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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/3858/2021

AARP/170/2023 du 12.05.2023 sur JTDP/1121/2022 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : VIOLATION DES DEVOIRS EN CAS D'ACCIDENT;SOUSTRACTION À LA PRISE DE SANG
Normes : LCR.91a.al1; LCR.90.al1; LCR.92.al1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3858/2021 AARP/170/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 5 mai 2023

 

Entre

A______, domicilié c/o M. B______, ______, comparant par Me Andreas DEKANY, avocat, SWDS Avocats, rue du Conseil-Général 4, case postale 412, 1211 Genève 4,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1121/2022 rendu le 14 septembre 2022 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 14 septembre 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière [LCR]), de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR), de violation des obligations en cas d'accident (art. 92 al. 1 LCR) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 20.- l'unité, assortie du sursis durant trois ans, à deux amendes de CHF 400.-, respectivement CHF 1'000.-, ainsi qu'aux frais de la procédure arrêtés à CHF 900.-.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement sous suite de frais et dépens.

b. Selon l'ordonnance pénale du 25 novembre 2021, il est reproché à A______ d'avoir, à Genève, le 4 janvier 2021, aux alentours de 22h40, à la rue du Midi, en direction de la rue Louis-Favre, au volant de son véhicule automobile :

- heurté un véhicule automobile correctement stationné, causant ainsi des dégâts matériels ;

- consécutivement à l'accident, quitté les lieux sans remplir ses devoirs en cas d'accident avec dégâts matériels, se dérobant ainsi aux mesures permettant de déterminer son incapacité de conduire, et ce alors qu'il ne pouvait ignorer, au vu des circonstances, que ces mesures auraient été diligentées au moment même où les autorités se seraient rendues sur place.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Le 4 janvier 2021 à 22h40, un accident avec dégâts matériels est survenu à la rue du Midi. À l'arrivée de la police, l'auteur de l'accident s'était déjà enfui. La plaque d'immatriculation appartenant à un véhicule de la marque C______, dont A______ était le détenteur, a toutefois été retrouvée sur les lieux.

a.b. Selon les constatations policières, le véhicule de A______ circulait sur la rue du Midi en direction de la rue Louis-Favre, lorsque, arrivé à hauteur du n° ______, l'avant-droit de celui-ci a embouti l'arrière d'un véhicule [de l'entreprise] D______, stationné correctement en épi, lui endommageant le phare arrière-gauche ainsi que le pare-chocs. E______ et F______, témoins de l'accident, n'ont pas été en mesure d'identifier le conducteur du véhicule impliqué, lequel avait ensuite percuté les bornes métalliques de la sortie du parking souterrain à hauteur du n° ______, quittant les lieux sans signaler les accidents. Un croquis figure au dossier.

b.a. À la police, A______ a déclaré que, le 4 janvier 2021, il avait débuté sa soirée au "skate park" de G______ aux alentours de 16h00 ou 17h00, puis avait eu un "black-out" jusqu'au lendemain vers 11h00. Il ne se souvenait ainsi de rien, expliquant être bipolaire et avoir déjà été sujet à des crises au terme desquelles une partie de sa mémoire n'était pas claire. Il a confirmé être le détenteur du véhicule C______ et en avoir été le seul conducteur durant les deux ou trois semaines précédant les faits. Pour le démarrer, il devait utiliser le grand tournevis de son couteau suisse, dès lors que la clé s'était cassée dans le cylindre. Il était ainsi très facile de le démarrer, étant précisé que ledit véhicule avait déjà fait l'objet de nombreux vols. À sa connaissance, personne n'était toutefois au courant de cette faille. Le 7 janvier 2021, la police municipale de H______ l'avait contacté, sa voiture étant mal stationnée. S'apercevant qu'elle était accidentée, notamment à son avant, il avait demandé à son garagiste de la récupérer pour contrôle. Le jour des faits, il n'avait pas consommé d'alcool avant 16h00. Il prenait des médicaments pour ses troubles bipolaires, lesquels ne l'empêchaient pas de conduire. Il avait toutefois convenu avec son psychiatre de ne pas prendre la voiture lorsqu'il était trop "down". Il n'avait jamais eu de problème au volant.

b.b. Devant le MP, A______ a précisé ne pas avoir pour habitude de prêter son véhicule à des tiers, excluant l'avoir fait le soir des faits. Lorsqu'il était revenu chercher son véhicule au "skate park" le lendemain, celui-ci ne s'y trouvait plus. Il n'avait pas déposé plainte pénale pour vol car il ne savait pas ce qui s'était passé, d'une part, et avait eu quelques soucis de santé, d'autre part. Il avait cependant continué à le chercher sans le signaler, concédant que son attitude n'avait pas été très logique. Le soir des faits, il avait peut-être consommé de l'alcool, ce qu'il ne pouvait confirmer vu son amnésie. En outre, il prenait quotidiennement son traitement, qui n'altérait pas ses capacités sensorielles mais avait pour but de les stabiliser.

c. Aux termes des deux certificats médicaux établis par la Dresse I______, A______ présente un trouble schizo-affectif de type bipolaire ainsi qu'un trouble de déficit de l'attention-hyperactivité.

Le 8 janvier 2021, elle l'avait reçu à sa demande, alors qu'il était angoissé par une convocation à la police. Il lui avait indiqué avoir fait un "black-out" dans la nuit du 4 au 5 janvier 2021 et n'avoir aucun souvenir. Selon les dires de son patient, celui-ci aurait baissé progressivement la posologie de ses traitements psychotropes avant le "black-out", jusqu'à un arrêt total durant deux à trois semaines, de sorte qu'il aurait présenté une humeur fluctuante qu'il serait parvenu à maîtriser.

Selon la médecin, A______ était tendu et angoissé lors de l'entretien, mais ne présentait aucun autre signe de décompensation thymique ou psychotique. À sa connaissance, il n'y avait pas de lien formel entre les "black-out" de longue durée et le trouble schizo-affectif de type bipolaire. Enfin, le traitement de son patient pouvait entraîner une certaine somnolence, sans toutefois formellement contre-indiquer la conduite automobile ; une vigilance accrue était néanmoins de mise.

d. Devant le TP, A______ a confirmé ne pouvoir exclure qu'une tierce personne ait conduit son véhicule le jour des faits. Il avait déjà eu de petits accrochages par le passé et n'avait pas pour habitude de prendre la fuite. Selon lui, personne hormis sa compagne, qui n'avait aucune raison de lui vouloir du mal et ne savait pas conduire, ne savait que son véhicule pouvait être facilement démarré au moyen d'un tournevis. Il n'a pas été en mesure d'indiquer comment il s'était senti à son arrivée au "skate park" le jour des faits ; c'était la première fois qu'il faisait un "black out", raison pour laquelle il était très nerveux. Enfin, il a concédé trouver étrange de n'avoir pas déposé plainte pour vol alors qu'il ne trouvait pas sa voiture. Cependant, il lui était déjà arrivé de la chercher durant dix jours, d'une part, et il prenait beaucoup de médicaments à l'époque, de sorte qu'il prenait sur lui lorsqu'un incident survenait, d'autre part. Lors des faits, il prenait quatre types de médicaments, tandis qu'il n'en prenait que deux à ce jour.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

Les faits n'avaient jamais été établis à satisfaction de droit. Aucun témoin n'avait été auditionné et aucune plainte pénale déposée. Rien ne prouvait que sa voiture avait percuté le véhicule [de l'entreprise] D______, pour peu que ce dernier se trouvât effectivement sur les lieux, d'une part, et qu'il fût stationné correctement, d'autre part. Par ailleurs, les prétendus dégâts matériels n'étaient en aucun cas décrits et encore moins prouvés. Lui-même n'avait pas été identifié. Enfin, la réalisation des éléments constitutifs objectifs des infractions n'avait pas été démontrée. Partant, il devait être acquitté.

Il conclut à une indemnité en CHF 4'756.65 pour ses frais de défense.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel, frais à charge de l'appelant.

Il n'y avait aucune raison de remettre en question le rapport de renseignements, lequel avait été rédigé par un agent assermenté. De plus, il ressortait du dossier que la plaque d'immatriculation de l'appelant avait été retrouvée sur les lieux de l'accident, sans que celui-ci ne pût donner d'explications plausibles à ce sujet. Les dégâts du véhicule lésé étaient bien décrits dans ledit rapport et le prévenu ne contestait pas que sa propre voiture avait été endommagée. Il était par ailleurs la seule personne à l'avoir conduite, ne l'ayant prêtée à personne. Il n'avait pas non plus déposé de plainte pour le prétendu vol de son véhicule. Enfin, aux dires de son médecin, il n'y avait aucun lien formel entre les "black-out" allégués et le trouble schizo-affectif de type bipolaire dont il souffrait.

d. Le TP se réfère intégralement à son jugement.

D. A______, ressortissant suisse, né le ______ 1981, est célibataire et sans enfant. Il perçoit une rente mensuelle de l'assurance-invalidité en CHF 1'800.- ainsi que des allocations à hauteur de CHF 490.-. Son assurance-maladie s'élève à CHF 669.55. Il vit gratuitement chez son frère. Il souffre de troubles bipolaires. À l'avenir, il souhaiterait diminuer son taux à l'assurance-invalidité et recommencer à travailler dans la sécurité.

Il n'a aucun antécédent en Suisse et indique ne pas en avoir à l'étranger.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve.

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3).

2.2.1. Selon l'art. 90 al. 1 LCR, celui qui aura violé les règles de la circulation fixées par ladite loi ou par les prescriptions d'exécution émanant du Conseil fédéral sera puni de l'amende. L'art. 26 al. 1 LCR dispose que chacun doit se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies. Selon l'art. 31 LCR, le conducteur devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence.

2.3.1. D'après l'art. 92 al. 1 LCR, celui qui, lors d'un accident, aura violé les devoirs que lui impose la loi sur la circulation routière sera puni de l'amende. L'art. 51 al. 1 LCR fait notamment obligation aux personnes impliquées dans un accident de s'arrêter immédiatement. Si l'accident n'a causé que des dommages matériels, leur auteur en avertira tout de suite le lésé en indiquant son nom et son adresse, et en cas d'impossibilité, il en informera sans délai la police (al. 3).

2.3.2. La violation des devoirs en cas d'accident est punissable tant intentionnellement que par négligence (art. 100 al. 1 LCR ; A. BUSSY / B. RUSCONI / Y. JEANNERET / A. KUHN / C. MIZEL / CH. MÜLLER, Code suisse de la circulation routière : commentaire, 4e éd., Lausanne 2015, n. 1.2 ad art. 92). S'agissant d'un délit d'omission pur, la distinction entre intention, dol éventuel, négligence et absence de culpabilité portera sur la conscience qu'a ou qu'aurait pu et/ou dû avoir l'auteur de la situation qui crée des devoirs à sa charge. Ainsi, viole intentionnellement ses devoirs en cas d'accident le conducteur qui a conscience de se trouver dans une situation d'accident et décide librement de ne pas satisfaire aux devoirs que lui impose la loi dans de telles circonstances. La négligence découlera d'une imperfection non excusable dans la conscience de l'auteur de l'existence des circonstances propres à engendrer des devoirs (Y. JEANNERET, Les dispositions pénales de la loi sur la circulation routière, Berne 2007, n. 131-134 ad art. 92). L'auteur doit tout au moins s'être rendu compte ou avoir dû se rendre compte qu'il y avait eu des dégâts. La personne impliquée ne peut se dispenser d'un avis au lésé ou à la police que si elle est certaine de n'avoir causé aucun dommage (BUSSY et. al., op. cit., n. 3.5 ad art. 51).

2.4.1. Aux termes de l'art. 91a al. 1 LCR, est punissable quiconque, en qualité de conducteur d'un véhicule automobile, s'oppose ou se dérobe intentionnellement à une prise de sang, à un contrôle au moyen de l'éthylomètre ou à un autre examen préliminaire réglementé par le Conseil fédéral, qui a été ordonné ou dont le conducteur devait supposer qu'il le serait, ou quiconque s'oppose ou se dérobe intentionnellement à un examen médical complémentaire ou fait en sorte que des mesures de ce genre ne puissent atteindre leur but.

La dérobade visée par cette disposition est circonscrite à la violation des règles de comportement prescrites afin d'élucider les causes de l'accident et ainsi, le cas échéant, à déterminer l'état du conducteur (ATF 126 IV 53 consid. 2a). En effet, ce n'est qu'en cas d'accident, où des éclaircissements sur le déroulement des événements s'avèrent nécessaires, que l'on peut dire que le conducteur devait s'attendre avec une haute vraisemblance à ce qu'une mesure visant à établir son alcoolémie soit ordonnée (ATF 126 IV 53 consid. 2a ; 142 IV 324 consid. 1.1.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_801/2014 du 2 décembre 2014 consid. 3.1 ; 6B_17/2012 du 30 avril 2012 consid. 3.2.1 et 6B_168/2009 du 19 mai 2009 consid. 1.2).

Les éléments constitutifs de la dérobade sont ainsi au nombre de deux : (1) l'auteur doit violer une obligation d'aviser la police en cas d'accident, alors que cette annonce est destinée à l'établissement des circonstances de l'accident et est concrètement possible ; (2) l'ordre de se soumettre à une mesure d'investigation de l'état d'incapacité de conduire doit apparaître objectivement comme hautement vraisemblable au vu des circonstances. Déterminer cette vraisemblance est fonction des circonstances concrètes. Celles-ci ont trait d'une part à l'accident, sa gravité ainsi que la manière dont il s'est déroulé, et d'autre part à l'état et au comportement du conducteur tant avant l'accident qu'après celui-ci, jusqu'au dernier moment où l'annonce aurait pu être faite (arrêt du Tribunal fédéral 6B_17/2012 du 30 avril 2012 consid. 3.2). Ainsi, il faut analyser l'ensemble des circonstances concrètes de nature à amener un policier attentif à soupçonner que l'usager de la route était dans l'incapacité de conduire. Constituent notamment de tels indices les activités de l'auteur avant l'accident (participation à une fête, consommation d'alcool), voire même ses antécédents routiers. En l'absence de signes d'ivresse et de dégâts importants, les circonstances de l'accident tiennent un rôle déterminant pour apprécier la haute vraisemblance de la prise de sang, respectivement du contrôle au moyen de l'éthylomètre, car en pareil cas, plus l'accident peut s'expliquer par des circonstances indépendantes du conducteur – conditions climatiques, configuration des lieux –, moins on saurait conclure à une haute vraisemblance (arrêt du Tribunal fédéral 6B_927/2014 du 16 janvier 2015 consid. 2.1).

Conformément à l'art. 55 al. 1 LCR, les conducteurs de véhicules, de même que les autres usagers de la route impliqués dans un accident peuvent être soumis à un alcootest. Depuis l'entrée en vigueur de cette disposition le 1er janvier 2005, il est possible d'ordonner une telle investigation même en l'absence de tout soupçon préalable. Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2008, l'art. 10 al. 1 de l'ordonnance sur le contrôle de la circulation routière du 28 mars 2007 (OCCR) permet à la police de procéder de manière systématique à des tests préliminaires pour déterminer s'il y a eu consommation d'alcool. En considération de cette évolution législative, il y a de manière générale lieu de s'attendre à un contrôle de l'alcoolémie en cas d'accident, sous réserve que celui-ci soit indubitablement imputable à une cause totalement indépendante du conducteur (ATF 142 IV 324 consid. 1.1.2 et 1.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_730/2019 du 9 août 2019 consid. 2.1).

2.4.2. Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (arrêts du Tribunal fédéral 6B_158/2019 du 12 mars 2019 consid. 1.1.1 ; 6B_384/2015 du 7 décembre 2015 consid. 5.3). Tel est le cas lorsque le conducteur connaissait les faits fondant son obligation d'avertir la police et la haute vraisemblance de l'ordre de prise de sang et que l'omission de l'annonce à la police qui était sans autre possible – ne peut raisonnablement s'expliquer que par l'acceptation du risque d'une entrave à la prise de sang (ATF 131 IV 36 consid. 2.2).

2.5. En l'espèce, il ressort du dossier que la voiture de l'appelant a été aperçue lorsqu'il a percuté l'arrière du véhicule stationné en face du n° ______ de la rue du Midi, ainsi que les barrières du parking souterrain à hauteur du n° ______, là où précisément sa plaque d'immatriculation a été retrouvée. Les deux témoins présents ont néanmoins été incapables de distinguer le conducteur. Selon le rapport de renseignements, établi par un agent assermenté, le phare arrière-gauche ainsi que le pare-chocs du véhicule correctement stationné en épi ont été endommagés dans l'accident. Il n'est pas non plus contesté que le propre véhicule de l'appelant a été accidenté en son avant-droit, ce qui coïncide avec la reconstruction figurant au dossier. Au vu de ces éléments, il est établi que la voiture de l'appelant est impliquée dans l'accident du 4 janvier 2021.

La thèse du vol d'usage avancée par l'appelant n'emporte guère conviction. Celui-ci a admis avoir été l'unique conducteur de son véhicule et être le seul, hormis sa compagne qui ne conduit pas, à connaître la possibilité de le démarrer au moyen d'un simple tournevis. L'appelant est également peu crédible lorsqu'il indique ne pas avoir signalé la disparition de sa voiture alors qu'il ne la retrouvait plus à l'endroit où il l'avait laissée, préférant ainsi la chercher par ses propres moyens durant plusieurs jours. Par ailleurs, si son véhicule avait véritablement fait l'objet de plusieurs vols par le passé, il est pour le moins surprenant que l'appelant n'ait pas fait réparer le contact plus tôt, ce d'autant plus qu'il n'a pas hésité à l'amener chez son garagiste après l'avoir retrouvé accidenté.

Enfin, il est attesté médicalement qu'il n'y a aucun lien entre le "black-out" allégué et les troubles bipolaires dont il souffre, ce qui dément l'explication donnée à propos des crises dont il aurait déjà souffert, au terme desquelles "une partie de sa mémoire n'était pas claire". L'appelant s'est par ailleurs contredit à plusieurs reprises au sujet de sa médication. Ainsi, devant les autorités pénales, il a toujours affirmé avoir rigoureusement suivi son traitement, soulignant qu'à l'époque des faits la posologie était plus élevée qu'à ce jour. En revanche, il a rapporté à sa thérapeute l'avoir progressivement, de son propre chef, diminué jusqu'à l'interrompre totalement. Enfin, il ressort des "time-sheet" produits que l'appelant s'est entretenu avec son avocat le 7 janvier 2021, tandis que son audition à la police ainsi que son rendez-vous médical – fixé à sa demande – avaient lieu le lendemain, soit trois, respectivement quatre jours après l'accident, chronologie pour le moins troublante. Au vu de ces éléments, tout porte à croire que son amnésie n'était que de circonstance.

Au vu de ce qui précède, la Cour a l'intime conviction que l'appelant était bel et bien au volant de son véhicule au moment de l'accident, ce dont il n'a pu que se rendre compte, et qu'il a volontairement quitté les lieux pour se soustraire à ses devoirs et responsabilité. En effet, il ne pouvait ignorer qu'il était en tort, dès lors qu'il est entré en collision avec un véhicule correctement stationné, ainsi qu'avec des barrières tout aussi immobiles. L'accident s'étant produit tard dans la soirée, d'une part, et au vu des circonstances inexpliquées de l'accrochage et de la perte de maîtrise du véhicule survenue en deux points de chocs distincts, d'autre part, un contrôle d'alcoolémie était hautement vraisemblable et l'appelant devait s'y attendre. Il sera encore relevé que ce dernier, pour faire bonne mesure, a indiqué avoir possiblement consommé de l'alcool le jour des faits mais ne pas s'en rappeler, se retranchant derrière l'amnésie alléguée.

Pour ces motifs, l'appelant sera reconnu coupable de violation simple des règles de la circulation routière, d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire et de violation des obligations en cas d'accident. Partant, l'appel sera rejeté et le jugement confirmé.

3. 3.1. L'auteur d'une infraction à l'art. 91a LCR est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. La sanction d'une infraction aux art. 90 al. 1 LCR et 92 LCR est l'amende.

3.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1).

3.3. La peine pécuniaire ne peut excéder 180 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (art. 34 al. 1 CP). Un jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus. Exceptionnellement, si la situation personnelle et économique de l'auteur l'exige, il peut être réduit à CHF 10.-. Le juge en arrête le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

3.4. En l'espèce, la faute de l'appelant n'est pas mineure. Son mobile n'est pas particulièrement honorable, puisqu'il a agi avec désinvolture et dans le but de se soustraire à ses responsabilités, ce qui dénote un certain mépris pour les dispositions légales en vigueur.

Au stade de l'appel, sa collaboration doit être qualifiée de médiocre, de même que sa prise de conscience, dès lors qu'il persiste à se retrancher derrière sa théorie du vol d'usage ainsi que son amnésie de circonstance.

Son absence d'antécédents est un facteur neutre dans la fixation de la peine.

Sa situation personnelle ne justifie en aucun cas ses actes.

L'appelant ne conteste pas, à juste titre, au-delà de l'acquittement plaidé, la quotité de la peine pécuniaire de 100 jours-amende, qui sanctionne adéquatement l'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire et sera, partant, confirmée. Il en ira de même du montant du jour-amende, fixé à CHF 20.- par le premier juge.

Le sursis prononcé est acquis à l'appelant (art. 42 al. 1 CP). Le délai d'épreuve, arrêté à trois ans, n'est pas critiquable.

L'amende de CHF 400.- au titre de sanction immédiate et celle de CHF 1'000.- réprimant les contraventions seront également confirmées.

4. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure d'appel, lesquels comprennent un émolument de jugement de CHF 1'000.- (art. 428 CPP).

Il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de première instance.

5. Vu l'issue de la procédure, l'appelant sera débouté de ses conclusions en indemnisation (art. 429 CPP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1121/2022 rendu le 14 septembre 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/3858/2021.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'190.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.-.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR), de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR) et de violation des obligations en cas d'accident (art. 92 al. 1 LCR).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 100 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 20.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 400.- (art. 42 al. 4 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 4 jours.

Condamne A______ à une amende de CHF 1'000.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 10 jours.

Dit que les peines privatives de liberté de substitution seront mises à exécution si, de manière fautive, les amendes ne sont pas payées.

Condamne A______ aux frais de la procédure, arrêtés à CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

( )

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Met cet émolument complémentaire à la charge de A______."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l'Office cantonal des véhicules.

 

Le greffier :

Alexandre DA COSTA

 

La présidente :

Catherine GAVIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'356.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

40.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'190.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

1'356.00