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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/6517/2021

ACPR/232/2023 du 29.03.2023 sur OCL/1100/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);CONTRAINTE SEXUELLE;ABUS DE LA DÉTRESSE;CONJOINT;CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE
Normes : CP.181; CP.193; CPP.319; CP.189

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6517/2021 ACPR/232/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 29 mars 2023

 

Entre

A______, précédemment domiciliée ______ [GE], comparant par Me F______, avocate,

recourante,

contre l'ordonnance de classement rendue le 24 août 2022 par le Ministère public,

et

B______, domicilié ______ [GE], comparant par Me G______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 5 septembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 24 août 2022, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a ordonné le classement de sa plainte contre B______.

La recourante conclut, préalablement, à l'octroi de l'assistance juridique et, principalement, à l'annulation de l'ordonnance querellée, à ce qu'il soit déclaré que B______ est coupable de contrainte, contrainte sexuelle et abus de la détresse, et à ce qu'une "peine correspondante" soit fixée.

b. La recourante étant au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite depuis le 17 janvier 2022, elle a été dispensée du versement de sûretés (art. 136 al. 2 let. a CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissante colombienne née le ______ 1992, et B______, ressortissant suisse né le ______ 1960, se sont mariés à Genève le ______ 2018. La précitée était mère d'une enfant née en 2012 en Colombie.

b. Le 14 février 2020, B______ a déposé plainte pénale contre son épouse, au motif qu'elle l'avait frappé.

Cette procédure (P/1______/2020) a donné lieu à une ordonnance pénale – en force – du 24 avril 2020 pour voies de fait. À teneur de l'ordonnance précitée, A______, entendue par la police, avait reconnu avoir giflé son époux.

À compter du 14 février 2020, les époux se sont séparés, tout en continuant à vivre sous le même toit.

c. Le 3 mars 2020, une convention de divorce a été signée entre les époux, sur la base de laquelle une requête commune de divorce a été déposée devant le Tribunal civil. Lors de l'audience de comparution personnelle des parties, le 22 mai 2020, A______ a toutefois déclaré ne plus être d'accord avec les termes de la requête commune en divorce et de la convention, précisant : "J'ai signé ces documents sous pression". Le juge a, en conséquence, rayé la cause du rôle.

d. Le 2 juin 2020, A______ a déposé plainte pénale contre B______ pour injure et voies de fait (P/2______/2020). Elle a exposé qu'après six mois de vie commune, son époux avait commencé à changer, était devenu agressif, lui criait contre et disait régulièrement qu'elle était "stupide". Elle a en outre ajouté : "Par [la] suite, M. B______ m’a fait une proposition de divorce en indiquant qu’il allait me verser une pension alimentaire pendant 1 an et assurer mes frais de vie quotidien[s]. J’ai alors accepté mais une fois devant le juge, M. B______ a tout annulé et a dit que je devais quitter l’appartement immédiatement et que je ne recevrais aucun argent. J’ai donc refusé de signer le divorce dans ces conditions." A______ a précisé que, suite à cela, le 22 mai 2020, son époux avait crié en lui demandant pourquoi elle avait refusé le divorce, l'avait poussée violemment, rabaissée et menacée de la mettre à la porte si elle ne partait pas.

Cette procédure a donné lieu à une ordonnance de non-entrée en matière du 14 octobre 2020, en force.

e. Le 25 juin 2020, A______ a déposé une requête en mesures protectrices de l'union conjugale, et, le 30 juin 2020, B______ a déposé une demande unilatérale de divorce.

f. Le 24 décembre 2020, B______ a déposé plainte contre son épouse (P/3______/2021) pour des violences intervenues la veille, à la suite desquelles il avait présenté des hématomes et ecchymoses. A______ a contesté les faits.

La précitée a fait l'objet d'une mesure d'éloignement de dix jours prononcée par le commissaire de police.

Le 2 février 2021, les parties ont été entendues contradictoirement par le Ministère public dans le cadre de cette procédure. A______ était assistée de Me E______.

Par ordonnance pénale du 2 juin 2021, le Ministère public a condamné A______ pour lésions corporelles simples, estimant que les déclarations de B______ étaient corroborées par le certificat médical produit.

Par suite de l'opposition formée par la prévenue, la cause est actuellement pendante devant le Tribunal de police.

g. Sur ces entrefaites, A______, assistée de Me E______, a déposé plainte pénale, le 22 mars 2021, contre B______.

Elle a exposé avoir fait la connaissance de B______ en 2016, en Colombie, où celui-ci se trouvait pour des raisons professionnelles. Ils s'étaient revus plusieurs fois et, finalement, s'étaient mariés en août 2018. Elle ne souhaitait pas venir en Suisse, mais B______ l’avait "forcée" à entreprendre ce voyage. Les premiers mois de la vie commune, à Genève, s'étaient bien déroulés.

Toutefois, six mois après le mariage, le comportement de son mari avait changé. Il la dénigrait régulièrement, lui reprochant son manque d'éducation. Il lui disait qu'elle était "bête et stupide", car elle n'apprenait pas assez vite aux cours de français auxquels il l'avait inscrite. Alors qu'elle souhaitait travailler "dans le nettoyage", pour disposer de ses propres revenus, son époux avait refusé au motif qu’il aurait honte qu'elle exerce une telle activité.

Il l'avait aussi forcée à entretenir des relations sexuelles avec lui, lui disant que si elle refusait elle irait en prison. Craignant de devoir laisser sa fille seule, elle avait cédé. En particulier, il la contraignait régulièrement à lui prodiguer des fellations et elle devait recommencer jusqu'à ce qu'il soit satisfait. Lorsqu'elle parvenait à refuser, il la poussait hors du domicile conjugal, en criant. Il allait fréquenter des prostituées, tout en lui reprochant de ne pas s’acquitter de son devoir conjugal. Cela avait duré de février 2019 au 14 février 2020.

Le 15 février 2020, il lui avait dit vouloir divorcer et l’avait obligée à signer les divers documents y relatifs. Lors de l’audience de comparution personnelle, elle avait toutefois refusé le divorce car elle ne pouvait retourner en Colombie en raison de la pandémie de Covid-19. Son mari, furieux, avait quitté le domicile conjugal durant deux semaines, la laissant, avec sa fille, livrées à elles-mêmes, sans argent ni accès à Internet.

Depuis décembre 2020, elle était hébergée dans un foyer.

h. Entendu par la police, B______ a expliqué n'avoir à aucun moment forcé A______ à venir en Suisse, ni ne l’avait dénigrée ou empêchée d’exercer un travail, bien au contraire. Il l'avait aidée à s'intégrer, à apprendre la langue et à trouver un emploi.

Jamais il n'avait forcé son épouse à entretenir des relations sexuelles, ni ne l'avait forcée à quoi que ce soit d'autre. En raison de la mauvaise entente au sein de leur couple, il était probable qu'ils se soient mutuellement échangés des reproches.

En mai 2020, après que son épouse, contre toute attente, eut refusé le divorce, il avait quitté le domicile conjugal durant quelques jours, avait résilié l’abonnement téléphonique – qu’il avait conclu pour elle à son nom à lui – et l’avait priée de faire le nécessaire pour conclure son propre abonnement, au moyen des économies dont elle disposait et qu'il lui avait lui-même versées.

Il avait déposé une nouvelle plainte pénale, le 22 juin 2021 (P/4______/2021 actuellement suspendue), contre A______ pour diffamation, à la suite de la production par celle-ci, dans la procédure civile, d'un rapport médical reprenant les mêmes faits que ceux reprochés dans sa plainte.

i.i. Lors de l'audience de confrontation devant le Ministère public, A______ a expliqué que, soucieuse de ne plus dépendre de son époux, elle avait souhaité exercer une activité lucrative dans le domaine du nettoyage et, à cette fin, lui avait demandé de lui établir un curriculum vitae, ce qu’il avait refusé de faire. Elle n'avait finalement jamais travaillé. Il payait tout, mais elle ne pouvait rien acheter pour sa fille. Dès septembre 2019, il avait accepté de lui donner de l’argent de poche. Elle s’était rendue en Colombie à trois reprises après la célébration du mariage, toujours accompagnée de sa fille, entre décembre 2018 et décembre 2019.

Lorsqu’elle n’avait pas envie d’entretenir des rapports sexuels avec lui, en particulier de type oral, B______ se fâchait et lui disait que c'était une obligation. Si elle refusait de le satisfaire, il allait voir d’autres femmes et la laissait seule avec sa fille. Pour éviter d’avoir à vivre cette situation, elle lui cédait. Il n'avait jamais menacé de lui couper les vivres si elle n'entretenait pas de relation sexuelle avec lui, mais lorsqu'il partait une à deux semaines elle devait se débrouiller, notamment avec les allocations familiales qui étaient versées sur son compte à elle.

Il n'avait jamais exercé de violence physique contre elle dans le but d'entretenir une relation sexuelle, mais, à une reprise, avait dit qu’elle irait en prison si elle ne lui cédait pas. Ignorant comment les choses se passaient en Suisse, elle avait alors accepté contre sa volonté.

Elle n’avait pas fait mention des rapports sexuels non consentis au gynécologue qu'elle avait consulté, ni à son amie C______, ni à sa famille, pas plus que lors d’une audience devant le Ministère public le 2 février 2021 dans le cadre de la procédure P/3______/2021 (cf. B.f. supra). À l'époque, elle pensait avoir l'obligation d'entretenir des relations sexuelles avec son mari. Dès janvier 2021, elle avait consulté des psychologues et des psychiatres – six praticiens différents –, car elle souffrait de dépression, et, après avoir évoqué les faits figurant dans sa plainte, c'est eux qui lui avaient dit qu'elle devait les dénoncer.

B______ l'avait obligée à signer les documents du divorce. Au vu de son refus, il s'était fâché et lui avait déclaré qu'elle devrait partir si elle ne signait pas. Elle l'avait cru mais s'était quand-même rendue à la police pour savoir s'il était possible, dans ces conditions, de mettre quelqu'un à la rue, et il lui avait été répondu qu'a priori tel n'était pas le cas. Un soir, il l’avait saisie par un bras, lui ordonnant de signer. Elle avait eu peur "des menaces" et avait signé les documents. Par la suite, elle lui avait dit vouloir consulter un avocat. Il lui avait trouvé une avocate parlant espagnol, avait pris un rendez-vous pour elle et lui avait remis de l’argent pour s’acquitter des honoraires, tout en lui demandant de transmettre des documents à cette avocate. Durant l'entretien, celle-ci avait appelé B______, avec lequel elle avait parlé en français, de sorte qu'elle-même n'avait pas compris le contenu de la conversation. Puis, l'avocate lui avait dit que tout était en ordre, de sorte qu'elle avait signé de nouveaux documents. Elle était d'accord de divorcer mais ne savait pas ce qu'elle signait. Ainsi, lors de l’audience de comparution des parties, elle avait déclaré avoir signé sans tout comprendre, de sorte que la juge avait estimé que les conditions d’un divorce d’accord n’étaient pas réunies.

ii. B______ a déclaré avoir tout mis en œuvre pour aider son épouse à s’acclimater en Suisse, ainsi qu’à s’intégrer, et l’avait inscrite à des cours intensifs de français. À aucun moment il ne l’avait dénigrée.

Il assumait toutes les dépenses. Peu après le mariage, il avait ouvert un compte bancaire au nom de A______, sur lequel il versait sporadiquement de l’argent, de l’ordre de CHF 500.- par mois, argent qui était à la libre disposition de la précitée. Il avait aussi fait établir une carte de crédit en sa faveur et lui reversait les allocations familiales perçues pour sa fille.

Il ne l'avait nullement empêchée de travailler et s'était, au contraire, renseigné pour qu'elle travaille auprès de l'association D______, mais elle devait atteindre un niveau B2 de français, de sorte qu'il lui avait demandé d’entreprendre des démarches pour obtenir copie de ses bulletins scolaires colombiens pour établir son curriculum vitae. À aucun moment A______ ne lui avait fait part de son intention de travailler dans le domaine du nettoyage.

Sur le plan sexuel, il n’avait jamais forcé son épouse à des rapports ou à des pratiques qu'elle n’aurait pas consentis, ni n'avait crié ou proféré de menaces contre elle.

Après février 2020, tous deux avaient continué à vivre dans le même appartement, mais chacun vivait dans sa chambre. A______ était libre de sortir. Il avait continué à alimenter le compte bancaire de son épouse, à hauteur d’environ CHF 1'500.- par mois, ce que A______ a contesté, déclarant qu'il lui versait CHF 1'000.- par mois, après qu'elle eut dû réclamer.

Il n'avait exercé aucune pression sur son épouse pour qu'elle signe la convention de divorce. Il avait trouvé une avocate hispanophone – Me E______ –, qu'il ne connaissait pas, et lui avait transmis le projet de convention, qu'il avait rédigé seul. Avec l'aide de l'avocate, A______ avait négocié à la hausse la contribution qu'il proposait de lui verser, puis avait signé la convention.

j. Selon le rapport médical établi le 19 février 2021 par une psychiatre et une psychologue des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après, HUG), A______ était suivie par l’unité interdisciplinaire de médecine et de prévention de la violence depuis le 8 janvier 2021. Dans ce cadre, la précitée avait déclaré avoir vécu des violences psychologiques régulières de la part de son époux qui avaient débuté peu après leur mariage, avec des propos diffamatoires et discriminatoires, du dénigrement, du contrôle et de l’isolement, des cris, des menaces ("il va la faire expulser de Suisse"), des violences matérielles ("il lui coupe l’accès à internet, il lui prend son téléphone et la télévision"). Elle avait aussi évoqué des rapports sexuels forcés ("ex : fellation") avec du chantage et des menaces si elle ne se soumettait pas ("ex : elle a 30 minutes pour le faire jouir sinon elle doit recommencer ; il va la quitter et elle va se retrouver à la rue avec sa fille"), dont le dernier [épisode] avait eu lieu en été 2020. La patiente s'était plainte d'une tristesse envahissante, d'une fatigabilité très importante qui l'obligeait à rester au lit pendant la journée, de troubles du sommeil, de perte d'appétit et d'idées suicidaire scénarisées.

Les praticiennes ont constaté une symptomatologie anxio-dépressive et un état dépressif sévère évoluant de manière favorable.

k. le 10 janvier 2022, le Tribunal de première instance a rendu le jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale.

l. Par avis de prochaine clôture de l’instruction du 4 avril 2022, le Ministère public a informé les parties du prochain classement de la procédure. Dans le délai imparti, elles n’ont sollicité aucune réquisition de preuve.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a retenu qu'aucun élément du dossier ne permettait de retenir que B______ aurait entravé la liberté de son épouse de travailler dans domaine du nettoyage. Si le précité avait reconnu avoir résilié le contrat du raccordement téléphonique utilisé par A______, ce comportement n’avait pas l’intensité nécessaire pour constituer une tentative de contrainte. Les allégations de la plaignante selon lesquelles il n’aurait eu de cesse de la dénigrer et de la rabaisser n'étaient pas non plus établies, ni ne revêtiraient l'intensité suffisante pour tomber sous le coup de la loi pénale.

Dans le cadre de la demande en divorce par consentement mutuel, A______ avait eu recours à une avocate hispanophone, qui avait été à même de la conseiller après avoir eu accès au projet de convention. Cette même avocate avait continué à défendre ses intérêts tant dans le cadre de la présente procédure pénale que de la procédure civile, avant d’être remplacée. Aucune tentative de contrainte, de la part de B______, ne pouvait ainsi être mise en évidence. À teneur du jugement sur mesures protectrices de l’union conjugale, la décision de A______ de refuser le divorce tenait à la situation sanitaire et à l’impossibilité de retourner en Colombie à l’échéance convenue.

S'agissant de la contrainte sexuelle invoquée, même à tenir pour établie la version des faits exposée par A______, les comportements qu’elle prêtait à son époux ne constituaient pas des pressions psychiques de nature à la mettre hors d’état de résister, et les menaces invoquées – pour peu qu'elles fussent crédibles – n'étaient pas d'une intensité suffisante. A______ n'avait fait état de violences ni devant la police le 2 juin 2020, ni devant le Ministère public le 2 février 2021, ni dans le cadre de la procédure sur mesures protectrices de l’union conjugale, pas plus qu'elle n'en avait fait part à sa famille ou à son amie. Aucun abus de la détresse n'était non plus établi.

D. a. Dans son recours, A______ expose ne pas avoir formé opposition à l'ordonnance pénale du 24 avril 2020, car son époux lui avait dit qu'il valait mieux ne pas le faire. B______ avait en outre déposé deux autres plaintes contre elle, actuellement pendantes. Le présent recours s'inscrivait donc dans un contexte très particulier, où le rapport de forces avec le précité, de 32 ans son aîné, était "loin d'être équilibré".

Si elle avait "pu admettre" ne pas avoir été forcée à se marier et à venir en Suisse, son époux l'avait empêchée de travailler dans le domaine du nettoyage et préféré lui donner de l'argent de poche. En expliquant s'être renseigné auprès de [l'association] D______ et lui avoir demandé de faire des démarches pour obtenir ses bulletins scolaires, il admettait implicitement ne pas avoir souhaité qu'elle travaille dans le domaine du nettoyage, ce qui relevait de la contrainte. Elle se réfère, s'agissant des "autres" entraves à sa liberté, au contenu du rapport médical du 19 février 2021.

En mars 2020, B______ l'avait par ailleurs contrainte à signer une convention de divorce dont la teneur et la portée lui étaient totalement incompréhensibles, ce que le Tribunal civil avait constaté. Elle n'avait nullement refusé le divorce en lien avec la situation sanitaire, mais en raison des pressions exercées par son époux, ce qu'elle avait dit à la juge.

S'agissant de la contrainte sexuelle et de l'abus de faiblesse, le Ministère public retenait de manière insoutenable que le rapport médical du 19 février 2021 n'avait aucune valeur probante au motif qu'elle n'avait pas évoqué les faits devant d'autres autorités ou personnes. Elle rappelle être arrivée en Suisse avec sa fille âgée de 5 ans, sans parler le français ; que son mari lui faisait croire qu'il pouvait la "mettre dehors" si elle ne signait pas les documents qu'il voulait ou ne satisfaisait pas ses besoins sexuels ; et qu'elle avait été condamnée pour voies de fait sans pouvoir se défendre. Elle craignait tellement son époux et de se voir mettre à la porte qu'elle n'osait pas parler à des tiers de sa souffrance et des humiliations sexuelles. Elle n'avait pu le faire, aux HUG, qu'après avoir été mise à la porte le 24 décembre 2020. Le lien de dépendance entre elle et son époux, ainsi que sa situation de détresse (isolement, honte et culpabilité), étaient clairement établis.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Il n'était nullement établi que B______ aurait usé d'un moyen de contrainte pour empêcher son épouse d'exercer la profession désirée, ni que la signature de la précitée sur la première convention de divorce aurait résulté d'un acte pénalement répréhensible. Le rapport médical du 19 février 2021 retranscrivait les déclarations de A______ et, en tout état, les pressions décrites ne mettaient pas en évidence de contrainte sexuelle. Aucun autre élément au dossier ne contenait d'éléments à charge.

c. B______ conclut au rejet du recours, avec suite d'indemnité de CHF 3'150.25. Il expose avoir investi sans compter dans sa relation avec la précitée, pour le bien-être de celle-ci et de sa fille. Il conteste tous les griefs élevés par la plaignante, qui, à teneur des éléments qu'elle produisait à l'appui de son recours, ne travaillait toujours pas puisqu'elle vivait de la contribution mensuelle qu'il lui versait.

d. La recourante n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2. La recourante reproche au Ministère public d'avoir classé sa plainte pour contrainte.

2.1. Conformément à l'art. 319 al. 1 let. a CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi. Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation.

La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 et les références citées).

2.2. Se rend coupable de contrainte selon l'art. 181 CP celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, ne pas faire ou à laisser faire un acte.

La menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 consid. 2b; 106 IV 125 consid. 2a) ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120 consid. 2a). La loi exige un dommage sérieux, c'est-à-dire que la perspective de l'inconvénient présenté comme dépendant de la volonté de l'auteur soit propre à entraver le destinataire dans sa liberté de décision ou d'action. La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs, en se plaçant du point de vue d'une personne de sensibilité moyenne (ATF 122 IV 322 consid. 1a; 120 IV 17 consid. 2a/aa).

Il peut également y avoir contrainte lorsque l'auteur entrave sa victime "de quelque autre manière" dans sa liberté d'action. Cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive. N'importe quelle pression de peu d'importance ne suffit pas. Il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d'un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action. Il s'agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1).

2.3. En l'espèce, la recourante allègue, en premier lieu, que son époux l'aurait empêchée de travailler dans le domaine du nettoyage, refusant ainsi qu'elle acquière une certaine indépendance. Elle n'a, toutefois, nullement établi ses déclarations, que le prévenu conteste. Ce dernier a exposé, sans être contredit, avoir inscrit la recourante à des cours de français.

Il s'ensuit que le prévenu semble avoir pris des mesures permettant à son épouse de s'intégrer en Suisse. Par ailleurs, la recourante n'a pas rendu vraisemblable qu'il aurait usé d'un moyen de contrainte (violence ou menaces) pour l'empêcher de travailler. Elle se réfère au rapport médical du 19 février 2021 pour, semble-t-il, établir que son mari aurait entravé sa liberté d'une autre manière, mais les actes énumérés par cette attestation (cris, dénigrement, etc.) sont ceux qu'elle reproche à son mari, dont les médecins n'ont pas été témoins. En outre, on ne voit pas en quoi ces comportements l'auraient empêchée d'exercé le métier souhaité, qu'elle n'exerce d'ailleurs toujours pas. Les faits ne recèlent ainsi pas de prévention pénale suffisante pour un renvoi en jugement du prévenu.

La recourante soutient, en second lieu, que son époux l'aurait contrainte à signer une convention de divorce, ce que conteste l'intéressé. La recourante, qui n'a pas produit le document en question, expose que son époux l'aurait prise par le bras pour qu'elle signe les documents, et qu'elle se serait exécutée car elle croyait les menaces proférées par celui-ci, à savoir qu'elle devrait "partir" si elle ne signait pas. On relève toutefois qu'à suivre son propre récit, la recourante se serait rendue à la police pour vérifier si ces dires étaient crédibles, ce que la police aurait "plutôt démenti" (cf. p. 6 recours). Elle admet, en outre, qu'après qu'elle eut demandé à son mari à pouvoir consulter un avocat, il aurait choisi pour elle un conseil hispanophone, avec l'aide duquel elle avait pu négocier la pension et signer une nouvelle convention. Elle a également admis qu'elle était, à ce moment-là, d'accord de divorcer. Ce n'est qu'à l'audience devant le Tribunal, qu'elle aurait, évoquant des "pressions", mis un terme à la procédure de divorce d'accord, pour déposer une requête en mesures protectrices de l'union conjugale. Au vu de l'ensemble de ces circonstances, il n'existe pas de soupçon suffisant de l'existence d'une contrainte, de sorte qu'une condamnation de l'intimé apparaît improbable.

C'est donc à bon droit que le Ministère public a retenu que la poursuite ne devait pas être continuée pour ce chef d'infraction.

3. La recourante reproche au Ministère public d'avoir classé sa plainte pour contrainte sexuelle et abus de la détresse.

3.1. Dans les procédures où l'accusation repose essentiellement sur les déclarations de la victime, auxquelles s'opposent celles du prévenu, le principe "in dubio pro duriore" impose, en règle générale, que ce dernier soit mis en accusation. Cela vaut en particulier lorsqu'il s'agit de délits commis typiquement "entre quatre yeux" pour lesquels il n'existe souvent aucune preuve objective (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 précité, consid. 2.2). Concernant plus spécialement la poursuite des infractions contre l'intégrité sexuelle, les déclarations de la partie plaignante constituent un élément de preuve qu'il incombe au juge du fond d'apprécier librement, dans le cadre d'une évaluation globale de l'ensemble des éléments probatoires figurant au dossier (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 précité, consid. 3.2 in fine).

Il peut toutefois être renoncé à une mise en accusation si : la victime fait des dépositions contradictoires, rendant ses accusations moins crédibles; une condamnation apparaît, au vu de l'ensemble des circonstances, a priori improbable pour d'autres motifs; il n'est pas possible d'apprécier l'une ou l'autre des versions opposées des parties comme étant plus ou moins plausible et aucun résultat n'est à escompter d'autres moyens de preuve (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 précité, consid. 2.2).

3.2. Enfreint l'art. 189 CP celui qui, notamment en usant de menace ou de violence envers une personne, en exerçant sur elle des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister l'aura contrainte à subir un acte analogue à l'acte sexuel ou un autre acte d'ordre sexuel.

Sur le plan objectif, il faut, pour qu'il y ait contrainte, que la victime ne soit pas consentante, que le prévenu le sache ou accepte cette éventualité et que celui-ci déjoue, en utilisant un moyen efficace, la résistance que l'on peut attendre de celle-là (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 précité, consid. 3.1).

En introduisant la notion de "pressions psychiques", le législateur a voulu viser les cas où l'auteur provoque chez la victime des effets tel que la surprise, la frayeur ou le sentiment d'une situation sans espoir, propres à la faire céder, sans pour autant recourir à la force physique ou à la violence (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 précité, consid. 3.1). Pour être qualifiées de contrainte, ces pressions doivent atteindre une intensité particulière (ATF 131 IV 167 consid. 3.1) et rendre la soumission de la victime compréhensible (arrêt du Tribunal fédéral 6B_159/2020 du 20 avril 2020 consid. 2.4.3).

3.3. Selon l'art. 193 al. 1 CP est punissable celui qui, profitant de la détresse où se trouve la victime ou d’un lien de dépendance fondé sur des rapports de travail ou d’un lien de dépendance de toute autre nature, aura déterminé celle-ci à commettre ou à subir un acte d’ordre sexuel – notion qui englobe également l’acte sexuel au sens strict (A. MACALUSO/ L. MOREILLON/ N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 23 ad art. 193).

Cette disposition protège la libre détermination en matière sexuelle. L'infraction suppose que la victime se trouve dans une situation de détresse ou de dépendance par rapport à l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1175/2017 du 11 avril 2018 consid. 1.1).

3.4. En l'espèce, les déclarations de la recourante ont varié, puisqu'elle n'allègue plus avoir été contrainte de se marier et suivre son époux en Suisse, ni avoir dû céder à des pratiques sexuelles non consenties sous la menace d'être envoyée en prison. Ces variations amoindrissent la crédibilité de ses accusations.

Par ailleurs, le fait, pour la recourante, d'être arrivée en Suisse à l'âge de 26 ans avec sa fille de 5 ans, sans parler le français, n'est pas à lui seul de nature à établir qu'elle ne pouvait refuser d'entretenir certaines pratiques sexuelles avec son mari. Les autres moyens de contrainte qu'elle invoque (les menaces qu'il la "mette dehors" si elle ne signait pas la convention de divorce; la condamnation pour voies de fait sans pouvoir se défendre; le conseil de son époux de ne pas faire opposition à l'ordonnance pénale) ne peuvent chronologiquement être pris en compte, puisque ces comportements, même s'ils étaient avérés, n'ont pu avoir lieu qu'après la séparation des parties, le 14 février 2020. Or, la recourante allègue avoir été contrainte sexuellement par l'intimé de février 2019 au 14 février 2020.

Dans son recours, elle allègue avoir accepté les humiliations sexuelles car elle "craignait tellement son époux" et qu'il la mette à la porte, au point de ne pas avoir osé en parler à des tiers. Ces allégations ne reposent toutefois sur aucun fait objectif, les éléments au dossier démontrant plutôt qu'entre le mariage, en août 2018, et la séparation, en février 2020, le cité a pourvu aux besoins matériels de la recourante, à qui il versait de l'argent sur un compte à son nom (à elle). De plus, elle avait pu fréquenter des cours de français, sortir à sa guise et rendre visite plusieurs fois à sa famille en Colombie. On peine dès lors à déceler, dans ces faits, l'existence de pressions psychiques ou d'un lien de dépendance propre à l'empêcher de refuser certaines pratiques sexuelles. Elle se fonde sur le rapport médical du 19 février 2021, mais celui-ci a été établi après la mesure d'éloignement prononcée contre elle-même, qui a dû être hébergée en foyer, de sorte que la symptomatologie décrite peut s'expliquer par ce contexte.

Ainsi, une condamnation apparaît a priori improbable, de sorte que le classement de la procédure ne prête pas le flanc à la critique.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             La recourante, au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite, sera exemptée des frais de la procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP).

6.             La procédure étant terminée, son conseil sera indemnisé, (art. 135 al. 2 cum 138 CPP). L'indemnité sera fixée à CHF 861.60 (TVA à 7.7 % incluse), correspondant à quatre heures au tarif de chef d'étude, pour un recours de 15 pages (pages de garde et de conclusions comprises).

7.             L'intimé, prévenu, qui obtient gain de cause, doit être indemnisé pour les frais encourus par le dépôt d'observations (art. 429 al. 1 let. a CPP).

7.1. L'autorité pénale amenée à fixer une indemnité sur le fondement de l'art. 429 al. 1 let. a CPP n'a pas à avaliser purement et simplement les notes d'honoraires d'avocats qui lui sont soumises : elle doit, au contraire, examiner, tout d'abord, si l'assistance d'un conseil était nécessaire, puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire, et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conformes au tarif pratiqué à Genève, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

7.2. La Cour de justice applique au chef d'étude un tarif horaire de CHF 450.- (arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 = SJ 2012 I 172 ; ACPR/279/2014 du 27 mai 2014) ou de CHF 400.- (ACPR/282/2014 du 30 mai 2014), notamment si l'avocat concerné avait lui-même calculé sa prétention à ce taux-là (ACPR/377/2013 du 13 août 2013).

7.3. En l'espèce, le recourant expose que ses observations ont nécessité 6 heures 30 de travail d'avocat chef d'étude, à CHF 450.- de l'heure, temps qui paraît excessif au regard de l'absence de complexité de la cause, de sorte que l'indemnité, à la charge de l'État (arrêt du Tribunal fédéral 6B_357/2015 du 16 septembre 2015 consid. 2.2), sera ramenée à CHF 1'938.60 (TVA à 7.7% incluse), comprenant un entretien avec le client et le temps nécessaire à la rédaction d'une brève réponse au recours.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'État.

Alloue à Me F______ à la charge de l'État, une indemnité de CHF 861.60, TVA (7.7% incluse) pour la procédure de recours.

Alloue à B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'938.60, TVA (7.7%) incluse, pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure devant l'instance de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante (soit pour elle son conseil), à l'intimé (soit pour lui son conseil) et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).