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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/2183/2016

ACPR/196/2020 du 13.03.2020 ( MP ) , ADMIS

Recours TF déposé le 05.05.2020, rendu le 09.11.2020, IRRECEVABLE, 1B_206/2020
Descripteurs : CONSULTATION DU DOSSIER;ABUS DE DROIT
Normes : CPP.101; CPP.108

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/2183/2016ACPR/196/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 13 mars 2020

 

Entre

A______, domicilié ______, Géorgie, comparant par Me Jean-Cédric MICHEL, avocat, Kellerhals Carrard Genève SNC, rue François-Bellot 6, 1206 Genève,

et

B______, domicilié ______, Géorgie, comparant par Me R_____, avocat, _____,

recourants,

 

contre la décision rendue le 27 septembre 2019 par le Ministère public,

 

et

GOVERNMENT OF C______ [Émirats arabes unis], comparant par Me Benjamin BORSODI, avocat, Schellenberg Wittmer SA, rue des Alpes 15 bis, Case postale 2088, 1211 Genève 1,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par actes séparés déposés au greffe de la Chambre de céans le 14 octobre 2019, B______ et A______ recourent contre la décision du 27 septembre 2019, notifiée le 2 octobre 2019, par laquelle le Ministère public a accordé l'accès au dossier aux parties.

B______ conclut à l'octroi de l'effet suspensif et à l'annulation de cette décision et, en sus, à la notification d'une décision lui ouvrant les voies de recours s'agissant de l'apport de la procédure P/1______/2013, classée en 2014, à la présente procédure P/2183/2016, et à ce que la Chambre de céans enjoigne au Ministère public de refuser en l'état l'accès au dossier au gouvernement de C______ [un émirat des Émirats arabes unis] et à son conseil suisse afin de préserver ses droits légitimes. Il sollicite l'octroi d'une équitable indemnité de partie de CHF 5'850.- pour couvrir ses frais d'avocat et à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'Etat.

A______ conclut à l'octroi de l'effet suspensif, à l'annulation de cette décision en tant qu'elle octroie l'accès au dossier à la partie plaignante dans la P/2183/2016 et à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'Etat.

b. Par ordonnances séparées du 15 octobre 2019, la Chambre de céans a admis les demandes d'effet suspensif déposées par B______ et A______ et dit que l'accès de C______ à la procédure était suspendu jusqu'à droit connu sur les recours interjetés, renvoyant le sort des frais à la décision sur le fond.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

I. Les différentes procédures concernant B______, A______ et D______

a. Fin 2013, le Ministère public genevois a ouvert la procédure P/1______/2013 du chef de blanchiment d'argent à l'encontre de B______ et A______ après un signalement MROS du 4 novembre 2013. Des ordres de dépôt ont été adressés notamment à la banque E______ et de la documentation bancaire a été recueillie. Par ordonnance du 7 juillet 2014, cette procédure a été classée, le Ministère public considérant qu'il n'avait pas été possible de démontrer que le produit des infractions "dont l'intermédiaire financier avait eu vent par les media (sic) aurait transité par les comptes de prévenus en Suisse", précisant que les poursuites engagées en Géorgie avaient été pour l'essentiel abandonnées à la suite d'une transaction judiciaire.

Le Ministère public aurait versé à la procédure P/2183/2016 les éléments réunis et recueillis dans cette procédure. Le dossier ne révèle aucune ordonnance de jonction.

b. Le 16 février 2016, D______ a déposé plainte pénale contre l'émir de C______, l'un des sept émirats des Émirats Arabes Unis, et son représentant, F______, s'affirmant victime de tentative d'extorsion aggravée et de contrainte de leur part. Il était tombé en disgrâce en 2012, après avoir fait prospérer les affaires de l'émirat, notamment au sein de C______ Investment Authority (ci-après, C______-IA), dont il avait été le directeur général. F______, qui semblait l'avoir supplanté, orchestrait, depuis 2014, des procédures judiciaires à l'étranger visant à le compromettre et à obtenir de l'argent. Cette procédure P/2______/2016 est suspendue depuis un arrêt de la Chambre de céans du 26 avril 2017.

c. En novembre 2016, le Ministère public a ouvert la procédure P/3______/2016 pour blanchiment d'argent à la suite d'une dénonciation MROS effectuée sur la base d'un courrier de l'étude londonienne G______ LLP, qui représente C______ et dénonçait D______. Cette procédure a été jointe à la présente procédure selon ordonnance du 27 juin 2017.

d. En janvier 2017, le gouvernement de C______ a fait parvenir une demande d'entraide à l'Office fédéral de la justice (OFJ) visant notamment à obtenir des documents bancaires. Le 1er février 2017, l'OFJ en a délégué l'exécution au Ministère public genevois. Le 24 février 2017, le Procureur a déclaré admissible cette requête et a rendu une décision d'entrée en matière (CP/4_____/2017). Le 4 juillet 2019, suivant en cela les recommandations de l'OFJ, il a rendu une décision partielle de refus et de clôture de la procédure d'entraide, entrée en force, en raison de la situation des droits de l'Homme dans le pays requérant, dont les autorités n'avaient jamais fourni les garanties nécessaires à la tenue d'un procès équitable.

II. La procédure P/2183/2016

e. La présente procédure fait suite à une plainte du 2 février 2016 de C______-IA contre D______, citoyen suisse et libanais, B______ et A______, ressortissants géorgiens domiciliés à H______, Géorgie, notamment pour gestion déloyale (art. 158 CP) et blanchiment d'argent (art. 305bis CP), en raison des faits résumés ci-après.

Entre 2007 et 2012, C______ avait procédé à de nombreux investissements en Géorgie, à charge pour C______-IA, avec d'autres entités, de les développer. C______ avait ainsi constitué plusieurs sociétés en Géorgie. L'une d'elles, I______ JSC, possédait et exploitait [un] port maritime de Géorgie. C______ avait progressivement racheté les parts de I______ JSC pour en détenir, à fin 2009, l'intégralité du capital-actions. Une autre de ces sociétés était J______, soit un terminal pour des conteneurs terrestres comprenant un bureau de douane pour des importations diverses, notamment de voitures.

D______ était le CEO de C______-IA et le président du Conseil de surveillance de I______ JSC. B______ a été CEO des nombreuses sociétés constituées en Géorgie par le gouvernement de C______ et était notamment vice-président du conseil de surveillance de I______ JSC. A______ a été le conseiller général/conseil juridique des sociétés géorgiennes de C______-IA et membre du conseil de surveillance de I______ JSC.

B______ et A______ étaient par ailleurs ayants droit de K______ LLP, société à responsabilité limitée figurant au "Registrar of Companies in England and Wales".

L______ BV est une filiale néerlandaise de la société danoise de shipping M______.

En mars 2010, C______-IA, qui cherchait à se défaire de ses parts dans I______ JSC, a reçu une lettre d'intention de L______ BV en vue de son éventuelle acquisition. S'en sont suivies de nombreuses démarches et négociations, parfois avec l'intervention de tiers ou de tierces sociétés. Le 17 avril 2011, D______,
pour le compte de C______-IA, et un représentant de L______ BV ont signé un contrat portant sur la vente à L______ BV de 80% des parts de C______-IA dans I______ JSC pour un montant de USD 172'000'000.-

Après cet accord, le 5 mai 2011, I______ JSC et K______ LLP ont conclu un Deed of resiliation dans lequel K______ LLP reconnaissait n'avoir pas contribué au capital de J______ et acceptait de mettre un terme à l'accord de partenariat sans recevoir de contribution quelconque en retour, laissant I______ JSC unique propriétaire de J______. Un autre accord a été conclu en marge de ce qui précède (Termination Agreement) dans lequel C______-IA s'engageait à payer à K______ LLP
USD 17'200'000 à titre de contrepartie pour le consentement de K______ LLP de retirer son capital social de J______ et pour la remise de tous ses droits ressortant de l'accord préliminaire d'association du 31 août 2010 entre K______ LLP et
I______ JSC et de l'accord d'association du 4 novembre 2010. C______-IA devait verser ce montant dans les 30 jours suivant le moment où K______ LLP aurait rempli ses obligations.

Selon la plaignante, B______ a reçu USD 12'800'000 sur son compte auprès de [la banque] N______ à Genève et A______ a reçu USD 4'400'000 sur son compte auprès du même établissement. Au vu de ces circonstances, D______, B______ et A______ savaient que K______ LLP n'avait fourni aucun service et que les paiements effectués ne reposaient sur aucun fondement économique. Les enquêtes menées par C______-IA avaient mis à jour d'autres malversations - la conclusion du Termination Agreement n'étant que l'une d'entre elles - et le dommage global était de plusieurs dizaines de millions.

f. Dans la présente procédure, les faits suivants doivent être relevés :

- durant l'été 2016, le conseil de C______ a été autorisé par la direction de la procédure à consulter le dossier, y compris les documents bancaires et les procès-verbaux d'audition réunis dans la P/1______/2013, sans la possibilité de lever copie ou prendre des notes et des photos. En juillet et août 2016, le conseil de la plaignante s'est rendu dans les locaux du Ministère public, accompagné de O______, sollicitor au sein de l'Etude G______ LLP à Londres, pour consultation du dossier;

- les informations recueillies ont été rapportées au procureur général de C______, qui en a fait état dans sa demande d'entraide susvisée ;

- les 28 août et 25 septembre 2019, O______ a déposé deux witness statement devant un Tribunal arbitral constitué à Q_____ [Suède], dans une cause concernant notamment les présentes parties. Il y exposait avoir été autorisé par le Procureur à consulter le dossier en compagnie de son confrère helvétique, durant l'été 2016, et fournissait avec une grande précision le détail de mouvements bancaires issus du dossier. Selon B______, ces witness statement faisaient état d'éléments recueillis dans la procédure classée en 2014 (P/1______/2013) dans laquelle C______ n'avait pas la qualité de partie ;

- par courrier du 4 septembre 2019, le Procureur, interpellé par le conseil de B______, lui a confirmé qu'il avait autorisé le conseil suisse de C______ à consulter la procédure pénale relative au complexe de fait lié à la plainte pénale déposée en 2016, sous la condition stricte qu'il n'y ait aucune copie ou reproduction des documents consultés. Il précisait qu'il ne connaissait pas O______ et qu'il n'avait jamais été en contact avec lui, supposant qu'il avait probablement accompagné le conseil suisse de C______, et rappelant que l'interdiction de prendre copies des documents incluait celle d'en faire des photos ou même de les recopier intégralement.

g. Le 14 janvier 2019, le Procureur a écrit aux avocats de C______, B______, A______ et D______ pour leur rappeler qu'aucune audience n'avait pu être organisée avec les différents participants de manière à entendre leur version des faits dès lors que D______ était assigné à résidence en Arabie Saoudite et que B______ et A______ refusaient de se rendre à Genève, craignant d'être mis en détention durant leur voyage. Il entendait en conséquence demander, par la voie de l'entraide internationale en matière pénale, de pouvoir les auditionner en Géorgie.

Dès lors que les preuves principales n'avaient pas encore pu être administrées, que le dossier était principalement constitué de la plainte pénale et que les personnes dénoncées n'avaient pu être entendues, le dossier n'était pas consultable en l'état. Bien que dûment notifiée, cette décision n'a pas été contestée par ses destinataires.

C. Dans sa décision querellée, le Procureur, après avoir rappelé la clôture de la CP/4_____/2017, faisait notifier aux prévenus, par courrier parallèle, les charges les concernant et, afin que les parties puissent faire valoir leurs droits, leur ouvrait désormais l'accès au dossier.

D. aa. Dans son recours, B______ reproche au Ministère public d'avoir, à une date indéterminée, pris la décision de verser, sans en informer quiconque, les éléments réunis et recueillis dans la procédure P/1______/2013, dirigée contre lui-même et classée en 2014. De ce fait, lorsque le Procureur, à son insu, avait autorisé durant l'été 2016 le conseil de la plaignante à consulter la P/2183/2016, ce conseil avait eu accès à des documents bancaires séquestrés et à d'autres documents tels que les procès-verbaux d'audition de lui-même, réunis dans la procédure classée. De surcroît, alors que cette consultation était autorisée sans la possibilité de lever copie ou prendre des notes et des photos et que ledit conseil avait pris l'engagement formel de respecter cette condition, il s'était rendu dans les locaux du Ministère public en compagnie d'un sollicitor londonien, sans en informer le Procureur ni obtenir l'autorisation préalable du Ministère public. Or, lors de cette consultation, des notes circonstanciées et des photos avaient été prises, dont le bureau de procureur général de C______ avait fait état dans sa demande d'entraide à l'OFJ (CP/4_____2017).

Par ailleurs, de ce fait également, C______ et/ou ses conseils avaient pu utiliser de manière abusive des éléments du dossier et l'intérêt privé du recourant justifiait qu'une restriction soit ordonnée. Il considérait aussi que son recours visait à obtenir une décision motivée du Procureur s'agissant des raisons pour lesquelles l'apport à la procédure P/2183/2016 de la P/1______/2013, classée en 2014, avait été ordonné, sans jamais avoir été notifié. Dès lors que certaines informations provenant de la P/1______/2013 avaient alimenté la demande d'entraide judiciaire de fin décembre 2016 et un arbitrage civil, l'utilisation abusive du droit d'accéder au dossier sous condition était établi. Permettre maintenant une consultation de la procédure constituait donc un risque concret d'abus par C______. Pour ces motifs, la décision querellée devait être annulée et la restriction d'accès au dossier à l'égard de la partie Plaignante et ses conseils, ordonnée.

ab. L'autre recourant, A______, met également en exergue la consultation ignorée du dossier durant l'été 2016 et l'utilisation indue des renseignements recueillis à cette occasion. Il considère que l'accès au dossier autorisé par le Procureur à l'État étranger constitue un contournement des règles de l'entraide puisque celui-ci, qui s'est vu refuser ladite entraide, pourrait tout de même y accéder.

b. C______ a déposé des écritures préventives, reçues par la Chambre de céans le
8 octobre 2019, anticipant un recours de B______ et de A______ pour en conclure qu'il devrait être écarté et qu'aucun effet suspensif ne devrait leur être accordé.

c. Dans ses observations du 7 novembre 2019, le Ministère public a rappelé le contenu des différentes procédures engagées et a considéré qu'il ne lui appartenait pas d'instruire une infraction commise à l'étranger, en amont de celle d'un éventuel blanchiment d'argent, ce d'autant que des procédures ayant le même objet avaient eu lieu dans différents pays, dont ceux où les infractions avaient été commises. Il entendait en conséquence renoncer à l'audition des recourants en qualité de prévenus en Géorgie, où C______ n'avait pas tenté de le faire depuis 2011, et restituer à cette dernière l'avance de frais fournie. Le Procureur relevait en outre que, dans la procédure d'entraide CP/4_____/2017, l'OFJ n'avait pas reçu les garanties demandées et avait invité le Ministère public à refuser l'entraide, ce qui fut fait par décision du
4 juillet 2019. Par ailleurs, en 2016, C______ avait été autorisée à consulter les P/1______/2013 et P/2183/2016, de manière informelle et sans pouvoir en lever copie, en présence de conseils anglais non constitués, dont O______, "s/o P______" de l'étude londonienne "G______ LLP".

Après la décision du 27 septembre 2019, C______ avait sollicité l'accès à la procédure, qui lui avait été accordé pour le 4 octobre 2019. Mais les conseils des recourants s'y étaient opposés en annonçant leur volonté de recourir et le Ministère public avait en conséquence annulé l'octroi de la consultation.

Au vu des écritures et des pièces produites, le Ministère public, averti que les initiatives de C______ pour consulter le dossier n'avaient d'autre objectif que l'obtention illicite de moyen de preuve, s'en remettait à l'appréciation de la Chambre de céans. Il apportait cette précision qu'il entendait bientôt notifier aux parties un avis de prochaine clôture et que, dans ce cadre, une consultation des pièces essentielles, à l'exception de la documentation bancaire et sans possibilité de lever copie, pourrait être un compromis respectant les droits des parties.

d. Dans sa réplique du 18 novembre 2019, C______ s'est montré choqué par la volte-face du Ministère public justifiée par le seul changement de magistrat, en violation du principe de la bonne foi et de l'interdiction d'adopter des comportements contradictoires. Aucun motif ne permettait de mettre à néant l'ensemble des actes menés jusqu'alors. C______ a ensuite contesté les motifs pour lesquels le Ministère public envisageait un classement et relevé que les règles de l'entraide ne s'appliquaient pas postérieurement à la clôture de la procédure CP/4_____/2017. Finalement, C______ relève que la présence de ses conseils anglais lors de la consultation du dossier en 2016 était connue du Ministère public et que O______ avait été autorisé à y participer, sans restriction.

e. B______ a dupliqué le 12 décembre 2019, pour préciser que le dossier était principalement constitué des documents émanant de C______, à l'exception de ceux qui provenaient de la P/1______/2013, et pour insister sur le fait que la consultation du dossier s'était déroulée hors sa connaissance en 2016 et qu'il n'avait pas su non plus que la procédure P/1______/2013 avait été versée au dossier, étant ainsi privé de faire valoir ses droits à ce sujet.

EN DROIT :

1. 1. Les recours seront joints, dans la mesure où ils sont dirigés contre la même décision, portent sur un complexe de faits similaire et développent des griefs comparables, voire connexes, pour l'essentiel.

1.2. Les recours sont recevables pour avoir été déposés selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner des prévenus, qui, en tant que partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.3. Le recours de B______ n'est en revanche pas recevable en tant qu'il sollicite la notification d'une décision lui ouvrant les voies de recours s'agissant de l'apport de la procédure P/1______/2013, car cette question ne ressortit pas à la décision querellée.

1.4. Le mémoire préventif de C______ est irrecevable, car cette institution n'est pas connue du CPP. Le droit d'être entendu de C______ a été garanti par ses observations.

2. Les recourants reprochent au Ministère public d'avoir accordé aux parties le droit de de consulter le dossier.

2.1. L'art. 101 al. 1 CPP permet aux parties, sous réserve de l'art. 108 CPP, de consulter le dossier de la procédure dès la première audition du prévenu et l'administration des preuves principales par le Ministère public. Il s'agit de conditions cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_667/2011 du 7 février 2012 consid. 1.2).

2.2. Conformément à l'art. 108 al. 1 CPP, les autorités pénales peuvent restreindre le droit d'une partie à être entendue lorsqu'il y a de bonnes raisons de soupçonner que cette partie abuse de ses droits (let. a) ou lorsque cela est nécessaire pour assurer la sécurité de personnes ou pour protéger des intérêts publics ou privés au maintien du secret (let. b). Un abus de droit au sens de l'art. 108 al. 1 let. a CPP pourra notamment être retenu lorsqu'une partie utilise son droit d'accès au dossier pour partager les informations ainsi collectées avec d'autres participants à des procédures civiles ou pénales parallèles (N. SCHMID/D. JOSITSCH, Handbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, 3e éd., Zurich, 2017, n. 113; J.-P. GRETER /
F. GISLER, Le moment de la consultation du dossier pénal et les restrictions temporaires à son accès, Forumpoenale 05/2013 301, p. 304; plus nuancés:
M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd., Bâle 2014, n. 5 ad art. 108).

2.3.1. En l'espèce, l'ordonnance querellée considère lapidairement que l'accès au dossier de l'intimée doit lui permettre de préparer ses questions dans le cadre de l'envoi d'une commission rogatoire à l'étranger, destinée à mettre en prévention les recourants. Or, cette déclaration d'intention est désormais caduque, puisque le Procureur en charge actuellement de la procédure n'entend pas mettre en prévention les recourants. Il s'ensuit qu'une application stricte de l'art. 101 al. 1 CPP ne permet pas, à ce stade, la consultation du dossier. Les recours seront de ce fait admis.

2.3.2. L'accès à la procédure eût-il dû être admis qu'il aurait été incontestablement restreint en application de l'art. 108 al. 1 let. a CPP, l'intimée ayant abusé de ses droits lorsqu'une consultation limitée de la procédure lui avait été accordée en 2016. En effet, la teneur des witness statement dans une procédure d'arbitrage démontre par la précision des informations apportées, que des notes avaient été prises lors de la consultation du dossier à Genève en violation des engagements pris. Cette attitude eût en conséquence suffi à imposer une restriction des droits de la partie plaignante.

3. Les recours sont donc admis, dans la mesure de leur recevabilité.

Ainsi, le recourant B______ obtient partiellement gain de cause mais, un pan non négligeable de son recours étant irrecevable, l'indemnité à laquelle il aurait droit sera compensée avec les dépens qu'il devrait supporter en conséquence de son échec.

L'intimée, qui succombe, n'a droit à aucune indemnité.

L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Joint les recours.

Admet, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par B______.

Admet le recours formé par A______.

Annule la décision attaquée.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à B______, A______ et GOVERNMENT OF C______ soit pour eux leurs conseils, ainsi qu'au Ministère public.

 

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ, juge et Monsieur Louis PEILA, juge suppléant; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).