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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/622/2017

ATAS/439/2017 du 30.05.2017 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/622/2017 ATAS/439/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 mai 2017

1ère Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après l’intéressé), né le ______ 1986, s’est inscrit auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après l’OCE) le 7 octobre 2015, recherchant une activité d’ingénieur du son à plein temps. Un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert en sa faveur dès cette date.

Il a indiqué avoir été licencié le 29 janvier 2015 par son employeur, avec effet au 30 avril 2015, au motif que « bien que vous soyez en arrêt pour cause de maladie, votre délai de protection de nonante jours est échu au vu de votre absence depuis le 16 avril 2014. Nous ne souhaitons pas maintenir nos relations contractuelles, car, malgré les diverses possibilités que nous vous avons offertes pour reprendre une activité de manière adaptée, vous n’avez pas été preneur ».

Des indemnités journalières lui ont été versées par Helsana Assurances SA, auprès de laquelle l’intéressé était assuré par l’intermédiaire de son employeur selon la LCA, jusqu’au 27 septembre 2015.

2.        Par courrier du 2 septembre 2016, l’OCE a informé l’intéressé que son dossier en qualité de demandeur d’emploi était annulé au 3 août 2016, vu son incapacité de travail depuis le 4 juillet 2016.

L’intéressé a versé à son dossier des certificats médicaux pour incapacité de travail à 100% établis par le docteur B______, spécialiste FMH en médecine interne, le 1er octobre 2015 pour la période du 16 avril 2014 au 30 septembre 2015, le 11 avril 2016 pour la période du 8 au 17 avril 2016, le 13 juillet 2016 pour la période du 4 au 19 juillet 2016, le 18 juillet 2016 pour la période du 4 au 24 juillet 2016, le 25 juillet 2016 pour la période du 25 juillet au 16 août 2016, et le 7 septembre 2016 pour la période du 1er au 30 septembre 2016.

3.        Par décision du 17 octobre 2016, l’OCE a nié le droit de l’intéressé aux prestations cantonales en cas d’incapacité passagère de travail dès le 3 août 2016, considérant que les causes de son incapacité de travail étaient intervenues avant son affiliation à l’assurance-chômage.

4.        L’intéressé a formé opposition le 15 novembre 2016. Il allègue qu’il a subi un grand choc émotionnel le 4 juillet 2016, qui est à l’origine de son incapacité du 4 juillet au 1er novembre 2016, et qui n’est en rien lié à la situation précédente. Il produit un courrier du Dr B______, daté du 3 novembre 2016, aux termes duquel celui-ci atteste que son patient « a bénéficié d’arrêts de travail pour une problématique professionnelle jusqu’à fin septembre 2015 et que depuis, il a travaillé et intégré la caisse de chômage jusqu’en juillet 2016, où, suite à un problème personnel éprouvant, il est revenu me voir et a bénéficié d’un arrêt de travail jusqu’à fin octobre 2016. Je puis donc préciser que les causes des arrêts de travail des années 2014 et 2015 ne sont pas les mêmes que pour ceux donnés depuis juillet 2016 ».

5.        Invité à se déterminer, le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne et cardiologie et médecin-conseil, a indiqué qu’il s’agissait de la même pathologie, soit « de la même maladie qui est d’ailleurs traitée de manière identique ».

6.        Par décision du 3 février 2017, l’OCE a rejeté l’opposition, au vu du préavis du Dr C______, et rappelant qu’en cas de divergences entre le médecin traitant et le médecin-conseil de l’OCE, l’avis de ce dernier prévaut.

7.        L’intéressé a interjeté recours le 22 février 2017 contre ladite décision. Il explique que sa première incapacité de travail est due à « une agression physique grave sur la voie publique (une plainte a été déposée contre l’agresseur), suivie d’un licenciement du fait d’une trop longue convalescence imposée à mon ancien employeur. Je précise qu’il s’agissait d’une agression inopinée, gratuite et d’une extrême violence à l’arme blanche à la tête avec des séquelles physiques et psychologiques graves ». Il ajoute que sa deuxième période d’incapacité de travail a quant à elle été provoquée par un choc émotionnel important d’ordre privé, à la suite duquel il a été « empêché physiquement d’assumer mes responsabilités professionnelles ». Il fait ainsi valoir qu’il n’y a aucun lien entre les deux périodes d’incapacité. Il a joint à son courrier une nouvelle attestation établie par le Dr B______ le 21 février 2017, selon laquelle

« Je tiens à préciser, par ce document, que l’intéressé a subi un choc post-traumatique en août 2013 dans le cadre d’une agression physique au couteau et, dans un deuxième temps, une autre agression physique en mars 2014, ce qui a amené à cet état dépressif au long cours et son licenciement professionnel.

Cependant, depuis septembre 2015, un certificat médical de reprise à 100% d’activité a été donné et le patient a effectué une formation de deux semaines dans le cadre du chômage pour pouvoir accéder plus rapidement à un nouveau poste de travail.

Malheureusement, en date du 6 juillet 2016, mon patient a subi un choc émotionnel important dans le cadre privé, ce qui l’a conduit à devoir quitter son poste de travail le 11 juillet 2016 à la demande de la RH de la société (l’intéressé avait un contrat CDD dans le cadre du D______ à partir du 11 juillet 2016 jusqu’au 11 janvier 2017) ».

8.        Dans sa réponse du 22 mars 2017, l’OCE a conclu au rejet du recours, relevant que si les facteurs déclenchants pouvaient différer, il n’en demeurait pas moins qu’il s’agissait de la même maladie, laquelle était de surcroît traitée de manière identique.

9.        La chambre de céans a ordonné l’audition du Dr B______ le 16 mai 2017, ainsi que la comparution personnelle des parties.

Le Dr B______ a ainsi déclaré que :

« Je suis le médecin traitant de l’intéressé depuis longtemps. Je suis le médecin de la famille.

Mon patient a subi deux agressions, l’une en août 2013 dans un restaurant, l’autre, en mars 2014 sur son lieu de travail. Je ne me souviens pas si la première agression a donné lieu à une incapacité de travail. La même personne l’a agressé. Dans les deux cas, il a principalement présenté un état de choc post-traumatique. Je lui ai prescrit un traitement antidépresseur et il a bénéficié d’un soutien psychothérapeutique dispensé par un psychiatre. Je lui avais conseillé de s’adresser à un psychiatre, mais c’est lui qui en a pris l’initiative. L’évolution était lente, mais favorable. Il a malheureusement eu le sentiment de ne pas être du tout soutenu par son employeur, alors que les faits s’étaient déroulés sur le lieu de travail. Je dirais que mon patient a souffert d’une dépression majeure provoquée par le traumatisme subi aussi bien au niveau psychologique que physique (choc post-traumatique). Le patient a pu reprendre une activité (service civil et une formation dans le cadre du chômage) fin septembre 2015.

J’ai établi un certificat le 11 avril 2016, pour une incapacité de travail du 8 au 17 avril 2016, vraisemblablement pour un léger problème somatique. En juillet 2016, mon patient a subi un choc d’ordre privé, soit une trahison sentimentale. Il a en quelque sorte été cassé dans sa reprise. Sa dépression était si grave que j’ai craint d’avoir à l’hospitaliser. Il a ainsi souffert d’une dépression réactionnelle d’autant plus grave qu’il avait été fragilisé préalablement. Son entourage familial était par ailleurs à ce moment-là réduit. Je lui ai prescrit le même traitement médicamenteux du fait que celui-ci avait bien fonctionné la première fois. Je précise encore que le psychiatre qui l’avait soutenu en 2014-2015, a refusé de le voir, sauf erreur de ma part, pour des questions financières. Ça a été d’autant plus difficile pour mon patient.

Je n’ai pas le souvenir que le Dr C______, médecin-conseil de l’OCE, ait pris contact avec moi pour me demander des renseignements sur mon patient.

J’insiste sur le fait que pour moi, l’intéressé a souffert de deux « pathologies » différentes. Il y a certes dans les deux cas une dépression. Les origines en sont toutefois différentes, et surtout la première avait été traitée et l’état de l’assuré s’était amélioré. Il avait pu reprendre une activité à 100%. Je prendrais l’exemple d’un accident au cours duquel la jambe est fracturée. Un second accident avec fracture de la même jambe n’a rien à voir avec le premier accident. Il est vrai que dans le cas d’une dépression, le second choc survient sur un terrain fragilisé. Il ne s’agit toutefois ni d’une même cause, ni du même moment ».

L’intéressé a précisé que

« Je précise qu’en août 2013, l’agression a consisté en une lacération au couteau. J’ai été soigné aux HUG pour une plaie au crâne, une coupure de 3 cm à l’index droit et un éclat de verre à la narine. J’ai subi une expertise médicale ordonnée par le Ministère Public. Mon agresseur a été jugé coupable, sauf erreur de ma part, de lésions corporelles simples. Mon incapacité de travail alors était également due à mon état somatique.

J’ai été reçu par le Dr C______. J’ai mal vécu la consultation. Celle-ci a à peine duré dix minutes. Il m’interrompait souvent. Je ne lui ai pas amené de documents du Dr B______ ».

10.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La décision querellée a trait aux prestations cantonales complémentaires de chômage prévues par la LMC. Cette dernière ne contenant aucune norme de renvoi, la LPGA n’est pas applicable (cf. art. 1 et 2 LPGA).

3.        Interjeté dans les forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (cf. art. 49 al. 3 LMC et art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

4.        Le litige porte sur le droit de l’intéressé aux prestations cantonales en cas de maladie dès le 3 août 2016, plus particulièrement sur la question de savoir si la survenance du risque assuré est ou non antérieure à l’affiliation à l’assurance-chômage.

5.        a. S’ils ne sont pas assurés à titre individuel auprès d’une assurance perte de gain privée, les chômeurs ayant épuisé leurs droits selon l’art. 28 LACI peuvent se retrouver privés d’une compensation de leur perte de gain. C’est pourquoi, certains cantons ont institué une assurance sociale perte de gain en faveur des chômeurs, appelée à compléter les prestations servies par l’assurance-chômage (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 27 et 28 ad Art. 28, p. 287). Tel est le cas de Genève.

b. La loi en matière de chômage institue pour les chômeurs des prestations cantonales complémentaires à celles prévues par l’assurance-chômage fédérale, notamment les prestations en cas d’incapacité passagère de travail, totale ou partielle (cf. art. 1 let. d et 7 let. a LMC). Il s'agit de prestations cantonales complémentaires à celles prévues par l'assurance-chômage fédérale (voir art. 1 let. d LMC) qui relèvent du droit cantonal autonome et non pas du droit fédéral ou du droit cantonal d'exécution du droit fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 8C_864/2012 du 26 février 2013 consid. 3).

c. Selon l’art. 8 LMC, peuvent bénéficier des prestations en cas d’incapacité passagère de travail, totale ou partielle, les chômeurs qui ont épuisé leur droit aux indemnités journalières pour maladie ou accident, conformément à l’article 28 de la loi fédérale. Elles ne peuvent être versées que si elles correspondent à une inaptitude au placement au sens de l’art. 28 de la loi fédérale (art. 12 al. 1 LMC).

Sont assurés à titre obligatoire contre le risque de perte de gain en cas de maladie ou d’accident, les chômeurs qui sont indemnisés par une caisse de chômage en vertu de la loi fédérale et qui sont domiciliés dans le canton de Genève (art. 9 al. 1 LMC). Les prestations sont servies au bénéficiaire dès la fin du droit aux indemnités au sens de l’art. 28 LACI jusqu’à concurrence de 270 indemnités journalières cumulées dans le délai-cadre d’indemnisation fédéral (art. 15 al. 1 LMC). Elles ne peuvent en outre dépasser le nombre des indemnités de chômage auquel le bénéficiaire peut prétendre en vertu de l’art. 27 LACI (art. 15 al. 2 LMC). Un délai d'attente de cinq jours ouvrables est applicable lors de chaque demande de prestations.

À teneur de l’art. 13 LMC, le versement des prestations est exclu dans le cas où il peut être déterminé par l’autorité compétente que les causes de l’incapacité de travail sont intervenues avant l’affiliation à l’assurance, pour autant qu’elles aient été connues de l’assuré. Les cas de rigueur demeurent réservés. Le règlement d'exécution de la loi en matière de chômage du 23 janvier 2008 (RMC - J 2 20.01) ne définit pas quels sont les cas de rigueur au sens de l’art. 13 LMC.

À noter que l'affiliation à l'assurance doit être interprétée comme le moment à partir duquel l'assuré est couvert par les PCM, soit depuis la date de l'ouverture du délai-cadre d'indemnisation (ATAS/81/2013 du 21 janvier 2013).

Jusqu’au 31 janvier 2002, l’art. 13 LMC prévoyait que les affections chroniques et récidivantes d’origine psycho-névrotique ou dépressivo-anxieuse, dûment constatées par le médecin-conseil de l’autorité compétente, entraînaient un refus du droit aux prestations. La raison d'être de cette disposition était qu’il n’appartenait pas à l’assurance-chômage de prendre en charge des affections à caractère chronique, dont l’origine était antérieure à la période de chômage (Commentaires : article par article - annexe au projet de loi en matière de chômage, Mémorial du Grand Conseil, 1983/III p. 3545). En d’autres termes, l’assurance-chômage n’avait pas à prendre en charge les conséquences pécuniaires d’une maladie chronique, préexistant à l’inscription au chômage, devenue incapacitante seulement après l’affiliation.

Lors de l’adoption de la teneur actuelle de l’art. 13 LMC en 2002, le législateur a précisé, d’une part, que le nouvel art. 13 ne devait pas être compris comme une modification de la disposition en vigueur jusqu’au 31 janvier 2002 et, d’autre part, que les autres assurances n’acceptaient pas les personnes déjà malades et que les PCM couvraient les affections passagères et non durables (p. 12 du rapport de la Commission de l’économie chargée d’étudier le projet de loi du Conseil d’État modifiant la loi en matière de chômage (J 2 20), Mémorial du Grand Conseil 2001-2002 IV, Annexes p. 718 ss ; cité ci-après : rapport de la Commission de l’économie).

6.        a. Sur le plan fédéral, l’art. 28 al. 5 LACI prévoit que le chômeur doit apporter la preuve de son incapacité ou de sa capacité de travail en produisant un certificat médical. L'autorité cantonale ou la caisse peut toujours ordonner, aux frais de l'assurance, un examen médical par un médecin-conseil.

Par certificat médical, il faut entendre toute constatation écrite relevant de la science médicale et se rapportant à l’état de santé d’une personne, singulièrement à sa capacité de travail (arrêt du Tribunal fédéral 4C.156/2005 consid. 3.5.2). Si la force probante d'un tel document n’est pas absolue, la mise en doute de sa véracité suppose, néanmoins, des raisons sérieuses. Ainsi, en cas de doute sur la réalité de l'incapacité de travail du recourant, l'administration doit procéder à des investigations complémentaires, conformément au principe inquisitoire (arrêts du Tribunal fédéral 8C_841/2009 du 22 décembre 2009, consid. 5.1, C 220/03 du 29 juin 2004 consid. 3.3 et C 322/01 du 12 avril 2002), par exemple en demandant au requérant de fournir une attestation médicale détaillée et dûment motivée ou sous la forme d'une audition du médecin (arrêt du Tribunal fédéral C 322/01 du 12 avril 2002).

b. Sur le plan cantonal, l’art. 14A LMC prescrit que l’assuré doit apporter la preuve de son incapacité de travail en produisant, chaque mois, un certificat médical original à l’autorité compétente au plus tard le 5 du mois suivant ou le premier jour ouvrable qui suit cette date (al. 3). Il est également tenu d’autoriser dans des cas particuliers toutes les personnes ou institutions, notamment les employeurs, les médecins, les assurances et organes officiels, à fournir des renseignements, pour autant que ceux-ci soient nécessaires pour établir le droit aux prestations. Les renseignements de nature médicale ne peuvent être transmis qu’aux médecins conseil (al. 2). Par ailleurs, selon l’art. 16 du règlement d'exécution de la loi en matière de chômage du 23 janvier 2008 (RMC - J 2 20.01), l’autorité compétente peut ordonner un examen médical du requérant par un médecin-conseil. Dans la règle, un examen est ordonné après trois mois de versement de prestations cantonales (art. 16 al. 1 RMC). En cas de divergence entre les médecins traitants et le médecin-conseil de l'office, l'avis de ce dernier prévaut (al. 4).

7.        L’autorité compétente peut ordonner un examen médical du requérant par un médecin-conseil (art. 18 dudit règlement). En cas de divergence entre les médecins traitants et le médecin-conseil de l’office, l’avis de ce dernier prévaut (art. 18 al. 4 dudit règlement). Le médecin-conseil doit se prononcer sur l’étendue de la capacité de travail de l’assuré, les activités rentrant en ligne de compte pour lui, et, le cas échéant, les aménagements nécessaires du poste de travail.

Selon la jurisprudence de la Commission cantonale de recours en matière d’assurance-chômage, compétente jusqu’au 31 juillet 2003, le principe posé par l’art. 18 al. 4 du règlement sur les PCM n’a pas une portée absolue et les autorités ont la possibilité de s’en écarter lorsque des faits sérieux et concrets permettent d’arriver à une autre conclusion que le médecin-conseil (ATAS/230/2004).

8.        a. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ;
ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

b. Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a, ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

9.        En l'espèce, un délai-cadre d'indemnisation a été ouvert en faveur de l’intéressé à compter du 7 octobre 2015. Durant ce délai-cadre, il a été en incapacité de travail dès le 4 juillet 2016. L’OCE, par la décision litigieuse, a nié son droit aux prestations cantonales en cas d'incapacité passagère de travail, au motif que les causes de son incapacité de travail étaient antérieures à son affiliation à l'assurance-chômage.

L’assuré soutient que la cause de son incapacité de travail ne présente aucun lien, comme son médecin traitant l’a confirmé les 3 novembre 2016 et 21 février 2017, avec celle à l’origine de l’incapacité de travail qui avait débuté le 16 avril 2015 - antérieurement à son affiliation à l’assurance-chômage - et duré jusqu’à fin septembre 2015.

L'OCE fait à cet égard valoir que si les facteurs déclenchants pouvaient différer, il n’en demeurait pas moins qu’il s’agissait de la même maladie, laquelle était de surcroît traitée de manière identique.

10.    En premier lieu, il convient de relever que l’argumentation développée par l’OCE en relation avec l’art. 16 RMC - aux termes duquel, en cas de divergence entre le médecin traitant et le médecin-conseil de l'office, c’est l’avis de ce dernier qui prévaut - n’est pas pertinente. En effet, cet article ne trouve application que dans le cas où le médecin-conseil a procédé à un examen médical adéquat de l’assuré, ce qui ne paraît pas avoir été le cas en l’occurrence. En effet, l’assuré a précisé que « J’ai été reçu par le Dr C______. J’ai mal vécu la consultation. Celle-ci a à peine duré dix minutes. Il m’interrompait souvent ». De surcroît, le médecin-conseil, qui n’est au demeurant pas psychiatre, n’a pris connaissance d’aucun rapport du médecin traitant et n’a pas non plus pris la peine de prendre contact avec lui.

11.    Selon le Dr B______, l’assuré a subi un choc post-traumatique à la suite de deux agressions subies en août 2013 et mars 2014. Il a pu reprendre une activité à 100%, soit le service civil et une formation dans le cadre du chômage dès la fin septembre 2015. Sa dépression avait alors été traitée et son état s’était amélioré. En juillet 2016, il a reçu un nouveau choc émotionnel d’ordre privé cette fois-ci. Le médecin, entendu par la chambre de céans le 16 mai 2017, a à cet égard expliqué que « je prendrais l’exemple d’un accident au cours duquel la jambe est fracturée. Un second accident avec fracture de la même jambe n’a rien à voir avec le premier accident. Il est vrai que dans le cas d’une dépression, le second choc survient sur un terrain fragilisé. Il ne s’agit toutefois ni d’une même cause, ni du même moment ».

12.    On ne saurait soutenir, au degré de vraisemblance requis par la jurisprudence, que l’assuré souffre d’une maladie durable, soit d’un trouble dépressif récurrent qui augmenterait clairement le risque de rechute dépressive. Le Dr B______ n’a retenu ce diagnostic à aucun moment. Selon les critères diagnostiques du trouble dépressif majeur récurrent (F33) de la Classification internationale des maladies de la dixième révision (CIM-10), il faut la présence d'au moins un épisode dépressif ayant persisté au moins deux semaines et séparé de l'épisode actuel par une période d'au moins deux mois sans perturbation significative de l'humeur (p. 79). Seule la survenance de plusieurs épisodes dépressifs qui se succèdent permet de poser le diagnostic de trouble dépressif récurrent (F33). Il y a généralement lieu de considérer qu’un patient est guéri seulement après une période de six à neuf mois de rémission complète suivant l'état dépressif précédent (cf. Dr Guido BONDOLFI, Dépression récurrente et prévention de la rechute, in Revue médicale Suisse, 2002, n° 2406 ; voir dans le même sens Dr Adeline GAILLARD, Dépression et récurrences, in Livre blanc de la dépression, édité par Jean-Pierre OLIE, 2015, téléchargeable via le site du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont Ferrand à l’adresse chuclermontferrand.centredoc.fr/opac/index.php?lvl= notice_display&id=90106).

C’est ainsi que dans un arrêt (ATAS/663/2016), la chambre de céans a constaté la présence d’une maladie durable, dans le cas d’une assurée souffrant d'un trouble dépressif accompagné de troubles psychotiques dans les phases de décompensation et d'un trouble de la personnalité émotionnellement labile.

Tel n’est à l’évidence pas le cas de l’assuré.

En l’espèce, le Dr B______ n’a pas évoqué de risque de rechute. Bien au contraire, la période de capacité totale de travailler dès septembre 2015 correspond pour lui à une période de rémission totale.

13.    La chambre de céans relève que le diagnostic posé lors des deux incapacités de travail est certes le même. Le médecin a prescrit le même traitement médicamenteux. Force est toutefois de constater que non seulement les causes sont différentes, mais surtout qu’il s’agit de deux pathologies survenues en deux temps distincts, la première s’étant suffisamment amendée pour que l’intéressé soit en mesure de reprendre une activité durant neuf mois. Qu’il s’agisse d’un état dépressif dans les deux cas importe peu. Il n’est ici question ni de rechute, ni de maladie durable.

Du reste, la chambre de céans, dans un arrêt (ATAS/979/2015), a déjà eu l’occasion de nier l’existence d’un lien entre une incapacité de travail due à une dépression de type post partum et l’arrêt de travail ayant débuté deux ans plus tard, motivé par un état anxio-dépressif sans doute réactionnel à un licenciement.

14.    Il y a dès lors lieu de considérer que les causes pour lesquelles l’assuré était incapable de travailler à compter du 4 juillet 2016 ne sont pas intervenues avant le 7 octobre 2015, date à laquelle il s’est inscrit auprès de l’OCE.

Partant, il a droit aux prestations cantonales en cas d’incapacité passagère de travail dès le 3 août 2016.

Aussi le recours est-il admis.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet et annule les décisions des 17 octobre 2016 et 3 février 2017.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le