Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/19185/2015

ACPR/77/2017 (3) du 20.02.2017 sur OTDP/565/2016 ( TDP ) , ADMIS

Descripteurs : RESTITUTION DU DÉLAI ; NOTIFICATION IRRÉGULIÈRE ; FICTION DE LA NOTIFICATION ; EMPÊCHEMENT NON FAUTIF ; DÉFAUT(CONTUMACE)
Normes : CPP.85; CPP.94; CPP.356; CPP.396

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19185/2015ACPR/77/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 20 février 2017

 

Entre

 

A______, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, comparant par Me B______, avocat, ______,

recourant,

 

contre l'ordonnance datée du 17 juin 2016 par le Tribunal de police

 

et

 

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 28 novembre 2016, A______ recourt contre l'ordonnance datée du 17 [recte : 27] juin 2016, dont il affirme avoir pris connaissance le 18 novembre 2016, par laquelle le Tribunal de police a constaté son défaut à l'audience de jugement, dit que son opposition formée le 21 octobre 2015 contre l'ordonnance pénale du 11 octobre 2015 était réputée retirée et ladite ordonnance assimilée à un jugement entré en force.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement à l'octroi de l'assistance juridique, principalement à l'annulation de l'ordonnance ainsi qu'à la fixation de nouveaux débats et subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal de police pour une nouvelle décision dans le sens des considérants.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par ordonnance pénale du 11 octobre 2015, le Ministère public a déclaré A______, ressortissant albanais, coupable de conduite sans permis de conduire (art. 95 al. 1 let. a LCR) et d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a de la Loi fédérale sur les étrangers, et l'a condamné à une peine pécuniaire de 50 jours-amende à CHF 30.-, sous déduction d'un jour-amende correspondant à un jour de détention avant jugement. Le Ministère public a également révoqué le sursis qu'il lui avait accordé le 14 avril 2015.

b. Par courrier du 21 octobre 2015, A______ a déclaré faire opposition.

c. Il a été entendu par le Ministère public en date du 11 janvier 2016, après avoir été convoqué à l'adresse qu'il avait donnée dans sa lettre d'opposition (et qui est celle déjà donnée à la police).

d. Le 14 mars 2016, il a été arrêté dans le cadre d'une autre procédure (P/1______) et placé en détention provisoire à la prison de Champ-Dollon, où il est encore détenu à ce jour. Un avocat lui a été nommé d'office le lendemain.

e. Par ordonnance sur opposition du 24 mars 2016, le Ministère public a maintenu l'ordonnance pénale et transmis la cause au Tribunal de police, afin que cette autorité statue sur la validité de l'ordonnance et de l'opposition. Cette décision a été communiquée par pli simple au prévenu, également à l'adresse qu'il avait donnée dans sa lettre d'opposition.

f. Par mandat de comparution du 2 mai 2016, A______ a été cité à comparaître personnellement à l'audience du 27 juin 2016 par-devant le Tribunal de police. Ce mandat – qui comporte la mention, en caractères gras, que s'il ne se présentait pas à l'audience, sans excuse valable, son opposition serait réputée retirée et l'ordonnance pénale déclarée exécutoire – a lui aussi été envoyé, mais par pli recommandé, à l'adresse que le prévenu avait donnée dans sa lettre d'opposition.

L'envoi a été retourné, non réclamé, au Tribunal de police.

Cette autorité a renvoyé le mandat de comparution par pli simple, le 19 mai 2016.

g. Le 27 juin 2016, le Tribunal de police a constaté que le prévenu ne s'était pas présenté à l'audience. Il a en conséquence rendu l'ordonnance querellée.

C. À teneur de l'ordonnance attaquée, A______ ne s'est pas présenté à l'audience de jugement, sans avoir été excusé ou représenté. Son opposition était dès lors réputée retirée, au sens de l'art. 356 al. 4 CPP, et l'ordonnance pénale assimilée à un jugement entré en force.

Cette décision a également été envoyée en recommandé, par pli posté le 28 juin 2016, à l'adresse qu'il avait donnée dans sa lettre d'opposition.

Elle aussi, avait été retournée, non réclamée, au Tribunal de police, le 11 juillet 2016.

D. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir qu'il avait appris l'existence de l'ordonnance querellée le 18 novembre 2016, lors d'une consultation du dossier par son défenseur, au greffe du Ministère public. La première notification tentée le 29 juin 2016 était irrégulière, dans la mesure où le Tribunal de police aurait pu se rendre compte qu'il était dans l'impossibilité objective de retirer le recommandé, au vu de sa détention. Ainsi, on aurait dû lui notifier l'ordonnance querellée à la prison de Champ-Dollon, et non à une adresse où il n'avait par ailleurs jamais formellement élu domicile. Partant, le recours était recevable.

Même s'il fallait considérer que le délai de recours avait commencé à courir au terme du délai de garde et, par conséquent, avait expiré au moment du dépôt du recours, il conviendrait de le lui restituer, au sens de l'art. 94 al. 1 CPP.

Au fond, A______ se plaint d'une constatation inexacte des faits. Ce n'était pas par désintérêt qu'il ne s'était pas présenté à l'audience du 27 juin 2016, mais contre sa volonté, puisqu'il était en détention dans le cadre d'une autre procédure (P/1______). Il n'avait pas été informé des conséquences d'un défaut, puisque le mandat de comparution ne lui était pas parvenu.

L'autorité précédente avait ainsi violé l'art. 356 al. 4 CPP. Il avait été dans l'impossibilité de se rendre à l'audience du 27 juin 2016 en raison de sa détention dans l'autre procédure. On ne pouvait considérer qu'il avait renoncé de manière univoque, libre et éclairée aux droits que lui conféraient les articles 6 CEDH, 29 ss Cst et 3 al. 2 let. c CPP.

Par ailleurs, les conditions de l'assistance juridique étaient remplies, car il était indigent et ses conclusions n'étaient pas dénuées de toute chance de succès, dans la mesure où il se trouvait en détention.

b. Le Ministère public et le Tribunal de police déclarent s'en remettre à justice.

c. Le recourant a répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours a été déposé dans la forme prescrite (art. 385 al. 1 et 390 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émane du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Se pose la question de savoir si le recours a été interjeté en temps utile. Le recourant affirme que le délai pour ce faire n'a pas commencé à courir, car la notification de l'ordonnance attaquée était irrégulière.

2.1.       Le recours contre les décisions notifiées par écrit ou oralement est motivé et adressé par écrit, dans le délai de dix jours, à l'autorité de recours (art. 396 al. 1 CPP).

Les délais fixés en jours commencent à courir le jour qui suit leur notification ou l'évènement qui les déclenche (art. 90 al. 1 CPP).

La notification est une communication officielle d'un acte judiciaire ou d'un acte de procédure, en principe écrite, qui permet au destinataire de faire usage des voies de droit ouvertes contre elle, respectivement de se plier aux incombances ou autres obligations qu'elle met à sa charge (ACPR/513/2014 du 6 novembre 2014 consid. 4.2.). On peut également la définir comme la remise effectuée selon les formes légales d'un acte judiciaire écrit (citation, mandat, ordonnance, jugement) à une personne déterminée ou à toute autre personne qualifiée pour le recevoir (ibid.). Les autorités pénales notifient leurs prononcés par lettre signature ou par tout autre mode de communication impliquant un accusé de réception, notamment par l'entremise de la police (art. 85 al. 2 CPP).

Le CPP ne traite pas des notifications irrégulières (N. SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung : Praxiskommentar, 2e éd., Zurich 2013, n. 4 ad art. 94). Une notification est irrégulière lorsque la mention des voies de droit a été omise ou lorsque celles-ci ont été erronément ou incomplètement mentionnées dans la décision (cf. art. 49 LTF). Selon le Tribunal fédéral, conformément à un principe général du droit administratif, applicable au droit pénal, la notification irrégulière d'une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour les parties. En principe, tant qu'il n'a pas été notifié au destinataire, l'acte est sans effet, car la notification irrégulière ne doit pas nuire à la personne qui a le droit de recourir. Le délai de recours ne part donc qu'au moment où celle-ci a eu connaissance de la décision (ATF 142 IV 201 consid. 2.4 p. 205 ; ACPR précité, loc. cit.), sauf fiction de notification (ATF précité, ibid.).

La jurisprudence admet qu'une violation particulièrement grave du droit d'être entendu puisse entraîner la nullité d'une décision, mais cette conséquence n'est pas nécessairement attachée aux vices lors de la notification. En effet, la protection des parties apparaît suffisamment garantie lorsque la notification a atteint son but nonobstant le défaut dont elle souffre. Il y a donc lieu d'examiner, d'après les circonstances du cas d'espèce, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l'irrégularité de la notification et a subi, de ce fait, un préjudice. Il faut s'en tenir aux règles de la bonne foi, qui imposent une limite à l'invocation d'un vice de forme (arrêt du Tribunal fédéral 6B_714/2011 du 20 juillet 2012 consid. 1.2).

La partie concernée ne peut cependant pas retarder ce moment selon son bon plaisir ; en vertu du principe de la bonne foi, elle est tenue de se renseigner sur l'existence et le contenu de la décision dès qu'elle peut en soupçonner l'existence, à défaut de quoi elle risque de se faire opposer l'irrecevabilité de son recours pour cause de tardiveté (ATF 139 IV 228 consid. 1.3 p. 232 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_552/2015 du 3 août 2016 consid. 2.3 et 2.5).

2.2.       En l'espèce, la tentative de notification de l'ordonnance querellée a eu lieu au plus tôt le 29 juin 2016 ; le pli n'a pas été retiré dans le délai de garde de sept jours et a été retourné à son expéditeur avec la mention "non réclamé". L'ordonnance du Tribunal de police est, dès lors, réputée avoir été notifiée le dernier jour du délai de garde, soit le 6 juillet 2016 (art. 85 al. 4 let. a CPP). Le délai de 10 jours pour recourir contre ce prononcé (art. 396 al. 1 CPP) a donc commencé à courir le lendemain (art. 90 al. 1 et 384 let. b CPP), soit le 7 juillet 2016, pour expirer le lundi 18 juillet 2016 (le dixième jour étant un dimanche, cf. art. 90 al. 2 CPP). Expédié le 28 novembre 2016, l'acte de recours est manifestement tardif.

Une telle notification n'est pas irrégulière ni entachée d'un vice de forme. En effet, les prescriptions de forme posées par la loi ont été observées, et les voies de droit correctement et complètement mentionnées. En outre, contrairement à ce que semble croire le recourant, la validité du domicile de notification, qu'il a lui-même communiqué aux autorités pénales, ne souffre pas de discussion. En tant que ressortissant étranger non résidant en Suisse, il était tenu de fournir une telle adresse en Suisse (art. 87 al. 2 CPP).

Le temps écoulé entre l'audience du Ministère public (11 janvier 2016) et la convocation par le Tribunal de police (2 mai 2016), voire la date d'audience convoquée par celui-ci (27 juin 2016), n'a pas été si long que le recourant pouvait croire que la procédure prendrait fin après son audition. Lors cette audience, il s'est, au contraire, vu demander par le Procureur de produire des pièces sur l'organisation de son départ de Suisse, et il a fait répondre par l'intermédiaire d'une tierce personne, dans le délai imparti. À ce sujet, le Tribunal fédéral a considéré que la notification d'une ordonnance de non-entrée en matière trois mois et demi après le dépôt de la plainte ne présentait pas une longue période (arrêt 1B_675/2011 du 14 décembre 2011). La Chambre de céans a eu la même appréciation s'agissant de l'écoulement d'un délai de quatre mois entre l'audition à la police du prévenu et la notification d'une l'ordonnance pénale (ACPR/470/2013 du 10 octobre 2013).

Il n'est donc pas douteux que le recourant devait s'attendre à une décision de l'autorité pénale sur le sort de son opposition.

Le grief s'avère infondé.

3.             Le recourant demande qu'à défaut d'admettre une notification irrégulière, la Chambre de céans lui restitue le délai pour recourir.

3.1.       Selon l'art. 94 CPP, une partie peut demander la restitution d'un délai imparti pour accomplir un acte de procédure si elle a été empêchée de l'observer et si elle est de ce fait exposée à un préjudice important et irréparable. Elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part (al. 1). Une telle demande, dûment motivée, doit être adressée par écrit dans les 30 jours à compter de celui où l'empêchement a cessé, à l'autorité auprès de laquelle l'acte de procédure aurait dû être accompli et l'acte de procédure omis doit être répété durant ce délai (al. 2). Les conditions formelles consistent donc à former une demande de restitution ainsi qu'à entreprendre l'acte de procédure omis dans le délai légal, d'une part, et à justifier d'un préjudice important et irréparable, d'autre part. Si les conditions de forme ne sont pas réalisées, l'autorité compétente n'entre pas en matière sur la demande de restitution (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1074/2015 du 19 novembre 2015 consid. 3.1 et 6B_722/2014 du 17 décembre 2014 consid. 2.1).

3.2.       Une restitution de délai ne peut intervenir que lorsqu'un événement, par exemple une maladie ou un accident, met la partie objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêts du Tribunal fédéral 6B_360/2013 du 3 octobre 2013 consid. 3.1; 6B_158/2012 du 27 juillet 2012 consid. 3.2 et les références citées). En d'autres termes, il faut comprendre, par empêchement non fautif, toute circonstance qui aurait empêché une partie consciencieuse d'agir dans le délai fixé (ACPR/196/2014 du 8 avril 2014). Ces principes s'appliquent au stade de l'audience d'appel (en relation avec l'art. 407 al. 1 let. a CPP : arrêt du Tribunal fédéral 6B_37/2012 du 1er novembre 2012 consid. 3) et devant le tribunal de première instance (en relation avec l'art. 356 al. 4 CPP : arrêt du Tribunal fédéral 6B_289/2013 du 6 mai 2014 consid. 11.3). Il n'y a pas lieu de s'en écarter pour la procédure de recours, car l'art. 94 CPP est une règle générale de procédure (cf. l'intitulé du chapitre sous lequel la disposition est rangée), qui s'applique ici aussi (art. 379 CPP).

3.3.       Un fait est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 140 III 610 consid. 4.1 p. 613 ; 132 III 715 consid. 3.1 p. 720 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1092/2014 du 14 décembre 2015 consid. 2.2.3).

3.4.       L'interpellation ou l'arrestation pour les besoins d'une autre cause n'est pas "fautive", au sens de l'art. 94 CPP (ACPR/141/2016 du 17 mars 2016 ; ACPR/73/2015 du 3 février 2015).

3.5.       Appliqués en l'espèce, ces règles et principes conduisent à admettre la requête.

Le placement en détention provisoire du recourant a empêché, sans sa faute, qu'il pût former recours dans les 10 jours suivant la notification de l'ordonnance querellée, et il est exposé à un préjudice – la mise à exécution de la condamnation prononcée contre lui le 11 octobre 2015 – important et irréparable.

Le recourant affirme n'avoir appris l'existence du jugement du Tribunal de police que lorsque son défenseur avait eu connaissance de l'extrait de son casier judiciaire par la consultation, "à fin octobre 2016", du dossier d'une autre procédure pénale pendante contre lui.

Il est exact que la rubrique "Enquêtes pénales" de cet extrait mentionne une inscription du Tribunal de police, portant date du 11 octobre 2015 (qui est, en fait, celle de l'ordonnance pénale).

Par ailleurs, il est établi que le recourant a consulté le dossier de la présente procédure et en a levé copie le 18 novembre 2016.

En expédiant son acte de recours le 28 novembre 2016, le recourant paraît avoir agi dans les 30 jours à compter de celui-ci où son "empêchement" (plus exactement : son ignorance du jugement rendu) a cessé. En effet, le délai court dès le jour où son destinataire a pu prendre connaissance de la décision dans son dispositif et ses motifs (cf. ATF 139 IV 228 consid. 1.3 p. 232 et la référence).

Il convient par conséquent d'entrer en matière sur le recours.

4.             Le recourant estime que c'est aussi sans sa faute s'il a été empêché de comparaître à l'audience du 27 juin 2016.

4.1.       Selon l'art. 356 al. 2 CPP, en cas d'opposition à une ordonnance pénale rendue par le Ministère public, le Tribunal de première instance – en l'occurrence le Tribunal de police – statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition à celle-ci.

4.2.       À teneur de l'art. 356 al. 4 CPP, si l'opposant à une ordonnance pénale fait défaut aux débats devant le tribunal de première instance sans être excusé et sans se faire représenter, son opposition est réputée retirée. En pareil cas, il n'y a donc pas de procédure par défaut, le tribunal statuant sur la base de la seule ordonnance pénale.

Selon l'art. 355 al. 2 CPP – norme dont la teneur correspond à l'art. 356 al. 4 CPP –, si l'opposant, sans excuse, fait défaut à une audition devant le Ministère public malgré une citation, son opposition est réputée retirée. Ainsi, contrairement à ce que prévoit l'art. 205 CPP, le défaut peut en vertu de l'art. 355 al. 2 CPP aboutir à une perte de toute protection juridique, nonobstant le fait que l'opposant ait précisément voulu une telle protection en formant opposition (ATF 140 IV 82 consid. 2.4 p. 84 s.). Dans l'arrêt précité, le Tribunal fédéral a rappelé le caractère particulier de l'ordonnance pénale et spécifié que l'art. 355 al. 2 CPP devait être interprété en considération de différentes garanties procédurales (en particulier celles prévues aux art. 3 CPP, 29a et 30 Cst., 6 par. 1 CEDH). Au vu de l'importance fondamentale du droit d'opposition au regard de ces garanties, un retrait par acte concluant de l'opposition suppose que celui-ci résulte de l'ensemble du comportement de l'opposant, qui démontre qu'il se désintéresse de la suite de la procédure tout en étant conscient des droits dont il dispose. La fiction légale de retrait découlant d'un défaut non excusé suppose que l'opposant ait conscience de son omission et qu'il renonce à ses droits en connaissance de cause (ATF 140 IV 82 consid. 2.3 et 2.5 p. 84 s.). Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que la fiction légale introduite par cette disposition ne s'applique en principe que si l'opposant a eu une connaissance effective de la convocation et des conséquences du défaut, l'abus de droit étant réservé (ATF 140 IV 82 consid. 2.7 p. 86 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_328/2014 du 20 janvier 2015 consid. 2.1 et 2.2 relatif à un défaut par suite d'un empêchement attesté par un certificat médical).

Lorsque le pli contenant la citation à l'audience n'est pas retiré à l'office postal durant le délai de garde, le prévenu ignore non seulement l'existence de la citation, mais aussi les conséquences de son absence à l'audience. Dès l'instant où rien n'indique que le prévenu aurait adopté un comportement abusif ou que, par d'autres indices, il aurait manifesté son désintérêt pour la suite de la procédure, la fiction du retrait de l'opposition, telle que prévue par l'art. 356 al. 4 CPP ne peut lui être opposée (ATF 142 IV 158 = SJ 2016 I 343).

4.3.       En l'espèce, le Tribunal de police a convoqué le recourant à l'adresse que celui-ci avait donnée, en respectant les formes du mandat de comparution.

Cela étant, le recourant avait été interpellé dans l'intervalle, soit le 14 mars 2016, et placé en détention provisoire pour les besoins d'une autre procédure. Au vu de cette détention, force est de constater que le mandat de comparution du 2 mai 2016 n'a pas pu l'atteindre à l'adresse qu'il avait valablement communiquée. Il est pour le surplus établi et non contesté que le recourant n'a pas reçu non plus de notification directe du mandat à la prison de Champ-Dollon.

Ainsi, il n'a pas eu une connaissance effective de sa convocation à l'audience du 27 juin 2016 et n'a pas pu y comparaître, sans abus de sa part.

À cet égard, lorsqu'il a choisi, le 24 mars 2016, de maintenir son ordonnance pénale et de transmettre la cause au Tribunal de police, le Ministère public était en mesure de se rendre compte que le recourant avait été placé en détention provisoire dix jours plus tôt, ne serait-ce que parce qu'il est "un et indivisible", selon la formule consacrée. Des motifs d'organisation interne et de circulation de l'information ne permettent, en effet, pas de justifier l'absence de mise en relation, au sein d'une même juridiction, de deux procédures pénales parallèles concernant une seule et même personne (ACPR/491/2014 du 31 octobre 2014 consid. 2.5.).

À l'heure de convoquer l'audience, comme à l'ouverture des débats, le Tribunal de police n'en était pas moins en mesure, lui aussi, de constater que le recourant se trouvait toujours en détention provisoire, puisqu'il a accès aux mêmes bases de données judiciaires que le Ministère public. Or, le séjour dans un établissement pénitentiaire remplit les conditions de la résidence habituelle et suffit pour qu'une notification y intervienne (ACPR/258/2013 du 5 juin 2013 ; A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 8 ad art. 87).

Le recourant s'est ainsi trouvé sans sa faute dans l'ignorance de l'audience du 27 juin 2016, ainsi que des conséquences d'une éventuelle non-comparution de sa part.

À la différence de la cause tranchée dans l'arrêt ACPR/141/2016 du 17 mars 2016 (consid. 2.2.), il n'était pas au courant de la date de l'audience, de sorte qu'il ne saurait lui être reproché de n'avoir pas averti la prison de Champ-Dollon, voire l'avocat qui lui avait été nommé d'office pour la procédure parallèle.

Son défaut à l'audience du 27 juin 2016 était ainsi excusable, à l'instar de ce qui prévaut déjà lorsque, dans la même situation, un prévenu ne peut pas comparaître à l'audience convoquée par le ministère public en suite d'une opposition (art. 355 al. 2 CPP ; ACPR/427/2013 du 11 septembre 2013 consid. 2.2.). L'on ne saurait interpréter son absence comme un désintérêt de la procédure pénale dirigée contre lui ni, partant, qu'il aurait retiré son opposition par actes concluants.

5.             Fondé, le recours doit être admis et l'ordonnance querellée annulée.

6.             L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 4 CPP).

7.             Le recourant a demandé à être mis au bénéfice de "l'assistance juridique", i.e. d'une défense d'office.

7.1.                En dehors des cas de défense obligatoire, qui ne concernent pas le cas d'espèce, l'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur à deux conditions : le prévenu doit être indigent et la sauvegarde de ses intérêts doit justifier une telle assistance, cette seconde condition devant s'interpréter à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP. Ainsi, les intérêts du prévenu justifient une défense d'office notamment lorsque la cause n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). Si ces deux conditions doivent en principe être réunies cumulativement, il n'est toutefois pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs, en particulier dans les cas où la désignation d'un défenseur est nécessaire pour garantir l'égalité des armes ou parce que l'issue de la procédure pénale a une importance particulière pour le prévenu, par exemple s'il est en détention (arrêt du Tribunal fédéral 1B_477/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2.2).

7.2.       En l'espèce, l'indigence du recourant n'est pas contestée et semble ressortir du dossier, nonostant l'absence de pièces justificatives.

En soi, la gravité de la cause ne justifie pas l'assistance d'un avocat. Cela étant, une telle aide était nécessaire, car les considérations procédurales examinées plus haut n'étaient pas à la portée d'un profane.

Compte tenu de ces circonstances, il convient par conséquent d'admettre la nécessité de l'intervention d'un conseil juridique pour la procédure de recours (art. 133 al. 1 CPP). Il n'y a pas de raison de ne pas nommer au recourant l'avocat par lequel il comparaît (cf. art. 133 al. 2 CPP).

7.3. Le défenseur du recourant n'a pas déposé d'état de frais (art. 17 RAJ) pour le cas où la demande d'assistance judiciaire serait admise. Néanmoins, les bases de calcul de cette indemnité sont fixées par le règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale (RAJ ; E 2 05 04). Selon celui-ci, l'indemnité doit être calculée, pour un chef d'étude, à un taux horaire de CHF 200.- (art. 16 al. 1 let. c RAJ) ; conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules doivent être retenues les heures nécessaires, cette appréciation se faisant en fonction notamment de la nature, de l'importance, et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

En l'occurrence et en application de ces principes, la Chambre de céans estime adéquat d'arrêter le temps nécessaire à la défense des intérêts du recourant à trois heures. L'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable des droits de procédure du recourant sera dès lors fixée à CHF 600.-, plus TVA (8 %).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Restitue à A______ le délai pour recourir contre l'ordonnance rendue le 17 [recte : 27] juin 2016 par le Tribunal de police.

Admet le recours, annule la décision attaquée et renvoie la cause au Tribunal de police pour qu'il convoque une nouvelle audience.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'Etat.

Nomme Me B______ défenseur d'office pour la procédure de recours et lui alloue, à la charge de l'Etat, une indemnité de CHF 600.- plus TVA (8 %).

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son défenseur, au Tribunal de police et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président ; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON, juge, et Carole BARBEY, juge suppléante ; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110) ; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).