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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3750/2005

ATA/88/2006 du 14.02.2006 ( JPT ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 06.04.2006, rendu le 27.07.2006, REJETE, 2P.96/2006
En fait
En droit
Par ces motifs

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3750/2005-JPT ATA/88/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 14 février 2006

dans la cause

 

Monsieur X__________
représenté par Me Grégoire Rey, avocat

contre

DPARTEMENT DES INSTITUTIONS


 


1. Le 7 mars 2001, le Conseil d’Etat a ordonné une enquête disciplinaire à l’encontre de Monsieur X__________ (ci-après  : M. X__________ ou le demandeur), anciennement administrateur de la p__________, puis affecté au centre des technologies de l’information (ci-après  : CTI), qui dépendait alors de la Chancellerie d’Etat (ci-après  : la Chancellerie).

Cette enquête disciplinaire a été confiée à un ancien magistrat du Pouvoir judiciaire. Close le 22 avril 2003 par la remise d’un rapport au Conseil d’Etat, elle a conduit au prononcé d’un avertissement par le directeur du développement du CTI, confirmé par décision du Chancelier d’Etat le 27 mai 2004.

2. Le demandeur a également fait l’objet d’une procédure pénale, dont l’instruction préparatoire a été close le 26 février 2003, par une ordonnance de soit-communiqué sans inculpation autre que celle de gestion déloyale des intérêts publics. Le 22 octobre 2004, le Procureur général a classé la procédure pénale et le 27 janvier 2005, la Chambre d’accusation a ordonné le non-lieu au motif qu’il n’y avait pas de prévention suffisante d’infraction aux articles 251 et 314 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.O), disposition en application de laquelle le demandeur avait été inculpé. La Chambre d’accusation a considéré que M. X__________ n’avait pas agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, de telle sorte que les conditions subjectives de l’article 314 CP n’étaient pas réalisées.

3. Le 4 avril 2005, le conseil du demandeur a établi une note de frais et d’honoraires d’un montant total de CHF 62’007,10 pour son activité du 8 juin 2001 au 1er mars 2005. Le 19 du même mois, il l’a fait parvenir au département des institutions (ci-après  : DI ; anciennement  : département de justice, police et sécurité).

4. Le 15 septembre 2005, le DI a refusé de prendre en charge cette note, au motif que les frais occasionnés par une procédure pénale, ne pouvaient, le cas échéant, être pris en charge par l’Etat que si le collaborateur visé avait été mis en cause par un tiers, puis entièrement "blanchi" par la justice. Quant aux frais d’assistance dans le cadre d’une procédure administrative, ils n’étaient remboursés que s’il avait été fait droit à l’ensemble des conclusions de la personne visée. Or, en l’espèce, la procédure s’était terminée par une sanction disciplinaire.

5. Le 20 octobre 2005, M. X__________ a déposé auprès du Tribunal administratif une demande en paiement de CHF 62’007,10 avec intérêts à 5% dès le 2 avril 2001 contre l’Etat. Il conclut en outre à l’allocation d’une indemnité de procédure et à la condamnation du défendeur aux frais.

6. Le 2 décembre 2005, le DI a répondu à la demande et conclut au rejet de celle-ci et à la condamnation du demandeur aux frais de la cause. M. X__________ avait certes déposé une demande comportant des prétentions de nature pécuniaire. Pour que sa demande soit recevable, la prétention qu’elle comportait devait être fondée sur le droit public cantonal. Or, le demandeur raisonnait à partir d’un arrêt publié (SJ 2002 I 427) aux termes duquel le Tribunal administratif avait ordonné le remboursement des frais d’avocat exposés par un magistrat de l’ordre judiciaire. Cette jurisprudence ne pouvait s’appliquer au demandeur. Tout d’abord, celui-ci n’était pas un magistrat, mais un fonctionnaire. Même s’il pouvait faire l’objet de pressions comme un juge, il pouvait compter sur l’appui de sa hiérarchie, ce qui n’est pas le cas des magistrats. De surcroît, la procédure pénale intentée contre le demandeur l’avait été à l’initiative du Pouvoir judiciaire lui-même. Il ne s’agissait donc pas de le protéger des attaques de tiers. Enfin, le demandeur ne pouvait se prévaloir de la loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes du 24 février 1989 (LREC – A 2 40).

7. Le 6 décembre 2005, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

1. Le Tribunal administratif examine d’office et librement la recevabilité du recours ou de la demande (art. 11 al. 2 LPA ; ATA/124/2005 du 8 mars 2005).

2. Cette juridiction est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 56A al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05). Le recours est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives, au sens des articles 4, 5, 6 alinéa 1, lettre c et 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf exception prévue par la loi (art. 56A al. 2 LOJ).

3. Sont considérées comme des décisions au sens de l'article 4 alinéa 1 LPA, les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet soit de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a), soit de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b), soit encore de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c). En revanche, la déclaration par laquelle une autorité rejette ou invoque des prétentions à faire valoir par voie d'action judiciaire, n'est pas considérée comme une décision (art. 4 al. 3 LPA).

4. Aux termes de l'article 56F LOJ, une action pécuniaire devant le Tribunal administratif est ouverte pour les actions relatives à des prétentions de nature pécuniaire fondées sur le droit public cantonal qui ne peuvent pas faire l'objet d'une décision au sens de l'article 56A, alinéa 2 LOJ et qui découlent des rapports entre l'Etat, les communes, les autres corporations et établissements de droit public et leurs agents publics (alinéa 1 let a).

5. a. Sont des prétentions de nature pécuniaire, c'est-à-dire appréciables en argent, celles qui tendent directement à l'octroi de sommes en espèces, notamment au paiement de traitements, d'allocations, d'indemnités ou de prestations d'assurances. Rentrent aussi dans cette catégorie les droits qui sont étroitement liés à un rapport juridique appréciable en argent. Le Tribunal administratif est ainsi compétent pour statuer sur une demande en paiement de la réparation financière des désavantages que le fonctionnaire a subis en raison d'une clause illicite de traitement contenue dans l'acte d'engagement (ATF H. du 29 janvier 1987), ou encore une demande de versement d'une allocation complémentaire de vie chère (ATA/260/1999 du 4 mai 1999 ; ATA T. du 26 novembre 1974).

b. Ne sont, en revanche, pas des prétentions de nature pécuniaire celles qui ont trait à la création, à l'établissement et à la disparition des rapports de service, à l'obtention d'une promotion ou d'un avancement, aux vacances, à la reconnaissance d'un diplôme, à la réintégration dans une classe de fonction antérieure et à l'évaluation ou à la réévaluation d'une fonction, car alors la prétention a en réalité deux objets, l'un pécuniaire et l'autre de nature différente. Comme l'aspect pécuniaire n'est pas susceptible d'être jugé de manière indépendante de l'autre objet pour lequel l'autorité hiérarchique dispose d'un entier pouvoir d'appréciation, personne ne saurait alors exiger d'elle qu'elle accorde une prestation dont l'octroi est laissé à sa discrétion. Dans ces cas, peu importe en définitive que le litige débouche sur l'allocation d'une somme d'argent, celle-ci apparaissant comme secondaire (ATA/630/2001 du 9 octobre 2001).

En l'espèce, les conclusions prises par le demandeur visent à la prise en charge par l’Etat des honoraires de l’avocat qu’il a mandaté pour le défendre dans une procédure pénale ainsi qu’une enquête disciplinaire ouvertes à son encontre. Elles visent au paiement d’une somme d’argent et doivent être considérées comme des prétentions de nature pécuniaire. Pour que l’action pécuniaire soit recevable, il faut encore que la prétention soit fondée sur le droit public cantonal. Il convient dès lors de déterminer si le demandeur est ainsi en droit de réclamer la prise en charge de ces frais.

6. Il convient de distinguer l’éventuelle participation de l’Etat suivant le type de procédure  :

a. Le demandeur a fait l’objet en premier lieu d’une procédure disciplinaire en application des articles 27 et ss de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05). A teneur des articles 16 alinéa 1er et 30 LPAC, un avertissement ou un blâme, sanction prononcée par le chef de service, est susceptible de recours devant le chef du département.

En l’espèce, le demandeur a fait l’objet d’un avertissement qui a été prononcé par le chef de service, puis confirmé par le Chancelier.

La procédure ouverte à l’encontre du demandeur était ainsi justifiée et le fait qu’elle se soit terminée par un prononcé disciplinaire rend impossible la moindre participation de l’Etat à la prise en charge des frais de défense du demandeur.

b. S’agissant de la procédure pénale, celle-ci a été ouverte d’office à l’encontre du demandeur et s’est terminée par une ordonnance de non-lieu prononcée par la Chambre d’accusation. Contrairement aux faits établis dans la cause dont le demandeur se prévaut, ce dernier n’a pas été dénoncé aux autorités pénales par des tiers et n’a pas fait non plus l’objet d’une plainte pénale. L’ordonnance de non-lieu rendue par la Chambre rend les poursuites intentées à son égard injustifiées. Il n’en découle pas nécessairement une obligation de l’Etat de prendre en charge les frais de défense de l’un de ses fonctionnaires, faute d’une base légale expresse en ce sens.

c. Selon la doctrine, l’Etat a une obligation de protection vis-à-vis de son personnel, qui ne doit pas se comprendre comme un simple pendant de l’article 328 de la loi fédérale complétant le code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220), mais plutôt comme celui du devoir de fidélité de l’agent public vis-à-vis de l’Etat. La collectivité doit ainsi protéger la personnalité du fonctionnaire, notamment en garantissant ses prétentions à des vacances, à du temps libre, au paiement de son salaire en cas de maternité, de la maladie et d’accident et en le protégeant contre le harcèlement sexuel. Il doit également le protéger contre des attaques injustifiées (F. LANG, Das Zürcher Personalgesetz vom 27. September 1998 in P. HELBLING et T. POLEDNA, Personalrecht des öffentlichen Dienstes, Bern, 1999, p. 73).

La protection contre des attaques injustifiées ne signifie pas pour autant que la collectivité publique doit pourvoir aux frais de la défense d’un fonctionnaire contre lequel une instruction pénale a été ouverte. Le cas aujourd’hui litigieux n’est en effet pas celui d’un agent public qui se serait vu attaqué injustement par des tiers dans le but d’affaiblir l’action de l’Etat. En l’espèce, les autorités pénales ont agi motu proprio afin d’élucider des faits qui paraissaient au début de l’instruction être constitutifs de gestion déloyale des intérêts publics. Certes, la procédure s’est terminée par un non-lieu. Cette circonstance n’est toutefois pas de nature à fonder une obligation de l’Etat de rembourser les frais d’avocat encourus par le demandeur.

Le droit cantonal ne prévoit pas la possibilité d’une prise en charge par l’Etat des frais de la défense d’un fonctionnaire poursuivi d’office et que ce silence du législateur ne constitue pas une lacune qualifiée, la doctrine ne prévoyant pas non plus une telle obligation.

7. La demande doit donc être déclarée irrecevable. Son auteur, qui succombe, sera condamné aux frais de la procédure arrêtés en l’espèce à CHF 1’000.-.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

déclare irrecevable la demande faite le 20 octobre 2005 par Monsieur X__________ contre le département des institutions  

met à la charge du demandeur un émolument de CHF 1'000.- ;

communique le présent arrêt à Me Grégoire Rey, avocat du demandeur ainsi qu’au département des institutions.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, juges, M. Hottelier, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :