèlent des éléments relevant du domaine secret d'une partie, d'un participant à la procédure ou d'un tiers, et qui sont sans pertinence directe pour l'issue de la procédure. Il s'agit là d'un cas particulier de restriction du droit d'être entendu tel qu'il est énoncé, de manière générale, à l'art. 108 al. 1 CPP, lequel permet aux autorités pénales de restreindre le droit d'une partie à être entendue lorsqu'il y a de bonnes raisons de soupçonner que cette partie abuse de ses droits ou lorsque cela est nécessaire pour assurer la sécurité de personnes ou pour protéger des intérêts publics ou privés au maintien du secret (G. PIQUEREZ / A. MACALUSO, Procédure pénale suisse, 2011, p. 162 n. 474 et 475). Un abus de droit au sens de l'art. 108 al. 1 let. a CPP pourra notamment être retenu lorsqu'une partie utilise son droit d'accès au dossier pour partager les informations ainsi collectées avec d'autres participants à des procédures civiles ou pénales parallèles (ACPR/196/2020 du 13 mars 2020 consid. 2.2. et les références).

La présence au dossier de pièces de cette nature présuppose que la mise en balance avec les intérêts de la poursuite pénale a déjà été effectuée par les autorités, de sorte que leur non-communication subséquente devrait s'avérer exceptionnelle (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 6 ad art. 108). Il appartient toutefois à celui qui se prévaut d'un intérêt au maintien du secret supérieur à celui à la manifestation de la vérité de le rendre vraisemblable (cf., en matière de scellés, ATF 145 IV 273 consid. 3.3. p. 277).

Des restrictions au droit de consulter le dossier doivent être ordonnées avec retenue et dans le respect du principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 1B_245/2015 du 12 avril 2016 consid. 5.1; 1B_315/2014 du 11 mai 2015 consid. 4.4).

Dans la mesure où l'accès au dossier – et, par conséquent, à des données personnelles – constitue un inconvénient potentiel inhérent à l'existence d'une procédure pénale (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1B_344/2019 du 16 janvier 2020 consid. 2.1.; 1B_399/2018 du 23 janvier 2019 consid. 2.1; 1B_261/2017 du 17 octobre 2017 consid. 2), l'intérêt du prévenu doit en principe passer au second plan par rapport à celui de la partie plaignante à pouvoir valablement exercer son droit d'être entendue, garanti notamment par les art. 6 § 1 CEDH et 29 al. 2 Cst.

Il en va de même en tant que des documents versés au dossier sont couverts par le secret bancaire, celui-ci n'étant pas susceptible d'empêcher les parties d'exercer leur droit d'être entendues, à tout le moins lorsqu'il s'agit de la consultation de pièces versées à un dossier pénal (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_112/2019 du 16 octobre 2019 consid. 3.2.3 et les références). Le cas échéant, les autorités pénales devront prendre les mesures nécessaires au maintien de l'anonymat des clients, au moyen d'un tri ou d'un caviardage, total ou partiel, de certains documents (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 2 ad art. 102 et la référence).

5.2.       En l'espèce, il résulte de ce qui précède que ni le secret bancaire ni le secret d'affaires ne sauraient constituer en tant que tels un obstacle à la consultation du rapport L______. L'investigation lancée par la FINMA n'est pas couverte par le secret bancaire – ses chargés d'enquête n'entrent pas dans le champ d'application personnel de l'art. 47 LB (RS 952.0; cf. l'art. 14 al. 1 LFINMA, RS 956.1) –. Par ailleurs, la transmission du rapport L______ au Ministère public et son versement au dossier sont licites (cf. art. 38 al. 1 LFINMA) et acquis (cf. ACPR/395/2021).

L'objet du litige ne peut donc pas porter sur le retrait de cette pièce du dossier, ni non plus sur des restrictions telles qu'elles y équivaudraient pratiquement. Ainsi, un caviardage du rapport L______ le dépouillant de toute l'utilité potentielle qui lui a été reconnue par le juge des scellés reviendrait de facto à retrancher le document du dossier.

Or, comme le relève le Ministère public, la position de la banque, telle qu'elle s'exprime en particulier dans sa suggestion de caviardage du 13 août 2021 (à laquelle elle renvoie dans son recours), reviendrait à occulter la quasi-totalité du rapport L______. La banque semble partir de la prémisse, erronée, que devrait être considéré comme secret tout chapitre qui n'est pas pertinent pour la progression de l'instruction. Ces deux notions ne sauraient cependant être confondues ni interverties (cf. consid. 3 supra).

5.2.1.      La banque ne démontre pas que les éléments non caviardés par le Ministère public pourraient être utilisés par les parties plaignantes à d'autres fins que la défense de leurs intérêts dans la procédure pénale, que ce soit (pour reprendre les configurations identifiées par l'auteur cité in arrêt du Tribunal fédéral 1B_399/2018 du 23 janvier 2019 consid. 2.1.) (i) dans le cadre d'une procédure judiciaire parallèle opposant les mêmes parties et portant sur le même complexe de faits, (ii) pour se livrer à une campagne médiatique contre elle, ou encore (iii) à des fins commerciales, par l'exploitation indue de secrets d'affaires.

Certes, la banque, après avoir exprimé, de façon toute générale, sa crainte d'"une possible médiatisation incontrôlée et abusive" de "contours" du rapport – contours qu'elle n'explicite pas –, tire argument, dans son recours, d'une campagne que mènerait sur un site internet un groupe de victimes anonymes d'actes imputés à M______. Elle ne produit pas d'extrait topique dudit site (soit www.O______.com).

Consulté le 19 janvier 2021, il n'en ressort cependant pas autre chose
que des informations issues de médias (avec le renvoi vers les sites officiels
payants de ceux-ci) ou le communiqué de presse de la FINMA du 17 septembre 2018 (www.O______.com, dont l'hyperlien renvoie au site https://www.finma.ch/fr______, précité sous B.c. supra); la page intitulée "FINMA report" ne donne pas accès au rapport L______. Or, la publication d'informations défavorables à la banque, aussi tympanisées soient-elles sur le site web considéré, ne saurait équivaloir à une campagne médiatique en cours, qui plus est à l'initiative des parties plaignantes. Ces dernières en fussent-elles à l'origine, cette compilation de liens internet faisant écho aux activités, déboires et démêlés de la banque – sur des sujets non limités aux agissements de M______ et à leurs conséquences – ne justifie pas un caviardage aussi extensif, et préventif, que le préconise la banque.

Ainsi, le résumé introductif, la table des matières, la liste des abréviations, l'index des tableaux et la liste des annexes n'ont pas à être caviardés, pour ne comporter aucun secret digne de protection.

Tous les autres éléments que la banque recourante voudrait voir caviarder en sus de ceux admis par le Ministère public se heurtent également au principe voulant que le secret bancaire ou des affaires ne soit pas un obstacle à l'accès des parties plaignantes. À leur égard, les objections de la banque se fondent sur des critères de pertinence de la preuve, pertinence qui n'est pas sujette à recours, ou de protection des intérêts de B______, voire de M______, intérêts qu'elle ne saurait représenter.

5.2.2.      Inversement, on ne voit pas quel serait l'intérêt supérieur des parties plaignantes recourantes à consulter les portions du rapport L______ que le Ministère public a occultées, au nom de la préservation d'un secret digne de protection pour la banque.

5.2.2.1.         F______ estime que cette situation constitue une violation du principe de l'égalité des armes, au motif que la banque et le Ministère public resteraient, eux, en possession d'une version non expurgée du rapport L______. B______, C______ SA, D______ Ltd et E______ Ltd y voient un "déséquilibre notable".

Ces griefs tombent à faux.

Tel qu'il est garanti par l'art. 6 CEDH, le principe de l'égalité des armes requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (ATF 139 I 121 consid. 4.2.1 p. 124). La version du rapport qui figurera au dossier sera la même pour toutes les parties, et elle seule fera foi pour la suite de la procédure. Les restrictions permises à l'art. 108 al. 1 CPP visent aussi à empêcher qu'une partie n'abuse de ses droits dans la procédure pénale sous couvert du principe d'égalité des armes. Dès lors, il est sans pertinence qu'une copie non caviardée ait été en mains de toutes les parties avant le prononcé attaqué.

5.2.2.2.         F______ affirme qu'"il pourrait être" pertinent de savoir pourquoi les auteurs du rapport L______ ont ou n'ont pas entendu certains témoins, dont l'un au moins le serait prochainement par le Ministère public. Elle ne se prétend cependant pas au bénéfice d'un intérêt supérieur à celui de la banque à en connaître les raisons, sous cette réserve qu'elle aura l'occasion d'interroger directement le témoin concerné sur ce point. Or, contrairement à ce qu'elle soutient, tout comme G______, H______ Inc., I______, J______ Inc. et la S.C.I. K______, il n'importe pas de savoir si la méthodologie adoptée par les auteurs du rapport était adéquate ou si les données qu'ils se sont fait communiquer étaient complètes. L'analyse demandée par la FINMA, autorité administrative, n'est pas une expertise judiciaire sur laquelle les parties pourraient formuler leurs observations, au sens de l'art. 188 CPP.

La recourante estime aussi qu'il ne serait "pas anodin" de connaître [toute] la stratégie commerciale de la banque pendant les années où agissait M______. Le Ministère public a pris soin de maintenir libre l'accès à la partie du chapitre 3.4.4.1. concernant celui-ci (soit les pp. 44 et 45 du rapport, consacrées à "P.L."), qu'il n'a pas caviardée. Un intérêt supérieur de la recourante à ne pas tenir secrète l'ensemble de la stratégie commerciale de la banque n'est, ainsi, pas démontré.

La même réponse doit être apportée à la divulgation des revenus que cette stratégie a générés, fût-ce par l'activité du comptoir Russie/Ukraine/Asie centrale auquel était rattaché M______.

Quant à la description des moyens informatiques consacrés à la conformité anti-blanchiment ("compliance"), la partie du rapport consacrée à ce dernier n'est pas caviardée par le Ministère public (soit le chapitre 6, spéc. 6.2. à 6.4.). Il en va de même de la description des directives alors en vigueur. L'intérêt de la recourante à ne pas garder secrètes ces descriptions n'est ainsi pas démontré.

Enfin, savoir quelles ont été les corrections apportées par la banque ensuite des faiblesses décelées ("Massnahmen der Bank", chapitre 8 du rapport) peut se voir opposer un secret légitime, commercial ou d'affaires. La procédure pénale en cours porte sur le défaut d'organisation ou les carences qui auraient permis à la banque de blanchir le produit des infractions contre le patrimoine commises par M______ – puisque telle est l'accusation portée par les parties plaignantes (cf. leurs déterminations des 29 avril, 31 mai et 7 juin 2019) –, mais non sur les enquêtes internes lancées par la banque ("Projekt Q______", "Projekt R______") ou sur le regard que portent sur elles les auteurs du rapport L______. L'intérêt au secret l'emporte donc.

5.2.2.3.         B______, C______ SA, D______ Ltd et E______ Ltd relèvent une contradiction entre le dispositif attaqué et les considérants qui le précèdent, en ceci que le Ministère public voulait expressément exempter du caviardage le chapitre 3.4.4.1. du rapport L______, mais n'a pas transposé cette volonté dans sa décision, laquelle prévoit d'occulter l'intégralité du chapitre 3.4.

Un dispositif s'interprétant à la lumière des considérants (arrêt du Tribunal fédéral 1B_123/2021 du 27 avril 2021 consid. 3), il est aisé de comprendre de son ordonnance que le Ministère public a voulu délimiter les parties du rapport consacrées à l'organisation de la banque à celles qui sont en lien avec les crimes imputés à M______. La version caviardée par le Ministère public, dans l'exemplaire qu'il a transmis à la banque, laisse significativement intacte la partie du sous-chapitre 3.4.4.1. consacré à "P.L." L'inadvertance, sur ce point, du Ministère public dans le dispositif de la décision attaquée, inadvertance que l'autorité de recours peut rectifier d'office (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 6 ad art. 83), est donc sans réelle portée. Elle ne justifie pas l'annulation de l'ordonnance attaquée, mais sera corrigée dans le dispositif du présent arrêt.

Les griefs des recourants susmentionnés en relation avec la structure informatique de la banque et sa stratégie globale sont les mêmes que ceux de F______. Il y sera donc apporté la même réponse (cf. consid. 5.2.2.2. ci-dessus). L'invocation des art. 19 al. 2 et 21 de l'ordonnance de la FINMA sur le blanchiment d'argent (OBA-FINMA; RS 955.033.0) dans leurs teneurs entre 2011 et 2015 (RO 2010 6303; RO 2015 2114) n'y change rien : ces dispositions constituent simplement la base légale pour la surveillance informatique des transactions et pour l'identification des risques lorsque celles-ci sont effectuées sous forme exclusivement électronique.

Ces recourants font aussi valoir que le chapitre du rapport L______ consacré aux restructurations intervenues dans la banque entre 2012 et 2015 serait pertinent pour apprécier si des mesures existaient dans le même temps pour prévenir tout blanchiment, ainsi que pour déterminer si "d'autres" employés pourraient avoir commis de tels actes.

Comme déjà relevé, les recourants s'inquiètent du blanchiment par la banque du produit des crimes commis par M______. Telle est aussi la délimitation tracée par l'ordonnance de disjonction du 7 juin 2017, ce que les recourants ne peuvent pas ignorer (cf. ACPR/234/2020 du 21 avril 2020 consid. 2.4. in fine). Par ailleurs, la recherche de complicités dont aurait pu bénéficier M______ n'était pas non plus l'objet des suppléments d'instruction requis par la suite (cf. ACPR/761/2021 du 9 novembre 2021 consid. 2.2.; ACPR/767/2021 du 10 novembre 2021 consid. 5.2.). Enfin, le chapitre 6 du rapport est entièrement dédié à l'état de fait touchant M______, sans avoir été caviardé par le Ministère public. Dans ces circonstances, les recourants ne démontrent pas un intérêt supérieur à ne pas laisser secret l'exposé de l'ensemble des restructurations mises en œuvre ailleurs dans la banque pendant la période pénale.

On ne voit pas non plus pourquoi la divulgation des niveaux hiérarchiques et du système de rémunération, tels qu'en vigueur au sein de la banque lors des agissements de M______, aiderait à expliquer l'enrichissement de celui-ci et de son employeur. La banque peut se prévaloir d'un intérêt commercial à garder le secret sur de tels éléments généraux. Ni l'art. 102 al. 2 CP ni l'art. 305bis CP n'érigent l'enrichissement de quiconque en élément constitutif.

Les recourants estiment, enfin, que le chapitre 8 du rapport L______ ("Massnahmen der Bank") contiendrait des éléments "cruciaux" pour apprécier les manquements de M______ et d'autres individus. À supposer que le chapitre portât sur ces aspects (contra consid. 5.2.2.2. supra in fine), l'instruction, comme on vient de le voir, ne porte pas sur ces questions, étrangères à la responsabilité pénale éventuelle de la banque. Celle-ci peut ainsi se prévaloir d'un intérêt supérieur à garder secret le contenu de ses enquêtes internes.

5.2.2.4.         G______, H______ Inc., I______, J______ Inc. et la S.C.I. K______ soutiennent, eux aussi, que les chapitres voués à la méthodologie utilisée par les auteurs du rapport, la structure et les applications informatiques, les niveaux hiérarchiques et le système de rémunération de la banque seraient pertinents. Ces griefs ont été réfutés (consid. 5.2.2.2.).

5.3.       En définitive, le Ministère public peut être approuvé lorsqu'il estime non couverts par un secret – et ne caviarde donc pas – les passages du rapport qui analysent : le comportement de M______; la surveillance de celui-ci et l'organisation du service auquel il était rattaché; ainsi que le système de lutte anti-blanchiment, conformité, contrôle et gestion des risques au sein de la banque. Ces passages correspondent aux ch. 3.3., 3.4.4.1., 3.5, 4 (hormis les ch. 4.4., 4.6. et 4.7., caviardés), 5 à 7 et 9 et 10 du rapport L______. Le caviardage des autres passages est une restriction proportionnée, car elle ménage suffisamment les intérêts de la poursuite pénale, des parties plaignantes et de la banque poursuivie. En effet, le résumé introductif ("Management Summary") correspondant à chacun des développements occultés offre un condensé convenable et, par là même, une garantie suffisante du droit d'être entendu, en tant qu'il tient lieu de contenu essentiel (art. 108 al. 4 CPP) du texte auquel les parties plaignantes n'ont pas accès.

6.             Les recours s'avèrent infondés et pouvaient être traités d'emblée sans échanges d'écritures ni débats (art. 390 al. 5 a contrario CPP).

7.             Les recourants, qui succombent, assumeront les frais de l'instance, fixés en totalité à CHF 4'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). Il paraît équitable de répartir ces frais par acte de recours, chaque recourant étant tenu solidairement (art. 418 al. 2 CPP) de ceux y relatifs.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Préalablement :

Joint les recours.

Rectifie d'office le dispositif de l'ordonnance attaquée, en ce sens que, dans le chapitre 3 du rapport L______ du 6 avril 2017 versé à procédure, la section 3.4.4.1. n'est pas caviardée.

Cela fait :

Rejette les recours.

Condamne les recourants aux frais de l'instance, fixés en totalité à CHF 4'000.-, à raison de CHF 1'000.- à la charge de A______ AG; CHF 1'000.- à la charge de B______, C______ SA, D______ Ltd et E______ Ltd, solidairement entre eux; CHF 1'000.- à la charge de F______; et CHF 1'000.- à la charge de G______, H______ Inc., I______, J______ Inc. et la S.C.I. K______, solidairement entre eux.

Dit que chacun de ces montants seront prélevés sur les sûretés versées par les parties recourantes qu'ils concernent et que le solde respectif leur sera restitué.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, aux recourants (soit, pour eux, leurs défenseurs respectifs) et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 


 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/11842/2017

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

40.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

3'885.00

-

CHF

Total

CHF

4'000.00