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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11887/2022

ACPR/823/2022 du 22.11.2022 sur JTDP/1141/2022 ( TDP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);ASSISTANCE JUDICIAIRE;DÉFENSE D'OFFICE
Normes : CPP.135

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11887/2022 ACPR/823/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 22 novembre 2022

 

Entre

A______, avocat, F______ SA, ______ [GE], comparant en personne,

recourant,

contre le jugement rendu le 20 septembre 2022 par le Tribunal de police (décision d'indemnisation),

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, case postale 5715,
1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 30 septembre 2022, Me A______ recourt contre le jugement du 20 septembre 2022, communiqué par pli simple, par lequel le Tribunal de police lui a alloué une indemnité de CHF 12'261.65 pour la défense de B______ dans la procédure de première instance.

Le recourant conclut à ce qu'il soit constaté que son indemnisation prend effet le 31 mai 2022, que l'État de Genève soit condamné au paiement de "l'indemnisation due", et qu'il lui soit alloué, pour l'exercice raisonnable de ses droits dans le cadre de l'instance de recours, un montant de CHF 1'453.95.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. B______ est prévenu de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR), de violation d'une obligation d'entretien (art. 217 CP), de menaces (art. 180 CP) et de voies de fait (art. 126 CP) dans la cause P/20422/2021.

b. Le 19 mai 2022, Me A______ a informé le Ministère public avoir été constitué pour la défense des intérêts du précité dans ladite procédure. Il a adressé, le 23 mai 2022, une procuration, signée le même jour par B______, aux termes de laquelle ce dernier lui donnait mandat de le représenter et de l'assister "pour toute procédure pénale et administratif [sic]".

c. Le 31 mai 2022, B______ a été entendu par la police dans une autre affaire, en lien avec des faits de brigandage, et a été informé de sa possibilité de faire appel à un avocat de permanence ou à un avocat de choix. Selon le procès-verbal de l'audition, B______ a souhaité faire appel à Me A______.

d. Le 1er juin 2022, le Ministère public a mis B______ en prévention pour brigandage et infraction à l'art. 33 LArm (P/11887/2022).

En substance, il était reproché au précité d'avoir, le 31 décembre 2021, contraint C______, employée de la station-service D______ sise route 1 ______ no ______ au E______ [GE], en la menaçant avec un grand couteau de cuisine, de lui remettre le fond de caisse de la station-service, soit CHF 490.-, dans le but de s'approprier cette somme, et d'avoir, à son domicile, détenu une arme interdite.

e. Par ordonnance du 1er juin 2022, le Ministère public a ordonné la défense d'office de B______, dans la cause P/11887/2022, et nommé Me A______ à cet effet.

Au pied de ladite ordonnance, il est notamment mentionné : "la présente décision peut faire l'objet d'un recours formé auprès de la chambre pénale de recours de la Cour de justice ( ) dans un délai de 10 jours dès la notification de la présente décision (art. 393 al. 1 let. a CPP)".

f. Le 7 juin 2022, le Ministère public a ordonné la jonction des causes P/20422/2021 et P/11887/2022 sous ce dernier numéro de procédure.

g. Par courrier du 8 juin 2022 au Ministère public, Me A______ a requis, pour son client, plusieurs mesures d'instruction et sollicité "l'extension de l'ordonnance de nomination d'avocat d'office à l'audition à la police (P/11887/2022)".

h. Le Ministère public a procédé, les 1er, 22 et 28 juin 2022, à des auditions de B______, assisté de Me A______.

i. Les 2 juin et 1er juillet 2022, le Tribunal des mesures de contrainte a tenu deux audiences, lors desquelles B______ était assisté de Me A______.

j. Par acte d'accusation du 25 août 2022, B______ a été renvoyé en jugement devant le Tribunal de police.

k. Le 12 septembre 2022, Me A______ a produit auprès du Greffe de l'Assistance juridique un état de frais intermédiaire d'un montant de CHF 11'416.20, correspondant à 63h36 au tarif horaire de CHF 200.-, soit 53 heures d'activité, plus un forfait "courriers et téléphones" de 20% (10h36). Y figurent, notamment, les postes suivants :

- sous l'intitulé "A. Entretiens avec le client, sa famille et ses amis proches", quatre entretiens avec la famille et les amis de B______, pour une durée totale de 4 heures, et neuf visites en prison les 7 juin, 20 juin, 27 juin, 6 juillet, 27 juillet, 9 août, 19°août, 29 août et 5 septembre 2022;

- sous l'intitulé "B. Procédure", deux postes libellés "Préparation visite à la prison" les 26 juin et 8 août 2022, pour une durée totale de 1h45, un poste "Etude des nouveaux éléments du dossier + préparation visite à la prison" le 25 juillet 2022, pour une durée de 3 heures, ainsi que les postes "Prise de connaissance du courrier du Service des contraventions" et "Prise de connaissance de la correspondance du Tribunal pénal" les 30 août et 5 septembre 2022, pour une durée de 15 minutes chacun;

- sous l'intitulé "C. Audience", les postes "Audition à la police VHP" le 31 mai 2022 pour une durée de 5 heures, "Audience au VHP (Ministère public)" le 1er juin 2022 pour une durée de 1h15, "Audience au Tribunal des mesures de contrainte TMC" le 2 juin 2022 pour une durée de 1h30, "Audition Ministère public" le 22 juin 2022 pour une durée de 4h30, "Audition au Ministère public" le 28 juin 2022 pour une durée de 1h30, et "Audience au Tribunal des mesures de contrainte TMC" le 1er juillet 2022 pour une durée de 1h30.

l. À l'audience de jugement du 20 septembre 2022, Me A______ a produit un décompte complémentaire de CHF 3'123.-, TVA incluse, faisant état de 14h30 d'activité, plus un forfait "courriers et téléphones" de 20%.

C. Dans son jugement querellé, le Tribunal de police a fixé l'indemnisation de Me A______ à CHF 12'261.65, correspondant à CHF 10'350.- d'indemnité, à CHF 1'035.- à titre de "forfait 10%" et à CHF 876.65 de TVA. Il a arrêté le forfait "courriers/téléphones" à 10% au vu de l'importance de l'activité déployée. Il a, en outre, procédé aux réductions suivantes : 7h00 d'activité pour le poste "conférences", aux motifs que les entretiens avec les proches du prévenu ne devaient pas être pris en compte et que seule une visite en prison par mois et une visite avant ou après une audience devaient être indemnisées; 3h15 d'activité pour le poste "procédure", aux motifs que les préparations aux visites en prison n'étaient pas prises en charge et que la prise de connaissance de courriers était comprise dans le forfait "courriers/téléphones"; et 5h00 pour le poste "audiences", au motif que la rémunération de l'avocat de la première heure devait être sollicitée auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire par le formulaire idoine.

D. a. Dans son recours, Me A______ reproche au Tribunal de police d'avoir omis de l'indemniser pour le temps passé à assister son client lors de son audition du 31 mai 2022 à la police. Le formulaire de l'avocat de la première heure ne pouvait être rempli que si l'avocat était appelé par la permanence, de sorte que dans les autres cas, l'activité déployée devait être prise en charge dans le cadre de la nomination d'office. Il soutient qu'aucune base légale ne permettait de réduire le forfait "courriers et téléphones" à 10%, de limiter le nombre de visites par mois à un détenu – justifié par la célérité avec laquelle le Ministère public avait mené l'instruction – ou de supprimer le temps consacré aux entretiens avec les amis et la famille du prévenu, lequel était, d'ailleurs, pris en charge pour les prévenus mineurs.

Il a, notamment, produit des instructions établies le 17 décembre 2004, par le Greffe de l'Assistance juridique du Pouvoir judiciaire, aux avocats, sur l'établissement de leurs états de frais. Pour indemniser les courriers et téléphones en matière pénale, lesdites instructions font état d'un forfait de "20% des heures consacrées aux conférences, aux audiences et à la procédure".

b. Le Tribunal de police, qui conclut au rejet du recours, avec suite de frais, s'en remet à justice sur la recevabilité du recours et se réfère, sur le fond, à la décision querellée.

c. Me A______ n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 20 al. 1 let. a, 135 al. 3 let. a et 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du défenseur d'office, qui a qualité pour recourir (art. 16 al. 1 RAJ, 135 al. 3 let. a et 382 al. 1 CPP).

1.2. La pièce nouvelle produite devant la Chambre de céans est recevable (arrêts du Tribunal fédéral 1B_368/2014 du 5 février 2015 consid. 3.1 et 3.2 et les références citées).

2.             2.1. L'art. 135 al. 1 CPP prévoit que le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, ce tarif est édicté à l'art. 16 du Règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale (RAJ; E 2 05.04) et s'élève à CHF 200.- de l'heure pour un chef d'étude (al. 1 let. c).

Seules les heures nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, l'importance et les difficultés de la cause, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

Les autorités cantonales jouissent d'une importante marge d'appréciation lorsqu'elles fixent, dans la procédure, la rémunération du défenseur d'office (ATF 141 I 124 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_856/2014 du 10 juillet 2015 consid. 2.3).

Le temps consacré à la procédure ne doit être pris en considération que dans la mesure où il apparaît raisonnablement nécessaire à l'accomplissement du mandat par un avocat expérimenté. On exige du défenseur d'office qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2020.48 du 15 décembre 2020 consid. 5.1.2).

2.2. L'assistance juridique est en règle générale octroyée avec effet au jour du dépôt de la requête (art. 5 al. 1 RAJ ; ACPR/360/2015 du 30 juin 2015 consid. 3.1), sous réserve de démarches urgentes entreprises peu de temps avant (ATF 122 I 203 consid. 2f p. 208/209; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019 n. 68 ad art. 136). L'activité antérieure à la prise d'effet ou, au plus tard, à la nomination de l'avocat, n'est pas prise en charge par l'assistance juridique (ACPR/896/2021 du 20 décembre 2021 consid. 3.1).

2.3. Les démarches ne nécessitant pas ou peu de motivation ou autre investissement particulier en termes de travail juridique, tels que le temps et les frais liés aux courriers et aux téléphones, sont en principe incluses dans le forfait – fixé à 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures –; les écritures plus amplement motivées sont, quant à elles, indemnisées séparément dans les limites du principe de nécessité (ACPR/896/2021 du 20 décembre 2021 consid. 4.1; AARP/59/2020 du 30 janvier 2020, consid. 15.3 et les références citées). L'autorité peut s'éloigner du taux de 20% pour l'indemnisation forfaitaire dans la mesure où les frais et l'activité sont couverts par un montant inférieur, l'aspect déterminant étant leur couverture. C'est au plaideur de démontrer en quoi le forfait appliqué ne couvre pas ses frais et son activité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2).

2.4. Dans le cas des prévenus en détention provisoire, une visite par mois jusqu'au prononcé du jugement est admise, indépendamment des besoins de la procédure, pour tenir compte de la situation particulière de la personne détenue; le temps compté pour les visites dans les établissements du canton est de 1 heure et 30 minutes, déplacement inclus (ACPR/867/2020 du 2 décembre 2020, consid. 4.2).

2.5. Les entretiens avec la famille du prévenu ne sont en principe pas indemnisés par l'assistance juridique, car ne relevant pas de la défense d'office (ACPR/896/2021 du 20 décembre 2021 consid. 4.1 et les références citées).

2.6.1. En l'espèce, l'ordonnance de nomination d'office du 1er juin 2022 n'ayant pas d'effet rétroactif, il appartenait au recourant de contester, par la voie du recours, la date à laquelle ladite ordonnance prenait effet, dans le délai de dix jours dès la réception de l'ordonnance, comme expressément mentionné sur celle-ci. Faute d'avoir agi de la sorte, le recourant ne peut plus prétendre à l'indemnisation des opérations antérieures à sa nomination d'office.

2.6.2. Les états de frais présentés par le recourant portent sur plus de 30 heures d'activité, de sorte que le forfait "courriers/téléphones" a été fixé à 10% par le premier juge en conformité à la jurisprudence, étant rappelé qu'en matière d'indemnisation de l'avocat d'office, l'autorité dispose d'une importante marge d'appréciation. À cet égard, l'appréciation du premier juge, qui se fonde sur l'importance de l'activité déployée, ne prête pas le flanc à la critique.

À titre superfétatoire, on relèvera que le recourant se limite à critiquer la fixation dudit forfait à 10% sans expliquer – ni a fortiori établir – en quoi un tel forfait ne couvrirait pas les frais et le temps effectivement consacrés par lui aux courriers et aux téléphones.

Mal fondé, le grief sera dès lors rejeté.

2.6.3. Dans son état de frais du 12 septembre 2022, le recourant fait état de neuf visites en prison. Celles des 7 juin, 20 juin, 27 juin et 6 juillet 2022 sont justifiées par, respectivement, les audiences des 1er juin 2022 au Tribunal des mesures de contrainte, 22 et 28 juin 2022 au Ministère public et 1er juillet 2022 au tribunal précité. Les visites des 27 juillet 2022 et 9 août 2022 sont justifiées en tant que visites mensuelles au client, indépendamment de la procédure, tandis que celle du 29 août 2022 était rendue nécessaire par la notification de l'acte d'accusation du 25 août 2022. La visite du 5 septembre 2022 était également justifiée pour préparer l'audience de jugement. En revanche, celle du 19 août 2022, qui s'ajoute à la visite mensuelle autorisée pour le mois d'août 2022, n'est pas justifiée par l'avancement de la procédure.

2.6.4. Enfin, le refus d'indemnisation du temps consacré par le recourant à des entretiens avec les amis et la famille de son client est conforme à la jurisprudence ci-avant.

Sur ce point, le recourant n'explique pas en quoi lesdits entretiens auraient été indispensables à la défense de son client et, partant, n'établit pas la nécessité de telles opérations.

Ce grief sera rejeté.

3.             Par conséquent, l'indemnité accordée par le Tribunal de police au recourant (soit CHF 12'261.65) doit être augmentée de CHF 355.40 pour la visite en prison du 29 août 2022 (1h30 à CHF 200.- + 10% + 7,7%).

4.             Par conséquent, le recours sera partiellement admis.

5.             L'admission partielle du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

6.             Le défenseur d'office a droit à des dépens lorsqu'il conteste avec succès une décision d'indemnisation (ATF 125 II 518 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 6B_439/2012 du 2 octobre 2012 consid. 2).

En l'espèce, compte tenu de l'admission partielle des conclusions du recourant, il se justifie de lui allouer, à titre de juste indemnité, un montant CHF 250.-, TVA incluse, pour son recours.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet partiellement le recours et complète le dispositif du jugement du Tribunal de police du 20 septembre 2022 comme suit :

-          arrête à CHF 355.40, TVA comprise, le complément d'indemnité dû à Me A______ pour l'activité déployée en première instance en faveur de B______.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à Me A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 250.-, TVA incluse, pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à Me A______ et au Tribunal de police.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).