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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/22374/2020

ACPR/314/2023 du 04.05.2023 sur OCL/1653/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;ABUS DE CONFIANCE;CHOSE CONFIÉE;ESCROQUERIE
Normes : CPP.319; CP.138; CP.146; CC.714; CC.715

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22374/2020 ACPR/314/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 4 mai 2023

Entre

A______ SA, ayant son siège ______, comparant par Me Ivan HUGUET, avocat, rue Sautter 29, case postale, 1211 Genève 12,

recourante,

contre l’ordonnance de classement partiel rendue le 16 décembre 2022 par le Ministère public,

et

B______, comparant par Me C______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.

 

 


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 29 décembre 2022, A______ SA recourt contre l’ordonnance rendue le 16 précédent, notifiée le 19 du même mois, aux termes de laquelle le Ministère public a ordonné le classement de certains des évènements instruits dans la procédure P/22347/2020 dirigée contre B______, singulièrement ceux dénoncés par ses soins le 20 novembre 2020, qualifiés d’abus de confiance (art. 138 CP) par le Procureur.

Elle conclut, sous suite de frais et dépens chiffrés à CHF 10'218.-, préalablement, à être autorisée à consulter le dossier, puis à compléter son acte, et, principalement, à l’annulation de la décision précitée, l’autorité intimée devant être invitée aussi bien à poursuivre l’enquête relative à sa plainte qu’à étendre l’instruction à l’infraction d’escroquerie (art. 146 CP).

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 2'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Les sociétés A______ SA, D______ SA et E______ SA ont leur siège à Genève et sont actives dans les domaines de la bijouterie et de l’horlogerie.

La première a été détenue et administrée, jusqu’à fin 2017, par F______, puis par G______.

B______ a été l’ayant droit économique et administrateur des deux autres.

b. En août 2017, A______ SA a mis à la disposition de D______ SA quatre machines industrielles, exploitées par celle-ci dans ses locaux.

c.a. Par contrat du 25 juillet 2018, E______ SA a acheté ces machines à A______ SA – semble-t-il pour permettre à D______ SA de continuer à les utiliser (art. 3.2) –.

Le prix a été fixé à CHF 247'710.-, TVA incluse, payable en quatre tranches de CHF 61'927.50, entre août et novembre 2018 (art. 2.3).

Il était convenu que la propriété des appareils ne passerait à l’acquéreuse qu’au moment "du dernier versement" (art. 5.1).

c.b. E______ SA s’est acquittée des deux premiers acomptes en automne 2018.

d.a. Le 2 mai 2019, A______ SA et E______ SA ont signé un avenant au contrat précité, aux termes duquel l’acheteuse règlerait le solde du prix de vente (soit CHF 123'855.-) en douze mensualités, entre les printemps 2019 et 2020.

Cet accord réservait à la venderesse un "droit de rétention total" sur les machines concernées.

d.b. E______ SA s’est acquittée de CHF 80'174.28 jusqu’en juin 2020.

e. Parallèlement, courant mars 2020, A______ SA, invoquant la teneur de l’art. 5.1 de la convention du 25 juillet 2018, a requis et obtenu de l’office compétent l’inscription d’une réserve de propriété sur les quatre appareils vendus.

f.a. Le 6 août 2020, E______ SA a été déclarée en faillite.

f.b.a. A______ SA a demandé au chargé de cette faillite de pouvoir récupérer les machines sus-évoquées et/ou obtenir le paiement du solde de leur prix, soit CHF 43'855.-.

f.b.b. Il lui a été répondu que, d’après B______, E______ SA avait vendu ces appareils fin novembre 2018 [à D______ SA], raison pour laquelle ils ne figuraient pas dans les actifs de la masse. Par ailleurs, B______ estimait s’être acquitté du solde du prix réclamé en 2019, par compensation (avec deux sommes prêtées par la société faillie [à F______]).

g.a. Le 20 novembre 2020, A______ SA – agissant en personne – a porté plainte contre B______ pour "escroquerie", joignant à son acte une "chronologie complète" des évènements sus-relatés (cf. lettres B.b à B.f).

En substance, elle reprochait au mis en cause d’avoir revendu les machines lui appartenant et de l’avoir, de ce fait, "piégé[e]".

g.b. D’autres plaintes et dénonciations ont été déposées, par des tiers, contre le prénommé, entre fin 2020 et 2022.

g.c.a. Le Ministère public a instruit comme suit la plainte de A______ SA : délégation à la police (courant février 2021) de l’audition de B______; audience de confrontation (janvier 2022); demande de renseignements auprès d’une autorité (janvier 2022 également).

En avril et septembre 2021, il a répondu, par lettres, à cette société, qui s’enquérait de l’avancement de l’enquête.

g.c.b. Lors de ses auditions en qualité de prévenu, B______ a nié toute infraction. Il a, pour l’essentiel, persisté dans les explications données par ses soins au chargé de la faillite (cf. lettre B.f.b.b).

g.d. A______ SA n’a pas réagi à l’avis de prochaine clôture notifié par le Procureur en novembre 2022.

C. Dans sa décision déférée, le Ministère public a considéré que E______ SA était propriétaire des machines litigieuses au moment de leur revente, soit en novembre 2018. En effet, l’inscription du pacte de réserve de propriété – indispensable pour qu’un vendeur conserve ses droits réels sur l’objet du contrat (art. 715 al. 1 CC) – n’était intervenue qu’en mars 2020. Aussi le prévenu ne pouvait-il s’être rendu coupable d’abus de confiance au sens de l’art. 138 CP (art.  319 al. 1 let. b CPP).

D. a. À l’appui de ses recours et réplique, A______ SA se prévaut – sous la plume d’un avocat – d’un déni de justice, le Procureur ayant négligé de se prononcer sur l’infraction d’escroquerie visée par sa plainte.

Sur le fond, elle dénonce une violation des art. 714 et s. CC ainsi que 319 CPP, respectivement une mauvaise appréciation des éléments du dossier par le Ministère public [dans un grief qu’elle intitule constatation incomplète et/ou erronée des faits]. Les conditions de l’art. 138 CP étaient réalisées, puisqu’elle demeurait propriétaire des appareils industriels. En effet, elle avait conclu avec E______ SA "un constitut possessoire" [recte : un contrat possessoire], soumis à une condition suspensive, à savoir qu’elle ne renoncerait à sa possession originaire – et donc à son droit de propriété – sur les machines (déjà en mains de tiers, possesseurs dérivés) qu’une fois l’intégralité de leur prix payé. Or, selon la jurisprudence (ATF 56 II 203 et arrêt du Tribunal fédéral 5C.170/2005 du 7 décembre 2005), quand un contrat possessoire était assorti d’une condition suspensive, la propriété de l’objet n’était transférée à l’acquéreur que lors de son avènement. E______ SA ne s’étant jamais acquittée de l’intégralité du prix de vente, elle s’était appropriée ses machines, en les revendant à D______ SA. B______ s’était, en outre, rendu coupable d’escroquerie; il l’avait trompée sur sa volonté initiale d’exécuter le contrat du 25 juillet 2018, puis lui avait fait croire, au printemps 2019, époque de la signature de l’avenant, qu’il disposait encore des appareils, l’empêchant ainsi de les lui "réclamer [en] retour". À défaut d’avoir fait porter l’enquête – qui avait duré près de deux ans – sur cette dernière infraction, le Ministère public avait violé le principe de célérité.

b. Invité à se déterminer, B______ conclut, sous suite de frais et équitable indemnité de procédure, au rejet du recours, au motif qu’aucune infraction ne pouvait lui être reprochée. E______ SA était, en automne 2018, pour les motifs retenus dans l’ordonnance entreprise, propriétaire des appareils litigieux et, partant, en droit de les revendre; elle n’en avait pas moins décidé d’honorer les contrat et avenant susmentionnés, raison pour laquelle elle s’était acquittée de l’entier du prix de vente.

c. Le Ministère public persiste dans les termes de sa décision. Le fait d’avoir qualifié les actes dénoncés d’infraction à l’art. 138 CP plutôt qu’à l’art. 146 CP ne constituait nullement un déni de justice. Quoiqu’il en soit, les conditions de cette dernière infraction n’étaient pas réunies, le prévenu ayant réglé nombre des mensualités convenues, démontrant ainsi son intention d’exécuter le contrat.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance de classement, décision sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 322 al. 2 et 393 al. 1 let. a CPP), et émaner de la plaignante, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP) qui a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé (art. 115 cum 382 CPP) à voir poursuivre les infractions supposément commises contre son patrimoine – la question de savoir si les machines litigieuses appartiennent ou non à l’intéressée relevant du fond –.

2. La recourante sollicite, à titre préalable, l'autorisation de consulter le dossier, puis de compléter ses écritures.

La motivation d'un acte doit toutefois être entièrement contenue dans le mémoire lui-même et ne peut être complétée ou corrigée après l'échéance du délai légal – non prolongeable (art. 89 al. 1 CPP) – de dix jours (arrêt du Tribunal fédéral 6B_609/2021 du 19 juillet 2021 consid. 2.4).

Il n’y a donc pas lieu d'entrer en matière sur cette requête, ledit délai étant échu et la cause, en état d'être jugée.

3. La recourante reproche au Procureur d’avoir omis de statuer sur l’infraction d’escroquerie.

3.1. L'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante, et pertinent pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst féd. De même, la jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, ancré à l’alinéa 2 de cette dernière norme, l'obligation pour les juridictions de motiver leurs décisions, afin que le justiciable puisse se rendre compte de la portée de celles-ci et exercer son droit de recours à bon escient (arrêt du Tribunal fédéral 1B_539/2019 du 19 mars 2020 consid. 3.1 et les références citées).

Une violation de ces droits peut toutefois être réparée. En effet, le Tribunal fédéral admet la guérison – devant l'autorité supérieure qui dispose d'un plein pouvoir d'examen – de l'absence de motivation, pour autant que l'autorité intimée ait justifié et expliqué sa décision dans un mémoire de réponse et que le recourant ait eu la possibilité de s'exprimer sur ces points dans une écriture complémentaire; il ne doit toutefois en résulter aucun préjudice pour ce dernier (ATF 125 I 209 consid. 9a et 107 Ia 1 consid. 1; arrêt du Tribunal pénal fédéral R.R.2019.70 du 3 septembre 2019, consid. 3.1 in fine). Une réparation peut également intervenir en présence d'un vice grave, lorsqu'un renvoi à l'instance inférieure constituerait une vaine formalité, respectivement aboutirait à un allongement inutile de la procédure, incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 145 I 167 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 1B_539/2019 précité).

3.2. En l’espèce, la recourante reprochait au prévenu, dans sa plainte, acte qu’elle a rédigé en personne, un seul agissement, à savoir la revente des machines litigieuses, aspect sur lequel le Ministère public a statué (à l’aune de l’art. 138 CP).

Il est douteux que l’on puisse déduire de la "chronologie complète" des évènements jointe à cette plainte les deux autres comportements – prétendument astucieux (art. 146 CP) – que la recourante impute aujourd’hui au prévenu, sous la plume de son avocat (absence de volonté d’exécuter le contrat de vente et omission ayant consisté à lui celer, en 2019, la revente des machines). Ce point souffre toutefois de demeurer indécis.

En effet, à supposer que la dénonciation soit suffisamment motivée sous l’angle de l’escroquerie, le déni de justice qu’aurait alors commis le Ministère public en limitant son examen au premier des comportements incriminés – les deux autres n’ayant pas été traités –, aurait été réparé durant la procédure de recours.

Ainsi, cette autorité a exposé, dans ses observations, les raisons pour lesquelles elle estimait que l’infraction à l’art. 146 CP n’était pas réalisée. La recourante a ensuite eu l'occasion de répondre à cette détermination via sa réplique.

Dite réparation n'induit aucun préjudice pour la plaignante, puisque la Chambre de céans statue avec un plein pouvoir de cognition (art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP) sur les problématiques dont elle est saisie. À cela s'ajoute qu'un renvoi de la cause au Procureur constituerait une vaine formalité, pour les raisons qui seront exposées au point 4.5 infra.

Ces considérations scellent le sort du grief.

4. La recourante estime qu’il existe une prévention suffisante, contre l’intimé, d’abus de confiance et d’escroquerie.

4.1. Le ministère public classe la cause lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (art. 319 al. 1 let. b CPP).

Cette décision doit être prise en application du principe in dubio pro duriore, selon lequel une procédure ne peut être close que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables (ATF 146 IV 68 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_516/2021 du 20 décembre 2022 consid. 2.4.1).

4.2. L’art. 138 ch. 1 al. 1 CP sanctionne celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui avait été confiée.

4.2.1. Déterminer qui est le propriétaire de cette chose se résout à la lumière du droit civil (ATF 132 IV 5 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_524/2019 du 24 octobre 2019 consid. 3.1).

4.2.2. En matière de vente mobilière, l’obtention de la propriété suppose, outre l’existence d’une convention valable, une opération d’acquisition, elle-même constituée d’un acte de disposition (cf. consid. 4.2.3) et du transfert de la possession (cf. consid. 4.2.4) de l’objet concerné (art. 714 al. 1 CC; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1056/2018 du 29 janvier 2019 consid. 2.3.4; P.-H. STEINAUER, Les droits réels, tome II, 5ème éd., Berne 2020, n. 2952 et 2955).

4.2.3. L’acte de disposition est un contrat réel, par lequel l’aliénateur et l’acheteur manifestent leur volonté de transférer (hic et nunc) la propriété de la chose, en exécution de la convention de vente (P.-H. STEINAUER, op cit., n. 2959 ainsi que 2997 et s.).

Ce contrat peut être conditionnel. Ainsi en va-t-il quand le vendeur se réserve la propriété de la chose jusqu’au règlement du prix convenu (P.-H. STEINAUER, op. cit., n. 2959 ainsi que 2997 et s.). Pour être valable, ce pacte dit de réserve de propriété doit être inscrit dans le registre public ad hoc (art. 715 al. 1 CC). Avant cette inscription, il ne sortit aucun effet réel, que ce soit entre les parties ou envers les tiers; l’acquéreur peut donc valablement disposer de l’objet, même en faveur d’une personne qui connaît l’existence du pacte (P.-H. STEINAUER, op. cit., n. 3010). Si l’inscription est effectuée après que l’acquéreur est entré en possession de la chose, la propriété fait alors (sans effet rétroactif) retour à l’aliénateur, l’acheteur étant lui, dans l’intervalle, propriétaire sous condition résolutoire (P.-H. STEINAUER, op. cit., n. 3007).

En application de ces principes, le Tribunal fédéral a jugé, dans trois arrêts publiés aux ATF 106 IV 254 (consid. 2), 90 IV 190 (consid. 1) et 90 IV 180 (consid. 1), que l’acheteur qui revendait un bien à un tiers avant, d’une part, que la réserve de propriété prévue dans le contrat de vente initial n’ait été inscrite au registre topique et, d’autre part, qu’il n’ait lui-même payé l’intégralité du prix convenu, ne pouvait se rendre coupable d’abus de confiance, faute d’avoir disposé d’une "chose appartenant à autrui", étant devenu propriétaire dudit bien dès sa remise.

4.2.4. Le transfert de la possession peut intervenir quel qu’en soit le mode, avec ou sans délivrance de la chose (P.-H. STEINAUER, op. cit., n. 2965).

Ce dernier cas de figure est notamment réalisé dans la configuration dite de la brevi manu traditio, à savoir quand l'acquéreur est déjà en possession (dérivée (im)médiate) de l’objet à un titre spécial (bail, dépôt, etc.) et que l'aliénateur conclut avec lui un contrat possessoire, par lequel il renonce à sa possession originaire; ce contrat peut être conditionnel (P.-H. STEINAUER, Les droits réels, tome I, 6ème éd., Berne 2019, n. 354 à 357 et note de bas de page n. 89).

Dans les deux arrêts cités par la recourante à l’appui de son acte, rendus en matière civile (ATF 56 II 203 consid. 4 et arrêt du Tribunal fédéral 5C.170/2005 du 7 décembre 2005 consid. 2), le Tribunal fédéral a jugé que des personnes qui disposaient de la possession dérivée de choses n’en étaient pas devenues possesseures originaires – et donc propriétaires –, à défaut, pour les conditions suspensives [autres que la réserve de propriété au sens de l’art. 715 CC] stipulées par les parties au contrat, d’avoir été réalisées.

4.3. Aux termes de l'art. 146 ch. 1 CP, commet une escroquerie quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et l’aura de la sorte déterminée à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

4.3.1. La tromperie portant sur la volonté d'exécuter une convention, en particulier sur le fait de prétendre être disposé à payer, est en principe astucieuse, étant donné qu'elle se rapporte à des faits internes qui, par essence, ne peuvent être directement vérifiés par le cocontractant. En pareil cas, l’astuce n’est exclue que si la vérification de la capacité et de la volonté d'exécution de l’auteur pouvait être exigée de la dupe (ATF 147 IV 73 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_822/2021 du 4 juillet 2022 consid. 1.1.4).

4.3.2. Le dommage du lésé doit découler directement de l'acte accompli sous l'effet de l'erreur (ATF 126 IV 113 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_165/2019 du 11 février 2020 consid. 1.6).

4.4. In casu, les machines litigieuses étaient, immédiatement avant la signature du contrat de vente du 25 juillet 2018, en possession tant de la recourante (à titre originaire) que, semble-t-il, de E______ SA (à titre dérivée et médiate) et de D______ SA (à titre dérivée et immédiate).

Dans ce contrat, la recourante et E______ SA ont convenu que la propriété des appareils serait transférée à cette dernière (par le mécanisme de la brevi manu traditio), une fois leur prix intégralement payé.

Elles ont donc introduit une condition suspensive à la convention de droit réel passée entre elles, à savoir une réserve de propriété.

Cette réserve n’a sorti d’effets (réels) qu’en mars 2020, époque de son inscription au registre ad hoc.

Avant ce moment, E______ SA – qui était en possession des machines – en était la propriétaire, même si elle ne les avait payées qu’en partie.

À l’époque de leur revente (soit en novembre 2018) – seule déterminante, l'appropriation étant un comportement illicite unique de l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_198/2017 du 24 novembre 2017 consid. 2.3) –, la société précitée pouvait donc en disposer.

Il s’ensuit que l’intimé, organe de E______ SA (art. 29 let. a CP), n’a pas violé l’art. 138 CP, en ayant revendu les machines litigieuses à D______ SA.

4.5.1. Concernant l’escroquerie alléguée, il n’est guère possible de douter de la volonté et de la capacité du prévenu d’exécuter le contrat du 25 juillet 2018, E______ SA s’étant acquittée de 82% du prix des machines (CHF 204'002.28/CHF 247'710.-), à tout le moins – les parties s’opposant sur la validité de la compensation effectuée pour les 18% restants –.

Quoi qu’il en soit, l’intimé aurait-il eu un tel dessein que la recourante n’en aurait pas été dupe. En effet, elle a estimé que le risque que le prévenu n’honore pas ses obligations était suffisamment concret pour intégrer au contrat une réserve de propriété en sa faveur, jusqu’au paiement intégral du prix (cf. art. 5.1).

L’existence d’une tromperie (astucieuse) doit donc être niée.

4.5.2. L’intimé a celé à la recourante, au printemps 2019, époque de la signature de l’avenant, le fait que E______ SA ne détenait plus les appareils litigieux. L’on ne voit toutefois pas en quoi cette omission aurait causé un dommage supplémentaire à la recourante, lesdits appareils ayant été revendus au mois de novembre 2018 déjà.

L’une des conditions d’application de l’art. 146 CP fait donc défaut.

4.6. En conclusion, le classement (partiel) se justifie pour l’ensemble des comportements dénoncés par la plaignante.

5. La recourante se plaint d’une violation du principe de célérité.

L’on peut se dispenser d’examiner cette critique, faute, pour l’intéressée, de disposer d’un intérêt actuel à faire constater un tel manquement, le classement (partiel) de la procédure venant d’être confirmé (cf. en ce sens arrêt du Tribunal fédéral 6B_161/2018 du 2 août 2018 consid. 5).

6. La recourante succombe intégralement (art. 428 al. 1 CPP).

Elle supportera, en conséquence, les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 2’000.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), somme qui sera prélevée sur les sûretés versées.

7. L’intimé, prévenu qui obtient gain de cause, sollicite le versement de dépens, sans toutefois les chiffer.

Une somme de CHF 1'453.95 lui sera allouée – d’office (art. 429 al. 1 let. a et al. 2 CPP, applicable par le renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP) –, correspondant à trois heures d’activité de chef d’étude – temps qui paraît adéquat pour prendre connaissance du recours, acte qui comporte trente pages, puis rédiger des observations de cinq pages –, rémunérées au tarif horaire usuel de CHF 450.- (ACPR/214/2022 du 29 mars 2022), majorées de la TVA à 7.7%.

Ce montant sera mis à la charge de l’État, les infractions aux art. 138 ch. 1 et 146 ch. 1 CP se poursuivant d’office (ATF 147 IV 47 consid. 4.2.6).

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ SA aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à
CHF 2'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées (CHF 2'000.-).

Alloue à B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'453.95, TVA à 7.7% incluse, pour ses frais de défense dans la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux précités, soit pour eux à leurs conseils respectifs, ainsi qu’au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/22374/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'905.00

-

CHF

Total

CHF

2'000.00