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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1223/2014

ATA/997/2014 du 16.12.2014 ( TAXIS ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1223/2014-TAXIS ATA/997/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 décembre 2014

 

dans la cause

 

M. A______

contre

SERVICE DU COMMERCE

 



EN FAIT

1) M. A______ a été autorisé par le service du commerce
(ci-après : le Scom), le 31 octobre 2012, à exploiter en qualité d’indépendant un taxi de service privé.

Il est locataire d’une place de stationnement à Meyrin.

2) Le 1er novembre 2013, un inspecteur du Scom a constaté que le véhicule de M. A______ était stationné à l’hôtel Intercontinental, côté route de Ferney, direction Genève. Le chauffeur était à proximité du véhicule et l’enseigne lumineuse était fixée sur le toit. Le compteur horokilométrique se trouvait sur la position « libre ».

M. A______ a indiqué qu’il n’était pas en attente, qu’il discutait avec un collègue et qu’il était affilié à la coopérative TAXI 202.

L’intéressé, qui, selon son téléphone de poche consulté par l’inspecteur, se trouvait en position cinq pour une future course réservée à la centrale, n’était pas rentré à sa place de stationnement à Meyrin. La dernière course pour laquelle il avait rédigé une quittance était à destination de l’aéroport.

L’inspecteur avait de plus constaté, lors de son retour au bureau, que M. A______ était domicilié à Gy et non à Meyrin et que son affiliation à la coopérative TAXI 202 ne se trouvait pas dans son dossier.

3) Par courrier du 3 décembre 2013, le Scom a indiqué à M. A______ que son inspectorat avait signalé que son véhicule s’était stationné devant l’hôtel Intercontinental à côté de la route de Ferney au lieu de retourner à sa place de stationnement et qu’il n’avait pas indiqué certains faits qui pouvaient affecter les conditions d’autorisation, tels que le changement d’adresse et l’affiliation à une centrale. Un délai lui était accordé pour se déterminer à ce sujet.

4) Par décision du 21 mars 2014, le Scom a infligé à M. A______ une amende de CHF 1'000.-. Il lui était reproché de ne pas être retourné à sa place de stationnement privée, mais de s’être stationné devant l’hôtel Intercontinental et de ne pas avoir informé le département de certains faits pouvant affecter les conditions d’autorisation, tels le changement d’adresse et l’affiliation à une centrale.

5) Le 30 avril 2014, M. A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre la décision précitée. Le montant de l’amende qui lui était infligée était disproportionné. L’hôtel Intercontinental avait conclu un accord l’autorisant à stationner sur des places privées, dans l’attente de commande des clients de cet établissement. Il n’était pas stationné sur le domaine public lors de l’intervention de l’inspecteur.

Le bail de son garage à Meyrin était toujours en vigueur et restait son adresse professionnelle. Il était exact qu’il n’avait pas informé le Scom de son affiliation à une centrale téléphonique. Au surplus, ce service était au courant de son changement d’adresse privée, et avait toujours pu le joindre.

6) Le 26 juin 2014, le Scom a annulé la décision du 21 mars 2014, et lui a notifié une nouvelle décision.

L’amende était diminuée à CHF 700.-. Il était reproché à M. A______ de ne pas être retourné à sa place de stationnement privé, mais de s’être stationné devant l’hôtel Intercontinental. Il n’avait de plus pas communiqué son changement d’adresse, ce qui pouvait affecter les conditions d’autorisation d’exploiter un taxi de service privé.

7) Interpellé par la chambre administrative, M. A______ a indiqué, le 10 juillet 2014, qu’il maintenait son recours. Son changement d’adresse avait été effectué via le formulaire de l’office cantonal de la population et des migrations, dans le délai et ce changement avait été retransmis aux autres services concernés, tel le service cantonal des véhicules.

8) Le 18 août 2014, le Scom a conclu au rejet du recours.

Les chauffeurs de taxi de service privé devaient rejoindre leur place de stationnement privée après chaque course, et ne pouvaient stationner ailleurs dans le dessin de rechercher des clients. L’enquête effectuée démontrait que l’intéressé n’avait pas été appelé par l’hôtel Intercontinental, mais attendait à cet endroit dans l’espoir de se voir confier une course.

La loi prévoyait que les chauffeurs de taxi devaient transmettre leur changement d’adresse au Scom, ce que l’intéressé n’avait pas fait.

9) M. A______ ne s’étant pas manifesté dans le délai qui lui a été accordé, la cause a été gardée à juger le 19 août 2014.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA E 5 10).

2) L’autorité reproche en premier lieu au recourant d’avoir attendu un éventuel client à côté de l’hôtel intercontinental, sans retourner stationner son véhicule sur sa place de stationnement privée.

a. L’art. 19 de la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 - LTaxis – H 1 30 - entrée en vigueur le 15 mai 2005 est intitulé « usage du domaine public ». Selon son al. 1, les chauffeurs de taxi de service privé peuvent, dans le respect des dispositions fédérales et cantonales, utiliser le domaine public dévolu à la circulation et au stationnement dans la même mesure que n’importe quel autre usager. Ils ne peuvent en revanche utiliser les stations de taxis ou circuler sur les voies réservées aux transports en commun ainsi que dans les zones et les rues dans lesquelles la circulation est restreinte.

L’art. 19 al. 5 LTaxis autorise le Conseil d’État à fixer la mesure dans laquelle ces chauffeurs peuvent accéder à des zones ou des rues dans lesquelles la circulation est restreinte ou utiliser des emplacements pour déposer leurs clients et prendre en charge des clients préalablement commandés, en des lieux d’accès fréquents.

b. Le titre de l’art. 19 du règlement d’exécution de la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles - RTaxis – H 1 30.01) est « stationnement et arrêt sur la voie publique ». Selon son al. 1, les chauffeurs de taxis ne peuvent stationner sur la voie publique durant le service, sauf les chauffeurs de taxis de service public sur les stations qui leur sont réservées. L’al. 2 fait obligation aux chauffeurs de taxis de service privé de rejoindre leur place de stationnement privée après chaque course.

c. De jurisprudence constante, la chambre administrative est habilitée à revoir, à titre préjudiciel et à l’occasion de l’examen d’un cas concret, la conformité des normes de droit cantonal à la constitution. Le contrôle préjudiciel permet de déceler et de sanctionner la violation par une loi ou une ordonnance cantonales des droits garantis aux citoyens par le droit supérieur. Le contrôle de la constitutionnalité des normes cantonales est même obligatoire. Toutefois, dans le cadre d'un contrôle concret, seule la décision d'application de la norme viciée peut être annulée (ATF 132 I 49 consid. 4 et les arrêts cités ; 127 I 185 consid. 2 et les arrêts cités ; ATA/361/2014 du 20 mai 2014 consid. 5a ; ATA/211/2014 du 1er avril 2014 consid. 4 ; ATA/803/2013 du 10 décembre 2013 et les références citées).

Sous réserve de sa signification particulière en droit pénal et en droit fiscal, le principe de la légalité (art. 5 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) n'est pas un droit constitutionnel individuel, mais un principe constitutionnel. Sa violation ne peut être invoquée qu'en relation avec la violation, notamment, du principe de la séparation des pouvoirs, de l'interdiction de l'arbitraire ou d'un droit fondamental spécial (ATF 129 I 161 consid. 2.1 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_35/2013 du 16 mai 2014 consid. 5.1).

Le principe de la séparation des pouvoirs est implicitement garanti par l'ensemble des constitutions cantonales (ATF 138 I 196 consid. 4.1 et les arrêts cités). Il interdit à un organe de l'État d'empiéter sur les compétences d'un autre organe ; en particulier, il défend au pouvoir exécutif d'édicter des règles de droit, si ce n'est dans le cadre d'une délégation valablement conférée par le législateur (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_692/2008 du 24 février 2009 consid. 5.1, non repris aux ATF 135 II 156). Le principe de la séparation des pouvoirs est notamment consacré à l'art. 2 al. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00).

d. En l’espèce, la délégation donnée au Conseil d’État par l’art. 19 al. 5 LTaxis autorise ce dernier à régler la manière dont les chauffeurs de taxis privés peuvent accéder à certaines zones et à certains espaces appartenant au domaine public. En obligeant les chauffeurs de taxis privés à retourner systématiquement à leur place de stationnement privée, sans les autoriser à attendre dans d’autres lieux n’appartenant pas au domaine public, le Conseil d’État a dépassé le cadre de la délégation que le législateur lui a accordée. En conséquence, le recourant ne peut être sanctionné pour ne pas être retourné à sa place de stationnement, dès lors qu’il n’attendait pas sur le domaine public, mais qu’il avait stationné son véhicule sur une parcelle privée.

3) L’autorité reproche d’autre part au recourant de ne pas avoir annoncé son changement d’adresse, élément que l’intéressé ne conteste pas, et qui constitue une violation de l’art. 30 al. 1 LTaxis.

4) Le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : le département), soit pour lui le Scom à teneur de l’art. 1 al. 1 et 2 RTaxis, peut infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 20'000.- à toute personne ayant enfreint les prescriptions de la LTaxis, entrée en vigueur le 15 mai 2005 ou de ses dispositions d’exécution (art. 45 al. 1 LTaxis).

Une commission de discipline (ci-après : la commission), formée des représentants des milieux professionnels, des organes de police et de la direction générale des véhicules, est appelée à donner son préavis sur les mesures et sanctions administratives prononcées par le département. Ses préavis ont valeur consultative et ne lient pas le département (art. 48 al. 1 LTaxis).

Selon l’art. 74 al. 3 RTaxis, pour les infractions impliquant des amendes en application de l'art. 45 de la LTaxis, le préavis de la commission peut être donné au service par la seule approbation d'un barème. Le barème des sanctions adopté le 12 juin 2012 par la commission prévoit une amende allant de CHF 200.- à CHF 1'000.- pour une violation de l’art. 34 al. 4 LTaxis. Pour une contravention à l’art. 34 al. 1 LTaxis, une amende de CHF 500.- à CHF 1'500.- est prévue.

5) Selon la jurisprudence, le Scom ne peut, en vertu du principe de la légalité et de celui de la séparation des pouvoirs et dès lors que la LTaxis ne prévoit pas d’exception à l’obligation de la commission de délivrer un préavis lorsque le département prononce des mesures et des sanctions administratives (art. 48 al. 1 LTaxis), prononcer de sanction sans disposer du préavis de la commission de discipline, et cela même si l’infraction reprochée au chauffeur n’est passible, selon le barème édicté par la commission de discipline, que d’une amende administrative (ATA/572/2014 du 29 juillet 2014 ainsi que les références citées).

En conséquence, le recours sera partiellement admis. La décision litigieuse sera annulée, et la cause sera retournée à l’autorité intimée afin que, si celle-ci l’estime nécessaire, elle soumette le dossier pour préavis à la commission disciplinaire et, cas échéant, qu’elle prononce une sanction visant uniquement le défaut de changement d’adresse.

6) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 et al. 2 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure au recourant, qui n’a pas exposé de frais et n’y a pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 avril 2014 par M. A______ contre la décision du service du commerce du 21 mars 2014 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision du service du commerce du 21 mars 2014 ;

renvoie la cause au service du commerce au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à M. A______ ainsi qu'au service du commerce.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges, M. Jordan, juge suppléant.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :