Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/56/2015

ATAS/777/2015 du 15.10.2015 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/56/2015 ATAS/777/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 octobre 2015

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à Genève, représenté par le CENTRE SOCIAL PROTESTANT GENÈVE (Monsieur B______)

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), ressortissant kosovar né en 1949, est marié depuis 1981 à Madame A______, née en 1961, également originaire du Kosovo et arrivée en Suisse en 1994. Le couple a cinq enfants, dont le cadet est né en 1987.

2.        L’assuré, au bénéfice d’une rente d’invalidité, reçoit des prestations complémentaires versées par le Service des prestations complémentaires (ci-après : SPC).

3.        Son épouse a été engagée en tant que nettoyeuse (40 heures de travail par mois) en décembre 1997, pour un revenu mensuel de CHF 675.-.

4.        Par décision du 20 avril 2009, le SPC a fixé le montant des prestations dues.

Dans ses calculs, il a tenu compte d’un gain potentiel pour l’épouse de l’assuré s’élevant, avant déduction de la franchise, à CHF 11'760.- en 2006, à CHF 12'093.- du 1er janvier au 31 août 2007, à CHF 39'856.- du 1er septembre 2007 au 31 décembre 2008 et à CHF 41'161.- dès le 1er janvier 2009.

5.        Dans ses décisions subséquentes, le SPC a calculé le droit aux prestations complémentaires de l’assuré en tenant compte d’un gain potentiel de son épouse oscillant entre CHF 41'161.- et CHF 41'403.-.

6.        L’assuré a informé le SPC, en date du 21 février 2011, que son épouse était dans l’attente d’une décision de l’assurance-invalidité.

7.        Faisant suite à une demande de renseignements du SPC, l’assuré a signalé - par courrier reçu le 25 février 2011 - que son épouse n’avait pas travaillé en 2009 et en 2010.

8.        Le 23 mars 2012, l’assuré a fait remarquer au SPC que l’intégration d’un gain potentiel dans le calcul des prestations complémentaires abaissait les revenus du couple en deçà du seuil de pauvreté. Il a allégué que son épouse était suivie médicalement en raison d’un trouble psychiatrique chronique depuis décembre 2011 et qu’elle était dans l’incapacité totale de travailler pour une durée indéterminée. Elle n’avait jamais retravaillé depuis qu’elle avait perdu son droit aux prestations d’invalidité.

L’assuré a produit à l’appui de ses dires un certificat rédigé le 23 janvier 2012 par le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne, attestant de l’incapacité de travail totale de Madame A______ depuis le 1er février 2012.

9.        Le SPC a octroyé des prestations d’aide sociale à l’assuré dès le 1er décembre 2012.

10.    Le 18 juin 2014, l’assuré, représenté par son assistante sociale, a fait parvenir au SPC la demande de prestations de l’assurance-invalidité de son épouse, datée du 31 janvier 2013.

11.    Par décision du 7 juillet 2014, le SPC a calculé le droit aux prestations complémentaires de l’assuré dès le 1er mai 2014, en retenant notamment au nombre des revenus un montant de CHF 26'562.15, correspondant aux deux tiers d’un gain potentiel de CHF 41'343.- pour l’épouse de l’assuré après déduction de la franchise.

12.    Par courrier du 22 juillet 2014, l’assuré a derechef sollicité du SPC la suppression du gain potentiel imputé à son épouse.

Il a joint à son envoi cinq certificats du Dr C______, attestant de l’incapacité de travail totale de son épouse depuis le 1er janvier 2014, ainsi qu’un arrêt rendu le 5 juin 2014 par la chambre de céans dans la cause opposant Madame A______ à l’Office d’assurance-invalidité (OAI ; ATAS/702/2014).

Les éléments suivants ressortent de cet arrêt :

a.       En mars 2007, l’épouse de l’assuré a déposé une première demande de prestations auprès de l’OAI, motivée par un épisode dépressif sévère présent depuis août 2004 et ayant entraîné une totale incapacité de travail.

b.      Dans une expertise réalisée en mars 2008, la doctoresse D______, spécialiste FMH en psychiatrie, a conclu à un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique depuis août 2004, expliquant que l’intéressée souffrait de symptômes résiduels d’un état de stress post-traumatique, que, confrontée à divers traumatismes, elle avait progressivement décompensé sa thymie et que, malgré les limitations fonctionnelles observées en lien avec l’affection précitée, elle conservait une capacité résiduelle de travail de 40% depuis le milieu de l’année 2007.

c.       Par décision du 17 février 2009, l’OAI a reconnu à l’intéressée le droit à un trois-quarts de rente d’invalidité limité à la période du 1er mars 2006 au 31 août 2007.

d.      Par arrêt du 26 novembre 2009 (ATAS/1497/2009), la chambre de céans a partiellement admis le recours de l’intéressée contre la décision de l’OAI et lui a reconnu le droit à un trois-quarts de rente d’invalidité du 1er mars 2006 au 31 octobre 2007, puis à un quart de rente, à compter du 1er novembre 2007.

e.       Par arrêt du 30 juin 2010 (9C_51/2010), le Tribunal fédéral a réformé l’arrêt du 26 novembre 2009 en ce sens qu’il a limité le droit à un trois-quarts de rente du 1er mars 2006 au 31 octobre 2007, date à compter de laquelle il a nié le droit aux prestations de l’assurance-invalidité.

f.       Le 1er février 2013, l’épouse du bénéficiaire des prestations complémentaires a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI, toujours motivée par son état psychique.

g.      L’OAI ayant annoncé son intention de ne pas entrer en matière, le Dr C______ a contesté ce projet par courrier du 29 avril 2013 en indiquant que sa patiente souffrait d’un trouble dépressif sévère récurrent chronicisé depuis 2007, date d’une rupture existentielle majeure, d’un état de stress post-traumatique chronique et d’une modification durable et vraisemblablement définitive de la personnalité après expériences de catastrophes. Il disait avoir observé une dégradation de l’état de santé de sa patiente et une détérioration de ses relations avec ses enfants, lesquels assuraient depuis sept ans une véritable « hospitalisation à domicile ». Selon lui, la capacité de travail sur les plans professionnel et domestique était nulle et durable depuis le 1er janvier 2010 au moins.

h.      Par décision du 17 octobre 2013, l’OAI a refusé d’entrer en matière sur cette nouvelle demande de prestations.

i.        Dans son arrêt du 5 juin 2014, la chambre de céans a retenu en substance que le Dr C______ avait fait état de diagnostics supplémentaires et d’une péjoration des limitations de l’intéressée, qu’une aggravation avait ainsi été rendue plausible et a renvoyé la cause à l’OAI pour instruction et décision au fond.

13.    Par courrier du 20 octobre 2014, l’assuré a redemandé au SPC de renoncer à tout gain potentiel pour son épouse, nouvelle attestation du Dr C______ à l’appui.

14.    Par décision du 1er décembre 2014, le SPC a confirmé sa décision du 7 juillet 2014.

Il a retenu que l’épouse de l’assuré était âgée de 53 ans, âge auquel elle pouvait encore accéder au marché du travail. Il a rappelé que tout assuré a l’obligation de réduire son dommage et que l’âge de la retraite est fixé à 64 ans pour les femmes.

Il a considéré que, pour l’heure, l’épouse de son bénéficiaire n’avait fait que rendre plausible une aggravation de son état de santé. En l’état, les certificats médicaux du Dr C______, succincts, ne permettaient pas d’évaluer précisément cette aggravation, la date de sa survenance et ses conséquences éventuelles en termes de capacité de gain.

Le SPC a estimé que, l’OAI n’ayant pas encore statué au fond, il était contraint, pour sa part, de tenir compte d’un gain potentiel dans ses calculs, étant précisé qu’il reprendrait le dossier à l’issue des investigations menées par l’OAI.

Il a par ailleurs souligné que le calcul des prestations sociales - contrairement à celui des prestations complémentaires - ne tenait compte d’aucun gain potentiel.

15.    Par décision du 17 décembre 2014, le SPC a calculé le montant des prestations complémentaires dues à l’assuré dès le 1er janvier 2015 en tenant compte, pour son épouse, d’un gain potentiel de CHF 40'948.-.

16.    Par écriture du 7 janvier 2015, l’assuré a interjeté recours auprès de la Cour de céans.

Il fait valoir que la position de l’intimé est injuste, car elle ne tient pas compte de l’état de santé de sa femme, totalement incapable de travailler. Il ajoute que sa famille ne saurait rester dans le dénuement jusqu’à la décision de l’OAI.

17.    Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 13 février 2015, a conclu au rejet du recours. Il souligne que le recourant et son épouse bénéficient de prestations sociales assurant leur minimum vital.

18.    Le 25 mars 2015, le recourant, par son mandataire, a produit les pièces suivantes :

-          un rapport rédigé le 6 novembre 2014 par la doctoresse E______, diagnostiquant chez l’épouse du recourant un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère (F 33.2) et une modification durable de la personnalité après une expérience de catastrophe (F 62.0), entraînant une totale incapacité de travail depuis au moins cinq ans;

-          un rapport du 10 novembre 2014 de la doctoresse F______, spécialiste FMH en psychiatrie, contenant une anamnèse et relatant ses observations cliniques, faisant état d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère (F 33.2), d’une modification durable de la personnalité après une expérience de catastrophe (F 62.0) et d’un état de stress post-traumatique (F 43.1), entraînant une totale incapacité de travail depuis au moins 2008;

-          une attestation établie le 15 décembre 2014 par le Dr C______, indiquant que l’épouse du recourant souffre d’une « affection médicale chronique invalidante très difficile à soigner » et qu’elle a subi un changement de la personnalité lié à des traumatismes, provoquant généralement des troubles irréversibles ;

-          un certificat du 6 février 2015 de la Dresse F______ confirmant que l’intéressée est suivie de longue date sur le plan psychiatrique ;

-          une communication de l’OAI du 17 mars 2015 informant l’épouse du recourant de la mise en œuvre prochaine d’une expertise.

19.    La chambre de céans a entendu les parties et procédé à l’audition de l’épouse du recourant en date du 16 avril 2015.

L’intimé a précisé que le gain potentiel a été évalué à CHF 40'948.- et que seuls deux tiers de ce montant, soit CHF 26'299.-, étant pris en considération. Il s’est dit prêt à suspendre la procédure jusqu’à droit jugé en matière d’invalidité.

Le recourant s’est opposé à la suspension de la procédure, au motif que la décision de l’OAI pourrait prendre du temps. Il a indiqué avoir produit dans la présente procédure toutes les pièces médicales versées au dossier de l’OAI depuis l’arrêt rendu par la chambre de céans en date du 5 juin 2014.

Le recourant a en outre produit un rapport du 2 mars 2015 du docteur G______, spécialiste FMH en rhumatologie, diagnostiquant chez son épouse une fibromyalgie et un état dépressif.

L’épouse du recourant a affirmé que son état s’est encore dégradé depuis le dépôt de sa demande de révision à l’OAI : ayant mal partout, elle n’a pas effectué la moindre démarche pour trouver une activité.

20.    L’intimé s’est déterminé le 23 avril 2014 en persistant dans ses conclusions.

Il souligne que le Dr G______ ne se prononce pas sur la capacité de travail de sa patiente et fait remarquer que, selon la jurisprudence, la fibromyalgie n’entraîne en règle générale pas de limitation de longue durée de la capacité de travail.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur depuis le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        a) En matière de prestations complémentaires fédérales, les décisions sur opposition sont sujettes à recours dans un délai de 30 jours (art. 56 al. 1 et 60 al. 1er LPGA; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 7 10]) auprès du tribunal des assurances du canton de domicile de l’assuré (art. 58 al. 1 LPGA).

b) S’agissant des prestations complémentaire cantonales, l’art. 43 LPCC ouvre les mêmes voies de droit.

c) En l’espèce, le recours a été interjeté dans les forme et délai légaux de sorte qu'il est recevable (art. 56ss LPGA).

3.        Les dispositions de la LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n'y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC).

Il en va de même en matière de prestations complémentaires cantonales (cf. art. 1A let. b LPCC).

4.        Le litige porte sur le bien-fondé de la prise en compte d’un gain potentiel pour l’épouse du recourant dans le calcul des prestations complémentaires.

5.        a) En vertu de l'art. 4 LPC, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires, dès lors qu’elles ont droit, notamment, à une rente ou à une allocation pour impotent de l’assurance-invalidité (al. 1 let. c). Le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 al. 1 LPC). Les revenus déterminants au sens de l'art. 11 LPC comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière ainsi que les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l'AVS et de l'AI (art. 11 al. 1 let. b et d LPC). S'y ajoute un quinzième de la fortune nette pour les bénéficiaires de rentes de l'assurance-invalidité, dans la mesure où elle dépasse 60'000 fr. pour les couples (art. 11 al. 1 let. c LPC). Sont également comprises dans les revenus déterminants les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi (art. 11 al. 1 let. g LPC).

b) S'agissant des prestations complémentaires cantonales, l’art. 4 LPCC prévoit qu’ont droit aux prestations les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable. L'art. 5 al. 1 LPCC prévoit que le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant les dérogations suivantes: les prestations complémentaires fédérales sont ajoutées au revenu déterminant (let. a) et la part de fortune nette prise en compte est de un huitième après déduction des franchises prévues à l'art. 11 al. 1 let. c LPC. Le montant de la prestation complémentaire correspond à la part des dépenses reconnues qui excède le revenu annuel déterminant de l'intéressé (art. 15 al. 1 LPCC).

6.        Conformément à l’art. 159 al. 3 du Code civil (CC - RS 210), les époux se doivent l’un à l’autre fidélité et assistance. Ainsi, lorsque l’époux a besoin de soins et de surveillance, ces tâches font incontestablement partie des obligations conjugales de l’épouse. Cependant, le devoir de contribuer à l’entretien de la famille au sens de l’art. 163 CC fait également partie des obligations des époux (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 18/99 du 22 septembre 2000 consid. 2b). Selon la jurisprudence rendue sur l'art. 163 CC, le principe de solidarité entre les conjoints implique qu'ils sont responsables l'un envers l'autre non seulement des effets que le partage des tâches adopté durant le mariage peut avoir sur la capacité de gain de l'un des époux, mais également des autres motifs qui empêcheraient celui-ci de pourvoir lui-même à son entretien (arrêt du Tribunal fédéral des assurances 5C.42/2002 du 26 septembre 2002 consid. 2.1).

Sous l'angle du droit à des prestations complémentaires, une telle obligation s'impose en particulier lorsque l'un des conjoints n'est pas en mesure de travailler à raison par exemple de son invalidité, parce qu'il incombe à chacun de contribuer à l'entretien et aux charges du ménage. Au regard de l'art. 11 al. 1 let. g LPC, cela signifie que lorsque le conjoint qui serait tenu d'exercer une activité lucrative pour assumer (en tout ou partie) l'entretien du couple en vertu de l'art. 163 CC y renonce, il y a lieu de prendre en compte un revenu hypothétique après une période dite d'adaptation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_240/2010 du 3 septembre 2010 consid. 4.1).

Il appartient à l'administration ou, en cas de recours, au juge d'examiner si l'on peut exiger de l'intéressé qu'il exerce une activité lucrative et, le cas échéant, de fixer le salaire qu'il pourrait en retirer en faisant preuve de bonne volonté. Pour ce faire, il y a lieu d'appliquer à titre préalable les principes du droit de la famille, compte tenu des circonstances du cas d'espèce. Les critères décisifs auront notamment trait à l'âge de la personne, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l'activité exercée jusqu'ici, au marché de l'emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 134 V 53 consid. 4.1 et les références). A titre d’exemples, la chambre de céans a exclu tout gain potentiel pour une femme de 58 ans, sans formation, sans aucune expérience professionnelle, n'ayant jamais eu aucune activité en dehors du cercle familial, ne parlant pas le français et souffrant de nombreuses affections (ATAS/389/2013 consid. 10), de même que pour l’épouse d’un recourant n’ayant suivi que la scolarité primaire dans son pays d’origine, qui s’était mariée à 18 ans, avait eu 4 enfants et n’avait jamais travaillé, et qui ne maîtrisait pas le français et présentait un syndrome somatoforme douloureux et un état dépressif léger (ATAS/1025/2013 consid. 10).

7.        En ce qui concerne le critère ayant trait à l'état de santé d’un assuré, il faut rappeler que les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires ne disposent pas des connaissances spécialisées pour évaluer l'invalidité d'une personne. C'est notamment pour ce motif qu'ils sont liés par les évaluations de l'invalidité effectuées par les organes de l'assurance-invalidité lorsqu'ils fixent le revenu exigible des assurés partiellement invalides au sens de l'art. 14a de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (OPC-AVS/AI - RS 831.301) (ATF 117 V 202 consid. 2b). Il n'en demeure pas moins que cette jurisprudence sur la force obligatoire de l'évaluation de l'invalidité par les organes de l'assurance-invalidité ne s'applique qu'à la condition que ceux-ci aient eu à se prononcer sur le cas et que l'intéressé ait été qualifié de personne partiellement invalide par une décision entrée en force. Mais même dans ce cas, les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires doivent se prononcer de manière autonome sur l'état de santé de l'intéressé lorsqu'est invoquée une modification intervenue depuis l'entrée en force du prononcé de l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_68/2007 du 14 mars 2008 consid. 5.3). La jurisprudence a toutefois précisé que l'obligation de diminuer le dommage impose à un assuré de mettre en valeur sa capacité de travail résiduelle quand bien même une procédure est pendante contre le prononcé de l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 43/05 du 25 octobre 2006 consid. 3.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 8C_574/2008 du 8 juin 2009 consid. 5.4).

8.        L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. Il convient que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3; ATF 122 V 157 consid. 1c).

9.        La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 de la Constitution fédérale (Cst ; RS 101), celui d'obtenir une décision motivée. Le destinataire de la décision et toute personne intéressée doit pouvoir la comprendre et l'attaquer utilement en connaissance de cause s'il y a lieu, et l'instance de recours doit pouvoir exercer pleinement son contrôle si elle est saisie (ATF 139 V 496 consid. 5.1). Selon la jurisprudence, la violation du droit d'être entendu - pour autant qu'elle ne soit pas d'une gravité particulière - est réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Au demeurant, la réparation d'un vice éventuel ne doit avoir lieu qu'exceptionnellement (ATF 124 V 180 consid. 4a). Le Tribunal fédéral a en outre souligné que l’intimé, chargé de l'exécution du régime des prestations complémentaires fédérales, est tenu de soumettre aux administrés concernés des calculs non seulement clairs et compréhensibles, mais qui correspondent également au dossier de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 9C_777/2013 du 13 février 2014 consid. 5.3).

10.    En premier lieu, s’agissant de la proposition de l’intimé de suspendre l’instance jusqu’à droit décidé dans la procédure pendante devant l’OAI concernant l’épouse du recourant, il faut rappeler qu’une suspension est indiquée lorsqu'il existe une connexité étroite entre les objets des procédures qui commande un examen global. Tel n'est cependant pas le cas lorsqu'un recours est interjeté contre une décision en matière de prestations complémentaires qui porte sur la question du gain hypothétique alors qu'une décision de l'assurance-invalidité portant sur la capacité de gain est pendante, puisque les objets de la procédure sont distincts (arrêt du Tribunal fédéral 8C_574/2008 du 8 juin 2009 consid. 4.2).

En application de cette jurisprudence, la chambre de céans peut statuer dans la présente cause sans attendre l’issue de la procédure opposant l’épouse du recourant à l’OAI.

La chambre de céans souligne en outre que si Madame A______ devait se voir reconnaître le droit à une rente d’invalidité, l’art. 22 al. 1 OPC-AVS/AI prévoit que si la demande d'une prestation complémentaire annuelle est faite dans les six mois à compter de la notification d'une décision de rente de l'AVS ou de l'AI, le droit prend naissance le mois au cours duquel la formule de demande de rente a été déposée, mais au plus tôt dès le début du droit à la rente. En vertu de cette disposition et à ces conditions, le calcul des prestations complémentaires auxquelles pourrait éventuellement prétendre l’épouse du recourant pourrait cas échéant être repris dès la date d’octroi d’une rente d’invalidité à celle-ci. Quant au recourant, il pourrait alors invoquer un motif de révision.

11.    En l’espèce, il n’existe aucun rapport médical établi depuis l’arrêt rendu par la chambre de céans en date du 5 juin 2014 qui corresponde en tous points aux exigences formelles posées par la jurisprudence et rappelées supra. En particulier, on ignore si la Dresse F______ a pu prendre connaissance du dossier médical de l’épouse du recourant. Quant au Dr G______, il ne se prononce pas sur la capacité de travail de cette dernière, comme le souligne à juste titre l’intimé. Partant, à défaut de rapport médical démontrant de manière probante une aggravation de l’état de santé de l’épouse du recourant et ses répercussions en termes de capacité de gain, la décision de l’intimé ne prête pas flanc à la critique dans son principe, en tant qu’elle impute un gain potentiel à l’intéressée, si l’on tient compte de sa seule capacité de travail médico-théorique.

En revanche, s’agissant du montant du gain potentiel, force est de constater que l’intimé n’a pas indiqué sur quels éléments de calcul il se fondait. Il est vraisemblable que les bases de calcul sont les salaires prévus dans la convention de travail (CCT) dans le secteur du nettoyage pour le canton de Genève, la pratique de l’intimé étant de s’y référer pour des emplois sans formation (cf. ATAS/1025/2013 ch. 17 « En fait »). On notera de plus que la décision confirmée sur opposition calcule le droit aux prestations complémentaires en se fondant sur un revenu hypothétique de CHF 41'343.-, alors que l’intimé a articulé en audience un chiffre de CHF 40'948.-, sans que l’on s’explique cette différence. La décision ne satisfait ainsi pas aux exigences de motivation rappelées plus haut.

En outre, si l’incapacité de gain de l’épouse du recourant n’est pour l’heure pas établie, l’intéressée présente néanmoins certaines limitations fonctionnelles non contestées. De plus, il faut tenir compte du fait qu’après un long éloignement de la vie professionnelle, une intégration complète dans le marché du travail n’est plus possible après un certain âge (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 2/06 du 18 août 2006 consid. 1.2). On soulignera de surcroît que l’épouse du recourant ne dispose d’aucune formation. Elle n’a jamais été active sur le marché du travail à temps complet, même lorsque sa santé le lui permettait, et elle maîtrise mal le français. Selon la jurisprudence, de telles circonstances rendent très difficile une reprise d’activité lucrative. Dans un tel cas, la question du gain potentiel du conjoint d’un bénéficiaire de prestations complémentaires ne peut être résolue en recourant de manière schématique à des données statistiques ou des hypothèses fondées sur l’expérience générale, mais nécessite de plus amples clarifications. Il y a lieu d’examiner l’offre des emplois vacants appropriés et le nombre de personnes à la recherche d’un emploi dans le marché du travail local, par exemple en interpellant l’office cantonal de l’emploi (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 6/04 du 4 avril 2005 consid. 3.2.2).

Ainsi, au vu des circonstances, l’intimé ne pouvait se contenter de tenir compte d’un gain potentiel pour l’épouse du recourant sans autre examen des possibilités concrètes de cette dernière de réaliser un tel revenu. Dans cette mesure, sa décision n’est pas conforme au droit et doit être annulée. La cause lui sera renvoyée pour qu’il procède à cet examen, par exemple en interpellant l’office cantonal de l’emploi pour déterminer si l’exercice d’une activité lucrative est réaliste, eu égard au nombre de postes à pourvoir adaptés et de demandeurs d’emploi, avant de rendre une nouvelle décision, laquelle devra tenir compte de la jurisprudence de la chambre de céans citée supra (consid. 6).

12.    Eu égard à ce qui précède, le recours est partiellement admis.

Le recourant, assisté d’un mandataire, a droit à des dépens qu’il convient de fixer à CHF 1'500.- (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 1er décembre 2014.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Condamne l’intimé à verser au recourant une indemnité de CHF 1'500.- à titre de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 – LTF - RS 173.110) aux conditions de l’art. 95 LTF pour ce qui a trait aux prestations complémentaires fédérales, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire (articles 113 ss LTF) aux conditions de l’art. 116 LTF pour ce qui a trait aux prestations complémentaires cantonales. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le