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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/5806/2022

AARP/354/2025 du 26.09.2025 sur JTDP/425/2025 ( PENAL ) , ADMIS

Descripteurs : ESCROQUERIE;FAUX INTELLECTUEL DANS LES TITRES;LOI COVID-19
Normes : CP.146; CP.251
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5806/2022 AARP/354/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 26 septembre 2025

 

Entre

A______, domicilié ______ [VD], comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/425/2025 rendu le 8 avril 2025 par le Tribunal de police,

 

et

C______, partie plaignante, comparant par Me François MICHELI, avocat, Kellerhals Carrard Genève SNC, rue François-Bellot 6, 1206 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/425/2025 du 8 avril 2025, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'escroquerie (art. 146 al. 1 du Code pénal suisse [CP]) et de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP), l'a condamné à une peine pécuniaire de 150 jours-amende, à CHF 30.- l'unité, avec sursis (délai d'épreuve : deux ans) et à verser CHF 6'190.90 (dommage matériel) au C______, avec intérêts à 5% dès le 10 août 2022. Il a renvoyé la partie plaignante à agir par la voie civile pour le surplus et condamné A______ aux frais de la procédure ainsi qu'à verser à la partie plaignante CHF 3'891.- à titre d'indemnité pour ses frais d'avocat.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement et au rejet des conclusions civiles, frais de la procédure à la charge de l'État. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de ce jugement et au renvoi de la cause au TP pour complément d'instruction.

b. Selon l'ordonnance pénale du 29 février 2024 du Ministère public (MP), valant acte d'accusation, il est reproché à A______ d'avoir à Genève, en sa qualité d'administrateur avec signature unique de la société D______ SA, active dans le domaine du déménagement et du nettoyage, dans les circonstances facilitées du mécanisme de cautionnement solidaire mis en place par la Confédération pour venir en aide aux personnes morales touchées par les conséquences économiques de la pandémie COVID-19, tablé sur l'absence de vérification de l'établissement bancaire, dans le but de se procurer un enrichissement illégitime, et :

-     le 31 mars 2020, signé une convention de crédit COVID-19 déclarant, de manière mensongère et contraire à la réalité, que D______ SA avait réalisé un chiffre d'affaires en 2019 de CHF 250'000.- et ainsi obtenu de la [banque] E______, dans l'erreur quant aux informations transmises et aux garanties de véracité de ces dernières, un crédit de CHF 25'000.- ;

-     affecté à tout le moins la somme de CHF 11'809.70 à d'autres fins que celles autorisées et convenues, causant à la E______ un dommage à hauteur de ce montant à l'occasion des opérations suivantes :

Date

Moyen

Montant

Bénéficiaire

1

05.05.2020

Bancomat F______,

G______ [VD]

CHF 500.-

A______

2

19.05.2020

Bancomat F______, G______

CHF 200.-

A______

3

25.05.2020

Carte de débit

CHF 110.30

H______ SA

4

09.06.2020

Carte de débit

CHF 199.50

H______ SA

5

16.06.2020

Carte de débit

CHF 81.10

H______ SA

6

25.06.2020

Bancomat F______, G______

CHF 2'500.-

A______

7

06.07.2020

Bancomat F______, G______

CHF 200.-

A______

8

07.07.2020

Bancomat F______, G______

CHF 5'000.-

A______

9

09.07.2020

Bancomat F______, G______

CHF 200.-

A______

10

30.07.2020

Bancomat F______, G______

CHF 500.-

A______

11

05.08.2020

Bancomat F______, G______

CHF 2'000.-

A______

 

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. D______ SA est une société sise à Genève, inscrite au registre du commerce (RC) depuis le ______ 2019, dont le but était : "prestations de services dans le domaine du nettoyage, du déménagement et divers travaux d'habitation ; import-export et service de transport".

a.b. Le 8 juillet 2019, A______, interprète de métier, a succédé à I______ en qualité d'administrateur unique de D______ SA, alors sans activité commerciale.

b.a. Le 31 mars 2020, D______ SA, soit pour elle A______, a rempli un formulaire de convention crédit COVID-19, indiquant le montant de CHF 250'000.- dans la case du document dédiée au chiffre d'affaires réalisé en 2019.

b.b. Au chiffre 3 de ce formulaire, il est inscrit "Montant du crédit: Montant max. _____ ; 10 % du chiffre d'affaire ou du chiffre d'affaire estimé, max. CHF 500'000". Figurent à droite de ce chiffre deux champs, les Blocs 1 et 2, décrits comme suit : "Bloc 1 : chiffre d'affaire ____ chiffre d'affaires définitif 2019; à défaut, provisoire, à défaut 2018" et "Bloc 2 (seulement si le bloc 1 n'est pas rempli) : Masse salariale estimée pour un exercice ; chiffre d'affaire estimé = 3 x la masse salariale indiquée : min. CHF 100'000 max. CHF 500'000".

b.c. Par sa signature, la société preneuse du crédit s'engageait à utiliser le crédit accordé uniquement pour couvrir ses besoins courants de liquidités et attestait de ce qu'elle était gravement atteinte sur le plan économique en raison de la pandémie de COVID-19, notamment en ce qui concernait son chiffre d'affaires. Elle confirmait également que toutes les informations figurant sur le formulaire étaient complètes et correspondaient à la réalité. À défaut, elle s'exposait à des poursuites pénales.

b.d. La somme de CHF 25'000.- a été versée sur le compte courant entreprise de D______ SA le 17 avril 2020.

c. Le 11 janvier 2022, D______ SA a été vendue à J______ de sorte que les pouvoirs de A______ ont été radiés le 26 janvier 2022.

d.a. Le prêt n'étant pas remboursé par D______ SA dans les délais impartis, la E______ a fait appel au C______ le 10 août 2022, lequel lui a versé la somme de CHF 25'000.- et a été subrogé dans ses droits.

d.b. Le 14 mars 2022, le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS) a dénoncé le cas au MP. Une liste des transactions financières suspectes a été remise à cette autorité.

d.c. Le 19 janvier 2023, le C______ a déposé plainte pénale contre A______ pour escroquerie (art. 146 CP), faux dans les titres (art. 251 CP) et infraction à l'art. 23 de l'Ordonnance sur les cautionnements solidaires liés au COVID-19 (OCaS-COVID-19), voire pour infraction à l'art. 25 de la Loi fédérale sur les crédits garantis par un cautionnement solidaire à la suite du coronavirus (LCaS-COVID-19). Elle s'est constituée partie plaignante au civil.

e.a. Le 16 septembre 2022, A______ a, par l'entremise de son conseil, transmis au MP les justificatifs relatifs aux dépenses incriminées, notamment celles auprès de H______ SA. L'achat du 25 mai 2020 pour CHF 110.30 concernait essentiellement des produits de nettoyage, une lampe et quelques boissons. Ceux des 9 juin (CHF 199.50) et 16 juin 2020 (CHF 81.10) portaient sur vingt boîtes de déménagement et quelques boissons, des produits de nettoyage et d'hygiène.

Les dépenses pour les boissons consistaient en l'achat de quelques bouteilles d'eau (env. CHF 1.80 par unité), une boisson énergétique (entre CHF 1.70 et CHF 9.30) ainsi qu'une bouteille de Coca-cola (CHF 4.95).

e.b. Le prévenu a en outre ainsi justifié les retraits en espèces incriminés :

-     CHF 500.- et CHF 200.- ont été retirés les 5 et 19 mai 2020 pour l'acquisition et la création de flyers effectuées par la société d'informatique K______, les coordonnées privées de son gérant, L______, étaient transmises ;

-     CHF 2'500.- ont été retirés le 25 juin 2020 pour la création du site internet par la même entreprise, K______, de laquelle le prévenu n'avait eu de cesse de solliciter la transmission de factures, en vain ;

-     CHF 5'000.- ont été retirés le 7 juillet 2020 dans le but d'acheter un véhicule d'entreprise pour la somme de CHF 4'700.-. Les copies du contrat de vente et la quittance étaient annexées ;

-     CHF 2'000.- ont été retirés le 5 août 2020 pour le paiement de deux loyers en retard pour les bureaux à G______, soit deux fois CHF 900.-. Une attestation de sous-location de M______ a été ultérieurement versée au dossier, précisant que "la société D______ SA avait loué mon appartement (à M______) à l'Avenue 1______ no. ______, [code postal] G______, durant la période d'avril 2020 à novembre 2021, tous les loyers CHF 1'200.- par mois ont été réglés durant son occupation" ;

-     CHF 500.- et CHF 200.- ont été retirés respectivement à une et trois reprises durant les mois de juillet et août 2020 pour le paiement des frais courants dans le cadre de l'activité exercée. Les justificatifs étaient joints.

e.c. Les quittances transmises par le prévenu pour les mois de mai et août 2020 portent essentiellement sur des frais de carburant, du matériel de bureau (meubles, aspirateur, iPad, air conditionné), des boîtes de déménagement, des vêtements et des chaussures de sécurité, des primes d'assurance pour des véhicules automobiles, de l'alimentaire (pour un montant moyen de CHF 33.70), et une facture relative à une inscription au RC.

e.d. Selon les extraits bancaires relatifs à la période du 23 mars 2020 au 19 mai 2022, D______ SA recevait fréquemment des montants de la part de N______ SA – entreprise active dans tous les cantons suisses, recensant des milliers de très bons commentaires de clients sur son site internet. Un montant avoisinant les CHF 28'000.- lui a notamment été versé entre les 25 mars et 1er juillet 2020, à raison de versements réguliers, soit, par exemple, CHF 3'868.50 entre les 25 mars et 8 avril 2020. Ces versements se sont ensuite raréfiés dès mi-juillet 2020.

e.e. Des sommes s'élevant à CHF 2'000.- et CHF 1'100.- ont été retirées en espèces entre les 23 mars et 6 avril 2020.

e.f. Les bilans pour l'exercice 2019 et 2020 ont été dressés les 2 décembre 2020 et
29 avril 2021 par la fiduciaire O______. Le chiffre d'affaires de l'année 2019 se chiffrait à CHF 0.-.

e.g. Dans le compte de résultat de l'exercice 2020, figuraient un loyer (CHF 1'200.-), un "coût d'achat des marchandises et prestations de tiers" (CHF 8'334.-), du "matériel, outillage et entretien" (CHF 4'178.-), des frais d'un véhicule (CHF 974.-), des frais de carburant (CHF 6'407.-), des assurances et impôts (CHF 5'328.-), des "fournitures de bureau, frais de port et divers" (CHF 6'594.-), des "frais de repas, représentation et déplacements" (CHF 5'936.-), des honoraires et frais administratifs (CHF 2'590.-) et des frais de publicité (CHF 1'067.-).

e.h. Le 3 janvier 2023, le MP a enjoint K______ de produire tous contrats et factures relatifs aux prestations fournies à D______ SA, en vain.

e.i. La documentation bancaire de la E______ relative à D______ SA comprend deux formulaires de demande de crédits COVID-19 signés et datés par A______ le 31 mars 2020, dont l'un n'avait pas été versé à la procédure jusqu'alors. Dans ce dernier, le Bloc 2 avait été rempli comme suit : masse salariale de "11'400.-" et chiffre d'affaires estimé de "CHF 100'000.-", soit le montant minimal.

f.a. Selon ses déclarations à la police, A______ avait acheté la société D______ SA à I______ pour CHF 7'400.- grâce au prêt d'un ami. Elle n'avait alors pas d'activité et son actif s'élevait à CHF 1.-. Un ami, P______, lui avait apporté son aide afin d'obtenir un contrat de travail et un revenu fixe.

Ils avaient ensuite trouvé quelques contrats, mais pas suffisamment pour "faire tourner l'entreprise". Le COVID avait encore compliqué les affaires de sorte que, dès le mois de mars 2020, il n'y avait presque plus de travail. Il continuait à travailler "comme un fou" malgré cela, contactait toutes les entreprises actives dans la construction et l'architecture et envoyait des courriels, en vain. Ayant appris l'existence du crédit COVID, il avait pensé que cela pourrait sauver sa société.

L'argent du prêt COVID avait été utilisé pour des flyers, des véhicules, le site internet, des cartons de déménagement, du matériel de nettoyage, des habits de travail, des frais de déplacement et d'essence. Il avait beaucoup investi dans la publicité. Certains paiements avaient été effectués en espèces, par exemple CHF 2'500.- pour le site internet, ou encore pour les flyers ou le loyer. Il avait également remboursé les frais d'essence de P______. Les achats chez H______ SA concernaient des cartons pour l'entreprise. Il détenait tous les documents comptables qui justifiaient ces transactions.

Il avait annoncé un chiffre d'affaires de CHF 250'000.- en pensant que c'était ce qui allait être réalisé. Il avait été optimiste et le regrettait.

En octobre 2021, il avait vendu l'entreprise à J______, qui s'était présenté comme un riche homme d'affaires bulgare, pour la somme de CHF 50'000.-. Ce dernier avait repris toutes les dettes de l'entreprise, notamment le prêt COVID, de sorte qu'il n'en était plus responsable. Le prix de la cession ne lui avait toujours pas été versé et la société lui avait en définitive coûté plus que ce qu'elle lui avait rapporté. Il avait tout fait pour qu'elle ne tombe pas en faillite. Il n'avait jamais utilisé l'argent de la société pour ses dépenses personnelles. C'était plutôt l'inverse, raison pour laquelle il s'était retrouvé aux poursuites.

f.b. Devant le MP et le TP, A______ a précisé que le chiffre d'affaires n'était pas très important au début mais avait rapidement augmenté. L'activité de l'entreprise avait réellement débuté en août ou septembre 2019. Un partenariat avec la société N______ SA, active dans toute la Suisse, avait démarré. Grâce à ses devis très bas, il avait beaucoup de mandats à la fin de l'année 2019 et du travail réservé pour l'année 2020. Début 2020, tout se passait parfaitement bien, raison pour laquelle le chiffre d'affaires de CHF 250'000.- lui paraissait réaliste, voire conservateur. Il connaissait d'autres entreprises de nettoyage dont les chiffres d'affaires annuels dépassaient le million de francs. Il pensait donc réaliser à tout le moins, entre CHF 500'000.- et CHF 1'000'000.-, mais avait été optimiste et le regrettait. Il était interprète de formation et n'avait pas d'expérience dans la gestion d'entreprise. Cette société était nouvelle et il n'avait aucun moyen de se fonder sur un précédent chiffre d'affaires.

Le bilan de l'année 2019 mentionnait un chiffre d'affaires de CHF 0.- car, pour une fiduciaire, quelques milliers de francs équivalaient à un chiffre d'affaires de CHF 0.-.

Il avait dû meubler les bureaux à G______ et acheter des lampes, des bureaux et des chaises ainsi qu'une imprimante, un dispositif d'air conditionné et une tablette Apple pour réaliser des devis. Il avait conclu un abonnement Q______ [entreprise de télécommunications].

Il avait environ trois-quatre employés selon les missions, auxquels il offrait parfois des repas afin de les maintenir motivés et discuter des conditions de travail.

Il n'avait pas quitté son emploi et continuait à travailler à temps plein en parallèle, de sorte qu'il comptait sur un ami pour la gestion de l'entreprise. Il retirait l'argent en espèces et le lui donnait pour qu'il s'acquitte des factures. Il réalisait désormais que ce n'était pas une bonne chose à faire. L'activité étant prometteuse, il aurait pu rembourser très facilement CHF 25'000.-, sur deux ou trois ans. Ce n'était pas une grosse somme dans le domaine de l'entreprise. Il n'avait pas pensé à un chiffre d'affaires de CHF 250'000.- mais plutôt en termes de montant du prêt, soit CHF 25'000.- et "à partir de là, il avait calculé le chiffre d'affaires qu'il fallait annoncer pour bénéficier de ce montant". C'était une erreur de sa part.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite, avec l'accord des parties (art. 406 al. 2 du Code de procédure pénale [CPP]).

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

Faute de réelle activité en 2019, l'appelant avait procédé à une estimation de son chiffre d'affaires, qu'il avait malencontreusement inscrite dans le Bloc 1 du formulaire, au lieu du Bloc 2. L'inscription d'extrapolation ou d'estimation du chiffre d'affaires était acceptée pour les entreprises plus récentes. L'appelant n'avait aucune expérience dans la gestion d'entreprise. Il s'était uniquement fondé sur le nombre important de mandats prévus avec N______ SA pour l'année 2020 et le chiffre d'affaires réalisé par d'autres sociétés dans le domaine. Il s'agissait d'un pronostic sur des événements futurs. Il n'avait aucune intention de tromper, ni n'avait poursuivi de dessein d'enrichissement illégitime.

La mention du chiffre d'affaires estimé ne pouvait pas revêtir une valeur probante accrue dès lors qu'elle n'était pas fondée sur la comptabilité de la société.

L'appelant travaillait à temps plein en parallèle de la gestion de cette société. Il comptait ainsi sur un ami pour gérer les aspects pratiques de l'entreprise, auquel il donnait de l'argent en espèces pour s'acquitter des charges. Les dépenses effectuées par la société de manière non-conforme à l'utilisation du COVID-19 ne lui étaient donc pas imputables.

Le dommage du C______ était survenu le 10 août 2022, soit quand l'appelant n'était plus administrateur de la société D______ SA. Les agissements de l'entreprise ne pouvaient donc lui être imputés.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel et fait sienne la motivation du jugement entrepris. L'appelant avait admis qu'il voulait obtenir un prêt de CHF 25'000.-. Il avait donc sciemment indiqué un chiffre d'affaires erroné pour pouvoir obtenir le montant souhaité. Le chiffre d'affaires annoncé était totalement incompatible avec celui réalisable en 2020. Ses déclarations quant à la présence de son ami n'étaient pas crédibles, étant rappelé qu'il était seul actionnaire et administrateur de la société et, ainsi, seul responsable de sa gestion.

d. Le C______ conclut au rejet de l'appel et se rallie en tout point au raisonnement du TP. Conformément au commentaire de l'OCaS-COVID-19, les entreprises récentes qui avaient déjà un bilan définitif ou provisoire pour l'année partielle 2019 devaient remplir le Bloc 1. Pour les entreprises nouvellement créées qui ne disposaient pas de chiffre d'affaires, il fallait prendre en compte la masse salariale nette multipliée par trois et remplir le Bloc 2. Pour l'année 2019, le bilan de l'activité de D______ SA indiquait un chiffre d'affaires de CHF 0.-. L'estimation de CHF 250'000.- ne trouvait donc aucune assise dans le dossier. Le prévenu avait livré des explications divergentes quant à la santé financière de l'entreprise. Il avait pensé en termes de montant du prêt et non de chiffre d'affaires, comme il l'avait déclaré. Il ne ressortait pas du dossier qu'il se serait trompé de Bloc. S'il avait voulu remplir le Bloc 2, il aurait dû inscrire une masse salariale nette et aurait eu droit à CHF 10'000.-.

À aucun moment de la procédure, il n'avait fait mention d'un ami, responsable de retraits et de dépenses sans lien apparent avec l'activité de la société.

D. A______, né le ______ 1969 au R______ [Irak], est arrivé en Suisse en 1998, pays dont il a la nationalité. Titulaire d'un diplôme d'architecte obtenu en Irak, il a effectué plusieurs emplois en qualité de vendeur, nettoyeur ou interprète dès sa venue en Suisse. Aux alentours de l'année 2010, il a débuté le métier d'interprète et exerçait devant les ______, à la ______ ou dans les ______. Il est désormais employé au S______ à T______ [NE] pour un revenu mensuel net de CHF 4'300.-. Il est divorcé et père de deux enfants, versant CHF 1'200.- par mois à titre de pension alimentaire. Il a des dettes à hauteur de CHF 15'000.- environ et n'a pas de fortune. Il n'a aucun antécédent.

E. Me B______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 5h49 de rédaction, relecture et corrections, 3h40 de rédaction de divers courriers adressés au client et au Tribunal et 20 minutes pour l'établissement d'un bordereau de pièces.

En première instance, il a été indemnisé pour 13h20 d'activité.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1.1. Selon l'art. 29 let. a CP, un devoir particulier dont la violation fonde ou aggrave la punissabilité et qui incombe uniquement à la personne morale, à la société ou à l'entreprise en raison individuelle est imputé à une personne physique lorsque celle-ci agit en qualité d'organe d'une personne morale ou de membre d'un tel organe.

Les personnes physiques énumérées aux lettres a à d de l'art. 29 CP doivent réaliser elles-mêmes les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l'infraction en cause pour être pénalement responsables (ATF 131 IV 49 consid. 1.3.2).

L'infraction d'escroquerie n'est consommée que s'il existe un dommage (arrêt du Tribunal fédéral 6B_552/2913 du 9 janvier 2013 consid. 2.3.2). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral relative aux prêts COVID-19, un dommage peut être retenu lorsqu'un emprunteur trompe un prêteur quant à sa solvabilité ou ses capacités financières. Le crédit accordé se révèle alors moins sûr que ce qui avait été prévu par le prêteur, ce qui entraîne une diminution de la valeur du prêt dans son bilan en raison du risque accru d'un défaut de remboursement. Le dommage se produit au moment de la conclusion du contrat de prêt car, dès cet instant, un prêt est accordé à des conditions plus favorables que celles qui auraient été accordées en l'absence d'une tromperie, indépendamment de l'existence de garanties couvrant le prêt puisque la solvabilité de l'emprunteur conditionne le taux d'intérêt convenu (ATF 150 IV 169 consid. 5.2.1).

2.1.2. En l'espèce, l'appelant était administrateur de D______ SA au moment de la survenance du dommage, soit au jour de la conclusion du contrat de crédit avec la E______ le 31 mars 2020. Le fait qu'il a perdu son statut d'administrateur le 26 janvier 2022 n'est pas pertinent.

Les conditions de l'art. 29 CP sont donc remplies de sorte que si, elle devait être avérée, la violation du devoir incombant à D______ SA pourrait être imputée au prévenu.

2.2. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par les art. 6 ch. 2 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), 32 al. 1 Cst et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.3.1. En vertu de l'art. 146 al. 1 CP, en vigueur au moment des faits, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

Dans le cadre de l'octroi de crédits COVID-19, il y a tromperie astucieuse dès lors que l'auteur indique un chiffre d'affaires contraire à la vérité dans le formulaire de demande de crédit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_262/2024 du 27 novembre 2024 consid. 1.6.2). Les crédits COVID-19 sont conçus comme des aides immédiates aux PME, soumis à des dispositions spécifiques, subordonnés à des conditions précises et octroyés sur le fondement d'une déclaration sur l'honneur. Dans ces conditions particulières, la simple remise de fausses informations constitue dès lors une tromperie astucieuse, indépendamment de l'existence ou non d'un rapport de confiance avec la banque qui octroie le crédit. Non seulement la vérification des informations fournies par l'auteur n'est pas prévue, mais elle est également impossible à certains égards, si l'on pense en particulier à l'influence de la pandémie sur le chiffre d'affaires (ATF 150 IV 169 consid. 5.1.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_394/2024 du 7 avril 2025 consid. 2.3.2).

Conformément à l'art. 7 de l'ordonnance sur l'octroi de crédits et de cautionnements solidaires à la suite du coronavirus (OCaS-COVID-19), entrée en vigueur le 25 mars 2020, le montant total cautionné en vertu des art. 3 et 4 s'élève à 10 % au plus du chiffre d'affaires du requérant en 2019. Si la clôture définitive de l'exercice 2019 n'est pas disponible, le résultat provisoire ou, si ce dernier fait également défaut, le chiffre d'affaires de 2018 font foi (al. 1). Si l'activité commerciale a débuté le 1er janvier 2020 ou plus tard, ou si la durée de l'exercice est supérieure à une année en raison de la fondation de la société en 2019, est réputé chiffre d'affaires la masse salariale nette d'un exercice multipliée par trois, mais au moins 100 000 francs et au plus 500 000 francs (al. 2). Le commentaire de cette disposition, publié le 14 avril 2020, stipule que "les entreprises qui n'ont commencé leurs activités ou qui n'ont été fondées que dans le courant de l'année 2019 ne disposent d'aucune indication sur leur chiffre d'affaires pour un exercice complet. Dans ce cas, il faut prendre en considération la masse salariale" en la multipliant par trois (Commentaire de l'Administration fédérale des finances du 14 avril 2020 concernant l'ordonnance sur l'octroi de crédits et de cautionnements solidaires à la suite du coronavirus, p. 11).

Selon le Message du Conseil fédéral, la base de calcul servant à déterminer le montant maximum des crédits cautionnés en vertu de l'OCaS-COVID-19 est le chiffre d'affaires réalisé en 2019 (pour les nouvelles entreprises, une extrapolation ou une estimation du chiffre d'affaires pouvait être acceptée) (Message du Conseil fédéral du 18 septembre 2020 concernant la loi sur les crédits garantis par un cautionnement solidaire à la suite du coronavirus, FF 2020 8171), ce qui devait être indiqué sous le ch. 3 du Bloc 2 (arrêt du Tribunal fédéral 6B_95/2024 du 6 février 2025 consid. 2.4.2).

L'escroquerie aux crédits COVID-19 se configurant à la manière d'une fraude triangulaire, le dommage patrimonial est subi par la coopérative de cautionnement solidaire qui s'est portée garante du remboursement du crédit COVID-19 (arrêt du Tribunal fédéral 6B_95/2024 du 6 février 2025 consid. 3.2.7).

2.3.2. Sur le plan subjectif, l'escroquerie est une infraction intentionnelle, l'intention devant porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. L'auteur doit en outre agir dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, correspondant au dommage de la dupe (ATF 134 IV 210 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_104/2023 du 13 janvier 2025 consid. 3.1.6).

2.4.1. L'art. 251 ch. 1 CP, en vigueur au moment des faits, réprime le comportement de celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.

Sont des titres tous les écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique (art. 110 al. 4 CP).

L'art. 251 ch. 1 CP vise non seulement un titre faux ou la falsification d'un titre (faux matériel), mais aussi un titre mensonger (faux intellectuel). Il y a faux matériel lorsque l'auteur réel du document ne correspond pas à l'auteur apparent, alors que le faux intellectuel vise un titre qui émane de son auteur apparent, mais dont le contenu ne correspond pas à la réalité. Un simple mensonge écrit ne constitue cependant pas un faux intellectuel. Le document doit revêtir une crédibilité accrue et son destinataire pouvoir s'y fier raisonnablement. Tel est le cas lorsque certaines assurances objectives garantissent aux tiers la véracité de la déclaration (ATF 146 IV 258 consid. 1.1).

Une demande de crédit COVID-19 ne jouit pas d'une crédibilité accrue en ce qui concerne les assurances que la société est "considérablement touchée économiquement par la pandémie COVID-19, notamment en ce qui concerne son chiffre d'affaires" et que l'emprunteur utilisera le crédit octroyé exclusivement pour assurer ses besoins courants de liquidités (arrêt du Tribunal fédéral 6B_262/2024 du 27 novembre 2024 consid. 1.9.7).

En revanche, les informations sur le chiffre d'affaires fournies dans le Bloc 1 au chiffre 3 du formulaire d'une demande de prêt COVID-19 bénéficient d'une crédibilité accrue puisqu'elles sont basées sur la comptabilité commerciale de l'entreprise requérante (arrêt du Tribunal fédéral 6B_95/2024 du 6 février 2025 consid. 2.4.2). Une vérification systématique du chiffre d'affaires déclaré sur la base de la comptabilité commerciale n'était pas prévue, raison pour laquelle les banques pouvaient se fier à l'exactitude des informations fournies dans le formulaire de demande de crédit COVID-19 concernant le chiffre d'affaires (ATF 150 IV 169 consid. 3.2.4 et 5.1.4).

2.4.2. D'un point de vue subjectif, le faux dans les titres est une infraction intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs, le dol éventuel étant suffisant. L'art. 251 CP exige de surcroît un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou le dessein de procurer à un tiers un avantage illicite (ATF 138 IV 130 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_736/2016 du 9 juin 2017 consid. 2.1).

2.5. L'appelant a indiqué un montant de CHF 250'000.- dans le champ de la demande de crédit réservé aux chiffres d'affaires définitif ou provisoire pour l'année 2019, ou, à défaut, 2018, alors que tel n'était pas le cas. Il a livré une affirmation erronée, ce qui suffit pour admettre dans le contexte du prêt COVID-19, un caractère astucieux. La E______ ne pouvait, ni ne devait opérer un contrôle de l'information fournie, compte tenu de l'urgence de la situation, et a ainsi subi un dommage (provisoire) en versant à l'appelant davantage que ce à quoi il pouvait prétendre. Les éléments objectifs de l'escroquerie sont ainsi réalisés.

La demande de prêt COVID-19 remplie par l'appelant doit être qualifiée de faux intellectuel, vu son contenu mensonger. L'inscription de CHF 250'000.- sous le Bloc 1 de la demande de crédit constitue une assurance objective garantissant à la E______ la véracité de sa déclaration, laquelle était supposée reposer sur la comptabilité commerciale de l'entreprise. Une vérification de la comptabilité commerciale n'étant pas attendue, il importe peu que l'appelant ne s'y soit en réalité pas référé. L'indication d'un chiffre d'affaires inexact dans le formulaire était suffisant pour remplir les éléments constitutifs objectifs de l'infraction de faux dans les titres.

Reste à déterminer si les éléments subjectifs de ces infractions sont remplis.

Le formulaire distinguait les entreprises déjà existantes de celles créées en 2019, considérées comme nouvelles, qui ne disposaient pas de chiffre d'affaires pour un exercice complet. Les premières étaient tenues de se fonder sur la comptabilité des années précédentes (Bloc 1) tandis que les secondes devaient indiquer un chiffre d'affaires estimé (Bloc 2). Selon les déclarations constantes de l'appelant, le chiffre d'affaires inscrit dans le formulaire était estimé et reflétait ses prévisions pour l'année 2020, et non le chiffre d'affaires réalisé en 2019. De manière crédible, il s'est déterminé comme suit dès sa première audition puis tout au long de la procédure : "je pensais que c'était ce qui allait se passer", "début 2020, tout se passait parfaitement bien, c'est la raison pour laquelle au regard du travail que nous avions un chiffre d'affaires de CHF 250'000.- me paraissait réaliste sinon pessimiste", "je n'avais pas de moyen de me fonder sur un précédent chiffre d'affaires" ou encore "cette société était nouvelle". Au regard des critères susmentionnés, l'appelant était fondé à inscrire un chiffre d'affaires estimé, par essence, incertain. Le fait qu'il ait eu accès aux documents financiers et comptables de l'entreprise pour l'année 2019 – mais non à son bilan définitif, établi uniquement le 2 décembre 2020 – n'y change rien.

Les explications de l'appelant quant au choix du montant de CHF 250'000.- – fondé sur une comparaison avec d'autres acteurs du même domaine, sur des mandats en attente avec une entreprise implantée dans le secteur ou sur des contrats récemment conclus grâce à des prix attractifs – ne sont pas dépourvues de pertinence et sont en partie corroborées par les pièces au dossier. Bien que l'appelant ait varié dans ses déclarations sur la santé économique de son entreprise au début de l'année 2020, les extraits bancaires démontrent l'existence de revenus provenant de sources extérieures. Entre les 25 mars et 1er juillet 2020, N______ SA a versé à D______ SA un montant total de CHF 28'000.-, alors même que la Suisse connaissait à cette période un confinement strict. La fréquence des versements traduit une activité commerciale relativement soutenue entre les deux entreprises. Compte tenu de la taille de N______ SA et son apparente bonne réputation, l'appelant pouvait escompter une augmentation de son chiffre d'affaires une fois les restrictions sanitaires levées – étant rappelé que ce chiffre a été estimé en début d'année alors que de nombreux paramètres, notamment l'évolution de la situation sanitaire, demeuraient fortement incertains pour tous. Le montant n'était donc pas manifestement incompatible avec ses prévisions pour l'année 2020. Du reste, un chiffre d'affaires de CHF 250'000.- se situe dans la fourchette plutôt moyenne, voire basse, pour une entreprise suisse.

Concernant l'affectation des fonds, on peut d'emblée relever qu'en plaidant l'absence de gestion personnelle des comptes, l'appelant admet implicitement un usage non conforme des sommes perçues. On précisera néanmoins, qu'en vertu du principe d'accusation (art. 9 et 325 CPP), seules entrent en considération les dépenses mentionnées dans l'acte d'accusation. Les frais liés au véhicule (CHF 4'700.-) et au loyer (CHF 600.-) étaient justifiés car ils figuraient au compte de résultat et au bilan de la société. Seule la somme de CHF 6'190.90 demeure encore litigieuse. Pour celle-ci, le prévenu a livré des explications constantes et crédibles quant à son affectation (meubles, flyers, produits de nettoyage, boîtes de déménagement, véhicule, frais d'essence, loyer, habits de travail), corroborées par les pièces au dossier. Le montant de CHF 390.90 dépensé chez H______ SA doit être essentiellement attribué aux achats de boîtes de déménagement et produits de nettoyage, lesquels sont établis par pièces et conformes au but social de l'entreprise. Le prestataire n'a certes pas remis au MP les justificatifs des frais engagés pour l'acquisition, la création des flyers et du site internet. L'appelant a néanmoins produit un exemplaire des flyers en question, lesquels mentionnent l'existence d'un site internet, et a immédiatement communiqué les coordonnées de son cocontractant. Ces dépenses paraissent au demeurant raisonnables et cohérentes pour une entreprise à ses débuts. Le prévenu a transmis plusieurs quittances relatives à l'achat de meubles, de produits de nettoyage, d'appareils électroniques ou des frais d'essence, qui sont également en adéquation avec le but de l'entreprise à cette période. Les dépenses alimentaires, qu'il s'agisse de boissons ou nourriture, demeurent quant à elles mesurées et n'apparaissent pas abusives. L'ensemble de ces postes figurent du reste au bilan de la société.

À la lecture des extraits bancaires, on constate que l'appelant avait pour habitude de retirer de l'argent en espèces, même avant l'obtention dudit prêt. Certes, il aurait été souhaitable qu'il s'acquitte de l'ensemble de ces factures par carte de crédit ou versements bancaires, on ne saurait néanmoins le lui reprocher dans la mesure où il a gardé et transmis l'ensemble des quittances aptes à prouver la destination des fonds.

Ces éléments démontrent que les transactions incriminées ont été utilisées dans le but de couvrir les besoins courants de liquidités de la société, et non pour des dépenses personnelles.

Il convient par ailleurs de souligner qu'au 31 mars 2020, période caractérisée par une urgence sanitaire inédite, les informations disponibles sur la procédure à suivre pour compléter la demande de crédit étaient encore rares. Le commentaire de l'OCaS-COVID-19, auquel la partie plaignante se réfère, n'a été rendu public que le 14 avril 2020. Le message de la LCaS-COVID-19 a, pour sa part, été publié bien plus tard, soit le 18 septembre 2020. Documents qui, soit dit en passant, présentent des divergences quant au montant du chiffre d'affaires à inscrire pour les "entreprises nouvelles". Le commentaire de l'OCaS-COVID-19 fait mention d'une masse salariale multipliée par trois, tandis que le message de la LCaS-COVID-19 se réfère, sans autre précision, au chiffre d'affaires réalisé en 2019 ajoutant qu'une "extrapolation ou une estimation du chiffre d'affaires pouvait être acceptée pour les nouvelles entreprises". Cette seconde affirmation, à l'inverse de la première, offre une certaine latitude aux preneurs de crédit et ne fait pas référence à une quelconque masse salariale. On retiendra dès lors que le formulaire de la demande de crédit demeurait peu clair – étant précisé que les circonstances relatives au second formulaire, signé par l'appelant et produit par la E______ en cours de procédure, demeurent inconnues, cette problématique n'ayant pas été instruite. Ainsi, tout au plus, pourrait-on reprocher à l'appelant une certaine négligence, considérant qu'il aurait pu prendre davantage de précautions lorsqu'il a rempli ledit formulaire, notamment en s'informant auprès de personnes aptes à lui donner des informations. Les infractions d'escroquerie et de faux dans les titres ne répriment toutefois pas la négligence.

Rien dans le dossier ne permet en outre de douter des propos de l'appelant lorsqu'il affirme avoir eu l'intention de rembourser le prêt en "deux ou trois ans", CHF 25'000.- ne représentant pas une "grosse somme dans le monde de l'entreprise".

L'ensemble de ces éléments soulève, a minima, un doute quant à la volonté délictuelle de l'appelant.

On ne saurait au demeurant inférer du fait que l'appelant a rempli le Bloc 1, plutôt que le Bloc 2, une réelle volonté de tromper, sans préjudice de ce que ce n'est pas reproché dans l'acte d'accusation (art. 9 et 350 al. 1 CPP).

La CPAR a déjà eu l'occasion de se déterminer sur une erreur commise par un preneur crédit dans le formulaire relatif au prêt COVID-10. Celui-ci avait inscrit un chiffre d'affaires dans le Bloc 1, et non le Bloc 2, ce qui ne suffisait pas à retenir une volonté de tromper (AARP/235/2025 du 20 juin 2025 consid. 3.2.2).

Partant, les éléments constitutifs subjectifs des crimes d'escroquerie et de faux dans les titres font défaut, et l'appelant sera acquitté.

3. 3.1.1. Conformément à l'art. 122 al. 1 CPP, en qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale.

Lorsque l'autorité pénale abandonne un pan de l'accusation, le lésé ne peut prétendre à l'octroi de conclusions fondées sur les faits laissés de côté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_987/2023 du 21 février 2024 consid. 1.2.1).

3.1.2. L'art. 122 al. 1 CPP permet de conclure que la notion de conclusions civiles ne vise pas toutes les prétentions de droit privé, mais uniquement celles qui peuvent se déduire d'une infraction pénale, ce qui n'est pas le cas des prétentions contractuelles. Ces prétentions ne peuvent faire l'objet d'une action civile par adhésion à la procédure pénale et sont donc exclues du champ d'application de cette disposition. Pour de telles prétentions, la partie plaignante doit donc être renvoyée à agir par la voie civile (ATF 148 IV 432 consid. 3.2.4 et 3.3).

3.2. L'appelant étant libéré des infractions d'escroquerie et de faux dans les titres, la partie plaignante ne peut prétendre à l'octroi de conclusions civiles reposant sur ces faits.

Elle sera dès lors renvoyée à agir au civil pour toutes prétentions contractuelles tirées du cautionnement solidaire (art. 492ss du Code des obligations [CO]).

4. Dans la mesure où l'appelant est entièrement acquitté, il convient de laisser la totalité des frais de la procédure à la charge de l'État (art. 426 al. 1 et 428 CPP).

5. 5.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus : avocat stagiaire CHF 110.- (let. a) ; collaborateur CHF 150.- (let. b) ; chef d'étude CHF 200.- (let. c). En cas d'assujettissement – l'assujettissement du patron de l'avocat au statut de collaborateur n'entrant pas en considération (arrêts du Tribunal fédéral 6B_486/2013 du 16 juillet 2013 consid. 4 et 6B_638/2012 du 10 décembre 2012 consid. 3.7) – l'équivalent de la TVA est versé en sus.

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. M. REISER / B. CHAPPUIS / F. BOHNET (éds), Commentaire romand, Loi sur les avocats : commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats (Loi sur les avocats, LLCA), 2ème éd. Bâle 2022, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire. Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables. Le mandataire d'office doit en effet gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3). Par voie de conséquence, le temps consacré à la rédaction d'écritures inutiles ou reprenant une argumentation déjà développée, fût-ce devant une autorité précédente, ne saurait donner lieu à indemnisation ou à indemnisation supplémentaire (AARP/295/2015 du 12 juillet 2015 consid. 8.2.2.3, 8.2.2.6, 8.3.1.1 et 8.3.2.1).

5.2.1. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3).

5.2.2. L'établissement d'un bordereau de pièces ne donne en principe pas lieu à une indemnisation hors forfait, la sélection des pièces à produire faisant partie des activités diverses que le forfait tend à couvrir et le travail de secrétariat relevant des frais généraux (AARP/164/2016 du 14 avril 2016 ; AARP/102/2016 du 17 mars 2016 ; AARP/300/2015 du 16 juillet 2015).

5.3. En l'occurrence, l'analyse de l'état de frais du 30 juin 2025 appelle certains ajustements. Il convient de retrancher le temps consacré à la rédaction de courriers adressés à la CPAR et au client, au même titre que les minutes allouées au poste "bordereau N° 1", ces prestations étant incluses dans le forfait courriers/téléphone, outre que l'établissement d'un bordereau relève de tâches de secrétariat.

Le mémoire d'appel comprend sept pages, dont une page de garde et une autre occupée par les conclusions. Les citations jurisprudentielles des pages 3 et 4 sont dans leur grande majorité similaires. La procédure préliminaire était connue de l'associé du défenseur d'office, qui l'a assisté lors de la dernière audience devant le MP. Le temps consacré à la rédaction de ce mémoire sera ainsi réduit à cinq heures, durée considérée comme suffisante.

La rémunération du défenseur d'office sera donc arrêtée à CHF 1'297.20 correspondant à cinq heures d'activité au taux horaire de CHF 200.- plus la majoration forfaitaire de 20% (CHF 200.-) et la TVA (CHF 97.20).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/425/2025 rendu le 8 avril 2025 par le Tribunal de police dans la procédure P/5806/2022.

L'admet.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ des chefs d'escroquerie (art. 146 al. 1 CP) et de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP).

Laisse les frais de la procédure de première instance et d'appel à la charge de l'État.

Renvoie C______ à agir par la voie civile (art. 126 al. 2 CPP).

Déboute C______ de ses conclusions en indemnisation pour la procédure d'appel (art. 433 al. 1 let. a et 436 al. 1 CPP).

Prend acte de ce que le Tribunal de police a fixé à CHF 3'462.10 l'indemnité de procédure de Me B______, défenseur d'office de A______, pour la procédure préliminaire et de première instance (art. 135 CPP).

Arrête à CHF 1'297.20, TVA comprise, celle de la procédure d'appel (art. 135 CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Linda TAGHARIST

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.