Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/9487/2018

ACPR/491/2022 du 25.07.2022 sur OTDP/1114/2022 ( TDP ) , REJETE

Descripteurs : JUGEMENT PAR DÉFAUT;RELIEF;ABSENCE;EXCUSABILITÉ
Normes : CPP.368

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9487/2018 ACPR/491/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 25 juillet 2022

 

Entre

 

A______, domicilié ______, Russie, comparant par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance rendue le 27 mai 2022 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève – case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 9 juin 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 27 mai 2022, notifiée le 30 suivant, à teneur de laquelle le Tribunal de police (ci-après, TP) a rejeté sa demande de nouveau jugement et dit que le prononcé rendu par défaut le 6 mai 2022 restait valable.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée, à l'admission de sa demande et au renvoi de la cause au TP pour nouvelle décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par ordonnance pénale du 17 novembre 2019, le Ministère public a déclaré A______, ressortissant russe, coupable de diffamation (art. 173 CP) et d'injure (art. 177 CP) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.- le jour, sous déduction d'un jour-amende correspondant à un jour de détention avant jugement.

En substance, il lui était reproché d'avoir, entre la fin du mois de février et septembre 2018, envoyé plusieurs dizaines de messages injurieux à des membres et/ou à des représentants de la C______ [établissement de formation supérieure], laquelle fait partie de la D______, les traitant (en s'adressant à eux ou à des tiers) notamment de menteurs, pervers, manipulateurs, incompétents, malhonnêtes et corrompus, portant ainsi atteinte à leur honneur et à celui de l'institution.

L'ordonnance pénale a été notifiée au prévenu en mains propres, le même jour, dans les locaux du Vieil Hôtel de police.

b. Par lettre du 22 novembre 2019, il y a formé opposition.

Sur l'en-tête de sa missive figurait l'adresse suivante : A______ c/o E______, chemin 1______ no. ______, M______, [code postal] France".

c. Les 25, 26, 27 novembre 2019 et 15 janvier 2020, divers courriers – sur lesquels figuraient l'adresse française précitée – et courriels ont encore été adressés par l'intéressé au Ministère public.

d. Le ______ février 2021, un mandat de comparution a été notifié à A______ à l'adresse française susmentionnée et par voie édictale, pour une audience appointée le 30 mars 2021.

Ce jour-là, l'intéressé s'est présenté à l'audience et a été entendu par le Ministère public au sujet de son opposition.

e. Le 1er avril 2021, il a encore envoyé une lettre au Ministère public – sur l'en-tête de laquelle était mentionnée son adresse en France –, réitérant son opposition.

f. Par ordonnance du 19 août 2021, la Procureure, considérant que A______ se trouvait dans une situation de défense obligatoire, lui a désigné un avocat d'office.

g. Le 31 mars 2022, elle a maintenu l'ordonnance pénale précitée et transmis la procédure au TP.

h. Le même jour, elle a révoqué le précédent défenseur d'office du prévenu et a désigné en lieu et place Me F______, avec effet au 28 mars 2022.

i. Par mandat de comparution du 11 avril 2022 notifié à l'adresse de son conseil et par e-mail à son adresse électronique, A______ a été cité à comparaître personnellement à l'audience de jugement fixée au 6 mai 2022 à 9 heures. Il en a accusé réception au TP par courriel du même jour.

j.a. Par courriels des 14, 15, 16, 21, 23 et 24 avril 2022 adressés au TP, A______ a, dans de longs développements, sollicité la récusation de G______, présidente du TP, chargée de la cause.

j.b. Les 14, 22 et 23 avril 2022, il a également envoyé six longs courriels circonstanciés audit tribunal – dans lesquels des dispositions du Code suisse de déontologie et de la CEDH furent notamment citées – en vue d'un changement d'avocat d'office. Dans un courriel daté du 22 avril 2022, envoyé à 22h11, il a en particulier reproché à son avocate de ne pas répondre à ses appels et de ne pas l'aider à préparer son procès, ajoutant ne pas être "prêt à [se] défendre procéduralement le 6 mai 2022 sans l'aide juridique" d'une avocate "honnête" et le concours d'un interprète.

k. Par missive du 19 avril 2022 au TP, Me F______ a indiqué ne pas s'opposer à la requête de changement d'avocat de son client, celui-ci "l'inondant" de messages dont le ton et le contenu étaient discourtois.

l. Par ordonnance du 21 avril 2022, le TP a refusé de relever l'avocate susmentionnée de sa mission de défenseur d'office.

m. Par lettre du 26 avril 2022, cette dernière a exposé au TP s'être entretenue téléphoniquement ce jour-là avec A______, lequel l'avait informé se trouver en Russie et y être hospitalisé auprès d'un service d'oncologie jusqu'au 16 mai 2022. Au vu de son état de santé et de l'absence de liaison aérienne entre L______ [Russie] et Genève, il sollicitait le report de l'audience du 6 mai 2022.

Son client refusait par ailleurs de lui transmettre les informations utiles relatives à sa situation personnelle et financière et de remplir le formulaire idoine, considérant que ces données relevaient de sa "sphère privée". Il lui avait en revanche remis le relevé de son "compte retraite", selon lequel il n'exerçait aucune activité lucrative.

Enfin, seuls les évènements s'étant déroulés entre les 6 mai et 25 mai 2018 étaient susceptibles de conduire à une condamnation pénale de A______. Ainsi, dans l'hypothèse où le motif de report de l'audience était "justifié par une pièce probante", l'ensemble des faits reprochés à ce dernier pourraient être prescrits au moment de la tenue de l'audience de jugement.

n. Le lendemain, le TP a informé Me F______ que l'audience du 6 mai 2022 était maintenue.

o. Par pli du 28 avril 2022, cette dernière a produit une attestation médicale datée du même jour en langue russe, signées par les dénommées H______, médecin traitant, et I______, chef de service, dont la traduction certifiée conforme est la suivante :

"ATTESTATION D'HOSPITALISATION du 28.04.2022

Par la présente, délivrée au citoyen A______ (homme), né le ______.1978 (âgé de 43 ans), domicilié 2______, appartement ______, à N______, région de J______, Russie, nous attestons qu'à partir du 6.04.2022 il (elle) a été admis.-e pour un examen et un traitement à l'Etablissement d'Etat d'importance fédérale centre médical national de recherche en oncologie K______ relevant du ministère public de la Santé de la Fédération de Russie.

Du 6.04.2022 jusqu'à présent, le patient A______ âgé de 43 ans (diagnostic : C21.1 Maladie du canal anal) se trouve en traitement hospitalier stationnaire au service de radiothérapie de l'Etablissement d'Etat d'importance fédérale Centre médical national de recherche en oncologie K______ relevant du ministère de la Santé de la Fédération de Russie à L______. Le patient reçoit un traitement de chimio- et radiothérapie en milieu hospitalier, il est hospitalisé 24 heures sur 24. La fin du traitement est prévue pour le 16.05.2022. Il est fortement déconseillé au patient d'interrompre le cours du traitement avant cette date (l'interruption risquerait de compromettre les effets du traitement) et de quitter l'unité d'hospitalisation, compte tenu des mesures sanitaires mises en place pour lutter contre la propagation de l'épidémie."

Sur l'en-tête de ladite attestation figurent en outre les informations suivantes :

"Etablissement d'Etat d'importance fédérale

K______

Centre médical national de recherche en oncologie K______ relevant du Ministère de la santé de la fédération de Russie

3______. Service de radiothérapie

N°2022/4______"

p. Par courriel du même jour adressé au TP, A______ a exigé la présence des parties plaignantes à l'audience de jugement.

q. Par deux courriels séparés, datés du 29 avril 2022, il a réitéré sa demande de récusation et demandé le report de l'audience du 6 mai 2022, au motif qu'il se trouvait à l'hôpital à L______ et était alité 24 heures sur 24.

r. Par arrêt (ACPR/299/2022) du 2 mai 2022, la Chambre de céans a rejeté la demande de récusation.

s. Par courriels du même jour et du 3 mai suivant, A______ a maintenu ses griefs à l'encontre de la juge du TP.

t. Le 6 mai 2022, à 7h36, un courriel a été envoyé à ladite autorité depuis l'adresse électronique "E______@______.com", signé par E______, aux termes duquel celui-ci demandait des informations pour le compte du prévenu.

u. Le même jour, A______ n'a pas comparu à l'audience de jugement.

Selon le procès-verbal de l'audience, son avocate a sollicité, sur question préjudicielle, l'ajournement des débats, le prévenu invoquant un motif valable pour son absence, à savoir son état de santé qui l'empêchait de quitter la Russie. Elle informait en outre le Tribunal qu'elle ne souhaitait pas représenter son client, ce dernier non plus.

Sa requête a été rejetée par le Tribunal, après délibération, et la procédure par défaut a été engagée, au motif que le prévenu s'était lui-même mis dans l'incapacité de participer aux débats, alors qu'il avait eu suffisamment l'occasion de s'exprimer sur les faits qui lui étaient reprochés.

L'avocate du prévenu a pris une part active aux débats et a plaidé l'acquittement.

v. Statuant par défaut, le TP a, par jugement du même jour, classé la procédure s'agissant de certains actes, ceux-ci étant prescrits, déclaré A______ coupable de diffamation et d'injure et l'a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.- le jour, sous déduction d'un jour-amende, correspondant à un jour de détention avant jugement, avec sursis et délai d'épreuve de cinq ans.

Cette décision a été notifiée au prévenu le jour-même, par le biais de son défenseur d'office.

w. Le 16 mai 2022, sous la plume de son conseil, A______ a "formé opposition" audit jugement et sollicité la tenue d'une nouvelle audience, au motif qu'il avait été empêché de participer aux débats en raison de son hospitalisation en Russie. Le fait qu'il n'ait pas immédiatement informé les autorités n'était pas de nature à remettre en cause la véracité de celle-ci, étant précisé qu'il avait toujours été contacté par son avocate sur son téléphone portable russe. Dans l'hypothèse où l'attestation médicale du 28 avril 2022 n'emportât pas conviction, il ne pouvait en tout état pas être présent lors de l'audience de jugement, faute de liaison aérienne directe entre la Russie et la Suisse, de temps et de moyens financiers nécessaires pour "préparer son entrée" sur le territoire helvétique (visas, billets d'avion, etc.).

Un long courriel circonstancié, daté du même jour, était annexé à cette missive, à teneur duquel l'intéressé exposait, en substance, être hospitalisé en Russie depuis le 6 avril 2022 en raison d'une tumeur du canal anal et qu'un certificat médical avait été délivré par l'hôpital le 28 avril suivant seulement. Il précisait qu'il ne pouvait pas falsifier ce document car il était au chômage. Par ailleurs, il ne résidait pas chez E______ en France et avait passé les douze mois précédents en Russie. Pour le surplus, il n'était pas en mesure de voyager, car il s'était présenté à l'hôpital sans son passeport ni son visa Schengen (français), l'espace aérien entre la Russie et la Suisse était fermé et sa situation financière ne lui permettait pas d'assumer le coût d'un billet d'avion ou de train.

x. Parallèlement, A______ a interjeté appel du jugement litigieux.

y. Par courriel du 18 mai 2022 adressé au TP, il a transmis un certificat médical daté du 16 mai précédent, en langue russe, non traduit, qui reprend, en substance, le contenu de l'attestation médicale précédemment produite, précisant que son traitement avait pris fin le 18 mai 2022.

z. Par ordonnance du lendemain, le TP a relevé Me F______ de sa mission d'avocate d'office et a désigné en lieu et place un nouveau défenseur.

C. Dans son ordonnance querellée, le TP retient que A______ avait été valablement convoqué à l'audience de jugement du 6 mai 2022, au cours de laquelle il avait bénéficié d'une défense effective et efficace, nonobstant les critiques qu'il avait pu décocher à son conseil d'office encore après qu'un changement d'avocat lui eut été refusé. Cette défense avait en particulier porté sur la question de son état de santé et de sa capacité à comparaître ou non aux débats, conformément au certificat médical produit. Si la demande de changement d'avocat d'office avait finalement été acceptée, c'était uniquement en raison de l'attitude du prévenu à l'égard de son conseil et non en raison d'un quelconque manquement de celui-ci.

Il résultait du dossier que A______ avait résidé au domicile de E______ en France entre mars et novembre 2021. Aussi, il était impossible de déterminer avec certitude si l'intéressé fût en Russie ou en France en avril et mai 2022, l'usage d'un téléphone portable russe n'étant, à cet égard, pas déterminant.

Par ailleurs, le prévenu avait conscience que les faits reprochés seraient entièrement prescrits le 25 mai 2022, ceux postérieurs à cette date devant être classés, faute de plainte valablement déposée. L'audience avait été convoquée le 11 avril 2022 pour le 6 mai suivant en tenant compte notamment des fêtes de Pâques. Il était dès lors probable que l'intéressé tentait de se soustraire aux débats et d'en obtenir le report au-delà du 25 mai 2022.

Pour le surplus, il résultait de la chronologie des faits depuis la notification du mandat de comparution, le 11 avril 2022, qu'il avait successivement sollicité la récusation de la juge chargée de la procédure, un changement d'avocat et la présence des parties plaignantes à l'audience. De plus, il avait "inondé" son avocate de messages, sans évoquer ni son hospitalisation ni son état de santé. Le remplacement de son défenseur avait été refusé le 21 avril 2022 et il avait été informé le lendemain du maintien de l'audience de jugement, malgré sa demande de récusation. C'était seulement après l'échec de ces deux tentatives d'obtenir le report des débats qu'il avait, pour la première fois, lors de son entretien téléphonique avec son conseil du 26 avril 2022, invoqué des motifs médicaux.

À cet égard, il n'était pas vraisemblable qu'une personne atteinte d'une tumeur du canal anal, hospitalisée le 6 avril 2022 pour une durée d'un mois et demi, n'eût pas réagi instantanément à réception d'un mandat de comparution pour faire valoir, tant auprès de son conseil que du Tribunal, son incapacité à comparaître pour des raisons médicales.

En outre, A______ avait, durant cette période, rédigé plusieurs longs courriels et adressé de nombreux messages à son avocate. Après que le Tribunal lui eut confirmé le 27 avril 2022 le maintien de l'audience, il avait encore envoyé plusieurs e-mails valant demandes de renseignements et de récusation. Or, il était douteux qu'un patient subissant une chimiothérapie et radiothérapie intensive fût en mesure d'envoyer de nombreux et longs courriels tous azimuts, à plus forte raison s'il devait rester allongé 24 heures sur 24.

De plus, l'attestation d'hospitalisation du 28 avril 2022 n'emportait pas conviction, dès lors qu'elle fixait opportunément la fin du traitement du prévenu au 16 mai 2022, de manière à ce que celui-ci puisse alors invoquer son impossibilité à comparaître entre les 17 et 24 mai suivants, obtenant ainsi le classement complet des faits. En outre, ladite attestation, qui émanait, certes, d'un centre médical existant, ne contenait aucune coordonnée (adresse, e-mail ou numéro de téléphone) et mentionnait curieusement à trois reprises "Etablissement d'Etat d'importance fédérale, Centre médical national de recherche en oncologie K______ relevant du ministère de la Santé de la Fédération de Russie". Dans ces circonstances, il n'était pas établi avec une vraisemblance suffisante que A______ était atteint dans sa santé et hospitalisé en Russie.

À cela s'ajoutait le fait que ce dernier était manifestement l'auteur de l'e-mail adressé au Tribunal le 6 mai 2022, à 7h36, en provenance de l'adresse électronique de E______, les contenu et style étant similaires à ceux de ses précédents courriels adressés aux autorités. Il était ainsi probable qu'il se trouvait à M______ [France] le jour de l'audience de jugement. En tout état, eût-il été en Russie le 11 avril 2022, qu'il lui aurait été parfaitement loisible de venir à temps à Genève pour participer aux débats le 6 mai suivant, que ce soit en avion – cas échéant via la Turquie ou Dubaï – certaines compagnies aériennes ayant maintenu des vols au départ de la Russie, ou par un moyen de transport terrestre.

Il s'ensuivait que son absence à l'audience de jugement ne reposait pas sur une excuse valable, au sens de la loi, mais s'inscrivait dans une démarche consciente visant à se soustraire à la justice. Sa demande de nouveau jugement était par conséquent rejetée.

D. a. Dans son recours, A______ se plaint en substance d’une appréciation arbitraire des faits et d’une application erronée de l’art. 368 al. 3 CPP, le TP ayant notamment retenu qu'il se trouvait à M______, en France, entre les mois de mars et novembre 2021 en se fondant uniquement sur le fait que des courriers furent envoyés depuis ce lieu, étant relevé que ceux-ci pouvaient parfaitement avoir été expédiés par E______. L'autorité précédente avait également versé dans l'arbitraire en donnant une force plus probante à l'adresse d'envoi des courriers envoyés au Ministère public qu'à l'usage d'un numéro de téléphone russe pour déterminer le lieu où il résidait.

S'agissant de son état de santé, nombre des courriels qu'il avait adressés au Tribunal durant son hospitalisation contenaient des passages "copié-collé". Pour le surplus, il lui était parfaitement loisible d'envoyer des e-mails depuis son téléphone portable, allongé sur un lit d'hôpital.

L'autorité précédente avait également retenu, à tort, qu'il était vraisemblablement l'auteur du courriel du 6 mai 2022 et partant qu'il se trouvait au domicile de E______ le jour de l'audience de jugement. Si le style employé était effectivement similaire au sien, rien ne permettait d'établir qu'il avait lui-même effectué les opérations informatiques nécessaires à l'envoi dudit courriel, étant précisé qu'il pouvait parfaitement l'avoir envoyé depuis l'adresse électronique de son ami depuis la Russie, dès lors qu'il y avait accès à la messagerie de celui-ci.

En tout état de cause, il avait produit un certificat médical étayé, démontrant son hospitalisation auprès du plus grand centre d'oncologie de Russie, auquel était consacrée une page sur le site "Wikipédia". Le fait que le nom de l'établissement en question figurât plusieurs fois sur l'attestation d'hospitalisation et que celle-ci ne mentionnât aucune coordonnée ne suffisait pas à remettre en cause sa véracité. Ce centre médical, qui ne pouvait être comparé à des cliniques suisses, disposait de sa propre centrale téléphonique ainsi que d'un numéro de téléphone "surtaxé". Enfin, la renommée du centre était telle que l'attestation délivrée était "largement reconnue" par les autorités russes, si bien qu'une indication de ses coordonnées était "superflue" en Russie.

Finalement, les considérations relatives à la prescription de l'action pénale étaient exorbitantes au débat, étant précisé que le Ministère public n'avait transmis la cause au TP que le 31 mars 2022, alors même que certains faits étaient déjà prescrits. Or, il appartenait aux autorités pénales de garantir le respect du principe de célérité consacré à l'art. 5 CPP.

À l'appui de son recours, A______ produit notamment une capture d'écran du site internet du centre médical sus-évoqué ainsi qu'une page consacrée à celui-ci sur le site internet "Wikipédia", en français.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé dans le délai et selon la forme prescrits (art.  396 al. 1 et 385 al. 1 CPP), concerner une décision du TP sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_801/2013 du 17 décembre 2013 consid. 1.1) et émaner du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP) qui a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de cette ordonnance (382 al. 1 CPP).

1.2. Les pièces nouvelles sont recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_368/2014 du 5 février 2015 consid. 3.2 in fine).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les actes manifestement infondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant fait grief au TP d'avoir rejeté sa demande de relief.

3.1.  Une fois le jugement par défaut notifié, le condamné a la possibilité soit de demander un nouveau jugement, aux conditions de l'art. 368 CPP, soit de faire appel, soit encore de faire les deux (art. 371 al. 1 CPP). L'appel permet notamment de contester l'application de l'art. 366 CPP, tandis que la demande de nouveau jugement porte sur la réalisation des conditions de l'art. 368 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_562/2019 du 27 novembre 2019 consid. 1.1.2). La Chambre de céans est dès lors tenue d'examiner si les conditions d'admission d'un nouveau jugement, au sens de cette disposition, sont réunies, mais n'a pas à dire si la procédure par défaut a été engagée à bon escient, cette question devant être tranchée dans le cadre de l'appel (arrêt du Tribunal fédéral 6B_203/2016 du 14 décembre 2016 consid. 1.1).

3.2.  En vertu de l'art. 368 al. 1 CPP, si le jugement rendu par défaut peut être notifié personnellement au condamné, ce dernier peut demander dans les dix jours un nouveau jugement. Le tribunal rejette cette requête, qui doit être brièvement motivée (art. 368 al. 2 CPP), quand le condamné, dûment cité, a fait défaut aux débats sans excuse valable (art. 368 al. 3 CPP).

3.2.1. La loi exige une notification directe à l'accusé, tant de la citation à comparaître à l'audience à laquelle il a fait défaut (art. 85 al. 4 cum 383 al. 3 CPP ) que du jugement rendu à cette suite (art. 368 al. 1 in limine CPP).

Une reprise de la cause ne saurait toutefois être envisagée au seul motif que l'accusé a reçu l'un et/ou l'autre de ces document(s) par l'entremise de son avocat, lesdites notifications – irrégulières – ne lui ayant alors causé aucun dommage (arrêt du Tribunal fédéral 6B_801/2013 du 17 décembre 2013 consid. 2.1).

3.2.2. L'absence aux débats doit être manifestement fautive. La demande de nouveau jugement sera, ainsi, admise quand il n'est pas établi que c'est volontairement que l'accusé ne s'est pas présenté aux débats (arrêt du Tribunal fédéral 6B_946/2017 du 8 mars 2018 consid. 3.1).

L'existence d'une faute doit être niée quand il existe une impossibilité objective (cas de force majeure) ou subjective de comparaître (maladie, accident, etc.; L. MOREILLON/ A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire CPP, Bâle 2016, n. 14 ad art. 368).

À été considérée comme fautive l'attitude du prévenu dont les certificats médicaux : n'attestaient d'aucune incapacité de se déplacer d'Irlande (son pays de résidence) en Suisse pour comparaître au procès, alors qu'il avait voyagé ailleurs en Europe avant et après celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 6B_205/2016 du 14 décembre 2016 consid. 2.4.); laissaient entendre qu'il serait préférable de ne pas voyager pendant trois mois pour poursuivre des examens à Beyrouth, sans toutefois mentionner l'existence d'un danger pour la santé en cas de déplacement ou de comparution à une audience en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 6B_946/2017 du 8 mars 2018 consid. 2.2 et 2.4.); n'établissaient pas que l'accusé, à la veille et pendant la période des débats, aurait été empêché, d'une part, de se déplacer depuis Paris (ville où il résidait) jusqu'à Genève et, d'autre part, de comparaître au moins à temps partiel, moyennant des aménagements (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1034/2017 du 26 avril 2018 consid. 1.2 et 2.2.).

3.3.  D'après la Cour européenne des droits de l'homme, le fait qu'une personne condamnée par défaut se voie refuser la possibilité d'être jugée en contradictoire est compatible avec l'art. 6 CEDH pour autant que les trois conditions cumulatives suivantes soient remplies : premièrement, il est établi que cette personne avait reçu sa citation à comparaître; deuxièmement, elle n'a pas été privée de son droit à l'assistance d'un avocat dans la procédure par défaut; et, troisièmement, il est démontré qu'elle avait renoncé de manière non équivoque à comparaître ou qu'elle avait cherché à se soustraire à la justice. À propos de cette dernière condition, la Cour européenne a précisé qu'il ne devait pas incomber à l'accusé de prouver qu'il n'entendait pas se dérober à la justice ou que son absence s'expliquait par un cas de force majeure, mais qu'il était loisible aux autorités nationales d'évaluer si les excuses fournies par l'accusé pour justifier son absence étaient valables ou si les éléments versés au dossier permettaient de conclure que l'absence de l'accusé aux débats était indépendante de sa volonté (arrêts CourEDH Sejdovic c. Italie du 1er mars 2006, Recueil CourEDH 2006-II p. 201 § 88 ainsi que 105 et ss a contrario; Medenica c. Suisse du 14 juin 2001, Recueil CourEDH 2001-VI p. 81 § 55 ss; arrêt du Tribunal fédéral 6B_946/2017 précité).

3.4.  Le prévenu est capable de prendre part aux débats s'il est physiquement et mentalement apte à les suivre (art. 114 al. 1 CPP). Il suffit qu'il soit en état physique et psychique de participer aux audiences et aux actes de la procédure, en faisant usage de tous les moyens de défense pertinents et en étant apte à répondre normalement aux questions qui lui sont posées. Les exigences pour admettre une telle capacité ne sont pas très élevées, dans la mesure où le prévenu peut faire valoir ses moyens de défense par un avocat. Elles peuvent aussi être remplies si l'accusé n'a pas la capacité de discernement ni l'exercice des droits civils. En principe, seul le jeune âge, une altération physique ou psychique sévère ou encore une grave maladie sont de nature à influencer cette capacité. Dite capacité s'examine au moment de l'acte de procédure considéré (arrêt du Tribunal fédéral 6B_289/2020 du 1er décembre 2020 consid. 4.2.1).

Le seul fait que le condamné ait été à l'étranger lors des débats, après avoir été régulièrement cité, ne constitue pas une excuse valable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_208/2012 du 30 août 2012 consid. 3.5).

3.5.  En l'espèce, il est patent que le recourant, quoi qu'il en dise, avait un intérêt à ce que l'audience de jugement fût renvoyée à une date plus éloignée, au vu de la prescription déjà atteinte pour une partie des faits qui lui étaient reprochés. L'éventuelle lenteur des autorités, à laquelle serait imputable, selon lui, l'acquisition de la prescription, ne change rien à ce constat.

La régularité et l'efficacité de la citation du recourant aux débats du 6 mai 2022 sont par ailleurs acquises. Il est, d'autre part, constant, qu'il a bénéficié d'une défense efficace et effective, nonobstant les critiques qu'il a pu formuler à l'égard de son conseil d'office. Cette défense s'est en particulier exercée sur la question de son état de santé et sa capacité de comparaître ou non aux débats. On n'y décèle rien qui s'écarterait des allégués formulés personnellement par le recourant ou de l'attestation médicale qui lui a été délivrée. Sur le fond, son défenseur a pris une part active aux débats et a plaidé l'acquittement.

Il convient dès lors d'examiner si les raisons médicales avancées par le recourant pour ne pas se déplacer à son procès lui donnent droit à un nouveau jugement ou si, au contraire, son absence s'inscrivait dans une démarche consciente consistant à se soustraire à la justice, très vraisemblablement en vue de faire échec à la cessation du cours de la prescripton – imminente – de l'action pénale par la reddition du jugement de première instance.

À cet égard, l'autorité précédente a considéré que l'attestation d'hospitalisation du 28 avril 2022 dont elle était nantie n'emportait pas conviction, dès lors que celle-ci fixait opportunément la fin du traitement du recourant au 16 mai 2022, de sorte que ce dernier puisse ensuite alléguer ne pas être en mesure de déférer à une audience fixée la semaine suivante, obtenant ainsi le classement des faits incriminés. Le premier juge a également retenu que l'intensité de l'activité épistolaire du recourant, à une période où il affirme avoir suivi une chimiothérapie combinée à une radiothérapie pour un cancer et avoir été alité 24 heures sur 24 durant plus d'un mois à l'hôpital, permettait de douter de la véracité de son état de santé.

Cette appréciation peut être confirmée.

En effet, la fréquence importante et le contenu circonstancié des divers courriels du recourant – qu'il affirme avoir écrits au moyen de son téléphone portable – semblent difficilement compatibles avec le traitement décrit et les conditions d'hospitalisation alléguées. De plus, il apparaît suprenant qu'il se soit limité à accuser réception du mandat de comparution le 11 avril 2022 sans évoquer son état de santé, alors même qu'il soutient avoir été hospitalisé dès le 6 avril précédent. Il n'a non plus pas fait allusion à sa maladie ni à son traitement dans les très autres nombreux courriels adressés au TP et à son avocate au mois d'avril 2022. Dans un courriel du 22 dudit mois, il a en particulier formulé des doléances à l'endroit de son avocate, alléguant n'avoir obtenu aucun soutien de la part de celle-ci et, partant, ne pas être "prêt" pour l'audience litigieuse. En revanche, il n'a, curieusement, pas sollicité le report de celle-ci en raison de problèmes de santé – lesquels ne sont pas mentionnés –, alors même qu'à cette date, il était déjà hospitalisé, selon ses dires, depuis plus de deux semaines. Ainsi, comme l'a constaté le premier juge, ce n'est que suite au rejet de ses demandes de récusation et de changement d'avocat d'office qu'il s'est prévalu, pour la première fois, de raisons médicales pour justifier son absence à l'audience litigieuse.

Enfin, son argumentation relative à l'absence de vol direct au départ de L______ pour Genève – en raison du conflit armé entre la Russie et l'Ukraine –, de temps et de moyens financiers suffisants à l'organisation de son voyage ne convainc pas non plus. En effet, force est de constater, à l'instar du premier juge, que le recourant disposait de près d'un mois pour planifier son séjour, étant relevé qu'il résulte de ses propres déclarations qu'il dispose d'un visa Schengen, facilitant ainsi son voyage en Suisse. Il lui était par ailleurs loisible d'emprunter un moyen de transport terrestre, tel que le train, ou encore un vol avec une escale, notamment en Turquie, certaines compagnies aériennes ayant maintenu leurs vols depuis la Russie. En tout état, il n'a pas allégué ni a fortiori démontré avoir effectué de quelconques recherches – vaines – en vue de trouver un moyen de se rendre en Suisse, étant encore précisé qu'il a refusé de fournir des informations au sujet de sa situation financière.

Compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, c'est donc à bon droit que le TP a constaté l'absence d'excuse valable au défaut du recourant. L'ordonnance querellée ne prête dès lors pas le flanc à la critique.

4.             Justifiée, elle sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), étant rappelé que la Chambre de céans est tenue de taxer les frais même lorsque le justiciable est au bénéfice d'une défense d'office (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

6.             L'avocat d'office du recourant n'a pas produit d'état de frais pour la procédure de recours.

6.1.  À teneur de l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, ce tarif est édicté à l'art. 16 RAJ; il prévoit une indemnisation sur la base d'un tarif horaire de CHF 200.- pour un chef d'étude (art. 16 al. 1 let. b et c RAJ).

Seules les heures nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la qualité du travail fourni ainsi que du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

6.2.  En l'occurrence, eu égard à l'activité déployée, soit un recours de 6 pages, dont 3,5 pages de développements topiques en droit, il sera alloué au défenseur d'office une indemnité fixée ex aequo et bono à CHF 500.- TTC.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 500.- TTC, au titre de la défense d'office pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, au Tribunal de police, et au Ministère public.

Le communique pour information aux parties plaignantes, soit pour elles leur conseil, ainsi qu'à la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/9487/2018

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

-

CHF

Total

CHF

1000.00