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Décisions | Assistance juridique

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AC/2834/2011

DAAJ/50/2014 du 17.06.2014 sur TAX/420/2014 ( AJC ) , REJETE

Descripteurs : HONORAIRES; AVOCAT D'OFFICE
Normes : RAJ.16.2; RAJ.18
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/2834/2011 DAAJ/50/2014

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DéCISION DU MARDI 17 JUIN 2014

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Maître A______, avocat, ______, Genève,

 

contre la décision du 11 mars 2014 du Vice-président du Tribunal civil.

 


EN FAIT

A.           a. Par décision du 2 avril 2012, la Vice-présidente du Tribunal civil a octroyé l'assistance juridique à B______, avec effet au 24 novembre 2011, pour une procédure prud'homale d'une valeur litigieuse de 36'330 fr. à l'encontre de B______, cause C/______. Cet octroi était limité à la première instance et un réexamen de la situation financière de l'intéressé à l'issue de la procédure était réservé. Me A______, avocat, a été désigné pour défendre les intérêts du premier nommé.

b. Par jugement du 31 juillet 2013, le Tribunal des prud'hommes a déclaré irrecevable la demande en paiement formée par B______. Ledit tribunal a retenu qu'il n'était pas compétent ratione materiae pour connaître de la demande, à défaut de contrat de travail entre les parties.

c. Par décision du 10 septembre 2013, la Vice-présidente du Tribunal civil a octroyé l'assistance juridique à B______ pour recourir contre ce jugement, ledit octroi étant complémentaire au précédent et limité à 8 heures d'activité d'avocat.

d. Par arrêt du 19 décembre 2013, la Chambre des prud'hommes a rejeté l'appel formé par le recourant et confirmé le jugement entrepris.

B. Le 23 décembre 2013, le recourant a transmis son état de frais à l'Assistance juridique, d'un montant total de 17'210 fr. 48 TTC, correspondant à un total de 3'420 minutes d'activité (3'075 minutes [51h15] d'activité de chef d'étude et 345 minutes d'activité d'avocat-stagiaire), dont notamment 870 minutes (14h30) correspondant à
10 conférences du chef d'étude avec le client avant le jugement de première instance (dont 5 conférences pour la préparation d'audiences) et 195 minutes (3h15) de préparation d'audiences par le chef d'étude, 435 minutes d'audiences (correspondant à
5 audiences en première instance), 420 minutes (7 heures) pour la rédaction de l'action en paiement (7 pages) et la préparation du chargé de pièces (6 pièces), 60 minutes pour établir une liste de trois témoins, ainsi que 360 minutes (6 heures) pour la rédaction de conclusions motivées après enquêtes (9 pages).

C. a. Par décision de taxation du 11 mars 2014, adressée par pli simple au recourant, le greffe de l'Assistance juridique a indemnisé le recourant à hauteur de 10'800 fr., TVA comprise. L'indemnité globale a été arrêtée à 10'000 fr., en application de l'art. 16 al. 2 RAJ, TVA de 8% en sus. Il était précisé que la base forfaitaire concernant les courriers et téléphones avait été réduite à 30%, selon un usage constant pour les grosses procédures (supérieures à 35 heures). Pour le surplus, le poste procédure de première instance apparaissait un peu élevé et il a été tenu compte du résultat obtenu et de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce.

b. Le 12 mars 2014, le recourant a adressé une demande de reconsidération au greffe de l'Assistance juridique, invoquant le caractère disproportionné et arbitraire de la réduction de 38% de l'indemnité totale réclamée. Il fait notamment valoir que la première décision d'octroi de l'assistance juridique ne prévoyait aucune limitation du nombre d'heures d'activité d'avocat. Une réduction aussi drastique de sa note de frais était par conséquent choquante, ce d'autant plus qu'il avait scrupuleusement respecté les directives de l'Assistance juridique en matière d'établissement des notes de frais. Par ailleurs, son client étant turcophone et maîtrisant peu la langue française, il avait dû consacrer de nombreuses heures à des activités de traduction et d'interprétation en faveur de celui-ci. La réduction du forfait courriers et téléphones de 50% à 30% était selon lui injustifiée, d'une part car elle ne reposait ni sur une base légale ou réglementaire, ni sur une directive de l'Assistance juridique, et, d'autre part, parce que la gestion du dossier au fond avait engendré une abondante correspondance. Pour le surplus, la décision d'indemnisation ne lui permettait même pas de couvrir ses frais généraux.

D. a. Par acte expédié le 24 mars 2014 à la Présidence de la Cour de justice, recours est formé contre la décision de taxation précitée. Le recourant conclut à l'annulation de la décision entreprise et, principalement, à ce que son indemnisation pour l'activité déployée en faveur de son client soit arrêtée à 19'154 fr. 50 et à ce qu'il soit ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de lui verser cette somme dans les plus brefs délais. Subsidiairement, il demande le renvoi de la cause à l'Assistance juridique pour nouvelle décision. En substance, il reprend les mêmes arguments que dans sa demande de reconsidération. Il se réfère en outre à diverses jurisprudences du Tribunal fédéral, ainsi qu'à certaines décisions d'indemnisation rendues par l'Assistance juridique dans des procédures pénales, afin de démontrer le caractère arbitraire et aléatoire de la réduction opérée par l'Autorité de première instance. Pour le surplus, il demande à être rémunéré pour les six heures consacrées à la rédaction du présent recours "en matière pénale" (sic), raison pour laquelle son état de frais initial a été augmenté.

b. Par décision du 6 mai 2014, valant également observations auprès de l'Autorité de céans, le Vice-président du Tribunal civil a rejeté la demande de reconsidération, considérant que l'indemnité due à l'avocat selon l'art. 16 al. 1 RAJ n'avait pas pour but de rétribuer intégralement les heures consacrées au traitement d'un dossier, et devait être fixée à la lumière des critères énumérés à l'art. 16 al. 2 RAJ. Il a exposé que la double facturation chef d'étude/avocat-stagiaire ainsi que la facturation des analyses d'ordonnances n'avaient pas été retenues. Par ailleurs, la procédure n'avait pas été favorable au client du recourant, car il lui avait été reproché d'avoir simulé des actes en vue de faire croire à l'existence d'un contrat de travail. Le nombre d'heures admissible avait ainsi été réduit, afin de tenir compte du nombre d'heures de conférence et de préparation d'audience très important et du résultat défavorable au client.

c. Faisant usage de son droit de réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions, sollicitant en outre la tenue d'une audience. Selon lui, la réduction de la rémunération globale de 13'130 fr. HT à 10'000 fr. HT motivée par "le nombre d'heures de conférence et de préparation d'audience très important et du résultat défavorable au client" était choquante, car elle correspondait à près de 16 heures d'activité d'avocat au tarif horaire d'un chef d'étude commis d'office. Il fait notamment grief à l'autorité de première instance de ne pas avoir pris en compte les nombreuses heures qu'il a consacrées à des activités de traduction d'actes judiciaires et de courriers. Par ailleurs, il était inadmissible que l'Assistance juridique cherche à punir le recourant en raison des agissements de son client, alors même que la simulation d'actes qui était reprochée à celui-ci était connue de ladite autorité lorsqu'elle a rendu la seconde décision d'octroi d'assistance juridique.

EN DROIT

1.             1.1. Les décisions du vice-président du Tribunal civil en matière d'assistance judiciaire, rendues en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), peuvent faire l'objet d'un recours auprès du président de la Cour de justice (art. 121 CPC et 22 al. 2 LaCC), compétence déléguée au vice-président soussigné (art. 29 al. 5 LOJ ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_6/2012 du 31 juillet 2012 consid. 2). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC).

Le conseil juridique dispose à titre personnel d'un droit de recours au sujet de la rémunération équitable accordée (ATF 131 V 153 consid. 1 ; Tappy, Code de procédure civile commenté, 2011, n. 22 ad art. 123 CPC).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

En l'espèce, le recourant se contente de requérir la tenue d'une audience, sans toutefois indiquer de manière précise sur quels points son audition pourrait être utile à l'appréciation de sa cause ou propre à modifier l'appréciation des éléments figurant d'ores et déjà au dossier.

À cet égard, il doit en particulier être rappelé que le pouvoir d'examen de la Cour est limité (cf. consid. 1.3. supra) et que l'apport de faits nouveaux au dossier au stade du recours n'est pas possible.

Par conséquent, l'audition du recourant ne sera pas ordonnée.

3.             3.1. Aux termes de l'art. 16 RAJ, l'indemnité due à l'avocat et au défenseur d'office en matière pénale est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus :
65 fr. pour un avocat stagiaire, 125 fr. pour un collaborateur et 200 fr. pour un chef d'étude, la TVA étant versée en sus (al. 1) ; seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance, et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (al. 2).

L'autorité compétente dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans l'application des normes cantonales relatives à l'indemnisation de l'avocat d'office (arrêt du Tribunal fédéral 1P.713/2005 du 14 février 2006 consid. 2.1).

L'activité du défenseur d'office ne doit être prise en considération que dans la mesure où elle s'inscrit raisonnablement dans le cadre de l'accomplissement de sa tâche, à l'exclusion des démarches inutiles ou superflues (ATF 109 Ia 107 consid. 3a). Il se peut que l'autorité chargée de fixer l'indemnité apprécie de façon erronée un poste de l'état de frais ou se fonde sur un argument déraisonnable. Cela ne suffit toutefois pas pour conclure à une violation de l'art. 4 aCst. (art. 29 al. 3 Cst.). Ce n'est en effet que si le montant global alloué au défenseur d'office à titre d'indemnisation apparaît comme ayant été fixé de façon arbitraire qu'il faut annuler la décision attaquée (ATF 109 Ia 107 consid. 3d).

D'après les directives du greffe de l'Assistance juridique du 17 décembre 2014 relatives à l'établissement de l'état de frais des avocats (disponibles sur le site Internet http://ge.ch/justice/assistance-juridique), il a notamment été décidé d'introduire, en ce qui concerne les courriers et téléphones en matière civile, un forfait global correspondant à 50% de l'activité déployée pour les autres postes (conférences, procédure et audiences). Cela étant, il est précisé que "l’application systématique de ce nouveau forfait pourrait dans certains cas aboutir à un résultat inéquitable, voire choquant, parfois vers le bas mais plus souvent vers le haut s'agissant des états de frais indiquant un nombre d'heures particulièrement important pour des procédures de longue durée. Nous nous réservons donc le droit de procéder à une application nuancée de ladite règle lorsqu'il s'avérera nécessaire d'en corriger les effets pervers conformément aux principes découlant de l'art 19 al. 3 [a]RAJ".

Concernant le forfait relatif à la majoration des honoraires pour le temps consacré aux conférences téléphoniques et à la rédaction de courriers, le Tribunal fédéral a considéré qu'en fixant un forfait en fonction de l'importance de l'activité déployée et calculé sur la base de 20% jusqu'à 30 heures d'activité (dans une procédure pénale) et de 10% au-delà, les juridictions genevoises n'outrepassaient pas la large marge de manœuvre dont elles disposaient en la matière (arrêt du Tribunal pénal fédéral BB.2013.165 du 24 janvier 2014 consid. 4.2).

3.2. En l'espèce, compte tenu des principes rappelés ci-dessus, l'Autorité de première instance n'a ni excédé son pouvoir d'appréciation, ni violé le principe de la proportionnalité en réduisant de 50 à 30% le forfait relatif à la majoration des honoraires du recourant pour le temps consacré aux téléphones et aux courriers.

Par ailleurs, seul le nombre d'heures nécessaires pour assurer le mandat d'office est décisif pour fixer la rémunération du recourant. Or, à la lecture du relevé d'activités de ce dernier, un certain nombre d'heures d'activité facturées apparaissent superflues, au regard de l'importance et de la complexité de l'affaire. En effet, rien ne vient justifier les multiples conférences avec le client, notamment en dehors de la préparation des audiences. Par ailleurs, le temps consacré à la préparation desdites audiences (tant avec le client que sans celui-ci) est exagéré, nonobstant les difficultés liées au fait que ledit client ne maîtrise pas la langue française. En outre, le temps de rédaction des écritures est également excessif, la cause ne présentant pas de difficultés particulières, tant en fait qu'en droit. Pour le surplus, le temps consacré à la préparation de la liste de témoins apparaît également disproportionné.

Dans l'ensemble, il apparaît – comme l'Autorité de première instance l'a retenu –, que les opérations effectuées par le recourant n'étaient pas toutes nécessaires à l'exécution de son mandat d'office. Sur le total de 51.25 heures facturées au tarif de chef d'étude (la double facturation chef d'étude/avocat-stagiaire n'étant pas prise en compte), la réduction opérée par le premier juge correspond à 12.75 heures d'activité (forfait courriers et téléphones non inclus). En effet, 38.5 heures à 200 fr. donnent une rémunération de 7'700 fr., montant majoré du forfait de 30%, ce qui revient à une indemnisation globale de 10'000 fr. environ HT.

Compte tenu de ce qui précède, de la complexité et de l'issue de la procédure, le montant arrêté par le premier juge apparaît tout à fait raisonnable et équitable.

Partant, le recours, infondé, sera rejeté.

4.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Par ailleurs, la conclusion tendant implicitement à l'allocation de dépens est infondée, vu l'issue du recours.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR :

À la forme :

Déclare recevable le recours formé par Me A______ contre la décision rendue le
11 mars 2014 par le Vice-président du Tribunal civil dans la cause AC/2834/2011.

Au fond :

Le rejette.

Déboute Me A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à Me A______ (art. 327 al. 5 CPC et
8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Monsieur Jean-Marc STRUBIN, vice-président ; Monsieur Jacques GUERTLER, greffier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile ; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires ; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.