Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

1 resultats
P/22856/2020

AARP/113/2023 du 04.04.2023 sur JTDP/613/2022 ( PENAL ) , ADMIS

Descripteurs : ACQUITTEMENT
Normes : LEI.116.al1.leta; LEI.17.al1; CEDH.8.par1; LEI.42.al1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22856/2020 AARP/113/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 28 mars 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par Me H______, avocat,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/613/2022 rendu le 1er juin 2022 par le Tribunal de police,

 

et


LE MINISTÈRE PUBLIC
de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A.           a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 1er juin 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a acquittée d'incitation au séjour illégal pour les faits visés sous le 2ème tiret de l'ordonnance pénale (art. 116 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration [LEI]), mais l'a reconnue coupable de cette infraction pour les faits visés sous le 1er tiret de l'ordonnance pénale (art. 116 al. 1 let. a LEI), et l'a condamnée à une peine pécuniaire de dix jours-amende à CHF 10.- l'unité, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans). Les frais de la procédure, qui se sont élevés à CHF 1'100.-, émolument complémentaire de jugement compris, ont été mis à sa charge.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à son acquittement d'incitation au séjour illégal pour les faits visés sous le 1er tiret de l'ordonnance pénale, à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'État et à ce qu'il soit fait bon accueil à ses conclusions en indemnisation. Subsidiairement, en cas de condamnation, elle conclut au prononcé d'une amende, frais à la charge de l'État.

b. Selon l'ordonnance pénale du 25 février 2021, il lui est encore reproché ce qui suit :

À tout le moins entre le 3 avril 2019, lendemain de la fin du délai accordé à son compagnon, B______, ressortissant du Nigéria, par le Service des migrations du canton de Berne pour quitter la Suisse, et le 25 octobre 2019, date à laquelle ce dernier a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour, elle a mis à réitérées reprises son appartement, sis chemin 1______ no. ______ à C______ [GE], à sa disposition, alors qu'il ne disposait pas des autorisations nécessaires pour séjourner en Suisse, facilitant de la sorte son séjour illégal.

c. Il lui était également reproché une infraction à l'art. 116 al. 1 let. a LEI pour avoir, entre une date indéterminée et le 13 août 2020, date à laquelle D______, ressortissant albanais et dépourvu des autorisations nécessaires pour séjourner en Suisse, a été interpellé par la police, hébergé ce dernier dans son appartement de C______, facilitant de la sorte son séjour illégal, faits pour lesquels elle a été acquittée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Le 18 mars 2019, A______, ressortissante suisse, et B______, ressortissant nigérian, ont déposé une demande en vue de leur mariage auprès de l'Arrondissement de l'état civil à G______ [BE], au lieu de domicile de ce dernier.

a.b. Le 18 avril 2019, l'Arrondissement de l'état civil [de G______] constatant que le séjour de B______ était irrégulier, ce dernier étant dépourvu d'autorisation, lui a fixé un délai au 17 juin 2019 afin de produire une preuve de la légalité de son séjour. À défaut, la demande en vue du mariage serait rejetée.

a.c. Le 4 juillet 2019, le même arrondissement a rejeté la demande en vue du mariage. Une dénonciation visant le séjour illégal a également été adressée au Ministère public du Jura bernois.

a.d. Les investigations entreprises par les autorités bernoises ont permis d'établir que B______ avait logé chez son cousin E______, au numéro no. ______ de la rue 2______ à G______. La police s'y était rendue, mais les deux précités ne vivaient plus à cette adresse. La gérance immobilière F______ avait indiqué que l'appartement avait été remis le 30 juin 2019 par E______, alors qu'elle n'avait pas connaissance de la nouvelle adresse de B______. Il avait, par la suite, pu être établi que ce dernier logeait au domicile de A______, au chemin 1______ no. ______ à C______, à tout le moins depuis le 27 juin 2019, date à laquelle l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) avait établi une attestation de résidence le concernant.

b.a. Le 22 mai 2019, le Service des habitants et services spéciaux de G______ a transmis à l'OCPM la demande déposée par B______ le 14 avril 2019 visant à obtenir une attestation de tolérance en vue du mariage.

Par ce même courrier, l'OCPM a également été informé des récentes évolutions de la situation administrative de B______ ; le 16 mai 2017, le Service des migrations du canton de Berne avait refusé de prolonger l'autorisation de séjour de B______. Ce dernier avait alors recouru contre cette décision. Le 9 juillet 2018, la Direction de la police et des affaires militaires du canton de Berne avait rejeté le recours. Par jugement du 18 février 2019, le Tribunal administratif du canton de Berne avait finalement déclaré le recours irrecevable et fixé le délai de départ de la Suisse au 2 avril 2019.

b.b. Le 30 septembre 2019, la police genevoise, chargée d'exécuter une demande d'entraide de son homologue du canton de Berne, a reçu divers documents, dont :

- un courrier de l'Office de la population et des migrations du canton de Berne datant du 7 mars 2019, dans lequel il est indiqué que l'autorisation de séjour de B______ était valable jusqu'au 18 mars 2019 ;

- le formulaire "Demande en vue du mariage", rempli par A______ et B______ le 18 mars 2019 en vue de célébrer leur mariage à G______ ;

- un courrier de l'Arrondissement de l'état civil [de G______] datant du 18 avril 2019 impartissant à A______ et B______ un délai au 17 juin 2019 pour produire un titre de séjour valable pour B______ ;

- un courrier du même arrondissement du 4 juillet 2019 dénonçant au Ministère public le séjour non conforme de B______. Il est indiqué que la procédure de renouvellement concernant le titre de séjour était en suspens au Tribunal administratif du canton de Berne et que le Service des migrations du canton de Berne avait confirmé l'illégalité du séjour.

c.a. Le 24 septembre 2020, à la police, A______ a déclaré avoir rencontré B______ en fin d'année 2018 lors d'une fête à Berne. Ils avaient ensuite entamé une relation à distance et se voyaient une fois par semaine. En mars 2019, elle était tombée enceinte et ils avaient décidé de se marier. Ils avaient d'abord déposé une demande en vue de leur mariage à G______, car ils souhaitaient s'y établir. B______ lui avait fait part "des problèmes de papiers" qu'il avait rencontré, mais comme tous les documents étaient en allemand, elle n'en avait pas compris leur teneur. Elle a ensuite précisé qu'elle avait pensé qu'il ne s'agissait que d'un retard de permis, puisqu'ils avaient pu voyager en Turquie. La demande en vue du mariage leur ayant été refusée, ils avaient été consulter un avocat. Suivant ses conseils, ils avaient déposé une nouvelle demande à Genève. Cette dernière ayant été acceptée par les autorités genevoises, le mariage avait pu être célébré le 25 octobre 2019. B______ était venu la rejoindre et habitait désormais à son domicile à Genève. Le 21 novembre 2019, elle avait accouché de leur fille, Antonia.

c.b. Le même jour, à la police, B______ a tenu un discours concordant avec celui de son épouse, notamment sur leur rencontre et le désir de fonder une famille. Il avait voulu recourir contre la décision qui lui ordonnait de quitter le territoire helvétique. Il avait consulté un avocat qui lui avait affirmé que les chances de succès étaient très minces et qu'il serait plus avisé d'épouser sa compagne suisse. Le couple en avait discuté lorsque A______ était tombée enceinte. Elle ne voulait pas qu'il soit forcé de partir et ils en avaient conclu que cela serait plus simple de se marier. Il avait vécu à G______ jusqu'en septembre 2019 et n'avait déménagé au domicile de sa fiancée que peu avant leur mariage. Questionné sur son adresse à la rue 2______ no. ______ à G______, celle-ci l'avait bien été, mais, depuis mars 2019, il passait la plupart de son temps à Genève chez A______. Il avait par ailleurs fait dévier son courrier à son adresse dès le mois d'avril 2019. Confronté au fait que la date du dépôt de leur première demande de mariage, soit le 18 mars 2019, coïncidait avec la date à laquelle il s'était retrouvé dépourvu d'autorisation de séjour, il a affirmé qu'ils avaient voulu se marier par amour, mais que sa situation irrégulière et leur enfant à naître avaient "accéléré les choses".

d. Le 11 janvier 2021, à la demande de son homologue bernois, le Ministère public (MP) a rendu une ordonnance d'acceptation du for et repris la poursuite concernant A______, prévenue de facilitation de séjour illégal.

Cette même procédure visait également B______, coprévenu de facilitation de séjour illégal. Cependant, aucune poursuite le visant pour son séjour illégal n'a été introduite par le MP, qui n'a par ailleurs pas repris la poursuite initiée par les autorités bernoises pour cette infraction.

e.a. Le 15 septembre 2021, lors de son audition au MP, A______ a globalement réitéré ses précédentes explications, précisant qu'elle contestait avoir hébergé B______ alors qu'il n'avait pas de permis de séjour "car une procédure était en cours à G______".

e.b. Lors de cette même audition, B______ a admis avoir vécu entre le 3 avril et le 25 octobre 2019 au domicile de A______ à C______, mais n'y avoir officiellement déménagé qu'en septembre 2019.

f. Devant le premier juge, A______ a, dans l'ensemble, persisté dans ses précédentes déclarations. Lorsqu'elle avait rencontré B______ en 2018, il lui avait dit qu'il avait des papiers. Par la suite, ils avaient même voyagé ensemble. Ce n'était qu'en mars 2019, peu après le début de sa grossesse, qu'il lui avait annoncé devoir partir, faute d'autorisation de séjour en Suisse. Un avocat leur avait conseillé de se marier, au lieu de faire opposition à la décision de renvoi administratif. Elle n'avait donc pas pensé qu'il y aurait "des problèmes de papiers" par la suite, puisque l'avocat devait faire le nécessaire. Au moment du dépôt de la demande en vue du mariage à G______, son fiancé était au bénéfice d'une autorisation de séjour ; cependant les autorités s'étaient déclarées incompétentes et les avaient renvoyés à agir à Genève.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné la procédure écrite, avec l'accord des parties.

b.a. A______ persiste dans ses conclusions d'appel. Le TP, qui avait admis que la faute était légère, aurait dû renoncer à lui infliger une peine en application de l'art. 52 du Code pénal [CP], sa culpabilité et les conséquences de ses actes étant toutes deux de peu d'importance. Au moment du dépôt de leur première demande de mariage à G______, le 18 mars 2019, B______ détenait un permis de séjour. L'État civil de G______ avait mis quatre mois à leur répondre, pour finir par constater que le fiancé ne disposait plus d'une autorisation de séjour pourtant nécessaire. Finalement, il s'était déclaré incompétent car A______ était domiciliée à Genève. Ils avaient immédiatement déposé une nouvelle demande auprès de l'OCPM, qui avait abouti favorablement, et leur mariage avait été célébré en octobre 2019. Il était vrai que pendant un court laps de temps, B______ s'était retrouvé sans autorisation, mais, à cette époque, elle était enceinte. S'ils avaient été renseignés correctement dès le début de leurs démarches, la procédure en vue du mariage aurait abouti plus rapidement et l'infraction reprochée n'aurait pu lui être reprochée. Son comportement n'avait pas été de nature à entraver l'action administrative, puisqu'une fois la demande déposée, B______ avait obtenu son permis de séjour le 25 octobre 2019, date de leur mariage.

Si le verdict de culpabilité devait être confirmé, une amende en application de l'art. 116 al. 2 LEI était suffisante pour sanctionner son comportement. Les conséquences plus importantes qu'entraînerait le prononcé d'une peine pécuniaire, inscrite à son casier judiciaire et pesant sur son avenir, devaient être prises en compte, puisqu'elle était en recherche d'un emploi.

b.b. Pour la procédure de première instance, A______ sollicite une indemnisation pour 11 heures et 45 minutes d'activité de son conseil (dont trois heures et 30 minutes d'activité d'associé et huit heures et 15 minutes d'activité de stagiaire), hors audience, celle-ci ayant duré une heure et 30 minutes, majorée d'un forfait de 10% couvrant des frais divers.

Pour la procédure d'appel, elle fait valoir une activité de trois heures et 15 minutes (dont 30 minutes d'activité d'associé et deux heures et 45 minutes d'activité de stagiaire), majorée d'un forfait de 10% couvrant des frais divers.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

d. Le TP persiste dans ses considérants.

e. La Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a versé au dossier une copie des antécédents judiciaires de B______. Il ressort de l'extrait de son casier judiciaire qu'il a été condamné le 11 juin 2013 à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 80.- pour lésions corporelles simples et menaces, ainsi que le 25 février 2021 à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à CHF 30.- et à une amende de CHF 120.- pour facilitation de séjour illégal.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF
127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

3. 3.1. L'art. 116 al. 1 let. a LEI punit quiconque en Suisse ou à l'étranger, facilite l'entrée, la sortie ou le séjour illégal d'un étranger ou participe à des préparatifs dans ce but.

Sont visés les comportements de facilitation des actes principaux sanctionnés par l'art. 115 LEI, pour autant que ces comportements poursuivent effectivement ce but (ATF 137 IV 153 consid. 1.7 concernant l'ancien art. 116 LEtr).

L'infraction en cause, soit le fait de faciliter le séjour illégal d'une personne en Suisse, est difficile à circonscrire. En effet, l'étranger qui séjourne illégalement dans notre pays noue de nombreuses relations avec d'autres personnes. Il prend par exemple un moyen de transport, achète de la nourriture ou va au restaurant. Tout contact avec cet étranger, qui rend plus agréable le séjour de celui-ci en Suisse, ne saurait être punissable au sens de l'art. 116 al. 1 let. a LEI. Sinon, le champ d'application de cette disposition serait illimité. Aussi, le Tribunal fédéral exige-t-il que le comportement de l'auteur rende plus difficile le prononcé ou l'exécution d'une décision à l'encontre de l'étranger en situation irrégulière ou restreigne, pour les autorités, les possibilités de l'arrêter. En règle générale, il est admis que celui qui héberge une personne séjournant illégalement en Suisse facilite le séjour illégal de celle-ci, qu'il agisse en tant qu'hôtelier, de bailleur ou d'employeur qui loue une chambre. Le logement est alors susceptible de devenir une cachette pour l'étranger en situation irrégulière, lui permettant ainsi de se soustraire à l'intervention des autorités administratives (ATF 130 IV 77 consid. 2.3.2 concernant l'ancien art. 23 LSEE ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_128/2009 du 17 juillet 2009 consid. 2.2 concernant l'ancien art. 116 LEtr).

En revanche, les personnes qui offrent aux étrangers en situation illégale un logement ou un gîte pour seulement quelques jours doivent demeurer impunis car cela ne témoigne pas d'une volonté délictueuse, qui n'est, par ailleurs, pas de nature à entraver l'action administrative (M. NGUYEN / C. AMARELLE [éds], Code annoté de droit des migrations, Vol. II, Loi sur les étrangers [LEtr], Berne 2017, n. 14 ad art. 116).

3.2.1. L'étranger entré légalement en Suisse pour un séjour temporaire qui dépose ultérieurement une demande d'autorisation de séjour durable doit attendre la décision à l'étranger (art. 17 al. 1 LEI). Cela vaut aussi pour l'étranger résidant illégalement en Suisse qui tente de légaliser son séjour par le dépôt ultérieur d'une demande d'autorisation de séjour durable (ATF 139 I 37 consid. 2.1 concernant l'ancien art. 17 LEtr).

En principe, le requérant ne peut pas se prévaloir, déjà durant la procédure, du droit de séjour qu'il sollicite ultérieurement, à moins qu'il remplisse "très vraisemblablement" les conditions d'admission (FF 2002 3469 ss, p. 3535). Le cas échéant, l'autorité cantonale compétente peut – ou même doit – autoriser, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation (art. 96 LEI), l'étranger à séjourner en Suisse durant la procédure si les conditions d'un droit légal, constitutionnel ou conventionnel à l'octroi d'une autorisation sont données avec une grande vraisemblance (art. 17 al. 2 LEI). Elle doit rendre sa décision lors d'un examen sommaire des chances de succès (ATF 139 I 37 consid. 2.2 concernant l'ancien art. 17 LEtr). Ni l'entrée illicite ni le séjour illicite n'empêche l'application de l'art. 17 al. 2 LEI (ATF 137 I 351 consid. 3.6 et 3.8 ; M. SPESCHA / H. THUR / A. ZUND [éds], Migrationsrecht, Kommentar, 3e éd., 2012, n. 2 ad art. 17 LEtr, transposable mutatis mutandis à la LEI).

3.2.2. La Suisse a ratifié la CEDH, et s'est, par la même, engagée à garantir le droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH) ainsi que le droit au mariage (art. 12 CEDH) à travers son ordre juridique. La jurisprudence relative au droit et au respect de la vie privée et familiale (art. 8 par. 1 CEDH) permet, à certaines conditions, à un célibataire étranger de déduire un droit à une autorisation de séjour en présence d'indices concrets d'un mariage sérieusement voulu et imminent avec une personne ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 137 I 351 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_97/2010 du 4 novembre 2010 consid. 3.1 ; 2C_25/2010 du 2 novembre 2010 consid. 6.1 et les références citées, transposables mutatis mutandis à la LEI).

3.2.3. Aux termes de l'art. 42 al. 1 LEI, le conjoint d'un ressortissant suisse a droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité à condition de vivre en ménage commun avec lui. Toutefois, selon l'art. 51 al. 1 let. b LEI, les droits prévus à l'art. 42 LEI s'éteignent s'il existe des motifs de révocation au sens de l'art. 63 LEI.

Or, selon cette dernière disposition, un motif de révocation existe, entre autres situations, lorsque l'étranger attente de manière très grave à la sécurité et l'ordre publics en Suisse ou à l'étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse (art. 63 al. 1 let. b LEI) ou lorsque lui-même ou une personne dont il a la charge dépend durablement et dans une large mesure de l'aide sociale (art. 63 al. 1 let. c LEI) (arrêt du Tribunal fédéral 2C_154/2020 du 7 avril 2020, consid. 3.3). D'après la jurisprudence, attente de manière très grave à la sécurité et l'ordre publics l'étranger dont les actes lèsent ou compromettent des biens juridiques particulièrement importants, tels que l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'une personne (cf. ATF 137 II 297 consid. 3.3 p. 303 s.). Le critère de la gravité qualifiée de l'atteinte peut également être réalisé par des actes contrevenant à des prescriptions légales ou à des décisions de l'autorité qui présentent un degré de gravité comparativement moins élevé, mais qui, par leur répétition malgré des avertissements et des condamnations successives, démontrent que l'étranger ne se laisse pas impressionner par les mesures de droit pénal et qu'il ne possède ni la volonté, ni la capacité de respecter à l'avenir l'ordre juridique (cf. ATF 137 II 297 consid. 3.3 concernant l'ancien art. 63 LEtr).

Ce sont ces mêmes conditions des art. 42 et 63 LEI qui peuvent fonder un droit pour un étranger fiancé à un ressortissant suisse de se voir délivrer une autorisation de séjour temporaire en vue du mariage et que par conséquent l'autorité administrative se doit d'examiner dans le cas particulier.

3.3. Selon la jurisprudence, le pouvoir du juge pénal d'examiner à titre préjudiciel la validité des décisions administratives qui sont à la base d'infractions pénales se détermine selon trois hypothèses. En l'absence de voie de recours contre la décision administrative, le juge pénal peut revoir librement la décision quant à sa légalité, l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation notamment. Lorsqu'un tribunal administratif s'est déjà prononcé, le juge pénal ne peut, en revanche, en aucun cas revoir la légalité de la décision administrative. Enfin, si un tel recours eût été possible mais que l'accusé ne l'ait pas interjeté ou que l'autorité saisie n'ait pas encore rendu sa décision, l'examen de la légalité par le juge pénal est limité à la violation manifeste de la loi et à l'abus manifeste du pouvoir d'appréciation (ATF 147 IV 145 consid. 2.2 ; ATF 129 IV 246 consid. 2.1 et 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1006/2008 du 5 mars 2009 consid. 3.3.5.2 et les références citées).

3.4. En l'espèce, force est de constater, au vu des éléments au dossier, que l'appelante a hébergé son fiancé, à une époque à laquelle celui-ci était dépourvu d'autorisation. En effet, le permis de séjour de B______ n'était valable que jusqu'au 18 mars 2019 et son renvoi avait été fixé au 2 avril suivant. L'arrondissement de l'état civil [de G______] lui avait encore fixé un ultime délai au 17 juin 2019 afin de prouver la légalité de son séjour, délai auquel le fiancé n'a toutefois pas donné suite. Cela étant, la situation administrative du fiancé de l'appelante impacte directement le sort pénal de cette dernière. Par conséquent, il se justifie de procéder à son analyse en tenant compte des circonstances particulières appelant à revisiter le jugement du TP.

Si certes, au vu de la jurisprudence susmentionnée, l'autorité pénale n'est pas autorisée à revenir sur la décision administrative prise à l'encontre de B______, l'irrecevabilité de son recours ayant contribué au caractère définitif de la décision rendue et à celui exécutoire de son renvoi, il n'en demeure pas moins que, depuis le 18 mars 2019, jour du dépôt de la demande en vue de mariage, une nouvelle situation prévalait. Il existait un projet de mariage sérieux avec une ressortissante suisse, pour lequel des démarches concrètes avaient été entreprises. Ce nouvel élément aurait dû être pris en compte et aurait donné droit à B______ à la délivrance d'une autorisation de séjour temporaire dans le but de préparer son mariage, autorisation qu'il a obtenue le 27 juin 2019 des autorités genevoises.

Il apparaît ainsi avec une très grande vraisemblance, voire confinant à la certitude, qu'au vu de ces nouveaux éléments, B______ aurait pu obtenir le réexamen de la décision de refus du renouvellement de son permis de séjour, si ce n'est la délivrance d'un permis temporaire, puisqu'il remplissait les conditions des art. 42 et 63 LEI. En particulier, il faisait ménage commun avec sa fiancée suisse au domicile de celle-ci à Genève. Il possédait un travail stable qui lui permettait de subvenir à ses besoins ainsi qu'à ceux de sa famille, sans dépendre de l'aide sociale, et rien ne laissait penser qu'il en dépendrait à l'avenir. Bien qu'il ait des antécédents judiciaires, ceux-ci ne pouvaient pas être qualifiés de lourds au sens de la jurisprudence. Sur les deux condamnations figurant à son casier, la plus ancienne concerne deux délits d'une importance relative et sur la base de laquelle on ne peut en tout cas pas conclure qu'il mettait en danger l'ordre juridique suisse. La seconde, qui a trait à la présente procédure, n'existait pas encore au moment où l'autorité administrative aurait pu se livrer à cette analyse et n'a par conséquent pas à être prise en compte. En définitive, durant l'entier de la période pénale considérée, l'étranger que l'appelante a hébergé et avec lequel elle projetait de se marier remplissait manifestement les conditions pour se voir délivrer une autorisation en vue du mariage. Dès lors, il apparaît comme injuste et extrêmement sévère de punir l'appelante pour avoir facilité le séjour illégal de son fiancé, alors que celui-ci aurait pu être autorisé ou à tout le moins paraissait autorisable sur la base de ces nouveaux éléments, outre qu'il n'a lui-même pas été poursuivi de ce chef.

Il convient également de mettre en exergue ce que vivait l'appelante dans le contexte de l'époque. Elle était enceinte et fiancée avec l'étranger qu'elle hébergeait. Le couple était en concubinage stable et avait déjà entrepris les démarches pour se marier, le projet était sérieux et à un stade avancé. La CPAR s'appuie également sur la période postérieure au 25 octobre 2019, jour de leur mariage, celle-ci mettant en évidence que l'intention matrimoniale des futurs époux ne poursuivait pas un but fictif. En effet, la vie commune et la communauté conjugale ont perduré suite à l'obtention d'un permis par B______, et une situation conforme au droit a pu dès lors être rétablie.

Partant, l'appelante sera acquittée du chef de facilitation de séjour illégal (art. 116 al. 1 let. a LEI), et le jugement du TP modifié en ce sens.

4. 4.1. En définitive, l'appelante obtient entièrement gain de cause en appel, de sorte que tous les frais de la procédure préliminaire et de première instance ainsi que ceux de la procédure d'appel seront laissés à la charge de l'État (art. 428 CPP).

4.2.1. À teneur de l'art. 429 al. 1 CPP, le prévenu a droit, s'il est acquitté, à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a).

4.2.2. L'autorité pénale amenée à fixer une indemnité sur le fondement de l'art. 429 al. 1 let. a CPP n'a pas à avaliser purement et simplement les notes d'honoraires d'avocats qui lui sont soumises : elle doit, au contraire, examiner, tout d'abord, si l'assistance d'un conseil était nécessaire, puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_528/2010 du 16 septembre 2010 consid. 2.1, cité in M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), op.cit., n. 19a ad art. 429 CPP). On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. REISER / B. CHAPPUIS (éds), Commentaire romand, Loi fédérale sur la libre circulation des avocats, Bâle 2010, n. 257 ad art. 12).

Les honoraires d'avocat se calculent selon le tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule (ATF 142 IV 163 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3). Bien que le canton de Genève ne connaisse pas de tarif officiel des avocats, la CPAR applique au chef d'étude un tarif horaire de CHF 450.- (arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 ; ACPR/279/2014 du 27 mai 2014) ou de CHF 400.- (ACPR/282/2014 du 30 mai 2014), notamment si l'avocat concerné avait lui-même calculé sa prétention à ce taux-là (ACPR/377/2013 du 13 août 2013). Elle retient un taux horaire de CHF 150.- pour les avocats stagiaires (ACPR/89/2017 du 23 février 2017).

Selon la jurisprudence rendue en matière de dépens, la garantie du droit d'être entendu implique que lorsque le juge statue sur la base d'une liste de frais, il doit, s'il entend s'en écarter, au moins brièvement indiquer les raisons pour lesquelles il tient certaines prétentions pour injustifiées, afin que son destinataire puisse attaquer la décision en connaissance de cause (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1049/2021 du 16 août 2022 consid 2.2 ; 6B_380/2021 du 21 juin 2022 consid. 2.2.3 ; 6B_230/2021 du 17 novembre 2021 consid. 1.1).

L'État n'a en outre pas à assumer la charge financière que représente la formation de l'avocat stagiaire, laquelle incombe à son maître de stage (AARP/331/2015 du 27 juillet 2015 ; AARP/325/2015 du 20 juillet 2015 et AARP/300/2015 du 16 juillet 2015).

4.3. Un premier état de frais a été produit le 31 mai 2022 ; celui-ci répertoriait les heures d'activités dues pour la procédure préliminaire et de première instance, avec un tarif horaire de CHF 400.- pour l'associé. Un second état de frais a été produit le 29 novembre 2022 lors de la procédure d'appel. Ce dernier couvre l'entier de la procédure, avec répétition de l'activité comptabilisée dans le premier état de frais ; dans ce document, le tarif horaire pour l'indemnisation des heures effectuées par l'associé est de CHF 450.-. Dès lors, si ce dernier tarif sera retenu pour les heures liées à la procédure d'appel, celles effectuées au cours de la procédure préliminaire et de première instance ne seront indemnisées qu'à hauteur de CHF 400.-, aucune raison ne justifiant d'augmenter rétroactivement le tarif des honoraires alors qu'il a été fixé volontairement par l'avocat en personne. Les heures effectuées par le stagiaire seront indemnisées au taux usuel de CHF 150.-/heure.

La majoration de 10% ne sera pas retenue, étant donné que les états de frais n'explicitent aucunement pour quel motif celle-ci apparaissait nécessaire.

Le poste de 45 minutes d'étude du dossier par l'associé le 25 mai 2022, ne sera pas indemnisé dès lors qu'il ne figure pas dans la première note de frais qui couvrait déjà entièrement la période de la procédure préliminaire et de première instance.

Il convient également de retrancher de l'état de frais le temps consacré à la correction effectuée par l'associé (15 minutes), car la relecture et la vérification du travail de l'avocat stagiaire font partie intégrante de sa formation, étant rappelé que celle-ci n'a pas à être prise en charge par l'État.

Le décompte total des heures consacrées à l'étude du dossier effectuées par le stagiaire s'élève à sept heures et 30 minutes (six heures en procédure de première instance et une heure et 30 minutes en appel). Cette durée apparait disproportionnée compte tenu de la complexité de l'affaire, étant précisé que l'acquittement auquel la CPAR est arrivé ne repose sur aucun grief soulevé par la défense. Des démarches inutiles et superflues n'ayant pas à être indemnisées par l'État, ce poste sera dès lors réduit à quatre heures (trois heures et 30 minutes en procédure de première instance et 30 minutes en appel).

L'indemnisation accordée sera ainsi arrêtée à CHF 3'163.70, correspondant à 15 minutes à CHF 450.-/heure, quatre heures et 15 minutes d'activité à CHF 400.-/heure (audience de première instance incluse) et sept heures et 30 minutes à CHF 150.-/heure, plus la TVA par 7.7% en CHF 226.20.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/613/2022 rendu le 1er juin 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/22856/2020.

L'admet.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ d'infraction à l'art. 116 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) s'agissant des faits visés sous les 1er et 2ème tirets de l'ordonnance pénale du 25 février 2021.

Laisse les frais de la procédure préliminaire, de première instance et d'appel à la charge de l'État.

Alloue à A______ un montant de CHF 3'163.70, TVA comprise, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.