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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4811/2017

ATA/888/2018 du 04.09.2018 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4811/2017-FPUBL ATA/888/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 septembre 2018

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Pascal Junod, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE

 



EN FAIT

1. Madame A______ a été engagée en qualité de maîtresse en formation le 1er mars 2008 par le département de l’instruction publique, de la culture et du sport, devenu depuis lors le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP).

Elle a acquis le statut de chargée d’enseignement à compter du 1er septembre 2010. Elle a été nommée fonctionnaire avec effet au 1er septembre 2011.

2. Mme A______ a enseigné l'allemand au cycle d’orientation de B______ (ci-après : le cycle) jusqu’en juin 2017. Un litige l’a opposée au directeur de l’établissement, Monsieur C______, entre 2015 et juin 2016.

Depuis la rentrée 2017, Mme A______ enseigne au cycle d’orientation D______

3. Le présent litige porte sur les événements en lien avec l’élève E______(ci-après : l’élève), élève de 10ème pendant l’année scolaire 2016 – 2017.

4. Selon la liste des cartes de renvoi pour l’année 2016 – 2017, état au 1er juin 2017, l’élève avait été renvoyé dix-neuf fois des cours, dont six fois par Mme A______. Les autres renvois se répartissaient principalement à raison de quatre fois en français et trois fois en mathématiques.

Selon ladite liste, six cartes de renvoi n’avaient pas été signées par les parents.

5. Le 29 novembre 2016, Mme A______ a renvoyé l’élève, lequel a contesté cette sanction et s’est adressé de manière agressive à son enseignante, concluant ses propos par : « de toute façon, je ne suis qu’une merde pour vous », ce à quoi l’enseignante avait répondu : « oui, tu l’es ».

Le doyen de permanence est venu chercher l’élève qui refusait de quitter la salle de classe. Un entretien a eu lieu l’après-midi entre l’élève et le doyen de permanence.

Le 13 décembre 2016, un entretien a réuni Monsieur F______, doyen, l’élève et Mme A______. Celle-ci a présenté ses excuses à l’élève et lui a expliqué qu’elle ne tolérait pas sa façon de s’adresser aux adultes. À sa demande, l’élève s’est excusé.

6. Le 15 décembre 2016, à la fin du cours, l’élève a pris ses affaires, mis sa veste et sa casquette. En passant devant l’enseignante, celle-ci lui a demandé d’enlever sa casquette. L’élève a refusé, précisant que Mme A______ était la seule enseignante à avoir cette exigence. Celle-ci s’est mise devant la porte et l’a retenu pour l’empêcher de partir. L’élève est resté, « extrêmement furieux, menaçant et agressif », selon la description de l’enseignante. Selon celle-ci « à cet instant, la discussion n’était plus possible ».

7. Le 16 décembre 2016, l’élève a été renvoyé du cours de Monsieur  G______.

Selon la description de l’enseignant, après la pause, l’élève était entré avec sa casquette sur la tête. Il la lui avait ôtée et l’avait gardée dans la main. Une discussion d’une dizaine de minutes s’en était suivie. L’élève avait tenté de lui prendre la casquette des mains. L’enseignant la tenait et avait essayé de se diriger vers la sortie de la salle. L’élève l’avait retenu fermement par le bras. L’enseignant était parvenu à se dégager pour sortir, traînant l’élève accroché à son bras. Devant les escaliers, l’élève s’était interposé face à lui, l’avait repoussé « avec force » afin de l’empêcher de passer et l’avait retenu par le bras alors qu’il descendait les marches. Il avait déposé la casquette au secrétariat, renvoyant l’élève à regarder avec les personnes du secrétariat et le directeur pour la récupérer.

8. Le 19 janvier 2017 a eu lieu une altercation entre Mme A______ et l’élève.

Trois descriptions des faits ont été versées au dossier.

a. Selon Madame H______, enseignante présente dans la classe de Mme A______ au moment des faits, peu avant la fin de la leçon, l’élève avait mis sa casquette en classe. Mme A______ lui avait demandé à deux reprises de l’enlever, sans succès. Lorsque la cloche avait retenti, Mme A______ s’était mise devant la porte et avait demandé à l’élève de rester.

L’élève avait forcé le passage. Mme A______ était sortie à son tour et lui avait pris sa casquette. Elle était revenue dans la salle. L’élève l’avait suivie, usant d’un langage grossier et tutoyant son enseignante. Il l’avait bousculée au passage alors qu’elle tentait un geste dans sa direction pour l’arrêter. Il s’était « précipité sur Mme A______ pour reprendre sa casquette de force. Les deux en sont venus aux mains : l’élève a tordu le bras de son enseignante, qui a répliqué par une gifle. L’altercation a continué ». La situation ne se calmant pas, Mme H______ avait été chercher une doyenne. Elles avaient intercepté l’élève au bas de l’escalier.

b. Selon la description faite le jour même par Mme A______, celle-ci avait pris la casquette de l’élève au moment où il était sorti. L’élève « perd totalement le contrôle : il me prend par le bras et se met à me tutoyer. Voyant qu’il veut s’en prendre à moi (me frapper), je le gifle. Là, il devient incontrôlable : "tu fais quoi là ? C’est la dernière fois que tu fais ça, salope !" L’élève lève à plusieurs reprises le bras sur moi en menaçant de me frapper. Il quitte finalement la salle en continuant avec le tutoiement et les vulgarités. »

c. Le résumé, établi par le doyen, de sa discussion avec une élève qui a assisté à l’épisode indique que l’enseignante a pris la casquette à l’extérieur de la classe, est revenue en classe, suivie par l’élève qui voulait récupérer sa casquette.
Celui-ci serait arrivé dans le dos de Mme A______ et lui aurait tordu le bras en saisissant sa casquette. « Mme A______ frappe E______. E______ s’énerve et pousse Mme A______. E______ se reprend et donne un coup dans une chaise ».

d. Dans le cadre d’un entretien entre le directeur et Mme H______, celle-ci a indiqué, en réponse à une question de son supérieur, que le but de l’élève était de reprendre sa casquette et non d’avoir une altercation physique avec Mme A______.

9. Un entretien s’est tenu le 20 janvier 2017, réunissant, dans un premier temps, le directeur, le doyen et la mère de l’élève. La deuxième partie de l’entretien a inclus l’élève. Une exclusion totale de l’élève était évoquée en cas de récidive. L’élève a été sanctionné d’une exclusion des cours d'allemand pour une période d’une semaine. À la demande de présenter des excuses à l’enseignante, l’élève a indiqué de ne pas être prêt à le faire, compte tenu des gestes de celle-ci. Il a été convenu qu’un rendez-vous serait pris avec l’assistante sociale afin de gérer les problèmes familiaux et que le psychologue prendrait contact avec l’élève dans le but de gérer son impulsivité.

10. Un entretien de service s’est déroulé le 13 mars 2017. Il était reproché à Mme A______ les incidents des 29 novembre, 15 décembre 2016 et 19 janvier 2017.

Mme A______ n’a pas contesté avoir giflé l’élève. Elle s’était sentie menacée. Elle avait le sentiment que les actes de l’élève étaient minimisés et que la direction de l’établissement ne soutenait pas le corps enseignant.

11. Par décision du 5 juillet 2017, la directrice générale ad interim de l’enseignement obligatoire a infligé un blâme à Mme A______.

Les propos tenus le 29 novembre 2016, la gifle infligée à l’élève, la récurrence d’incidents, dont l’intensité augmentait au fil du temps, avec l’élève, sans qu’une régulation ne soit trouvée, constituaient des comportements inacceptables dans sa fonction, qui ne correspondaient pas à l’exemplarité attendue d’une enseignante. Sa manière de faire était d’autant plus inacceptable qu’elle contribuait à dégrader l’image du corps enseignant du cycle d’orientation, à l’égard des familles des élèves.

12. Par décision du 31 octobre 2017, la conseillère d’État en charge du DIP a rejeté le recours de Mme A______.

13. Par acte du 4 décembre 2017, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le blâme.

Ses qualités d’enseignante n’avaient pas été relevées. La gifle n’avait été que défensive. Elle contestait avoir « participé à la montée en puissance » du conflit. Elle n’avait fait que son travail, mais n’avait pas été soutenue par sa direction pour imposer aux élèves le respect dû à leurs enseignants. L’élève avait causé des difficultés à un autre enseignant qui s’était plaint auprès du directeur de l’attitude agressive de l’élève. Cette plainte était restée lettre morte.

Le règlement du cycle interdisait le port de la casquette en classe. L’enseignante avait le devoir d’exiger que l’élève l’enlève. Si le rôle de l’enseignante était d’inculquer une certaine image de la façon dont quelqu’un devait se comporter, cette exemplarité n’était pas un motif à l’inaction en cas de menace et de violence tant physiques que verbales. Aucune autre des solutions préconisées par l’intimée (annotation, sanction, fait de lui demander de ne pas sortir et de reprendre ce point une fois les autres élèves sortis de classe, prendre conseil auprès des collègues) n’était envisageable au vu du passif chargé de l’élève. Celui-ci n’avait quasiment jamais effectué les retenues qui lui avaient été infligées.

La recourante n’avait contrevenu à aucun devoir de fonction, ni intentionnellement ni par négligence.

L’autorité intimée avait excédé son pouvoir d’appréciation puisqu’elle reprochait à la recourante d’avoir suivi le règlement en forçant l’élève à enlever sa casquette. Elle avait par ailleurs abusé de son pouvoir d’appréciation en prononçant une sanction qui ne respectait pas le principe de la proportionnalité.

14. Le DIP a conclu au rejet du recours.

15. La recourante a persisté dans ses conclusions dans le cadre de sa réplique.

16. Une audience de comparution personnelle des parties s’est tenue le 31 mai 2018.

Mme A______ a détaillé les faits et a indiqué surtout se rappeler que l’élève était prêt à la frapper. Elle avait eu peur pour sa personne et cru qu’il n’allait pas seulement la taper, mais la « tabasser ».

Le conseil de la recourante a regretté de lui avoir conseillé de ne pas déposer plainte pénale. Seul un avertissement était proportionné.

Le DIP a précisé que le choix de l’avertissement relevait de la direction de l’établissement. Le suivi des sanctions infligées aux élèves, notamment des renvois, dépendait d’un autre service du DIP.

La recourante a souligné l’absence de soutien de la direction de l’établissement au corps enseignant, élément contesté par les représentants du DIP.

17. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L’autorité intimée ayant conclu en audience à l’audition du directeur de l’établissement dans l’hypothèse où la chambre administrative devait admettre le recours, celle-ci ne sera pas ordonnée compte tenu de ce qui suit.

3. Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA) ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA).

Selon l’art. 61 LPA, le pouvoir d’examen de la chambre administrative se limite à la violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA).

Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA). Cette condition n’est pas réalisée en l’espèce.

4. Le litige porte sur le bien-fondé du blâme décidé par la direction générale de l’école obligatoire (ci-après : DGEO) le 5 juillet 2017 et confirmé sur recours par la conseillère d’État le 31 octobre 2017.

5. Dans un premier grief, la recourante se plaint d’une constatation inexacte et incomplète des faits par l’autorité intimée sur trois points.

a. Le premier point, intitulé « rapports de classe », porte sur le chiffre 2 de la décision. Celui-ci indique que certaines évaluations (11 mai 2009, 2 novembre 2010, 15 février 2011) ne font pas l’objet de la présente procédure. La recourante estime les évaluations comme bonnes – ce que conteste le département – et considère qu’elles doivent être retenues en sa faveur.

Dans la décision querellée, le département a indiqué tenir compte « de l’ensemble des éléments du dossier ». Il précise, dans la discussion sur la proportionnalité de la mesure, tenir compte « des aspects positifs [du] dossier, à savoir l’absence d’avertissement ou de sanction antérieure », pour justifier la sanction la plus basse. Dans sa réponse au recours, le DIP indique, sur ce point, qu’il n’est « pas opportun de revenir sur des faits non pertinents ou non propres à former la conviction, comme les premières visites de classes ou entretiens d’évaluation ».

Il ressort dès lors du dossier que le département considère les évaluations précitées comme non pertinentes. Or, les évaluations de la recourante peuvent l’être notamment pour déterminer la quotité de l’éventuelle sanction.

Toutefois, dès lors que même à suivre la recourante et retenir les évaluations comme positives, l’issue du présent recours ne serait pas différente, de sorte que ce point peut demeurer indécis.

b. Dans le deuxième point, la recourante conteste avoir harcelé téléphoniquement les parents d’un second élève.

Le DIP indique dans ses écritures que ce fait, mentionné dans la décision querellée, n’est pas pertinent.

La formulation vague, dans la décision, relative à la prise en compte de « toutes les pièces du dossier » pour déterminer la sanction et sa quotité ne permet pas de savoir si ce fait, évoqué dans la partie « en fait » de la décision, a été retenu, ou non, à l’encontre de la recourante.

Le département considérant ce fait comme non pertinent, il n’en sera pas tenu compte.

c. Le troisième point traite de l’établissement des faits relatifs à l’altercation du 19 janvier 2017 avec l’élève. Trois éléments sont contestés :

1. L’autorité intimée n’aurait pas retenu que la gifle avait été infligée dans un geste de défense.

La qualification de défense est une question de droit et non de fait. Pour le surplus, le fait que la recourante ait ressenti qu’elle était attaquée et ait considéré qu’il s’agissait d’un geste de défense ressort du point 16 de la décision.

2. La décision retient, dans la partie discussion, que « d’autres difficultés relationnelles avaient pu être relevées par le passé avec vos collègues et l’équipe de direction ».

La recourante ne conteste pas l’existence de difficultés relationnelles avec la direction. Elle conteste, partiellement, celles avec des collègues, relevant respectivement que cela ne concernait que de « rares » collègues pour alléguer plus loin que cela ne concerne « qu’une personne ».

S’agissant du grief relatif à l’établissement des faits, les difficultés avec, à tout le moins, un collègue et la direction n’étant pas contestées, le fait est établi.

3. La recourante conteste qu’une faute concomitante lui soit imputée dans la décision, l’élève étant l’initiateur de la situation.

Ce faisant, la recourante critique l’appréciation des faits telle qu’effectuée par l’autorité intimée et non l’établissement de ceux-ci.

d. Le grief de mauvais établissement des faits sera écarté, les faits pertinents étant correctement établis.

6. Dans un second grief, la recourante se plaint de la violation du droit (art. 61 al. 1 let. a de la loi sur l’instruction publique - LIP - C 1 10).

a. Les membres du personnel enseignant doivent observer dans leur attitude la dignité qui correspond aux missions, notamment d’éducation et d’instruction, qui leur incombent (art. 123 al. 1 LIP). Ils sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 123 al. 2 LIP).

Les membres du corps enseignant doivent observer dans leur attitude la dignité qui correspond aux responsabilités leur incombant (art. 20 al. 1 du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles du 12 juin 2002 - RStCE - B 5 10.04). Ils se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 21 al. 1 RStCE).

b. Le cycle d'orientation dispense un enseignement de culture générale et vise à développer l'ouverture d'esprit, la faculté de discernement, l'autonomie, la solidarité, toutes compétences qui contribuent à l'éducation citoyenne. À l'articulation entre l'école primaire et le degré secondaire II, il assure un équilibre dans le développement des différentes aptitudes (intellectuelles, manuelles, physiques et artistiques) des adolescents, qui leur permet de trouver du sens dans leurs apprentissages et leur donne progressivement les éléments de choix pour leur parcours de formation (art. 1 al. 2 du règlement du cycle d'orientation du 9 juin 2010 - RCO - C 1 10.26).

Selon le RCO, le maître est responsable de l'enseignement qui lui est confié. Il doit participer à l'éducation des élèves. Il applique les prescriptions légales et réglementaires. À cette fin, il reçoit des autorités scolaires les moyens nécessaires pour approfondir ses connaissances, notamment dans le cadre de la formation continue (art. 6 al. 1 RCO). Il est, notamment, tenu de se conformer aux instructions pédagogiques et administratives qu'il reçoit de la direction de l'école, ainsi qu'à son cahier des charges (art. 6 al. 3 RCO).

c. Aux termes de l’art. 142 LIP et 56 RStCE qui a la même teneur, les membres du personnel enseignant qui enfreignent leurs devoirs de service ou de fonction, soit intentionnellement, soit par négligence, peuvent faire l’objet des sanctions suivantes dans l’ordre croissant de gravité :

a) prononcé par le supérieur ou la supérieure hiérarchique, en accord avec sa hiérarchie :

1° le blâme ;

b) prononcées par le conseiller d’État chargé du département :

1° la suspension d’augmentation de traitement pendant une durée déterminée,

2° la réduction du traitement à l’intérieur de la classe de fonction ;

c) prononcés par le Conseil d’État à l’encontre d’un membre du personnel enseignant nommé :

1° le transfert dans un autre emploi avec le traitement afférent à la nouvelle fonction, pour autant que le membre du personnel dispose des qualifications professionnelles et personnelles requises pour occuper le nouveau poste,

2° la révocation, notamment en cas de violations incompatibles avec la mission éducative.

d. Le droit disciplinaire se rattache au droit administratif, car la mesure disciplinaire n'a pas en premier lieu pour but d'infliger une peine : elle tend au maintien de l'ordre, à l'exercice correct de l'activité en question et à la préservation de la confiance du public à l'égard des personnes qui l'exercent (ATF 108 Ia 230 consid. 2b).

Il n’a aucunement trait à la protection des intérêts de celui qui serait lésé par l’acte d’un agent public (Pierre MOOR, Droit administratif, vol. III, 1992, n. 5.3.5.2).

e. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence de faute du fonctionnaire (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., Zurich 2016, n. 1515 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, Bâle 2014, n. 2249).

Alors qu’en droit pénal les éléments constitutifs de la faute doivent être expressément indiqués dans la loi, en droit disciplinaire, les agissements pouvant constituer une faute sont d’une telle diversité qu’il est impossible que la législation en donne un état exhaustif (Ursula MARTI/Roswitha PETRY, La jurisprudence en matière disciplinaire rendue par les juridictions administratives genevoises, RDAF 2007 p. 227 ss, p. 235 ; Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse, Revue Jurassienne de Jurisprudence [RJJ], 1998, p. 62 ss).

La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/808/2015 du 11 août 2015 consid. 5e ; ATA/694/2015 du 30 juin 2015). La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 55, p. 14).

Tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu'il est incompatible avec le comportement que l'on est en droit d'attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire peut engendrer une sanction. La loi ne peut pas mentionner toutes les violations possibles des devoirs professionnels ou de fonction. Le législateur est contraint de recourir à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 50, p. 14). Dans la fonction publique, ces normes de comportement sont contenues non seulement dans les lois, mais encore dans les cahiers des charges, les règlements et circulaires internes, les ordres de service ou même les directives verbales. Bien que nécessairement imprécises, les prescriptions disciplinaires déterminantes doivent être suffisamment claires pour que chacun puisse régler sa conduite sur elles, et puisse être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d'un acte déterminé (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 51, p. 14).

f. La légitime défense, selon la lettre de l'art. 15 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), présuppose nécessairement une attaque préalable et illicite, voire l'imminence d'une telle attaque (ATF 118 IV 291 consid. 2). Celui qui cependant provoque une situation d'attaque ne peut se prévaloir de la légitime défense (ATF 104 IV 53 consid. 2a).

g. De jurisprudence constante, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l’intéressé a données en premier lieu, alors qu’il en ignorait les conséquences juridiques (arrêt du tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 ; ATA/95/2016 du 2 février 2016).

7. Selon l’art. A.1.4 du règlement interne du cycle de B______ en vigueur au moment des faits, « la tenue vestimentaire doit être décente et adaptée à la vie scolaire. Les habits portant des inscriptions grossières ou racistes sont interdits. Les casquettes et bonnets doivent être retirés avant l’entrée en classe et les chewing-gums doivent être jetés ».

8. a. En l’espèce, trois documents décrivent les faits qui se sont déroulés le 19 janvier 2017. Ils émanent respectivement de la recourante, sa collègue et d’un doyen, lequel a succinctement résumé ce que lui a dit une élève présente en classe lors de l’incident.

Il résulte de ces trois pièces, notamment des deux témoignages, que l’élève a mis sa casquette en classe après que l’enseignante eut fini son cours. Celle-ci lui a demandé de l’enlever, sans que l’élève n’obéisse. L’enseignante s’est postée sur le seuil de la porte. L’élève l’a bousculée pour sortir. L’enseignante a pris la casquette sur la tête de l’élève, déjà dans le corridor, avant de revenir dans la salle.

La recourante a indiqué « à ce moment, l’élève perd totalement le contrôle : il me prend par le bras et se met à me tutoyer. Voyant qu’il veut s’en prendre à moi (me frapper), je le gifle. Là, il devient incontrôlable ».

b. Conformément au règlement du cycle d’orientation de B______, les casquettes et bonnets doivent être retirés avant l’entrée en classe.

La recourante était en conséquence fondée à exiger que l’élève ne porte pas de casquette en classe.

Ce fait doit toutefois être relativisé en ce sens que l’élève avait enlevé sa casquette en arrivant en classe et ne l’avait pas portée pendant le cours. L’intéressé ne s’est coiffé qu’après la fin du cours, en même temps qu’il mettait sa veste.

De surcroît, l’enseignante a « tenté dans un premier temps d’empêcher l’élève de sortir de la classe, mais celui-ci a forcé le passage ».

Cette attitude n’est pas compatible avec la finalité poursuivie par le règlement qui consiste à interdire que les élèves soient coiffés pendant les heures de cours.

Par cette montée en opposition, où la recourante a voulu faire prévaloir le fait d’obtenir gain de cause, de surcroît immédiatement, au détriment d’une attitude plus pondérée et pédagogique, l’enseignante est sortie de sa mission. En se comportant de cette façon, elle a commis une faute.

Le fait que l’enseignante ait finalement enlevé la casquette de l’élève à l’extérieur de la classe n’a fait qu’aggraver la situation, laquelle a atteint là son paroxysme, le port de la casquette dans les corridors étant, à l’époque, autorisé. La recourante admet d’ailleurs, dans sa déclaration du 19 janvier 2017, que l’élève a perdu le contrôle de lui-même au moment où elle lui a pris sa casquette.

Les événements qui ont suivi, notamment la gifle infligée à l’élève, sont les conséquences de l’attitude de la recourante. Elle n’est dès lors pas fondée à se prévaloir de la légitime défense. Le déroulement rapide des faits n’est pas de nature à modifier ce qui précède.

L’attitude litigieuse est d’autant moins admissible que l’enseignante savait que la problématique du port de la casquette était récurrente tant avec elle-même qu’avec un autre enseignant et que l’élève s’était déjà agrippé physiquement à un enseignant.

En faisant une application trop rigide et contraire à sa finalité du règlement sur le port de la casquette, en contribuant à l’exacerbation de tensions par une attitude disproportionnée au regard de la situation et de l’irrespect manifesté par l’élève à son égard, elle n’a pas observé la dignité qui correspondait aux missions, notamment d’éducation et d’instruction, et aux responsabilités qui lui incombaient (art. 123 LIP et 21 al. 1 RStCE).

Ceci n’excuse toutefois en rien le comportement adopté par l’élève tant avant l’incident, pendant, qu’après. Une prise en charge psychosociale notamment aux fins de l’aider à mieux gérer son impulsivité a été mise en place. Pour le surplus, le choix des sanctions à l’encontre de celui-ci et leur quotité ne font pas l’objet du présent litige.

Le grief de violation du droit est infondé.

9. Dans les trois derniers griefs, la recourante se plaint du fait que la sanction violerait le principe de la proportionnalité et que l’autorité aurait abusé et excédé son pouvoir d’appréciation.

a. Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
(Cst. - RS 101), se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF  125  I  474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).

En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou à l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1255/2015 précité consid. 7c ; ATA/748/2014 du 23 septembre 2014 consid. 7c ATA/452/2013 du 30 juillet 2013 consid. 16 et les références citées).

b. Constitue un excès négatif du pouvoir d’appréciation le fait que l’autorité se considère comme liée, alors que la loi l’autorise à statuer selon son appréciation, ou encore qu’elle renonce d’emblée en tout ou partie à exercer son pouvoir d’appréciation (ATF 137 V 71 consid. 5.1), ou qu’elle applique des solutions trop schématiques, ne tenant pas compte des particularités du cas d’espèce (ATA/327/2018 du 10 avril 2018 consid. 3 ; ATA/146/2018 du 20 février 2018 et les références citées). L’autorité commet un abus de son pouvoir d’appréciation tout en respectant les conditions et les limites légales, si elle ne se fonde pas sur des motifs sérieux et objectifs, se laisse guider par des éléments non pertinents ou étrangers au but des règles ou viole des principes généraux tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATA/189/2018 du 27 février 2018 consid. 3 ; ATA/38/2018 du 16 janvier 2018 consid. 6a et les références citées).

c. En l’espèce, conformément à ce qui précède, la recourante a violé ses devoirs de fonction. En conséquence, le prononcé d’une sanction est conforme à la loi.

La recourante indique que seul un avertissement aurait été susceptible d’entrer en ligne de compte. Référence est faite à la directive relative à l’entretien de service du personnel enseignant entrée en vigueur le 1er mai 2010 (D.RH.00.004 ; version 2.1, du 7 août 2014 ; ci-après : la directive), laquelle précise qu’à l’issue de l’entretien de service, d’autres types de décisions que le prononcé d’une sanction administrative sont envisageables tel que, par exemple, l’avertissement. La directive mentionne toutefois : « Pour rappel, ce n’est pas une sanction », ce que la teneur des art. 142 LIP et 56 RStCE confirme.

En choisissant la sanction la plus légère, l’autorité intimée n’a pas violé le principe de la proportionnalité, ce d’autant moins que le blâme porte, notamment, aussi sur les propos tenus par la recourante le 29 novembre 2016 à l’encontre de l’élève.

Le grief n’est pas fondé.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

10. Vu l’issue du litige, la recourante, qui succombe, s’acquittera d’un émolument de CHF 500.- (art. 87 al. 1 LPA) et ne peut se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 décembre 2017 par Madame A______ contre la décision de la conseillère d’État du 31 octobre 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Junod, avocat de la recourante ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf, MM.  Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :