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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3762/2016

ATA/986/2016 du 22.11.2016 ( PROF ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3762/2016-PROF ATA/986/2016

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 22 novembre 2016

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Jacques Bercher, avocat

contre

COMMISSION DU BARREAU

 



Attendu, en fait, que :

1. Monsieur A______, né le ______ 1934, a obtenu son brevet d'avocat en 1961 et exerce le métier d'avocat depuis les années 1960, exploitant son propre cabinet d'avocats.

2. Le 22 juin 2016, l'un des trois enfants de M. A______, psychiatre à Fribourg, a sollicité du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) l'instauration d'une mesure de protection en faveur de son père. L'entourage familial et professionnel de ce dernier, notamment les collaboratrices qu'il employait au sein de son cabinet, s'inquiétait de la dégradation de son état de santé, en particulier de troubles cognitifs l'empêchant d'exercer son activité d'avocat et plus particulièrement de superviser l'activité de son cabinet, qui employait quatre collaboratrices (soit une avocate collaboratrice, deux avocates stagiaires et une secrétaire).

3. Le 2 septembre 2016, la Doctoresse B______ a adressé au TPAE un certificat médical détaillé.

L'intéressé présentait une dégradation de ses facultés intellectuelles depuis le début de l'année 2016, encore aggravée en avril 2016 avec des difficultés de mémorisation et des épisodes de désorientation spatio-temporelle. Une évaluation menée aux mois de juillet et août 2016 par la consultation de la mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), avec un bilan neuropsychologique et neuropsychiatrique et une imagerie à résonance magnétique (ci-après : IRM), avait conclu à une démence mixte (Alzheimer et microangiopathie), associée à un parkinsonisme vasculaire.

La Dresse B______ considérait dès lors qu'en raison de l'atteinte déjà marquée des fonctions supérieures et de l'évolution irrémédiable de la démence, M. A______ était empêché d'assurer lui-même la sauvegarde de ses intérêts, et ce de manière durable. Il était en revanche encore apte à désigner un mandataire, mais incapable d'en contrôler l'activité de façon appropriée. Son audition était admissible pourvu qu'il fût accompagné.

4. Par ordonnance superprovisionnelle du 15 septembre 2016, le TPAE a institué au profit de M. A______ une curatelle de représentation et de gestion du patrimoine, désignant à ces fins Maître C______, impartissant aux parties un délai au 20 octobre 2016 pour se déterminer sur les mesures prises et rappelant que l'ordonnance était immédiatement exécutoire et non sujette à recours.

5. Par décision du 29 septembre 2016, déclarée exécutoire nonobstant recours, la commission du barreau (ci-après : la commission) a radié M. A______ du registre cantonal des avocats (ci-après : le registre).

L'ordonnance rendue par le TPAE limitant l'exercice des droits civils de l'intéressé, il ne pouvait plus être inscrit au registre. La sauvegarde des intérêts de ses clients devait être confiée à un autre avocat.

6. Par décision du même jour, le président de la commission a nommé à ce titre l'avocate collaboratrice de l'intéressé, soit Maître D______.

7. Le 20 octobre 2016, le TPAE a rendu une seconde ordonnance superprovisionnelle complétant la première.

8. Par courrier du 20 octobre 2016, M. A______ s'est adressé au TPAE au sujet – et en application – de l'ordonnance rendue le 15 septembre 2016, qui avait été prise sans l'entendre, et était scandaleuse, disproportionnée, et apte à ruiner une carrière professionnelle patiemment construite.

9. Par acte posté le 3 novembre 2016, M. A______, agissant par l'intermédiaire d'un avocat, a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre les décisions de la commission du 29 septembre 2016 (recte : la décision de la commission et celle du président de cette dernière), concluant à titre principal à leur annulation, et à titre préalable à la restitution de l'effet suspensif au recours.

Aucune motivation n'accompagnait cette dernière demande.

Sur le fond, contrairement à ce que prévoyait l'art. 447 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), il n'avait pas été entendu par le TPAE, pas plus que par la commission. Les multiplications de notification à des tiers paraissaient en outre disproportionnées. L'incapacité de discernement ne se présumant pas, il était indispensable de l'entendre et de requérir une expertise, une incapacité passagère n'étant pas exclue.

10. Le 8 novembre 2016, la commission s'en est rapportée à justice concernant la restitution de l'effet suspensif.

11. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l'effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1. Les décisions sur effet suspensif et sur mesures provisionnelles sont prises par le président de la chambre administrative, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge (art. 7 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 21 décembre 2010).

2. Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA).

3. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/566/2012 du 21 août 2012 consid. 4 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2).

4. a. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

b. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

5. En l'espèce, le recourant conclut à la restitution de l'effet suspensif au recours, sans toutefois indiquer en quoi son intérêt privé serait prépondérant par rapport à l'intérêt public que les décisions attaquées visent à sauvegarder, à savoir la protection des droits d'autrui, les justiciables devant pouvoir être représentés par des avocats présentant toutes les garanties prévues par la législation régissant cette profession.

Force est de constater que le TPAE n'a rendu, en l'état du dossier en possession de la chambre de céans, que des ordonnances superprovisionnelles, lesquelles ne nécessitent justement pas l'audition des parties (art. 265 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 - CPC - RS 272). En outre, il s'est fondé sur un rapport médical détaillé débouchant sur un diagnostic de démence mixte étayé par divers examens menés par les HUG en juillet et août 2016. En l'état, ses conclusions apparaissent ainsi, prima facie, justifiées, et au vu de la curatelle large qu'il a instituée, la commission n'avait – toujours en l'état – d'autre choix que de considérer le recourant comme ne présentant plus les qualités personnelles requises par la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61) pour une inscription au registre.

Il apparaît dès lors que l'intérêt public poursuivi l'emporte largement sur l'intérêt privé du recourant à poursuivre son activité, ce d'autant plus que la seconde décision attaquée a attribué la suppléance à sa collaboratrice, ce qui permet en l'état à ses dossiers de rester au sein de son cabinet et à ce dernier de continuer à être exploité.

6. La demande de restitution de l'effet suspensif au recours sera dès lors rejetée.

7. Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Jacques Bercher, avocat du recourant ainsi qu'à la commission du barreau et, pour information, à Me C______, curatrice du recourant.

 

 

Le président :

 

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :