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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/15437/2022

ACPR/847/2022 du 02.12.2022 sur OMP/16464/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;ASSISTANCE JUDICIAIRE;VICTIME;PARTIE CIVILE;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.116; CPP.117; CPP.132; CPP.136

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15437/2022 ACPR/847/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 2 décembre 2022

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant en personne,

recourante,

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office et d'octroi de l'assistance judiciaire rendue le 27 septembre 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 7 octobre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 27 septembre 2022, par laquelle le Ministère public a refusé, d'une part d'ordonner une défense d'office en sa faveur, d'autre part de lui désigner un conseil juridique gratuit.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée, à ce que Me B______ soit nommé comme son défenseur d'office et à ce que l'assistance judicaire lui soit accordée, avec effet au 30 août 2022.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ et C______ vivent en concubinage depuis 2020.

b. Ils sont parents d'une fille, D______, née le ______ 2021, que le précité n'a pas encore reconnue, sa compagne n'étant pas encore divorcée de son ex-mari.

c. A______ a une fille d'une précédente union, E______, qui vit également avec la famille.

d. A______ héberge aussi sa nièce mineure, F______, depuis août 2019. Celle-ci n'est au bénéfice d'aucun visa ou titre de séjour. Elle est scolarisée dans un établissement genevois.

e. Le 16 juillet 2022, une altercation a eu lieu entre A______ et C______ à leur domicile. Leurs versions des faits diffèrent. A______ soutient qu'après une crise de jalousie, elle aurait tenté de retenir C______ qui essayait de quitter le domicile. Celui-ci se serait énervé et lui aurait asséné un coup de poing sur la lèvre puis d'autres au visage, avant de la pousser par terre et de la maintenir avec les jambes ou les pieds, alors qu'elle tenait leur fille D______. Selon C______, c'est sa compagne qui était agressive et l'aurait griffé pour le retenir car il lui avait annoncé vouloir la quitter. Il l'avait maîtrisée physiquement, notamment en la maintenant au sol à l'aide de ses genoux, car elle tentait de s'en prendre à leur fille. Il avait appelé à l'aide par la fenêtre afin que quelqu'un alerte la police.

f. Une patrouille de police est arrivée sur les lieux.

Il a été constaté que C______ faisait l'objet de nombreuses traces de griffures sur la tête, les bras et le torse, tandis que A______ présentait une rougeur apparente sur la joue droite ainsi qu'une coupure à la lèvre inférieure. Des photographies des blessures des deux concubins figurent dans le rapport de police.

g. À teneur de ce dernier, A______, de nationalité malgache, est au bénéfice d'un permis C et travaille pour un groupe médical en tant que ______. Sa langue maternelle est le français.

h. Le même jour, A______ a été entendue comme prévenue de voies de fait et d'infractions à la LEI par la police. Elle n'a souhaité ni la présence d'un conseil ni celle d'un traducteur.

Interrogée quant à la situation irrégulière de sa nièce, elle a déclaré ne pas être au courant que celle-ci avait besoin d'une autorisation de séjour, puisqu'elle était scolarisée en Suisse. Quant à la dispute, elle avait griffé son concubin pour se défendre. Elle ne se souvenait pas l'avoir frappé lorsqu'elle se débattait au sol, mais ne l'excluait pas. Tous deux se disputaient régulièrement.

i. Le 30 août 2022, A______ a déposé plainte contre C______ principalement pour plusieurs épisodes de violences conjugales depuis octobre 2021.

j. Le même jour, elle a déposé une demande d'assistance judiciaire et a fourni des pièces attestant de sa situation financière précaire, notamment des relevés de transactions bancaires, des attestations de versement du subside de l'assurance maladie, et ses déclarations d'impôts.

Elle a également produit un certificat médical établi en date du 17 juillet 2022 attestant des coups et blessures subis, ainsi que des photographies de ses lésions.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public considère que la cause est de peu de gravité et ne présente pas de difficultés particulières juridiques ou de fait. Par conséquent A______, était à même de se défendre efficacement seule. La défense de ses intérêts en tant que partie plaignante n'exigeait pas non plus la désignation d'un conseil juridique gratuit, la cause ne présentant pas de difficultés particulières sous cet angle.

D. a. À l'appui de son recours, A______ soutient être indigente. Elle avait déposé une plainte pénale étayée par un certificat médical et des photographies. Sa qualité de partie plaignante et de victime la rendait plus vulnérable. En particulier, la situation était complexe dès lors que son compagnon contestait les faits et se prétendait lui-même victime de violences conjugales et l'accusait de maltraitance sur leur fille. Il n'était pas envisageable qu'elle soit seule à lui faire face, ce d'autant que le tribunal de première instance avait interdit tous contacts directs entre eux. À cela s'ajoutait enfin des difficultés de langage.

b. À réception, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane de la prévenue et partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a et b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             La recourante soutient tout d'abord s'être vu refuser à tort le droit à un défenseur d'office.

3.1.       L'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur à deux conditions : le prévenu doit être indigent et la sauvegarde de ses intérêts doit justifier une telle assistance, cette seconde condition devant s'interpréter à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP. La défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP), ces deux conditions étant cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_229/2021 du 9 septembre 2021 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_194/2021 du 21 juin 2021 consid. 3.1). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).

Pour déterminer si l'infraction reprochée au prévenu est ou non de peu de gravité, ce n'est pas la peine-menace encourue abstraitement, au vu de l'infraction en cause, qui doit être prise en considération mais la peine raisonnablement envisageable, au vu des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 143 I 164 consid. 2.4.3 et 3 p. 169 ss).

3.2.       En l'espèce, la question de l'indigence peut rester ouverte dès lors que la seconde condition de l'art. 132 al. 1 let. b CPP n'est pas remplie. À ce stade de l'instruction, les soupçons qui pèsent sur la recourante concernent exclusivement des voies de fait ainsi qu'une infraction à la LEI. Le Ministère public a estimé que la peine concrètement encourue par la recourante ne dépasserait en tout cas pas une peine privative de liberté maximale de 4 mois ou une peine pécuniaire de 120 jours-amendes. La Chambre de céans ne voit aucune raison de s'écarter de cette appréciation. L'affaire ne présente pas non plus de difficultés particulières du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques posées, auxquelles la recourante ne pourrait pas faire face seule. Les faits reprochés à ce stade sont clairement circonscrits. Entendue par la police, elle a été parfaitement à même, sans l'assistance d'un conseil, de fournir ses explications sur les faits reprochés. De surcroît, elle s'est exprimée en français, soit sa langue maternelle, de sorte qu'on ne voit pas quelles difficultés de langage elle pourrait rencontrer. Dans ces circonstances, c'est à bon droit que le Ministère public a refusé la nomination d'un défenseur d'office.

4.             La recourante reproche ensuite au Ministère public de lui avoir refusé l'assistance d'un conseil juridique gratuit.

4.1. À teneur de l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.

4.2. La jurisprudence considère en principe que le lésé qui ne dispose que de connaissances juridiques modestes, soit un citoyen moyen, est lui-même en mesure de sauvegarder ses droits dans la procédure pénale, puisqu'il s'agit essentiellement d'annoncer ses éventuelles prétentions en réparation de son dommage et de son tort moral ainsi que de participer aux différentes auditions (ATF 123 I 145 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 1B_450/2015 du 22 avril 2016 consid. 2.3 et les références citées ; ACPR/238/2013 du 31 mai 2013).

4.3. L'art. 136 CPP reprend ces conditions et les concrétise à l'égard de la partie plaignante dans un procès pénal (arrêt du Tribunal fédéral 1B_23/2020 du 17 mars 2020 consid. 2.1). Selon l'al. 1 de cette disposition, la direction de la procédure accorde l'assistance judiciaire à la partie plaignante lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). Selon l'al. 2, l'assistance judiciaire comprend la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante l'exige (let. c).

Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que la partie plaignante ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. Il faut tenir compte notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause en fait et en droit, des circonstances personnelles du demandeur, de ses connaissances linguistiques, de son âge, de sa situation sociale et de son état de santé (ATF 123 I 145 consid. 2b/cc p. 147 et 3a/bb p. 149 s. ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_450/2015 du 22 avril 2016 ; 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.2 ; 6B_122/2013 du 11 juillet 2013 consid. 4.1.2 ; ACPR/238/2013 du 31 mai 2013). Plus les conséquences possibles de la procédure apparaissent lourdes pour le requérant, plus l'assistance d'un avocat apparaît justifiée. Il n'existe pas de règle unique (A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd. Bâle 2019, n. 59-63 ad art. 136 ; DCPR/138/2011 du 10 juin 2011).

4.4. En l'espèce, la défense des intérêts de la recourante en tant que partie plaignante dans la procédure visant son ex-compagnon n'appelle manifestement pas des connaissances juridiques approfondies, les mesures d'instruction à envisager semblant par ailleurs simples, du moins à ce stade. En réalité sa tâche principale consistera à annoncer ses prétentions, en étayant son dommage avec des factures médicales et en chiffrant son tort moral.

La recourante n'explicite aucune difficulté de langage, étant relevé qu'elle est de langue maternelle française et est au bénéfice d'un permis C; elle dispose par ailleurs d'un emploi en Suisse.

Elle soutient être dans une position de vulnérabilité particulière face à son ex-compagnon. Ce sont les droits liés au statut de victime (art. 117 CPP) qui auront le cas échéant pour objectif de la protéger dans la présente procédure, et non pas l'art. 136 CPP.

Les circonstances ne le justifiant pas, c'est ainsi à bon droit que le Ministère public a refusé de lui désigner un conseil juridique gratuit.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6.             Les frais de la procédure de recours seront laissés à la charge de l'État (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Laisse les frais du recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).