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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3464/2017

ATAS/645/2018 du 17.07.2018 ( CHOMAG ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3464/2017 ATAS/645/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 juillet 2018

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENEVE

 

recourant

 

contre

CAISSE DE CHOMAGE DU SIT, sise Rue des Chaudronniers 16, GENEVE

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le _______ 1985, célibataire, de nationalité française, alors domicilié rue du B______ ______ à 01210 Ornex (France), a travaillé chez C______ AG (ci-après : C______) depuis le 1er novembre 2014, comme agent d’escale dans la succursale genevoise de ladite société. Il a obtenu un permis pour frontalier. Par courrier remis en mains propres le 29 février 2016 (indiquant pour adresse la rue B______ ______ à 01210 Ornex), C______ a résilié le contrat de travail de l’assuré pour le 31 mars 2016, en étant libéré de son obligation de travailler jusqu’à l’échéance du délai de congé. Celle-ci s’est trouvée reportée au 30 juin 2016 du fait que l’assuré a été, sur certificat de son médecin, en arrêt de travail pour cause de maladie, ainsi que C______ l’a indiqué à l’assuré par un courrier envoyé à ce dernier le 17 mai 2016 à la rue D______ ______ à 01210 Ornex (France).

2.        Le 19 septembre 2016, l’assuré a déposé une demande d’autorisation de séjour auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), indiquant être domicilié chez Monsieur E______ à la rue F______ _______ à 1225 Chêne-Bourg (GE).

3.        Le 20 septembre 2016, l’assuré s’est inscrit au chômage auprès de l’office régional de placement (ci-après : ORP) de Genève, en indiquant être domicilié chez M. E______ à ladite adresse à Chêne-Bourg, et être à la recherche d’un emploi à plein temps comme employé de bureau de voyages. Un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert en sa faveur du 20 septembre 2016 au 19 septembre 2018. L’assuré a requis le versement de l’indemnité de chômage auprès de la Caisse de chômage SIT (ci-après : la caisse) à Genève. Cette dernière (à teneur d’une attestation du 4 novembre 2016) lui a versé des indemnités journalières de chômage de CHF 127.90 bruts (cinq par semaine), étant précisé qu’il aurait droit à 400 indemnités journalières entre le 20 septembre 2016 et le 19 septembre 2018.

4.        Selon une attestation du maire de la commune française d’Ornex du 28 septembre 2016, l’assuré a certifié sur l’honneur avoir quitté ladite commune le 19 septembre 2016 pour habiter rue F______ ______ à Chêne-Bourg.

5.        L’assuré s’est affilié à l’assurance-maladie obligatoire au sens de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10) auprès de la CSS Assurance dès le 20 septembre 2016, comme étant domicilié rue F______ ______ à Chêne-Bourg.

6.        Le 20 octobre 2016, une enquête a été ouverte par le service juridique de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) sur la question du domicile effectif de l’assuré, compte tenu du fait que la lettre de licenciement de C______ du 29 février 2016 retenait une adresse à Ornex (France) et que son curriculum vitae faisait mention d’un raccordement téléphonique français (0033 ______).

Entendu le 22 novembre 2016, l’assuré a déclaré à l’OCE que, comme il l’avait annoncé à la poste française, il avait déménagé en février 2016 à la route D______ ______ à Ornex, dans un appartement qu’il avait cependant quitté en septembre 2016, en même temps qu’il avait déposé une demande d’autorisation de séjour auprès de l’OCPM, en annonçant être domicilié chez M. E______ à la rue F______ ______à Chêne-Bourg. Il avait une voiture de marque Peugeot immatriculée en France.

À teneur du rapport d’enquête que l’OCE a adressé le 30 novembre 2016 à la caisse, l’inspecteur G______ s’était rendu à deux reprises au domicile précité que l’assuré avait annoncé avoir à Chêne-Bourg, les 8 et 14 novembre 2016, sans constater la présence de ce dernier dans cet appartement. Selon une source confidentielle connue dudit inspecteur, l’assuré était toujours domicilié dans son appartement situé à la route D______ ______ à Ornex, dont le bail n’avait pas été résilié. En conclusion, le domicile de l’assuré se trouvait vraisemblablement route D______ ______ à Ornex.

7.        Par courriel du 23 novembre 2016, l’assuré a indiqué à l’inspecteur G______ qu'il avait trouvé un poste de chauffeur de limousine à Genève, selon un contrat conclu le 11 novembre 2016 prenant effet dès le 21 novembre 2016, et qu’il se préparait à passer son permis de conduire ; il insistait auprès de l’OCPM afin d’obtenir un document lui permettant de changer son permis de conduire et de pouvoir passer son examen.

8.        Le 31 mars 2017, l’assuré a été mis au bénéfice, par l’OCPM, d’une autorisation de séjour « CE / AELE » valable dès le 21 novembre 2016, le mentionnant habiter chez Mme (sic) H______ E______ à la rue F______ ______ à Chêne-Bourg.

9.        Par une lettre du 5 mai 2017, l’assuré a adressé à la direction du service juridique de l’OCE une demande de révision de ses droits au chômage. L’inspecteur G______ s’était basé sur une adresse de passage où il avait fait suivre son courrier ; la majorité des informations présentées dans la déclaration qu’il avait signée étaient erronées. L’assuré demandait à ce que ses droits en matière de chômage soient reconnus.

La direction du service juridique de l’OCE lui a répondu le 9 mai 2017 que l’enquête menée avait abouti à la conclusion que son domicile se trouvait en France, selon un rapport qui avait été envoyé à la caisse ; celle-ci avait dû rendre une décision sujette à opposition ; si cela n’avait pas encore été le cas, il lui fallait lui demander de rendre une décision. La direction de l’OCE ne pouvait pas intervenir auprès de la caisse.

10.    Le 23 mai 2017, l’assuré a été informé qu’il avait échoué aux examens en vue d’obtenir la carte professionnelle de chauffeur de limousine.

11.    Le 24 mai 2017, l’assuré a écrit à la direction de la caisse, indiquant être au bénéfice d’un permis de séjour B et être hébergé depuis plusieurs mois chez son ami, M. E______, à la rue F______ ______ à Chêne-Bourg. L’OCE le renvoyait à s’adresser à la caisse. Il lui avait été demandé plusieurs fois de justifier de son départ de l’adresse rue D______ ______ à Ornex, mais celle-ci n’avait été qu’une boîte aux lettres et il n’était pas en mesure de fournir un document officiel, mais démontrait qu’il résidait depuis septembre 2016 à la rue F______ _______ à Chêne-Bourg par la production en copie de son permis de séjour, d’une quittance relative à un abonnement de téléphonie mobile et des réponses à ses demandes d’emploi. Son conseiller en personnel (Monsieur I______) avait exigé de lui qu’il signe le formulaire de confirmation d’annulation de son inscription au chômage du fait qu’il avait obtenu un contrat de travail comme chauffeur professionnel chez J______, alors que ce contrat ne pouvait prendre effet avant qu’il n’obtienne un permis de chauffeur professionnel ; il était toujours sans revenu et activement à la recherche d’un emploi. Son dossier était bloqué, parce qu’on lui demandait de justifier qu’il avait quitté le logement de la rue D______ ______ à Ornex, alors qu’il avait expliqué que ce logement-ci lui permettait de recevoir provisoirement du courrier suite à son licenciement de chez C______ et que par la suite il avait fait suivre du courrier chez sa sœur à Divonne-les-Bains (France), à la rue K______ ______, Les Allées d’Arbère. Il n’avait aucun document pouvant démontrer son départ dudit logement d’Ornex, et il n’était plus en contact avec la personne occupant ce logement. Cette obligation de produire un tel justificatif devait être retirée.

12.    Par décision du 29 mai 2017 (remise en main propre le 20 juillet 2017), la caisse a nié le droit de l’assuré à percevoir des indemnités journalières de chômage à partir du 20 septembre 2016, faute de preuve de son domicile en Suisse. Après avoir reçu le rapport d’enquête du service juridique de l’OCE, la caisse avait demandé à l’assuré, le 2 décembre 2016, de produire une copie de la résiliation de son bail portant sur le logement de la route D______ ______ à Ornex, et, par courriels des 15 décembre 2016 et 13 mars 2017, la preuve de son abandon de domicile en France ; mais aucun document n’avait été remis à la caisse. L’assuré ne remplissait pas la condition de domicile en Suisse prévue par l’art. 8 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0).

13.    Le 29 mai 2017, la caisse a adressé à l’assuré deux demandes de restitution des indemnités de chômage qu’elle lui avait versées, respectivement de CHF 430.05 pour septembre 2016 et de CHF 2'174.35 pour octobre 2016.

14.    Le 21 juillet 2017, l’assuré a formé opposition à l’encontre de la décision précitée de la caisse lui ayant été notifiée la veille. Il se disait résident genevois depuis que, en septembre 2016, il était hébergé chez un ami à la rue F______ ______à Chêne-Bourg. Il avait présenté une multitude de justificatifs attestant de son domicile, mais la caisse ne les prenait pas en compte ; il n’en avait pas d’autres à produire. Il n’avait bénéficié d’aucun de ses droits au chômage.

15.    Par décision sur opposition du 26 juillet 2017, la caisse a déclaré l’opposition de l’assuré recevable (admettant en particulier qu’elle avait été déposée dans le délai légal d’opposition à compter de la notification de la décision), mais elle l’a rejetée. Aucun des documents que l’assuré avait produits, tant après le deuxième rappel qu’avec son opposition, ne permettait de déterminer de façon claire qu’il n’habitait plus à la route D______ 70 à Ornex.

16.    En date du 23 août 2017, l’assuré a recouru contre cette décision par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS). Avant son installation à Chêne-Bourg, son adresse officielle en France était rue B______ à Ornex, l’adresse de la rue D______ ______ à Ornex n’ayant été qu’une adresse transitoire. Il avait expliqué sa situation, mais l’administration lui répondait que « selon une source connue (de l’inspecteur G______) mais confidentielle […] il était toujours locataire de son appartement situé en France voisine » ; il avait demandé en vain à connaître l’identité de cette « source confidentielle » et une confrontation avec l’auteur de cette « dénonciation calomnieuse », qui souhaitait rester anonyme et à laquelle un total crédit était accordé. Le 22 novembre 2016, l’inspecteur G______ lui avait demandé de signer un « document récapitulatif » de sa brève audition. L’assuré souhaitait intégrer le marché du travail. Il avait échoué à la première session de l’examen de chauffeur de limousine, mais espérait réussir cet examen à la session de septembre 2017. Il n’avait aucun revenu, mais estimait avoir droit au chômage. Il joignait à son recours les pièces (dont une attestation d’hébergement de M. E______ datée du 19 septembre 2016 et la dernière quittance de loyer de son ancien appartement de la rue B______ ______ à Ornex), prouvant selon lui sa « résidence principale » à Chêne-Bourg, qui était le lieu où il avait sa vie, le centre de ses intérêts et son quotidien.

17.    Le 31 août 2017, en guise de réponse au recours, la caisse a indiqué à la CJCAS maintenir ses conclusions et a communiqué les « pièces pertinentes de son dossier ».

18.    Dans des observations du 29 septembre 2017, l’assuré a indiqué que sa situation financière était alarmante et qu’il avait besoin de ses 400 indemnités journalières de chômage pour rembourser ses emprunts, dettes et impayés ainsi que pour financer une formation. Ses problèmes avaient débuté avec une dénonciation confidentielle à laquelle l’OCE et la caisse accordaient une importance déterminante, et dont il demandait à connaître l’origine. Il était privé non seulement de son droit à l’indemnité de chômage, mais aussi des possibilités de bénéficier d’une formation, d’assignations à des emplois, d’aide à la création d’une entreprise. Il était victime d’une injustice. N’ayant pas de revenu, il ne trouvait pas de logement à Genève. Les éléments de l’enquête menée par l’inspecteur G______ étaient erronés ; l’assuré ne bénéficiait d’aucune voiture immatriculée en France, ni d’un raccordement téléphonique mobile français ; il ne bénéficiait d’aucune allocation de chômage en France. Il avait écrit aux administrations françaises compétentes, mais n’avait pas obtenu de réponse.

19.    Le 11 octobre 2017, l’assuré a complété cet écrit par l’envoi de documents reçus des administrations françaises qu’il avait contactées, à savoir une attestation de la sous-préfecture de Gex (France) du 20 septembre 2017 certifiant qu’il ne possédait aucun véhicule à moteur immatriculé en France, une attestation de Pôle emploi Auvergne – Rhône-Alpes du 26 septembre 2017 certifiant qu’il ne remplissait plus les conditions au maintien de son inscription sur la liste des demandeurs d’emploi depuis le 31 décembre 2014.

20.    Invitée à prendre position sur les différents points et griefs soulevés par l’assuré, la caisse s’est limitée, par courrier du 19 octobre 2017, à maintenir ses conclusions et à faire référence aux pièces produites.

21.    Réinvitée à prendre position sur les différents points et griefs soulevés par l’assuré, la caisse a indiqué, par courrier du 26 octobre 2017, qu’elle avait demandé à plusieurs reprises à l’assuré d’apporter la preuve qu’il n’était plus locataire de l’appartement de la rue D______ ______ à Ornex, par la production d’une résiliation de bail ou de tout autre document probant démontrant qu’il avait abandonné ce logement. L’assuré avait produit de nombreux documents montrant qu’il avait une adresse en Suisse, mais aucun permettant d’admettre qu’il n’avait plus l’adresse susmentionnée à Ornex. La caisse n’était pas habilitée à répondre aux griefs dirigés contre l’enquête menée par le service juridique de l’OCE.

22.    L’assuré n’a pas donné suite à l’invitation de la CJCAS de faire part de ses remarques et produire toutes pièces utiles (ce dont la CJCAS a indiqué avoir pris note par courrier du 23 novembre 2017).

23.    Par courriel du 14 mai 2018, en réponse à une demande de la CJCAS, l’OCE a indiqué que M. E______ était inscrit au chômage depuis le 16 janvier 2017, que le nom de l’assuré figurait sur sa boîte aux lettres à la rue F______ _____ à Chêne-Bourg (mais pas sur la porte de l’appartement), de même que celui d’une dénommée L______, et qu’il n’y avait dans sa base de données aucun autre demandeur d’emploi ayant pour adresse « c/o M. E______ ».

24.    Le 15 mai 2018, la CJCAS a procédé à la comparution personnelle des parties et à l’audition de témoins.

a.       L’assuré avait fini par trouver un emploi en novembre 2017, comme enseignant en mathématiques dans un cycle d’orientation genevois. L’assuré avait quitté l’appartement de la rue B______ à Ornex, en avril ou mai 2016, quelques semaines après qu’il n’avait plus eu de revenu suite à son licenciement de chez C______. Il avait alors logé chez des proches ou des connaissances, comme sa sœur à Divonne-le-Bains, et, durant moins d’un mois, à la rue D______ ______ à Ornex, chez Madame M______, avec laquelle il avait eu le projet de monter une affaire dans l’immobilier avant que leur relation ne devienne conflictuelle ; il avait passé toute la période estivale 2016 chez ses parents, dans le nord de la France. M. E______ était un collègue de travail chez C______, qui avait accepté de l’héberger chez lui, en septembre 2016, à la rue F______ ______ à Chêne-Bourg, dans une perspective temporaire ; il a décrit l’appartement de M. E______ ; il vivait effectivement dans cet appartement, depuis septembre 2016. À l’inspecteur G______, l’assuré n’avait pas parlé de Mme M______, avec laquelle la relation était déjà conflictuelle.

b.      Selon Monsieur I______, qui avait été son conseiller en personnel à l’OCE, l’assuré avait été activement à la recherche d’un emploi dès son inscription au chômage et toujours accessible. Il n’avait pas pu bénéficier de mesures de marché du travail du fait qu’il n’avait pas droit aux indemnités de chômage, mais son dossier était rester ouvert à l’OCE.

c.       M. G______, qui avait mené l’enquête sur le domicile effectif de l’assuré, s’était rendu à deux reprises à la rue F______ ______ à Chêne-Bourg, en fin de matinée les 8 et 14 novembre 2016, sans que personne ne réponde lorsque, les deux fois, il avait sonné à la porte de l’appartement ; le nom de l’assuré figurait sur la boîte aux lettres de M. E______, mais pas sur la porte de l’appartement. Il s’était renseigné le 18 octobre 2016 auprès de Pôle emploi, qui lui avait indiqué que l’assuré avait bénéficié du chômage en France durant une courte période entre 2010 et 2011, en étant alors domicilié rue B______ _______ à Ornex. Lorsqu’il l’avait entendu, le 22 novembre 2016, l’assuré lui avait dit qu’il allait lui faire parvenir une pièce attestant qu’il avait quitté l’appartement de la rue D______ ______ à Ornex, ce dont ledit inspecteur avait déduit qu’il produirait une lettre de résiliation de bail ou un état des lieux, bien que l’assuré n’avait pas dit qu’il aurait été locataire ou sous-locataire dudit appartement, ni qu’il se serait agi d’une simple adresse pour le courrier. Ledit inspecteur n’avait pas parlé à l’assuré d’une « source confidentielle » le domiciliant à la rue D______ _______à Ornex, parce que c’était le 30 novembre 2016, donc après son audition, qu’il avait obtenu cette information, d’un contrôleur assermenté de la Caisse d’allocations familiales française (ci-après : CAF), par un courriel qu’il n’avait pas conservé ; il venait de demander à la CAF si celle-ci pouvait lui confirmer l’information transmise en 2016, à savoir que l’assuré avait alors son adresse à la rue D______ ______ à Ornex (ce qui ne signifiait pas forcément que l’assuré était locataire de l’appartement considéré).

d.      M. E______, ancien collègue de l’assuré chez C______ (employeur l’ayant aussi licencié, quelques mois après l’assuré), était locataire de l’appartement de la rue F______ ______ à Chêne-Bourg, qu’il a décrit. Il avait accepté d’y héberger l’assuré, et avait établi à cette fin, le 19 septembre 2016, une attestation, que l’assuré avait produite à l’OCPM. L’assuré était venu habiter effectivement chez lui, vers la fin septembre 2016, en y apportant ses affaires (habits, affaires de toilette), et il y demeurait encore à ce jour ; lui-même avait séjourné en Côte d’Ivoire de la fin octobre 2016 à la mi-janvier 2017, et il était arrivé à l’assuré de se déplacer, notamment chez ses parents dans le nord de la France et chez sa sœur à Divonne-les-Bains. Depuis quelques semaines habitait aussi chez lui L______, et il avait trouvé un appartement dans lequel il allait déménager début juin 2018.

e.       L’assuré a indiqué qu’en 2012 ou 2013, alors en situation de précarité, il avait perçu des allocations de la CAF, qu’il devait rembourser, ce qu’il avait fait par de petits acomptes alors qu’il avait encore un revenu de chez C______, mais plus par la suite. Il était possible qu’il ait communiqué l’adresse de la rue D______ ______ à Ornex à des administrations.

Pour le représentant de la caisse, il était plausible que la CAF ait été informée du changement d’adresse de l’assuré de la route B______ à la rue D______ à Ornex, mais pas de son départ d’Ornex pour Chêne-Bourg.

f.        La CJCAS a indiqué vouloir attendre en principe deux semaines que la CAF réponde aux questions que l’assuré a dit vouloir lui poser à la suite de l’information fournie par l’inspecteur G______ concernant la « source confidentielle » sur laquelle les autorités de chômage s’étaient appuyées pour lui nier son droit aux indemnités de chômage, mais elle s’est réservée de garder la cause à juger et de statuer en l’état du dossier.

25.    Le 15 mai 2018, après l’audience précitée, l’assuré a demandé à la CAF de lui établir une attestation relative aux adresses qu’il avait eues à Ornex, avec la précision qu’il n’avait pas habité à la rue D______ et n’avait pas perçu de prestations de la CAF depuis le début de l’année 2016 ; il lui demandait aussi d’indiquer comment elle avait obtenu l’adresse de la rue D______. De son côté, M. G______ a requis de la CAF une copie des informations sur le domicile de l’assuré qu’elle lui avait communiquées précédemment par un courriel qui n’était plus en sa possession.

26.    Le 15 mai 2018, la caisse a informé la CJCAS qu’elle avait reçu les formulaires « Indications de la personne assurée » (ci-après : IPAs) des mois de septembre à novembre 2016 et de mai et juin 2017, et précisé que s’il était statué en faveur de l’assuré, il serait souhaitable que celui-ci puisse percevoir ses indemnités de chômage rétroactivement pour toute la période depuis son inscription au chômage et jusqu’à la reprise d’une activité professionnelle, même s’il ne serait pas en mesure de fournir toutes les IPAs.

27.    Le 16 mai 2018, M. G______ a transmis à la CJCAS copie d’un courriel que la CAF lui avait adressé le 15 mai 2018, aux termes duquel « l’adresse connue pour l’allocataire A______» était celle de la rue D______ ______ à Ornex, adresse valable au moins jusqu’au 29 novembre 2016, date du dernier courrier recommandé que la CAF avait adressé à l’assuré et qui avait été distribué à ladite date.

28.    Par courrier du 17 mai 2018, la CJCAS a demandé à M. G______ de solliciter de la CAF qu’elle précise depuis quand et comment elle avait eu connaissance de l’adresse de la rue D______, si elle avait eu connaissance de son adresse à la rue B______ ______, quel était l’objet et le contenu du recommandé reçu le 29 novembre 2016 et qui avait signé l’accusé de réception de ce courrier.

29.    Le 28 mai 2018, l’assuré a transmis à la CJCAS une attestation de la CAF du 24 mai 2018, selon laquelle l’assuré ne percevait plus aucune prestation de la CAF depuis le 1er janvier 2016 et résidait en Suisse depuis le 19 septembre 2016.

30.    Le 21 juin 2018, M. G______ a informé la CJCAS qu’en dépit de relances, il n’avait toujours pas reçu de la CAF les réponses aux questions précitées requises par la CJCAS le 17 mai 2018.

31.    Le 4 juillet 2018, l’assuré a adressé un courrier à la CJCAS résumant les démarches qu’il avait effectuées depuis l’audience du 15 mai 2018.

Il avait eu un rendez-vous à la CAF, à Bourg-en-Bresse, le 24 mai 2018, lors duquel il s’était avéré que son dossier auprès de la CAF, radié depuis 2016, comportait des données qui n’avaient pas été mises à jour, à savoir qu’il avait pour adresse, s’agissant de sa situation professionnelle d’entrepreneur, la rue D______ à Ornex. Il n’avait pas pu être question, lors de ce rendez-vous, du recommandé évoqué par le courrier de M. G______, dont l’assuré n’avait alors pas encore eu connaissance.

Le 25 juin 2018, sitôt après avoir eu connaissance de ce courrier (le 23 juin 2018), l’assuré avait contacté téléphoniquement la CAF, qui lui avait alors envoyé une copie de l’accusé de réception de la lettre reçue le 29 novembre 2016 ; or, cet accusé de réception n’était pas signé, et, en réponse à la demande qu’il lui a alors faite, la Poste française lui avait répondu, le 29 juin 2018, que ses recherches concernant ce recommandé étaient restées infructueuses.

Les démarches qu’il avait effectuées lui permettaient de répondre comme suit aux quatre questions posées par la CJCAS le 17 mai 2018 :

-         La CAF avait eu connaissance de l’adresse de la rue D______ à Ornex par une communication de la Sécurité Sociale des Indépendants, en lien avec l’activité entrepreneuriale qu’il avait eue en France durant près de deux ans, localisée à la rue D______ ______ à Ornex, sans dégager de bénéfice, et en considération de laquelle, étant alors au chômage, il avait reçu un revenu minimum d’activité, dont il devait rembourser un surplus, datant de 2014, et des charges sociales. L’adresse de la rue D______ avait été son adresse d’activité (et non d’habitation), où il avait reçu le courrier en lien avec cette activité jusqu’à la mi-septembre 2016, date de cessation de cette activité. L’assuré a transmis à la CJCAS la copie d’une attestation du 27 juin 2018 par laquelle le directeur de l’agence de la région Rhône de la Sécurité Sociale des Indépendants certifiait que l’assuré avait été affilié à ladite agence du 2 mai 2014 au 15 septembre 2016 pour son activité d’agent commercial en immobilier, avec pour adresse la rue D______ ______.

-         La CAF avait eu connaissance de son adresse à la rue B______ à Ornex.

-         La lettre reçue le 29 novembre 2016 concernait la dette que l’assuré avait à l’endroit de la CAF.

-         L’accusé de réception de cette lettre n’était pas signé.

L’assuré se disait victime d’un acharnement de la part de l’OCE, l’ayant privé de toute prestation de l’assurance-chômage. Il avait perdu deux ans de sa vie, sans ressources financières. Il s’en était plaint auprès de la direction de l’OCE par un courriel du 25 juin 2018. Suite au courrier précité du 15 mai 2018 de la caisse et à un contact téléphonique avec elle, il avait récupéré les IPAs manquantes auprès de l’OCE et les avait toutes remises à la caisse (et en copie à la CJCAS), à savoir les IPAs de septembre 2016 à juin 2018, de même que les preuves de ses recherches personnelles d’emploi depuis son inscription au chômage. Il demandait le paiement rétroactivement des indemnités de chômage. Il avait emménagé en juin 2018 à l’avenue N______ ______ à Champel.

32.    Le 5 juillet 2018, la CJCAS a relancé M. G______ à propos des questions qu’elle lui avait demandé, le 17 mai 2018, d’élucider auprès de la CAF, et lui a indiqué qu’il fallait que la CJCAS puisse se prononcer prochainement sur le recours.

33.    Le 12 juillet 2018, la CJCAS a informé les parties qu’elle gardait la cause à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la CJCAS connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie, le recours étant dirigé contre une décision sur opposition rendue en application de la LACI.

Le recours a été interjeté en temps utile (art. 60 LPGA), et il satisfait aux exigences de forme et de contenu prescrites par la loi (art. 61 let. b LPGA ; cf. aussi art. 89B LPA).

Le recourant a qualité pour recourir, étant touché par la décision attaquée et ayant un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification (art. 59 LPGA).

Le recours est donc recevable.

2.        a. Pour l’établissement des faits pertinents, il y a lieu d’appliquer les principes ordinaires régissant la procédure en matière d’assurances sociales, à savoir, en particulier, la maxime inquisitoire, ainsi que les règles sur l’appréciation des preuves et le degré de la preuve.

b. La maxime inquisitoire signifie que l’assureur social et, en cas de litige, le juge, établissent d’office les faits déterminants, avec la collaboration des parties, sans être lié par les faits allégués et les preuves offertes par les parties, en s’attachant à le faire de manière correcte, complète et objective afin de découvrir la réalité matérielle (art. 43 LPGA ; art. 19 s., 22 ss, 76 et 89A LPA ; Ghislaine FRÉSARD- FELLAY / Bettina KAHIL-WOLFF / Stéphanie PERRENOUD, Droit suisse de la sécurité sociale, vol. II, 2015, p. 499 s.). Les parties ont l’obligation d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués ; à défaut, elles s’exposent à devoir supporter les conséquences de l’absence de preuve (art. 28 LPGA ; ATF 125 V 193 consid. 2 ; 122 V 157 consid. 1a ; 117 V 261 consid. 3b et les références).

c. Comme l’administration, le juge apprécie librement les preuves administrées, sans être lié par des règles formelles (art. 61 let. c LPGA). Il lui faut examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les pièces du dossier et autres preuves recueillies permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. Il lui est loisible, sur la base d’une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles, de refuser l’administration d’une preuve supplémentaire au motif qu’il la tient pour impropre à modifier sa conviction (ATF 131 III 222 consid. 4.3 ; ATF 129 III 18 consid. 2.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_5/2011 du 24 mars 2011 consid. 3.1).

d. Une preuve absolue n’est pas requise en matière d’assurances sociales. L’administration et le juge fondent leur décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n’existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a ; Ghislaine FRÉSARD- FELLAY / Bettina KAHIL-WOLFF / Stéphanie PERRENOUD, op. cit., p. 517 s.). Reste réservé le degré de preuve requis pour la notification de décisions, l’exercice d’un moyen de droit, le contenu d’une communication dont la notification est établie (ATF 124 V 400 ; 121 V 5 consid. 3b ; 119 V 7 consid. 3c/bb ; ATAS/286/2018 du 3 avril 2018 consid. 3 ; ATAS/763/2016 du 27 septembre 2016 consid. 4 et 5c).

3.        a. L’art. 8 LACI énumère les conditions d'octroi de l'indemnité de chômage. L'assuré doit, pour bénéficier de cette prestation prévue par l'art. 7 al. 2 let. a LACI, être sans emploi ou partiellement sans emploi, avoir subi une perte de travail à prendre en considération, être domicilié en Suisse, avoir achevé sa scolarité obligatoire et n'avoir pas encore atteint l'âge donnant droit à une rente AVS et ne pas toucher de rente de vieillesse de l'AVS, remplir les conditions relatives à la période de cotisation ou en être libéré, être apte au placement et satisfaire aux exigences de contrôle (art. 8 al. 1 LACI). Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2). Elles sont précisées par plusieurs dispositions de la LACI et de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 31 août 1983 (OACI - RS 837.02), ainsi que – dans les limites d’admissibilité de telles directives administratives (ATAS/1191/2014 du 18 novembre 2014 consid. 4 p. 5 s. et doctrine et jurisprudence citées) – par les instructions édictées par le secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) en sa qualité d’autorité de surveillance de l’assurance-chômage chargée d’assurer une application uniforme du droit (art. 110 LACI), notamment par le biais du Bulletin relatif à l’indemnité de chômage (Bulletin LACI IC).

b. Le droit à l’indemnité de chômage est subordonné à la condition du domicile en Suisse (art. 8 al. 1 let. c LACI) ; ladite prestation n’est donc en principe pas exportable. Le critère du domicile au sens du droit civil (art. 23 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210) ou de la LPGA (art. 13 LPGA) ne s’applique pas dans le domaine de l’assurance-chômage (ATF 125 V 469 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_658/2012 du 15 février 2013 consid. 3 ; 8C_270/2007 du 7 décembre 2007 consid. 2.1). Comme cela résulte davantage des textes allemand et italien de l’art. 8 al. 1 let. c LACI (« in der Schweiz wohnt », « risiede in Svizzera ») que de leur version française (« être domicilié en Suisse »), l’assuré doit résider effectivement en Suisse et avoir l’intention d’y conserver cette résidence pendant un certain temps et d’en faire, durant cette période, le centre de ses relations personnelles ; cela implique une présence physique effective en Suisse (dans le sens d’un séjour habituel), et ce non seulement au début du chômage, mais également durant toute la période d’indemnisation (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 149/01 du 13 mars 2002 consid. 2 ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 8 ad art. 8 , n. 1 et 4 ad art. 12 ; Bulletin LACI IC B135 s.).

Le domicile fiscal, le lieu où les papiers d’identité et autres documents officiels ont été déposés ainsi que d’éventuelles indications dans des documents officiels ou des décisions judiciaires ne sont que des indices permettant de déterminer le lieu du domicile (ATF 136 II 405 consid. 4.3 ; 125 V 465 consid. 2a ; 115 V 448 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_703/2017 du 29 mars 2018 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances précité C 149/01). Le centre des intérêts personnels se détermine notamment au regard du lieu où se trouvent la famille, les amis, les activités professionnelles et sociales, le logement, le mobilier et les affaires personnelles, de même que le lieu où les enfants sont scolarisés. Davantage de poids doivent être attribués aux critères objectifs qu’aux critères subjectifs (Boris RUBIN, op. cit., n. 10 s. ad art. 8).

Il n’est cependant pas exigé un séjour permanent et ininterrompu en Suisse, mais un lien étroit avec le marché du travail suisse est exigé (arrêt du Tribunal fédéral précité 8C_270/2007 consid. 2.2) ; l’assuré doit alors garder des contacts étroits avec la Suisse pour ses recherches d’emploi, la participation à des entretiens d’embauche (DTA 2010 p. 141 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 122/04 du 17 novembre 2004). Il ne faut pas perdre de vue que l’exigence de la résidence en Suisse vise à instaurer une corrélation entre le lieu où les recherches d’emploi sont effectuées et celui où les conseils des professionnels du placement sont donnés et où le chômage et l’aptitude au placement peuvent être contrôlés (Boris RUBIN, op. cit., n. 9 et 11 in medio ad art. 8).

4.        a. Comme la décision initiale qu’elle confirme, la décision attaquée retient, sur la base d’un rapport d’enquête établi par un inspecteur de l’OCE, que le recourant ne remplissait pas la condition de la résidence effective en Suisse.

b. L’enquêteur de l’OCE s’est rendu deux fois à l’adresse genevoise du recourant (soit à la rue F______ ______ à Chêne-Bourg), les 8 et 14 novembre 2016, en fin de matinée. Il y a constaté que le nom du recourant figurait bien sur la boîte aux lettres de son logeur, M. E______. Il a sonné à la porte de l’appartement de ce dernier, mais personne n’a répondu, si bien qu’il n’a pas pu visiter cet appartement (pour s’assurer concrètement de la présence ou de l’absence des affaires et effets personnels du recourant). Cela ne permettait pas de conclure que le recourant n’y résidait pas ordinairement de façon effective, d’autant plus qu’il y avait peu de probabilités que le recourant s’y trouve en fin de matinée, eu égard aux démarches que faisait le recourant pour chercher un emploi et à l’exiguïté dudit appartement.

c. D’après la déclaration qu’il a signée lors de son audition par ledit enquêteur le 22 novembre 2017, le recourant a indiqué qu’il prouverait avoir quitté l’appartement de la rue D______ qu’il avait annoncé comme étant son adresse à la poste française. Des enquêtes effectuées résulte que ledit inspecteur puis l’intimée ont en déduit que le recourant était locataire de l’appartement considéré de la rue D______ et ont attendu de lui qu’il produise une lettre de résiliation de bail ou un état des lieux, sans accorder de crédit aux courriers successifs du recourant expliquant n’être pas en mesure de produire un document officiel démontrant son départ d’un logement qui n’avait été guère qu’une adresse temporaire pour la réception de son courrier après que, n’ayant plus de revenu, il avait dû quitter son logement de la rue B______ à Ornex.

Il est vrai que le recourant n’a alors pas fait état de l’activité commerciale qu’il avait lancée en 2014, pour laquelle l’adresse fournie aux administrations françaises (dont la Sécurité Sociale des Indépendants, voire la CAF) était celle de la rue D______, ni du différend qui s’était développé avec celle qui apparaît avoir été sa partenaire commerciale, au printemps ou en été 2016, après qu’il avait quitté la rue B______ partiellement pour cette adresse de la rue D______ (quand il ne s’est pas trouvé chez ses parents dans le nord de la France ou chez sa sœur à Divonne-les-Bains). Il est difficile de dire si cela s’explique, alternativement ou cumulativement, par des conditions expéditives de son audition par ledit enquêteur, une prise de conscience insuffisante de la part du recourant de l’enjeu de son audition, un oubli de sa part ou une pudeur contre-productive. Toujours est-il qu’il a finalement été démontré, d’une façon emportant conviction à tout le moins au degré de la vraisemblance prépondérante, que le recourant a quitté Ornex, en particulier l’adresse de la rue D______ dans la mesure limitée et temporaire où cette adresse aurait correspondu à son lieu d’habitation entre le printemps et l’été 2016, pour s’installer dès la mi-septembre 2016 effectivement à la rue F______ ______ à Chêne-Bourg.

d. Cela ne s’établit pas que sur la base des indices que le recourant a fournis, le rattachant à la rue F______ ______ à Chêne-Bourg, notamment son enregistrement à l’OCPM le 19 septembre 2016 puis, le 31 mars 2017, l’obtention d’une autorisation de séjour « CE / AELE », son affiliation à une assurance-maladie obligatoire suisse dès le 20 septembre 2016, une quittance relative à un abonnement de téléphonie mobile, des réponses à ses demandes d’emploi. Le recourant avait également obtenu du maire de la commune française d’Ornex, le 28 septembre 2016, une attestation selon laquelle il avait certifié sur l’honneur avoir quitté ladite commune le 19 septembre 2016 pour habiter rue F______ ______ à Chêne-Bourg, de même qu’une attestation d’hébergement de son logeur, M. E______, datée du 19 septembre 2016, dont ce dernier a déclaré devant la chambre de céans qu’il la lui avait remise, avec une copie de son contrat de bail, lorsqu’il allait s’enregistrer à l’OCPM. Quoique le 27 juin 2018 et à la demande du recourant (pour les motifs évoqués plus loin), le directeur de l’agence de la région Rhône de la Sécurité Sociale des Indépendants n’en a pas moins certifié que l’assuré avait été affilié à ladite agence du 2 mai 2014 au 15 septembre 2016 pour son activité d’agent commercial en immobilier.

Lors de son audition par la chambre de céans, le logeur précité du recourant a déclaré que ce dernier était venu habiter chez lui, à la rue F______ ______à Chêne-Bourg, vers la fin septembre 2016, en y apportant ses affaires (notamment ses habits, affaires de toilettes), et qu’il a depuis lors habité effectivement dans cet appartement, jusqu’à fin mai/début juin 2018.

5.        a. Il appert que c’est principalement sur la base d’une information obtenue confidentiellement de la CAF, le 30 novembre 2016 (donc après l’audition précitée), que l’enquêteur est parvenu à la conclusion que le recourant habitait probablement à la rue D______ ______ à Ornex, à savoir que la CAF disposait de cette adresse-ci pour « l’allocation A______» et qu’un courrier recommandé y avait été reçu encore le 29 novembre 2016.

b. L’assureur doit éclaircir les faits pertinents en principe avant de rendre sa décision (ATF 132 V 368), en suivant une procédure permettant à l’assuré d’exercer son droit d’être entendu, qui est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et concrétisé en droit des assurances sociales par l’art. 43 phr. 1 LPGA.

La jurisprudence déduit de cette disposition constitutionnelle – comme d’ailleurs précédemment de l’art. 4 aCst. (ATF 127 I 56 consid. 2b ; 12 III 578 consid. 2c ; 126 V 130 consid. 2a) – le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos, ainsi que le droit à obtenir une décision motivée (ATF 126 I 16 consid. 2a/aa ; 124 V 181 consid. 1a ; 375 consid. 3b et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1042/2013 du 11 juin 2014 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 604/01 du 13 août 2002 consid. 2a/aa ; ATAS/257/2017 du 30 mars 2017 consid. 6b).

Dans les matières régies par la LPGA, dans lesquelles une procédure d’opposition est la règle (art. 52 LPGA), l’art. 42 phr. 2 LPGA prévoit qu’il n’est pas nécessaire d’entendre les parties avant une décision sujette à opposition. Cette disposition déroge au principe précité d’une audition préalable (pas nécessairement orale), en faisant peu cas – doit-on relever – de l’importance du droit d’être entendu, dans des domaines dans lesquels ne se prennent pourtant pas des décisions de masse (Ueli KIESER, ATSG Kommentar, 3ème éd., 2015, n. 34 ss ad art. 42). Le droit d’être entendu d’un assuré n’en doit en tout état pas moins être strictement respecté avant qu’une décision sur opposition soit rendue.

c. Or, en l’espèce, l’information précitée, fondant de façon principale le refus des prestations de l’assurance-chômage au recourant, a été cachée à ce dernier. Peut-être le recourant a-t-il tardé à solliciter la consultation du dossier et n’a-t-il appris que tardivement que « selon une source confidentielle » connue de l’inspecteur de l’OCE, il était toujours domicilié à la rue D______. Toujours est-il que lorsque le recourant a demandé à être renseigné à ce propos, tant l’OCE que la caisse ont refusé de lui dévoiler quelle était cette source. Au demeurant, eu égard à l’importance et au crédit attribués à cette information, l’enquêteur aurait dû reconvoquer le recourant, lui révéler le contenu et l’origine de cette dernière et lui donner l’occasion de se déterminer à ce propos, avant de conclure son rapport par l’affirmation que le domicile du recourant se trouvait vraisemblablement à la rue D______ ______ à Ornex. Le cas échéant, c’eut été à la caisse de le faire, au plus tard avant de statuer sur l’opposition à sa décision initiale, à titre d’alternative à un refus, matériellement (donc authentiquement), de retenir cette information à l’appui de sa position.

En effet, d’après l’art. 48 LPGA, une pièce dont la consultation a été refusée à une partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l’assureur lui en a communiqué, oralement ou par écrit, le contenu essentiel se rapportant à l’affaire et lui a donné en outre l’occasion de s’exprimer et de fournir des contre-preuves (Ueli KIESER, op. cit., n. 2 ss ad art. 48 ; Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 569 s. concernant la disposition équivalente de la LPA, soit l’art. 45 al. 3 LPA).

d. Le droit d’être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond. Toutefois, la violation du droit d’être entendu – pour autant qu’elle ne soit pas d’une gravité particulière – est réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s’exprimer devant une autorité de recours jouissant d’un plein pouvoir d’examen (ATF 127 V 437 consid. 3d/aa ; 126 V 132 consid. 2b et les références ; Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, op. cit., n. 524 ss.).

En l’espèce, force est de retenir que le droit d’être entendu du recourant a été violé de façon particulière grave, le privant durablement et très injustement de la possibilité de défendre efficacement ses intérêts, en particulier de collecter et rapporter des contre-preuves. Aussi se justifie-t-il d’annuler la décision attaquée pour ce motif formel.

e. Quoi qu’il en soit, il appert que l’information transmise par la CAF n’est pas pertinente.

Des démarches que le recourant a entreprises une fois que cette « source confidentielle » lui a été dévoilée non seulement quant à son origine mais aussi quant à son contenu, et a été portée à sa connaissance – soit partiellement le 15 mai 2018 et plus complètement le 23 juin 2018 (par la transmission de l’information qu’un courrier recommandé de la CAF adressé au recourant à la rue de D______ avait été reçu le 29 novembre 2016) –, il résulte, à tout le moins au degré de la vraisemblance prépondérante, premièrement que c’est en raison de l’activité entrepreneuriale que le recourant avait débutée en 2014, localisée à la rue D______, mais aussi terminée le 15 septembre 2016 (faut-il ici souligner), que la CAF a adressé au recourant, à cette adresse-ci, un courrier recommandé relatif à des montants à rembourser ; or, cela ne démontre pas que le recourant restait alors domicilié effectivement à ladite adresse. En second lieu, il ne peut être tenu pour établi que ce courrier a été effectivement reçu par le recourant, l’accusé de réception dudit recommandé n’ayant pas été signé, étant ajouté que l’hypothèse ne peut être écartée que ce pli recommandé a été reçu par l’ex-partenaire du recourant, qui ne l’aurait pas faire suivre à ce dernier, notamment eu égard à leur relation devenue conflictuelle.

6.        En conclusion, en plus du motif formel précité appelant en l’espèce à lui seul l’admission du recours, il se justifie d’admettre ce dernier en tout état parce qu’il est établi, du moins au degré de la vraisemblance prépondérante, que le recourant avait bien sa résidence effective dans le canton de Genève depuis la mi-septembre 2016, contrairement à ce que l’intimée a retenu.

La décision attaquée doit être annulée, et la cause être renvoyée à l’intimée pour nouvelle décision, à rendre en tenant compte des exigences découlant du principe de la bonne foi, référence étant faite ici au fait qu’en raison de la position s’avérant erronée adoptée par les autorités de chômage sur la base d’une enquête menée trop légèrement, le recourant a été privé de la possibilité de produire à l’intimée ses IPAs en temps normalement utile (art. 20 al. 3 LACI).

7.        La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

Il n’y a pas lieu à allocation d’une indemnité de procédure, le recourant ayant agi en personne et n’ayant au demeurant pas fait état de frais générés par la procédure (art. 61 let. g LPGA).

 

* * * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 26 juillet 2017 de la Caisse de chômage du SIT.

4.        Renvoie la cause à la Caisse de chômage du SIT pour nouvelle décision.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARECHAL

 

Le président

 

 

 

 

Raphaël MARTIN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le