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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11309/2022

ACPR/472/2022 du 06.07.2022 sur OTMC/1886/2022 ( TMC ) , REJETE

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE COLLUSION
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11309/2022 ACPR/472/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 6 juillet 2022

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison B______, comparant par Me C______, avocat, route ______ Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 9 juin 2022 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 20 juin 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 9 juin 2022, notifiée sur-le-champ à l'audience, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) l'a mis en détention provisoire jusqu'au 7 août 2022.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et à sa libération immédiate, subsidiairement, à ce que la durée de sa mise en détention provisoire n'excède pas la date du 7 juillet 2022. Il conclut également à ce que soit constaté le non-respect du délai fixé par l'art. 219 al. 4 CPP.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. A______ a été arrêté le 7 juin 2022 à 16h05 sur la base d'un mandat d'amener délivré par le Ministère public.

Il est soupçonné de rixe (art. 133 CP) pour avoir, à Genève, le 22 mai 2022, aux environs de 00h20, dans l'établissement "D______", sis rue 1______, pris part activement à une altercation physique impliquant à tout le moins trois personnes appartenant à deux bandes de motards, soit la bande "E______", d'une part, et la bande "F______", dont il est membre, d'autre part, étant précisé qu'au cours de cette altercation, il y a notamment eu plusieurs coups de feu tirés et une balle a traversé le testicule droit d'un membre des "E______", soit H______, ainsi que son muscle ischio-jambier droit, le blessant de la sorte.

a.b. Avant son arrestation, il avait été entendu par la police comme personne appelée à donner des renseignements, le 22 mai 2022 à 12h35. Il avait refusé de s'exprimer sur les circonstances de la fusillade, ajoutant ne pas connaître les autres protagonistes.

b. Selon les premières investigations de la police, corroborées par les images des caméras de vidéosurveillance de l'établissement, l'affrontement a mis aux prises le prévenu, G______ ainsi qu'un troisième individu non identifié, appartenant aux "F______", d'une part, et H______ et I______, membres des "E______", d'autre part. Quatre coups de feu ont été tirés. G______ est soupçonné d'avoir tiré les deux premiers et I______ les deux autres. A______ est soupçonné d'avoir fait usage d'un spray au poivre notamment à l'encontre de H______, lequel est soupçonné d'avoir alors "foncé dans le tas" et lancé une chaise en direction du prévenu et de G______.

c. Auditionné par la police le 8 juin 2022 de 9h36 à 10h15, A______ a été mis à disposition du Ministère public à 10h40, lequel l'a entendu de 16h50 à 18h10. Il a déclaré qu'alors qu'il buvait un verre à "D______" avec des personnes et faisait des allers-retours entre l'intérieur du bar et la terrasse, il avait vu un groupe d'au moins cinq hommes habillés en noir qui l'avaient fixé avant de s'approcher rapidement de lui. Inquiet, il était retourné à l'intérieur de l'établissement. Alors qu'il guettait la porte, un individu masqué et cagoulé était entré en le fixant. S'étant senti menacé et en danger, il avait fait usage de son spray au poivre pour se défendre. L'individu avait foncé vers lui avec une chaise. Il avait alors reculé près du comptoir pour s'y cacher. Quelques secondes plus tard, il avait entendu des coups de feu mais n'avait pas bougé. Il avait entendu des gens crier et des éclats de verre mais n'avait pas vu ce qui se passait, étant accroupi. Une fois la situation redevenue calme, il était parti.

Informé du fait que les images de vidéosurveillance montraient que lui et ses amis semblaient, avant l'arrivée des membres des "E______, se préparer à un affrontement, le prévenu a répondu qu'il préférait "juste être toujours vigilant, on ne sait jamais".

Sur question, il a ajouté que c'était la première fois qu'il utilisait un spray au poivre. Il savait que les "E______" en avaient après lui. Il ignorait pourquoi. Un des membres de cette bande avait traversé la rue 1______ et enlevé son pull noir, de sorte qu'il avait pu voir que c'était l'un d'eux.

d. Le prévenu est âgé de 29 ans, ressortissant suisse, célibataire et rentier AI.

Il n'a aucun antécédent judiciaire connu.

e. À l'audience devant le TMC, il a contesté tout risque de fuite, collusion et réitération.

Il a ajouté être "prospect" auprès des "F______" depuis environ trois mois, c'est-à-dire un aspirant membre.

Son conseil a plaidé sa mise en liberté immédiate, moyennant les mesures de substitution suivantes : dépôt de document d'identité, assignation à résidence, port du bracelet électronique, obligation de se présenter tous les deux jours à un poste de police, dépôt d'une caution de CHF 3'000.-, interdiction de tout contact avec les personnes impliquées et tout membre ou prospect ou stagiaire des deux bandes rivales et interdiction d'utiliser tout ordinateur ou téléphone hormis pour ses contacts avec son défenseur. Plus subsidiairement, il a conclu à ce que la détention provisoire ne dépasse pas un mois. Il a enfin sollicité la constatation du non-respect du délai fixé par l'art. 219 al. 4 CPP.

C.            Dans son ordonnance querellée, le TMC relève que les charges sont suffisantes pour justifier la mise en détention du prévenu, au vu des constatations de la police, des images de vidéosurveillance, qui montraient que juste avant le début de l'altercation, ce dernier et deux autres personnes qui se trouvaient avec lui semblaient se préparer à un affrontement et guettaient les alentours, au fait que le prévenu avait initié l'altercation avec les membres des "E______" en faisant usage de son spray au poivre contre un membre de cette bande à peine celui-ci entré dans le bar, et des propres déclarations du prévenu, qui avait expliqué avoir fait usage de son spray à titre préventif, sachant ou pensant que les hommes habillés de noir qui se dirigeaient vers l'"D______" d'un air menaçant en avaient après lui. Or, cette posture d'auto-défense était en claire contradiction avec ses déclarations selon lesquelles il n'était pas membre des "F______", se trouvait dans cet établissement à ce moment-là par hasard et n'avait pas spécialement identifié les hommes habillés en noir comme étant des membres des "E______", n'ayant pas vu s'ils portaient ou non des vestes de motard.

L'instruction ne faisait que commencer, le Ministère public devant procéder à la confrontation de A______ avec les autres personnes impliquées dans l'altercation survenue le 22 mai 2022, déjà identifiées ou en cours d'identification, obtenir les résultats des diverses analyses ADN en cours, et exécuter le cas échéant les actes d'instruction que les parties pourraient être amenées à requérir avant de décider de la suite de la procédure.

Le risque de fuite n'était pas retenu, en dépit de la peine-menace et concrètement encourue, le prévenu étant de nationalité suisse, domicilié à Genève, ayant toutes ses attaches familiales en Suisse et étant au bénéfice d'une rente AI, ces éléments rendant une disparition dans la clandestinité très improbable. Partant, les mesures de substitution proposées pour pallier ce risque n'avait pas de raison d'être.

Même si l'usage du spray au poivre par le prévenu était admis et l'altercation en grande partie filmée, le risque de collusion était concret et élevé vis-à-vis des autres personnes ayant participé à l'altercation, soit avec les autres membres des "F______" non encore identifiés et/ou interpellés et avec les membres des "E______" présents, auxquels le prévenu devrait être confronté, et il convenait d'éviter qu'il ne puisse entrer en contact avec eux afin d'influencer leurs déclarations et de compromettre l'établissement des faits, étant relevé qu'à ce jour, de nombreuses zones d'ombre subsistaient, le prévenu ayant pour sa part refusé de répondre à de nombreuses questions s'agissant des personnes avec lesquelles il se trouvait au moment des faits et des motifs pour lesquels l'altercation avait éclaté.

Ce risque existait en dépit du fait que le prévenu avait été en liberté durant plusieurs jours entre la date de l'altercation et son arrestation, dès lors qu'il avait lui-même indiqué n'avoir pas discuté des faits avec ses acolytes et qu'en tout état les circonstances entourant les faits n'étaient pas établies à ce jour.

L'interdiction de tout contact avec les personnes impliquées dans les faits reprochés et tout membre ou aspirant membre ("prospect") ou stagiaire des "F______" et des "E______" ainsi que l'interdiction d'utiliser tout ordinateur ou téléphone, à l'exception des contacts avec son défenseur, ne sauraient suffire à diminuer suffisamment le risque de collusion, vu son intensité à ce stade initial de l'instruction, l'engagement du prévenu en ce sens ne présentant aucune garantie particulière et ne pouvant concrètement être vérifiée.

En dépit de l'absence d'antécédent au casier judiciaire suisse, il existait un risque de réitération concret de participation du prévenu, en sa qualité de "prospect" des "F______", à de nouveaux actes de violence en cas de libération, en particulier sous forme de représailles à l'encontre d'autres membres des "E______" actuellement en liberté, les motifs ayant donné lieu à l'altercation du 22 mai 2022 étant selon toute vraisemblance toujours d'actualité.

Une assignation à résidence avec port du bracelet électronique ne serait pas apte à réduire ce risque, de telles mesures ne permettant aucunement de suivre en temps réel les faits et gestes du prévenu, ni de les anticiper.

Aucune autre mesure de substitution n'était susceptible d'atteindre les mêmes buts que la détention au vu des risques ci-dessus.

La durée de la détention provisoire ordonnée respectait au demeurant le principe de proportionnalité au vu des faits reprochés à la personne prévenue et de la peine concrètement encourue en cas de condamnation.

S'agissant du non-respect du délai de 24 heures fixé par l'art. 219 al. 4 CPP allégué, le prévenu s'était vu notifier le mandat d'amener le 7 juin 2022 à 16h05, ce qui correspondait ainsi à l'heure de son arrestation. Son audition par la police avait pris fin le 8 juin à 10h15. Il avait été mis à disposition du Ministère public le 8 (et non le 7 comme indiqué par erreur en p. 1 du rapport d'arrestation) juin 2022 à 10h40, et été entendu le même jour par cette autorité, de sorte que tous les délais légaux avaient été respectés, la mise à disposition du Ministère public prévue par l'art. 219 al. 4 CPP ne visant pas l'heure effective de début de l'audience par le Ministère public.

D.           a. À l'appui de son recours, A______ reproche au TMC une appréciation arbitraire des faits en retenant qu'il avait initié l'altercation – alors que c'était H______ qui avait "foncé" à l'intérieur de l'établissement dans sa direction –, qu'il était un "F______" alors qu'il n'était que "prospect", qu'il était sur les lieux par hasard alors qu'il venait "boire un verre et passer du bon temps". Dans la mesure où il s'était limité à se défendre, il n'existait pas de charges suffisantes de rixe à son encontre. Le risque de collusion faisait défaut. Il avait été entendu par la police le 22 mai 2022 comme personne appelée à donner des renseignements et arrêté seize jours plus tard, ce qui lui aurait largement permis de discuter de l'affaire avec les autres participants. En outre, l'intégralité de l'altercation avait été filmée par les caméras de vidéosurveillance. Il n'existait pas non plus de risque de réitération. Son casier judiciaire était vierge. La théorie d'une guerre de territoire entre deux gangs rivaux, et partant d'un risque de représailles, était sans fondement. L'usage seul d'un spray au poivre n'était par ailleurs pas suffisant pour retenir un tel risque. Enfin, l'art. 219 al. 4 CPP avait été violé puisque son audition devant le Ministère public avait eu lieu plus de 24 heures après son arrestation. Si cette violation ne rendait pas sa détention illicite, elle devait néanmoins être constatée et les frais de justice mis à la charge de l'État. Le recours n'était pas téméraire ou abusif – un premier contrôle par l'autorité de recours pouvant se justifier en début de détention –, l'assistance judiciaire devait être confirmée pour le recours et son défenseur indemnisé au terme de la procédure.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours sous suite de frais. Les charges étaient suffisantes, le prévenu étant soupçonné d'avoir participé à une rixe, étant précisé qu'en fonction des résultats des investigations, des charges complémentaires de mise en danger de la vie d'autrui pourraient être notifiées. Les charges reposaient sur les constatations policières mais surtout sur les images de vidéosurveillance, lesquelles montraient clairement le prévenu faire usage d'un spray au poivre à l'encontre d'un homme entrant dans le bar, ce qu'il ne contestait du reste pas. Ses déclarations et celles de H______ étaient contradictoires en ce sens que chacun prétendait s'être défendu d'une attaque de l'autre. Or, l'instruction devra déterminer à quel moment exact le prévenu a utilisé son spray au poivre. Les faits ne se résumaient pas à ce que l'on voyait sur les images de vidéosurveillance. L'instruction, qui ne faisait que commencer, aura pour tâche d'identifier tous les participants à l'altercation, de comprendre le contexte et d'établir les responsabilités de chacun, les images de la vidéosurveillance n'étant qu'un élément parmi d'autres. Que le prévenu envisageât de plaider la légitime défense ne lui était d'aucun secours à ce stade de la procédure.

Le risque de collusion avec les personnes ayant participé à l'altercation subsistait, étant précisé qu'une audience de confrontation était agendée au 29 juin 2022. À cela s'ajoutait un risque de collusion avec des tiers témoins à identifier, d'autant que l'altercation n'impliquait pas seulement les quatre prévenus actuellement en détention mais également d'autres membres des "F______" et des "E______", dont le prévenu n'avait pas voulu donner l'identité. La police était en train de procéder à un important travail d'identification afin de permettre l'interpellation et l'audition desdites personnes. Contrairement à ce qu'affirmait le prévenu, les faits n'avaient pas été filmés dans leur intégralité et il conviendra de déterminer ce qui s'était passé en amont, en particulier qui avait informé les "E______" de la présence des "F______" à "D______" et quel était le but du déplacement des membres des "E______" à la rue 1______, le cas échéant de déterminer si les autres membres des "E______" étaient armés. Certes, le prévenu avait eu seize jours pour contacter qui il voulait avant son interpellation mais rien n'indiquait qu'il ne cherchera pas à contacter des membres/"prospects"/novices des "F______" en cas de libération, dans la mesure où, après la confrontation, il disposera d'informations complémentaires sur la procédure.

Un risque de réitération sous forme de représailles était sérieux et concret, que ce soit de la part du prévenu ou de ses amis des "F______" à l'encontre des "E______", ou vice-versa. La détention provisoire de l'intéressé était de nature à limiter ce risque dès lors qu'il connaissait l'identité des autres membres/"prospects"/novices des "F______" et, vraisemblablement, celle des membres des "E______", présents au moment des faits.

S'agissant du non-respect de l'art. 219 al. 4 CPP, il se référait à l'ordonnance du TMC. L'audition déléguée à la police équivalait à une audition par le Ministère public. Ensuite, le délai d'ordre avait été respecté.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance sans autre remarque.

d. Le recourant n'a pas répliqué.

E. a. Le 29 juin 2022 s'est tenue l'audience de confrontation des quatre prévenus devant le Ministère public.

En substance, I______ a déclaré qu'alors qu'il était au [club] E______, quelqu'un avait reçu un appel téléphonique disant qu'il y avait des F______ à l'"D______". Plusieurs membres avaient décidé de s'y rendre pour leur demander de ne pas porter leurs couleurs à Genève. Il y était allé en voiture avec H______, les autres membres de la bande devant les rejoindre sur place. Au total, ils étaient cinq ou six. I______ était entré dans l'établissement derrière H______. Ce dernier avait été sprayé alors qu'il s'approchait des "F______". Lorsqu'il avait vu G______ pointer son arme et faire feu sur lui, il avait sorti son arme, craignant pour sa vie et celle de son "frère". Il a contesté toute menace de sa part et ignorait pourquoi A______ affirmait qu'il en avait après lui. Il était à visage découvert. H______ a indiqué avoir un masque covid.

H______, sur question de son conseil, a indiqué qu'il était aux bords du lac avec sa compagne lorsqu'on l'avait invité à rejoindre les "E______" pour boire un verre. On ne lui avait rien dit d'autre.

A______ a confirmé avoir, préalablement à l'altercation, vu dans la rue un groupe de "E______" arriver et averti G______. Alors qu'il regardait H______ entrer dans l'établissement puis avancer, il avait fait usage de son spray. Il avait vu le précité reculer d'un coup. Il pensait que c'était en réaction à son sprayage. H______ était ensuite revenu à la charge, balançant une chaise. Il n'avait pas vu que G______ avait une arme. Il ignorait s'il était armé. Il ne l'avait pas vu pointer son arme sur H______, étant fixé sur l'entrée. Il pensait que les "E______" savaient très bien pourquoi ils étaient venus. Ils étaient venus à cinq alors qu'eux n'étaient que deux. Il s'était senti menacé, ayant reçu des menaces des "E______" deux ou trois mois plus tôt, pour lesquelles il n'avait pas déposé plainte.

G______ a déclaré avoir pensé qu'ils n'allaient pas s'en sortir. Il ignorait qui était ciblé. Il était pris au piège et craignait pour sa vie. Il ne pensait pas que A______ savait qu'il était armé. Il avait vu un groupe d'individus en noir lui arriver dessus, armes à la main. Alors il avait sorti son arme. Il avait vu une arme "c'est sûr". Il ignorait pourquoi A______, qui se trouvait à ses côtés dans l'"D______" à ce moment-là n'avait vu personne armé.

H______, à la question de savoir si dans la seconde où il entrait et sortait de l'établissement, il avait vu un "F______" armé, a répondu qu'il voyait et ne voyait pas en fin de compte. Il voyait flou. Il pleurait, avait du gel partout sur le visage. Il avait aperçu l'arme effectivement mais sur le moment il s'était dit qu'elle n'était pas réelle. Il réitérait n'avoir fait qu'un pas en arrière et non un mouvement de recul. Il n'y avait pas eu de premier et de deuxième assaut.

I______ a encore contesté que certains de ses "frères" étaient armés et tenaient une arme à feu quand H______ était entré dans l'établissement.

b. De prochaines audiences de confrontation auront lieu courant juillet.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant conclut au constat du non-respect du délai fixé par l'art. 219 al. 4 CPP.

2.1. Selon l'art. 219 al. 4 CPP, la personne arrêtée provisoirement est libérée ou amenée devant le ministère public au plus tard après 24 heures; si l'arrestation provisoire a fait suite à une appréhension, la durée de celle-ci est déduite des 24 heures.

L'art. 224 al. 2 CPP prévoit ensuite que si les soupçons et les motifs de détention sont confirmés, le ministère public propose au tribunal des mesures de contrainte, sans retard mais au plus tard dans les 48 heures à compter de l'arrestation, d'ordonner la détention provisoire ou une mesure de substitution.

En application de l'art. 226 al. 1 CPP, le tribunal des mesures de contrainte statue immédiatement, mais au plus tard dans les 48 heures suivant la réception de la demande.

2.2. Ces délais légaux ont pour but de concrétiser les exigences constitutionnelles et conventionnelles des art. 31 Cst. et 5 ch. 3 CEDH. Il ne s'agit pas de simples délais d'ordre dont le prévenu ne peut, généralement, rien en déduire en sa faveur en cas de dépassement. Seul est toutefois déterminant pour le prévenu le laps de temps entre l'arrestation et la décision de mise en détention. La façon dont les différentes étapes de la procédure se sont déroulées dans le temps avant la décision de mise en détention est en effet de moindre importance pour lui. Il en va notamment ainsi du délai de l'art. 224 al. 2 CPP, qui est adressé en premier lieu au ministère public et qui vise à donner suffisamment de temps au juge de la détention pour examiner la cause. Ce délai concerne donc en priorité l'organisation interne des autorités de poursuite pénale, même s'il intéresse aussi le prévenu. Le maintien en détention ne devient dès lors pas nécessairement illégal si le délai de 48 heures de l'art. 224 al. 2 CPP n'est pas respecté, mais seulement si la décision du tribunal des mesures de contrainte n'intervient pas dans les 96 heures suivant l'arrestation (ATF 137 IV 92 consid. 3.2.1; ATF 137 IV 118 consid. 2.1). Les considérations qui précèdent valent aussi pour le délai de 24 heures prévu à l'art. 219 al. 4 CPP. Il est certes dans l'intérêt du prévenu que la police respecte ce délai, afin que l'audition par un magistrat intervienne le plus rapidement possible, mais le non-respect dudit délai ne constitue pas nécessairement une violation du principe de célérité susceptible de remettre en cause la légalité de la détention. Ce n'est en effet le cas que si la violation est particulièrement grave et qu'elle laisse craindre que l'autorité de poursuite ne soit plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable (ATF 128 I 149 consid. 2.2.1 p. 151 s.; cf. ATF 137 IV 92 consid. 3.1 et 3.2.1 et les références). Le principe de la célérité revêt en effet une importance particulière en matière de détention provisoire, de sorte que les délais maximaux prévus par le CPP doivent en principe être respectés et ne peuvent être épuisés que dans des cas exceptionnels et objectivement fondés (ATF 137 IV 118 consid. 2.1 in fine).

2.3. En l'espèce, le recourant s'est vu notifier le mandat d'amener le 7 juin 2022 à 16h05. Son audition par la police, commencée le 8 juin 2022 à 9h36, a pris fin à 10h15 et il a été mis à disposition du Ministère public, toujours le 8 juin 2022, à 10h40, soit quasiment dans la foulée. Quand bien même l'audition devant le Ministère public a commencé le 8 juin 2022 à 16h50, pour se terminer à 18h10, cette autorité a saisi le TMC d'une demande de mise en détention le même jour à 19h35, agissant ainsi dans le délai de 48 heures à compter de l'arrestation. Partant, on ne décèle aucune violation du principe de la célérité.

3. 3.1. Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).

3.2. En l'espèce, le recourant ne conteste pas avoir fait usage d'un spray au poivre à l'encontre d'un membre d'une bande de motards rivale qui, selon ses dires, se serait dirigé vers lui dans le bar d'une manière menaçante. Il ne remet pas non plus en cause le fait qu'à l'occasion de l'altercation, plusieurs coups de feu ont été échangés entre deux protagonistes de chacune des deux bandes.

Tant le recourant que son antagoniste de la bande rivale, H______, estiment s'être sentis menacés par l'autre et interprètent les images de la vidéosurveillance en leur faveur.

Si ces dernières semblent montrer H______ entrer dans l'établissement puis faire volte-face en direction de la sortie avant d'y revenir, suivi d'un de ses "frères" des "E______", ce qui corroborerait la thèse selon laquelle il voulait en découdre avec les "F______", la thèse inverse selon laquelle ce seraient les "F______" qui attendaient les "E______" armes à la main dans une sorte de guet-apens n'est pas plus ou moins crédible à ce stade de l'enquête, qui n'en est qu'à ses débuts.

L'audience de confrontation qui vient de se tenir ne permet pas de lever tout doute à cet égard.

À cela s'ajoute que l'altercation a été très rapide – 22 secondes entre le début de la rixe et la fusillade, selon le rapport de renseignements de la police du 27 mai 2022 – et les caméras de surveillance n'ont pas pu saisir l'intégralité de la scène, comme le relève la police dans son rapport.

Le moment exact où le recourant aurait fait usage de son spray au poivre doit encore être déterminé, vu les déclarations contradictoires des protagonistes.

Partant, on ne saurait admettre à ce stade précoce de l'enquête que le recourant n'a pas provoqué l'altercation ou alimenté celle-ci d'une manière quelconque.

C'est ainsi à bon droit que le TMC a retenu des charges suffisantes de rixe à l'endroit du recourant, étant relevé que la question d'une éventuelle légitime défense n'entre pas en ligne de compte à ce stade.

4. Le recourant conteste le risque de collusion.

4.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

4.2. En l'occurrence, de nombreuses zones d'ombre entourent encore les circonstances de la fusillade du 22 mai 2022.

L'altercation n'a pas seulement impliqué le prévenu, H______, G______ et I______, actuellement tous en détention, mais aussi d'autres tiers et/ou membres des "F______" et des "E______" que la police cherche à présent à identifier en vue de leur audition, cela afin de déterminer les rôles et responsabilités de chacun. Les circonstances en amont de l'altercation doivent également être élucidées, ce que les images de la vidéosurveillance ne permettent pas d'établir.

Or, il existe un risque réel que le recourant, dorénavant nanti des charges pesant sur lui, ne compromette la recherche de la vérité en contactant des tiers témoins que lui seul connaît et dont il refuse de donner les noms ou exerce sur eux des pressions aux fins qu'ils corroborent sa thèse selon laquelle il n'aurait fait que se défendre.

Son argument selon lequel il aurait eu seize jours pour contacter qui il voulait avant son interpellation tombe ainsi à faux, étant rappelé qu'il n'avait été entendu, le 22 mai 2022, qu'en qualité de personne appelée à donner des renseignements, autrement dit ignorait à ce moment les charges pesant contre lui.

Aucune mesure de substitution ne saurait pallier ce risque et notamment pas une interdiction de contact. Telle mesure ne peut en principe porter que sur des personnes déterminées (arrêts 1B_485/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3.4.2; 1B_121/2019 du 8 avril 2019 consid. 4.4), et apparaîtrait non seulement insuffisante, au vu des enjeux pour le prévenu, mais également difficilement contrôlable. Il en irait de même de l'interdiction d'utiliser tout ordinateur ou téléphone.

Les autres mesures de substitution proposées par le prévenu devant le TMC – qu'il ne réitère au demeurant pas ici – n'entrent pas en ligne de compte en tant qu'elles visent à pallier le risque de fuite, non retenu.

5. L'admission du risque de collusion dispense d'examiner si s'y ajoute le risque de réitération.

6. La détention provisoire ordonnée jusqu'au 7 août 2022 demeure proportionnée à ce stade, eu égard aux soupçons pesant sur le recourant et à la peine concrètement encourue en cas de condamnation ainsi qu'aux actes d'enquête à effectuer.

7. Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

8. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

9. Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

9.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

9.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/11309/2022

ÉTAT DE FRAIS

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

 

-

CHF

 

 

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

985.00