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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/23495/2021

AARP/43/2024 du 22.01.2024 sur JTDP/783/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DIFFAMATION
Normes : CP.173; cp.52
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23495/2021 AARP/43/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 22 janvier 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant par MB______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/783/2023 rendu le 14 juin 2023 par le Tribunal de police,

et

C______, partie plaignante, comparant par Me D______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 14 juin 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de diffamation (art. 173 ch. 1 du Code pénal [CP]) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 50.- l'unité, assorti d'un sursis de trois ans, rejetant ses conclusions en indemnisation. Le TP l'a encore condamné à une indemnité en CHF 12'277.10 pour les dépens de C______, ainsi qu'aux frais de la procédure en CHF 1'170.-, émolument complémentaire de jugement de CHF 1'000.- en sus.

A______ entreprend intégralement ce jugement et conclut à son acquittement, sous suite de frais et dépens.

b. Selon l'ordonnance pénale du 17 décembre 2021, il est reproché ce qui suit à A______ :

Il a, à Genève, à tout le moins dans le cadre d'un courriel daté du 10 juin 2021, lequel a été porté à l'attention de tiers placés en copie carbone ("cc") du courriel précité, porté atteinte à l'honneur de C______ en déclarant qu'elle l'aurait agressé et aurait tenu des propos racistes à son encontre le 29 mars 2020, qu'elle l'aurait bousculé hargneusement le 31 mars 2020 et qu'elle serait islamophobe et raciste.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. C______ et A______ font partie des copropriétaires de la Résidence E______, sise nos. ______, rue 1______, à F______ [GE]. Parmi les autres copropriétaires se trouvent notamment G______, H______, I______, J______ et K______.
C______ vit au 3ème étage et A______ au 1er étage.

a.b. Les pièces figurant à la procédure, en particulier les nombreuses mains courantes enregistrées par la police, font état d'un important conflit de voisinage opposant, depuis plusieurs années, A______ aux autres copropriétaires, au point que certains habitants ont quitté l'immeuble. Il en ressort notamment que celui-ci conteste régulièrement les décisions des assemblées des copropriétaires qui ne lui conviennent pas et s'insurge rapidement contre les nuisances sonores (soirées ponctuelles) ou physiques (dépôts sur son balcon de cendres de cigarettes, fientes et graines d'oiseaux) qu'il rapporte par courriels, mettant souvent en copie plusieurs résidents. Il se sent rejeté et persécuté par ses voisins, dont il a le sentiment qu'ils essaient de lui faire quitter la copropriété. Ces derniers lui prêtent une attitude agressive, verbalement et par le regard, ainsi qu'un manque de tolérance. La police a suggéré à plusieurs reprises une médiation, en vain.

c.a. Par courriel du 10 juin 2021 adressé à la régie avec, en copie ("cc"), tous les copropriétaires de la Résidence E______, A______ a fait part de nombreux griefs. En particulier, il a indiqué ce qui suit : "(…) Le dimanche 29 mars 2020 alors que nous étions en pleine pandémie, moi et ma femme étions agressés devant notre appartement par Mme H______, M. G______, M. J______, Mme C______ et M. I______ en tenant des propos racistes et islamophobe, sans respecter les mesures sanitaires, à savoir la limite de rassemblement de 5 personnes, la distance de 1,5 mètre et le port du masque (…) Et le mardi 31 mars 2020 encore agressés en sortant par la porte de l'entrée de no.______ par Mme C______ en me bousculant agressivement accompagnée de son chien (…) j'ai compris que vous êtes raciste et islamophobe dans cette PPE (…)".

c.b. C______ a déposé plainte pénale contre A______ pour calomnie, diffamation et injure, en raison de ces propos.

d. Épisode du 29 mars 2020

d.a. Il ressort des déclarations des parties et des témoignages figurant à la procédure que, pendant le confinement, les époux H______/I______ avaient construit un "téléphérique de fortune" allant de leur jardin jusqu'au balcon des locataires du 2ème étage, dans le but d'échanger des jouets et de distraire leurs enfants. Ce système de poulie avait importuné A______, qui voyait de nombreux objets transiter devant ses fenêtres. Le 29 mars 2020, il avait alors demandé aux enfants [de] H______/I______ de démonter l'installation, en vain, avant de s'adresser aux voisins du 2ème étage, lesquels avaient obtempéré. H______, trouvant cette attitude déplorable, avait sonné à la porte de l'appartement de A______ pour en parler avec lui. La discussion s'était envenimée et d'autres voisins s'étaient joints à la discussion, notamment J______, C______ et G______.

d.b. Selon A______, cinq voire sept personnes se trouvaient alors dans un espace confiné, tantôt sur son palier, tantôt dans la cage d'escalier, et ce sans porter de masque sanitaire ni respecter les distances de sécurité.

d.c. Selon les déclarations de C______ et des témoins J______, I______ et K______, A______ se trouvait sur son palier, en présence de sa compagne. J______, qui vivait au même étage que l'intéressé, demeurait devant sa propre porte, aux côtés de H______. G______ se situait dans les escaliers, entre le 1er et le 2ème étage. I______ était arrivé dans un second temps et était resté entre le rez-de-chaussée et le 1er étage. C______, qui habitait au 3ème étage, avait descendu quelques marches des escaliers d'où elle voyait ce qui se passait au 1er étage. K______ n'avait pas bougé du rez-de-chaussée de sorte qu'elle n'avait rien vu de la scène.

d.d. La main courante déposée le jour-même par A______ relate la non-observation des mesures sanitaires par ses voisins mais ne fait pas la moindre mention d'injure, de menace, de propos raciste ou islamophobe, contrairement à son courrier litigieux envoyé près d'un an plus tard.

d.e. Il ressort en outre du journal de police que H______ a rapporté que durant l'altercation, A______ n'avait eu de cesse d'invectiver ses voisins en vociférant "dégagez, rentrez chez vous".

d.f. Entendu à réitérées reprises sur les accusations portées à l'encontre de C______, A______ a d'abord indiqué qu'il ne l'avait pas directement ciblée : il s'agissait d'une lettre ouverte, destinée à l'ensemble des copropriétaires ainsi qu'à la régie, rédigée sous le coup de l'émotion et exprimant son ressenti. Il ne comprenait pas pourquoi elle se sentait visée, ses propos ne la concernant pas. Confronté au fait que C______ était nommément citée dans le cercle des personnes auxquelles il reprochait d'avoir tenu "des propos racistes et islamophobes", il a expliqué l'avoir englobée sans savoir "qui a [vait] dit quoi". Des allusions avaient été faites quant à ses origines iraniennes, aux terroristes ainsi qu'au fait qu'il soit suisse de confession musulmane, mais il ne pouvait désigner avec certitude leurs auteurs. Elle faisait partie du groupe de voisins impliqués dans l'altercation mais n'avait pas proféré de tels propos.

À l'audience de jugement, il a répété que C______ n'avait rien dit de tel, ni même fait d'allusions à de tels propos. Il a indiqué pour la première fois qu'elle avait lancé sa main en l'air en disant "ces gens-là ne comprennent rien" de façon méprisante et en lui souhaitant, ainsi qu'à sa compagne, une mauvaise journée, admettant cependant que ces propos n'avaient rien de raciste ou d'islamophobe. Au surplus, il n'était pas de langue maternelle française, insistant sur le fait qu'elle n'était, à ses yeux, pas visée par son courrier.

d.g. C______, pour sa part, a contesté avoir tenu des propos racistes ou islamophobes, ou encore fait allusion à la religion de A______, à ses origines iraniennes ou au terrorisme. Elle n'avait d'ailleurs rien entendu de tel lors de l'altercation. Elle a reconnu lui avoir souhaité une mauvaise journée, reprochant son manque de tolérance vis-à-vis des enfants ainsi que sa posture de perpétuelle victime. Au surplus, elle a confirmé que "cela criait et parlait fort".

d.h. J______, I______ et K______, entendus comme témoins lors de l'audience de jugement, ont déclaré ne pas avoir ouï de propos racistes ou islamophobes ce jour-là, a fortiori pas de la part de C______. En particulier, ils n'avaient entendu personne dire à A______ "allez prier votre Dieu". K______ a toutefois indiqué qu'il lui avait semblé avoir entendu J______ parler de religion, sans se souvenir des propos exacts, et I______ dire à A______ d'aller au Diable.

e. Épisode du 31 mars 2020

e.a. A______ a enregistré une main courante le 31 mars 2020, indiquant s'être fait bousculer par C______ à l'entrée de son immeuble. Il lui avait rappelé qu'il fallait respecter la distanciation sociale préconisée dans le cadre des mesures sanitaires, ce à quoi elle lui avait répondu "vous êtes à la masse", sans observer plus de distance.

e.b. Il ressort du journal de police que, le lendemain des faits, C______ a également contacté la police, expliquant avoir croisé la veille A______ dans le hall d'entrée, lequel lui avait crié de "dégager" avant de la bousculer. Elle n'avait pas compris sa réaction et avait été effrayée par son air menaçant. À son tour, ce jour-là, A______ a pris langue avec le même policier afin d'insister sur le fait que c'était bien sa voisine qui avait été agressive et l'avait bousculé, non l'inverse.

e.c. Selon les déclarations de A______, il s'apprêtait à sortir de l'immeuble avec sa compagne lorsqu'il avait croisé C______ dans le hall d'entrée, laquelle souhaitait entrer. Celle-ci avait forcé le passage et s'était frottée contre son dos avec son chien. Il lui avait demandé de garder la distance mais elle n'avait pas écouté, lui répondant qu'il était "complètement à la masse". Dans un second temps, il a précisé qu'elle avait haussé le ton lorsqu'il avait sollicité la priorité pour sortir, variant au surplus quant au déroulement des faits.

f. Autres éléments de procédure

f.a. Sur proposition du MP, il a été décidé qu'une médiation pourrait être mise en œuvre aux conditions préalables que A______ présente des excuses écrites à C______, qu'il les communique aux copropriétaires et à la régie et qu'il participe aux frais de justice de C______. A______ a signé le formulaire idoine le 3 juin 2022, sans toutefois donner suite, ni directement, ni par l'intermédiaire de son conseil, auxdites conditions préalables. Dans cette mesure, C______ n'a pas ratifié l'accord. Lors de l'audience de jugement, il a indiqué qu'il ne souhaitait pas prendre en charge les honoraires du conseil de la partie plaignante, lui rejetant au surplus la faute de l'échec d'un règlement amiable du litige.

f.b. Le 17 décembre 2021, le MP a rendu une ordonnance de non-entrée en matière partielle s'agissant de l'infraction d'injure dénoncée par C______ dans sa plainte du 2 septembre 2021.

f.c. Le 12 avril 2022, A______ a déposé plainte contre C______ pour calomnie, au motif qu'elle l'avait décrit dans sa plainte comme une personne violente et agressive, d'une part, et qu'elle l'avait accusé de prétendues injures qui avaient été classées, d'autre part.

C. a.a. À titre préjudiciel, A______ sollicite l'audition en qualité de témoin de sa compagne et désormais épouse, L______, dès lors qu'elle était présente au moment des faits.

a.b. Après avoir ouï les parties, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a admis la question préjudicielle, précisant qu'elle apprécierait le témoignage au regard du fait que la témoin vivait avec l'appelant depuis le début et qu'elle avait été présente à l'audience de jugement.

b.a. Aux débats d'appel, A______ a déclaré regretter les mots qu'il avait utilisé dans son courriel du 10 juin 2021. Il avait plusieurs litiges pendants avec les autres copropriétaires, de sorte qu'il n'était pas à l'aise de les approcher pour leur faire part de sa rétractation. Une conciliation aurait dû avoir lieu, qui ne s'était finalement pas déroulée. Il n'avait donc jamais eu l'occasion de mettre ses excuses par écrit et, lors de l'audience de jugement, on lui avait dit qu'il était trop tard. Il n'avait pas compris que la mise en œuvre de la médiation était conditionnée à des excuses préalables et à un engagement financier de sa part ; il avait donné son accord écrit et attendu des instructions de son avocat. Il saisissait désormais l'ampleur de ce malentendu. Cela étant, il n'avait pas retiré sa plainte pénale dirigée contre l'intimée, car le MP attendait l'issue de la présente procédure pour statuer.

Il n'avait voulu blesser personne par son courriel ; son intention avait été de faire part de son ressenti au sein de la copropriété et d'expliquer l'accumulation vécue. Pour lui, les phrases "allez prier votre Dieu", "rentrez chez vous", "ces gens-là ne comprennent pas" étaient autant d'allusions au fait qu'il n'était pas chez lui et qu'il n'avait pas sa place ici. Il a répété ne pas savoir qui avait dit quoi le 29 mars 2020, tant la conversation était devenue houleuse ; en tout état, ce n'était pas l'intimée.

Revenant sur les faits du 31 mars 2020, il a répété que C______ avait voulu entrer dans le bâtiment en même temps qu'il en sortait, avec son épouse ; l'intimée l'avait donc bousculé d'un geste de l'épaule pour forcer le passage, en vain. Il ne le lui avait pas cédé, puisqu'il était déjà en train de sortir. C'est à ce moment qu'il lui avait demandé de garder ses distances, ce à quoi elle avait rétorqué qu'il était "complètement à la masse".

b.b. C______ a confirmé ses précédentes déclarations. Elle avait peur de l'appelant qui avait déjà eu des réactions agressives par le passé. Le 31 mars 2020, elle rentrait de promenade lorsqu'elle l'avait aperçu en bas de l'immeuble. Il venait vraisemblablement d'en sortir et son épouse se trouvait à l'extérieur. Elle s'était dit qu'elle souhaitait "juste rentrer" chez elle, raison pour laquelle elle avait poursuivi son chemin. À ce moment précis, l'appelant lui avait hurlé de dégager. Effrayée, elle avait également crié, indiquant vouloir regagner son appartement. Bien qu'il avait la place pour la laisser passer, il avait fait brusquement volte-face et l'avait bousculée. Elle s'était donc hâtée d'ouvrir la porte pour rejoindre son logement rapidement. Bouleversée, elle s'était confiée à G______ qui lui avait conseillé de déposer une main courante à la police, démarche inédite pour elle. Elle n'avait pas relaté ces faits dans sa plainte pénale car celle-ci avait été formée pour diffamation, calomnie et injure.

b.c. Entendue en qualité de témoin, L______ a confirmé avoir lors des faits du 29 mars 2020 entendu dire "allez prier votre Dieu", sans avoir pu identifier l'auteur de ces mots, en raison de la clameur ambiante. Quant à l'intimée, elle avait déclaré "ces gens-là, cela ne sert à rien de leur parler, ils ne comprennent rien", avant de leur souhaiter une mauvaise journée. Avec l'appelant, elle-même lui avait retourné la politesse avant de fermer la porte. Ils avaient été très choqués par cet incident et par tous ces voisins qui intervenaient pour une simple question de jouets.

c.a. Par la voix de son Conseil, A______ persiste dans ses conclusions, précisant solliciter subsidiairement une exemption de peine fondée sur l'art. 52 CP ainsi que la réduction des dépens octroyés à la partie plaignante. Il prend des conclusions en indemnisation de ses frais de défense à hauteur de CHF 8'795.40 pour la procédure de première instance (7h00 x CHF 200.- = CHF 1'400.-) et celle d'appel (13h50 auxquelles s'ajoutent 3h20 de débats, soit 17h10 x CHF 400.- + TVA en 7.7% = CHF 7'395.40).

L'affaire était de peu de gravité et s'expliquait par l'ambiance particulière qui régnait au sein de cette copropriété, sur fond de Covid. L'on ne pouvait pas retenir comme élément à charge le fait qu'il se sentît rejeté par ses voisins : l'email initial auquel il avait répondu était objectivement blessant. En outre, il n'avait pas été le seul à se sentir humilié et inconsidéré des autres copropriétaires. L'appréciation du TP était donc inadmissible en ce qu'il le tenait pour seul responsable de cette situation, ce qui était non seulement erroné, mais également non pertinent pour juger des faits de la cause. Certes, son courrier manquait de précisions et de nuances, mais il n'avait jamais été question de blesser ni d'insulter l'intimée. Il avait simplement listé toutes les occasions où il avait été offensé et celle du 29 mars 2020 avait été particulièrement marquante en ce que tous ses voisins s'étaient précipités sur son palier pour s'immiscer dans un litige qui ne les concernait pas et prononcer des paroles désagréables à son encontre.

Le TP n'avait pas correctement établi les faits puisqu'il ressortait du dossier qu'il avait admis dès le début que l'intimée n'avait proféré aucun propos raciste et/ou islamophobe ; il n'y avait donc aucune divergence dans leurs versions respectives. Par ailleurs, une main courante n'était que l'enregistrement non exhaustif de doléances ; le TP ne pouvait donc partir du principe qu'il n'avait pas fait état des propos qui l'avaient heurté ce jour-là, ce d'autant moins qu'il avait interpellé à réitérées reprises la police et le TP sur le fait qu'il manquait au moins une main courante au dossier. Enfin, le témoignage de K______ confirmait que le thème de la religion avait été abordé, de sorte que la version de l'appelant ne pouvait être d'emblée exclue.

Le TP tenait pour établi qu'il était de nature agressive : or, la plainte pénale de l'intimée ne faisait état ni des prétendues voies de faits du 30 mars 2020, ni de précédents épisodes de violence. De plus, les autres voisins n'avaient pas hésité à intervenir lors de la confrontation du 29 mars 2020, preuve qu'il n'était pas si effrayant. Derechef, le TP l'avait injustement pris en bouc-émissaire.

Enfin, il était rare qu'une médiation dépendît de conditions préalables ; on ne pouvait donc le blâmer de ne pas avoir compris la nuance. En tout état, ce n'était pas parce qu'il ne s'y était pas plié qu'une application de l'art. 173 al. 4 CP devait être exclue.

Ainsi, n'ayant pas eu l'intention de blesser qui que ce soit et en présence de propos conformes à son vécu, il devait être acquitté.

Si par impossible, un verdict de culpabilité s'imposait, l'indemnisation de la partie plaignante devait être drastiquement revue à la baisse, l'activité déployée par postes étant disproportionnée pour un dossier de cette nature, sans compter le fait qu'il n'était pas possible de distinguer le statut des personnes qui avaient travaillé dessus. Le tarif horaire était également trop élevé au regard de ce qui était généralement admis. Cela étant précisé, la CPAR devrait constater que sa faute était légère, qu'il s'était écoulé plus de deux ans et demi depuis les faits et que son casier judiciaire était toujours vierge, document de surcroit indispensable dans le domaine de l'horlogerie. Il n'y avait aucun intérêt public à le condamner à une peine qui risquait de mettre en péril son avenir professionnel, de sorte qu'il devait en être exempté, conformément à l'art. 52 CP.

c.b. Par la voix de son conseil, C______ conclut au rejet de l'appel et à ce que l'appelant soit condamné à lui verser la somme de CHF 30'203.40 (55h45 x CHF 500.- + 7.7% de TVA + CHF 182.- de débours), à titre de dépens.

L'appelant ne faisait preuve d'aucun repentir sincère ; il persistait à ne pas vouloir se rétracter et à se poser en victime. Il tentait vainement de se réfugier derrière son statut de personne étrangère, qui ne maitrisait pas bien les nuances et qui souhaitait pousser un "coup de gueule" ; or, ce n'était en aucun cas un passe-droit pour calomnier et injurier d'autres personnes.

Les conditions préalables de la médiation avaient été clairement énoncées et l'appelant était assisté d'un avocat, nanti de l'intégralité du dossier. À aucun moment, il n'avait entrepris d'assumer ses actes.

L'appelant devait être qualifié de quérulent. Il ne supportait pas la contrariété et n'arrivait pas à gérer sa frustration. Il n'hésitait en effet pas à contester la moindre décision défavorable ou à qualifier ses voisins de racistes.

En ce qui la concernait, aucun propos raciste ou islamophobe ne pouvait lui être reproché. La main courante déposée par l'appelant pour les événements du 29 mars 2020 n'en faisait d'ailleurs pas état. L'appelant tentait de se retrancher derrière une erreur de jugement ou un abus de langage, indiquant ne plus savoir qui avait dit quoi. Cependant, il concluait sans équivoque à la fin de son courrier que tous les copropriétaires étaient racistes, ce qui suffisait à écarter ses explications poussives.

Lors du 31 mars 2020, c'était bien l'appelant qui l'avait bousculée et non l'inverse. Le fait qu'il n'ait posé aucune question à ce sujet à son épouse, lors de l'audition de celle-ci, devait être considéré comme un aveu judiciaire.

De manière générale, elle était plus crédible que l'appelant. Elle n'avait jamais varié dans son discours, contrairement à ce dernier. En outre, aucun témoin n'avait pu confirmer la version de l'appelant qui était, partant, contraire à la vérité. Les éléments constitutifs de l'infraction étaient réalisés et il devait être condamné. Il ne pouvait faire valoir aucune circonstance atténuante. Sa prise de conscience était nulle : pire, il n'avait pas hésité à déposer une contre-plainte et décidé de la maintenir. Il ne comprenait pas que son attitude était inadmissible, de sorte qu'une sanction sévère s'imposait.

Enfin, la note d'honoraires produite était parfaitement justifiée : seul son conseil avait travaillé sur le dossier, en qualité de chef d'Etude. Le tarif horaire pratiqué était celui recommandé par l'Ordre des avocats de Genève. Il n'y avait pas de surfacturation.

d. Le MP a conclu par écrit au rejet de l'appel.

D. A______, ressortissant suisse, est né le ______ 1968 en Iran. Il est marié et sans enfant. Sans emploi durant six ans, il a retrouvé du travail en juin 2022 en qualité d'horloger, auprès de la manufacture de M______ sise à N______ [VD]. Son revenu mensuel brut s'élève à CHF 7'100.-. Il est copropriétaire de l'immeuble sis no. ______, rue 1______, à F______ depuis 2010.

Son casier judiciaire suisse est vierge.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, elle signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1 ; 145 IV 154 consid. 1.1).

2.2.1. L'art. 173 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, ou aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon. Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon le sens qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer. S'agissant d'un texte, il doit être analysé non seulement en fonction des expressions utilisées, prises séparément, mais aussi selon le sens général qui se dégage du texte dans son ensemble (ATF 128 IV 53 consid. 1a).

En vertu de l'art. 173 ch. 2 CP, l'auteur n'encourt cependant aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies.

L'art. 173 ch. 3 CP prévoit que l'auteur n'est pas admis à faire les preuves prévues par l'art. 173 ch. 2 CP, et qu'il est punissable, si ses allégations ont été articulées ou propagées sans égard à l'intérêt public ou sans autre motif suffisant, principalement dans le dessein de dire du mal d'autrui, notamment lorsqu'elles ont trait à la vie privée ou familiale du lésé. 

Les conditions énoncées à l'art. 173 ch. 3 CP doivent être interprétées de manière restrictive. En principe, le prévenu doit être admis à faire les preuves libératoires et ce n'est qu'exceptionnellement que cette possibilité doit lui être refusée. Pour que les preuves libératoires soient exclues, il faut, d'une part, que le prévenu ait tenu les propos attentatoires à l'honneur sans motif suffisant d'intérêt public ou privé et, d'autre part, qu'il ait agi principalement dans le dessein de dire du mal d'autrui. Ces deux conditions doivent être réalisées cumulativement pour refuser les preuves libératoires. Ainsi, le prévenu sera admis aux preuves libératoires s'il a agi pour un motif suffisant (et ce, même s'il a agi principalement pour dire du mal d'autrui) ou s'il n'a pas agi pour dire du mal d'autrui (et ce, même si sa déclaration n'est pas fondée sur un motif suffisant) (ATF 132 IV 112 consid. 3.1 p. 116 ; ATF 116 IV 31 consid. 3 p. 38 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_25/2013 du 4 juin 2013 consid. 1.1.1).

Le juge examine d'office si les conditions de la preuve libératoire sont remplies, mais c'est à l'auteur du comportement attentatoire à l'honneur de décider s'il veut apporter de telles preuves (ATF 137 IV 313 consid. 2.4.2 et 2.4.4).

2.2.2. L’art. 173 CP protège la réputation d'être une personne honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. Il faut donc que l'atteinte fasse apparaître la personne visée comme méprisable (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.1 ; 119 IV 44 consid. 2a). Le comportement délictueux peut consister soit à accuser une personne, c'est-à-dire à affirmer des faits qui la rendent méprisable, soit à jeter sur elle le soupçon au sujet de tels faits, soit encore à propager - même en citant sa source ou en affirmant ne pas y croire - une telle accusation ou un tel soupçon (ATF 117 IV 27 consid. 2c). L'utilisation d'une expression telle que, par exemple, "je considère", de manière à souligner que la personne exprimait ainsi une opinion, n'y change rien, une telle manière d'atténuer l'affirmation n'étant souvent qu'un moyen raffiné d'atteindre à l'honneur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_395/2009 du 20 octobre 2009 consid. 3.2.2 avec référence à l'ATF 102 IV 176 consid. 1b).

Du point de vue subjectif, il suffit que l'auteur ait eu conscience du caractère attentatoire à l'honneur de ses propos et qu'il les ait néanmoins proférés ; il n'est pas nécessaire qu'il ait eu la volonté de blesser la personne visée (ATF 119 IV 44 consid. 2a p. 47 et la jurisprudence citée).

2.2.3. Pour échapper à la sanction pénale, l'accusé de bonne foi doit prouver qu'il a cru à la véracité de ses allégations après avoir fait consciencieusement tout ce que l'on pouvait attendre de lui pour s'assurer de leur exactitude. Pour dire si l'accusé avait des raisons sérieuses de tenir de bonne foi pour vrai ce qu'il a dit, il faut se fonder exclusivement sur les éléments dont il avait connaissance à l'époque de sa déclaration ; il n'est pas question de prendre en compte des moyens de preuve découverts ou des faits survenus postérieurement (ATF 124 IV 149 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_632/2015 du 9 octobre 2015 consid. 1).

Comme pour la preuve de la vérité, l'auteur supporte, s'agissant de la preuve de la bonne foi, le fardeau de la preuve, la charge de la preuve et le risque de la preuve (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ, Commentaire romand, Code pénal II, Bâle 2017, n. 40 ad art. 173).

En lien avec les faits du 29 mars 2020

2.3.1. En l'espèce, il ne peut pas être exclu que des propos désagréables à connotation raciste ou islamophobe ont été proférés à l'occasion de cette altercation. Il est en effet établi que la discussion était particulièrement houleuse et il ressort de deux témoignages que des allusions à la religion ont été faites. On ne saurait toutefois accorder plus de poids à la parole des uns plutôt qu'à celle des autres ; les premiers n'avaient aucune obligation de s'incriminer, et l'épouse de l'appelant, en sus des liens personnels qui la lient à ce dernier, a assisté à l'intégralité des débats de première instance avant d'être entendue en appel. Enfin, la témoin K______ n'a pas pu restituer clairement les propos ouïs, de sorte que son témoignage n'a pas de force probante suffisante. À cela s'ajoute le fait que la main courante déposée par l'appelant après l'altercation ne mentionne ni injure ni propos raciste et/ou islamophobe.

L’appelant admet toutefois que l'intimée n'a personnellement pas tenu de propos racistes et/ou islamophobes, ce qui est confirmé par les témoignages recueillis. Il ne conteste par ailleurs pas que son courriel a été largement diffusé et que ses accusations étaient propres à porter atteinte à l'honneur de cette dernière, puisqu'elle était nommément englobée dans le cercle de ses détracteurs. Le caractère diffamant de ses reproches n'est, à juste titre, pas davantage nié. L'infraction est donc réalisée et il n'y a pas de place pour la preuve de la vérité.

Le dossier ne permet pas d'établir avec certitude le contexte qui a amené l'appelant à diffamer l'intimée. Il a allégué à réitérées reprises qu'il ne savait plus ce qui avait été exactement dit et par qui ; il a donc pris le risque de diffamer tous les voisins cités dans son courrier, et partant l'intimée. Dans ces conditions, l'appelant échoue à apporter la preuve de la bonne foi.

2.3.2. En tout état, l'appelant a procédé sans motif suffisant : son courrier ne répondait à aucun intérêt privé ou public puisque l'incident avait été classé depuis plus d'un an au moment de la diffusion de son courrier.

En lien avec les faits du 31 mars 2020

2.4. L'appelant ne conteste pas que son accusation portée à l'encontre de la partie plaignante était propre à la toucher dans son honneur, en ce qu'il lui prête un comportement agressif constitutif de voies de fait, soit une conduite indigne. Le dossier ne permet pas d'établir qui, de l'intimée ou de l'appelant, a bousculé l'autre. L'appelant échoue ainsi derechef à apporter les preuves libératoires de la vérité ou de la bonne foi.

2.5. Au vu de ce qui précède, l'appel sera rejeté et le verdict de culpabilité du chef diffamation confirmé.

3. 3.1.1. La diffamation est sanctionnée d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus (art. 173 ch. 1 CP).

3.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

3.1.3. L'art. 173 ch. 4 CP permet d'atténuer la peine ou de renoncer à en prononcer une si l'auteur reconnaît la fausseté de ses allégations et les rétracte.

La rétractation est admise lorsque l'auteur reconnaît clairement et sans équivoque la fausseté des faits allégués et manifeste activement un repentir (ATF 112 IV 25 consid. 4). L'auteur doit démontrer par son comportement le désir qu'il a de rétablir la victime dans son honorabilité (ATF 112 IV 25 consid. 2). La simple présentation d'excuses de la part de l'auteur ou le simple retrait des déclarations attentatoires à l'honneur ne suffisent pas (ATF 112 IV 25 consid. 2 et 4). La rétractation doit intervenir sous la même forme et devant le même cercle de personnes que celui qui a eu connaissance des propos attentatoires à l'honneur (arrêt du Tribunal fédéral 6S.518/2001 du 29 novembre 2002 consid. 4.3).

3.1.4. Selon l'art. 52 CP, si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte – conditions cumulatives – sont peu importantes, l'autorité compétente renonce à lui infliger une peine. Si les conditions indiquées à l'art. 52 CP sont réunies, l'exemption par le juge est de nature impérative (ATF 135 IV 130 consid. 5.3.2). Si elles ne sont réalisées qu'en instance de jugement, un verdict de culpabilité est rendu, mais dépourvu de sanction (ATF 135 IV 130 consid. 5.3.2).

L'exemption de peine suppose que l'infraction soit de peu d'importance, tant au regard de la culpabilité de l'auteur que du résultat de l'acte. L'importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification ; il ne s'agit pas d'annuler, par une disposition générale, toutes les peines mineures prévues par la loi (Message concernant la modification du code pénal suisse [dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal] et du code pénal militaire ainsi qu'une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs du 21 septembre 1998, FF 1999 p. 1871). Pour apprécier la culpabilité, il faut tenir compte de tous les éléments pertinents pour la fixation de la peine (ATF 135 IV 130 consid. 5.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_839/2015 du 26 août 2016 consid. 6.1).

3.2.1. En l'espèce, l'appelant a reconnu la fausseté de ses allégations et a présenté à plusieurs reprises des excuses. Cependant, il n'a jamais entrepris activement de rétablir l'intimée dans son honorabilité. Bien qu'il ait accepté le principe d'une médiation et ses conditions préalables, il n'y a donné aucune suite. À cet égard, il ne saurait se retrancher derrière la responsabilité de son avocat, ce d'autant moins qu'outre la médiation, il avait tout le loisir d'adresser sa rétractation écrite par le même canal de diffusion, qui n'impliquait de surcroit aucun coût ni contact physique avec les autres copropriétaires en litige.

Dès lors, l'appelant ne sera pas exempté de peine sur la base de l'art. 173 ch. 4 CP.

3.2.2. La faute de l'appelant n'est pas négligeable. Il n'a pas hésité à jeter le discrédit sur sa voisine, en l'accusant ouvertement auprès de la régie et des autres copropriétaires d'avoir tenu des propos racistes et/ou islamophobes et de l'avoir agressé physiquement.

Il a agi impulsivement, sans peser ses mots ni penser aux conséquences pour l'intimée, sous le coup d'une colère mal-maitrisée.

Sa situation personnelle n'explique ni ne justifie ses agissements.

Si sa collaboration peut être qualifiée de moyenne, sa prise de conscience n'est, en revanche, pas même amorcée, en dépit des excuses présentées. L'appelant persiste à minimiser ses actes, n'hésitant pas à se retrancher derrière la responsabilité de son avocat ou l'existence de litiges avec les autres copropriétaires pour justifier l'absence d'amendement de sa part. En outre, il est allé jusqu'à déposer plainte contre l'intimée et est résolu à la maintenir.

Il ne peut se prévaloir d'aucune circonstance atténuante, ni d'un quelconque motif d'exemption de peine. En particulier, les conditions de l'art. 52 CP ne sont pas réunies. En effet, l'appelant ne perçoit pas en quoi son comportement est problématique. Ainsi, une peine s'impose pour qu'il prenne la mesure de sa faute et comprenne l'importance du respect des règles.

Il n'a pas d'antécédent, facteur neutre sur la peine.

Au vu de ce qui précède et compte tenu de toutes les circonstances, la peine prononcée par le premier juge s'avère trop sévère, raison pour laquelle elle sera ramenée à 60 jours-amende à CHF 50.- l'unité. Le sursis lui est acquis et son délai d'épreuve de trois ans, adéquat, sera confirmé.

4. L'appelant succombe sur l'essentiel de ses conclusions, hormis la question des dépens dus à l'intimé comme développé ci-après (cf. infra ch. 5). De plus, il obtient partiellement gain de cause puisque sa peine est atténuée, bien qu'aucun argument n'ait été plaidé dans ce sens. Il supportera donc les deux tiers des frais de la procédure d'appel envers l'État, lesquels comprendront un émolument d'arrêt de CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP ; art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]). Il en ira de même de l'émolument complémentaire de jugement, fixé par le premier juge à CHF 1'000.-. Le solde sera laissé à la charge de l'État.

Il n'y a sinon pas lieu de revoir la répartition des frais de première instance.

5. 5.1.1. L'art. 433 al. 1 let. a CPP permet à la partie plaignante de demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu'elle obtient gain de cause.

La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante dans la procédure pénale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_549/2015 du 16 mars 2016 consid. 2.3 in SJ 2017 I 37).

5.1.2. Les honoraires d'avocat se calculent selon le tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule (arrêt du Tribunal fédéral 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3). Bien que le canton de Genève ne connaisse pas de tarif officiel des avocats, il n'en a pas moins posé, à l'art. 34 de la loi sur la profession d'avocat (LPAv), les principes généraux devant présider à la fixation des honoraires, qui doivent en particulier être arrêtés compte tenu du travail effectué, de la complexité et de l'importance de l'affaire, de la responsabilité assumée, du résultat obtenu et de la situation du client. Sur cette base, la Cour de justice retient en principe un tarif horaire entre CHF 400.- et CHF 450.- pour un chef d'étude (arrêt de la Cour de justice AARP/38/2018 du 26 janvier 2018 consid. 7).

5.2. En l'espèce, l'intimée a obtenu la condamnation de l'appelant en première instance et en appel, si bien que le principe de l'indemnisation de ses dépenses obligatoires lui est acquis. Le premier juge a réduit les 35 heures et 25 minutes facturées réclamées pour la procédure préliminaire et de première instance à 24 heures et 45 minutes. Faute d’appel joint de la partie plaignante, c’est cette indemnité qui forme l’objet de l’appel. Considérant la complexité relative de l'affaire et la nature de la cause, l'activité de correspondance déployée est disproportionnée par rapport à ce que commandait l'évolution de la procédure, de même que le temps consacré à la préparation des audiences, et la réduction opérée par le premier juge adéquate. L’appelant échoue toutefois à démontrer (il ne s’y est pas du tout attaché) qu’une réduction plus importante s’imposerait.

L’activité pour la procédure d’appel, soit plus de 20 heures alors que le dossier était connu pour avoir été plaidé quelques mois plus tôt en première instance, apparaît également démesurée.

Par voie de comparaison, l'appelant a sollicité l'indemnisation de sept heures d'activité d'avocat-stagiaire pour la première instance, étant précisé qu'il n’était pas assisté d’un conseil à l'audience de jugement, et de 13 heures et 50 minutes d'activité d'associée pour la seconde instance, hors débats d'appel (3h20), étant précisé que son avocate a dû prendre connaissance de l'intégralité du dossier.

En conséquence, l'activité globale pour la procédure préliminaire, les débats de première instance et d’appel, sera réduite ex aequo et bono à 30 heures d’activité de chef d'étude, étant précisé que le tarif horaire sera également ramené à CHF 450.-, conformément à la pratique de la Cour. L'indemnité pour les dépenses nécessaires de l'intimée, pour l’ensemble de la procédure, sera ainsi arrêtée à CHF 14'721.50, comprenant CHF 182.- de débours et CHF 1'039.50 de TVA au taux de 7.7%.

6. 6.1.1. Selon l'art. 436 al. 2 CPP, si ni un acquittement total ou partiel, ni un classement de la procédure ne sont prononcés mais que le prévenu obtient gain de cause sur d’autres points, il a droit à une juste indemnité pour ses dépenses.

6.1.2. L'art. 429 al. 3 CPP, auquel renvoie l'art. 436 al. 1 CPP, prévoit que lorsque le prévenu a chargé un défenseur privé de sa défense, celui-ci a un droit exclusif à l’indemnité prévue à l’al. 1, let. a, sous réserve de règlement de compte avec son client. Le défenseur peut contester la décision fixant l’indemnité en usant des voies de droit autorisées pour attaquer la décision finale (art. 429 al. 3 CPP).

6.1.3. La question de l'indemnisation doit être traitée après celle des frais. Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2). Lorsque la condamnation aux frais n'est que partielle, la réduction de l'indemnité devrait s'opérer dans la même mesure (arrêts du Tribunal fédéral 6B_548/2018 du 18 juillet 2018 consid. 1.1.2 ; 6B_1238/2017 du 12 avril 2018 consid. 2.1).

6.2. En l'espèce, à l'instar de ce qui vaut pour la répartition des frais, aucune indemnité n'est due pour la procédure préliminaire et de première instance.

En revanche, pour l'appel, l'appelant sera indemnisé à hauteur de CHF 2'465.15, correspondant au tiers de ses prétentions (17h10 x CHF 400.- + la TVA en 7,7% x 1/3).

Cette indemnité sera allouée en son nom et compensée, à due concurrence, avec les frais mis à sa charge (art. 442 al. 4 CPP). En effet, dans la mesure où l'appelant a conclu, à la veille de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions du CPP, à l'allocation à titre personnel de cette indemnité, la Cour en déduit que son avocate ne souhaitait pas se prévaloir de l'application de l'art. 429 al. 3 ab initio CPP.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/783/2023 rendu le 14 juin 2023 par le tribunal de police dans la procédure P/23495/2021.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de diffamation (art. 173 ch. 1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 50.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à verser à C______ la somme de CHF 14'721.50, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance en CHF 1'836.65, incluant les deux tiers de l'émolument complémentaire de jugement, et laisse le solde de ces frais à la charge de l’État.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'865.-, comprenant un émolument d'arrêt de CHF 1'500.-.

Met 2/3 de ces frais, soit CHF 1'243.35, à la charge de A______ et laisse le solde de ces frais à la charge de l'État.

Rejette les conclusions de A______ en indemnisation pour la procédure préliminaire et de première instance (art. 429 CPP).

Alloue à A______ une indemnité de CHF 2'465.15 pour ses frais de défense en appel (art. 429 et 436 CPP).

Compense à due concurrence la créance de l'État portant sur les frais de la procédure avec l'indemnité accordée (art. 442 al. 4 CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

2'170.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

180.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

110.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'865.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

4'035.00