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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/25946/2022

ACPR/222/2023 du 27.03.2023 sur OMP/22630/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/25946/2022 ACPR/222/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 27 mars 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Laïla BATOU, avocate, BOLIVAR BATOU BOBILLIER, rue des Pâquis 35, 1201 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 23 décembre 2022 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 4 janvier 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 23 décembre 2022, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner une défense d'office en sa faveur.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision et à ce que son conseil soit désigné à sa défense d'office; subsidiairement, il conclut à la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé sur la recevabilité de l'opposition à l’ordonnance pénale du 4 octobre 2022 (P/1______/2022).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Dans la présente procédure, il est reproché à A______ d'avoir, à Genève :

- entre le 5 octobre 2022, lendemain de sa précédente condamnation et le 7 décembre 2022, jour de son interpellation, persisté à séjourner en Suisse, notamment à Genève, alors qu'il n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires;

- le 7 décembre 2022, au quai 1 ______ no. ______, détenu une boulette de cocaïne d'un poids total brut de 2.1. grammes, destinée à la vente, étant précisé que la perquisition de son lieu de résidence a révélé la présence de divers objets nécessaires à la vente de drogue (un sachet en plastique contenant une balance, une paire de ciseaux et deux paquets de dextrose);

- dans les circonstances précitées, après avoir tenté d'ingérer ladite boulette de cocaïne, empêché les policiers de procéder à son interpellation, en s'opposant violemment à leurs injonctions alors qu'ils essayaient de le menotter, notamment en les repoussant violemment, en assénant un coup au niveau de la mâchoire d'un des agents et en blessant un autre agent au pouce de la main droite, tel que constaté par certificat médical du 8 décembre 2022, contraignant lesdits policiers à faire usage de la force.

a.b. Entendu par la police le jour même, en présence d'un interprète et de son conseil, A______ a admis séjourner en Suisse sans autorisation, contestant les faits pour le surplus. Il a expliqué qu'il se rendait au quai 1 ______ no. ______ – son adresse officielle, sans que cela ne soit toutefois son lieu de vie – pour vérifier s'il avait reçu du courrier. Il n'avait pas tenté d'avaler une boulette de cocaïne et ne s'était pas débattu, hormis lorsque le policier l'avait saisi par le cou. En revanche, il avait été projeté au sol par un policier et avait été frappé.

a.c. Par ordonnance du 8 décembre 2022, le Ministère public a condamné A______ à une peine privative de liberté de 90 jours pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, infraction à l’art. 19 al. 1 let. c et d LStup et séjour illégal.

a.d. Le 9 décembre 2022, sous la plume de Me Laïla BATOU, A______ a formé opposition à ladite ordonnance et sollicité que son conseil lui soit nommé d'office, au vu de sa fragilité psychique importante.

Il produit un certificat médical établi le 17 octobre 2022 par B______ [association de soutiens psychologiques], duquel il ressort qu'il a bénéficié d'un suivi psychothérapeutique de décembre 2018 à avril 2019, à la demande de son médecin traitant. Les difficultés d'ordre psychologique qu'il présentait étaient directement en lien avec les événements traumatiques vécus lors de l'incendie [de] C______ de 2014. Il souffrait d'un état de stress post-traumatique avec au premier plan des pensées envahissantes, des cauchemars, des troubles de la concentration, une humeur labile avec des accès de colère très importants. Il avait unilatéralement interrompu cette prise en charge thérapeutique.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public considère que la cause ne présentait pas de difficultés particulières juridiques ou de fait et que le prévenu était donc à même de se défendre efficacement seul. La cause était en outre de peu de gravité et n'exigeait pas la désignation d'un défenseur d'office, dès lors que le prévenu n'était passible que d'une peine privative de liberté maximale de quatre mois ou d'une peine pécuniaire maximale de 120 jours-amende.

D. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir une fragilité particulière sur le plan psychique altérant notamment ses facultés de concentration, de sorte qu'il n'avait pas les capacités de se défendre seul dans le cadre d'une procédure pénale.

En outre, il produit une ordonnance pénale du 14 décembre 2022 prononcée dans la procédure P/1______/2022, le condamnant à une peine privative de liberté de 60 jours et à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, pour lésions corporelles simples, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et empêchement d'accomplir un acte officiel. Son conseil avait formé opposition le 14 décembre 2022 à ladite ordonnance pénale, laquelle ne lui aurait pas été valablement notifiée car il n'aurait pas compris sa condamnation en l'absence de traduction. Si les deux procédures étaient jointes, la cause devrait être qualifiée de complexe dès lors qu'il ne maîtrisait pas le français et était étranger au système juridique suisse. En outre, la limite de peine privative de liberté de quatre mois de l'art. 132 al. 3 CPP serait vraisemblablement dépassée.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. L'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur à deux conditions : le prévenu doit être indigent et la sauvegarde de ses intérêts doit justifier une telle assistance, cette seconde condition devant s'interpréter à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP.

La défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP), ces deux conditions étant cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_229/2021 du 9 septembre 2021 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_194/2021 du 21 juin 2021 consid. 3.1).

3.2. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure. La jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi – qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes – ferait ou non appel à un avocat.

Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut aussi tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1 publié in SJ 2014 I 273 et les références citées) et des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (ATF 115 Ia 103 consid. 4).

3.3. L'art. 314 al. 1 let. b CPP susmentionné prévoit que le ministère public peut suspendre une instruction, notamment lorsque l'issue de la procédure pénale dépend d'un autre procès dont il paraît indiqué d'attendre la fin.

Cette disposition est potestative et les motifs de suspension qui y sont énumérés ne sont pas exhaustifs. Le ministère public dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui lui permet de choisir la mesure la plus adéquate et opportune, dans le cas d'espèce, entre une suspension et une non-entrée en matière (arrêt du Tribunal fédéral 1B_67/2012 du 29 mai 2012 consid. 3.1). Dans la mesure où sa mission est de mener à bien l'instruction et de fournir un dossier en état d'être jugé dans le respect du principe de célérité, la suspension de l'instruction doit toutefois demeurer exceptionnelle et n'être prononcée qu'avec retenue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_421/2012 du 19 juin 2013 consid. 2.3). La procédure qui justifie la suspension doit concerner des éléments constitutifs centraux pour la procédure suspendue et la seule opportunité de suspendre la procédure pénale ne suffit pas (arrêt du Tribunal fédéral 1B_67/2011 du 13 avril 2011 consid. 4.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op.cit., n. 13a ad art. 314).

3.4. En l'espèce, l'indigence du recourant n'a pas été examinée, mais peut toutefois rester ouverte vu ce qui suit.

Dans la mesure où la peine privative de liberté encourue par le recourant s'élève à 90 jours, la cause est de peu de gravité, au sens de l'art. 132 al. 3 CPP.

En outre, l'examen des circonstances du cas d'espèce permet de retenir que la cause ne présente pas de difficultés particulières, du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, que le recourant ne serait pas en mesure de résoudre seul. Les faits et dispositions applicables sont clairement circonscrits et ne présentent aucune difficulté de compréhension ou d'application. Le recourant s'est déjà exprimé à leur égard, reconnaissant se savoir en situation irrégulière en Suisse et contestant la détention de stupéfiants et les circonstances de son interpellation. Il a ainsi parfaitement compris ce qui lui était reproché et a donné des explications précises.

Ainsi, en l'absence de cette condition cumulative, la défense d'office ne se justifie pas.

Enfin, rien ne permet de retenir que d'autres motifs que ceux prévus à l'art. 132 al. 2 CPP justifieraient une défense d'office. En particulier, les difficultés d'ordre psychologique dont il a souffert après l'incendie de 2014 ne sauraient être retenues, le recourant ayant mis un terme au suivi psychothérapeutique en avril 2019 déjà.

Partant, c'est à juste titre que la défense d'office a été refusée par le Ministère public.

Il s'avère superflu de suspendre la présente procédure, étant souligné que si l'opposition dans la procédure P/1______/2022 devait être déclarée recevable, il serait loisible au recourant de déposer une nouvelle demande de nomination d'avocat d'office.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).