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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/155/2021

ATA/974/2022 du 27.09.2022 sur JTAPI/42/2022 ( LCI ) , ADMIS

Recours TF déposé le 29.10.2022, rendu le 19.07.2023, REJETE, 1C_570/2022
Descripteurs : AUTORISATION DÉROGATOIRE(PERMIS DE CONSTRUIRE);ZONE AGRICOLE
Normes : LAT.24c.al1; LAT.24c.al2; LAT.24c.al5; OAT .42.al3.letb; OAT .42.al3.letc; OAT .42.al4; LAT.1.al1; Cst.75.al1
Résumé : Admission du recours de la commune contre l’octroi d’une autorisation dérogatoire fondée sur l’art. 24c LAT aux propriétaires d’un pavillon de week-end en bois, en bon état, utilisé de manière temporaire, situé en zone agricole et ayant été légalement autorisé sous l’ancien droit (permis de construire de 1945 et permis d’habiter de 1949). Le projet litigieux consiste en une reconstruction du pavillon existant, soit une démolition de celui-ci et son remplacement par une nouvelle construction entièrement isolée sous l’angle thermique, avec raccordement au réseau séparatif et électrique, l’aménagement d’une salle de douche avec WC et une cuisine ainsi que l’installation d’un chauffage fixe (pompe à chaleur). Limites chiffrées de l’art. 42 al. 3 let. b OAT respectées. Violation de la condition posée par l’art. 42 al. 3 let. c OAT, selon laquelle les travaux de transformation ne doivent pas permettre une modification importante de l’utilisation de bâtiments habités initialement de manière temporaire, de sorte que la condition de l’identité n’est pas in casu remplie. Violation de l’art. 24c al. 5 LAT prévoyant que, dans tous les cas, les exigences majeures de l’aménagement du territoire doivent être remplies. Le principe de la séparation des parties constructibles et non constructibles du territoire (art. 1 al. 1 phr. 1 LAT), de rang constitutionnel (art. 75 al. 1 Cst.), l’emporte in casu sur la garantie de la situation acquise conférée par l’art. 24c LAT. Les travaux litigieux ont différents impacts sur l’utilisation du pavillon habité initialement de manière temporaire : amélioration de l’isolation thermique, du confort et des usages possibles, en particulier celui de l’habiter en permanence, et augmentation de sa durée de vie dans une mesure supérieure à celle d’un entretien convenable usuel du bâtiment existant.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/155/2021-LCI ATA/974/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 septembre 2022

3ème section

 

dans la cause

 

COMMUNE DE A______
représentée par Me François Bellanger, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

et

Madame et Monsieur B______
représentés par Me Mark Muller, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 janvier 2022 (JTAPI/42/2022)


EN FAIT

1) Le pavillon en bois litigieux se trouve sur la parcelle n° 1'988, d’une surface de 1'431 m2, sise en zone agricole, dans la commune de A______ (ci-après : la commune), au nord du village, dans le ______, au ______. Il a été construit en 1945 après l’obtention, cette même année, d’une autorisation visant la « construction d’un pavillon de week-end » (DD 1______). Un permis de l’habiter a été délivré en octobre 1949. Le pavillon est cadastré sous n° 2______ comme habitation à un logement pour une surface totale au sol de 27,2 m2. Il se trouve dans un périmètre comprenant quelques autres habitations, également sises en zone agricole.

a. Selon le plan de 1945, le pavillon se compose de trois pièces : une pièce principale dénommée « chambre », une seconde pièce plus petite dénommée « laboratoire » indiquant la présence d’une table et une troisième pièce, très petite, pour les WC signalant l’emplacement d’une toilette et son raccordement à la fosse septique et au puits perdu. À côté des WC, dans la grande chambre, est mentionnée une penderie. La « chambre » compte deux fenêtres, tandis que chacune des deux autres pièces en a une. L’accès à l’intérieur du pavillon s’effectue par une porte située dans la pièce dite « laboratoire ». Un abri de 2,3 m2 et un réduit d’environ 2,7 m2, avec le sol en ciment, jouxtent la « chambre » sans y donner accès. L’abri et le réduit sont reliés par une porte. Le toit du pavillon est en pente à deux pans, la hauteur maximale de la partie, vide, située entre le toit et le plafond des trois pièces est de 1,15 m.

b. Selon la mise à jour du schéma directeur du plan directeur cantonal de 2030 (ci-après : PDCn 2030), adoptée par le Grand Conseil le 10 avril 2019 et approuvé par la Confédération le 18 janvier 2021, la parcelle litigieuse, située en zone agricole, ne fait partie ni des surfaces d’assolement – bien que celles-ci se trouvent à proximité –, ni de secteurs de villages ou hameaux situés en zone (constructible) 4B protégée (ci-après : 4BP), dont l’urbanisation est réglée par la fiche A06 du PDCn 2030, intitulée « Gérer l’évolution des villages dans l’espace rural ». Il en va de même pour les quelques autres habitations avoisinantes.

2) Le pavillon litigieux appartenait en copropriété à deux frères, Messieurs B______ et C______ B______, jusqu’à ce que ce dernier vende, le 3 mai 2021, sa part à Madame  B______, épouse du premier.

3) Dans le cadre de l’approbation du plan directeur de la commune, dans sa version de janvier 2013, l’extension du hameau de Bonvard, par la délimitation d’une nouvelle zone à bâtir, en prolongement des zones 4BP existantes pour les noyaux historiques de ______ (fiche C1), a été refusée par le Conseil d’État dans un arrêté du 15 mai 2013. Ce refus a été confirmé en mai 2016 et janvier 2017 respectivement par le conseiller d’État en charge du département du territoire
(ci-après : le département) et par l’office de l’urbanisme. Le ______ ne faisait pas partie des périmètres identifiés dans la fiche A06 du PDCn 2030 approuvé par le Conseil fédéral le 29 avril 2015.

4) Le 7 novembre 2019, MM. B______ ont déposé auprès du département une demande définitive d’autorisation de construire visant la « transformation et agrandissement d’un pavillon de week-end » pour une surface brute de plancher
(ci-après : SBP) de 31,3 m2 et un coût estimé à CHF 135'000.- (DD 3______).

a. Le projet prévoyait la reconstruction du bâtiment, avec l’installation d’une pompe à chaleur, à l’extérieur, comme chauffage et l’aménagement de trois pièces : une chambre de 8,3 m2, une salle de douche avec WC de 3,1 m2 et un espace commun avec cuisine de 11 m2. Cela représentait une surface totale de 22,5 m2 qui n’incluait pas les murs de 30 cm. Le toit était surélevé d’environ 1 m sur un côté, mais sa hauteur maximale n’avait été que légèrement augmentée. Sa surface passait de 45 m2 à 71 m2. La pose de panneaux photovoltaïques était prévue. La terrasse existante était partiellement supprimée au profit d’un jardin et d’un pavé filtrant (deck en bois).

Selon un plan du 23 octobre 2019 intitulé « Calculs art. 42, al. 3, OAT », le projet prenait en compte la SBP utile (ci-après : SBPu) du pavillon existant (22,13 m2), la surface annexe (ci-après : SA) du réduit et de l’abri existants (5,07 m2) ainsi que la SA d’une partie de l’espace situé entre le plafond et le toit, dénommé « combles » dans la demande litigieuse (2,97 m2 représentant une surface de 0,825 m x 3,6 m). Quant à la construction projetée, trois surfaces étaient mentionnées, à savoir la SBP (ou SBPu) du projet, située à l’intérieur du volume existant, de 27,2 m2, la SBP (ou SBPu) du projet, située à l’extérieur du volume existant, de 4,07 m2 et la SA du projet, prévue à l’extérieur du volume existant, de 6,14 m2. La SBP totale du projet était de 31,27 m2.

b. La lettre d’accompagnement de cette demande, datée du 4 novembre 2019, faisait référence à une précédente demande définitive (DD 4______) visant la « rénovation et agrandissement d’un logement », renvoyée le 17 septembre 2019. Le projet avait été modifié en tenant compte des remarques formulées par l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC) dans son préavis du 19 septembre 2019.

Les surfaces d’isolation extérieure, comptées initialement à l’intérieur du volume, n’avaient pas été comptabilisées de sorte que les SBP de l’agrandissement avaient été réduites pour satisfaire les exigences de l’art. 42 al. 3 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1). Le maître d’ouvrage souhaitait pouvoir disposer d’un chauffage dont l’ajout n’était pas « de nature à modifier l’utilisation du bâtiment, mais simplement à le rendre utilisable quelle que soit la température extérieure et donc également lors de week-ends hivernaux ». Les requérants adhéraient à la position d’un collaborateur du département, qui estimait qu’au vu des surfaces habitables, l’extension n’était pas suffisante pour pouvoir rendre le pavillon habitable à l’année. Le projet trouvait son origine dans l’obligation faite aux propriétaires de se raccorder aux nouveaux réseaux séparatifs et électriques en cours de réalisation sur le chemin ______. Compte tenu des travaux très conséquents y relatifs, les requérants souhaitaient « améliorer le confort du logement » avec un assainissement énergétique ainsi qu’une rénovation et agrandissement pour une habitabilité selon les standards minimaux actuels. L’esprit architectural du logement était inchangé, la silhouette générale existante (forme et pente du toit) étant conservée. Les avant-toits étaient prolongés et les matériaux identiques (façades en bois et toiture en tuile). Concernant les aménagements extérieurs, une nouvelle terrasse en bois était construite, principalement sous la surface de la toiture, et les terrasses « coté voisins » étaient supprimées et replantées, ce qui avait pour conséquence de réduire la surface totale des terrasses au profit de sols perméables et de plantations.

5) Lors de l’instruction de la demande litigieuse, l’ensemble des instances spécialisées ont préavisé favorablement le projet, moyennant l’octroi de dérogations et/ou le respect de conditions ou souhaits.

La direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a modifié le libellé de l’objet en optant pour « construction d’un pavillon de week-end » et a octroyé la dérogation au sens de l’art. « 27 » de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) sans autre motivation. La direction de la planification directrice cantonale et régionale, pour elle le service des préavis et instruments (ci-après : SPI), a accordé la dérogation au sens de l’art. 27C LaLAT, sans explication. L’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) s’est aussi déclaré favorable aux dérogations fondées sur les art. 24c de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), 41 et 42 OAT et 27C LaLAT, en soulignant que les aménagements projetés ne portaient pas atteinte à l’exploitation agricole des terrains avoisinants et qu’aucun intérêt prépondérant de l’agriculture n’était lésé. La commission d’architecture (ci-après : CA) a émis un préavis favorable sous conditions, sans faire de remarque parce que l’impact était mineur.

6) Seule la commune a, le 22 janvier 2020, émis un prévis négatif sous la plume de son maire d’alors, Monsieur D______, auquel a succédé le 1er juin 2020 Monsieur E______, nouveau maire et propriétaire de la parcelle n° 1’985 jouxtant la parcelle litigieuse.

Outre qu’elle n’était pas accompagnée d’une autorisation de démolir, la demande litigieuse consistant en une « démolition/reconstruction » visait à modifier la nature de la construction en la rendant habitable en tout temps, été comme hiver, ce qui était incompatible avec le droit fédéral. Le raccordement au nouveau réseau électrique, celui au réseau séparatif, l’assainissement énergétique et l’habitabilité projetée selon les standards minimaux actuels devait être qualifiés de changements importants et incompatibles avec la condition de l’art. 42 al. 3 let. c OAT. Bien que de petite taille, la construction projetée serait habitable à l’année, contrairement au chalet actuel, inhabitable en hiver ou à l’année. De plus, la SBP envisagée de 31,27 m2 était supérieure à celle de 26 m2 prévue pour un logement de deux pièces en vertu de l’art. 1 al. 5 du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01).

7) Par décision du 25 novembre 2020, publiée le même jour dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève, le département a accordée l’autorisation litigieuse visant la « reconstruction » d’un pavillon de week-end, nouveau libellé du projet en cause, en application des art. 24c LAT, 41 et 42 OAT et « 27 » LaLAT et compte tenu de l’autorisation de démolir M 5______, délivrée le même jour, ainsi que de l’engagement signé le 25 septembre 2020 par MM. B______.

a. Par cet engagement, ces derniers, en leur qualité de propriétaires, ont déclaré accepter que la mention suivante soit inscrite au registre foncier (ci-après : RF) : « Dans le cadre de l’agrandissement du bâtiment existant à réaliser au bénéfice de l’autorisation de construire DD 3______/1 sur la parcelle n° 1’988, de la commune de A______, les surfaces brutes de plancher passent de 22.1 m2 à 28.7 m2 (surface imputable) soit une augmentation de 29.9 %. Quant au total des surfaces brutes de plancher et des surfaces annexes, il passe de 30.1 m2 à 38.8 m2 (surface totale imputable) soit une augmentation de 28.9 % ». Cette mention ferait l’objet d’une inscription au RF conformément à l’art. 44 OAT. M. B______ a ajouté une annotation manuscrite à cet engagement, selon laquelle l’inscription au RF devait être « requise seulement après l’entrée en force de l’autorisation ou mieux, une fois les travaux réalisés ».

b. Le département a octroyé, par décision séparée du 25 novembre 2020, l’autorisation de démolir le pavillon de week-end existant, sollicitée le 6 mai 2020 par MM. B______, en dépit du préavis négatif de la commune (M 5______).

8) Le même jour, le département a informé la commune de la délivrance des deux autorisations précitées en faveur de MM. B______ concernant la démolition et la reconstruction d’un pavillon de week-end, en s’appuyant sur les préavis positifs des autres instances consultées.

La limite maximale de 30 % pour procéder à une démolition-reconstruction parallèlement à un agrandissement, conformément à l’art. 42 al. 4 OAT, était respectée. Le projet était aussi justifié sous l’angle de l’art. 24c « al. 3 » LAT car « la réfection de ce pavillon visant sa mise aux normes usuelles actuelles, notamment par l’entremise d’un assainissement énergétique et un raccordement aux eaux usées, [était] possible sans impliquer la réalisation d’équipement démesurés ».

Quant à la crainte de la commune que le pavillon soit utilisé de manière permanente, elle était écartée pour deux motifs. D’une part, le libellé de l’autorisation de construire litigieuse mentionnait expressément « qu’il s’agi[ssait] exclusivement d’un pavillon de week-end et non d’une habitation permanente ». D’autre part, le courrier du 4 novembre 2019 du mandataire des propriétaires précisait que « l’ajout d’un chauffage ne vis[ait] pas à faire passer de temporaire à permanente l’utilisation du bâtiment, mais simplement de permettre son utilisation quelle que soit la température extérieure et donc également lors de week-ends hivernaux ». Dès lors, les travaux projetés n’engendraient aucune modification importante de l’utilisation de la construction.

9) Le 11 janvier 2021, la commune a déposé un recours contre l’autorisation de construire DD 3______ au guichet du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) en concluant à son annulation.

Après l’écriture de la commune du 13 juillet 2021, l’avocat des requérants a, le 3 septembre 2021, transmis au TAPI une procuration de Mme B______ en sa faveur, précisant que la « qualité pour recourir » devait aussi lui être reconnue. Les requérants s’en rapportaient à justice quant à la substitution des parties entre eux, soulignant que M. B______ était toujours copropriétaire de la parcelle litigieuse et conservait sa qualité pour recourir.

10) Par jugement du 19 janvier 2022, le TAPI a rejeté le recours de la commune. Il a également constaté que Mme B______ s’était substituée de plein droit à M. C______ B______, à la suite de l’acquisition par celle-ci de la part de copropriété de ce dernier sur la parcelle en cause, par acte notarié inscrit au RF le 3 mai 2021. Il a donc mis M. C______ B______ hors de cause.

Les limites fixées par l’art. 42 al. 3 « let. a et b » OAT étaient respectées. Contrairement à l’avis de la commune, le pavillon existant comptait, vu l’existence d’un plancher entre le rez et la toiture, une surface de combles qui avait été, à raison, prise en compte à titre de SA dans les calculs des surfaces conformément à l’art. 42 OAT. Ainsi, au 1er juillet 1972, ce bâtiment totalisait 22,1 m2 de SPBu et 8,04 m2 de SA. Dans la demande litigieuse, la SBPu était de 27,2 m2 à l’intérieur du volume existant et de 4,07 m2 à l’extérieur de ce dernier, tandis que la SA était de 6,14 m2 à l’extérieur du volume existant. Dès lors, l’agrandissement litigieux représentait une augmentation de 9,14 m2 de SBPu (soit 29,9 %) et de 7,24 m2 (soit 28,9 %) au total (SPBu + SA).

En dépit de l’avis de la commune invoquant une modification importante de l’utilisation du pavillon résultant des travaux autorisés, le TAPI, suivant l’avis de toutes les autres instances consultées, a considéré que l’identité de la construction projetée était respectée pour l’essentiel. L’autorisation litigieuse portait sur une reconstruction au sens de l’art. 42 al. 4 OAT et visait un pavillon de week-end. Elle prévoyait un léger agrandissement (10,2 m2 au total), un assainissement énergétique (isolation et pose d’une pompe à chaleur) et un raccordement aux nouveaux réseaux électrique et séparatif, installés récemment par la commune. Le pavillon existant, en bois et avec une toiture à deux pans, était en parfait état. Il disposait de l’eau courante (avec fosse septique) et était raccordé au gaz et, à tout le moins depuis 1962, à l’électricité, ce qui permettait son chauffage en hiver. Le pavillon, bien que rustique, était déjà doté, au 1er juillet 1972 en tout cas, des équipements principaux permettant son utilisation comme résidence secondaire le week-end à tout le moins.

Du point de vue de son affectation, le chalet existant avait été autorisé, à l’origine, comme « pavillon de week-end » conformément à un règlement de quartier du 16 mars 1945, applicable à la parcelle en cause. Selon ce règlement, le périmètre qu’il visait était destiné à la résidence exclusivement et les bâtiments, qualifiés de « pavillons dits de week-end », à l’habitation. Ainsi, comme son nom l’indiquait, la notion de pavillon « de week-end » autorisait, selon le TAPI, une villégiature hebdomadaire dans ce bâtiment, le week-end. Ni ce règlement ni l’autorisation de 1945 ne prévoyaient de limitation d’utilisation du pavillon à une certaine période de l’année, en particulier durant la belle saison uniquement. Dès lors, son utilisation également pendant les week-ends hivernaux était licite. Ainsi, ni l’ajout d’un chauffage fixe, en remplacement des chauffages électriques actuels, ni le raccordement aux nouveaux réseaux séparatif et électrique n’avaient pour conséquence de modifier de manière importante l’usage pouvant être fait du pavillon, destiné dès l’origine à l’habitation, étant précisé que les travaux de raccordement avaient été imposés aux propriétaires dans le cadre des travaux menés par la commune pour l’équipement du hameau. Les travaux envisagés, ne modifiant pas l’affectation du bâtiment, n’entraînaient donc pas une modification importante de son utilisation, la nouvelle construction demeurant un pavillon de week-end.

Par ailleurs, le libellé de l’autorisation litigieuse indiquait expressément qu’il s’agissait de la reconstruction d’un « pavillon de week-end », ce qui interdisait clairement toute autre affectation. Les propriétaires avaient confirmé que le pavillon n’était pas destiné à une utilisation permanente, mais uniquement à une utilisation occasionnelle, durant les fins de semaine, comme cela avait toujours été le cas jusqu’alors, ce qui n’était pas contesté. La commune avait la possibilité de vérifier au sein de son administration si la construction était utilisée comme résidence permanente et, a fortiori, de contrôler le respect de l’autorisation querellée. De plus, s’ils permettaient effectivement d’améliorer le confort de l’habitation, ce qui n’était en soi pas contraire à l’art. 24c LAT s’agissant d’une reconstruction, les travaux autorisés visaient avant tout à adapter la construction aux standards actuels et à procéder à un assainissement énergétique, comme le permettait cette disposition selon le TAPI. L’isolation thermique du bâtiment allait en outre dans le sens des préoccupations actuelles en terme d’économie d’énergie. À cela s’ajoutait le fait que l’apparence extérieure du nouveau pavillon et son implantation étaient quasiment identiques à celles de l’actuel et que le projet prévoyait une réduction de la surface de la terrasse et donc une diminution de l’impact de la construction sur la terre pleine.

Les jurisprudences invoquées par la commune n’étaient « pas directement pertinentes ». L’arrêt du Tribunal fédéral 1C_162/2019 du 25 novembre 2019 concernait un projet de changement d’affectation afin de permettre une habitation à l’année, ce qui n’était pas le cas dans la présente espèce. Son récent arrêt 1C_491/2020 du 10 mai 2021 portait sur la rénovation et l’agrandissement d’une maison de campagne et concluait qu’au vu de l’ensemble des circonstances, les travaux visant à rendre la maison habitable à l’année, ne respectaient pas l’identité de la construction. Dans la présente affaire, non seulement le but poursuivi par les propriétaires de la parcelle en cause n’était pas de rendre le pavillon habitable de manière permanente, mais leur projet ne consistait en outre pas en une transformation, mais en une reconstruction qui impliquait inévitablement une amélioration du confort existant, notamment en raison de l’emploi de matériaux plus performants. Le TAPI rappelait enfin que le critère de l’identité dans le cas d’une reconstruction concernait principalement l’emplacement de la construction, condition respectée in casu. Les conditions de l’art. 42 OAT étaient donc respectées.

11) Le 21 février 2022, la commune a interjeté recours contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant, principalement, à son annulation ainsi qu’à celle de l’autorisation litigieuse et, préalablement, à un transport sur place.

Le TAPI avait violé son droit d’être entendue en refusant de procéder au transport sur place qu’elle persistait à demander pour faire constater l’état des lieux du pavillon. Par ailleurs, les conditions permettant la substitution de parties n’étaient pas réunies. D’une part, la vente d’une part de copropriété n’était pas un cas de substitution à titre universel. D’autre part, la substitution à titre particulier ne pouvait intervenir que sur décision de la juridiction saisie sur requête de l’intéressée, avec l’accord des parties qui faisait in casu défaut, les parties n’ayant été ni informées ni consultées lors de la procédure devant le TAPI. En outre, Mme B______ ne pouvait avoir la qualité de partie puisqu’elle n’était pas requérante de l’autorisation litigieuse et qu’au moment où elle était devenue propriétaire, elle connaissait le litige y relatif. La substitution des parties entre M. C______ B______ et Mme B______ prononcée par le TAPI était dès lors viciée.

La limite de 30 % posée par l’art. 42 al. 3 let. b OAT n’était pas respectée s’agissant de la prise en compte totale des SBPu et SA du projet litigieux, dans la mesure où, en l’absence de combles dans le pavillon existant, la surface de 2,97 m2 retenue à titre de SA du bâtiment existant ne pouvait l’être. Alors que le fait était contesté, le TAPI avait admis, sur la seule base du plan de 1945, l’existence de « combles » sans procéder à des investigations. Or, ce plan n’indiquait pas la présence de combles. Le plancher existant entre le rez et la toiture ne créait pas une « surface annexe » à comptabiliser car il s’agissait d’un « vide inutilisable ». C’était donc à tort que le département, suivi par le TAPI, avait pris en compte, dans le calcul, la surface de 2,97 m2 à titre de SA comme correspondant au volume de la toiture. En ignorant cette valeur, l’agrandissement total des SBPu et SA du projet litigieux était de 10.21 m2 (4,07 m2 [soit la SBPu du projet à l’extérieur du volume existant] + 6,14 m2 [soit la SA du projet à l’extérieur du volume existant]) et correspondait à 37,58 % (10,21 m2 / 27,17 m2 x 100).

En outre, le projet litigieux violait l’art. 42 al. 3 let. c OAT, applicable par renvoi de l’art. 42 al. 4 OAT, en ce sens qu’il conduisait à une modification importante de l’utilisation du bâtiment habité initialement de manière temporaire et qu’il ne respectait ainsi pas son identité. Le raccordement au nouveau réseau électrique, celui au réseau séparatif, l’assainissement énergétique avec l’installation d’une pompe à chaleur, l’agrandissement destiné à permettre une habitabilité selon les standards minimaux actuels et l’ajout d’un chauffage avaient pour effet de changer complètement l’identité du pavillon. La reconstruction totale du bâtiment et son agrandissement visaient une amélioration flagrante de son confort et de ses conditions d’habitabilité, de manière à le rendre habitable de façon permanente. Le fait que les propriétaires affirmaient ne pas vouloir l’utiliser à l’année n’était pas déterminant, seul l’état de la construction était décisif. Il suffirait à ces derniers de le vendre à une tierce personne souhaitant l’habiter à l’année pour qu’intervienne une occupation permanente du bâtiment litigieux. De plus, la nouvelle SBP de 31,27 m2 comportant une chambre, une salle de bain et un espace commun (salon, cuisine) était supérieure à celle de 26 m2 pour un logement de deux pièces, prévue par l’art. 1 al. 5 RGL. Les modifications litigieuses n’étaient pas nécessaires à la conservation du pavillon et changeaient considérablement ses possibilités d’utilisation, ce qui n’était pas conforme au principe constitutionnel de séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire.

Enfin, le raccordement allégué depuis 1962 à l’électricité, permettant l’usage de chauffage électrique l’hiver, ne changeait pas la nature du pavillon ni ne permettait son utilisation à l’année, ni même pendant les week-ends hivernaux, vu l’absence d’isolation et les parois en bois simples. Une éventuelle utilisation l’hiver depuis 1962 n’était en outre pas une utilisation autorisée, aucun chauffage n’étant prévu dans l’autorisation de 1945. Cette absence de chauffage était une caractéristique essentielle de la construction à l’aune de laquelle devait être apprécié le changement d’identité. L’installation de chauffages d’appoint n’était pas déterminante, vu qu’il s’agissait de dispositifs non autorisés ne faisant pas partie de la construction ou de son identité. Par ailleurs, à part un WC, branché sur la fosse septique, il n’y avait pas de salle de bains, ni même de douche selon les plans de 1945. Il n’était ainsi possible de vivre dans ce pavillon qu’à la bonne saison, le week-end, dans des conditions sanitaires réduites.

12) Les époux B______ ont conclu au rejet du recours et s’en sont rapportés à justice sur sa recevabilité, considérant abusif de la part de la commune de se prévaloir de l’art. 145 al. 2 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) alors que le maire était le voisin direct de la parcelle litigieuse. Ils ont sollicité un transport sur place pour faire constater le caractère luxueux du hameau et démontrer le caractère chicanier du recours. À titre subsidiaire et si la chambre administrative devait conclure à l’annulation de l’autorisation litigieuse en raison de l’installation d’une pompe à chaleur destinée à chauffer le pavillon, ils s’engageaient à renoncer à cette installation et sollicitaient alors que soit pris acte de cet engagement ainsi que la confirmation de l’autorisation litigieuse à la condition que la nouvelle construction ne comporte pas d’installation fixe de chauffage.

Ils mettaient en doute la recevabilité du recours devant le TAPI, mais admettaient que le délai arrivait à échéance le 11 janvier 2021. Mme B______ s’était valablement substituée à son beau-frère vu l’arrêt ATA/426/2010 du 22 juin 2010 confirmant la substitution d’un recourant contre un plan d’affectation par les acquéreurs de la parcelle. Sur le fond, ils rappelaient ne pas avoir l’intention d’habiter dans le pavillon de manière permanente, son utilisation demeurerait identique, à savoir « temporaire, durant les week-ends », soulignant que la date de référence était le 1er juillet 1972. À cette date, le pavillon était déjà raccordé à l’électricité, de sorte que des radiateurs électriques portatifs avaient été utilisés régulièrement pour permettre son utilisation pendant les week-ends hivernaux. L’installation d’une pompe à chaleur n’était donc pas une modification importante ayant un impact sur l’utilisation du pavillon.

13) Le département a également conclu au rejet du recours.

Le grief lié à la substitution des parties était sans influence sur l’issue du litige puisqu’il ne concernait qu’un des deux copropriétaires, intimé, aucune des parties intimées n’ayant fait recours. L’annulation du jugement pour ce seul motif ne ferait qu’engorger inutilement les autorités, ce d’autant plus que le but de la substitution de partie était de mettre hors de cause M. C______ B______ et que son refus pourrait être pallié par l’intervention ou l’appel en cause de l’acquéreur.

La législation topique fédérale était respectée. D’une part, la surface des combles de 2,97 m2 était existante et clairement visible sur le plan de 1945. Sa prise en compte à titre de SA était conforme à la jurisprudence fédérale. D’autre part, comme l’indiquait l’autorisation délivrée en 1945, le bâtiment litigieux avait été autorisé en tant que « pavillon de week-end », ce qui y autorisait une villégiature hebdomadaire, le week-end, sans la limiter aux saisons les plus douces, et interdisait a fortiori toute utilisation dépassant ce cadre. Le pavillon était en outre déjà doté de l’équipement nécessaire à une utilisation le week-end, puisqu’il disposait déjà de l’eau courante et du raccordement au gaz et à l’électricité. Les travaux projetés, en particulier l’installation d’un chauffage fixe au lieu des chauffages électriques portatifs et les raccordements aux réseaux séparatif et électrique, n’étaient pas de nature à modifier, de manière importante, l’usage ou l’affectation du pavillon. L’amélioration du confort alléguée par la commune ne visait qu’à adapter la construction aux standards actuels et à procéder à un assainissement en conformité de l’art. 24c LAT, étant précisé que le maintien des standards de 1945, notamment s’agissant des équipements sanitaires, ne pouvait raisonnablement pas être imposé aux propriétaires. La réglementation spéciale citée par la commune n’empêchait pas un logement de deux pièces avec une surface plus importante. Cela étant, le projet litigieux demeurait peu spacieux pour une construction destinée à l’habitation, surtout pour une famille de cinq personnes. Par ailleurs, les propriétaires n’envisageaient pas d’utiliser le pavillon comme résidence permanente, mais uniquement de manière temporaire, comme cela avait toujours été le cas. Enfin, l’apparence et l’emplacement de la construction resteraient quasiment identiques à l’état actuel, l’agrandissement projeté (4,07 m2 à l’extérieur du volume bâti) n’étant que modeste avec une réduction de la terrasse, ce qui diminuait son impact sur la pleine terre.

14) La commune a répliqué le 23 juin 2022 et produit la première page de son recours du 11 janvier 2021 au TAPI, ainsi que celle de son chargé de pièces y relatif portant cette même date.

Le projet litigieux se situait en zone agricole. Les raccordements projetés et l’amélioration du confort ne pouvaient l’emporter sur le principe constitutionnel de la séparation de territoires constructibles et non constructibles. La jurisprudence vaudoise distinguait le calcul de la SBPu entre combles et étages, les combles n’étant pas des étages constituant de pleins niveaux, mais des espaces aménagés sous la toiture et entièrement inscrits à l’intérieur de la charpente, de sorte que seule la surface calculée à partir d’une hauteur de 1,30 m sous le plafond ou les chevrons était prise en compte. Les arguments des propriétaires relatifs à la protection de l’environnement ne pouvaient pas servir à contourner les normes applicables à la zone agricole. L’autorisation litigieuse allait au-delà du but du législateur qui, en adoptant l’art. 42 al. 3 OAT, voulait éviter que les constructions existantes, contraires à l’affectation de la zone, ne tombent petit à petit en ruine. Le libellé de l’autorisation querellée visant un « pavillon de week-end » n’était pas une condition de celle-ci. Il n’était pas suffisant pour assurer le respect de son identité. L’autorisation litigieuse ne limitait pas clairement le droit d’utiliser le pavillon aux week-ends. La commune ne pouvait pas se substituer au département en matière du respect du droit fédéral et cantonal de l’aménagement du territoire et des constructions, de sorte qu’il ne lui revenait pas de vérifier l’éventuelle habitabilité du pavillon à l’année. Elle s’opposait enfin à la conclusion subsidiaire des propriétaires, le fait de renoncer au chauffage ne résolvant pas le problème et impliquant le dépôt d’une nouvelle demande d’autorisation.

15) Les propriétaires ont dupliqué et maintenu leur position.

16) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et al. 3 phr. 1 et art. 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). La commune, destinataire du jugement litigieux et ayant la qualité pour recourir en vertu de l’art. 145 al. 2 LCI devant le TAPI, l’a également devant la chambre de céans en application des art. 60 al. 1 let. a et e LPA. Le fait que le maire soit voisin direct de la parcelle litigieuse n’y change rien, étant précisé que la commune a pris des mesures pour éviter tout conflit d’intérêt dans la gestion de ce dossier, confiée aux adjointes, entre les intérêts de la recourante et ceux, privés, du maire.

2) Tant la commune que les propriétaires sollicitent un transport sur place.

a. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références citées).

b. En l’espèce, la chambre administrative renonce à procéder à un transport sur place. Outre les raisons développées plus bas, le caractère luxueux du hameau n’est pas un critère déterminant à l’issue du présent litige et le dossier contient des photographies du pavillon existant montrant tant l’extérieur de celui-ci que son intérieur.

3) La commune considère que la substitution de parties opérée par le TAPI serait viciée, faute d’accord de toutes les parties sur ce point.

a. La LPA ne règle pas expressément la question de la substitution de partie, soit celle du remplacement d'une partie par une autre en cours d'instance à la suite d’un transfert des droits ou obligations en cause. Conformément à la jurisprudence de la chambre de céans, la substitution de partie est en principe possible en procédure administrative. La succession à titre universel, qui peut résulter d'une succession pour cause de mort, d'une faillite ou d'une fusion d'entreprises, provoque en vertu du droit fédéral un changement de plein droit de parties sans l'accord des autres parties à la procédure, sous réserve des procédures portant sur les droits strictement personnels et intransmissibles, qui deviennent sans objet (ATA/634/2014 du 19 août 2014 consid. 2 ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 148 ad art. 8 LPA). En matière de droit des constructions, l’ancien Tribunal administratif, dont la jurisprudence est reprise par la chambre administrative, a admis la substitution de partie, sollicitée par les acquéreurs de la parcelle voisine en lieu et place de la recourante, malgré l’opposition des parties intimées, et l’a distinguée de la question de la qualité pour recourir (ATA/200/2003 du 8 avril 2003 consid. 2 et point 17 en fait).

La doctrine distingue deux situations en matière de substitution de parties. La succession dans les droits et obligations d’une partie, à titre universel, entraîne en vertu du droit fédéral de plein droit un changement de parties sans l’accord des autres parties à la procédure (succession à cause de mort, faillite, reprise des actifs et passifs ou fusion d’entreprises). Toutefois, la procédure portant sur des droits intransmissibles devient sans objet. En revanche, une succession à titre particulier, comme une aliénation du bien litigieux, n’entraîne en principe pas la substitution automatique des parties à la procédure. La substitution n’est que facultative et ne s’opère pas de plein droit si l’ayant droit ne la requiert pas ou n’obtient pas l’accord des autres parties (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p.182 s). Cela étant, il doit être possible de suppléer au refus d’une substitution par l’intervention ou l’appel en cause de l’acquéreur ou du cessionnaire des droits (ibidem, p. 184).

b. En l’espèce, Mme B______ a requis devant le TAPI de prendre part à la procédure, après l’achat de la part de copropriété à son beau-frère, M. C______ B______, sur l’immeuble litigieux. Elle détient celui-ci avec son mari, M.  B______, requérant de l’autorisation litigieuse et partie intimée à la présente procédure depuis le début du litige. En acceptant de substituer Mme B______ à M. C______ B______ et en mettant ce dernier hors de cause, le TAPI a accepté de donner suite à la demande de Mme B______, certes un peu confuse, mais appuyée par la procuration qu’elle a signée en faveur de l’avocat de son mari, défendant les intérêts de celui-ci dans le cadre du présent litige.

Aucune des parties ne conteste ni que Mme B______ est devenue copropriétaire, avec son époux, de la parcelle litigieuse, ni ne s’oppose à ce que M. C______ B______ soit mis hors de cause dans la présente procédure. À cela s’ajoute que M. B______, époux de Mme B______, est partie, en tant que requérant de l’autorisation litigieuse, dès le début de la procédure et que sa qualité de partie n’est, à raison, pas remise en cause. En outre, l’octroi de l’autorisation litigieuse ne dépend pas, en l’espèce, de qualités personnelles des propriétaires de la parcelle. Ainsi, même à considérer que le TAPI aurait dû demander l’accord des autres parties s’agissant de la substitution de Mme B______ à son beau-frère, cela n’aurait pas eu d’influence sur la recevabilité du recours puisque celui-ci a été interjeté par la commune tant devant le TAPI que devant la chambre de céans et que M.  B______ conserve sa qualité de partie intimée devant ces deux juridictions. Enfin, en ce qui concerne la procédure devant la chambre de céans, ni la commune ni le département ne s’opposent à la qualité de partie intimée de Mme B______, agissant conjointement à son mari, copropriétaire de la parcelle litigieuse, tous deux destinataires du jugement litigieux.

Le grief de la recourante peut donc être écarté et la qualité de partie intimée de Mme B______, en lieu et place de M. C______ B______, confirmée.

4) L’argument des propriétaires relatif au respect du délai de recours de la commune devant le TAPI est sans pertinence. Outre les pièces produites par la commune devant la chambre de céans le 23 juin 2022, le dossier du TAPI comporte le recours de la commune, tamponné avec la date du 11 janvier 2021, dont aucune des parties ne conteste qu’il s’agissait du dernier jour du délai pour recourir devant cette juridiction.

5) La commune se plaint de la prise en compte de la surface de 2,97 m2 dans le calcul relatif à la limite de 30 % posée par l’art. 42 al. 3 let. b OAT, applicable en de cas de reconstruction par renvoi de l’art. 42 al. 4 OAT.

a. Selon l’art. 42 al. 3 let. b OAT, un agrandissement peut être réalisé à l’extérieur du volume bâti existant si les conditions de l’art. 24c al. 4 LAT sont remplies ; l’agrandissement total ne peut alors excéder ni 30 % ni 100 m2, qu’il s’agisse de la surface brute de plancher imputable ou de la surface totale (somme de la surface brute de plancher imputable et des surfaces brutes annexes) ; les agrandissements effectués à l’intérieur du volume bâti existant ne comptent que pour moitié.

b. Pour ce calcul, l’office fédéral du développement territorial (ci-après : ARE) a émis des explications et recommandations relatives à la mise en œuvre [2000/2001] de l’autorisation au sens de l’art. 24c LAT, du 23 février 2007
[ci-après : la directive ARE 2007). À l’instar du Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1C_429/2014 du 17 juillet 2015 consid. 3.3), l’ARE fait référence à la notion de surface brute de plancher utile (ci-après : SBPu). Selon la directive ARE 2007, les réglementations cantonales définissant la SBPu peuvent s’appliquer pour autant qu’elles s’inspirent des principes définis dans la norme ORL 514.420. À défaut, la définition suivante fait foi : la SBPu « se compose de la somme de toutes les surfaces des étages en-dessous et en-dessus du sol, y compris les surfaces des murs et des parois dans leur section horizontale, utilisables en permanence pour l’habitation ou le travail. N’entrent toutefois pas en considération les surfaces d’une hauteur inférieure à 1 m ainsi que les surfaces annexes (englobant les surfaces fonctionnelles et accessoires) » (annexe 1, p. 21).

Concernant l’application des limites chiffrées de l’art. 42 al. 3 OAT, la directive ARE 2007 prévoit que toutes les nouvelles surfaces projetées sont à attribuer soit à la SBPu, soit aux surfaces annexes, même si elles restent, d’après les indications données par le requérant, inutilisées. Demeurent toutefois réservées les surfaces non utilisables (conformément à l’annexe 1 : surfaces d’une hauteur inférieure à un mètre). Il y a présomption que les locaux annexes existants reliés directement et par un lien fonctionnel au logement servant à un usage non conforme à l’affectation de la zone (tels que les galetas accessibles depuis le logement, par exemple) avaient également un usage non conforme à l’affectation de la zone et peuvent dès lors être attribués aux surfaces annexes existantes (point 3.3.2, p. 9 s).

c. Dans une affaire genevoise concernant une autorisation dérogatoire fondée sur les art. 24c LAT et 42 OAT, le Tribunal fédéral a confirmé la position de la chambre administrative selon laquelle la surface de 20 m2 située dans les combles du bâtiment existant devait être qualifiée de galetas, non utilisable pour l’habitation ou le travail, et donc exclue de la SBPu. Cette surface n’avait pas eu d’affectation particulière, avait été définie comme étant une surface annexe, n’était ni accessible, ni isolée, ni pourvue de lumière naturelle. Le seul fait que la surface ait été accessible au moyen d’une échelle et que sa hauteur était comprise entre 1,45 m et 2,4 m ne permettait pas de la qualifier d’habitable (arrêt du Tribunal fédéral 1C_429/2014 précité consid. 3.5).

d. En l’espèce, l’argument de la commune contestant la prise en compte de la surface de 2,97 m2 à titre de SA doit être écarté. En effet, bien qu’il s’agisse d’un espace non habitable, cette surface correspond, d’après le plan clair relatif au calcul de l’art. 42 al. 3 OAT figurant dans le dossier du département, à une hauteur minimale de 1 m située dans les combles du pavillon existant. Elle peut dès lors, conformément à la directive ARE 2007, être prise en compte à titre de SA. Le fait qu’elle ne soit pas habitable n’est in casu pas déterminant, puisque cette surface n’a pas été intégrée dans la SBPu du projet litigieux. Cette conclusion s’impose sur la seule base du plan de 1945, tel que pris en compte par le département dans le document relatif au calcul de l’art. 42 al. 3 OAT, sans qu’aucune autre mesure d’instruction ne s’impose en l’état actuel de la réglementation découlant de ladite directive et de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Au surplus, les calculs effectués par le département et confirmés par le TAPI sont corrects, de sorte que le projet litigieux respecte les limites chiffrées posées par l’art. 42 al. 3 let. b OAT. L’autorisation et le jugement querellés doivent donc être confirmés sur ce point.

6) Les parties s’opposent sur la question de savoir si le projet litigieux respecte l’identité du bâtiment existant, condition posée par l’art. 42 OAT. La commune soutient que les travaux projetés modifient de manière importante l’utilisation du pavillon, en violation de l’art. 42 al. 3 let. c OAT, étant précisé qu’aucune partie ne conteste que son utilisation était jusqu’alors temporaire. Il convient ainsi d’examiner si l’autorisation litigieuse est conforme au droit.

a. Aux termes de l'art. 24c LAT, hors de la zone à bâtir, les constructions et installations qui peuvent être utilisées conformément à leur destination mais qui ne sont plus conformes à l'affectation de la zone bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise (al. 1). L'autorité compétente peut autoriser la rénovation de telles constructions et installations, leur transformation partielle, leur agrandissement mesuré ou leur reconstruction, pour autant que les bâtiments aient été érigés ou transformés légalement (al. 2). Les modifications apportées à l’aspect extérieur du bâtiment doivent être nécessaires à un usage d’habitation répondant aux normes usuelles ou à un assainissement énergétique ou encore viser à une meilleure intégration dans le paysage (al. 4). Dans tous les cas, les exigences majeures de l’aménagement du territoire doivent être remplies (al. 5). L’al. 3 de l’art. 24c LAT concerne les bâtiments agricoles et n’est donc pas pertinent dans la présente affaire, la nature du pavillon litigieux n’étant pas agricole, ce qu’aucune des parties ne conteste.

Le champ d'application de l'art. 24c LAT est restreint aux constructions et installations qui ont été érigées ou transformées conformément au droit matériel en vigueur à l'époque, mais qui sont devenues contraires à l'affectation de la zone à la suite d'une modification de la législation ou des plans d'aménagement. La date déterminante est en principe celle du 1er juillet 1972, date de l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 8 octobre 1971 sur la protection des eaux contre la pollution, qui a introduit le principe de la séparation du territoire bâti et non bâti (ATF 129 II 396 consid. 4.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_491/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.1 et les références citées). L’art. 41 al. 1 OAT précise qu’il s’agit de constructions et installations « érigées ou transformées légalement avant l’attribution du bien-fonds à un territoire non constructible au sens du droit fédéral ». Les possibilités offertes par l'art. 24c LAT ne peuvent être utilisées qu'une seule fois (arrêt du Tribunal fédéral 1C_347/2014 du 16 janvier 2015 consid. 3.5).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la protection de la situation acquise instituée par les art. 24c et 24d LAT ne s'étend pas aux bâtiments en ruine, inutilisables et prêts à s'écrouler ; il ne faut en effet pas que de tels bâtiments puissent être transformés en constructions nouvelles. La garantie de la propriété ne confère au surplus aucun droit à réutiliser à des fins de construction un emplacement où ont déjà été érigés des ouvrages ou à conserver au-delà de sa durée de vie un ouvrage convenablement entretenu. En effet, pour qu'un bâtiment d'habitation puisse être utilisé conformément à sa destination, il faut, entre autres, que les structures porteuses, les sols et le toit soient en majeure partie intacts (arrêts du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 5. 1 ; 1C_589/2017 du 16 novembre 2018 consid. 2.1, 1C_207/2015 du 9 septembre 2015 consid. 4.2 et 1C_215/2012 du 30 octobre 2012 consid. 2.1 et les références citées). La condition de l’art. 24c al. 1 LAT exigeant l’utilisation du bâtiment « conformément à [sa] destination » n'est pas remplie lorsque celui-ci cumule les éléments suivants : délabrement très avancé démontré par des photographies ; mauvais état technique du bâtiment, attesté par des rapports ; des planchers en partie percés ; des structures porteuses intérieures en grande partie détruites ; des murs extérieurs considérablement dégradés ; l’inexistence d’installations sanitaires, de chauffage et d’installation de cuisine (arrêt du Tribunal fédéral 1A.76/1993 du 24 janvier 1994 consid. 4b, cité par la directive ARE 2007, point 2.3, p. 7).

En outre, le but de l’art. 24c LAT est d’atténuer les effets des restrictions des possibilités de transformer et d’agrandir des bâtiments situés sur des bien-fonds qui ont été classés en zone non constructible. On ne saurait donc autoriser en vertu de cette disposition des transformations ou des agrandissements excédant les possibilités qui existaient avant la modification déterminante du droit (directive ARE 2007, point 3.4, p. 10). Par ailleurs, concernant l’autorisation au sens de l’art. 24a LAT (permettant, à certaines conditions, le changement d’affectation hors de la zone à bâtir lorsque des travaux de transformation ne sont pas nécessaires), la directive ARE 2007 souligne que s’il semble, dès l’octroi d’une autorisation fondée sur l’art. 24c LAT, que des travaux de transformation sont effectués en vue d’un changement d’affectation ultérieur, il convient de statuer une interdiction de changement d’affectation, une durée de dix ans semblant raisonnable (point 5.3.2, p. 17).

b. L’art. 42 OAT complète l’art. 24c LAT. Selon l’art. 42 al. 1 OAT, une transformation est considérée comme partielle et un agrandissement est considéré comme mesuré lorsque l’identité de la construction ou de l’installation et de ses abords est respectée pour l’essentiel. Sont admises les améliorations de nature esthétique. L’al. 2 de l’art. 42 OAT dispose que le moment déterminant pour l’appréciation du respect de l’identité est l’état de la construction ou de l’installation au moment de l’attribution du bien-fonds à un territoire non constructible.

En vertu de l’art. 42 al. 3 OAT, la question de savoir si l’identité de la construction ou de l’installation est respectée pour l’essentiel est à examiner en fonction de l’ensemble des circonstances. Les règles suivantes doivent en tout cas être respectées : a) à l’intérieur du volume bâti existant, la surface brute de plancher imputable ne peut pas être agrandie de plus de 60 %, la pose d’une isolation extérieure étant considérée comme un agrandissement à l’intérieur du volume bâti existant ; b) un agrandissement peut être réalisé à l’extérieur du volume bâti existant si les conditions de l’art. 24c al. 4 LAT sont remplies ; l’agrandissement total ne peut alors excéder ni 30 % ni 100 m2, qu’il s’agisse de la surface brute de plancher imputable ou de la surface totale (somme de la surface brute de plancher imputable et des surfaces brutes annexes) ; les agrandissements effectués à l’intérieur du volume bâti existant ne comptent que pour moitié ; c) les travaux de transformation ne doivent pas permettre une modification importante de l’utilisation de bâtiments habités initialement de manière temporaire.

L’art. 42 al. 4 OAT prévoit que : « Ne peut être reconstruite que la construction ou l’installation qui pouvait être utilisée conformément à sa destination au moment de sa destruction ou de sa démolition et dont l’utilisation répond toujours à un besoin. Le volume bâti ne peut être reconstruit que dans la mesure correspondant à la surface admissible au sens de l’al. 3. L’al. 3 let. a n’est pas applicable. Si des raisons objectives l’exigent, l’implantation de la construction ou de l’installation de remplacement peut légèrement différer de celle de la construction ou de l’installation antérieure ».

c. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, pour que l'identité de la construction soit respectée au sens de l’art. 42 al. 3 OAT, il faut que son volume, son aspect extérieur et sa destination restent largement identiques et que ne soit générée aucune incidence nouvelle accrue sur l'affectation de la zone, l'équipement et l'environnement ; les transformations doivent être d'importance réduite par rapport à l'état existant de la construction (ATF 132 II 21 consid. 7.1.1 ; 127 II 215 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_491/2020 précité consid. 2.2). Il n'est pas exigé que l'ancien et le nouveau soient tout à fait semblables ; l'identité se réfère aux traits essentiels de la construction, c'est-à-dire dans toutes ses caractéristiques importantes du point de vue de l'aménagement du territoire (arrêts du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 5.2 ; 1C_312/2016 du 3 avril 2017 consid. 3.1). Si la condition de l'identité du bâtiment n'est pas respectée, on est en présence d'une transformation totale et l'octroi d'une autorisation dérogatoire fondée sur l'art. 24c LAT n'entre pas en considération (arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 précité consid. 5.2). 

Selon la directive ARE 2007, la condition du respect de l’identité, posée à l’art. 42 al. 1 et 3 OAT, s’examine à la lumière de l’agrandissement de la surface utilisée, des modifications du volume construit, des changements d’affectation et des transformations à l’intérieur du volume construit, des modifications de l’aspect extérieur, des extensions des équipements, mais aussi des améliorations du confort et des frais de transformation engagés par rapport à la valeur du bâtiment (point 3.1, p. 8).

d. Outre les limites chiffrées imposées par les let. a et b de l’art. 42 al. 3 OAT, la let. c de cette disposition pose, depuis son entrée en vigueur le 1er novembre 2012, une nouvelle condition, mentionnée plus haut et complètement nouvelle.

Selon le rapport explicatif établi par l’ARE en octobre 2012 relatif à la révision partielle de l'OAT (ci-après : rapport ARE 2012, qui renvoie également à la directive ARE 2007), la let. c de l'art. 42 al. 3 OAT répond à la volonté que les bâtiments habités de manière temporaire (en été), entrant dans le champ d'application de l'art. 24c LAT, ne puissent pas être transformés en habitations permanentes (occupées à l’année ; rapport ARE 2012 p. 5 et 10). En règle générale, la démolition-reconstruction d'un bâtiment initialement habité seulement de manière temporaire devrait conduire à des modifications importantes de l'utilisation. Il en va de même lorsqu'il s'agit d'installer un chauffage dans un bâtiment principalement non chauffé. De même le raccordement d'un bâtiment à l'origine non raccordé au réseau électrique implique des possibilités quasiment illimitées de nouvelles utilisations qui en règle générale ne seraient plus compatibles avec le critère prévu à la let. c de l’art. 42 al. 3 OAT. Il est tenu compte de cette exigence par l'ajout à la let. c d'un nouveau critère précisant que les travaux de transformation entraînant une modification importante de l'utilisation ne permettent pas de respecter l'identité de la construction. Cette formulation générale doit permettre aux autorités chargées des autorisations de développer avec l'expérience une pratique appropriée. Compte tenu des résultats de la consultation, le champ d'application de la let. c est expressément limité aux bâtiments habités initialement de manière temporaire. Les maisons d'habitation habitées en permanence érigées selon le droit antérieur ne sont ainsi pas régies par cette disposition (rapport ARE 2012, p. 10 ; cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_491/2020 précité consid. 2.2 ; 1C_118/2018 du 12 mars 2019 consid. 2.4).  

Selon MUGGLI, dans le cas des bâtiments habités de manière temporaire au 1er juillet 1972 (art. 42 al. 3 let. c OAT), le législateur fédéral a prévu des restrictions supplémentaires, car il ne souhaitait pas, compte tenu de l’élargissement déjà considérable du champ d’application matériel de l’art. 24c LAT, exposer ces constructions (bâtiments d’alpage et autres) à des modifications autres que minimes. Les travaux projetés ne doivent donc pas permettre une modification importante de leur utilisation. Ce qu’il faut entendre par là ne ressort pas clairement du libellé de l’ordonnance, car l’art. 24c LAT permet justement, dans sa version de 2011, des changements d’utilisation considérables, y compris des démolitions-reconstructions. Après avoir rappelé les explications susmentionnées du rapport ARE 2012, cet auteur conclut que dans ces circonstances, on ne comprend pas bien pourquoi les bâtiments en question n’ont pas été exclus du champ d’application de l’art. 24c al. 3 LAT, d’autant qu’ils bénéficient toujours de la garantie de la situation acquise conféré par l’art. 26 Cst. Quoiqu’il en soit, les bâtiments habités de manière temporaire ne sauraient être réaffectés, au titre de l’art. 24c LAT, à un usage d’habitation permanent, car il s’agirait là d’un changement complet d’affectation et sans doute aussi d’une « modification importante de leur utilisation » (Rudolf MUGGLI in Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN [éd.], Commentaire pratique LAT : construire hors zone à bâtir, 2017, n. 33 ad art. 24c LAT).

e. Concernant les cas visés par l’art. 24c al. 2 LAT, MUGGLI en distingue quatre : l’entretien, la rénovation, la transformation partielle et l’agrandissement mesuré, ainsi que la reconstruction (ou construction de remplacement) (Rudolf MUGGLI, op. cit., n. 22 ss ad art. 24c LAT).

Au sujet de ce dernier cas, cet auteur rappelle que la reconstruction d’une construction ou installation détruite volontairement (démolition) ou involontairement (catastrophe naturelle ou accident) était déjà autorisée sous le régime de la LAT de 1979 (art. 24 al. 2 de l’ancienne LAT) et l’est restée, après la révision partielle de 1988, au titre de l’art. 24c LAT. Comme dans les cas de transformation partielle, toutefois, il faut que la nouvelle construction respecte l’identité de l’ancienne (art. 42 al. 1 phr. 1 OAT). Cela implique l’observation des limites supérieures imposées en matière d’agrandissement (art. 42 al. 4 phr. 2 OAT) ainsi que des sévères restrictions applicables aux modifications apportées à l’aspect extérieur du bâtiment (art. 24c « al. 3 » [recte : al. 4] LAT). Il va de soi que les constructions ne pouvant plus être utilisées conformément à leur destination ne peuvent être ni agrandies, ni démolies et reconstruites (art. 42 al. 4 OAT). Il ne doit en outre pas s’écouler trop de temps entre la démolition ou la destruction et la reconstruction, car cela signifierait que l’utilisation de la construction ne répond pas à un besoin durable (art. 42 al. 4 OAT). En matière de reconstruction, un aspect essentiel du critère de l’identité est l’emplacement de la construction, qui ne peut être modifié que si des raisons objectives, et non de simples raisons de commodité personnelle, de qualité de la vue ou de réduction des coûts, l’exigent. Il est possible de combiner reconstruction et transformation partielle, pour autant que l’identité de la construction reste dans l’ensemble préservée et que les restrictions imposées quant aux modifications apportées à son aspect extérieur soient observées (Rudolf MUGGLI, op. cit., n. 39 à 43 ad art. 24c LAT).

Selon MUGGLI, l’élargissement du champ d’application de l’art. 24c LAT est contrebalancé par la restriction des possibilités de transformation afin de garantir les buts inscrits dans la Cst. Les bâtiments habités initialement de manière temporaire font l’objet, en vertu de l’OAT, de restrictions encore plus sévères, puisque les travaux envisagés ne doivent permettre aucune modification importante de leur utilisation et doivent donc rester d’une ampleur minime. Cet auteur conclut : « L’avenir dira si les autorités compétentes seront en mesure d’appliquer cette exigeante réglementation » (Rudolf MUGGLI, op. cit., n. 49 s ad art. 24c LAT).

f. Par ailleurs, si le projet remplit toutes les conditions susmentionnées, il doit encore être examiné sous l’angle de sa compatibilité avec les exigences majeures de l’aménagement du territoire (art. 24c al. 5 LAT, norme existant déjà sous l’ancienne réglementation de la LAT). Cette prescription signifie, en d’autres termes, que la garantie étendue de la situation acquise conférée par l’art. 24c LAT est susceptible d’entrer en contradiction avec lesdites exigences. La notion d’exigences majeures de l’aménagement du territoire présente une similitude évidente avec les « intérêts prépondérants » susceptibles de s’opposer à l’octroi d’une dérogation au sens de l’art. 24 let. b LAT. Contrairement à ce dernier cas, dans une affaire relevant de l’art. 24c LAT, on commence par vérifier que les travaux envisagés tombent sous le coup de la garantie étendue de la situation acquise, après quoi seulement on examine si les exigences majeures de l’aménagement du territoire pourraient, dans le cas d’espèce, s’opposer aux prétentions du requérant. Lesdites exigences sont principalement décrites dans les buts et principes de l’aménagement énoncés aux art. 1, 3, 15 et autres LAT, ainsi que dans les nombreuses dispositions et plans de droit fédéral et cantonal qui les concrétisent. La notion d’« aménagement du territoire » se réfère ici au droit fonctionnel qui régit cet aménagement (cf. art. 1 OAT ; Rudolf MUGGLI, op. cit., n. 44 s ad art. 24c LAT).

La méthode à appliquer est celle de la pesée globale des intérêts en présence, telle qu’on la pratique dans le cadre de l’établissement des plans d’affectation, mais aussi dans les cas relevant de l’art. 24 let. b LAT. La réglementation spéciale, par exemple le droit de l’environnement ou celui de la protection de la nature et du paysage, doit également être prise en compte. Si des dispositions relevant de la législation spéciale s’opposent catégoriquement à l’octroi de l’autorisation requise, toute pesée d’intérêts devient superflue, puisqu’il n’y a plus rien à pondérer ni à mettre en balance. Ainsi, la protection constitutionnelle des marais et des sites marécageux prime par exemple toujours la garantie de la situation acquise conférée par l’art. 24c LAT (Rudolf MUGGLI, op. cit., n. 46 s ad art. 24c LAT).

g. En outre, depuis la révision partielle de 2012 de l’OAT, les conditions générales énoncées à l’art. 43a OAT s’appliquent à toutes les autorisations exceptionnelles de construire hors de la zone à bâtir, hormis celles de l’art. 24a LAT (Rudolf MUGGLI, op. cit., n 31 ad Remarques préliminaires art. 24 à 24e et 37a LAT [ci-après : Rem. prélim. art. 24 ss LAT]). Selon l’art. 43a OAT, des autorisations ne peuvent être délivrées sur la base de la présente section que si les conditions suivantes sont remplies : la construction n’est plus nécessaire à l’utilisation antérieure conforme à l’affectation de la zone ou imposée par sa destination ou le maintien de cette utilisation est assuré (let. a) ; le changement d’affectation n’implique pas une construction de remplacement que n’imposerait aucune nécessité (let. b) ; tout au plus une légère extension des équipements existants est nécessaire et tous les coûts supplémentaires d’infrastructure occasionnés par l’utilisation autorisée sont à la charge du propriétaire (let. c) ; l’exploitation agricole des terrains environnants n’est pas menacée (let. d) ; aucun intérêt prépondérant ne s’y oppose (let. e).

L’intention du législateur était, en même temps que d’élargir le champ d’application matériel de l’art. 24c LAT, d’étendre, par analogie, certaines des restrictions énoncées à l’art. 24d LAT aux cas relevant des art. 24b et 24c LAT. Le but était d’ancrer partout l’exigence d’une pesée des intérêts en présence, tout en soulignant certains aspects déterminants pour le respect du principe de séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire. Si les conditions générales de l’art. 43a OAT sont remplies, l’étape suivante consiste à examiner si le projet répond aux critères spécifiques à l’un des états de faits visés aux art. 24 à 24e LAT et 37a LAT (Rudolf MUGGLI, op. cit., n. 31 s ad Rem. prélim. art. 24 ss LAT).

h. Concernant la question de savoir s’il existe un droit à l’obtention d’une dérogation, de l’avis dominant, ce droit existe si les conditions légales sont remplies, même si les articles concernés prévoient qu’une dérogation « peut » (et non « doit ») être accordée. Ainsi, l’autorité compétente doit d’abord déterminer si l’on est en présence de l’un des états de faits visés par les dispositions dérogatoires en vigueur. Dans l’affirmative, il faut aussi que le résultat de la pesée globale des intérêts – à laquelle il est la plupart du temps nécessaire de procéder – soit favorable au projet (Rudolf MUGGLI, op. cit., n. 33 ad Rem. prélim. art. 24 ss LAT). Aucune règle n’exige que les dispositions dérogatoires en matière de construction hors de la zone à bâtir soient en principe appliquées de façon restrictive. Selon la jurisprudence, lesdites dispositions doivent être interprétées à l’aune du but de la prescription à laquelle il s’agit de déroger, ainsi que du sens du régime dérogatoire. Les buts et principes de l’aménagement du territoire, en particulier le principe de séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire, revêtent une importance centrale dans l’interprétation des dispositions dont il est ici question (Rudolf MUGGLI, op. cit., n. 34 ad Rem. prélim. art. 24 ss LAT).

i. Enfin, selon l’art. 44 OAT, l’autorité cantonale compétente qui octroie une autorisation relative à une construction ou à une installation hors de la zone à bâtir fait porter au registre foncier les mentions concernant le bien-fonds touché, explicitées aux let. a à c de son al. 1. L’al. 2 de l’art. 44 OAT dispose qu’elle peut faire mentionner les autres restrictions du droit de propriété, notamment les restrictions d’utilisation et les restrictions du droit d’aliéner, ainsi que les conditions et les charges. En vertu de l’art. 44 al. 3 OAT, l’office du registre foncier radie d’office les mentions lorsque le bien-fonds est définitivement classé en zone à bâtir. Dans les autres cas, il ne peut radier une mention que lorsque l’autorité compétente a pris une décision constatant que les conditions qui avaient justifié la mention n’existent plus.

7) Le présent litige porte sur une autorisation de construire dérogatoire, en ce sens qu’elle permet, à certaines conditions, une affectation non conforme à la zone agricole, entraînant ainsi une entorse au principe fondamental de la séparation des parties constructibles et non constructibles du territoire (art. 1 al. 1 phr. 1 LAT).

a. Cette dérogation est expressément prévue par l’art. 24c LAT et présuppose en premier lieu la réalisation des conditions légales de cette disposition. Parmi celles-ci, figurent l’utilisation du bâtiment « conformément à [sa] destination » (art. 24c al. 1 LAT et 42 al. 4 phr. 1 OAT), le fait que cet usage « ne [soit] plus conforme à l’affectation de la zone » (art. 24c al. 1 LAT) et que le bâtiment existant ait été construit « ou transform[é] légalement » (art. 24c al. 2 LAT), étant précisé qu’il ne s’agit pas d’un bâtiment agricole, ce qui n’est pas contesté. Pour les cas de reconstruction, l’art. 42 al. 4 OAT ajoute que l’utilisation de la construction existante « répond toujours à un besoin » (phr. 1).

En l’espèce, les parties ne contestent pas que le pavillon litigieux a été construit en 1945 en respectant le cadre légal de l’époque, l’autorisation de le construire et le permis de l’habiter étant joints au dossier. Ainsi, le TAPI relève, à bon droit, que le pavillon a été autorisé comme « pavillon de week-end » conformément au règlement de quartier du plan d’aménagement n° 21'443 du 16 mars 1945, applicable à la parcelle. Comme l’art. 2 de ce règlement précisait que le « quartier » (issu du morcellement de l’ancienne parcelle n° 1'303) était destiné à la résidence exclusivement et les bâtiments, définis comme des « pavillons dits de week-end », à l’habitation, le TAPI conclut à raison que l’affectation autorisée visait une « villégiature hebdomadaire dans [le pavillon en cause], le week-end ». Selon le plan de 1945, ledit pavillon disposait des trois pièces décrites plus haut ainsi que d’un raccordement à la fosse septique et à un puits perdu. De plus, les photographies produites attestent d’un bon état du pavillon existant, en bois, avec une toiture à deux pans. Les propriétaires actuels affirment également souhaiter continuer à utiliser ledit bâtiment occasionnellement, de manière temporaire, les week-ends comme cela avait toujours été le cas jusqu’alors. Il n’est pas non plus contesté qu’en tout cas, avant 1962, le pavillon n’était pas raccordé à l’électricité.

Dès lors, il y a lieu d’admettre que l’édification du pavillon a été « légalement » autorisée dans les conditions qui viennent d’être mentionnées, à savoir sans chauffage, sans autre raccordement que celui à la fosse septique et au puits perdu, et pour une utilisation d’habitation exclusivement temporaire, à savoir pour les week-ends sans autre indication expresse liée à la température extérieure. En revanche, la question de savoir si son raccordement à l’électricité, allégué par les propriétaires comme étant intervenu dès 1962, a été valablement autorisé, est contestée par les parties. Cela étant, même si ce raccordement était établi dès 1962, les propriétaires déclarent tout au plus l’existence de chauffage d’appoint et non d’un chauffage fixe. Ainsi, les possibilités de construire offertes par l’art. 24c LAT ne peuvent s’appliquer qu’aux éléments du pavillon valablement autorisés conformément à l’ancien droit applicable. C’est uniquement dans cette limite que la condition de l’art. 24c al. 2 LAT peut être in casu considérée comme remplie. Quant aux deux autres conditions susmentionnées posées par l’art. 24c al. 1 LAT ainsi que celle sus-évoquée de l’art. 42 al. 4 OAT, elles ne posent pas de problème particulier en l’espèce pour les raisons précitées, notamment s’agissant du fait que le pavillon n’est plus conforme à l’affectation de la zone, devenue agricole,
c’est-à-dire non constructible (art. 16 al. 1 LAT).

b. Le fait que, dans les limites précitées, les conditions de l’art. 24c LAT soient remplies ne permet pas d’emblée de conclure à l’octroi d’une autorisation de construire dérogatoire, et ce indépendamment de l’analyse des conditions relatives aux aspects extérieurs (art. 24c al. 4 LAT et 42 al. 4 phr. 4 OAT). En effet, d’une part, se pose in casu la question – querellée – du respect de l’identité du bâtiment existant au sens de l’art. 42 al. 1 et 3 OAT. Le fait que le projet litigieux vise une reconstruction, et non une transformation, ne change rien à cette exigence limitant l’ampleur des travaux qui ne doivent pas générer d’incidence nouvelle accrue sur l’affectation de la zone, l’équipement et l’environnement (arrêt du Tribunal fédéral 1C_491/2020 précité consid. 2.2 ; Rudolf MUGGLI, op. cit., n. 39 ad art. 24c LAT). D’autre part, même à considérer par hypothèse que cette condition était remplie, l’art. 24c al. 5 LAT oblige les autorités compétentes, dans le cadre de l’examen des demandes d’autorisation dérogatoires fondées sur l’art. 24c LAT, à s’assurer du respect des « exigences majeures de l’aménagement du territoire » avant d’octroyer de telles dérogations. Cette condition implique, à l’instar de la condition générale prévue à l’art. 43a let. e OAT depuis la révision partielle de 2012, une pesée des intérêts, en particulier entre, d’un côté, la garantie de la situation acquise conférée par l’art. 24c LAT, notamment son al. 2, et, de l’autre côté, les exigences majeures de l’aménagement du territoire, principalement décrites dans les buts et principes de l’aménagement (art. 1 et 3 LAT notamment) parmi lesquels le principe de séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire revêt une importance primordiale, comme cela a été exposé plus haut.

Dans la présente affaire, cette pesée des intérêts s’inscrit dans le cadre particulier des « bâtiments habités initialement de manière temporaire » au sens de l’art. 42 al. 3 let. c OAT. Cette condition nouvellement introduite en novembre 2012 a pour but d’éviter que ce type de bâtiments ne puisse, par le biais des possibilités offertes par l’art. 24c LAT, se transformer en habitations permanentes (rapport ARE 2012, p. 5 et 10). Dès lors, comme le relève MUGGLI, les bâtiments habités initialement de manière temporaire subissent des restrictions encore plus sévères puisque les travaux envisagés ne doivent permettre aucune modification importante de leur utilisation et doivent donc rester d’une ampleur minime (Rudolf MUGGLI, op. cit., n. 49 ad art. 24c LAT). À cela s’ajoute la jurisprudence susmentionnée du Tribunal fédéral, selon laquelle la garantie de la propriété ne confère aucun droit à conserver, au-delà de sa durée de vie, un ouvrage convenablement entretenu. Par ailleurs, la directive ARE 2007 rappelle que le but de l’art. 24c LAT est d’atténuer les effets des restrictions des possibilités de transformer et d’agrandir des bâtiments situés sur des bien-fonds classés en zone inconstructible, mais non d’autoriser des constructions excédant les possibilités existantes avant la modification déterminante du droit (point 3.4, p. 10).

c. En l’espèce, la demande litigieuse vise à démolir le pavillon existant, en bois et en bon état, et à le remplacer par une nouvelle construction entièrement isolée, raccordée entre autres au réseau séparatif des eaux et à celui de l’électricité, et adaptée aux standards de confort actuels, en y aménageant notamment une salle de douche avec WC et une cuisine, en plus d’un chauffage fixe respectueux de la préoccupation environnementale liée à l’économie d’énergie.

Ces travaux sont estimés dans la demande à CHF 135'000.-. Les propriétaires ont produit, devant le TAPI, un document intitulé « estimation de la valeur d’un bien immobilier bâti en zone de développement admise dans les plans » (pièce 29 intimés), selon lequel la valeur du bâtiment existant (qualifié de « habitation un logement ») serait de CHF 43'639.- (soit la valeur à neuf de CHF 49'590.- de laquelle est soustraite la valeur liée à la vétusté de CHF 5'951.-) et celle du terrain de CHF 122'212.-. Selon ce document et contrairement à ce qu’indique la réponse des propriétaires devant la chambre de céans (p. 7, n. 20), la valeur arrondie à CHF 165'900.- ne correspond pas à la valeur vénale du bien immobilier, mais correspond au prix maximum qui pourrait être admis dans le cadre d’un plan financier visé par une autorisation de construire délivrée selon les normes de la zone de développement (pièce 29 intimés, p. 2, ch. 2 rubrique « Avertissements »). Ainsi, on ne comprend pas l’utilité de la production de cette pièce dans la présente procédure qui ne concerne pas une zone en développement, mais l’édification d’une nouvelle construction fondée sur une dérogation en zone agricole. Quoiqu’il en soit, ce point n’a pas à être éclairci pour les raisons qui suivent, étant précisé que la valeur des travaux, estimée à CHF 135'000.-, est de toute façon considérable, que la valeur du bâtiment existant soit de CHF 165'900.- ou de CHF 43'639.-.

Outre son confort et la valorisation économique de l’immeuble vu les données financières précitées, le principal impact de ce projet est d’améliorer l’enveloppe thermique du bâtiment actuel, et ce indépendamment de la question de l’installation d’un chauffage fixe et de sa forme, puisque la reconstruction du bâtiment engendrera de fait une meilleure isolation thermique, les parois en bois étant remplacées par des nouveaux matériaux adaptés aux standards actuels. Il est évident qu’une meilleure isolation thermique du pavillon existant améliore non seulement son confort lors d’utilisations occasionnelles, mais élargit également les possibilités de son usage en permettant son habitation, en tout temps, sans égard à la température extérieure, contrairement à ce qui était le cas en 1945 lors de sa construction. Cela a pour effet indéniable de le rendre habitable à l’année, d’autant plus que les propriétaires allèguent l’existence d’un raccordement électrique depuis 1962 et que les travaux litigieux prévoient d’y installer un chauffage fixe. Le fait que l’habitation serait peu spacieuse selon le département n’y change rien. Cette conséquence résultant d’une démolition-reconstruction et consistant en un changement d’affectation d’un bâtiment initialement habité de manière temporaire en une habitation permanente, est d’ailleurs expressément envisagée par l’ARE dans son rapport de 2012, rappelé dans la jurisprudence susmentionnée du Tribunal fédéral. Selon l’ARE, la démolition-reconstruction d’un bâtiment initialement habité de manière temporaire uniquement « devrait conduire à des modifications importantes de l’utilisation ». Il en va de même lorsqu’il s’agit d’installer un chauffage dans un bâtiment principalement non chauffé (rapport ARE 2012, p. 10).

Le fait que le bâtiment litigieux concerne une famille de cinq personnes et que la volonté actuelle des propriétaires ne soit pas d’y habiter en permanence ne sont pas déterminants du point de vue de l’aménagement du territoire, seuls les éléments objectifs étant pertinents. Il en va de même du libellé de l’autorisation, qui n’en constitue pas une condition propre à limiter, de manière contraignante, l’utilisation par les propriétaires. Le libellé a en outre été modifié plusieurs fois lors de l’instruction comme cela ressort des préavis figurant dans le dossier du département et l’usage limité aux week-ends ne figure dans aucune des conditions posées par l’autorisation litigieuse. Quant au but de protection environnementale que poursuivraient les propriétaires, sous la forme d’économie d’énergie vu l’usage allégué de chauffages électriques d’appoint, par l’amélioration thermique du projet litigieux, il s’agit d’un élément secondaire dans la présente espèce qui porte sur une zone agricole, par définition inconstructible (art. 16 al. 1 LAT). Dans ce cas, le respect du principe de la séparation des zones constructibles et non constructibles (art. 1 al. 1 phr. 1 LAT) revêt une importance primordiale, ce d’autant plus que la demande litigieuse porte sur un projet de reconstruction concernant un pavillon habité initialement de manière temporaire. Il est d’ailleurs loisible aux propriétaires d’adapter le cas échéant leur usage à la destination originelle du pavillon de manière à limiter la consommation électrique. Suivre les propriétaires en leur octroyant la dérogation litigieuse pour des raisons d’économie d’énergie sans égard aux considérations d’aménagement du territoire telles que le principe précité, aurait pour effet de contourner les conditions légales strictes en matière d’autorisations dérogatoires, en particulier le respect des exigences majeures de l’aménagement du territoire (art. 24c al. 5 LAT) comme celles qui viennent d’être évoquées.

La reconstruction du pavillon actuel a également un impact évident sur sa durabilité en augmentant incontestablement sa durée de vie, au-delà des possibilités découlant d’un entretien convenable usuel de ce type de bâtiment. Cela a pour effet de permettre une transformation du pavillon actuel, excédant les possibilités offertes par l’ancien règlement applicable en 1945 lors de son édification, et ce alors même qu’il a été classé en zone inconstructible et que le département a refusé, dans le cadre de l’élaboration du PDCn 2030 y compris lors de sa mise à jour adoptée en avril 2019, de l’intégrer en zone à bâtir, par la prolongation des zones 4B protégées existantes des noyaux historiques de ______. Le fait que la parcelle en cause ne fasse pas partie des surfaces d’assolement ne change rien aux considérations précitées liées à son affectation et aux lignes directrices sus-évoquées. Permettre la transformation de pavillon originellement en bois, puis classé en zone inconstructible, en habitation durable et permanente, par le biais de l’autorisation dérogatoire de l’art. 24c LAT visant à garantir aux propriétaires la situation acquise avant le classement de leur parcelle en zone non à bâtir, reviendrait non seulement à court-circuiter les options relativement récentes du PDCn 2030 concernant le développement territorial du périmètre en cause, mais surtout à élargir les droits découlant de la garantie de la situation acquise conférés aux propriétaires par l’art. 24c LAT, et ce alors que le principe de séparation entre les parties constructibles et inconstructibles du territoire (art. 1 al. 1 phr. 1 LAT) jouit du rang constitutionnel (art. 75 al. 1 Cst et art. 1 al. 1 LAT ; Rudolf MUGGLI, op. cit., n. 16 ad Rem. prélim. art. 24 ss LAT).

Sous l’angle du principe de la proportionnalité, l’impact sur la durabilité du pavillon actuel, le caractère inconstructible de la zone agricole dans laquelle il est situé, et ce sans perspective d’être classé en zone à bâtir vu le PDCn 2030 relatif à ce périmètre, ainsi que le dépassement précité des possibilités de construire conformément à l’ancien droit applicable à la parcelle litigieuse, rendent en l’espèce inutile d’envisager, comme mesure moins incisive, l’inscription au registre foncier d’une éventuelle servitude de droit public, au sens de l’art. 44 al. 2 OAT, selon laquelle l’usage du bâtiment devrait impérativement rester occasionnel en dépit des travaux effectués, à l’instar de la proposition – alors refusée – faite par la même commune dans une autre affaire tranchée par le Tribunal fédéral (arrêt 1C_491/2020 précité consid. 2.5.4). En effet, d’une part, l’impact du projet litigieux ne se limite pas à modifier de manière importante l’affectation initialement temporaire du pavillon existant, mais augmente aussi sa durée de vie dans une mesure notablement plus importante que celle découlant d’un entretien convenable usuel pour un pavillon en bois, ce qui va au-delà de la protection offerte par la garantie de la situation acquise conférée par l’art. 24c LAT. D’autre part, dans les circonstances précitées du cas d’espèce, notamment s’agissant de l’évolution territoriale prévue dans le PDCn 2030, il n’est pas sûr qu’une telle servitude permettrait d’assurer à terme le respect du principe constitutionnel de séparation des parties constructibles et inconstructibles, dans la mesure où, après une durée de dix ans d’interdiction de changement d’affectation comme suggérée par la directive ARE 2007 (point 5.3.2, p. 17), un changement d’affectation au sens de l’autorisation dérogatoire de l’art. 24a LAT pourrait entrer en ligne de compte vu qu’il n’y aurait alors pas de nécessité de procéder à des travaux de transformation du pavillon litigieux, contournant ainsi l’exigence de l’art. 42 al. 3 let. c OAT.

Dans ces circonstances, les travaux litigieux ont globalement pour conséquences non seulement de modifier de manière importante l’utilisation du pavillon existant en violation de l’art. 42 al. 3 let. c OAT, mais également de permettre la réalisation d’une construction outrepassant, à la fois, les possibilités de construire prévues sous l’ancien droit et la réglementation actuelle relative à la zone agricole, qui est par définition inconstructible (art. 16 al. 1 LAT). Un tel résultat va au-delà de l’objectif poursuivi par la garantie de la situation acquise ancrée à l’art. 24c LAT, et ce bien que son al. 2 prévoit le cas de la reconstruction. En effet, comme le rappelle MUGGLI, le législateur fédéral ne souhaitait pas, pour les bâtiments habités de manière temporaire au 1er juillet 1972, des modifications autres que minimes, vu l’élargissement considérable des changements d’utilisation prévus par l’art. 24c LAT, notamment les démolitions-reconstructions. Si cet auteur ne comprend pas bien pourquoi ces bâtiments, habités de manière temporaire, n’ont pas été exclus du champ d’application de l’art. 24c al. 3 LAT, il conclut que de toute façon, ils ne peuvent être réaffectés, au titre de l’art. 24c LAT, à un usage d’habitation permanent car il s’agirait alors d’un changement complet d’affectation et « sans doute aussi d’une "modification importante de leur utilisation" » (Rudolf MUGGLI, op. cit., n. 33 ad art. 24c LAT).

Enfin, l’argument selon lequel les propriétaires sont obligés par la commune de procéder aux raccordements séparatif et électrique, est sans pertinence in casu, puisqu’ils ne font pas partie des éléments susmentionnés ayant conduit la chambre de céans aux conclusions précitées s’agissant de l’application des art. 24c LAT et 42 OAT. Il en va de même concernant la conclusion subsidiaire des propriétaires, excluant l’installation d’un chauffage fixe de la demande d’autorisation litigieuse, étant précisé qu’une telle installation dans un bâtiment principalement non chauffé, comme en l’espèce, est expressément considérée par l’ARE comme une modification importante de son utilisation (rapport ARE 2012, p. 10), sans que l’absence d’un tel chauffage ne conduise in casu à la conclusion contraire pour les raisons évoquées plus haut.

Par conséquent, le projet litigieux ne respecte pas l’art. 42 al. 3 let. c OAT, de sorte que la condition du respect de l’identité n’est pas remplie, malgré les apparences extérieures semblant relativement similaires entre le bâtiment envisagé et le pavillon actuel ainsi que le respect des limites chiffrées de l’art. 42 al. 3 let. b OAT comme exposé plus haut. En outre, pour les raisons sus-évoquées et en application de l’art. 24c al. 5 LAT, le principe constitutionnel de la séparation des parties constructibles et non constructibles du territoire (art. 1 al. 1 phr. 1 LAT en lien avec l’art. 75 al. 1 Cst.) l’emporte in casu sur la garantie de la situation acquise conférée par l’art. 24c LAT.

Le recours de la commune doit donc être admis. Le jugement querellé et l’autorisation litigieuse DD 3______ seront annulés.

8) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge solidaire des propriétaires qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la commune, conformément à la jurisprudence constante de la chambre administrative, pour une commune de moins de dix mille habitants qui a dû recourir aux services d'un mandataire (ATA/723/2020 du 4 août 2020 consid. 7 et les références citées). Une moitié sera mise à la charge solidaire des intimés et l'autre à celle de l'État (département du territoire) (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 février 2022 par la commune de A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 janvier 2022 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 janvier 2022 ;

annule la décision du département du territoire DD 3______ du 25 novembre 2020 ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire de Madame et Monsieur  B______ ;

alloue à la commune de A______ une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à la charge solidaire de Madame et Monsieur B______ pour CHF 750.- et à la charge de l'État de Genève (département du territoire) pour CHF 750.- ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat de la commune de A______, à Me Mark Muller, avocat de Madame et Monsieur B______, au département du territoire - OAC, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'à l'office fédéral du développement territorial (ARE).

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :