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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/14007/2020

AARP/60/2024 du 15.02.2024 sur JTCO/53/2023 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : IN DUBIO PRO REO;ACTE D'ORDRE SEXUEL SUR UN INCAPABLE DE DISCERNEMENT
Normes : CP.191; CPP.10.al3
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14007/2020 AARP/60/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 15 février 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me Gabriele SEMAH, avocat, rue des Eaux-Vives 49, case postale 6213, 1211 Genève 6,

appelant,

 

contre le jugement JTCO/53/2023 rendu le 8 mai 2023 par le Tribunal correctionnel,

 

et

 

B______, partie plaignante,

C______, partie plaignante,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 8 mai 2023, par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) l'a reconnu coupable d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 du Code pénal suisse [CP]) et de violation du domaine privé au moyen d'un appareil de prises de vues (art. 179quater al. 1 CP), et l'a condamné à une peine privative de liberté de 30 mois, sous déduction de la détention avant jugement et des mesures de substitution subies, la peine étant prononcée sans sursis à raison de six mois et le délai d'épreuve pour la partie suspendue fixé à trois ans.

Le TCO a interdit à A______ d'approcher B______ et C______ ainsi que de prendre contact avec elles pour une durée de cinq ans. Les premiers juges ont renoncé à prononcer son expulsion, de même qu'à lui interdire d'exercer l'activité de chauffeur de taxi.

A______ a été condamné aux frais de la procédure et ses conclusions en indemnisation ont été rejetées. Le TCO a en outre ordonné plusieurs mesures de confiscation, destruction ou restitution.

a.b. A______ entreprend partiellement ce jugement. Il conclut à son acquittement du chef d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, à la réduction de la peine prononcée et à son indemnisation pour la détention subie en trop. Il conclut également à l'allocation en sa faveur d'une indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 du Code de procédure pénale (CPP), les frais de la procédure de première instance devant être réduits et les frais d'appel laissés à la charge de l'État.

b. Selon l'acte d'accusation du 9 janvier 2023, il est reproché ce qui suit à A______.

b.a. Le 13 décembre 2019, vers 5h du matin, à la gare D______ à Genève, il a pris B______ en charge dans son taxi pour une course jusqu'au domicile de cette dernière.

Après avoir constaté qu'elle se trouvait dans un état d'alcoolisation ostensiblement très avancé, il a fait plusieurs détours et stationné son taxi afin de l'amener à se dévêtir ou l'a dévêtue lui-même. Il a exploité, avec conscience et volonté, l'état d'incapacité de discernement et de résistance de B______ en lui donnant l'ordre d'enlever la main avec laquelle elle cachait son sexe, en écartant sa main par la force et en introduisant son propre pouce dans le vagin de la précitée à plusieurs reprises. Il l'a également masturbée à plusieurs reprises, notamment à sa demande, B______ n'étant pas capable de discernement.

b.b. Il lui est également reproché d'avoir, dans les circonstances décrites ci-avant, pris des photos et des enregistrements sonores ou vidéos de B______, étant précisé qu'elle tentait de cacher son sexe et ses seins avec ses mains et parvenait à articuler les mots "stop" ou "ça suffit" lorsque le flash du téléphone portable du prévenu s'enclenchait.

b.c. Il a, le 12 juillet 2020, à la piscine de E______, à Genève, photographié à plusieurs reprises C______, qui était allongée en maillot de bain sur une chaise longue, sans le consentement de cette dernière.

b.d. A______ ne conteste pas, en appel, sa condamnation pour les différentes infractions à l'art. 179quater al. 1 CP (cf. supra consid. b.b. et b.c.).

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 12 juillet 2020, A______, chauffeur de taxi à Genève, a pris des photographies de C______ à la piscine de E______, alors qu'elle était allongée, vêtue d'un maillot de bain.

Interpellé pour ces faits, A______ a autorisé la fouille de son téléphone portable. La police a alors découvert de nombreuses photographies et vidéos d'une femme dénudée, ensuite identifiée comme étant B______, prises dans le taxi du prévenu le 13 décembre 2019 entre 5h00 et 6h00.

b. Plus d'une cinquantaine de clichés de B______ ont été retrouvés. On y voit notamment celle-ci allongée dans le taxi de A______ avec les yeux clos ou mi-clos, des gros plans des fesses ou du sexe de la plaignante alors qu'elle a la main posée sur celui-ci et des images de son sexe dans lequel A______ introduit un doigt.

Certaines photographies ont été effacées, d'autres ont été agrandies et certaines ont été envoyées sur un autre téléphone portable de A______ et placées en favori.

c. Les vidéos prises par A______ ont été extraites de son téléphone et leur contenu retranscrit par le Ministère public (MP) avec leur emplacement GPS, étant précisé qu'il n'a pas été possible de retracer précisément le parcours du prévenu à l'aide du tachygraphe de son véhicule dans la mesure où l'appareil n'a pas été manipulé correctement la nuit des faits :

"Rue 1______/ rue 2______:

IMG_3209 (5h11):

Mme B______ est assise sur la banquette arrière, débraillée. Prévenu sur le siège conducteur. Taxi statique.

Mme B______: [indistinct]

Prévenu: "d'accord"

 

 

IMG_3210 (5h11):

Mme B______ est assise sur la banquette arrière, débraillée. Prévenu sur le siège conducteur. Taxi en mouvement.

Mme B______: [indistinct]

Prévenu: "tu veux que je te touche ta jambe?"

Mme B______: "ouais"

Emplacement inconu (sic):

IMG_3211: effacée

Rue 3______ / rue 1______:

IMG_3212 (5h14):

Mme B______ est assise, la main posée sur le haut du sexe. Mme B______ cache son sexe lorsque le prévenu prend la photo.

 

IMG_3214 (5h14):

Mme B______ est assise mais avachie sur la banquette arrière. Du bras droit et avec sa robe, elle cache sa poitrine. Sa main gauche est posée sur son sexe, caché car elle a les jambes serrées. Mme B______ a les yeux mi-clos, sa tête roule légèrement sur le côté.

Le taxi roule.

 

IMG_3215 (5h14):

Même position de Mme B______

Le taxi roule.

Mme B______ ferme les yeux et sa tête bascule sur le côté comme si elle s'endormait.

Emplacement inconnu:

IMG_3216: effacées (sic)

Rue 1______ no. ______:

IMG_3217 (5h15):

Même position de Mme B______. Elle cache toujours son sexe avec sa main gauche. Ses jambes sont un peu moins serrées. Elle a les yeux toujours mi-clos.

Le taxi roule.

Prévenu: "enlève la main!" (ordre).

Mme B______: "non".

 

IMG_3218 (5h15):

Même position de Mme B______.

Le taxi roule.

Prévenu: "...ta main?" (question)

Mme B______: "non".

Emplacement inconnu:

IMG_3219-3225: effacées

Rue 4______ / av. 5______:

IMG_3226 (5h23):

Noir.

Mme B______: " [indistinct] rentre chez moi".

Prévenu: "ok, vous êtes chez vous Madame. Vous voulez aller....[rue] 6______ (sic) non?

Plaignante (en même temps que le prévenu): [indistinct].

Plaignante: hein?

Prévenu: "6______ (sic)?"

Plaignante: "Mmm"

Plaignante: "j'ai juste envie de dire... [gémissements de 00:17 à 1:10]"

Rue 6______ (sic):

IMG_3227 (5h25):

Mme B______ est couchée sur le dos sur la banquette arrière. Sa robe est remontée par-dessus les seins. Elle ne porte pas de culotte.

Mme B______: "Stop".

Prévenu: "hein?"

Mme B______: "Stop!" et se cache le sexe avec sa main gauche au moment du flash.

 

IMG_3228 (5h25):

Mme B______ est couchée sur le dos sur la banquette arrière. Sa robe est remontée par-dessus les seins. Elle ne porte pas de culotte.

Mme B______: "Ça suffit".

Prévenu: "Kenenourolak" (phonétique).

 

IMG_3229 (5h25):

Noir.

Prévenu: "Arrivée au [indistinct: "clos"?] du 6______ (sic), on y va"

Mme B______: [indistinct]

Prévenu: "Vous êtes chez vous oui. Allez-y Mademoiselle"

Mme B______: "Merci".

Prévenu: "De rien".

 

IMG_3230 (5h29):

Noir.

0:01: Mme B______: "Ça touche? [Indistinct: "foufoune"?]".

0:04: Prévenu: "Habillez-vous s'il vous plait, vous êtes arrivée".

0:07: Mme B______: "Merci, [indistinct] bien?"

0:11: Prévenu: "Oui, allez-y, allez-y, allez-y... C'est gentil merci [bruit métallique]. Mettez-vous ça, tiens"

0:25: Mme B______: "Oui, bien sûr, bien sûr [indistinct] juste à côté".

0:27: Prévenu: "Ok".

0:30: Mme B______: "Tu peux me toucher encore un peu?".

0:33: Prévenu: "tu veux quoi? Que je te touche encore un peu? Habillez-vous, habillez-vous".

0:40: Mme B______: "Ok" (ton déçu).

0:53-1:33: Mme B______: [gémissements]

1:34: Prévenu: "Allez-y, descendez s'il vous plait. Allez-y.

1:36: Mme B______: "Difficile".

1:37: Prévenu: "Donnez-moi CHF 25.-. Allez-y".

1:47: Mme B______: "Touchez-moi encore".

1:50: Prévenu: "Quoi?".

1:56-3:18: Mme B______: [gémissements]

3.18: Mme B______: [indisctinct (sic): "ah mon Dieu"?]

3:18-3:34: Mme B______: [gémissements]

3.34-3:48: Mme B______: "touche-moi les seins, touche-moi les seins... touche-moi, touche-moi, touche-moi, allez... [gémissements]".

3:48: Prévenu: "Maintenant, bon, vous pouvez descendre. On y va, s'il-vous-plait. Donnez-moi CHF 25.-. Hein?".

3:57: Mme B______: "Tellement dur"

3:59: Prévenu: "Pardon?".

4:00: Mme B______: "Tes tellement dur".

4:01: Prévenu: "Je dois aller travailler".

4:03: Mme B______: "Oui, moi aussi".

4:04: Prévenu: "Hein?".

4:07: Mme B______: "Moi aussi. [indisctinct] (sic) dites au revoir".

4:10: Prévenu: "Allez".

 

IMG_3231 (5h33):

Mme B______ est couchée sur le flanc gauche sur la banquette arrière. Elle porte à nouveau sa robe normalement.

 

IMG_3232 (5h34):

Mme B______ est couchée sur le ventre sur la banquette arrière. Elle porte sa robe normalement, laquelle lui cache les fesses.

Prévenu: "lève-le". Mme B______ porte alors la main sur le bas de sa robe et l'agrippe.

 

IMG_3233 (5h34):

Mme B______ est couchée sur le ventre sur la banquette arrière. Le bas de sa robe est relevé et on voit ses fesses.

Rue 7______ no. ______:

IMG_3234 (5h35):

Gros plan des fesses de Mme B______.

 

IMG_3235 (5h35):

Très gros plan des fesses de Mme B______.

Rue 8______ no. a______:

IMG_3236 (5h36) et film:

Le taxi roule.

Le prévenu filme Mme B______ qui est couchée sur le ventre sur la banquette arrière, la jupe relevée et les fesses à l'air.

Mme B______: "arrête, c'est bon, on a compris. ON A COMPRIS". Une main vient frapper le téléphone.

 

 

Rue 8______ no. b______:

IMG_3237 (5h37):

Le taxi est arrêté.

Le prévenu continue à filmer Mme B______ qui est couchée sur le ventre sur la banquette arrière, la jupe relevée et les fesses à l'air. Mme B______ n'a qu'une chaussette.

Prévenu: "on y va [indistinct] vous relever".

Rue 6______ (sic) / rue 9______:

IMG_3238 (5h39):

Le taxi roule.

Le prévenu continue à filmer Mme B______ qui est couchée sur le ventre sur la banquette arrière, la jupe relevée et les fesses à l'air.

Rue 6______ (sic):

IMG_3239 (5h39):

Le prévenu a changé d'angle pour filmer Mme B______. Il a ouvert la porte passager arrière (côté conducteur) et la filme depuis l'extérieur du véhicule. Le prévenu continue à filmer Mme B______ qui est couchée sur le ventre sur la banquette arrière, la jupe relevée et les fesses à l'air. Le haut de son dos est dénudé. La tête de Mme B______ repose sur ses deux mains comme si elle dormait.

 

IMG_3240 (5h40):

Le prévenu a encore changé d'angle pour filmer Mme B______. Il a ouvert l'autre porte passager arrière (côté passager) et la filme depuis l'extérieur du véhicule. Le prévenu continue à filmer Mme B______ qui est couchée sur le ventre sur la banquette arrière, la jupe relevée et les fesses à l'air. Le haut de son dos est dénudé. La tête de Mme B______ repose sur ses deux mains comme si elle dormait."

d.a. Contactée par la police, B______ a déposé plainte pénale pour ces faits le 15 novembre 2020.

Elle avait passé la soirée du 12 au 13 décembre 2019 avec des amies, dont F______, au restaurant "G______" jusqu'à sa fermeture. Elle y avait consommé de l'alcool, soit une coupe de champagne, un cocktail (ou trois selon ses déclarations devant le MP) ainsi que la moitié d'une bouteille de vin rouge. Il était possible qu'elle ait consommé d'autres boissons alcoolisées mais elle n'en avait pas le souvenir exact. Elle n'était pas dans son état normal ce soir-là. Elle subissait beaucoup de pression au travail, était très déprimée et voulait "mettre [s]on cerveau en OFF". À la sortie du restaurant, F______ l'avait placée dans un taxi pour qu'elle rentre chez elle, alors qu'elle se trouvait déjà, selon ses déclarations devant le MP, dans un état d'ébriété très avancé, non lucide, "comme une personne ivre qui est complètement fragile". Elle avait cependant finalement demandé au chauffeur de la déposer au bar "H______" au [quartier] I______. Elle s'était ensuite rendue au "J______", établissement dans lequel elle avait "continué à boire énormément", soit "énormément de coupes de champagne". Devant le MP, elle a précisé qu'elle ne se souvenait pas de ce qu'elle avait consommé dans ces deux établissements mais avait eu la sensation que son état d'ébriété avait augmenté durant toute la soirée. Elle en déduisait qu'elle avait été invitée à boire des verres.

Elle avait quitté ce club vers 04h30 ou 05h00. Elle ignorait comment, mais elle avait réussi à rejoindre la gare D______ à pieds. Elle avait eu la sensation de se sentir seule et en état d'ébriété dans la rue. Elle avait eu de la difficulté à marcher, à penser et s'était sentie vraiment très mal. Ne pouvant rentrer chez elle par ses propres moyens au vu de son état, elle avait pris un taxi à cet endroit.

Immédiatement après être entrée dans le véhicule, elle avait posé sa tête sur le côté et s'était endormie à cause de l'alcool. Elle ne se souvenait pas comment elle s'était retrouvée dévêtue, dès lors qu'elle était endormie, mais était certaine de ne pas s'être elle-même déshabillée. Elle ne voyait pas pour quel motif elle aurait agi de la sorte, et cela ne lui ressemblait pas. Elle avait été réveillée par la lumière du téléphone du chauffeur de taxi, lequel était en train de la filmer alors que son véhicule était à l'arrêt. Elle avait constaté qu'elle était à moitié dévêtue et lui avait dit "Stop". Il y avait eu un moment de latence entre le moment où elle s'était réveillée et le moment où elle avait quitté le taxi, moment durant lequel le chauffeur lui avait touché le sexe. Elle se souvenait en particulier qu'il lui avait touché les parties génitales avec la main, notamment son vagin et qu'il lui avait "mis un doigt". Elle se souvenait qu'il tentait de lui toucher le sexe alors même qu'elle essayait de se protéger le vagin avec les mains. Il essayait de lui enlever la main mais n'avait pas été violent ni n'avait usé de contrainte. Elle lui avait dit "arrête", avait récupéré ses affaires, était sortie du taxi et avait couru pieds nus jusque chez elle.

Elle avait décidé d'oublier cet événement, qui, avec d'autres choses qui s'étaient produites dans sa vie, avait engendré chez elle une dépression. Elle avait consulté une psychologue et été restée cloîtrée deux mois chez elle après les faits. Elle s'était sentie coupable dans la mesure où elle n'aurait pas dû se mettre dans cet état. Se sentant honteuse, elle n'avait parlé des faits à personne d'autre.

d.b. Confrontée le 14 octobre 2021, devant le MP, aux vidéos effectuées par le prévenu (dont elle a seulement écouté le son, ne souhaitant pas visualiser les images), B______ a indiqué qu'elle n'avait aucun souvenir et qu'elle était bouleversée. L'audience a dû être interrompue à plusieurs reprises en raison de son état.

Par courrier du 9 décembre 2021, elle a sollicité de ne plus participer aux audiences. Elle a fourni une attestation de la fondation K______ selon laquelle son évolution, qui était jusque-là plutôt favorable, avait été perturbée par la dernière audience. Le fait de se replonger dans cet épisode de sa vie l'empêchait de vivre normalement et lui occasionnait des angoisses importantes.

B______ a ensuite régulièrement été dispensée de comparaître aux audiences. Dans une attestation du 27 novembre 2023 déposée à l'appui d'une demande de dispense pour les débats d'appel, la fondation K______ a indiqué que l'évolution des symptômes post-traumatiques de B______ était globalement satisfaisante mais que celle-ci restait néanmoins fragile. Elle essayait de s'investir dans sa vie présente et de construire son avenir pour ne pas ruminer les faits. B______ se stabilisait bien entre les échéances de la procédure mais son angoisse était réactivée lorsqu'elle recevait des courriers ou convocations de la justice. Elle risquait une rechute si elle entrait en contact avec le souvenir de son agression.

e. F______ avait passé la soirée du 12 au 13 décembre 2019 en compagnie de B______ et d'une autre amie au restaurant. B______, qu'elle connaissait depuis 2016 et avec laquelle elle avait passé plusieurs soirées, n'avait pas pour habitude de boire démesurément. Elle consommait habituellement de l'alcool de manière normale, soit de façon sociable et rien de plus.

Au cours de cette soirée, B______ avait cependant "vraiment abusé", soit "vraiment bu beaucoup d'alcool". Il était difficile de se souvenir, un an après les faits, ce que son amie avait consommé mais elle avait "fait plusieurs mélanges d'alcool, divers cocktails contenant de l'alcool fort et du vin". Elle-même ne l'avait jamais vue dans cet état avant cette soirée-là. Elle avait constaté que B______ présentait des signes d'ébriété avancés. Elle ne marchait plus droit, avait de la peine à tenir debout et, d'une manière générale, était plus lente qu'à l'accoutumée, ayant de la peine à se concentrer. B______ ne pouvait pas rentrer à pieds au vu de son état et elle avait dû l'aider à monter dans un taxi car elle n'était plus très stable et risquait de tomber. Une fois dans le véhicule, son amie avait appuyé sa tête contre le siège et avait fermé les yeux. Elle n'avait pas dû tarder à s'endormir et avait sans doute eu besoin de l'aide du chauffeur de taxi pour sortir de la voiture, son état étant vraiment diminué.

En temps normal, B______ n'était pas quelqu'un qui se laissait faire mais ce soir-là, il aurait été difficile pour elle de se défendre dans la mesure où elle était vraiment très intoxiquée par l'alcool. Ce n'était par ailleurs pas son genre de "provoquer" quelqu'un. Même ivre, B______ ne serait pas allée aguicher des hommes. Elle avait un tempérament calme et ne cherchait pas les problèmes.

f.a. A______ a, d'une manière générale, au cours de la procédure, contesté avoir touché B______ sans son consentement. Il a d'abord nié l'ensemble des faits devant la police. Il a cependant admis plus tard dans la procédure, avoir touché la plaignante et en particulier lui avoir introduit un doigt dans le vagin, à la demande de cette dernière.

 

Prise en charge de B______ et état d'alcoolisation

A______ a dans un premier temps déclaré que la jeune femme était venue vers son taxi en marchant normalement avec des talons aiguilles. Elle était entrée dans son véhicule à l'avant et s'était assise à côté de lui, lui demandant de se rendre à la rue 10_____ d'un ton naturel. Il lui avait demandé de s'installer à l'arrière. Elle était souriante et lui avait dit "bonsoir". Elle ne lui avait pas semblé avinée. Elle n'était pas ivre et ne sentait pas l'alcool. Elle lui avait paru normale, "dans un bon état". Les taxis ne prenaient d'ailleurs pas en charge les personnes alcoolisées, car elles risquaient de vomir dans l'habitacle.

Devant le TP, il est partiellement revenu sur ses déclarations, indiquant que B______ était entrée à l'arrière du véhicule et qu'il n'avait pas vu son visage, ayant seulement entendu sa voix. Il avait en réalité aperçu son visage pour la première fois lorsqu'il s'était arrêté au niveau de L______/Poste de 1______, peu après sa prise en charge, et s'était alors dit qu'elle avait effectivement peut-être un peu bu.

A______ a ensuite répété, devant la CPAR, que B______ avait souhaité monter à l'avant du véhicule, lui disant "taxi" et qu'il lui avait suggéré de s'installer derrière. Lorsqu'il l'avait prise en charge, elle n'était pas "ivre ivre". Elle lui avait paru normale.

Déroulé des faits à l'intérieur du taxi

Après lui avoir demandé de se rendre à la rue 10_____, B______ lui avait dit "touche moi" et "touche ma jambe". Il s'était retourné et avait vu qu'elle s'était déshabillée. Il l'avait filmée afin de se protéger en lui répétant "tu veux que je te touche ta jambe?", mais ne s'était pas exécuté. Elle avait ensuite commencé à se toucher elle-même. Une fois arrivés à la rue 10_____, elle lui avait dit "aller, aller, aller" et lui avait indiqué la rue 4______, alors qu'elle se touchait toujours. Elle lui avait ensuite indiqué qu'elle souhaitait se rendre à la rue 6______, et lui avait demandé "touche moi un peu" alors qu'elle jouait avec son sexe. Il avait ainsi effectivement effectué un détour avant de la ramener jusque chez elle, la course ayant au final duré environ 20 minutes au lieu des cinq minutes habituellement nécessaires pour effectuer ce trajet. Alors qu'ils repartaient, elle l'avait pressé de lui toucher le sexe, ce qu'il a reconnu avoir fait (seulement lors d'une seconde audition) durant quelques secondes, en filmant la scène, toujours dans le but de se protéger. Il l'avait d'ailleurs prévenue qu'il l'enregistrait à l'aide de son téléphone. Il avait ainsi pénétré le vagin de B______ avec son doigt car elle avait insisté. Il ne l'avait pas admis devant la police car il avait honte d'avouer les faits. Il ne se souvenait pas de lui avoir demandé, à une reprise, d'enlever sa main de son sexe. Confronté aux images, il a ensuite indiqué qu'il ne savait pas pourquoi il lui avait dit cela. B______ lui avait dit "stop", "arrête", "on a compris" et "ça suffit" pour qu'il arrête de la filmer.

Une fois arrivés à destination, il l'avait priée de se rhabiller et de descendre de son taxi, ce qu'elle n'avait pas voulu. Elle lui avait demandé de monter avec elle dans son logement mais il avait refusé. Elle n'avait pas payé la course car elle avait oublié le code de sa carte de crédit.

Photographies et vidéos

A______ a d'abord indiqué avoir pris des clichés et des vidéos de B______ dans l'unique but de se protéger. Il l'avait menacée de prendre des photographies si elle ne descendait pas de son taxi. Il ignorait cependant pourquoi il en avait pris autant et pourquoi il avait zoomé sur le sexe et le visage de sa cliente. Il était assis sur le siège du conducteur et prenait des clichés avec sa main droite, sans faire attention à la partie du corps qu'il prenait en photo. Il avait pris "ce qui venait devant l'objectif". À un moment, alors qu'il roulait, B______ "criait de joie" dans son taxi. L'écran était noir car il avait voulu enregistrer ce qu'elle faisait, mais pas la filmer. Il avait ainsi démarré la vidéo, puis posé son téléphone. Il avait conservé les photos dans le but de se protéger. Il en avait mis une en favori afin de pouvoir la retrouver rapidement s'il était arrêté. Il n'avait pas appelé la police ou sa centrale sur le moment car c'était la fin de sa journée et qu'il ne voulait pas de problème ou encore, selon ses déclarations devant le MP, parce qu'il était perturbé. Il n'avait jamais partagé les vidéos et photographies prises avec personne, ni sur les réseaux sociaux.

Ensuite confronté par le MP aux photographies et vidéos qu'il avait prises la nuit des faits, A______ a refusé à de nombreuses reprises de répondre aux questions posées, sur les conseils de son avocat. Il a néanmoins apporté les précisions suivantes :

·        IMG_3209 et IMG_3210 : B______ lui avait demandé de lui toucher les jambes. Il avait alors remarqué qu'elle avait baissé le haut de sa robe, qu'elle était presque nue et qu'elle était excitée. Il lui avait peut-être répondu "ah d'accord". Il était choqué, étant pour la première fois confronté à une telle situation. Il ne savait pas quoi faire et voulait qu'elle s'en aille. Il avait eu le sentiment que quelque chose allait mal se passer, raison pour laquelle il l'avait filmée en répétant sa demande. Elle s'était ensuite masturbée et avait sali sa banquette arrière. Elle l'avait supplié à plusieurs reprises de la toucher au niveau du sexe. Elle lui avait dit "touche moi un peu", et il avait répondu "ok je vous touche" pour qu'elle arrête de le lui demander.

·        IMG_3212, IMG_3214 et IMG_3217 : B______ "jouait" avec son sexe. Il lui avait dit "enlève ta main", car elle se masturbait. Il voulait qu'elle arrête ses agissements dans son taxi. Il lui avait paru nécessaire de filmer cela, car elle ne voulait pas arrêter.

·         IMG_3226 : arrivé à la rue 6______, il avait demandé à B______ de sortir du véhicule. Il ne pouvait expliquer pourquoi les données GPS situaient cette séquence à la hauteur de la piscine de E______, ne s'en souvenant pas. À ce moment, B______ se masturbait. Il ne se souvenait pas s'il était à l'arrêt au moment de la prise de cette vidéo. L'écran était noir, peut-être parce qu'il avait posé le téléphone en disant à la plaignante de sortir de son taxi. Il ne l'avait pas touchée à ce moment. Confronté à une photographie sur laquelle apparaît sa main ainsi que celle de B______, il a indiqué que la plaignante ne tentait pas de lui écarter la main mais au contraire, lui tenait la main car elle voulait qu'il touche son sexe. En réalité, il avait voulu écarter la main de cette dernière afin qu'elle arrête de se toucher. Il avait introduit un doigt dans son vagin car il espérait qu'ainsi, elle arrêterait de se masturber et quitterait son taxi. Il avait peut-être pris cette photographie sans faire attention.

·        IMG_3227 : il ne se souvenait pas du contexte dans lequel B______ lui avait dit "stop". C'était peut-être parce qu'il lui avait demandé de s'habiller à plusieurs reprises et qu'elle refusait de s'exécuter.

·        IMG_3230 : la plaignante l'avait fait tourner dans le quartier, elle s'était faite jouir toute seule et ne voulait pas sortir de son taxi. Il lui avait dit "c'est gentil merci", car il était très heureux qu'elle quitte son véhicule. Au moment de cette vidéo, il ne l'avait pas touchée.

·        IMG_3232 : il avait dit "lève-le" à B______ qui agrippait le bas de sa robe mais avait peut-être voulu dire "levez-vous". Son français n'était pas très bon.

·        IMG_3234, IMG_3235, IMG_3237: il avait photographié B______ car elle ne voulait pas s'habiller malgré ses demandes, ni descendre de son véhicule. Il avait ainsi notamment fait un gros plan et zoomé sur ses fesses pour se protéger. Il l'avait avertie. Il ne savait pas pourquoi elle s'était retrouvée couchée et que sa robe avait été relevée. Il fallait le lui demander.

À nouveau entendu à ce sujet par le TP, A______ a finalement indiqué que s'il avait commencé à filmer la plaignante dans le but de se protéger – il avait été accusé de viol par le passé – il reconnaissait cependant avoir continué à la filmer et à la photographier car il était excité par ses agissements. Il n'avait pas agi lors des enregistrements où l'écran était noir. La plaignante s'était masturbée seule. Il avait enregistré le son, non pas pour se défendre contrairement à la première vidéo, mais parce qu'elle l'avait excité. Il était tellement excité qu'il n'avait pas entendu qu'elle lui demandait d'arrêter ("non", "stop", "ça suffit", "arrête, c'est bon, on a compris"). Il avait touché son sexe et l'avait pénétrée digitalement à une reprise, avant la vidéo prise à 5h23 à la rue 4______/av 5______ (IMG_3226). Devant la CPAR, il a encore précisé qu'elle lui avait dit stop quand il prenait des photos mais qu'elle avait insisté pour qu'il lui touche le vagin.

Il ne se souvenait pas pourquoi certaines vidéos avaient été effacées. En réalité, il avait voulu dans un premier temps effacer toutes les photos. Interrogé au sujet des images qu'il avait transférées sur un autre téléphone, il a indiqué qu'il avait voulu tout effacer et les avait envoyées sur un téléphone qu'il n'utilisait jamais. Il n'avait pas diffusé les photos et ne les avait jamais regardées.

f.b. Au cours de la procédure préliminaire, A______ s'est excusé auprès de B______, indiquant que ça lui faisait "du mal pour elle, pour ce qui lui était arrivé", tout en précisant qu'il ne lui avait rien fait. Elle avait insisté, l'avait supplié pour qu'il la touche. Il était la victime.

Devant le TP, il a déclaré qu'avec le recul, il avait honte de ses agissements et était fâché contre lui-même. Il présentait des excuses. Il aurait dû être assez fort et se maîtriser, mais avait eu un moment de faiblesse. Il avait précédemment indiqué être une victime car il était perturbé par cette affaire. Il avait dit n'importe quoi à l'époque. Il a réitéré ses excuses devant la CPAR, précisant qu'il avait honte d'avoir fait ce geste. Il ignorait pourquoi il avait agi ainsi et en était désolé. Il était normalement plus fort que cela.

f.c. Durant la procédure préliminaire, A______ a reconnu les faits s'étant produits à la piscine de E______. Il avait pris des photographies du lieu, des gens en général ainsi que de la piscine "pour rigoler", ne sachant pas que c'était interdit. Il n'avait fait de mal à personne, n'avait rien fait avec ces clichés et ne comptait rien en faire. C'était une bêtise.

Devant le TP, il a finalement admis que c'était bien C______ qu'il prenait en photo et non la piscine. Cela ne se faisait pas et contrairement à ce qu'il avait précédemment indiqué, ce n'était pas drôle. Il ignorait que c'était interdit et présentait toutes ses excuses. Il ne s'opposait pas à une mesure d'interdiction d'approcher et de contacter la plaignante.

g. Au cours de la procédure, B______ a déposé deux extraits bancaires selon lesquels elle a payé, dans la nuit du 12 au 13 décembre 2019 :

·         CHF 110.- à "G______ Restaurant", le 12 décembre 2019 à 22h58 ;

·         CHF 19.- au "M______ SA" (J______) le 13 décembre 2019 à 05h04.

C. a. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans les conclusions de sa déclaration d'appel.

Le TCO avait retenu à tort la version de la plaignante au lieu de la sienne, alors que le doute devait lui profiter. Il devait être retenu qu'il avait procédé à des attouchements à la demande de la jeune femme. Celle-ci n'avait pas été en mesure de décrire ce qui s'était passé dans le taxi et c'était donc ses déclarations qui devaient être prises en compte. B______ aurait au demeurant eu des raisons de mentir aux autorités, par honte d'avouer ce qui s'était réellement passé.

L'état d'alcoolisation de la plaignante au moment des faits n'était pas établi. Elle n'avait pas indiqué ce qu'elle avait bu en deuxième partie de soirée et le relevé de son compte bancaire ne laissait pas apparaître des dépenses importantes à cette occasion. Les déclarations du témoin, qui était une amie de B______, devaient être relativisées. Pour sa part, il n'avait pas constaté que B______ était dans un état d'alcoolisation avancé, faute de quoi il ne l'aurait pas emmenée dans son taxi. Il ignorait par ailleurs qu'elle venait d'une boîte de nuit lorsqu'elle était entrée dans son véhicule. Il n'était pas punissable, dès lors qu'il était convaincu que la plaignante était capable de discernement. L'application de l'art. 191 CP exigeait en outre que la victime soit totalement incapable de se défendre au moment des faits, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

Il devait être indemnisé pour les mesures de contraintes subies. Il s'en rapportait à justice s'agissant du montant de cette indemnisation, de même que pour celle qui devait lui être allouée pour ses frais d'avocat. Il ne remettait par ailleurs pas en cause le calcul de la détention avant jugement, comprenant l'imputation des mesures de substitution, arrêté à un quantum de six mois.

b. Le MP conclut au rejet de l'appel.

A______ avait immédiatement remarqué l'état d'ivresse de la plaignante au moment de la prendre en charge, état qui ressortait notamment des photographies. Il lui avait touché la jambe et, comme elle n'opposait pas de résistance, il avait continué. Il avait menti au sujet de son parcours, s'était arrêté plusieurs fois et avait effectué des détours. Il avait pris des clichés et filmé des scènes, avant de finalement déposer la jeune femme à son adresse quand il avait fini de s'amuser.

La plaignante n'avait pas aguiché le prévenu. Elle lui avait demandé à plusieurs reprises d'arrêter et s'était protégée comme elle le pouvait, en cachant son sexe et sa poitrine. Quand bien même on l'entendait solliciter à nouveau des attouchements, elle n'avait jamais été capable de consentir à ceux-ci au vu de son état, ce que le prévenu ne pouvait ignorer. Le récit de la plaignante était cohérent et mesuré et son état d'alcoolisation était établi par un témoignage.

La peine prononcée par le TCO devait être confirmée. La faute commise était lourde. A______ avait abusé de la confiance accordée aux chauffeurs de taxi. Il aurait pu s'arrêter à tout moment, ce que la plaignante lui avait d'ailleurs demandé. Sa collaboration avait été mauvaise et sa prise de conscience nulle.

D. a.a. A______ est né le ______ 1955 à N______, en Egypte, pays dont il est originaire. Il est arrivé en Suisse le 7 juin 1981 et y vit depuis lors, au bénéfice d'un permis C. Il est marié, père d'une fille majeure qui vit à Genève ainsi que d'une fille mineure qui vit en Egypte avec sa mère. Ses frères et sa sœur vivent également en Egypte.

Il travaille en qualité de chauffeur de taxi indépendant pour un revenu annuel de CHF 27'000.-. Il a également déclaré percevoir une rente AVS annuelle de CHF 13'392.-. Son loyer s'élève à CHF 1'275.-. Selon les informations disponibles au moment du jugement de première instance, ses primes d'assurance maladie sont de CHF 342.25, déduction faite d'un subside de CHF 300.-. Il verse CHF 750.- de contribution d'entretien à sa femme pour leur fille en Egypte et n'a pas de fortune. Il a des dettes d'un montant indéterminé, qui sont notamment liées à des factures d'assurance-maladie et des amendes.

a.b. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné le 17 mars 2016 par le MP à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 60.- le jour, avec sursis pendant trois ans, pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3). Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

Les cas de "paroles contre paroles", dans lesquels les déclarations de la victime en tant que principal élément à charge et celles contradictoires de la personne accusée s'opposent, ne doivent pas nécessairement, sur la base du principe in dubio pro reo, conduire à un acquittement. Leur appréciation définitive incombe au tribunal du fond (ATF 137 IV 122 consid. 3.3). Les déclarations de la victime constituent un élément de preuve. Le juge doit, dans l'évaluation globale de l'ensemble des éléments probatoires rassemblés au dossier, les apprécier librement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_366/2021 du 26 janvier 2022 consid. 2.1.2).

2.2.1. L'art. 191 CP réprime le comportement de celui qui, sachant qu'une personne est incapable de discernement ou de résistance, en aura profité pour commettre sur elle l'acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d'ordre sexuel.

2.2.2.1. Est incapable de résistance la personne qui n'est pas apte à s'opposer à des contacts sexuels non désirés. Cette disposition protège les personnes qui ne sont pas en mesure de former, exprimer ou exercer efficacement une volonté de s'opposer à des atteintes sexuelles. L'incapacité de résistance peut être durable ou momentanée, chronique ou due aux circonstances. Elle peut être la conséquence d'un état mental gravement anormal, d'une sévère intoxication due à l'alcool ou à la drogue, ou encore d'entraves matérielles (ATF 133 IV 49 consid. 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_69/2018 du 11 juin 2018 consid. 4.1).

Est incapable de discernement au sens de l'art. 191 CP, celui qui n'est plus en mesure d'évaluer la véritable signification et la portée de son comportement, respectivement qui n'est pas conscient de ce qu'il fait et par conséquent, ne peut pas décider si et avec qui il souhaite un contact sexuel (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1362/2019 du 11 mars 2020 consid. 3.1).

2.2.2.2. Pour que l'art. 191 CP trouve application, il faut que la victime soit totalement incapable de se défendre. Si l'inaptitude n'est que partielle – par exemple en raison d'un état d'ivresse – la victime n'est pas incapable de résistance
(ATF 133 IV 49 consid. 7.2 ; ATF 119 IV 230 consid. 3a). L'exigence d'une incapacité de résistance ou de discernement totale ne recouvre pas exclusivement des états de perte de conscience complète mais délimite les situations visées par l'art. 191 CP de celles dans lesquelles, par exemple en raison de l'alcoolisation de la victime, celle-ci est simplement désinhibée. Une incapacité de résistance peut être retenue lorsqu'une personne, sous l'effet de l'alcool et de la fatigue ne peut pas ou que faiblement s'opposer aux actes entrepris (ATF 133 IV 49 consid. 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_238/2019 du 16 avril 2019 consid. 2.1).

Le Tribunal fédéral a admis une telle incapacité pour des personnes endormies (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1204/2017 du 17 mai 2018 consid. 2.1), et dans le cas de personnes sous l'effet combiné de l'alcool et de la consommation de stupéfiants ou de la fatigue (arrêts du Tribunal fédéral 6B_238/2019 précité ; 6B_578/2018 du 20 mars 2019). Dans le cas d'une perte de capacité en raison de l'alcoolisation de la victime, il n'est pas déterminant de connaître la quantité exacte d'alcool ingérée, l'indice de masse corporelle ainsi que le taux d'alcool (arrêt du Tribunal fédéral 6B_238/2019 du 16 avril 2019 consid. 2.2). Une telle incapacité peut être établie sur la base d'autres critères, notamment par les déclarations de la victime, des témoignages ou par des photographies (arrêt du Tribunal fédéral 6B_60/2015 du 25 janvier 2016 consid. 1.1.2 et 1.1.3).

2.2.3. L'art. 191 CP exige que l'auteur ait profité de l'incapacité de discernement ou de résistance de la victime, autrement dit qu'il ait exploité l'état ou la situation dans laquelle elle se trouvait. Cela ne signifie pas que tous les actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance sont punissables. L'infraction n'est ainsi pas réalisée si c'est la victime qui a pris l'initiative des actes sexuels ou si elle y a librement consenti (arrêt du Tribunal fédéral 6B_10/2014 du 1er mai 2014 consid. 4.1.1).

Dans une jurisprudence plus récente, le Tribunal fédéral a précisé que l'incapacité de discernement de l'art. 191 CP exclut tout consentement valable à l'acte d'ordre sexuel et toute responsabilité à cet égard. Il s'ensuit que si la personne a consenti aux actes lorsqu'elle était en mesure de le faire, par exemple avant d'être incapable de discernement, l'infraction ne s'applique pas. En revanche, une fois qu'elle est en état d'incapacité, elle n'est plus en mesure de se déterminer librement. Partant, son comportement importe peu, soit qu'elle ait pris des initiatives, soit qu'elle ne se soit simplement pas opposée aux actes. Il suffit alors que l'auteur se soit aperçu de l'incapacité et l'ait exploitée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1362/2019 du 11 mars 2020 consid. 3.1). De même, le fait qu'une victime, malgré son état, parvienne à réagir en demandant à l'auteur d'arrêter ne permet pas encore de retenir qu'elle était capable d'exprimer efficacement son opposition (arrêt du Tribunal fédéral 6B_586/2019 du 3 juillet 2019 consid. 1.4.2).

2.2.4. Sur le plan subjectif, l'art. 191 CP définit une infraction intentionnelle. La formule "sachant que" signifie que l'auteur a connaissance de l'incapacité de discernement ou de résistance de la victime. Il appartient par conséquent au juge d'examiner avec soin si l'auteur avait vraiment conscience de l'état d'incapacité de la victime. Le dol éventuel suffit. Agit donc intentionnellement celui qui s'accommode de l'éventualité que la victime ne puisse pas être, en raison de son état physique ou psychique, en situation de s'opposer à une sollicitation d'ordre sexuel, mais lui fait subir malgré tout un acte d'ordre sexuel (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1175/2015 du 19 avril 2016 consid. 3.2 ; 6B_60/2015 du 25 janvier 2016 consid. 1.2.1). Il n'y a pas d'infraction si l'auteur est convaincu, à tort, que la personne est capable de discernement ou de résistance au moment de l'acte (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1362/2019 précité consid. 4.1 ; 6B_996/2017 du 7 mars 2018 consid. 1.1).

2.3. En l'espèce, il est établi par les preuves matérielles (photographies et vidéos) ainsi que par les déclarations de l'appelant lui-même que celui-ci a commis des actes d'ordre sexuel sur l'intimée (soit notamment l'intromission d'un doigt dans son vagin) dans la nuit du 12 au 13 décembre 2019, alors qu'elle se trouvait dans son taxi.

Il reste ainsi à déterminer – éléments qui sont contestés par l'appelant – si l'intimée était dans un état d'incapacité de discernement ou de résistance au moment des faits, si l'intéressé s'en est rendu compte et s'il a profité de cet état pour commettre les actes reprochés.

2.3.1. La CPAR retient que l'intimée était bien incapable de discernement ou de résistance au moment des faits, en raison d'une intoxication sévère due à l'alcool.

Il ressort du témoignage de F______ que B______ était déjà très alcoolisée au moment de quitter le restaurant dans lequel elles avaient dîné. Le témoin a indiqué que son amie avait "vraiment bu beaucoup d'alcool" au cours de la soirée et qu'elle ne l'avait jamais vue auparavant dans cet état qu'elle a qualifié de vraiment diminué. F______ a rapporté que B______ ne marchait plus droit et avait de la peine à tenir debout, à tel point qu'elle avait dû l'aider à monter dans un taxi car elle n'était plus très stable et risquait de tomber. Au contraire de ce qu'allègue l'appelant, ce témoignage ne saurait être écarté du seul fait qu'il existe un lien d'amitié entre les deux jeunes femmes. Les déclarations de F______ sont claires et mesurées. Celle-ci n'a effectivement pas hésité à expliquer aux enquêteurs qu'elle ne se souvenait pas de certains éléments, par exemple du type ou du nombre de verres d'alcool consommés par B______ au cours de la soirée, qui s'était déroulée environ une année auparavant.

Il est également établi, par les déclarations de l'intimée, soutenues par le relevé de sa carte bancaire, que celle-ci a encore consommé de l'alcool après avoir quitté son amie, ce qui a sans doute encore aggravé son état d'alcoolisation. Il est vrai que le montant de CHF 19.- payé au J______ paraît faible eu égard aux nombreuses coupes de champagne que la jeune femme a allégué avoir consommé. Reste que cette dernière n'a pas exclu d'avoir été invitée à boire des verres par des tiers.

En tout état, et au contraire de ce qu'allègue l'appelant, il n'est pas déterminant de connaître la quantité et la nature exacte des boissons consommées par l'intimée au cours de la soirée. On ne saurait en effet se fonder sur la seule quantité d'alcool ingérée par une personne pour déterminer son degré d'alcoolisation et sa capacité – ou en l'occurrence son incapacité – de discernement, ceux-ci pouvant être influencés par de nombreux autres facteurs (poids, taille, tolérance à l'alcool, nourriture consommée préalablement, etc.). Le Tribunal fédéral a d'ailleurs confirmé que l'incapacité de discernement pouvait être déterminée sur la base d'autres critères, comme des témoignages ou des photographies (cf. supra consid. 2.2.2.2). Or, en l'espèce, outre le témoignage de F______, l'incapacité de discernement de B______ est également confirmée par les différentes photographies et vidéos prises par l'appelant dans son taxi, sur lesquelles l'intimée apparaît affalée sur le siège arrière, débraillée, les yeux clos ou mi-clos, ou encore sur le ventre, les mains sous sa tête, dans une position où elle semble dormir.

Enfin, l'état d'incapacité de B______ est encore établi par les déclarations de cette dernière, qui a indiqué qu'à la sortie du J______, elle éprouvait des difficultés à marcher, à penser et qu'elle s'était rendu compte de son impossibilité de rentrer chez elle par ses propres moyens. C'est le lieu de préciser que, tel que l'ont retenu les premiers juges, les explications fournies par l'intimée au cours de l'instruction sont dans l'ensemble crédibles. Elle n'a pas été à l'initiative de la procédure, qui a été ouverte après que des photographies ont été découvertes sur le téléphone de l'appelant dans le cadre d'un autre complexe de faits. Elle n'a pas souhaité participer activement à la procédure et n'a pas déposé de conclusions civiles. Le traumatisme qu'elle a vécu a été attesté par la fondation K______. Elle a en outre fait part aux enquêteurs des éléments dont elle se souvenait sans exagération. Il est vrai qu'à suivre la version de l'appelant s'agissant d'attouchements sollicités, l'intimée aurait pu avoir des raisons de mentir, par honte, sur le déroulement des faits. Les éléments décrits par cette dernière et son fort état d'alcoolisation sont toutefois corroborés par d'autres éléments du dossier, notamment par les photographies et le témoignage déjà évoqués, ce qui tend à crédibiliser ses déclarations.

Il est ainsi établi au-delà de tout doute raisonnable que l'intimée était incapable de discernement au sens de l'art. 191 CP au moment d'entrer dans le taxi de l'appelant, en raison de son intoxication massive à l'alcool. Celle-ci n'était alors pas en mesure de décider si elle souhaitait, de son plein gré, entretenir des actes d'ordre sexuels, ni de réaliser que les actes de l'appelant étaient de nature à porter atteinte à son intégrité sexuelle. Par ailleurs le fait que l'intimée soit parvenue, à quelques reprises, à s'opposer aux actes de l'appelant ("stop", "arrête", "on a compris", "ça suffit") n'est pas de nature à remettre en cause cette incapacité (cf. supra consid. 2.2.3).

2.3.2. La CPAR est convaincue que l'appelant s'est rendu compte de l'état d'incapacité de l'intimée et ce, dès que cette dernière est montée dans son véhicule.

Les dénégations de l'appelant à ce sujet n'emportent pas conviction.

Il a passablement varié dans ses explications concernant l'état de B______ au cours de la procédure, ce qui entache sa crédibilité. L'appelant a d'abord indiqué que l'intimée était montée à l'avant du taxi, étant normale et souriante avant de prétendre qu'elle s'était installée directement à l'arrière du véhicule et qu'il n'avait pas vu son visage. Il a fini par admettre du bout des lèvres, devant les premiers juges, que cette dernière avait "peut-être un peu bu", puis indiqué en appel qu'elle n'était pas "ivre ivre". Ces déclarations, déjà contradictoires entre elles, ne résistent pas à l'examen des différentes photographies et vidéos prises par l'appelant lui-même, sur lesquelles il apparaît à l'évidence que la jeune femme n'était pas dans un état normal, celle-ci étant avachie sur le siège arrière, les yeux mi-clos.

L'état d'incapacité de l'intimée devait d'autant plus lui apparaître manifeste que le discours de cette dernière était, selon les vidéos, peu clair, voire incohérent. L'appelant ne peut par ailleurs prétendre, d'une part, avoir pensé que la jeune femme agissait tout à fait normalement et, d'autre part, indiquer que celle-ci lui aurait demandé dès le début du trajet qu'il lui touche les jambes, une telle demande émanant d'une jeune femme prise en charge dans son taxi à 5h00 du matin devant à tout le moins soulever quelques interrogations sur son état.

En tout état, l'appelant ne pouvait ignorer que l'intimée était incapable de discernement au moment où il a pris les différentes photographies et vidéos retrouvées sur son téléphone, au vu du peu de résistance opposé par la précitée. On imagine en effet mal dans quelles circonstances une jeune femme aurait accepté de son plein gré, dans un état normal et en toute conscience, qu'un chauffeur de taxi, parfait inconnu, photographie et filme ses parties intimes.

2.3.3. L'appelant allègue que l'intimée a eu un comportement actif et a directement sollicité les attouchements prodigués.

Ces explications peinent à convaincre.

Il paraît en effet peu probable que l'intimée ait sollicité des attouchements après être entrée dans le véhicule, étant rappelé que cette dernière a indiqué s'être immédiatement endormie, ce qui paraît crédible au regard des différentes photographies et vidéos au dossier.

Les explications de l'appelant, sont, pour leur part et d'une manière générale, sujettes à caution, tant celui-ci a varié dans ses déclarations au cours de la procédure. Il a commencé par prétendre qu'il n'avait jamais touché l'intimée avant de reconnaître lui avoir introduit un doigt dans le vagin, confronté aux photographies et vidéos dont il était l'auteur. Il s'est contredit s'agissant de l'état physique de B______ (cf. supra consid. 2.3.2). Il a encore évolué dans ses explications relatives aux photographies et vidéos, indiquant d'abord qu'il les avait prises dans l'unique but de se protéger, avant de reconnaître qu'il avait à tout le moins partiellement agi par excitation.

Dans les premières vidéos, on entend, certes, l'intimée répondre "ouais" lorsque l'appelant lui demande "tu veux que je te touche ta jambe?". Rien ne permet cependant de déterminer, comme l'appelant l'affirme, que celui-ci répétait alors une demande formulée par la jeune femme. Au demeurant, une telle demande ne l'aurait pas autorisé à prodiguer d'autres attouchements à la jeune femme, allant jusqu'à l'intromission d'un doigt dans son vagin. L'appelant ne peut par ailleurs se prévaloir du fait que l'intimée ait sollicité de nouveaux attouchements vers la fin du trajet pour justifier avoir agi préalablement de la sorte avec son consentement.

Quoiqu'il en soit, au vu de son intoxication massive à l'alcool, l'intimée n'était pas en mesure de consentir aux actes commis par l'appelant, ce que ce dernier ne pouvait ignorer, au vu de l'état de la jeune femme. Ainsi, le comportement de cette dernière au moment de l'acte importe peu, étant rappelé que la jurisprudence récente du Tribunal fédéral (cf. supra consid. 2.2.3) a confirmé que l'incapacité de discernement au sens de l'art. 191 CP exclut tout consentement valable à l'acte d'ordre sexuel et toute responsabilité à son égard. Dès lors que B______ était incapable de discernement déjà au moment d'entrer dans le véhicule de l'appelant, l'infraction serait consommée quand bien même celle-ci aurait pris, à un certain moment, des initiatives ou ne se serait pas opposée aux actes subis.

2.3.4. Au vu de ce qui précède, A______ sera reconnu coupable d'actes d'ordre sexuels sur une personne incapable de discernement ou de résistance, son appel étant rejeté.

3. 3.1. L'infraction à l'art. 191 CP est passible d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

L'infraction à l'art. 179quater CP est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1).

3.3. En l'espèce, la faute de l'appelant est importante. Il s'en est pris à la liberté sexuelle de l'intimée – bien juridique essentiel – par pur égoïsme, et dans le seul but de satisfaire ses besoins personnels. Non content de prodiguer des attouchements à une jeune femme en profitant de son état de vulnérabilité, il a pris de multiples photographies et vidéos de cette dernière dans des positions dégradantes. Il a également photographié C______ à son insu à la piscine de E______.

Sa collaboration a été plutôt mauvaise. Il a commencé par contester intégralement les faits, en particulier d'avoir touché B______. Ses déclarations ont ensuite évolué au fil des preuves matérielles qui lui étaient soumises. Il a persisté à nier jusqu'en appel que B______ était incapable de résistance au moment des faits, alléguant que les actes commis étaient consentis. Il sera retenu à son crédit que l'appelant a tout de même fourni quelques explications devant le MP, alors même que son conseil lui recommandait de ne pas répondre à la plupart des questions posées. S'il a rapidement reconnu les faits s'étant produits à la piscine de E______ – qu'il pouvait cependant difficilement contester au vu des photographies trouvées sur son téléphone –, il a cependant prétexté dans un premier temps avoir souhaité photographier les lieux et non C______. Sa prise de conscience, nulle au moment de la procédure préliminaire, a un peu évolué par la suite, l'appelant reconnaissant devant le TP que son comportement n'était pas admissible. Sa prise de conscience n'est cependant pas aboutie dans la mesure où il persiste à contester que B______ était incapable de discernement au moment des faits, même s'il s'est, certes, excusé vis-à-vis de son geste.

Son casier judiciaire comporte une condamnation, toutefois non spécifique.

Compte tenu de l'importance de la faute, il se justifie de prononcer une peine privative de liberté pour l'ensemble des infractions commises, le genre de peine n'étant au demeurant pas contesté.

Dans la mesure où l'infraction à l'art. 191 CP est abstraitement la plus grave, la CPAR retiendra qu'une peine de 24 mois est appropriée et sanctionne adéquatement ces faits. Cette peine sera étendue de trois mois pour chacune des deux infractions à l'art. 179quater CP (peine hypothétique : quatre mois chacune), l'ensemble de ces infractions entrant en concours (art. 49 al. 1 CP).

La peine d'ensemble sera ainsi arrêtée à 30 mois de peine privative de liberté, sous déduction de six mois, correspondant à 34 jours de détention avant jugement et l'imputation des mesures de substitutions prononcées à son encontre (quotité non contestée en appel). Le sursis partiel (24 mois), assorti d'un délai d'épreuve de trois ans, sera confirmé, de même que les mesures prononcées, qui n'ont pas été remises en cause.

4. L'appelant, qui succombe, supportera les frais d'appel, lesquels comprennent un émolument de CHF 2'000.- (art. 428 al. 1 CPP ; art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

Pour les mêmes motifs, il sera débouté de ses conclusions en indemnisation pour la détention injustifiée subie et pour ses frais de défense en appel (art. 436 al. 1 et 2 CPP et 429 al. 1 CPP).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTCO/53/2023 rendu le 8 mai 2023 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/14007/2020.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 2'345.-, lesquels comprennent un émolument de CHF 2'000.-.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 et 436 CPP).

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP) et de violation du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vues (art. 179quater al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 30 mois, sous déduction de 6 mois, correspondant à 34 jours de détention avant jugement et pour le surplus à l'imputation d'une part des mesures de substitution subies (art. 40 CP).

Dit que la peine est prononcée sans sursis à raison de 6 mois.

Met pour le surplus A______ au bénéfice du sursis partiel et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 43 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Interdit à A______ d'approcher C______ et de prendre contact, d'une quelconque manière, directement ou indirectement, avec cette dernière, pour une durée de 5 ans (art. 67b al. 1 et 2 CP).

Interdit à A______ d'approcher B______ et de prendre contact, d'une quelconque manière, directement ou indirectement, avec cette dernière, pour une durée de 5 ans (art. 67b al. 1 et 2 CP).

Avertit A______ que s'il enfreint les interdictions prononcées, l'art. 294 CP et les dispositions sur la révocation du sursis partiel et sur la réintégration dans l'exécution de la peine sont applicables (art. 67c al. 9 CP).

Renonce à prononcer une interdiction d'exercer l'activité de chauffeur de taxi (art. 67 CP).

Renonce à ordonner l'expulsion de Suisse de A______ (art. 66a al. 2 CP).

Lève les mesures de substitution ordonnées le 13 janvier 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte.

Ordonne la confiscation et la destruction du téléphone [de la marque] O______/11_____ [modèle] figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 12_____ (art. 69 CP).

Ordonne la restitution à A______ des objets figurant sous chiffres 1 à 5 de l'inventaire n° 13_____ et des objets figurant sous chiffres 1 et 2 de l'inventaire
n° 14_____ (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 14'509.- (art. 426 al. 1 CPP).

Fixe à CHF 9'006.90 l'indemnité de procédure due à Me P______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP)."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel, à l'Office cantonal de la population et des migrations ainsi qu'au Service de l'application des peines et des mesures.

 

La greffière :

Anne-Sophie RICCI

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

14'509.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

180.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

90.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

2'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'345.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

16'854.00