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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3821/2017

ATAS/343/2019 du 23.04.2019 ( AVS ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.06.2019, rendu le 16.09.2019, REJETE, 9C_359/2019
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3821/2017 ATAS/343/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 avril 2019

10ème Chambre

En la cause

Monsieur A_____, domicilié à TEL AVIV, ISRAËL, comparant avec élection de domicile en l'Etude de Maître Lucien FENIELLO

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, Service juridique, rue des Gares 12, GenÈve

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        La société B_____ SA (ci-après : la société), inscrite au registre du commerce du canton de Genève le 9 mars 2006, a été affiliée en qualité d'employeur auprès de la CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION (ci-après : la CCGC, la Caisse ou l'intimée) du 9 mars 2006 au 31 janvier 2015. Selon ses statuts, elle avait pour but tous travaux et mandats d'architecture et en général tous services, conseils et expertises dans les domaines de l'immobilier et de la construction. La société était locataire de bureaux dans un immeuble au ______, rue C_____.

2.        Selon le registre du commerce précité, Monsieur A_____ (ci-après : l'intéressé ou le recourant) a exercé les fonctions d'administrateur secrétaire avec signature individuelle dès l'inscription de la société jusqu'au 17 juin 2014. De son côté, Monsieur C_____ en a été l'administrateur président avec signature individuelle du 9 mars 2006 au 14 janvier 2015.

3.        À partir de janvier 2007, la société n’a pas versé les acomptes de cotisations paritaires dues, de sorte que la CCGC a été contrainte d’entamer des procédures de poursuite à son encontre.

4.        Le 23 février 2009, la CCGC a sommé la société de lui retourner l’attestation des salaires pour l’année 2008. Sans réponse de sa part, le 27 mars 2009, la Caisse a prononcé une amende. La société a finalement transmis l’attestation dûment complétée le 7 avril 2009, sur la base de laquelle la CCGC a établi un décompte de cotisations paritaires pour la période complémentaire de janvier à décembre 2008. Après avoir procédé à un contrôle de l’employeur portant sur la période de mars 2006 à décembre 2008, elle a également adressé à la société un décompte complémentaire de cotisations arrêté au 31 décembre 2008.

5.        Le 17 février 2010, la CCGC a sommé la société de lui retourner l’attestation des salaires pour l’année 2009. N’ayant pas obtempéré, cette dernière s’est vu infliger une amende. Le 8 juillet 2010, la Caisse a informé la société que si ce document ne devait pas être transmis dans le délai imparti, son cas serait dénoncé au Procureur général. Par pli du même jour, la Caisse a fait savoir à l’intéressé que la société ne respectait pas son obligation de fournir les renseignements nécessaires pour fixer les cotisations et l’a invité à intervenir. Sur la base de l’attestation de salaires 2009, finalement réceptionné le 21 juillet 2010, la CCGC a établi un décompte, indiquant le solde dû en sa faveur, tenant compte des versements déjà effectués pour cette période.

6.        La CCGC a également dû sommer la société et prononcer une amende avant de recevoir l’attestation des salaires pour 2010 et 2011.

7.        Après avoir procédé à un contrôle de l’employeur portant sur la période de janvier 2009 à décembre 2011, par décision rectificative du 19 mars 2013, la CCGC a fixé les cotisations pour 2009 comme suit : CHF 61’960.45 (AVS/AI/APG) ; CHF 11'522.65 (AC) ; CHF 8'588.60 (AF) et CHF 245.40 (AMat). La taxe de formation professionnelle s’élevait à CHF 108.- ; les frais d’administration à CHF 1'656.20 ; les frais de sommations à CHF 1'940.- (CHF 1'700.- + CHF 240.-) et l’amende à CHF 100.-.

8.        Par décision rectificative du même jour, la CCGC a fixé les cotisations pour 2010 comme suit : CHF 79'454.40 (AVS/AI/APG) ; CHF 14'626.80 (AC) ; CHF 11'013.50 (AF) et CHF 708.- (AMat). La taxe de formation professionnelle s’élevait à CHF 126.- ; les frais d’administration à CHF 2'123.80 ; les frais de sommations à CHF 1'460.- (CHF 1'180.- + CHF 280.-) et l’amende à CHF 100.-.

9.        Par décision rectificative du même jour, la CCGC a fixé les cotisations pour 2011 comme suit : CHF 75'307.20 (AVS/AI/APG) ; CHF 14'537.60 (AC) ; CHF 10'235.95 (AF) et CHF 658.- (AMat). La taxe de formation professionnelle s’élevait à CHF 192.- ; les frais d’administration à CHF 1'973.80 ; les frais de sommations à CHF 970.- et l’amende à CHF 100.-.

10.    À réception de l’attestation des salaires 2012, précédée d’une sommation et d’une amende d’ordre, par décision du 20 juin 2014, la CCGC a arrêté les cotisations pour 2012 comme suit : CHF 58'152.05 (AVS/AI/APG) ; CHF 11'562.85 (AC) ; CHF 390.- (AC solidarité) ; CHF 9'597.90 (AF) et CHF 508.10 (AMat). Les frais d’administration s’élevaient à CHF 1'524.15 ; les frais de sommations à CHF 2’400.- et l’amende à CHF 100.-.

11.    Par décision du même jour, la CCGC, après sommation et prononcé d’une amende d’ordre, a arrêté les cotisations pour 2013 comme suit : CHF 43'534.50 (AVS/AI/APG) ; CHF 8'440.65 (AC) ; CHF 390.- (AC solidarité) ; CHF 8'030.65 (AF) et CHF 355.05 (AMat). La taxe de formation professionnelle s’élevait à CHF 175.- ; les frais d’administration à CHF 1'141.05 ; les frais de sommations à CHF 3’000.- et l’amende à CHF 250.-.

12.    Entre le 23 juin 2014 et le 24 février 2015, la CCGC s’est vu délivrer plusieurs actes de défaut de biens relatifs aux cotisations dues pour 2008 à mars 2014. Le document afférent à l’année 2008 constatait un découvert à hauteur de CHF 372.05.

13.    Par jugement du 14 janvier 2015, le Tribunal de première instance du canton de Genève a prononcé la dissolution de la société, par suite de faillite. Le 16 septembre 2015, la procédure de faillite a été suspendue pour défaut d'actifs.

Le 11 mars 2016, une publication dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) annonçait que, par jugement du 18 novembre 2015, le Tribunal de première instance avait prononcé la réouverture de la faillite.

Le 2 février 2016, l'état de collocation de la faillite de la société a été publié dans la feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (FAO). Selon publication dans la FOSC du 3 juin 2016, la procédure de faillite a été clôturée le 25 mai 2016 et la société radiée d’office (le 30 mai 2016 selon mention au registre du commerce).

14.    Le 12 avril 2016, l’office des faillites a établi deux actes de défaut de biens après faillite pour le montant de CHF 128'285.75, correspondant aux cotisations AVS/AI/APG/AC/AMat/AF impayées (créance colloquée au rang 2, deuxième classe); et de CHF 37'356.25, représentant les amendes, taxes et intérêts moratoires (créance colloquée au rang 11, troisième classe).

15.    Le 6 mai 2016, la CCGC a adressé à la société un relevé de compte portant sur la période de mars 2006 à février 2015 relatif à l’encaissement des cotisations paritaires. Après comptabilisation des frais d’administration, de sommations et de poursuites, des intérêts moratoires, des amendes ainsi que des taxes de formation professionnelle, il subsistait, compte tenu des paiements effectués, un solde en sa faveur de CHF 165'642.-.

Ce document enregistre notamment :

-     des frais de poursuites de CHF 571.80 pour 2009 ; CHF 837.60 pour 2010 ; CHF 1'103.- pour 2011 ; CHF 1'786.20 pour 2012 ; CHF 1'734.65 pour 2013 et CHF 502.10 pour 2014 (jusqu’à mai) ;

-     des intérêts moratoires de CHF 2'685.05 pour 2009 ; CHF 12'249.55 pour 2010 ; CHF 4'984.65 pour 2011 ; CHF 6'535.80 pour 2012 ; CHF 3'721.50 pour 2013 et CHF 385.15 pour 2014 ;

-     un paiement de CHF 88'141.20 pour 2009 ; CHF 64'321.75 pour 2010 ; CHF 108'089.20 pour 2011 ; CHF 66'795.20 pour 2012 et CHF 8'785.20 pour 2013. La société n’a payé aucune cotisation pour 2014 (les cotisations mensuelles [jusqu’à mai] étaient de CHF 3'915.15 [AVS/AI/APG]; CHF 837.10 [AC] ; CHF 875.15 [AF] et CHF 31.20 [AMat] ; les frais de sommations s’élevaient à CHF 1'000.- (jusqu’à mai) et les frais d’administration à CHF 513.50).

16.    Par courrier du 13 mai 2016, la CCGC a réclamé à l'intéressé, à titre de réparation de dommage, la somme de CHF 155'493.95, représentant les cotisations paritaires du 1er janvier 2008 au 31 mai 2014, y compris frais et intérêts moratoires. Ce montant concernait les sommes dues et exigibles au cours de son mandat d’administrateur. Il en était solidairement responsable aux côtés de M. C_____.

En annexe figurait le décompte détaillé des montants dus.

17.    Par courrier du 31 mai 2016, l'intéressé a formé opposition à cette décision. Il concluait implicitement à l'annulation de la décision le concernant, indiquant qu'au moment de la constitution de la société, à la demande de M. C_____, il avait accepté le poste de secrétaire de la société, pour laquelle il n'avait jamais travaillé pendant la durée de son mandat, ni pris aucune décision au niveau de l'engagement de collaborateurs, ni eu accès à la comptabilité. En tant que directeur de D_____ - (recte: D_____ "E_____" SA [bailleur de la société dans l'immeuble ______, rue C_____] -, il confirmait que la société avait toujours réglé son loyer, de sorte qu'il n'avait pas de doute sur sa capacité financière à faire face à ses engagements. Il invitait dès lors la CCGC à s'adresser directement à M. C_____, domicilié en Valais.

18.    Selon le registre du commerce du canton de Genève, la société D_____ "E_____" SA, inscrite le 2 mars 1989, a pour but la planification et l’exécution de travaux de construction, en particulier en qualité d'entrepreneur général. L’intéressé, qui en était le président, a été nommé administrateur président à compter de mars 2017, suite à sa prise de domicile à Tel Aviv, date dès laquelle il a continué à signer individuellement.

19.    Par décision sur opposition du 10 août 2017, notifiée le 18 août 2017, la CCGC a rejeté l'opposition et maintenu sa décision du 13 mai 2016. L'intéressé, administrateur avec signature individuelle, était incontestablement un organe de la société, susceptible d'endosser la responsabilité du dommage encouru. Il n'avait pas cherché à savoir si les charges sociales étaient régulièrement payées ni ne s'était assuré que tel fût le cas. Le fait qu’il n'ait joué qu'un rôle subalterne en ne gérant pas la société et qu’il n’ait été en fin de compte qu’un prête-nom constituaient une négligence grave. Son comportement passif relevait d'une violation des obligations de diligence et de surveillance imposées par le rôle d'administrateur secrétaire.

20.    Par acte du 18 septembre 2017, l'intéressé, représenté par un conseil, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d'un recours contre cette décision, concluant, sous suite de dépens, à son annulation.

En premier lieu, le recourant a fait valoir une violation de l’obligation d'instruire d'office, de même qu’une violation de son droit d’être entendu. Il a reproché à l'intimée de ne s'être fondée que sur le registre du commerce pour l'incriminer. Celle-ci, avant le prononcé de la décision querellée, ne l’avait pas invité à produire des moyens de preuve permettant d’exclure sa responsabilité. En second lieu, il a fait grief à l’intimée d'avoir violé l’art. 52 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10). Elle n’avait pas tenu compte du fait qu’il avait valablement délégué la gestion effective de la société à M. C_____ et qu’il avait respecté son devoir de surveillance, en recevant chaque année de ce dernier les assurances adéquates et nécessaires que la société respectait ses obligations légales, y compris le paiement des cotisations sociales. Aussi n’avait-il aucun doute quant à tout éventuel manquement de la société, d’autant que l'organe de révision établissait, validait et signait les comptes annuels.

21.    Dans sa réponse du 15 novembre 2017, l’intimée a conclu au rejet du recours. Selon la jurisprudence, la délégation des compétences de gestion à la direction, à des tiers ou un administrateur délégué n'exemptait pas les autres administrateurs de veiller personnellement au paiement régulier des cotisations paritaires. Le simple fait pour le recourant d'avoir été membre du conseil d'administration, et à ce titre organe formel, durant la période déterminante, impliquait pour lui d'assumer les devoirs intransmissibles et inaliénables que la loi attribue aux organes d'une société anonyme, indépendamment du rôle effectif de chacun. Il incombait au recourant de s’occuper du domaine des cotisations sociales en raison de l’importance que revêtait celui-ci et de veiller personnellement à ce que les cotisations paritaires fussent effectivement payées à l’AVS. Au lieu de cela, le recourant s'était satisfait de quelques informations données par M. C_____, sans procéder à de plus amples vérifications alors que de nombreux commandements de payer avaient été notifiés à la société et que plusieurs poursuites s’étaient par la suite soldées par des actes de défaut de biens. Selon la jurisprudence, un tel comportement relevait d'une négligence qui devait être qualifiée de grave. La délégation de la gestion de la société, même de manière licite, ne permettait pas d’exclure la responsabilité du recourant. Par conséquent, l’intimée n’avait ni violé l’obligation d'instruire d'office ni le droit d’être entendu du recourant.

22.    Dans sa réplique du 12 décembre 2017, le recourant a persisté dans ses conclusions. La jurisprudence mentionnée par l'intimée ne changeait rien au fait qu’il avait démontré avoir pris les mesures nécessaires et adéquates afin d'éviter le non-paiement des charges sociales. Il avait délégué la gestion effective de la société à M. C_____. D’entente entre les parties, ce dernier devait s'occuper de la situation effective de la société. Le recourant n'avait pas d'obligation de surveiller les actes ou les dires de M. C_____, lui-même administrateur ayant tout intérêt à ce que les charges soient payées. Sans compter que l'organe de révision n'avait jamais attiré son attention sur un quelconque problème au niveau du non-paiement des charges sociales.

23.    Dans sa duplique du 5 janvier 2018, l’intimée s’en est rapportée à sa réponse.

24.    Le 7 mai 2018, la chambre de céans a procédé à une audience d’enquêtes et de comparution des parties. M. C_____, assigné en tant que témoin, ne s’est pas présenté à l’audience.

Le recourant a déclaré qu’en sa qualité de promoteur immobilier, il avait régulièrement donné à M. C_____, architecte qu’il avait connu en 1994, des mandats d’architecte. Dans ce contexte, ils avaient créé la société B_____ SA. Il s’agissait en réalité d’une association avec D_____ "E_____" SA, dont le recourant était directeur et l’actionnaire unique. À l’époque, M. C_____ disposait d’un petit bureau. Le recourant lui avait alors proposé qu’ils s’associent pour qu’il attribue à la société des mandats d’architecte plus importants. Ils fixaient des honoraires d’architecte inférieurs à la norme usuelle et le recourant comptait bien percevoir des retombées, en tant qu’actionnaire à 50 %. Physiquement, leurs bureaux étaient séparés. D_____ était au quatrième étage et la société, au deuxième. La clientèle avait ainsi accès au même endroit au promoteur et aux architectes. À mesure des mandats d’architecte que le recourant amenait et ceux que la société décrochait de son côté, celle-ci avait augmenté son personnel jusqu’à cinq ou six collaborateurs. D_____ n’avait jamais reçu de dividende de fin d’année de la société, gérée par M. C_____. Le recourant n’était jamais intervenu dans la gestion courante des affaires de la société. Il n’avait jamais demandé de renseignements à M. C_____ et ce dernier ne lui en avait jamais donné. À un moment donné, un ami architecte, que M. C_____ avait engagé dans la société, avait fait part au recourant qu’il n’avait pas touché son salaire. M. C_____ avait alors répondu à celui-ci qu’il avait des soucis de liquidités, mais que cela allait se régler. Il avait par la suite payé le salaire arriéré de ce collaborateur. Quelques mois après cet incident, le recourant avait décidé de démissionner, démission qui avait été enregistrée au registre du commerce le 17 juin 2014. M. C_____ continuait à percevoir des honoraires de D_____ pour des mandats en cours. Le loyer ne faisait pas l’objet d’une compensation avec les honoraires dus par D_____. Le loyer était régulièrement payé. Avant le prononcé de la faillite, M. C_____ avait accumulé deux mois de retard de loyer qui avaient été compensés avec un reliquat d’honoraires qui était dû à la société. Le recourant n’avait jamais été convoqué à la moindre assemblée générale et n’avait jamais reçu de bilans. Si, dans ses écritures, il avait indiqué que la société de révision établissait la comptabilité, l’éditait et la signait, c’était probablement un raccourci de langage, dans la mesure où formellement la société de révision ne pouvait pas être en même temps celle qui établissait la comptabilité. D’après ses souvenirs, M. C_____ faisait lui-même sa comptabilité. Le recourant était toujours actif à Genève, notamment pour la société D_____ SA, dont il était toujours administrateur. Il contestait les chiffres réclamés par l’intimée, car il ignorait le montant que M. C_____ avait déjà payé.

La représentante de l’intimée a déclaré avoir également poursuivi M. C_____ en réparation du dommage, à hauteur d’un montant plus élevé que celui qui concernait le recourant, soit depuis la sortie de ce dernier de la société jusqu’à la faillite de celle-ci. Pour l’année 2014, elle n’avait jamais obtenu le décompte définitif des salaires, de sorte qu’elle avait procédé par une évaluation, soit en prenant pour base les chiffres de 2013 par rapport aux renseignements (incomplets) que lui avait fournis un des salariés. Il ne s’agissait pas de M. C_____, lequel avait souhaité que soit inscrit un salaire 2014 en ce qui le concernait, ce que l’intimée avait refusé. M. C_____ n’avait pas réagi à la demande de réparation du dommage, si bien que l’intimée avait déposé une réquisition de poursuite à son encontre, laquelle s’était soldée par un acte de défaut de biens, daté du 1er mars 2018. Le dividende distribué avait été imputé sur la période pour laquelle le recourant n’était pas responsable solidaire.

25.    Une seconde audience de comparution personnelle s’est tenue le 2 juillet 2018. À cette occasion, une copie de l’arrêt ATAS/216/2005 du 22 mars 2005, mettant notamment en cause le recourant en qualité de défendeur dans le cadre d’une autre procédure en réparation du dommage, a été remise à ce dernier pour détermination, lequel a sollicité l’audition de M. C_____.

26.    Dans son écriture du 31 juillet 2018, le recourant a exposé que l’arrêt ATAS/216/2005, dans lequel il lui était reproché d’avoir accepté la fonction de directeur de la société F_____ SA sans volonté d’en assumer les responsabilités, différait du cas d’espèce, dans la mesure où, d’un commun accord avec M. C_____, il avait valablement délégué la gestion effective de la société à celui-ci.

27.    Le 19 novembre 2018, la chambre de céans a tenu une nouvelle audience de comparution personnelle et d’enquêtes.

M. C_____ a déclaré qu’il avait collaboré en affaires avec le recourant qui exerçait dans le domaine de la promotion immobilière. Initialement, celui-ci le mandatait comme architecte, d’abord en son nom, puis au nom de sa société, jusqu’au jour où ils ont décidé de créer une structure commune, soit la société B_____ SA. Les actionnaires de cette dernière étaient M. C_____ et le recourant à hauteur de 50 – 50. Il n’existait pas de raison particulière à la désignation de ce dernier comme administrateur secrétaire avec signature individuelle.

La société était un bureau d’architecte qui disposait de locaux dans le même immeuble que la société D_____ "E_____" SA, propriétaire de cet immeuble. B_____ SA était locataire de D_____ "E_____" SA. Le loyer était régulièrement payé. Dans la pratique, la société recevait des mandats d’architecte de D_____ "E_____" SA, mais également de tiers, soit de la clientèle propre de la société, soit d’une autre origine que de D_____ "E_____" SA.

Pour les mandats que lui confiait D_____ "E_____" SA, la société lui facturait les honoraires. Il avait été prévu que si la société était bénéficiaire, elle distribuerait un dividende, mais en pratique, cela n’avait jamais été le cas, car la société n’avait jamais été bénéficiaire. L’intérêt de chacun à la création de la société était la volonté de fidélisation réciproque. L’intérêt pour D_____ "E_____" SA était de pouvoir disposer de services d’architecture rapides, car les promoteurs avaient souvent besoin de disposer très rapidement de projets avant de procéder à l’élaboration définitive des plans. Au début, la société avait trois salariés, y compris M. C_____. Par la suite, six salariés avaient été engagés.

M. C_____ s’occupait de la comptabilité et des ordres de paiement pour les factures, notamment pour les charges sociales, qui étaient au début régulièrement payées, comme tout le reste, notamment les salaires. Il existait un organe de révision qui lui demandait fréquemment les justificatifs et la comptabilité. Il lui semblait qu’au début la société tenait régulièrement ses assemblées générales. À son souvenir, il prenait l’initiative de la convocation de ces assemblées générales, et non pas le recourant. De fait, les assemblées générales n’étaient pas des réunions formelles, mais M. C_____ préparait un procès-verbal et ils le signaient. Il ne se souvenait pas qu’ils évoquaient précisément l’état des comptes (bilans, comptes de pertes & profits). Le recourant lui posait des questions d’ordre général au sujet de la marche de la société et M. C_____ lui répondait que ça allait bien. Au début, c’était le cas, après, ça ne l’avait plus été. L’un des premiers collaborateurs qui avait été engagé comme architecte avait régulièrement été payé. Lorsque la situation s’était aggravée, M. C_____ s’en était ouvert au recourant, non pas sur la situation générale du bureau, mais par rapport à certains clients, dont un en particulier qui ne s’acquittait pas régulièrement de ses factures.

Ni le recourant ni M. C_____ ne touchaient de jetons de présence ou d’honoraires d’administrateurs. Il n’y avait jamais eu de commissions ou de rétrocessions de la société B_____ SA au recourant ou à la société D_____ "E_____" SA ou encore à des entités proches. Le capital social avait été souscrit et versé – car entièrement libéré – à son souvenir pour moitié en ce qui le concernait et pour moitié par D_____ "E_____" SA ou le recourant.

M. C_____ recevait des rappels de la part de l’intimée, qu’il classait. Il y donnait suite quand il y avait des liquidités. Il avait fait l’objet d’une demande en réparation de dommage après la faillite de la société. Il ne se souvenait pas avoir payé quoi que ce soit sur le montant qui lui était réclamé. De son côté, le recourant avait reçu une demande en réparation de dommage. Il avait pris contact avec M. C_____ à ce sujet. Il lui avait demandé les motifs pour lesquels on lui réclamait de l’argent. M. C_____ lui avait alors expliqué que cela provenait du fait que des charges n’étaient pas payées. Le recourant lui avait demandé de régler la situation, mais il ne l’avait pas fait, faute de moyens.

Le recourant a affirmé qu’en ce qui concernait le capital social, c’était D_____ "E_____" SA qui avait souscrit les 50 %, soit CHF 50'000.-.

Les parties ont déclaré qu’elles n’avaient pas d’autres actes d’instruction à solliciter.

28.    Dans ses observations du 12 décembre 2018, le recourant a relevé qu’il n’avait jamais travaillé au sein de la société B_____ SA. À la création de cette société, D_____ "E_____" SA détenait 50 % des parts sociales, mais seul M. C_____ exerçait une activité au sein de B_____ SA. Le nom attribué à cette société démontrait d’ailleurs que celle-ci avait été créée par M. C_____. Le recourant travaillait dans les bureaux de D_____ "E_____" SA, dans des locaux distincts de ceux de B_____ SA. Il avait convenu avec M. B_____ dès la création de la société que ce dernier s’occupe seul de la gestion effective de la société. M. C_____ s’était formellement engagé à le faire, à l’entière décharge du recourant, lequel n’avait perçu aucune rémunération de la société B_____ SA. M. C_____ se chargeait de toutes les démarches utiles et nécessaires à la bonne marche de la société, y compris le paiement de cotisations sociales. Le recourant a exposé qu’en cas de délégation licite, le délégant répondait uniquement de la cura in eligendo, instruendo et custodiendo et non de tous les actes du délégataire. En désignant M. C_____ comme étant seul en charge de la gestion de la société, il avait respecté la cura in eligendo, dès lors que celui-là était un architecte de profession. Il avait également respecté la cura in instruendo, puisque M. C_____ était conscient que l’obligation de payer les charges sociales lui revenait. Celui-ci avait donc été correctement instruit à cet effet. Le recourant avait enfin respecté la cura in custodiendo, car il s’assurait chaque année auprès de M. C_____ que la société observait ses obligations légales et payait les cotisations sociales. Il n’avait aucun motif de douter de cela, au vu des confirmations données par M. C_____, administrateur lui-même, sur la bonne gestion de la société, étant relevé que la société était dotée d’un organe de révision qui n’avait jamais interpellé le recourant à ce sujet et que le loyer des bureaux était régulièrement payé à D_____ "E_____" SA, ce qui le confortait dans le bon fonctionnement de la société.

29.    Dans ses observations du 13 décembre 2018, l’intimée a relevé que le recourant ne s’était jamais soucié du paiement des charges sociales, puisqu’il avait déclaré lors de l’audience que c’était M. C____ qui gérait la société et qu’il ne lui avait jamais demandé de renseignements. Le recourant avait également reconnu qu’il n’avait jamais été convoqué à la moindre assemblée générale et n’avoir jamais reçu de bilans. Or, un administrateur devait être proactif. Il devait, entre autres, se mettre régulièrement au courant de la marche des affaires, exiger des rapports et les étudier minutieusement, au besoin, demander des renseignements complémentaires et essayer de tirer au clair d’éventuelles erreurs. Le recourant ayant déjà été condamné à réparer le dommage dans le cadre de son mandat de directeur dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt ATAS/216/2005, il ne pouvait pas ignorer ses devoirs d’administrateur au sein de B_____ SA.

30.    Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        a. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la LAVS.

b. Selon l’art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l’employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. Cette disposition est également applicable lorsque la caisse recherche un organe de l’employeur en réparation du dommage, et ce quel que soit le domicile dudit organe (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 184/06 du 25 avril 2007 consid. 2.3).

c. La société ayant été domiciliée dans le canton de Genève du 9 mars 2006, date de son inscription au registre du commerce, jusqu'au moment de sa radiation le 30 mai 2016, la chambre de céans est compétente ratione materiae et loci pour juger du cas d’espèce.

2.        La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'AVS, notamment en ce qui concerne l’art. 52 LAVS. Désormais, la responsabilité de l’employeur y est réglée de manière plus détaillée qu’auparavant et les art. 81 et 82 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101) ont été abrogés.

Il faut toutefois préciser que le nouveau droit n'a fait que reprendre textuellement, à l'art. 52 al. 1 LAVS, le principe de la responsabilité de l'employeur figurant à l'art. 52 aLAVS, la seule différence portant sur la désignation de la caisse de compensation, désormais appelée assurance. Les principes dégagés par la jurisprudence sur les conditions de droit matériel de la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 aLAVS (dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2002) restent par ailleurs valables sous l'empire des modifications introduites par la LPGA (ATF 129 V 11 consid. 3.5 et 3.6).

Il convient de rappeler que, sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références). Ainsi, dès lors que les périodes de cotisations pertinentes et la décision litigieuse sont postérieures au 1er janvier 2003, le cas d'espèce est régi par le nouveau droit.

3.        Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Déposé le 18 septembre 2017 contre la décision litigieuse du 10 août 2017, reçue par le recourant le 18 août 2017, le recours a été interjeté en temps utile - le délai de recours, expirant en l’occurrence le dimanche 17 septembre 2017, était reporté au lundi 18 septembre 2017 (art. 38 al. 3 LPGA). Le recours satisfait, en outre, aux exigences de forme et de contenu prévues par l’art. 61 let. b LPGA.

Le présent recours sera donc déclaré recevable.

4.        Le litige porte sur la responsabilité du recourant dans le préjudice causé à l’intimée, par le défaut de paiement des cotisations sociales (AVS-AI-APG et AC ainsi qu’AMat et AF) entre 1er janvier 2008 et le 31 mai 2014, frais et intérêts moratoires compris.

5.        Le recourant invoque tout d’abord une violation de son droit d’être entendu.

a. Ce grief, de nature formelle, doit être examiné en premier lieu (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa ; 124 V 90 consid. 2 notamment).

b. Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1). La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, du 18 avril 1999 [Cst. – RS 101]), notamment le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 135 II 286 consid. 5.1).

Une violation du droit d’être entendu est considérée comme réparée lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et pouvant ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2). La réparation d'un vice éventuel doit cependant demeurer l'exception (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa); même en cas de violation grave du droit d'être entendu, un renvoi de la cause pour des motifs d'ordre formel à l'instance précédente peut être exclu, par économie de procédure, lorsque cela retarderait inutilement un jugement définitif sur le litige, ce qui n'est dans l'intérêt ni de l'intimée, ni de l'administré dont le droit d'être entendu a été lésé (ATF 132 V 387 consid. 5.1).

c. En l’occurrence, la prétendue violation du droit d'être entendu du recourant - pour autant qu'il y en ait eu une - a, quoi qu'il en soit, été réparée dans le cadre de la procédure contentieuse, dès lors qu’il a eu tout le loisir de s'exprimer devant la chambre de céans, laquelle dispose d’un plein pouvoir d’examen (art. 61 let. c et d LPGA).

Le grief de violation du droit d’être entendu étant infondé, il convient de se pencher sur le fond du litige.

6.        a. L'art. 14 al. 1 LAVS en corrélation avec les art. 34 et suivants RAVS, prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses, périodiquement, les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions. L'obligation de payer les cotisations et de fournir les décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. À cet égard, le Tribunal fédéral a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public. L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 118 V 193 consid. 2a).

b. À teneur de l’art. 52 LAVS, en vigueur du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2011, l’employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n’observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l’assurance, est tenu à réparation (al. 1). La caisse de compensation compétente fait valoir sa créance en réparation du dommage par décision (al. 2). Le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L’employeur peut renoncer à invoquer la prescription (al. 3).

c. À teneur de l’art. 52 LAVS, en vigueur dès le 1er janvier 2012, l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l'assurance, est tenu à réparation (al. 1). Si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage (al. 2). Le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L'employeur peut renoncer à invoquer la prescription. Si le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est applicable (al. 3). La caisse de compensation fait valoir sa créance en réparation du dommage par voie de décision (al. 4).

La nouvelle teneur de l’art. 52 al. 2 LAVS codifie la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATAS/610/2013 du 18 juin 2013 consid. 4a).

d. En l’espèce, les montants litigieux se réfèrent à une période allant du 1er janvier 2008 au 31 mai 2014, soit durant une période régie à la fois par l’ancien et le nouveau droit. Du point de vue matériel, l’art. 52 LAVS, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2011, ne diffère toutefois pas de celle en vigueur depuis le 1er janvier 2012 qui l’a remplacée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_80/2017 du 31 mai 2017 consid. 3.2 et la référence).

7.        À titre liminaire, il convient d’examiner si la prétention de la caisse est prescrite.

a. Les délais prévus par l’art. 52 al. 3 LAVS doivent être qualifiés de délais de prescription, non de péremption, comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA (SVR 2005 AHV n. 15 p. 49 consid. 5.1.2; FF 1994 V 964 ; FF 1999 p. 4422). Alors que le délai de prescription de deux ans commence à courir dès la connaissance du dommage, celui de cinq ans débute, en revanche, dès la survenance du dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.2).

Cela signifie qu'ils ne sont plus sauvegardés une fois pour toutes avec la décision relative aux dommages-intérêts; le droit à la réparation du dommage au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS peut donc aussi se prescrire durant la procédure d'opposition ou la procédure de recours qui s'ensuit (ATF 135 V 74 consid. 4.2).

b. Le montant du dommage correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte. Appartiennent à ce montant les cotisations paritaires (cotisations patronales et d’employés ou ouvriers) dues par l’employeur, les contributions aux frais d’administration, les intérêts moratoires, les taxes de sommation et les frais de poursuite (Directives sur la perception des cotisations - DP, ch. 8017). Les éventuelles amendes prononcées par la caisse de compensation ne font pas partie du dommage et doivent le cas échéant être déduites (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 142/03 du 19 août 2003 consid. 5.5).

c. Le dommage survient dès que l'on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 193 consid. 2.2; ATF 126 V 443 consid. 3a; ATF 121 III 382 consid. 3bb; ATF 121 III 386 consid. 3a). Ainsi, en matière de cotisations, un dommage se produit au sens de l'art. 52 LAVS lorsque l'employeur ne déclare pas à l'AVS tout ou partie des salaires qu'il verse à ses employés et que, notamment, les cotisations correspondantes se trouvent ultérieurement frappées de péremption selon l'art. 16 al. 1 LAVS. Dans un tel cas, le dommage est réputé survenu au moment de l'avènement de la péremption (ATF 112 V 156 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 35/06 du 4 octobre 2006 consid. 6). Ce jour marque également celui de la naissance de la créance en réparation et la date à partir de laquelle court le délai de 5 ans (ATF 129 V 193 consid. 2.2; ATF 123 V 12 consid. 5c).

Un dommage se produit également en cas de faillite, en raison de l'impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement. Le dommage subi par la caisse est réputé être survenu le jour de la faillite (ATF 129 V 193 consid. 2.2).

d. Selon la jurisprudence rendue à propos de l'ancien art. 82 al. 1 RAVS, et valable sous l'empire de l'art. 52 al. 3 LAVS (arrêt du tribunal fédéral des assurances H 18/06 du 8 mai 2006 consid. 4.2), il faut entendre par moment de la « connaissance du dommage », en règle générale, le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaient plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.1).

Lorsque la caisse subit un dommage à cause de l'insolvabilité de l'employeur mais en dehors de la faillite de celui-ci, le moment de la connaissance du dommage et, partant, le point de départ du délai de prescription coïncident avec le moment de la délivrance d'un acte de défaut de biens ou d'un procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens définitif au sens de l'art. 115 al. 1 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1) (en corrélation avec l'art. 149 LP), soit lorsque le procès-verbal de saisie indique que les biens saisissables font entièrement défaut (ATF 113 V 256 consid. 3c). C'est à ce moment que prend naissance la créance en réparation du dommage et que, au plus tôt, la caisse a connaissance de celui-ci au sens de l'art. 82 aRAVS (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 284/02 du 19 février 2003 consid. 7.2).

En cas de faillite, le moment de la connaissance du dommage correspond en règle générale à celui du dépôt de l'état de collocation, ou celui de la publication de la suspension de la liquidation de la faillite faute d'actifs (ATF 129 V 193 consid. 2.3).

e. S’agissant des actes interruptifs de prescription, il sied de retenir ce qui suit.

Tandis que le juge ne peut interrompre la prescription que par une ordonnance ou une décision, « chaque acte judiciaire des parties » suffit à produire cet effet (art. 138 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO, Code des obligations - RS 220). Cette notion d'acte judiciaire des parties doit être interprétée largement tout en ayant égard à la ratio legis de la disposition citée, qui est de sanctionner l'inaction du créancier. Il faut donc considérer comme acte judiciaire d'une partie tout acte de procédure relatif au droit invoqué en justice et susceptible de faire progresser l'instance (ATF 130 III 202 consid. 3.2). Par ailleurs, tant la décision que l’opposition interrompent le délai de prescription de deux ans et font courir un nouveau délai de même durée (ATF 135 V 74 consid. 4.2.2).

8.        En l’espèce, quel que soit le dies a quo du délai de prescription de deux ans dès la connaissance du dommage - soit au plus tôt au moment de la délivrance des actes de défaut de biens entre le 23 juin 2014 et le 24 février 2015, soit au moment du dépôt de l’état de collocation le 2 février 2016 -, la prescription n’était de toute manière pas acquise ni dans l’un ni dans l’autre cas le 13 mai 2016, date de la décision en réparation du dommage.

La société débitrice ayant fait faillite le 14 janvier 2015, l’intimée a fait valoir sa prétention en réparation par un acte interruptif de la prescription dans les cinq ans à compter de la survenance du dommage.

Par conséquent, la décision en réparation du dommage a été rendue en temps utile, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté.

9.        L’action en réparation du dommage n’étant pas prescrite, il convient à présent d’examiner si les autres conditions de la responsabilité de l’art. 52 LAVS sont réalisées, à savoir si le recourant peut être considéré comme étant « l’employeur » tenu de verser les cotisations à l’intimée, s’il a commis une faute ou une négligence grave et enfin s’il existe un lien de causalité adéquate entre son comportement et le dommage causé à l’intimée.

10.    a. S’agissant de la notion d’« employeur », la jurisprudence considère que, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom, notamment quand la personne morale n’existe plus au moment où la responsabilité est engagée (ATF 123 V 12 consid. 5b; ATF 122 V 65 consid. 4a; ATF 119 V 401 consid. 2). Le caractère subsidiaire de la responsabilité des organes d'une personne morale signifie que la caisse de compensation ne peut agir contre ces derniers que si le débiteur des cotisations (la personne morale) est devenu insolvable (ATF 123 V 12 consid. 5b).

L’art. 52 LAVS ne permet ainsi pas de déclarer l'organe d'une personne morale directement débiteur de cotisations d'assurances sociales. En revanche, il le rend responsable du dommage qu'il a causé aux différentes assurances sociales fédérales, intentionnellement ou par négligence grave, en ne veillant pas au paiement des cotisations sociales contrairement à ses obligations (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/05 du 5 décembre 2005 consid. 4.1).

b. La notion d'organe selon l'art. 52 LAVS est en principe identique à celle qui se dégage de l'art. 754 al. 1 CO.

En matière de responsabilité des organes d'une société anonyme, l'art. 52 LAVS vise en première ligne les organes statutaires ou légaux de celle-ci, soit les administrateurs, l'organe de révision ou les liquidateurs (ATF 128 III 29 consid. 3a; ATF 117 II 432 consid. 2b; ATF 117 II 570 consid. 3; ATF 107 II 349 consid. 5a; Thomas Nussbaumer, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d'un dommage selon l'art. 52 LAVS, in RCC 1991 p. 403).

c. Le Tribunal fédéral a reconnu la responsabilité non seulement des membres du conseil d'administration, mais également celle de l'organe de révision d'une société anonyme, du directeur d'une société anonyme disposant du droit de signature individuelle, du gérant d'une société à responsabilité limitée ainsi que du président, du directeur financier ou du gérant d'une association sportive (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 34/04 du 15 septembre 2004 consid. 5.3.1 et les références, in SVR 2005 AHV n. 7 p. 23; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.1).

11.    En l’espèce, le recourant était inscrit au registre du commerce en qualité d’administrateur secrétaire de la société, au bénéfice d’une signature individuelle, du 9 mars 2006 au 17 juin 2014. Il avait ainsi indiscutablement la qualité d’organe de la société. Il peut donc être appelé à titre subsidiaire à réparer le dommage causé à l’intimée pour le non-paiement des cotisations litigieuses durant son mandat, indépendamment de sa fonction effective et de son influence sur la volonté de la société, ainsi que de la raison pour laquelle il a accepté le mandat (cf. ATAS/394/2018 du 9 mai 2018 consid. 6b).

12.    Cela étant, il sied de déterminer si le recourant a commis une faute qualifiée ou une négligence grave au sens de l’art. 52 al. 1 LAVS.

a. L'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978 p. 259; RCC 1972 p. 687). Il faut donc un manquement d'une certaine gravité. Pour savoir si tel est le cas, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret (ATF 121 V 243 consid. 4b).

La caisse de compensation qui constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n'existe pas d'indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l'absence d'une faute (RCC 1983 p. 101).

Selon la jurisprudence constante, se rend coupable d'une négligence grave l'employeur qui manque de l'attention qu'un homme raisonnable aurait observée dans la même situation et dans les mêmes circonstances. La mesure de la diligence requise s'apprécie d'après le devoir de diligence que l'on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d'un employeur de la même catégorie que celle de l'intéressé. En présence d'une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l'attention qu'elle doit accorder au respect des prescriptions. Une différenciation semblable s'impose également lorsqu'il s'agit d'apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l'employeur (ATF 108 V 189). Les faits reprochés à une entreprise ne sont pas nécessairement imputables à chacun des organes de celle-ci. Il convient bien plutôt d'examiner si et dans quelle mesure ces faits peuvent être attribués à un organe déterminé, compte tenu de la situation juridique et de fait de ce dernier au sein de l'entreprise. Savoir si un organe a commis une faute dépend des responsabilités et des compétences qui lui ont été confiées par l'entreprise (ATF 108 V 199 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.2). La négligence grave mentionnée à l'art. 52 LAVS est admise très largement par la jurisprudence (ATF 132 III 523 consid. 4.6).

Dans les entreprises de petite taille et de grandeur moyenne, le devoir de surveillance concernant l’accomplissement de l’obligation légale de payer des cotisations ne saurait être abandonné à des tiers (arrêt du Tribunal fédéral 9C_437/2009 du 16 avril 2010 consid. 2.2).

Celui qui appartient au conseil d'administration d'une société et qui ne veille pas au versement des cotisations courantes et à l'acquittement des cotisations arriérées est réputé manquer à ses devoirs (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/03 du 30 novembre 2004 consid. 7.3.1, in SJ 2005 I 272 consid. 7.3.1). Commettent ainsi une négligence grave au sens de l’art. 52 LAVS les administrateurs d'une société qui se trouve dans une situation financière désastreuse, qui parent au plus pressé, en réglant les dettes les plus urgentes à l'exception des dettes de cotisations sociales, dont l'existence et l'importance leur sont connues, sans qu'ils ne puissent guère espérer, au regard de la gravité de la situation, que la société puisse s'acquitter des cotisations en souffrance dans un délai raisonnable (ATF 108 V 183 consid. 2; SVR 1996 AHV n. 98 p. 299 consid. 3).

La négligence grave est également donnée lorsque l'administrateur n'assume pas son mandat dans les faits. Ce faisant, il n'exerce pas la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion, attribution incessible et inaliénable du conseil d'administration conformément à l'art. 716a CO. Une personne qui se déclare prête à assumer ou à conserver un mandat d'administrateur tout en sachant qu'elle ne pourra pas le remplir consciencieusement viole son obligation de diligence (ATF 122 III 195 consid. 3b). Sa négligence peut être qualifiée de grave sous l'angle de l'art. 52 LAVS (ATF 112 V 1 consid. 5b). Un administrateur, dont la situation est à cet égard proche de celle de l’homme de paille, ne peut s'exonérer de ses responsabilités légales en invoquant son rôle passif au sein de la société (arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2; arrêts du Tribunal fédéral des assurances H 87/04 du 22 juin 2005 consid. 5.2.2; H 234/00 du 27 avril 2001 consid. 5d).

Commet également une faute grave celui qui ne démissionne pas de ses fonctions alors qu’il se trouvait, en raison de l'attitude du tiers, dans l'incapacité de prendre les mesures qui s’imposaient s’agissant du paiement des cotisations ou qui se trouvait dans l’incapacité d'exercer son devoir de surveillance (voir par exemple : arrêts du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.3; 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2; 9C_351/2008 consid. 5.2 ou encore arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 224/06 du 10 décembre 2007 consid. 6).

13.    a. En l’espèce, le recourant conteste sa responsabilité quant au paiement des cotisations paritaires, en invoquant essentiellement le fait qu'il avait délégué la gestion effective de la société à M. C_____, administrateur président.

b. Or, l’organe dirigeant ne peut pas se dégager de sa responsabilité en déléguant tout ou partie de ses compétences à un tiers; la diligence requise lui impose de le choisir correctement, de lui donner des instructions et de le surveiller. Si un administrateur a délégué ses compétences de gestion à un directeur ou à un autre administrateur, il peut être tenu pour responsable, s’il n’a pas surveillé cette gestion (ATF 114 V 219).

Ainsi, en sa qualité d'administrateur-secrétaire de la société faillie et nonobstant le mode de répartition interne des tâches au sein du conseil d'administration, il incombait au recourant de veiller personnellement à ce que les cotisations paritaires afférentes aux salaires versés fussent effectivement payées à l'AVS. Un administrateur ne peut se libérer de cette responsabilité en soutenant qu'il faisait confiance à ses collègues chargés de l'administration du personnel de l'entreprise et du versement desdites cotisations à la caisse de compensation. Il a au contraire le devoir d'exercer la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion pour s'assurer notamment qu'elles observent la loi, les statuts, les règlements et les instructions données (art. 716a al. 1 ch. 5 CO). Si les membres du conseil d'administration qui ne sont pas chargés de la gestion ne sont certes pas tenus de surveiller chaque affaire des personnes chargées de la gestion et de la représentation mais peuvent se limiter au contrôle de la direction et de la marche des affaires, ils doivent cependant, entre autres obligations, se mettre régulièrement au courant de la marche des affaires, exiger des rapports et les étudier minutieusement et, au besoin, demander des renseignements complémentaires et essayer de tirer au clair d'éventuelles erreurs (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 265/02 du 3 juillet 2003 consid. 3.2 et la référence).

Le recourant ne peut donc exciper du fait que M. C_____ s’occupait de la gestion effective de la société et partant du paiement des cotisations sociales pour nier toute responsabilité dans le dommage infligé à l’intimée, dès lors que la délégation des compétences de gestion à la direction, à des tiers ou à un administrateur délégué, comme en l’espèce, n’exempte pas les autres administrateurs de veiller personnellement au paiement régulier des cotisations paritaires (cf. arrêt 9C_248/2009 du 27 novembre 2009 consid. 6 et les références).

De son propre aveu, le recourant n’avait jamais demandé de renseignements à M. C_____ et celui-ci ne lui en avait jamais donné (cf. procès-verbal de comparution personnelle du 7 mai 2018). Il posait uniquement des questions d’ordre général à M. C_____ au sujet de la gestion des affaires de la société (cf. procès-verbal d’enquête du 19 novembre 2018). Or, les arguments exposés par le recourant pour démontrer qu'il ne participait pas à la gestion des affaires de la société, et n'avait pas été informé à ce sujet, ne lui sont d’aucun secours, puisque c'est précisément cette inaction qui constitue la violation de ses devoirs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.4).

Affirmer s’être renseigné oralement chaque année de la bonne marche des affaires n’est pas suffisant pour se disculper. Le recourant devait s’informer sur le point de savoir si la société s’acquittait effectivement des cotisations. Pour ce faire, il devait, sans attendre la transmission de documents de la part de M. C_____ (le recourant a déclaré qu’il n’avait jamais reçu de bilans ni eu accès à la comptabilité) ou de la part de l’organe de révision (qui ne l’aurait jamais interpellé), consulter les pièces comptables pertinentes (par ex.: relevés bancaires, correspondances avec l’AVS), ce qui aurait pu lui permettre de constater que les acomptes de cotisations n’étaient qu’irrégulièrement, voire pas payées, et prendre les mesures qui s’imposaient pour s’assurer du règlement des cotisations sociales en souffrance et à venir. Au lieu de cela, le recourant s’est contenté de prendre note des explications rassurantes de M. C_____ et du fait que la société payait régulièrement son loyer à D_____ "E_____" SA. Or, le paiement régulier du loyer ne signifie point que la société s’acquittait des cotisations, car il n’est pas exclu que cette dernière ait préféré désintéresser d'autres créanciers au détriment de l’AVS. En outre, les difficultés de trésorerie de la société - un ami architecte, engagé dans la société, avait indiqué au recourant qu’il n’avait pas touché son salaire – avaient ainsi été portées à sa connaissance ; M. C_____ avait alors fait part à ce dernier des soucis de liquidités (cf. procès-verbal de comparution personnelle du 7 mai 2018) ; D_____ "E_____" SA n’avait, depuis la création de la société en 2006, jamais reçu de dividendes, alors que le recourant et M. C_____ avaient convenu d’en distribuer si la société était bénéficiaire (cf. procès-verbal d’enquête du 19 novembre 2018). Tous ces éléments auraient dû inciter le recourant à vérifier si les cotisations sociales étaient payées, ce d’autant plus que, par pli du 8 juillet 2010, l’intimée a informé le recourant que la société ne fournissait pas les informations nécessaires pour fixer les cotisations. Le fait d’accepter et de conserver un mandat d’administrateur sans exercer les devoirs qui sont attachés à cette charge constitue une faute grave, ce que le recourant ne pouvait ignorer, dès lors qu’il avait déjà été impliqué et condamné dans une procédure en réparation du dommage selon l’art. 52 LAVS (ATAS/216/2005). Si le recourant ne souhaitait exercer aucune surveillance au sein de la société, il aurait dû démissionner de ses fonctions, sans attendre jusqu’au 17 juin 2014 pour ce faire. La carence du recourant (cura in custodiendo) engage donc sa responsabilité dans le préjudice subi par l’intimée.

14.    a. La responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS suppose enfin un rapport de causalité (naturelle et) adéquate entre la violation intentionnelle ou par négligence grave des prescriptions et la survenance du dommage. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2).

b. En l’espèce, la passiveté du recourant est en relation de causalité naturelle et adéquate avec le dommage subi par l’intimée, dès lors que, s’il avait correctement exécuté son mandat d’administrateur, il aurait pu veiller au paiement des cotisations aux assurances sociales. Son comportement a donc favorisé la survenance du préjudice.

15.    a. Le recourant conteste enfin la quotité du dommage, faisant valoir qu’il ignore le montant que M. C_____ avait déjà payé.

b/aa. Il ressort du décompte joint à la décision de réparation du 13 mai 2016 que les cotisations dues pour 2008, frais et intérêts moratoires compris, sont de CHF 77'133.70. Après comptabilisation des versements effectués par la société (CHF 76'761.65), le solde de cotisations impayées se chiffre à CHF 372.05. Ce montant correspond au découvert constaté dans l’acte de défaut de biens afférent à l’année 2008, de sorte qu’il n’est pas critiquable.

b/bb. Pour 2009, ledit décompte mentionne des cotisations à hauteur de CHF 61'960.45 (AVS/AI/APG) ; de CHF 11'522.65 (AC) ; de CHF 8'588.60 (AF) et de CHF 245.40 (AMat) ; ainsi que des frais d’administration de CHF 1'656.20 ; des frais de sommations de CHF 2'040.- ; une taxe de formation professionnelle de CHF 108.- ; des intérêts moratoires de CHF 2'685.05 et des frais de poursuites de CHF 571.80, soit un montant total de CHF 89'378.15. Le solde, compte tenu des versements effectués (CHF 88'141.20), se monte à CHF 1'236.95.

Hormis les frais de sommations, ces données correspondent à celles figurant dans la décision rectificative du 19 mars 2013, entrée en force, ainsi que dans le décompte du 6 mai 2016.

À teneur de cette décision, les frais de sommations sont de CHF 1'940.- et l’amende de CHF 100.-. Conformément à la jurisprudence, les amendes prononcées ne font toutefois pas partie du dommage (arrêt du tribunal fédéral des assurances H 142/03 du 19 août 2003 consid. 5.5). Ainsi, le solde de cotisations impayées s’élève à CHF 1'136.95, l’intimée ayant par erreur inclus l’amende dans les frais de sommations.

b/cc. Pour 2010, le décompte du 13 mai 2016 fait état de cotisations à hauteur de CHF 79'454.40 (AVS/AI/APG) ; de CHF 14'626.80 (AC) ; de CHF 11'013.50 (AF) et de CHF 708.- (AMat) ; ainsi que de frais d’administration de CHF 2'123.80 ; de frais de sommations de CHF 1’460.- ; d’intérêts moratoires de CHF 12'249.55 et de frais de poursuites de CHF 837.60, soit un montant total de CHF 122'473.65. Le solde, compte tenu des versements effectués (CHF 64'321.75), a été arrêté à CHF 58'151.90.

Ces informations correspondent à celles qui figurent dans la décision rectificative du 19 mars 2013 relative à 2010, entrée en force, ainsi que dans le décompte du 6 mai 2016. L’intimée a toutefois omis de comptabiliser la taxe de formation professionnelle de CHF 126.-, fixée dans cette décision, si bien que le solde resté impayé est en réalité de CHF 58'277.90.

b/dd. Pour 2011, le décompte du 13 mai 2016 indique des cotisations à hauteur de CHF 75'307.20 (AVS/AI/APG) ; de CHF 14'537.60 (AC) ; de CHF 10'235.95 (AF) et de CHF 658.- (AMat) ; ainsi que des frais d’administration de CHF 1'973.80 ; des frais de sommations de CHF 1’070.- ; une taxe de formation professionnelle de CHF 192.- ; des intérêts moratoires de CHF 4'984.65 et des frais de poursuites de CHF 1'103.-, soit un montant total de CHF 110'062.20. Le solde, compte tenu des versements effectués (CHF 108'089.20), a été arrêté à CHF 1'973.-.

Ces données ressortent tant de la décision rectificative du 19 mars 2013 relative à 2011, entrée en force, que du décompte du 6 mai 2016. C’est par contre à tort que l’intimée a inclus l’amende de CHF 100.- dans les frais de sommations, fixés à CHF 970.- dans cette décision. Partant, le solde de cotisations impayées s’élève à CHF 1'873.-.

b/ee. Pour 2012, le décompte du 13 mai 2016 mentionne des cotisations à hauteur de CHF 58'152.05 (AVS/AI/APG) ; de CHF 11'562.85 (AC) ; de CHF 390.- (AC solidarité) ; de CHF 9'597.90 (AF) et de CHF 508.10 (AMat) ; ainsi que des frais d’administration de CHF 1'524.15 ; des frais de sommations de CHF 2’400.- ; des intérêts moratoires de CHF 6'535.80 et des frais de poursuites de CHF 1'786.20, soit un montant total de CHF 92'457.05. Le solde, compte tenu des versements effectués (CHF 66'795.20), se chiffre à CHF 25'661.85.

Le montant des cotisations, frais d’administration et de sommations inclus, repose sur la décision du 20 juin 2014 relative aux cotisations de l’année 2012, entrée en force. Eu égard au décompte du 6 mai 2016, qui enregistre les montants susmentionnés en ce qui concerne les intérêts moratoires, les frais de poursuites et les versements comptabilisés, le solde de cotisations impayées ne prête pas le flanc à la critique.

b/ff. Pour 2013, le décompte du 13 mai 2016 indique des cotisations à hauteur de CHF 43'534.50 (AVS/AI/APG) ; de CHF 8'440.65 (AC) ; de CHF 390.- (AC solidarité) ; de CHF 8'030.65 (AF) et de CHF 355.05 (AMat) ; ainsi que des frais d’administration de CHF 1'141.05 ; des frais de sommations de CHF 3’000.- ; des intérêts moratoires de CHF 3'721.50 et des frais de poursuites de CHF 1'734.65, soit un montant total de CHF 70'348.05. Le solde, compte tenu des versements effectués (CHF 8'785.20), s’élève à CHF 61'562.85.

En tant que ces montants découlent de la décision du 20 juin 2014 relative aux cotisations 2013, entrée en force, ainsi que du décompte du 6 mai 2016, ils sont corrects. Cela dit, l’intimée a omis de prendre en considération la taxe de formation professionnelle de CHF 175.-, fixée dans cette décision. Par conséquent, le solde à réclamer est de CHF 61'737.85.

b/gg. Pour 2014, l’intimée, à défaut d’attestation des salaires transmise par la société, a procédé à une évaluation des cotisations (cf. DP, ch. 2141 et les références), après avoir interrogé un salarié.

Sur la base d’une masse salariale de CHF 35'000.- (inférieure à celle des années précédentes), dans le décompte du 13 mai 2016, l’intimée a arrêté les cotisations à CHF 3'605.- (AVS/AI/APG) ; à CHF 770.- (AC) ; à CHF 805.- (AF) et à CHF 28.70 (AMat) ; ainsi que les frais d’administration à CHF 94.50 ; les frais de sommations à CHF 800.- ; les intérêts moratoires à CHF 385.15 et les frais de poursuites à CHF 456.60.

Les montants retenus à titre de cotisations sont inférieurs à ceux enregistrés dans le décompte du 6 mai 2016 (jusqu’à mai 2014). En outre, alors que le recourant est responsable du dommage causé à l’intimée du 1er janvier 2008 au 31 mai 2014, cette dernière a uniquement tenu compte d’un mois de cotisations pour 2014 (au lieu de cinq). Les frais d’administration, de sommations et de poursuites sont également inférieurs à ceux figurant dans le décompte du 6 mai 2016.

c. Au vu de ces éléments, force est de constater que le montant du dommage réclamé est justifié, et d'ailleurs bien inférieur au préjudice réel subi par l’intimée.

16.    Par conséquent, le recours, en tous points mal fondé, sera rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Florence SCHMUTZ

 

Le président

 

 

 

 

Mario-Dominique TORELLO

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le