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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/7492/2019

CAPH/197/2020 du 13.11.2020 sur JTPH/131/2020 ( OO ) , PARTIELMNT CONFIRME

Recours TF déposé le 05.01.2021, rendu le 03.02.2021, IRRECEVABLE, 4A_5/2021, 4A_4/2021
Normes : CPC.55.al1; CO.336.al1.letd; CO.33b; CO.336a.al1 + 2
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7492/2019-5 CAPH/197/2020

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU VENDREDI 13 NOVEMBRE 2020

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 7 avril 2020 (JTPH/131/2020), comparant par Me Pascal JUNOD, avocat, rue de la Rôtisserie 6, case postale 3763, 1211 Genève 3, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______, intimée, comparant par Me Sélina MULLER, avocate, Ming, Halperin, Burger, Inaudi, rue Léon-Gaud 5, 1206 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/131/2020 du 7 avril 2020, reçu le lendemain par A______, le Tribunal des prud'hommes, statuant par voie de procédure ordinaire, a déclaré recevable la demande formée le 27 juin 2019 par la précitée à l'encontre de B______ SA (ch. 1 du dispositif), débouté A______ de ses conclusions (ch. 2), dit que la procédure était gratuite (ch. 3), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 5).

B.            a. Par acte expédié le 18 mai 2020 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé appel de ce jugement, concluant à son annulation, sous suite de frais. Cela fait, elle a conclu à ce que B______ SA soit condamnée à lui payer la somme nette de 37'500 fr., avec intérêts à 5% dès le 31 janvier 2019, à titre d'indemnité pour licenciement abusif. Subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants. A titre préalable, elle a conclu à ce que la Cour déclare recevable "le pli du 27 novembre 2018 de Madame A______, soit pour elle [son conseil], à B______ SA et en autorise [l]a production dans le cadre de la présente procédure" et procède "à l'administration des moyens de preuve produits et offerts par les parties".

Elle a produit un courrier adressé à B______ SA le 27 novembre 2018 (pièce 55) et complété ses allégués en lien avec cette pièce.

b. Par réponse du 19 juin 2020, B______ SA a conclu, sous suite de frais, au déboutement de A______ de toutes ses conclusions. Elle a également conclu à l'irrecevabilité de la pièce 55 ainsi que des allégués n. 3 à 13 contenus dans le mémoire d'appel.

c. A______ n'ayant pas fait usage de son droit de répliquer, la cause a été gardée à juger le 20 juillet 2020.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______ SA (ci-après également l'employeuse) est une société de droit suisse inscrite au Registre du commerce de Genève depuis le ______ 2015; elle a pour but social "[t]ous conseils en placement de personnel fixe et temporaire [et] tous services en matière de recherche, sélection, recrutement et mise à disposition de personnel fixe et temporaire".

C______ est l'administrateur président de la société et D______ en est l'administrateur, chacun avec la signature individuelle. Les précités sont également actionnaires de la société.

b. A______ (ci-après également l'employée) est l'épouse de E______.

Dans le courant de l'année 2017, E______, alors domicilié en France avec son épouse et leur fille, s'est vu proposer une activité professionnelle au sein de F______ SARL, société sise à Genève dont C______ est le gérant président. Afin de faciliter le déménagement de sa famille en Suisse, E______ a demandé à C______ d'aider son épouse à trouver un emploi à Genève.

c. Par contrat de travail de durée indéterminée signé le 23 novembre 2017, B______ SA a engagé A______ en qualité d'office assistant à 80%, dès le 2 janvier 2018. Le salaire annuel brut de base a été fixé à 55'250 fr., payable en treize mensualités de 4'250 fr.

Par courrier du 12 juin 2018, B______ SA, tout en remerciant A______ pour son professionnalisme et son investissement, a porté le salaire annuel brut à 71'500 fr., payable en treize mensualités de 5'500 fr.

Par courrier du 12 juillet 2018, le taux d'activité de A______ a été augmenté à 100% et son salaire annuel brut fixé à 81'250 fr. dès le 1er août 2018.

d. A la fin du premier trimestre 2018, les relations entre C______ et E______ ont commencé à se dégrader et la collaboration entre celui-ci et F______ SARL a pris fin le 21 juin 2018.

e. L'employée a été en incapacité de travail le 5 octobre 2018.

f. Par pli de son conseil du 19 novembre 2018, A______ a mis B______ SA en demeure de respecter ses obligations légales et de prendre toutes les mesures propres à protéger sa personnalité et à lui permettre de continuer à travailler dans de bonnes conditions. A cet égard, elle a exposé faire l'objet, depuis plusieurs mois, d'un harcèlement tant psychologique que sexuel de la part de C______, ayant droit économique de B______ SA. Celui-ci s'était comporté de façon inacceptable vis-à-vis d'elle lors de la soirée d'entreprise du 15 juin 2018 et, par la suite, de nombreuses rumeurs avaient circulé sur l'intention de C______ de la licencier. Suite aux pressions subies de ce fait, elle avait été victime d'une crise de panique sur son lieu de travail le 5 octobre 2018, ce qui avait occasionné un arrêt de travail d'une journée.

Dans sa réponse du 22 novembre 2018, B______ SA a contesté les reproches formulés par l'employée à l'encontre de C______.

g. Le 21 novembre 2018, B______ SA a résilié le contrat de travail de A______ avec effet au 31 décembre 2018 et l'a libérée de son obligation de travailler.

h. L'employée a été en incapacité de travail du 22 novembre 2018 au 1er janvier 2019.

i. Par pli du 10 décembre 2018 adressé au conseil de A______, B______ SA a contesté l'incapacité de travail invoquée par celle-ci.

j. Par courrier de son conseil du 7 janvier 2019, A______ a mis B______ SA en demeure de lui verser son salaire pour le mois de décembre 2018 ainsi que son treizième salaire, et de lui délivrer un certificat de travail. Elle a encore précisé qu'au vu de son incapacité de travail, les rapports contractuels étaient prolongés jusqu'à fin janvier 2019.

k. Le 31 janvier 2019, B______ SA a établi le certificat de travail de l'employée. Celle-ci en a requis la modification partielle par pli du 27 février 2019.

l. Par courrier de son conseil du 4 février 2019, A______ a souligné que la situation telle que dénoncée dans ses précédents courriers, datés des 19 et 27 novembre 2018, était manifestement constitutive d'un licenciement abusif et a proposé la négociation d'une solution amiable au litige - proposition qu'elle a renouvelée par pli du 27 février 2019.

m. Par demande du 26 mars 2019, déclarée non conciliée le 8 mai 2019 et introduite devant le Tribunal le 27 juin 2019, A______ a conclu à la constatation du caractère abusif de son licenciement et à la condamnation de B______ SA au paiement de la somme nette de 37'500 fr., avec intérêts à 5% dès le 31 janvier 2019, à titre d'indemnité pour licenciement abusif. Elle a également conclu à ce que l'employeuse soit condamnée à lui remettre un certificat de travail dûment rectifié.

En substance, A______ a allégué avoir été licenciée en raison du conflit professionnel qui opposait E______ à C______ depuis le printemps 2018. Elle avait fait l'objet d'un harcèlement de la part du précité, lequel n'avait pas caché que le fait de la licencier avait eu pour seul but de se venger de son époux. Les agissements de C______ l'avaient plongée dans un état de détresse émotionnelle qui avait conduit à une crise de panique sur son lieu de travail le 5 octobre 2018. Elle avait ainsi manifestement fait l'objet de mobbing. Elle avait rappelé à B______ SA son obligation de protéger sa personnalité et s'était vu notifier, deux jours plus tard, son licenciement. Il s'agissait d'un congé de représailles, au sens de l'art. 336 al. 1 lit. d CO, de sorte qu'elle était fondée à solliciter le paiement d'une indemnité pour licenciement abusif correspondant à six mois de salaire, en application de l'art. 336a CO.

n. Dans sa réponse du 20 septembre 2019, B______ SA a conclu au rejet de la demande, exposant avoir pris la décision de mettre un terme aux rapports de travail en raison du comportement nuisible de A______; le motif du licenciement ne pouvait dès lors en aucun cas être qualifié d'abusif au sens de l'art. 336 CO.

B______ SA a allégué que l'état d'esprit de A______ avait changé peu à peu en raison du conflit professionnel opposant son époux et C______. Lors de la soirée d'entreprise du 15 juin 2018, l'employée avait adopté un comportement belliqueux et son état d'esprit négatif avait perduré après que la collaboration entre E______ et F______ SARL avait pris fin à l'été 2018. Elle avait ainsi tenté de nuire à B______ SA en prenant à partie ses collègues et en essayant de les impliquer dans des querelles externes à la société. Lors d'une séance organisée le 15 octobre 2018, il lui avait été demandé de cesser d'adopter une attitude délétère sur son lieu de travail. Aucune amélioration n'ayant été constatée, B______ SA avait pris la décision de la licencier.

o. Lors l'audience de débats d'instruction du 9 décembre 2019, A______ s'est déterminée sur les allégués de B______ SA. Les parties ont persisté dans leurs conclusions, exposant ne pas avoir d'éléments nouveaux à faire valoir ni d'offres de preuve supplémentaires à soumettre. Sur quoi, le Tribunal a ouvert les débats principaux qu'il a ajournés au 4 février 2020 en vue de procéder à l'audition des parties et à celle de quatre témoins.

p. Lors de l'audience du 4 février 2020, le Tribunal a interpellé A______ sur la question de savoir si elle avait fait opposition à son licenciement avant la fin des rapports de travail.

L'employée s'est déterminée comme suit à ce sujet : "A la question du Tribunal de savoir si l'opposition au congé a été formulée, je constate que mon courrier à B______ SA du 27 novembre 2018, comportant l'opposition au congé n'a pas été produit et j'offre de le déposer maintenant. [...] Je précise que le courrier d'opposition a été envoyé sous pli recommandé à B______ SA en date du 27 novembre 2018 et qu'il est fait mention de ce courrier dans les pièces produites dans la procédure. Ce courrier a juste été omis lors de la rédaction de la demande. Je relève également que B______ SA n'avait pas soulevé cette question dans sa réponse".

De son côté, l'employeuse a déclaré contester "les faits tels que développés ci-dessus par A______". Elle s'est opposée à la production d'une pièce nouvelle à ce stade de la procédure.

Par la suite, B______ SA s'est engagée à modifier le certificat de travail à la satisfaction de l'employée, qui a retiré son chef de conclusion y relatif.

Considérant "qu'aucune opposition [au congé] n'a[vait] été produite dans la procédure", le Tribunal a gardé la cause à juger, après avoir renoncé à l'interrogatoire des parties et à l'audition des témoins.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a déclaré le courrier d'opposition au congé du 27 novembre 2018 irrecevable, au motif que A______ était déjà en possession de ce courrier lors des débats d'instruction du 9 décembre 2019 et qu'elle n'exposait pas en quoi elle aurait été empêchée de le produire à ce moment-là. Il ne s'agissait pas d'un élément de preuve nouveau dont elle pouvait se prévaloir aux conditions de l'art. 229 CPC. Se référant à l'art. 8 CC, le Tribunal a retenu que l'employée ne pouvait pas prétendre à une indemnité pour licenciement abusif, dans la mesure où elle n'avait pas allégué ni prouvé avoir fait opposition au licenciement avant la fin du délai de congé. Si le courrier du 4 février 2019 adressé à B______ SA faisait état d'un courrier du 27 novembre 2018, il ne mentionnait nullement que celui-ci comporterait une opposition au congé. Au surplus, le Tribunal devait vérifier l'existence d'une manifestation de volonté de l'employée de s'opposer au congé et sa réception par l'employeuse dans le délai fixé à l'art. 336b al. 1 CO. Or, faute d'écrit comportant l'opposition, le Tribunal ne pouvait pas exercer ce contrôle. Par conséquent, A______ devait être déboutée des fins de sa demande en paiement.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 145 al. 1 let. a, 146 al. 1 et 311 CPC), à l'encontre d'une décision finale de première instance rendue dans une affaire de nature pécuniaire, qui statue sur des conclusions dont la valeur litigieuse, compte tenu de l'ensemble des prétentions demeurées litigieuses en première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1 et 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

1.2 L'appel peut être formé pour violation du droit et/ou constatation inexacte des faits (art. 310 CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuées par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (art. 157 CPC en lien avec l'art. 310 let. b CPC; ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_72/2017 du 19 mars 2018 consid. 2).

1.3 La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la procédure ordinaire est applicable (art. 219 ss CPC). La cause est soumise aux maximes des débats (art. 55 al. 1 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC).

2. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir considéré que son courrier à l'intimée du 27 novembre 2018 - produit devant la Cour sous pièce 55 - avait été versé tardivement au dossier et était donc irrecevable. De son côté, l'intimée a conclu à l'irrecevabilité des allégués n. 3 à 13 contenus dans le mémoire d'appel.

Ainsi qu'il sera vu ci-après, la question de la recevabilité de la pièce et des allégués susvisés - lesquels ont trait à l'opposition de l'employée au congé qui lui a été signifié le 21 novembre 2018 - peut rester indécise vu l'issue de l'appel.

3.             L'appelante fait grief aux premiers juges de l'avoir déboutée de sa demande en paiement, au motif qu'elle n'aurait pas allégué ni prouvé s'être opposée à son licenciement dans le délai prévu à l'art. 336b al. 1 CO. Elle soutient que son opposition au congé dans le délai légal est un fait implicite admis par les parties.

3.1.1 En droit suisse du travail, la liberté de résiliation prévaut de sorte que, pour être valable, un congé n'a en principe pas besoin de reposer sur un motif particulier (art. 335 al. 1 CO). Le droit de chaque cocontractant de mettre fin au contrat unilatéralement est toutefois limité par les dispositions sur le congé abusif
(art. 336 ss CO; ATF 136 III 513 consid. 2.3; 132 III 115 consid. 2.1). L'art. 336 al. 1 et 2 CO énumère une liste des cas dans lesquels la résiliation est abusive. Dans la mesure où cette disposition concrétise le principe d'interdiction de l'abus de droit, la liste de l'art. 336 CO n'est pas exhaustive et d'autres cas d'abus peuvent être admis s'ils revêtent un caractère de gravité comparable aux hypothèses expressément mentionnées par la loi (ATF 132 III 115 consid. 2.1).

Selon l'art. 336a al. 1 et 2 CO, la partie qui a résilié abusivement doit à l'autre une indemnité à fixer par le juge et correspondant à six mois de salaire au plus. Le montant doit être évalué selon les règles du droit et de l'équité, conformément à l'art. 4 CC. Il faut notamment prendre en considération la gravité de la faute commise par l'employeur, une éventuelle faute concomitante du travailleur, la gravité de l'atteinte à sa personnalité, son âge et sa situation personnelle, l'intensité de la relation de travail, les effets du licenciement, les difficultés de réinsertion dans sa vie économique (arrêt du Tribunal fédéral 4A_31/2017 du 17 janvier 2018 consid. 3) et la manière dont la résiliation des rapports d'affaires a été signifiée (ATF 123 III 246 consid. 6a).

3.1.2 En vertu de l'art. 336b CO - qui a pour titre marginal "Procédure" -, la partie qui entend demander une indemnité fondée sur les art. 336 et 336a CO doit faire opposition au congé par écrit auprès de l'autre partie, au plus tard jusqu'à la fin du délai de congé (al. 1). Si l'opposition est valable et que les parties ne s'entendent pas pour maintenir le rapport de travail, la partie qui a reçu le congé peut faire valoir sa prétention à une indemnité. Elle doit agir par voie d'action en justice dans les 180 jours à compter de la fin du contrat, sous peine de péremption (al. 2).

Selon la jurisprudence, il ne faut pas poser des exigences trop élevées à la formulation de cette opposition écrite. Il suffit que son auteur y manifeste à l'égard de l'employeur qu'il n'est pas d'accord avec le congé qui lui a été notifié (ATF
136 III 96 consid. 2; 123 III 246 consid. 4c; arrêts du Tribunal fédéral 4A_571/2008 du 5 mars 2009 consid. 4.1.2; 4C_233/2006 du 25 octobre 2006 consid. 3). L'opposition a pour but de permettre à l'employeur de prendre conscience que son employé conteste le licenciement et le considère comme abusif; elle tend à encourager les parties à engager des pourparlers et à examiner si les rapports de travail peuvent être maintenus (cf. art. 336b al. 2 CO; arrêt 4A_571/2008 déjà cité consid. 4.1.2; WYLER/HEINZER, Droit du travail, 4ème éd. 2019, p. 839). Dans cette perspective, le droit du travailleur de réclamer l'indemnité pour licenciement abusif s'éteint s'il refuse l'offre formulée par l'employeur de retirer la résiliation (ATF
134 III 67 consid 5; WYLER/HEINZER, op. cit., p. 839).

Pour qu'il puisse prétendre à une indemnité pour licenciement abusif, le travailleur se doit d'observer les délais fixés par l'art. 336b CO. Il s'agit de délais de péremption, de sorte que leur non-respect entraîne la perte du droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_316/2012 du 1er novembre 2012 consid. 2.1 in fine; AUBERT, CR CO I, 2ème éd. 2012, n. 2 ad art. 336b CO; WYLER/HEINZER, op. cit., p. 838 ss).

3.2.1 Lorsque la maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC; "Verhandlungsmaxime"; "massima dispositiva"), il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès (ATF 144 III 519 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_555/2015 du 18 mars 2016 consid. 2.3).

Les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions (fardeau de l'allégation subjectif; "subjektive Behauptungslast"; "onere di allegazione"), produire les moyens de preuve qui s'y rapportent ("Beweisführungslast"; "onere di deduzione delle prove") (art. 55 al. 1 CPC) et contester les faits allégués par la partie adverse ("Bestreitungslast"; "onere di contestazione"), le juge ne devant administrer les moyens de preuve que sur les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC; 144 III 519 consid. 5.1).

Les faits sur lesquels le demandeur fonde ses prétentions sont les faits dits pertinents (cf. art. 150 al. 1 CPC), c'est-à-dire les éléments de fait concrets correspondant aux faits constitutifs de la règle de droit applicable dans le cas particulier (HOHL, Procédure civile, 2ème éd. 2016, Tome I, n. 1219 et 1229).

3.2.2 En ce qui concerne l'allégation, les faits doivent être allégués en principe dans la demande, respectivement dans la réponse pour les faits que doit alléguer le défendeur (art. 221 al. 1 let. d et 222 al. 2 CPC). Ils peuvent l'être dans la réplique et la duplique si un deuxième échange d'écritures est ordonné ou, s'il n'y en a pas, par dictée au procès-verbal lors des débats d'instruction (art. 226 al. 2 CPC) ou à l'ouverture des débats principaux, avant les premières plaidoiries (ATF 144 III 67 consid. 2; 144 III 519 déjà cité consid. 5.1). Pour chaque fait constitutif de la règle légale applicable, le demandeur doit donc alléguer une série d'éléments de fait concrets (HOHL, op. cit., n. 1219 et 1229). Les faits pertinents allégués doivent être suffisamment motivés (charge de la motivation des allégués; "Substanziierungslast der Tatsachenbehauptungen"; "onere di sostanziare le allegazioni") pour que, d'une part, le défendeur puisse dire clairement quels faits allégués dans la demande il admet ou conteste et que, d'autre part, le juge puisse, en partant des allégués de fait figurant dans la demande et de la détermination du défendeur dans la réponse, dresser le tableau exact des faits admis par les deux parties ou contestés par le défendeur, pour lesquels il devra procéder à l'administration de moyens de preuve (art. 150 al. 1 CPC; ATF 144 III 67 consid. 2.1), et ensuite appliquer la règle de droit matériel déterminante (ATF 144 III 519 déjà cité consid. 5.2).

Par exception, les faits implicites n'ont pas à être allégués explicitement. Un fait implicite est, par définition, un fait qui est contenu, sans aucun doute dans un autre allégué de fait expressément invoqué (ATF 144 III 519 déjà cité consid. 5.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_404/2016 du 7 décembre 2016 consid. 2.2 et les références citées). Sont, par exemple, des faits implicites : la qualité pour agir, l'exercice des droits civils, l'exactitude d'une date, la non-péremption du droit, l'envoi et la réception d'une facture. Le fardeau de l'allégation objectif ("objektive Behauptungslast"; "onere di allegazione oggettivo") et le fardeau de la preuve ("Beweislast"; "onere della prova") d'un fait implicite n'incombent à la partie demanderesse que lorsque sa partie adverse l'a contesté (ATF 144 III 519 déjà cité consid. 5.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_243/2018 du 17 décembre 2018 consid. 4.2.1; 4A_283/2008 du 12 septembre 2008 consid. 6, non publié aux ATF 134 III 541). Dans les procès soumis à la maxime des débats, la contestation d'un fait implicite, comme toute contestation de faits, doit intervenir dans la réponse (art. 222 al. 2 CPC), voire, s'il n'y a pas de second échange d'écritures ni de débats d'instruction, au début des débats principaux (art. 229 al. 2 CPC). A défaut de contestation en temps utile, le fait implicite est censé admis (art. 150 al. 1 CPC) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_404/2016 du 7 décembre 2016 consid. 2.2).

3.2.3 Le délai de péremption est fixé par le droit matériel. Son respect est donc une condition de fond de l'action (et non une condition de procédure) : si le tribunal constate que le délai n'a pas été respecté, il doit prononcer le rejet de l'action (HOHL, op. cit., n. 363). Le tribunal doit vérifier d'office le respect du délai de péremption, mais, dans les procès soumis à la maxime des débats, il doit le faire uniquement dans le cadre des faits allégués et prouvés. De plus, la non-péremption d'un droit étant un fait implicite, le tribunal ne l'examinera que si la partie adverse conteste que l'action ait été ouverte à temps (HOHL, op. cit., n. 362).

En vertu du droit matériel, le fardeau de l'allégation objectif et le fardeau de la preuve d'un fait implicite n'incombent à une partie que lorsque sa partie adverse l'a contesté (cf. supra consid. 3.2.2). En conséquence, le fait implicite ne doit être formellement allégué et prouvé que s'il est contesté. Ainsi, ce n'est que si le défendeur conteste la qualité pour agir du demandeur, que celui-ci supporte le fardeau de l'allégation et le fardeau de la preuve de sa qualité : il lui appartient alors d'alléguer expressément sa qualité pour agir et d'offrir les moyens de preuve nécessaires pour établir l'existence de celle-ci. Les fardeaux de l'allégation et de la preuve incombent à la même partie, mais l'allégation et la preuve du fait implicite n'interviennent qu'après que le défendeur a contesté l'existence de celui-ci. De même, ce n'est que si le défendeur soulève l'exception de péremption de l'action (cf. par ex. art. 706a al. 1 CO, art. 839 al. 2 CC) que le demandeur doit alléguer et prouver la non-péremption de son droit. Ce n'est que si le défendeur conteste l'authenticité de la signature ou la date d'une reconnaissance de dette, que le créancier demandeur doit les alléguer et les prouver (cf. art. 178 CPC) (HOHL, op. cit., n. 1595, 1596).

3.3.1 Dans le cas d'espèce, il est constant que l'appelante a saisi la Juridiction des prud'hommes d'une action tendant au paiement d'une indemnité fondée sur les art. 336 et 336a CO. Selon la jurisprudence, le délai fixé à l'art. 336b al. 1 CO - qui prévoit que l'opposition au congé doit être formée au plus tard jusqu'à la fin du délai de congé - est un délai de péremption, de sorte que son non-respect entraîne la perte du droit au paiement de l'indemnité. Conformément aux principes rappelés ci-avant (consid. 3.2.2 et 3.2.3), la non-péremption d'un droit est un fait implicite, lequel ne doit être formellement allégué et prouvé que s'il est contesté par le défendeur. En l'occurrence, il ressort du dossier que l'intimée s'est limitée, dans sa réponse du 20 septembre 2019, à contester le caractère abusif du licenciement, sans se prévaloir du fait que l'employée serait déchue de ses droits faute d'avoir observé le délai prévu à l'art. 336b al. 1 CO. L'intimée n'a pas non plus soulevé l'exception de péremption de l'action lors de l'audience de débats d'instruction du 9 décembre 2019, à l'issue de laquelle les débats principaux ont été ouverts.

Or, si l'intimée entendait se prévaloir de la péremption du droit de l'appelante à réclamer une indemnité pour licenciement abusif, il lui appartenait de contester l'existence d'une opposition valable au congé dans sa réponse, ou, au plus tard, lors des débats d'instruction du 9 décembre 2019. Elle ne l'a cependant pas fait, si ce n'est tardivement lors des débats principaux, après que le Tribunal a interpellé (à tort) les parties à ce sujet.

Aussi, en l'absence de contestation de la part de l'intimée, le fait - implicite - que l'appelante s'est opposée au licenciement avant la fin du délai de congé devait être considéré comme admis, de sorte qu'il n'avait pas à être prouvé (art. 150 al. 1 CPC).

3.3.2 C'est dès lors à tort que le Tribunal a retenu que l'employée n'avait pas valablement formé opposition à son licenciement, et, partant, qu'il n'a pas examiné le caractère abusif ou non de ce congé, ni, dans l'hypothèse où le caractère abusif serait retenu, la prétention en indemnité requise de ce chef. Les chiffres 2 et 5 du dispositif du jugement entrepris seront dès lors annulés.

Comme le Tribunal a renoncé à instruire le fond du litige et qu'il n'a pas statué sur un élément essentiel de la demande, la cause sera retournée aux premiers juges (art. 318 al. 1 let. c CPC), dans le respect du principe de double degré de juridiction, pour instruction complémentaire et nouvelle décision sur les conclusions de l'appelante tendant au versement d'une indemnité si le congé devait être qualifié d'abusif.

4. 4.1 Lorsque l'autorité d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Dans la mesure où la valeur litigieuse n'excédait pas 75'000 fr. en première instance, c'est à raison que le Tribunal n'a pas perçu de frais judiciaires (art. 114 let. c CPC; art. 24 al. 2 LTPH; art. 19 al. 3 let. c LaCC; art. 69 RTFMC), ni alloué de dépens (art. 116 al. 1 CPC; art. 22 al. 2 LaCC). Il n'y a dès lors pas lieu de modifier les chiffres 3 et 4 du dispositif du jugement querellé.

4.2 La procédure d'appel est gratuite (art. 114 let. c cum 116 al. 1 CPC; art. 19 al. 3 let. c LaCC) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 5 :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 18 mai 2020 par A______ contre le jugement JTPH/131/2020 rendu le 7 avril 2020 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/7492/2019-5.

Au fond :

Annule les chiffres 2 et 5 du dispositif du jugement attaqué et, statuant à nouveau :

Renvoie la cause au Tribunal des prud'hommes pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants.

Confirme le jugement attaqué pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Monsieur Michael RUDERMANN juge employeur; Madame Shirin HATAM, juge salarié; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.