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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4204/2016

ATAS/196/2021 du 09.03.2021 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4204/2016 ATAS/196/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 mars 2021

1ère Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, sans domicile ni résidence connus

 

recourant

 

contre

CAISSE DE COMPENSATION DE LA SSE, AGENCE DE GENEVE, AVS 66.2, sise rue de Malatrex 14, GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Pierre VUILLE

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        La société B______ & Cie, succ. (ci-après la société), entreprise générale du bâtiment, est inscrite au Registre du commerce depuis le 2 juillet 1982. Elle a été affiliée auprès de la caisse de compensation de la SSE (ci-après la caisse) pour son personnel dès la même date.

Messieurs C______ et D______ en ont été les administrateurs avec signature collective à deux dès le 22 juillet 2003, et signature individuelle dès 2009.

2.        Dès la fin de l'année 2013, la société a rencontré des problèmes de liquidités.

Le 17 septembre 2014, le Tribunal de première instance a prononcé sa faillite, laquelle a été finalement et après moultes péripéties, confirmée le 11 mai 2015, puis par la Cour de justice le 11 septembre 2015 (ACJC/2017/2015).

La caisse a produit dans la faillite pour un montant de CHF 446'476.15 à titre de cotisations AVS/AI/APG restées impayées pour les mois d'octobre 2013 à juin 2015.

L'état de collocation a été déposé le 5 avril 2016.

La caisse a déposé une plainte pénale contre MM. C______, D______ et A______ les 26 juin 2014 et 13 octobre 2014 pour non versement des cotisations AVS-AI.

3.        Par deux décisions du 12 avril 2016, la caisse a réclamé à MM. C______ et D______ le paiement de la somme de CHF 467'146.15, représentant le dommage subi en raison du non-paiement des cotisations paritaires AVS/AI, d'octobre 2013 à juin 2015, intérêts moratoires, frais administratifs, frais de poursuites et taxes de sommation compris.

MM. C______ et D______ ont formé opposition le 13 mai 2016. Ils contestent tous deux leur responsabilité.

Par décisions du 7 novembre 2016, la caisse a rejeté les oppositions. Reprenant l'allégation des deux anciens administrateurs selon laquelle l'office des faillites aurait d'importants actifs à réaliser et de nombreux débiteurs à encaisser, - qui pourraient servir au paiement des créances de la caisse AVS -, la caisse a constaté qu'elle n'avait à ce jour reçu aucun paiement de la part de cet office.

4.        Parallèlement, la caisse a notifié, le 13 mai 2016, une décision, fondée elle aussi sur l'art. 52 LAVS, pour le même montant de CHF 467'146.15, à M. A______, qu'elle a qualifié d'administrateur de fait de la société. Elle relève que celui-ci disposait auprès de la société d'un compte-courant personnel sur lequel il avait procédé à de nombreux retraits de juillet 2009 à décembre 2012 à hauteur de CHF 179'538.84 au total. Elle souligne que M. A______ a été son interlocuteur direct et principal dès 2013 et jusqu'à la faillite et qu'il a signé aux côtés de MM. D______ et C______ une convention engageant la société avec trois autres sociétés anonymes.

M. A______ a également contesté sa responsabilité le 13 mai 2016, faisant valoir qu'il n'avait été ni l'administrateur, ni l'actionnaire, ni le gestionnaire de la société.

Par décision du 7 novembre 2016, la caisse a rejeté son opposition, soulignant plus particulièrement que le 2 octobre 2015, M. A______ avait été mis en prévention par le Ministère public pour n'avoir pas versé aux caisses de compensations concernées les cotisations dues en sa qualité d'administrateur de fait.

5.        M. C______ a interjeté recours le 7 décembre 2016 contre la décision à lui notifiée. Il rappelle qu'il a, avec M. D______, tout fait pour tenter de redresser la situation financière de la société. Il mentionne que la procédure de faillite est toujours en cours et que des montants importants ont été encaissés par l'office des faillites, de sorte qu'il est prématuré de dire que la caisse a subi un dommage.

Il demande l'apport du dossier de faillite.

6.        M. A______, représenté par Me E______, a interjeté recours le même jour. Il explique qu'à la suite des difficultés rencontrées par la société dès la fin de l'année 2013, une assemblée extraordinaire s'était tenue en février 2014 au cours de laquelle diverses mesures d'économie avaient été prises, notamment le licenciement de six employés. La société l'avait alors mandaté pour la représenter lors des discussions avec la caisse. C'est ainsi qu'il avait négocié avec celle-ci un plan de paiement.

Il répète qu'il n'a jamais été administrateur de la société, de droit ou de fait, ni employé, qu'il n'a jamais pris de décision au nom de la société, et n'a jamais disposé de pouvoirs bancaires sur les comptes de la société. Il ajoute que de nouvelles mesures d'assainissement ont été rendues nécessaires en raison du fait que durant le premier semestre de l'année 2014, la société n'avait pas pu débuter un important chantier. Fin août 2014, l'organe de révision avait fait état d'un important surendettement.

Il attire l'attention de la chambre de céans sur le fait que la caisse n'a pas subi de dommage, puisque de nombreuses créances ont été encaissées et sont à encaisser par l'administration de la faillite.

Il fait valoir que même s'il avait été administrateur de fait de la société, - ce qu'il conteste -, sa responsabilité serait quoi qu'il en soit limitée aux domaines dans lesquels il avait effectivement déployé une activité, domaines qui n'incluaient en aucune façon le paiement des charges sociales de la société.

Il conclut à ce que la décision du 7 novembre 2016 soit annulée.

7.        M. D______ a interjeté recours le 12 décembre 2016. Il reprend les explications et arguments développés par M. C______ dans ses écritures du 7 décembre 2016.

8.        Dans sa réponse du 31 mars 2017, la caisse a conclu au rejet des recours.

9.        Le 13 juillet 2017, la chambre de céans a ordonné la jonction des causes concernant MM. A______ (A/4204/2016), C______ (A/4208/2016) et D______ (A/4266/2016) sous le numéro A/4204/2016. Elle a ordonné la comparution personnelle des parties qui s'est tenue le 21 novembre 2017. Les déclarations de celles-ci seront reprises en tant que de besoin dans la partie en droit qui suit.

À l'issue de l'audience, les recourants se sont vu accorder un délai pour produire leurs déclarations et taxations fiscales.

10.    La chambre de céans a été informée, le 6 février 2018, que M. A______ avait été placé pour trois mois en détention provisoire, soit jusqu'au 20 avril 2018, sur ordre du Tribunal des mesures de contraintes.

11.    Les parties ayant sollicité l'apport par l'office des faillites du dossier de la société et au vu du volume de celui-ci, la chambre de céans a requis des recourants qu'ils lui indiquent quelles pièces en particulier ils souhaitaient voir verser à la présente procédure.

12.    Agissant au nom et pour le compte de M. C______, Me F______ a produit le 28 mars 2018 un chargé de pièces comprenant (notamment déclaration et taxation fiscales).

-          La déclaration fiscale et bordereau de taxation 2016 de M. C______ ;

-          La liste des écritures au crédit de la masse en faillite de la société ;

-          L'état de collocation déposé le 14 mars 2017 ;

-          L'inventaire dans la faillite dressé pour la période du 11 mai 2015 au 6 juillet 2015 ;

-          La demande en paiement formée le 28 septembre 2016 par l'Office des faillites à l'encontre de la Banque cantonale de Genève pour un montant de CHF 228'155.65 et enregistrée sous le numéro de cause C/18659/2016 et son bordereau de titres ;

-          Le jugement du Tribunal de première instance rendu le 24 août 2017 sur la question de la prescription dans le cadre de cette cause ;

-          L'ordonnance rendue le 28 février 2018 par le Tribunal de première instance au sujet de l'appel en cause formé par la Banque cantonale de Genève dans le cadre de cette cause No. C/18659/2016 ;

-          La liste des débiteurs restant à encaisser par la masse en faillite de la société.

13.    Par courrier du 17 mai 2018, M. A______ a sollicité la suspension de la procédure jusqu'à la clôture de la procédure de faillite.

14.    Le 7 juin 2018, la caisse s'est opposée à toute suspension, rappelant que les créances de cotisations sont colloquées en deuxième et troisième place, de sorte qu'elles ne seraient manifestement pas couvertes par le montant déjà encaissé ou à encaisser par l'office des faillites.

15.    Le 13 juin 2018, M. C______ s'est déterminé en faveur de la suspension de la procédure, ajoutant que celle-ci n'était pas seulement justifiée par le fait que la procédure de faillite était en cours, mais également parce que la procédure pénale P/16631/2014 était encore instruite au Ministère public.

16.    Le 12 juillet 2018, la caisse a confirmé qu'elle s'opposait également à la suspension jusqu'à droit jugé au pénal.

17.    Le 13 juillet 2018, M. D______, représenté par Me G______, a transmis à la chambre de céans copie de ses bordereaux de taxation fiscale 2012 à 2014.

Il se rallie aux arguments et aux conclusions de Mes E______ et F______ figurant dans leurs courriers respectifs des 17 mai et 13 juin 2018.

Il produit le 17 juillet 2018 son bordereau de taxation 2016 daté du 11 juillet 2018, ainsi que les déclarations fiscales 2015 et 2016.

18.    Par arrêt incident du 20 septembre 2018 (ATAS/824/2018), la chambre de céans a refusé de suspendre l'instance en application de l'art. 14 LPA.

Elle a par ailleurs ordonné l'audition de Madame H______, comptable de la société de 1987 à 2017, et de l'organe de révision pour le 27 août 2019.

19.    Par courrier du 27 juin 2019, la caisse a communiqué à la chambre de céans le tableau de distribution des deniers définitif établi par l'office des faillites. Il en ressort que le dividende en 2ème classe est de 8,24%, de sorte que son dommage s'élève dorénavant à un montant total de CHF 508'498.02 (cotisations AVS CHF 430'434.93, allocation maternité CHF 2'794.72 et allocations familiales CHF 75'268.37).

20.    a. Lors de l'audience du 27 août 2019, Mme H______ a expliqué qu'en sa qualité de comptable de la société, elle entrait les données jusqu'au stade du bilan, précisant que

« si une décision devait être prise, je m'adressais à Messieurs C______ et D______, plus particulièrement au premier qui se chargeait de l'administration, alors que M. D______ se chargeait de la gestion des chantiers. Les factures étaient établies par les techniciens, soit entre autres Messieurs D______ et C______. C'est plutôt M. C______ qui décidait quelles factures payer.

À un moment donné, j'ai effectivement compris que la société rencontrait de sérieuses difficultés. Les liquidités manquaient, parce que la société MB SA avançait de l'argent à d'autres sociétés dont M. A______ était soit actionnaire, soit administrateur, soit les deux. Je ne savais pas comment réagissaient Messieurs C______ et D______. Je n'avais en principe pas de contact avec M. A______ dans le cadre de mon travail. Il ne me demandait pas de payer des factures. Il n'avait quoi qu'il en soit pas à me donner d'instructions. Quant à moi, je ne pouvais pas prendre de décision à cet égard.

Je savais que M. A______ avait un compte courant. C'est certainement moi qui l'ai ouvert. Je ne me souviens pas du montant. Je ne sais pas à quoi servait ce compte courant.

Je transmettais à la Caisse les heures effectuées par les employés et c'est elle qui établissait les salaires. J'avais plus de contact avec M. C______. J'attirais son attention en particulier sur le fait que les charges sociales n'étaient pas payées ou l'étaient avec retard. Messieurs C______ et D______ me disaient de ne pas m'inquiéter, parce que des affaires allaient se conclure. Ils se concertaient entre eux. Je ne sais pas ce qu'ils se disaient. J'ai pu constater que M. A______ intervenait de plus en plus en leur apportant des conseils, mais j'ignore lesquels. M. A______ a eu une procuration pour intervenir auprès de la Caisse et discuter avec Mme WENGER d'arrangements de paiement. Au début, c'était M. C______ qui s'occupait de ce genre de choses. Je dois dire que M. C______ s'est trouvé à un moment donné anéanti par la situation, il ne pouvait plus réfléchir sainement. M. D______ courait de tous les côtés pour les chantiers. Il ne pouvait que difficilement l'aider. M. A______ en a profité pour gérer la société en gros, pour donner de plus en plus de conseils. M. A______ ne me donnait pas d'instructions en particulier. S'il l'avait fait, je m'en serais référée à M. C______ ou à M. D______.

J'avais entendu parler de M. A______ avant qu'il ne vienne dans la société I______ SA. J'ai essayé d'attirer l'attention de Messieurs C______ et D______. Je pense qu'ils ont été manipulés par lui. Je dirais même que pour moi, plonger dans ces souvenirs m'est difficile. Je ne peux dire quels conseils il donnait, dans la mesure où M. A______ avait une idée par jour.

Pour moi, si la société en est arrivée là, c'est à cause de M. A______, à cause de toutes ces avances faites à d'autres sociétés. Il a certes amené des chantiers, mais toutes les affaires mirobolantes promises ne sont jamais venues. Même la fiduciaire me demandait quand est-ce que Messieurs C______ et D______ se débarrasseraient de lui. Il leur promettait monts et merveilles et ils sont tombés dans le panneau. Ils n'ont pas écouté la fiduciaire, même en constatant la situation financière de la société, parce que M. A______ leur faisait toujours croire que quelque chose allait venir et allait rapporter.

Ma note rédigée et produite ce jour par la Caisse m'est soumise. J'explique ceci : il s'agit d'une note personnelle que j'ai rédigée moi-même. Je précise qu'après la faillite de la société I______ SA, une importante partie du personnel a été reprise par J______ Constructions. J'ai cependant été licenciée après quelques mois. Mon salaire ne m'a pas été payé, ce qui m'a obligé à saisir les Prud'hommes. J'ai par ailleurs été entendue par le Ministère Public. C'est pour toutes ces raisons que j'avais pensé à mettre sur papier mes réflexions, mon ressenti.

C'est bien ma note.

S'agissant de la phrase "c'est A______ qui a pris la main sur les décisions de paiement" (2ème paragraphe, 3ème ligne) : c'était à la fin, dans les derniers mois. Je ne me souviens plus exactement. Il s'agissait de tous les paiements importants pour lesquels une décision devait être prise. J'ai entendu M. A______ dire à Messieurs C______ et D______ qu'il fallait suspendre le paiement des charges sociales, parce qu'il irait discuter avec la Caisse.

Page 1, paragraphe 7 : Je précise que ma note a été rédigée sans aucun ordre chronologique, a été établie en plusieurs fois, dès que je pensais à quelque chose. Des remarques sont ainsi faites sur la société J______ Constructions. Je rappelle que M. A______ n'avait pas de pouvoir bancaire auprès de la société I______ SA.

Page 2, dernier paragraphe : La société I______ SA versait de l'argent sur les comptes de ces sociétés, alors qu'elle était déjà dans une situation difficile. Je ne sais pas ce qui a été fait ensuite de cet argent. Je confirme que ces sociétés étaient en lien avec M. A______ comme je l'ai dit plus haut.

S'agissant de la mention "Compte courant K______ effacé CHF 230'000.-", cela signifie que cette somme avait été versée du compte de la société I______ SA sur le compte de la société K______, que celle-ci était tombée en faillite et ne pouvait plus rembourser ; il a donc été décidé "d'effacer" sa dette. Je pense que c'est lors d'une discussion entre la fiduciaire, Messieurs A______, C______ et D______ que ça a été décidé.

Avant dernière page, 5ème paragraphe : Je confirme que j'ai entendu M. A______ le dire.

Je dirais que Messieurs C______ et D______ ont essayé jusqu'au bout de sauver la société, mais c'était peine perdue. Je sais que cela a été très dur pour eux. Cela l'a du reste été également pour moi. Je ne pourrai plus dire quand précisément M. C______ est tombé en burn out, mais je le voyais venir. Nous lui disions de faire attention. Il en "prenait plein la tête" par M. A______. Celui-ci lui criait dessus. M. C______ et moi-même préparions les paiements. Je les saisissais selon ce que nous avions préparé. M. D______ les validait. M. C______ avait discuté en amont avec M. A______ (c'est ainsi que j'ai dit que M. A______ avait pris la main sur les décisions de paiement) ».

b. Lors de l'audience du 27 août 2019, Monsieur L______, représentant l'organe de révision a également été entendu. Il a déclaré que :

« Je confirme que la société fiduciaire M______ SA était l'organe de révision de la société I______ SA. C'est mon associé qui est à présent à la retraite qui était chargé de ce dossier, Monsieur N______, domicilié à Rolle. Tout allait bien jusqu'à fin 2013. Les comptes tardant à nous être remis, nous avons décidé de démissionner à fin septembre-début octobre 2014. Je ne sais pas qui était notre interlocuteur au sein de la société. J'imagine que c'était le conseil d'administration. Je crois me souvenir qu'il y avait trois administrateurs. Je crois me souvenir de Monsieur D______ et du recourant. Je ne me souviens pas du nom du troisième. Les comptes auraient dû être transmis avant fin juin 2014. Ils ne l'ont été que fin août 2014. Un rapport a été établi avec de nombreuses réserves portant notamment sur l'évaluation de certains postes de l'actif. Je ne me souviens pas de ce qu'il en était s'agissant des charges sociales. Je ne peux pas dire grand-chose sur les relations entre la fiduciaire et les administrateurs de la société, je peux seulement dire qu'il était désagréable de ne pas recevoir les pièces utiles vers la fin ».

21.    a. Une seconde audience a été agendée le 5 novembre 2019. Madame O______ et Monsieur N______ ont été entendus.

b. M. N______ a déclaré que :

« J'ai pris ma retraite il y a six ans, je ne me souviens plus quel mois. Je me suis effectivement occupé du dossier de la société dans le cadre de la fiduciaire M______ jusqu'à ma retraite. Je ne me souviens pas si nous avions décidé de ne plus nous occuper du dossier de la société. MM D______ et C______ étaient mes interlocuteurs, les deux indifféremment. Je m'adressais exceptionnellement au recourant. Je rappelle que celui-ci n'était pas administrateur. Je crois savoir que la société a rencontré quelques difficultés de trésorerie et d'exploitation, mais je ne me souviens pas de plus de détails. Je pense que j'ai dû attirer l'attention des administrateurs sur le paiement des charges sociales. Tout figure dans le rapport qui a été établi à l'époque.

La note de synthèse (pièce 55 chargé caisse) m'est soumise. Je confirme que la première signature figurant en bas du document est bien la mienne avec la date du 27 août 2014. La deuxième est celle de Mme O______. Ce document a été établi par cette dernière. Je l'ai lu et approuvé. Je constate que des interventions de M. A______ sont évoquées à plusieurs reprises. Je ne le conteste pas. Je me rendais sur place parfois. Mme O______ y allait plus souvent que moi. Je lis que la situation de la société était catastrophique. C'est le fruit d'une évolution. La société est clairement surendettée. Je ne sais pas si c'était déjà le cas lors de l'exercice précédent.

En page 2, il est question des travaux en cours. Je n'ai rien d'autres à indiquer. Mme O______ et moi-même participions aux discussions avec MM C______ et D______, elle plus que moi. Je n'ai jamais su ce qu'était la société K______. Je ne me souviens pas des montants indiqués fin 2010-2011. La question m'est posée de savoir si des provisions concernant cette société s'élevant à CHF 120'000.- en 2010 et CHF 107'000.- en 2011 peuvent être passées sans autre (cf. pièce 88). Ce sont les administrateurs qui le décidaient. Je ne me souviens pas davantage.

Nous avons cessé notre mandat (je ne me souviens pas à quelle date), parce que nous n'obtenions pas les renseignements souhaités et parce que la société était en état de surendettement. Nous avons probablement attiré l'attention de celle-ci sur ce dernier point et c'est probablement pour cette raison que nous avons préféré ne plus nous occuper de ce dossier ».

c. Mme O______ a déclaré que :

« Je me suis occupée du dossier de la société I______ SA dans le cadre de la fiduciaire M______, organe de révision, en ma qualité d'experte comptable. Je n'ai eu à faire qu'un audit, au 31 décembre 2013.

J'ai signé le rapport (cf. pièce 55 chargé caisse). Je suis allée une seule fois dans les locaux de la société en juillet 2014. Le responsable du mandat était M. N______. Nous signions toujours à deux. C'est moi qui ai rédigé ce rapport, c'est moi qui ai fait tout le travail d'audit. Je n'ai eu affaire qu'à une personne, la comptable. Ce n'est pas moi qui demandais les renseignements nécessaires, cas échéant, c'était M. N______. Je n'ai pas eu de contact avec les administrateurs de la société, ni avec personne d'autre. Je ne me souviens pas si nous avons renoncé au mandat. Nous avons renvoyé les comptes, parce que nous n'obtenions pas suffisamment de renseignements. Trop d'incertitudes subsistaient. Je me souviens que lorsque je suis allée dans les locaux de la société, j'ai trouvé une situation compliquée : la comptabilité de janvier à août 2014 n'avait pas été commencée, et je ne trouvais pas les documents qui m'étaient nécessaires. Nous avons travaillé ensemble, Mme H______ et moi, toute la journée.

Il m'est expliqué que selon Mme H______, la fiduciaire lui aurait demandé quand est-ce que les administrateurs se débarrasseraient d'une troisième personne qui compromettait la situation de la société. Je ne sais pas qui a pu lui dire une chose pareille, ce n'est en tout cas pas moi.

Je mentionne à trois reprises le nom de M. A______ dans la note de synthèse. Je ne me souviens pas de qui il s'agit. Son nom figure également dans une annexe à la pièce 49, il est possible que je l'ai vu, mais je ne m'en souviens pas, je n'ai en tout cas pas travaillé avec lui ».

22.    Les parties ont été invitées à faire part d'éventuels actes d'instruction complémentaires.

Le 25 novembre 2019, M. C______ a demandé à ce que soient entendus Monsieur P______, collaborateur de l'office des faillites, et Me Q______, avocate consultée par MM. C______, D______ et A______ dès l'apparition des premières difficultés financières de la société.

23.    Un délai a été accordé aux parties pour d'ultimes éventuelles observations avec un délai au 16 juin 2020. Elles ont toutes sollicité une prolongation de délai.

24.    Par courrier du 30 juin 2020, Me E______ a informé la chambre de céans qu'il cessait d'occuper. Le 3 juillet 2020, celle-ci a rappelé au recourant qu'un délai au 15 juillet 2020 lui avait été imparti. Un nouveau délai a été fixé au 14 août 2020 ensuite de quoi la cause serait gardée à juger.

25.    Le 14 juillet 2020, M. C______ s'est déterminé et a versé au dossier les procès-verbaux d'audition devant le Ministère public des 13 juin 2018 et 18 avril 2019. Le même jour, M. D______ s'est expressément fondé sur les observations de M. C______.

Ces écritures n'ont alors pas été transmises aux autres parties vu la prolongation de délai accordée à M. A______.

26.    La caisse a indiqué, les 13 août et 29 septembre 2020, qu'elle était en pourparlers avec les parties adverses et demandé un nouveau délai respectivement au 30 septembre 2020 et au 30 octobre 2020. Ces délais lui ont été accordés et les parties en ont été informées.

Par courriers du 12 octobre 2020, MM. C______ et D______ ont déclaré à la chambre de céans qu'ils avaient trouvé un accord avec la caisse et qu'ils retiraient leurs recours, dépens compensés.

27.    Par arrêt du 20 octobre 2020 (ATAS/982-983/2020), la chambre de céans en a pris acte, a disjoint les causes A/4204/2016, A/4208/2016 et A/4266/2016, qui avaient été jointes le 13 juillet 2017, et a rayé les deux dernières causes du rôle. Constatant que M. A______ ne s'était pas manifesté, elle a par ailleurs rappelé que la cause le concernant restait quant à elle pendante.

28.    Le 29 octobre 2020, la caisse s'est déterminée dans cette cause A/4204/2016.

Elle considère en substance que la qualité d'organe de fait de M. A______ (ci-après le recourant) est indéniable et qu'il a violé l'art. 52 LAVS.

Elle reprend pour preuve les divers témoignages recueillis lors des audiences de la chambre de céans et du Ministère public et compare les extraits de compte-courant du recourant avec ceux de R______ Sàrl et de K______.

29.    Le courrier adressé au recourant au chemin S______ au Grand-Lancy est revenu avec la mention « le destinataire est introuvable à l'adresse indiquée ».

Interrogé, l'office cantonal de la population et des migrations (OCPM) a indiqué, le 4 décembre 2020, que « Après vérifications des éléments en notre possession, il appert que ce dernier n'a visiblement plus d'adresse de domicile effectif suite au retour de son matériel électoral avec mention de la Poste « le destinataire introuvable » ; nous l'avons, de ce fait, enregistré comme étant sans domicile connu dans nos registres. En l'état, nous précisons que nous n'avons pas d'autre élément nous permettant de déterminer son domicile effectif et principal actuel ».

Le 14 décembre 2020, le mandataire de la caisse a informé la chambre de céans que le recourant était domicilié à Vuadens dans le canton de Fribourg.

Le courrier adressé au recourant à Vuadens est toutefois revenu, à nouveau, avec la mention postale « destinataire introuvable à l'adresse indiquée ».

30.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        a. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur depuis le 1er janvier 2011, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS -RS 831.10).

Sa compétence ratione materiae pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

b. Selon l'art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l'art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l'employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. Cette disposition est également applicable lorsque la caisse recherche un organe de l'employeur en réparation du dommage, et ce, quel que soit le domicile dudit organe (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 184/06 du 25 avril 2007 consid. 2.3).

La société étant domiciliée dans le canton de Genève depuis sa création et jusqu'au moment de sa faillite, la chambre de céans est également compétente ratione loci.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s'appliquent aux art. 1 à 97 LAVS, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA ; il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

3.        La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'AVS, notamment en ce qui concerne l'art. 52 LAVS. Désormais, la responsabilité de l'employeur y est réglée de manière plus détaillée qu'auparavant et les art. 81 et 82 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101) ont été abrogés.

Il faut toutefois préciser que le nouveau droit n'a fait que reprendre textuellement, à l'art. 52 al. 1 LAVS, le principe de la responsabilité de l'employeur figurant à l'art. 52 aLAVS, la seule différence portant sur la désignation de la caisse de compensation, désormais appelée assurance. Les principes dégagés par la jurisprudence sur les conditions de droit matériel de la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 aLAVS (dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2002) restent par ailleurs valables sous l'empire des modifications introduites par la LPGA (ATF 129 V 11 consid. 3.5 et 3.6).

4.        Les dispositions de la novelle du 17 mars 2011 modifiant la LAVS sont entrées en vigueur le 1er janvier 2012. Elles n'ont pas amené de changements en matière de responsabilité subsidiaire des organes fondée sur l'art. 52 LAVS. En effet, outre quelques retouches de forme, le nouvel art. 52 al. 2 LAVS concrétise les principes établis par la jurisprudence constante du Tribunal fédéral (cf. Message relatif à la modification de la LAVS du 3 décembre 2010, FF 2011 519, p. 536 à 538). Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1 ; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références).

5.        En l'espèce, les montants litigieux concernent les cotisations paritaires dues pour les années 2013, 2014 et 2015, de sorte que l'art. 52 al. 1 LAVS est applicable dans sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2012 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_80/2017 du 31 mai 2017 consid. 3.2).

6.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans les formes et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 38 et 56 à 61 LPGA).

7.        Le litige porte sur la responsabilité du recourant dans le préjudice causé à la caisse par le défaut de paiement des cotisations sociales (AVS-AI-APG et AC) encore dues d'octobre 2013 à juin 2015.

8.        a. L'art. 14 al. 1 LAVS en corrélation avec les art. 34ss RAVS, prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses, périodiquement, les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions. L'obligation de payer les cotisations et de fournir les décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. À cet égard, le Tribunal fédéral a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public. L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 118 V 193 consid. 2a).

À teneur de l'art. 52 LAVS, l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l'assurance, est tenu à réparation (al. 1). Si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage (al. 2). Le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L'employeur peut renoncer à invoquer la prescription. Si le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est applicable (al. 3). La caisse de compensation fait valoir sa créance en réparation du dommage par voie de décision (al. 4).

b. Selon le message relatif à la modification de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS) du 3 décembre 2010 relatif à l'art. 52 LAVS al. 2 à 4, la réparation du dommage est le corollaire des obligations de droit public que l'employeur assume en matière de perception, de versement et de décompte des cotisations paritaires d'assurances sociales en sa qualité d'organe d'exécution de l'AVS. Ce principe occupe une place prépondérante en droit des cotisations. En effet, d'après la jurisprudence développée par le Tribunal fédéral des assurances depuis 1970, non seulement les employeurs peuvent être tenus de réparer le dommage, mais également, à titre subsidiaire, les personnes physiques qui agissent en leur nom (ATF 114 V 219 et ATF 129 V 11). Actuellement, il est insatisfaisant que la responsabilité subsidiaire des organes, de même que d'autres caractéristiques importantes de la réparation du dommage, ne soient pas réglées dans la loi et ne puissent qu'être déduites de l'étude d'une abondante jurisprudence. Pour le citoyen, la loi doit être conçue de manière plus transparente. La conception de base ne sera pas modifiée ; la responsabilité reste limitée à la faute grave (FF 2011 519, p. 536).

En d'autres termes, la nouvelle teneur de l'art. 52 al. 2 LAVS, entrée en vigueur le 1er janvier 2012, codifie la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATAS/610/2013 du 18 juin 2013 consid. 4a).

9.        À titre liminaire, il convient d'examiner si la prétention de l'intimée est prescrite.

10.    a. Les délais prévus par l'art. 52 al. 3 LAVS doivent être qualifiés de délais de prescription, non de péremption, comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA (SVR 2005 AHV n° 15 p. 49 consid. 5.1.2 ; FF 1994 V 964 ; FF 1999 p. 4422). Cela signifie qu'ils ne sont plus sauvegardés une fois pour toutes avec la décision relative aux dommages-intérêts ; le droit à la réparation du dommage au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS peut donc aussi se prescrire durant la procédure d'opposition ou la procédure de recours qui s'ensuit
(ATF 135 V 74 consid. 4.2).

b. Alors que le délai de prescription de deux ans commence à courir dès la connaissance du dommage, celui de cinq ans débute, en revanche, dès la survenance du dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.2).

Le dommage survient dès que l'on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 193
consid. 2.2 ; ATF 126 V 443 consid. 3a). Ainsi, en matière de cotisations, un dommage se produit au sens de l'art. 52 LAVS lorsque l'employeur ne déclare pas à l'AVS tout ou partie des salaires qu'il verse à ses employés et que, notamment, les cotisations correspondantes se trouvent ultérieurement frappées de péremption selon l'art. 16 al. 1 LAVS. Dans un tel cas, le dommage est réputé survenu au moment de l'avènement de la péremption (ATF 112 V 156 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 35/06 du 4 octobre 2006 consid. 6). Ce jour marque également celui de la naissance de la créance en réparation et la date à partir de laquelle court le délai de 5 ans (ATF 129 V 193 consid. 2.2 ; ATF 123 V 12 consid. 5c). Un dommage se produit également en cas de faillite, en raison de l'impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement. Le dommage subi par la caisse est réputé être survenu le jour de la faillite (ATF 129 V 193 consid. 2.2).

Selon la jurisprudence rendue à propos de l'ancien art. 82 al. 1 RAVS, et valable sous l'empire de l'art. 52 al. 3 LAVS (arrêt du tribunal fédéral des assurances H 18/06 du 8 mai 2006 consid. 4.2), il faut entendre par moment de la « connaissance du dommage », en règle générale, le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaient plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.1). En cas de faillite, le moment de la connaissance du dommage correspond en règle générale à celui du dépôt de l'état de collocation, ou celui de la publication de la suspension de la liquidation de la faillite faute d'actifs (ATF 129 V 193 consid. 2.3).

c. S'agissant des actes interruptifs de prescription, il sied de retenir ce qui suit. Tandis que le juge ne peut interrompre la prescription que par une ordonnance ou une décision, « chaque acte judiciaire des parties » suffit à produire cet effet (art. 138 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO, Code des obligations - RS 220). Cette notion d'acte judiciaire des parties doit être interprétée largement tout en ayant égard à la ratio legis de la disposition citée, qui est de sanctionner l'inaction du créancier. Il faut donc considérer comme acte judiciaire d'une partie tout acte de procédure relatif au droit invoqué en justice et susceptible de faire progresser l'instance (ATF 130 III 202 consid. 3.2). Par ailleurs, tant la décision que l'opposition interrompent le délai de prescription de deux ans et font courir un nouveau délai de même durée (ATF 135 V 74 consid. 4.2.2).

11.    En l'espèce, en application de la jurisprudence précitée, il y a lieu de retenir que le dommage s'est produit le 11 septembre 2015, soit à la date du prononcé de la faillite par la Cour de justice, et qu'il a été connu de la caisse lors de la publication de l'état de collocation déposé le 5 avril 2016.

En notifiant au recourant une décision en réparation du dommage en date du 13 mai 2016, la caisse a dès lors agi en temps utile, soit dans les délais de deux ans à compter de la connaissance du dommage et de cinq ans dès la survenance de celui-ci.

L'action en réparation du dommage n'étant pas prescrite, il sied à présent d'examiner si les autres conditions de la responsabilité de l'art. 52 LAVS sont réalisées, à savoir si le recourant peut être considéré comme « employeur » tenu de verser les cotisations à la caisse, s'il a commis une faute ou une négligence grave et enfin, s'il existe un lien de causalité adéquate entre son comportement et le dommage causé à la caisse.

12.    a. S'agissant de la notion d'« employeur », la jurisprudence considère que, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom, notamment quand la personne morale n'existe plus au moment où la responsabilité est engagée (ATF 123 V 12 consid. 5b ; ATF 122 V 65 consid. 4a). Le caractère subsidiaire de la responsabilité des organes d'une personne morale signifie que la caisse de compensation ne peut agir contre ces derniers que si le débiteur des cotisations (la personne morale) est devenu insolvable (ATF 123 V 12 consid. 5b).

L'art. 52 LAVS ne permet ainsi pas de déclarer l'organe d'une personne morale directement débiteur de cotisations d'assurances sociales. En revanche, il le rend responsable du dommage qu'il a causé aux différentes assurances sociales fédérales, intentionnellement ou par négligence grave, en ne veillant pas au paiement des cotisations sociales contrairement à ses obligations (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/05 du 5 décembre 2005 consid. 4.1).

La notion d'organe selon l'art. 52 LAVS est en principe identique à celle qui se dégage de l'art. 754 al. 1 CO.

En matière de responsabilité des organes d'une société anonyme, l'art. 52 LAVS vise en première ligne les organes statutaires ou légaux de celle-ci, soit les administrateurs, l'organe de révision ou les liquidateurs (ATF 128 III 29 consid. 3a ; Thomas Nussbaumer, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d'un dommage selon l'art. 52 LAVS, in RCC 1991 p. 403).

Mais les critères d'ordre formel ne sont, à eux seuls, pas décisifs et la qualité d'organe s'étend aux personnes qui ont pris des décisions réservées aux organes ou se sont chargées de la gestion proprement dite, participant ainsi de manière déterminante à la formation de la volonté de la société (ATF 119 II 255 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 128/04 du 14 février 2006 consid. 3 ss).

b. La qualité d'organe est donc réservée aux personnes exécutant leurs obligations au sein de la société ou à l'égard des tiers en vertu de leur propre pouvoir de décision. Le fait qu'une personne est inscrite au registre du commerce avec droit de signature n'est, à lui seul, pas déterminant. La préparation de décisions par un collaborateur technique, commercial ou juridique ne suffit pas à conférer la qualité d'organe au sens matériel. En d'autres termes, la responsabilité liée à la qualité d'organe présuppose que l'intéressé ait eu des compétences allant nettement au-delà d'un travail préparatoire et de création des bases de décisions, pour se concentrer sur la participation, comme telle, à la formation de la volonté de la société (ATF 117 II 572 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 128/04 du 14 février 2006 consid. 3).

Un organe de fait n'est appelé à assumer une responsabilité que pour les domaines dans lesquels il a effectivement déployé une activité. Contrairement à un organe au sens formel, il n'a donc pas un devoir de surveillance (cura in custodiendo) à l'endroit de l'activité des autres organes, de fait ou de droit, de la société (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 128/04 du 14 février 2006 consid. 3).

Les organes de fait sont les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation de la société, à savoir celles qui prennent en fait les décisions normalement réservées aux organes ou qui pourvoient à la gestion, concourant ainsi à la formation de la volonté sociale d'une manière déterminante (ATF 132 III 523 consid. 4.5 ; ATF 114 V 213 consid. 3). Conformément à la jurisprudence en matière de responsabilité du droit de la société anonyme, dont les principes s'appliquent dans le cadre de l'art. 52 LAVS (ATF 114 V 213 consid. 3), revêt uniquement une position d'organe de fait la personne qui assume sous sa propre responsabilité la compétence durable - et non seulement isolée - de prendre des décisions qui dépassent le cadre des affaires quotidiennes et ont une influence sur le résultat de l'entreprise. Tel n'est pas le cas d'une personne qui se limite à préparer et/ou à exécuter de telles décisions (ATF 128 III 29 consid. 3c). En d'autres termes, la responsabilité pour la gestion ne concerne que la direction supérieure de la société, au plus haut niveau de sa hiérarchie (ATF 117 II 570 consid. 3). En revanche, l'accomplissement de l'ensemble des tâches administratives au sein de l'entreprise (facturation aux clients, exécution des paiements, préparation des bulletins de salaires - y compris établissement de décomptes pour les autorités de l'AVS et la SUVA -, gestion des livres de caisse et des relations bancaires, etc.) n'est pas assimilable à l'activité spécifique d'un organe (ATF 114 V 213 consid. 4). L'obligation de réparer le dommage au sens de l'art. 52 LAVS intervient en principe seulement si la personne intéressée avait un pouvoir de disposer des cotisations non payées et pouvait effectuer les paiements à la caisse de compensation (ATF 134 V 401 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_428/2013 du 16 octobre 2013 consid. 4.2).

La qualité d'organe de fait s'analyse en fonction du rôle que la personne concernée a effectivement joué au sein de la société. Il faut en particulier qu'elle ait eu la possibilité de causer un dommage ou de l'empêcher, en d'autres termes qu'elle ait exercé effectivement une influence sur la marche des affaires de la société (ATF 132 III 523 consid. 4.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_295/2017 du 6 juillet 2017 consid. 5.2).

Un directeur de société a généralement la qualité d'organe en raison de l'étendue des compétences que cette fonction suppose (ATF 104 II 190 consid. 3b). Mais il ne doit répondre que des actes ou des omissions qui relèvent de son domaine d'activités, ce qui, en d'autres termes, dépend de l'étendue des droits et des obligations qui découlent de ses rapports internes. Sinon, il serait amené à réparer un dommage dont il ne pouvait empêcher la survenance, faute de disposer des pouvoirs nécessaires (ATF 111 V 172 consid. 5a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 234/02 du 16 avril 2003 consid. 7.3, résumé in HAVE/REAS 2003 p. 251). Le Tribunal fédéral a ainsi reconnu la responsabilité du directeur d'une société anonyme avec signature individuelle (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 34/04 du 15 septembre 2004 consid. 5.3.1).

13.    En l'espèce, il y a préalablement lieu de relever que le mandataire du recourant a informé la chambre de céans le 30 juin 2020 qu'il cessait d'occuper. Depuis cette date, ce dernier ne s'est plus manifesté. Des courriers lui ont été adressés au domicile enregistré à l'OCPM, puis à Vuadens, selon renseignement obtenus du mandataire de la caisse, mais sont revenus avec la mention postale « destinataire introuvable ». Des informations complémentaires ont été demandées en vain à l'OCPM. Le recourant n'a à aucun moment pris la précaution d'informer la chambre de céans d'une adresse où il aurait été possible de le joindre, alors qu'il savait qu'une procédure dirigée contre lui par la caisse était en cours auprès de cette juridiction. En l'absence de réaction de sa part à ce jour, la chambre de céans est autorisée à en déduire que le recourant a renoncé à exercer son droit d'être entendu dans le cadre de la présente procédure.

Or, selon la jurisprudence, c'est à l'employeur qu'il appartient d'établir qu'il n'est pas responsable du dommage subi par la caisse de compensation.

Il convient au surplus de rappeler que les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits, en vertu de l'art. 22 de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA ; RS E 5 10). L'autorité peut aussi inviter les parties à la renseigner, notamment à se prononcer sur les faits constatés ou allégués, selon l'art. 24 al. 1 LPA. La maxime d'office n'implique ainsi pas que l'autorité saisie doive établir seule les faits. L'instruction repose aussi sur la coopération des parties. La portée de la maxime inquisitoire est en effet restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 I 183 consid. 3.2). Le devoir du juge de constater les faits pertinents ne dispense donc pas les parties de collaborer à l'administration des preuves en donnant des indications sur les faits de la cause ou en désignant des moyens de preuve (ATF 130 I 184 consid. 3.2, 128 III 411 consid. 3.2).

La collaboration des parties étant exigible, et celle du recourant faisant en l'occurrence défaut depuis juin 2020, il ne saurait être considéré qu'il y a un renversement du fardeau de la preuve.

14.    En l'occurrence, si MM. C______ et D______, inscrits au RC du 22 juillet 2003 au 8 septembre 2014 en qualité d'administrateurs, avec signature collective à deux dès 2003 et signature individuelle dès 2009, revêtaient la qualité d'organe formel, il n'en est pas de même pour le recourant.

15.    a. Il s'agit ainsi de déterminer si le recourant était ou non administrateur de fait.

b. Celui-ci soutient que tel n'était pas le cas. Il fait valoir qu'il n'a jamais été administrateur, de droit ou de fait, ni même employé de la société, qu'il n'a jamais pris de décision au nom de la société, et n'a jamais disposé de pouvoirs bancaires sur les comptes de la société.

Il a expliqué, dans son recours du 7 décembre 2016, qu'à la suite des difficultés rencontrées par la société dès la fin de l'année 2013, une assemblée extraordinaire s'était tenue en février 2014 et qu'il avait alors été mandaté par la société pour la représenter lors des discussions avec la caisse. Lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 21 novembre 2017, il a toutefois précisé que c'était en réalité dès fin 2012 déjà que MM. C______ et D______ lui avaient demandé de les aider à trouver des commandes et des promotions grâce à ses contacts et de s'occuper du contentieux avec la caisse.

c. Il est vrai que la comptable de la société, entendue par la chambre de céans le 27 août 2019, a déclaré qu'elle n'avait en principe pas de contact avec le recourant dans le cadre de son travail.

L'ancien associé chargé du dossier - à présent à la retraite - de la fiduciaire, organe de révision de la société, a de même indiqué, le 5 novembre 2019, que « MM.  D______ et C______ étaient mes interlocuteurs, les deux indifféremment. Je m'adressais exceptionnellement au recourant. Je rappelle que celui-ci n'était pas administrateur ». Il a toutefois admis que des interventions du recourant étaient évoquées à plusieurs reprises dans la note de synthèse établie à l'époque.

La comptable de la société a à cet égard ajouté que le recourant intervenait de plus en plus auprès des deux associés en leur apportant des conseils, précisant qu'il avait profité de ce que « M. C______ s'est trouvé à un moment donné anéanti par la situation et que M. D______ courait de tous les côtés pour les chantiers, pour gérer la société en gros, pour donner de plus en plus de conseils ». Elle a ainsi confirmé que le recourant avait « pris la main sur toutes les décisions de paiement », mais ne se souvenait plus exactement depuis quand.

Le représentant de la fiduciaire, organe de révision, a du reste déclaré, lors de la première audience d'enquêtes, que « je crois me souvenir qu'il y avait trois administrateurs. Je crois me souvenir de Monsieur D______ et du recourant. Je ne me souviens pas du nom du troisième ».

d. Force est de constater, au vu des témoignages entendus dans le cadre de l'instruction, que depuis début 2013, soit à partir du moment où il est devenu l'interlocuteur direct et principal de la caisse, et ce jusqu'à la faillite, le recourant a exercé, effectivement, une influence de plus en plus grande dans la gestion de la société, ce d'autant plus que M. C______ était atteint dans sa santé depuis 2014 et que M. D______ peinait à assumer les activités financières de la société en plus de tout ce qui concernait les chantiers. Il y a également lieu de noter que les initiales du recourant figurent sur le rapport du conseil d'administration de la société relatif à l'exercice au 31 décembre 2013. MM. D______ et C______, ainsi que le recourant, ont signé une convention le 2 février 2015 au nom de la société, avec trois autres sociétés, T______ SA, U______ SA et V______ SA. Enfin, le recourant a été considéré comme ayant été administrateur de fait de la société par le Ministère public.

Le recourant a de la sorte régulièrement participé, de manière déterminante, à la formation de la volonté de la société et pris des décisions réservées aux organes. Ses nombreuses interventions auprès de la caisse ont clairement dépassé le cadre des affaires quotidiennes et ont indéniablement eu une influence sur le résultat de la société. La caisse en particulier, mais aussi d'autres partenaires contractuels, ne pouvaient manquer de comprendre qu'il détenait le pouvoir d'engager la société.

e. Le recourant fait valoir que même s'il avait été administrateur de fait de la société, - ce qu'il conteste -, le mandat qui lui avait été confié ne comprenait pas le paiement des charges sociales de la société.

Il s'avère toutefois que selon la comptable de la société, c'est le recourant qui prenait toutes les décisions relatives aux paiements importants, en tout cas dans les derniers mois. Elle a à cet égard rapporté que « j'ai entendu le recourant dire à MM. C______ et D______ qu'il fallait suspendre le paiement des charges sociales, parce qu'il irait discuter avec la Caisse. (...) M. C______ et moi-même préparions les paiements. Je les saisissais selon ce que nous avions préparé. M. D______ les validait. M. C______ avait discuté en amont avec le recourant (c'est ainsi que j'ai dit que le recourant avait pris la main sur les décisions de paiement) » (cf. PV du 27 août 2019).

f. Partant, le recourant doit se voir reconnaître la qualité d'organe de fait.

16.    Le recourant revêtant la qualité d'organe, il convient à présent de déterminer s'il a commis une faute qualifiée ou une négligence grave au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS.

17.    a. L'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978 p. 259 ; RCC 1972 p. 687). Il faut donc un manquement d'une certaine gravité. Pour savoir si tel est le cas, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret (ATF 121 V 243 consid. 4b).

La caisse de compensation qui constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n'existe pas d'indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l'absence d'une faute (RCC 1983 p. 101).

Selon la jurisprudence constante, se rend coupable d'une négligence grave l'employeur qui manque de l'attention qu'un homme raisonnable aurait observée dans la même situation et dans les mêmes circonstances. La mesure de la diligence requise s'apprécie d'après le devoir de diligence que l'on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d'un employeur de la même catégorie que celle de l'intéressé. En présence d'une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l'attention qu'elle doit accorder au respect des prescriptions. Une différenciation semblable s'impose également lorsqu'il s'agit d'apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l'employeur
(ATF 108 V 189). Les faits reprochés à une entreprise ne sont pas nécessairement imputables à chacun des organes de celle-ci. Il convient bien plutôt d'examiner si et dans quelle mesure ces faits peuvent être attribués à un organe déterminé, compte tenu de la situation juridique et de fait de ce dernier au sein de l'entreprise. Savoir si un organe a commis une faute dépend des responsabilités et des compétences qui lui ont été confiées par l'entreprise (ATF 108 V 199 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.2). La négligence grave mentionnée à l'art. 52 LAVS est admise très largement par la jurisprudence (ATF 132 III 523 consid. 4.6).

Commet notamment une faute grave, l'organe qui verse des salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlent de par la loi ne sont pas couvertes (SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5 ; voir également l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1). Commet également une faute grave celui qui ne démissionne pas de ses fonctions alors qu'il se trouvait, en raison de l'attitude du tiers, dans l'incapacité de prendre les mesures qui s'imposaient s'agissant du paiement des cotisations ou qui se trouvait dans l'incapacité d'exercer son devoir de surveillance (voir par exemple : arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2).

Celui qui appartient au conseil d'administration d'une société et qui ne veille pas au versement des cotisations courantes et à l'acquittement des cotisations arriérées est réputé manquer à ses devoirs (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/03 du 30 novembre 2004 consid. 7.3.1, in SJ 2005 I 272 consid. 7.3.1). Commettent ainsi une négligence grave au sens de l'art. 52 LAVS les administrateurs d'une société qui se trouve dans une situation financière désastreuse, qui parent au plus pressé, en réglant les dettes les plus urgentes à l'exception des dettes de cotisations sociales, dont l'existence et l'importance leur sont connues, sans qu'ils ne puissent guère espérer, au regard de la gravité de la situation, que la société puisse s'acquitter des cotisations en souffrance dans un délai raisonnable (ATF 108 V 183 consid. 2 ; SVR 1996 AHV n°98 p. 299 consid. 3).

La négligence grave est également donnée lorsque l'administrateur n'assume pas son mandat dans les faits. Ce faisant, il n'exerce pas la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion, attribution incessible et inaliénable du conseil d'administration conformément à l'art. 716a CO. Une personne qui se déclare prête à assumer ou à conserver un mandat d'administrateur tout en sachant qu'elle ne pourra pas le remplir consciencieusement viole son obligation de diligence (ATF 122 III 195 consid. 3b). Sa négligence peut être qualifiée de grave sous l'angle de l'art. 52 LAVS (ATF 112 V 1 consid. 5b). Un administrateur, dont la situation est à cet égard proche de celle de l'homme de paille, ne peut s'exonérer de ses responsabilités légales en invoquant son rôle passif au sein de la société (arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2).

b. La responsabilité d'un administrateur dure en règle générale jusqu'au moment où il quitte effectivement le conseil d'administration. Cette règle vaut pour tous les cas où les démissionnaires n'exercent plus d'influence sur la marche des affaires et ne reçoivent plus de rémunération pour leur mandat d'administrateur (ATF 126 V 61 consid. 4a). Pour fixer le moment de la sortie du conseil d'administration d'une société anonyme, il y a lieu de prendre en considération, non pas la date de la radiation de l'inscription au registre du commerce ou celle de la publication dans la Feuille officielle suisse du commerce, mais le moment de la démission effective du conseil d'administration (ATF 126 V 134 consid. 5b). La démission est une déclaration de volonté unilatérale sujette à réception (Peter BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht, 4ème éd., 2009, p. 1562 n. 57a). Elle n'est soumise à aucune forme particulière, encore qu'un document écrit soit mieux susceptible d'établir la démission effective (Roland MÜLLER/Lorenz LIPP/Adrien PLÜSS, Der Verwaltungsrat, 3ème éd., 2007, p. 135 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_140/2010 du 12 octobre 2010 consid. 4.4.2). En d'autres termes un administrateur ne peut être tenu pour responsable que du dommage résultant du non-paiement de cotisations qui sont venues à échéance et auraient dû être versées entre le jour de son entrée effective au conseil d'administration et celui où il a quitté effectivement ces fonctions, soit pendant la durée où il a exercé une influence sur la marche des affaires. Demeurent réservés les cas où le dommage résulte d'actes qui ne déploient leurs effets qu'après le départ du conseil d'administration (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 263/02 du 6 février 2003 consid. 3.2).

c. Dans certaines circonstances, un employeur peut causer intentionnellement un préjudice sans être dans l'obligation de le réparer, lorsqu'il retarde le paiement des cotisations pour maintenir son entreprise en vie, lors d'une passe de trésorerie difficile. Mais il faut alors, pour qu'un tel comportement ne tombe pas ultérieurement sous le coup de l'art. 52 LAVS, que l'on puisse admettre que l'employeur avait, au moment où il a pris sa décision, des raisons sérieuses et objectives de penser qu'il pourrait s'acquitter des cotisations dues dans un délai raisonnable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1). À cet égard, la seule expectative que la société retrouve un équilibre financier ne suffit pas ; il faut des éléments concrets et objectifs selon lesquels on peut admettre que la situation économique de la société se stabilisera dans un laps de temps déterminé et que celle-ci recouvrera sa capacité financière (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 163/06 du 11 juin 2007 consid. 4.4). Ce qui est déterminant, ce n'est pas de savoir si l'employeur croyait réellement que l'entreprise pouvait être sauvée et que les cotisations seraient payées dans un proche avenir, il s'agit bien plutôt d'examiner si une telle attitude était alors défendable, objectivement, aux yeux d'un tiers responsable (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 19/07 du 10 décembre 2007 consid. 4.1).

18.    a. En l'espèce, il est intéressant de rappeler préalablement que M. C______, ingénieur de formation, est entré dans la société comme technicien en 1981. Il a continué à y travailler, toujours à plein temps, après être devenu administrateur en 2003 en même temps que M. D______, lors du départ à la retraite des deux anciens administrateurs.

Il était chargé de la gestion financière de la société, préparait les paiements, s'occupait des rappels, des suivis des encaissements et des soumissions. Il validait et signait les ordres de paiement préparés par la comptable. Il a cessé de s'en occuper au début 2014, parce qu'il ne connaissait pas la nouvelle méthode utilisée. Il validait les salaires qu'on lui soumettait et signait les attestations de salaire annuelles.

Il est tombé malade (burn out / dépression) en 2014 en raison des difficultés rencontrées par la société.

b. M. D______, titulaire d'un diplôme de technicien, a quant à lui, été engagé par la société en 1986. Il a également continué à travailler comme technicien après 2003. Il s'occupait de la main d'oeuvre sur les chantiers, des devis et de l'achat de matériaux. M. C______ et lui engageaient les salariés.

Depuis 2014, il avait repris les activités financières de M. C______, qu'il devait assumer en plus, en raison de la maladie de celui-ci.

c. Le recourant enfin, au bénéfice d'une formation de droguiste, a travaillé notamment dans la vente de biens immobiliers. Il louait un bureau depuis 2010-2011 dans les locaux de la société.

Il a indiqué que sur deux ans, de fin 2012 à fin 2014, il avait réussi à trouver des chantiers pour la société à hauteur de CHF 4,5 millions.

M. D______ a toutefois mentionné que des rabais complémentaires avaient dû être accordés pour les deux chantiers amenés par le recourant, de sorte que les frais de la société étaient à peine couverts. La comptable de la société a confirmé que le recourant avait certes amené des chantiers, mais que toutes les affaires mirobolantes promises n'étaient jamais venues (cf. PV 27 août 2019).

Selon le recourant, son intervention s'est limitée à des discussions avec la caisse et à la mise sur pied de deux plans de remboursement. Il affirme qu'il ne s'est jamais occupé du paiement des cotisations AVS/AI dues par la société et n'avait du reste pas la signature nécessaire pour ce faire. Il affirme également qu'il n'avait pas de compte courant personnel auprès de la société.

Il y a toutefois lieu de constater que s'il n'était effectivement pas titulaire d'une signature bancaire, c'est lui qui était l'interlocuteur direct de la caisse avec laquelle il négociait des plans de paiement, c'est lui encore qui discutait « en amont » avec les administrateurs, dont il convient de rappeler que l'un était en burn-out et l'autre submergé par les tâches qu'il devait assumer.

Il disposait par ailleurs d'un compte courant personnel auprès de la société sur lequel il avait procédé à de nombreux retraits de juillet 2009 à décembre 2012 pour un montant total de CHF 179'538.84.

Mme H______ a confirmé l'existence de ce compte courant qu'elle avait elle-même ouvert.

Selon le recourant, la société lui versait des montants directement sur un de ses comptes bancaires en rémunération de ses services, pour lesquels il établissait des factures.

M. D______ a quant à lui expliqué que « je n'ai pas le souvenir d'avoir vu des factures établies par le recourant, mais je savais qu'il était payé pour ses prestations. Nous versions des avances, raison pour laquelle, je pense, la secrétaire a ouvert un compte courant. Le montant de CHF 179'538.- me paraît correspondre. (...) Des versements ont été effectués en faveur du recourant en 2009 déjà, parce que dès ce moment-là, il prospectait. Les résultats concrets ne sont cependant arrivés que fin 2012 » (cf. PV du 21 novembre 2017).

M. C______ a confirmé que ce montant de CHF 179'538.- était correct et a précisé que c'est le recourant qui leur disait combien il fallait verser sur ce compte.

19.    Dès la fin de l'année 2013, la société a rencontré des problèmes de liquidités.

M. C______ a expliqué que « nous avons rencontré des difficultés dès fin 2013 (un chantier nous a échappé, un débiteur ne s'est pas acquitté de sa dette). Nous n'avons dès lors plus pu nous acquitter des cotisations AVS/AI. Nous avons pris des mesures et une assemblée générale extraordinaire s'est tenue en février 2014. Nous avons parfois préféré payer des sous-traitants, des fournisseurs, des salariés au détriment des charges sociales, dans l'idée de continuer les chantiers en cours et de préserver les emplois que nous avons gardés. Nous avions espoir que la situation s'arrange. De nouveaux chantiers étaient en vue mais n'ont pu se concrétiser. J'ajoute que nous figurions sur une « liste noire » de la caisse comme étant une entreprise qui n'était pas à jour dans le paiement des cotisations AVS/AI, ce qui nous a coûté ces nouveaux chantiers ».

M. D______ et lui-même ont alors pris des mesures d'assainissement, notamment en réduisant leur salaire de façon drastique dès la fin 2014, puis en y renonçant définitivement dès février 2015.

Le recourant a confirmé que des mesures d'assainissement avaient été rendues nécessaires en raison du fait que durant le premier semestre de l'année 2014, la société n'avait pas pu débuter un important chantier. Cette constatation ne l'a toutefois pas empêché de faire en sorte que son compte-courant continue à être alimenté.

La comptable de la société a déclaré qu'« à un moment donné, j'ai effectivement compris que la société rencontrait de sérieuses difficultés. Les liquidités manquaient, parce que la société avançait de l'argent à d'autres sociétés dont le recourant était soit actionnaire, soit administrateur, soit les deux. Pour moi, si la société en est arrivée là, c'est à cause de M. A______, à cause de toutes ces avances faites à d'autres sociétés » (cf. PV 27 août 2019).

Force est en effet de constater que le recourant était administrateur et/ou actionnaire dans plusieurs sociétés, soit T______ SA, R______ Sarl, K______, auxquelles la société versait ou prêtait des sommes importantes, ce jusqu'à sa propre faillite (cf. plus particulièrement pces 52bis, 84, 86 et 88 chargé caisse). La comptable de la société parle à cet égard de centaines de milliers de francs dans sa note.

Des versements ont également été effectués en faveur de J______ SA, dont le recourant était actionnaire et l'administrateur et les actifs bancaires de la société lui ont été transférés le 3 décembre 2015, étant rappelé que la faillite avait été confirmée par la Cour de justice le 11 septembre 2015, soit trois mois auparavant (cf. PV Ministère public du 6 avril 2018).

Enfin, le recourant a notamment adressé les 15 et 17 juillet 2015, ainsi que les 3 et 27 août 2015, des courriers à des créanciers de la société pour un règlement échelonné de différentes dettes dans le cadre de la liquidation de la société en faillite, alors qu'il n'en était pas le liquidateur, précisant que « l'accord susmentionné est pris à titre privé par les anciens dirigeants de la société et n'engage nullement la société elle-même » et signant de son nom avec la mention « administration pour la liquidation de la société ».

20.    Force est de constater, au vu de ce qui précède, que le recourant a violé tout au moins par négligence grave les prescriptions de l'AVS et plus particulièrement l'art. 52 LAVS.

21.    a. La responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS suppose enfin un rapport de causalité naturelle et adéquate entre la violation intentionnelle ou par négligence grave des prescriptions et la survenance du dommage. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2).

b. Le lien de causalité adéquate entre le comportement fautif - soit la rétention des cotisations alors même que les salaires sont versés - et le dommage survenu ne peut pas être contesté avec succès lorsque les salaires versés sont tels que les créances de cotisations qui en découlent directement ex lege ne sont plus couvertes (SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 167/05 du 21 juin 2006 consid. 8 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 74/05 du 8 novembre 2005 consid. 4).

La causalité adéquate peut être exclue, c'est-à-dire interrompue, l'enchaînement des faits perdant alors sa portée juridique, lorsqu'une autre cause concomitante - la force majeure, la faute ou le fait d'un tiers, la faute ou le fait de la victime - constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre. L'imprévisibilité de l'acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate ; il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener, en particulier le comportement de l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 95/05 du 10 janvier 2007 consid. 4).

D'après la jurisprudence, les manquements de la caisse de compensation à des prescriptions élémentaires relatives à la fixation et à la perception des cotisations constituent une faute grave, concomitante à celle des administrateurs, qui justifie de réduire le montant du dommage, pour autant que celui-ci entre dans un rapport de causalité notamment adéquate avec le comportement illicite reproché (ATF 122 V 189 consid. 3c). Constitue par exemple un motif de réduction l'octroi irrégulier d'un sursis au paiement ou le fait de ne pas ordonner par voie de décision le paiement de cotisations arriérées avant le délai de péremption de cinq ans (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 307/02 du 28 janvier 2004 consid. 8.1).

22.    En l'espèce, les manquements du recourant relatifs au défaut de paiement des cotisations dues pour les années 2013 à 2015 sont sans aucun doute possible en rapport de causalité avec le dommage subi par la caisse.

Il a délibérément négligé le paiement des charges sociales, conseillant aux deux administrateurs de ne pas s'en acquitter tout de suite parce que des affaires allaient être conclues et qu'il irait quoi qu'il en soit en discuter avec la caisse directement. La société lui a versé, à sa demande, des montants importants sur son compte-courant et sur celui des sociétés dont il était actionnaire-administrateur ou gérant.

23.    Quant au montant du dommage, il correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte. Appartiennent à ce montant les cotisations paritaires (cotisations patronales et d'employés ou ouvriers) dues par l'employeur, les contributions aux frais d'administration, les intérêts moratoires, les taxes de sommation et les frais de poursuite (Directives sur la perception des cotisations - DP, no 8016 et 8017). Les éventuelles amendes prononcées par la caisse de compensation ne font pas partie du dommage et doivent le cas échéant être déduites (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 142/03 du 19 août 2003 consid. 5.5).

24.    En l'espèce, le montant du dommage subi par la caisse comprend les cotisations paritaires AVS/AI/APG/AC impayées d'octobre 2013 à juin 2015. Ce montant, de CHF 467'146.15, n'est pas contesté par le recourant.

25.    Aussi le recours est-il rejeté.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon l'art. 85 LTF, s'agissant de contestations pécuniaires, le recours est irrecevable si la valeur litigieuse est inférieure à 30'000 francs (al. 1 let. a). Même lorsque la valeur litigieuse n'atteint pas le montant déterminant, le recours est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (al. 2). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

Doris GALEAZZI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée à la partie intimée ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le

et au recourant par publication du dispositif dans la Feuille d'avis officielle.